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Full text of "Histoire du XVIe arrondissement de Paris"

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HISTOIRE 


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XVr    ARRONDISSEMENT 


DE    PARIS 


HISTOIRE 


DU 


XVr  ARR0NDISSEMEN1 


DE    PARIS 


PAR 

r^DONIOL 


ANCIEN    CONSEILLER     D'ÉTAT 

IMAPECTECn     GéNÉRAL     DES     PONTS     ET     CHAUSSl^ES     EN     RETRAITE 

MEMBRE  DU  CONSEIL  DE  l'ORDRE    DE  LA  LÉGION  D'HONNEUR 

ET   DE  LA   COMMISSION  MUNICIPALE   DU  VIEUX-PARIS 

PRÉSIDENT  DE  LA  SOCIÉTÉ  HISTORIQUE  D'aL'TEUIL  ET  DE   PASSY 


Cet  ouvrage  est  édité   au  profit  de  l'Union  d'Assistance 

du  XVI«  Arrondissement. 


PARIS 

LIBRAIRIE     HACHETTE     ET    O 

79,    BOULEVARD   SAINT-GERMAIN,    79 

1902 

Droits  de  Iradurlion  et  de  reproduction  réservés. 


'    \ 


^1  - 


INTRODUCTION 


11  s'est  formé  à  Paris,  dans  ces  dernières  années,  plusieurs  sociétés 
d'histoire  locale,  dont  chacune  étudie  le  passé  de  son  quartier  ;  on  s'y 
réunit  pour  s'occuper  ensemble  de  la  conservation  des  monuments  et 
des  souvenirs  de  son  arrondissement,  pour  étudier  les  moyens  d'en 
embellir  l'aspect  et  pour  recueillir  des  détails  sur  la  biographie  de  ceux 
qui  l'ont  illustré.  La  première  en  date  de  ces  sociétés  est  celle  du  Vieux- 
Montmartre  (XVIll®  arrondissement),  qui  a  été  constituée  en  novembre 
1886.  La  seconde  est  la  Société  historique  dWuteuil  et  de  Passy 
(XVI®  arrondissement),  qui  a  été  (1)  fondée  en  1892.  La  Société  de  la 
Montagne-Sainte-Geneviève  et  de  ses  abords  (V®  et  XlIT  arrondisse- 
ments) a  été  autorisée  le  3o  novembre  1896,  et  la  Société  historique  du 
VP  arrondissement^  le  ao  mai  1898.  Des  sociétés  analogues  ont  été 
également  instituées  pour  le  VHP  et  ensuite  pour  le  IV"  arrondissement 
{La  Cité)  :  les  travaux  de  ces  sociétés  fourniront,  sans  doute,  une  contri- 
bution utile  à  l'histoire  de  notre  cher  et  grand  Paris. 

Les  quartiers  du  centre  remontent  à  une  haute  antiquité.  LeXVParron- 
dissement  est  beaucoup  plus  moderne  :  il  se  prête  donc  fort  peu  aux 
recherches  archéologiques  ;  mais  les  membres  de  la  Société  historique 
d'Auteuil  et  de  Passy  y  ont  recueilli  des  souvenirs  fort  intéressants,  parce 
que  cet  arrondissement,  qui  était  autrefois  un  lieu  de  villégiature  pour 
les  Parisiens,  a  été  habité  par  beaucoup  de  poètes,  d'écrivains  et  d'ar- 
tistes. 


(1)  La  Société  hislorique  d'Aiiteuil  et  de  Pnssy  a  son  siège  social  h  la  Maiiie  du 
XV1«  arrondissement;  le  Secrétaire  général  de  cette  Société  dirige  la  publication  du 
Bulletin  trimestriel,  qui  est  adressé  è  chacun  des  membre 


l*S 


2  HISTOIRE   DU   XVl''   ARRONDISSEMEiNT 

Je  dois  témoigner  ma  gratitude  aux  membres  de  cette  Société  dont 
j'ai  utilisé  les  communications.  Les  auteurs  de  plusieurs  articles  qui 
ont  successivement  paru  dans  le  Bulletin  (i)  delà  Société  historique 
d'Auteuil  et  de  Passy  ont  bien  voulu  m'autoriser  à  les  réimprimer 
comme  annexes  de  mon  travail.  Pour  d'autres  articles  de  ce  Bulletin,  où 
Ton  trouvera  des  détails  sur  les  sujets  pour  lesquels  je  n'ai  donné  qu'un 
simple  résumé  sommaire,  j'ai  soin  d'indiquer,  en  note,  le  nom  de  l'auteur, 
ainsi  que  le  volume  et  la  page  du  Bulletin,  afin  qu'on  puisse  s'y  référer. 

Le  moment  m'a  paru  favorable  pour  écrire  une  histoire  des  voies  du 
XVI®  arrondissement  (dont  la  longueur  dépasse  95  kilomètres),  parce 
que  le  percement  des  grandes  rues  et  avenues  qui  en  ont  transformé 
l'aspect  est  assez  récent  pour  qu'on  puisse  être  bien  renseigné  sur  les 
détails  de  leur  exécution.  Des  ingénieurs  (2),  qui  ont  projeté  et  dirigé  ces 
travaux,  ont  eu  l'obligeance  de  me  communiquer  à  ce  sujet  des  indica- 
tions qui  m'ont  été  fort  utiles. 

Enfin,  j'ai  trouvé  beaucoup  de  documents  aux  archives  de  la  Seine  (3), 
où  M.  l'archiviste  Lucien  Lazard,  membre  correspondant  de  la  Société 
historique  d'Auteuil  et  de  Passy,  reçoit  avec  une  grande  affabilité  les 
travailleurs  et  sait  parfaitement  les  guider  dans  leurs  recherches. 

J'ai  divisé  mon  Histoire  du  XVP  arrondissement  en  six  parties  : 

1®  Le  passé  d'Auteuil,  de  Chaillot  et  de  Passy; 

2®  L'histoire  des  quartiers  de  Chaillot,  de  la  Muette  et  de  la  Porte- 
Dauphine  (anciens  territoires  de  Chaillot  et  de  Passy); 

3**  L'histoire  du  quartier  d'Auteuil  ; 

4®  Observations  sur  la  situation  et  l'avenir  du  XVI*^  arrondissement; 

5°  Annexes  reproduisant  divers  articles  insérés  dans  le  Bulletin  de  la 
Société  historique  d'Auteuil  et  de  Passy,  ainsi  que  la  copie  d'actes  con- 
cernant le  XVP  arrondissement  ; 

6"*  Index  alphabétique  des  voies  publiques  et  privées  et  des  principaux 
monuments  et  établissements  du  XVP  arrondissement,  avec  indication 
des  anciens  noms  et  des  principales  dimensions  de  ces  voies;  index 
alphabétique  des  personnes  dont  les  noms  sont  cités  dans  ce  volume  ; 
table  des  illustrations  et  table  des  matières. 

(1)  Le  Bulletin  cité  dans  les  notes  de  cet  ouvrage  est  toujours  le  BuUetin  delà  Société 
historique  d'Auteuil  et  de  Passy. 

{•i)  Je  dois  particulièrement  remercier  M.  l'Inspecteur  général  des  Ponts  et  Chaussées 
BoreuXf  directeur  des  services  techniques  de  la  voie  publique  et  de  l'éclairage  ;  M.  l'In- 
génieur en  chef  Bechmann,  directeur  du  service  technique  des  eaux  et  de  Tassainissement; 
M.  ringénieur  en  chef  Habinet,  qui  a  été  longtemps  chargé  des  services  de  voirie  des 
XV«  et  XVI«  arrondissements,  et  son  successeur,  M.  ringénieur  Bret,  pour  les  renseigne- 
ments qu'ils  ont  bien  voulu  me  donner.  Je  dois  également  remercier  les  membres  de  la 
Société  historiiiue  d'Auteuil  et  de  Passy,  dont  les  intéressantes  recherches  m'ont  docu- 
menté sur  le  passé  et  l'histoire  de  ces  deux  anciennes  communes  suburbaines. 

(3)  On  trouve,  aux  archives  de  la  Seine,  les  délibérations  des  Conseils  municipaux 
d'Auteuil  et  de  Passy. 


INTRODUCTION 


Il  arrive  fréquemment  qu'une  rue  ou  un  personnage  soient  mentionnés 
plusieurs  fois,  tant  dans  mon  texte  que  dans  les  annexes;  en  consultant 
les  index  alphabétiques,  on  verra  les  numéros  de  toutes  les  pages  où 
sont  données  des  indications  sur  ces  rues  ou  ces  personnages  (i). 

Enfin,  on  trouvera  dans  ce  volume  :  i®  un  extrait  du  plan  de  Paris 
dressé  par  Roussel  en  1781  ;  2®  un  plan  d'Auteuil,  Passy  et  Chaillot 
en  1859,  c'est-à-dire  immédiatement  avant  l'annexion;  3^  un  plan  à 
Téchellede  i/5ooo*,  indiquant  toutes  les  voies  existant  en  1901  dans  le 
XVI*  arrondissement,  et  le  tracé  des  lignes  concédées  pour  le  métropo- 
litain de  Paris. 

Comme  j'ai  eu  à  citer  beaucoup  de  dates  et  de  faits,  il  peut  s'être 
glissé  quelques  erreurs  ou  omissions  dans  mes  indications,  et  si  des  lec- 
teurs croient  devoir  proposer  des  modifications  ou  additions,  je  leur 
serai  reconnaissant  de  vouloir  bien  me  les  signaler. 


Paris,  le  4  octobre  igo2. 


A.  DONIOL. 

(Villa  de  la  Tour,  XVI«  arr.). 


(1)  Les  index  alphabéliques  ont  été  établis  de  manière  que  le  lecteur  désirant  se 
renseigner  sur  une  voie  publique,  ou  une  voie  privée,  ou  un  personnage  cité,  puisse 
trouver  les  articles  qui  s'y  rapportent  aussi  facilement  que  dans  un  dictionnaire. 


HISTOIRE  DU  XVr  ARRONDISSEMENT 


Le  passé  d'Auteuil,  de  Chaillot  et  de  Passy. 


Tout  le  XVI*  arrondissement  de  Paris  était  occupé,  pendant  les  pre- 
miers siècles  de  notre  ère,  par  la  vaste  forêt  de  Rouvray  ou  du  Rouveret  (1), 
qui  couvrait  la  boucle  de  la  Seine  et  la  partie  occidentale  de  Paris-rive-droite  ; 
elle  s  étendait  anciennement  jusqu'à  peu  de  distance  de  la  butte  Montmartre 
et,  le  long  de  la  Seine,  jusqu'auprès  du  Pont-Neuf.  Cette  forêt,  dont  le  bois  de 
Boulogne,  le  parc  des  Princes  et  celui  de  Saint-Ouen  constituent  des  restes 
considérablement  modiAés,  est  dénommée  dans  un  édit  du  roi  Louis  XI  du 
10  juillet  1469  :  «  Bois  du  village  de  Boulogne  ». 

Ce  n'est  que  vers  le  vi*  ou  le  vu*  siècle  que  les  habitants  de  Paris  et  ceux 
de  Saint-Cloud  commencèrent  à  défricher  la  rive  droite  de  la  boucle  de  la 
Seine,  abattant  des  arbres  de  la  forêt  de  Rouvray  au  furet  à  mesure  de  Taug- 
mentation  de  la  population  et  mettant  le  sol  en  culture  ;  ils  transformèrent 
ainsi  peu  à  peu  le  coteau  boisé  qui  bordait  le  fleuve  en  champs  cultivés  et  en 
vignes  :  ce  fut  l'origine  du  village  de  Nigeon  (en  latin  :  Nimio)  ;  il  appartenait 
au  commencement  du  vn""  siècle  à  Bertram,  évêque  du  Mans,  qui  le  possédait 
tant  par  une  donation  du  roi  Clotaire  II  que  par  suite  de  diverses  acquisi- 
tions. Ce  prélat,  qui  mourut  en  623,  légua  par  testament  le  village  de  Nigeon 
à  révêque  de  Paris,  qui  était  alors  un  des  sufiragants  de  l'archevêque  de  Sens. 

Le  centre  de  cet  antique  village  se  trouvait  aux  alentours  du  Trocadéro. 
Les  habitants  de  Nigeon  (2)  se  répandirent  peu  à  peu  des  deux  côtés  de  la  col- 
line de  Passy  :  les  uns  se  dirigèrent  vers  l'occident  et  y  bâtirent  Auteuil  (3)  ; 

11)  Voir  rarticle  sur  la  forêt  de  Rouvray,  par  M.  Gaston  Duchesne,  p.  170  du  II"  volume, 
et  p.  8  du  III*  volume  du  Bulletin  de  la  Société  historique  (f  Auteuil  et  de  Passy. 

{vt^  Voir  les  indications  données  sur  le  village  de  Nigeon  dans  Tarticle  de  M.  le  D'  Faul 
Raymond,  intitulé  :  «  De  Timportance  des  fouilles  sur  le  sol  de  Passy  »,  p.  9i  du 
I*'  volume  du  Bulletin. 

(3)  Auteuil  fut  nommé  d'abord  :  «  Authueîl  »,  et  en  latin  :  <«  Altarium  ».  —  Pour  Tély- 
raologic  du  nom  d'Autcuil,  voir  la  communication  sur  «  les  divers  Auteuil  »,  p.  6  du 
1"  volume  du  Bulletin  ; -^  et  aux  annexes  (p.  a33],  Tarticle  de  M.  Taban^s  de  Grandsaignes, 
intitulé  ;  «  Deux  cents  ans  de  querelles  sur  un  nom.  » 


6  HISTOIRE    DU    XVI'   ARROxNOISSEMENT 

les  autres  s'établirent  plus  près  de  Paris  et  créèrent  ainsi  le  village  de  Chail, 
qui  est  devenu  Chaillot  et  fut  réuni  au  domaine  du  roi  (i). 

Le  premier  document  qui  parie  de  Téglise  de  Chaillot  est  une  bulle  du 
pape  Urbain  II,  de  l'an  1007,  où  elle  est  dénommée  «  ecclesia  CoUoïo  »  (2).  11 
résulte  de  cette  bulle  que  l'église  de  Chaillot  était  sous  la  dépendance  du 
prieur  de  Saint-Martin-des-Champs,  à  qui  la  nomination  du  curé  de  Chaillot 
appartint  jusqu'à  la  Révolution.  Des  documents  postérieurs  désignent  Chaillot 
sous  le  nom  de  «  (^hailloel  »  (3). 

Les  chanoines  de  Sainte-Geneviève  devinrent  propriétaires,  en  1110,  de 
tous  les  biens  possédés  alors  à  Auteuil,  soit  comme  fiefs,  soit  de  quelque 
autre  manière,  par  les  religieux  de  l'abbaye  du  Bec,  près  de  Rouen,  qui  reçu- 
rent, en  échange,  plusieurs  domaines  à  Vernon  (4).  L'acte  d'échange,  qui  com- 
porte la  cession  des  serfs  et  des  serves^  cens,  vignes  et  terres  arables,  avec 
les  droits  de  justice  et  toutes  les  prestations,  a  été  conclu  sous  le  règne  et 
avec  la  confirmation  de  Louis  VI,  roi  des  Français,  et  de  Henri  I*',  roi  des 
Anglais  et  duc  de  Normandie.  C'est  à  la  suite  de  cet  acte  que  les  abbés  de 
Sainte-Geneviève  sont  devenus  les  seigneurs  d'Auteuil  et  y  ont  exercé,  pen- 
dant plus  de  six  siècles,  les  droits  de  haute,  moyenne  et  basse  justice.  Ils 
avaient  les  prérogatives  d'un  évéque  et  ne  dépendaient  que  du  Saint-Siège  : 
toutefois,  l'abbé  était  tenu,  lors  de  sa  nomination,  de  prêter  serment  au  roi 
pour  le  temporel. 

C'est  en  1192  qu'Auteuil  fut  érigé  en  paroisse  par  Maurice  de  Sully,  évéque 
de  Paris  (5)  et  fondateur  de  la  cathédrale  de  Notre-Dame;  Boulogne  et  Passy 
dépendaient  alors  d'Auteuil;  le  territoire  du  XVI**  arrondissement  ne  com- 
prenait donc,  au  xiii''  siècle,  que  deux  paroivsses  :  celle  de  Chaillot,  qui  était 
la  plus  ancienne,  et  celle  d'Auteuil. 

L'abbesse  de  Montmartre,  Jeanne  de  Repentie,  ayant  donné  cinq  arpents 
de  terre  pour  la  construction  d'une  église  aux  Menuls  ou  Muns  (village  qui 
avait  alors  cinquante  feux  et  est  devenu  Boulogne-sur-Seine),  la  première 
pierre  de  cet  édifice  fut  posée  en  1319  par  le  roi  Philippe-le-Long.  La  sépara- 
tion juridique  de  la  paroisse  de  Boulogne  de  celle  d'Auteuil  fut  prononcée 
en  juillet  1330  par  Hugues  de  Besançon,  évéque  de  Paris  (6),  qui  détacha 
d'Auteuil  tout  le  territoire  situé  au  sud-ouest  du  bois  de  Boulogne  actuel. 

(i)  Plusieurs  auteurs  ont  prétendu  que  le  mot  de  Chaillot  signiflait  «  abatUs  de  bois 
ou  défrichement  de  bois  ».  Il  parait  probable  qu'il  est  simplement  un  diminutif  du  mot 
Chail,  ou  Chai,  qui  veut  dire,  en  langue  celtique,  forêt  ou  bois,  le  village  ayant  été  fondé 
par  ceux  qui  défrichèrent  progressivement  cette  partie  de  la  forêt  de  Rouvray.  —  Voir 
aux  annexes  (p.  233)  une  coutume  de  Tancien  village  de  Chaillot,  mentionnée  dans  le  dic- 
tionnaire administratif  et  historique  des  rues  de  Paris,  par  F.  Lazard.  Beaucoup  d'indi- 
cations ont  été  empruntées  à  M.  F.  Lazard. 

(2)  La  bulle  dit  que  cette  église  est  sise  à  «  CoUoellum  ». 

(3J  Ou  u  Challoel  ».  —  En  1393,  le  duc  d'Orléans  expédiait  des  lettres  à  Challuyau-lès- 
Paris. 

(4)  Voir  aux  annexes  Tarlicle  de  M.  Antoine  Guillois,  intitulé  :  «  La  vieille  église  d*Au- 
teuil  »  et  renfermant  des  détails  sur  Tinstallation  des  Génovéfains  à  Auteuil  (p.  237)  ;  — 
la  liste  de  curés  et  de  seigneurs,  ainsi  que  (p.  244)  l'article  intitulé  :  «  Les  abbés  de  Sainte- 
Geneviève,  seigneurs  d'Auteuil  »,  par  M.  Léopold  Mar;  —  (p.  252)  Tarticle  de  M.  Tabanès 
de  Grandsaignes  sur  la  charte  primordiale  d'Auteuil. 

(5)  Voir  à  la  Bibliothèque  de  la  Ville  de  Paris,  rue  Sévigné,  l'histoire  de  la  ville  et  du 
diocèse  de  Paris,  par  l'abbé  Lebœuf  (édition  Cocheris,  t.  IV,  p.  69).  —  L'église  d'Auteuil 
est  la  plus  ancienne  de  ceUes  qui  ont  été  fondées  par  la  collégiale  de  Saint-Germain- 
l'Auxerrois  et  qu'elle  appelait  ses  lilles. 

(6)  Voir   l'ouvrage  de  l'abbé  Lebœuf,  rectifications  et  additions  de   Fernand   Bournon 


LE   PASSÉ   DAirrEUII.,    DE   CIIAILLOT   ET   DE   PAHSV  7 

L'existeDce  du  village  des  Meouls  en  1119  est  signalée  dans  la  chronique  de 
Saint-DeDis. 

Dès  le  sur  siècle,  les  ducs  de  Bretagne  possédaient  un  domaine  situé  entre 
Chaillot  et  Passy  et  appelé  «  le  manoir  de  Nigeon  »  ;  (iuy  de  Bretagne,  duc 
de  Penthiêvre,  y  mourut  en  l'iil .  C'est  ce  domaine  que  la  reine  Anne  de  Bre- 
tagne (1)  donna,  en  lt93,  aux  religieux  minimes,  dont  l'ordre  lut  fondé  en 
Italie  par  François-de-Paul e.  Appelé  en  France  par  Louis  XI,  il  y  amena  son 
petil-neveu  André  d'Alesso,  premier  prolecteur  en  France  de  cet  ordre. 
Louis  XI  appelait  toujours  François-de-I'aule  bonhomme  :  de  là  vint  le  nom  de 


ivpiil  Ues  Bonshonimi'i". 

(Archives  <1«  la  Socitlt.) 

Bonshommen,  donné  depuis  aux  Minimes,  ainsi  qu'à  leur  couvent  (2).  En  1496, 
la  reine  Anne  fit,  en  outre,  don  à  ces  religieux  d'un  second  hôtel  qui  était 
coDtigu  au  premier  et  qu'elle  avait  achetée  Jean  de  Cerisi,  bailli  de  Montfort- 
l'Amaury,  avecla  chapelle  voisine,  dédiée  à  Notre  Dame  de  toutes  les  grâces: 
cette  construction  se  Irouvait  sur  les  terrains  des  rues  Le  Nôtre  et  Chardin. 
Le  couvent  des  Bonshommes  (3j  occupait  l'emplacement  compris  entre  la  rue 
Beethoven,  la  rue  Le  Nôtre  et  le  boulevard  Delessert ;  ses  dépendances  étaient 
fort  étendues.  Il  fut  supprimé  en  1790,  et  la  chapelle  lut  détruite  en  1792. 


:série  i  :  —  8*.  —  n°  7;  ;  et  vuir  aux  anneies  |p.  igO;,  l'article  dp  M.  Henri  Je  Foires  de 
Monla^nac  sur  le  démemliremcnl  île  ta  jiaroisHe  d'Authueil. 

1 1  )  Voir  pp.  iRo  à  184,  du  I"  volume,  l'article  de  M.  Léopold  Mar  inlituli!  :  «  Sur  Chaillot  »  ; 
p.  58  du  \"  volume,  une  noie  du  menio  auteur  intitulée  :  h  Une  statue  miraculeuse  de  la 
Vierge  à  Passy;  pp.  3a5à3o7du  III"  volume,  les  articles  du  même  auteur  intitulés  :  u  Le  cou- 
vent dfs  Bonshommes  en  1770  »  et  "  Une  épave  du  couvent  des  Bonshommes  ». 

12;  Ilétaitdésignè, pendant  lerëgDcde  François  1<', sous  le  nom  de  «  CouvenldeNigcon", 
<3)  Pour  l'apothicaircrie  du   eouvont  des  Bonshommes,  voir,  à  la  page  ïi6  du  second 
volume,  l'article  de  H.  Léopuld  Mar,  intitulé  :  »  Passy  sans  pharmaciens  •-. 


ISTOIR^    1»L    XVI"   ARllONDISSËMKNT 


C'est  de  Cliaillot  qu'Henri  IV  dirigea  le  siège  de  Paris.  Parmi  les  sei- 
gneurs de  l'.hâillot  (1  ),  les  plus  célèbres  sont  l'bistorien  Philippe  de  Commines, 
qui  eut,  de  I  \1\  au  lii  août  1509  (date  de  sa  mort),  cette  seigneurie,  dont  Louis  XI 
lui  avait  fait  don,  et  Krancois,  baron  de  lîassora pierre,  maréciial  de  France,  qui 


fut  seigneur  de  <:haitlot  depuis  le  I^janvierlti30  jusqu'à  sa  mort  en  l&iti.  Bas- 
sompierre  servit  en  1()03  dans  l'armée  impériale  contre  les  Turcs;  il  devint 
colonel  général  et  grand  maître  de  l'artillerie  en  1617,  maréchal  de  Prance  en 
^G2.^i,  ambassadeur  de  France  en  Espagne  et  en  Suisse.  Il  avait  été  compagnon 
de  soupers  et  de  galanterie  avec  Henri  IV,  était  brave,  spirituel,  excellent 
général  et  ardent  au  plaisir.  Ayant  été  accusé  de  comploter  contre  le  cardinal 
de  rticbelieu.  il  fut  enfermé,  le  25  février  1631,  à  la  Itastille,  où  il  resta  jus- 


nAUTEtlL,    DE   CIIAIIXOT    ET   T 


qu'en  1643. 11  raconte,  dans  ses  mémoires,  l'usage  (|u'il  lit  de  son  château  de 
ChaiUot,  pendant  cette  lougue  captivité  :  suivant  les  hahitiides  d'hospitalité 


^  : 


B      s 


des  grands  seigneurs  de  celte  époque,  il  le  prêta  d'abord  à  sa  belle  sœur  et 
ensuite  ù  la  duchesse  de  Nemours.  Un  jour  que  le  cardinal  revenait  de 


lu  IIISTOIDG   UU   XVI'  ARRONDISSEMENT 

Charonoe  et  passait  près  de  la  Bastille,  il  envoya  demander  au  prisonnier  de 
lui  prêter  le  château  de  Chaillot.  où  il  avait  déjà  logé  eu  lB:ii)  pendant  que  le 
roi  (t)  habitait  le  château  de  Madrid.  Sur  la  demande  de  Hassompierre,  la 
duchesse  de  Nemours  se  hâta  de  quitter  le  chAleau  de  Chaillot,  où  le  cardinal 
demeura  pendant  plus  de  six  semaines.  Nest-il  pas  singulier  quil  ait  ainsi 


(Collei'lion  de  M.  Em.  l'ulin.) 

demandé  à  son  prisonnîerde  lui  céder  sa  maison  de  plaisance?  L'an  née  d'après, 
le  château  de  Chaillot  fut  occupé  parle  chancelier  Séguîer  (2).  Bassompierre 
fut  rendu  à  la  liberté  te  jour  môme  des  funérailles  du  grand  minisire;  il  disait 
à  cette  occasion  :  «  Je  suis  entré  à  la  Bastille  pour  le  service  de  Monsieur  le 
Cardinal  ;  j'en  sors  également  pour  son  service,  » 

(i)  Ces  fjiilB  HOiil  rolali's  ilnns  im  ouvrage  iiitltiilù  :  »  Le  paliiis  du  Trocadi^ro  n,  cl 
imprimé  en  1878  |iar  i'i^ililcur  Mnrcl  et  CM.  i3.  riif  ltr)n;i|>arle. 

{7.}  Voir  aux  annexes  (p.253j  liirlicle  .ie  H.  Léopold  Mar  sur  E'hili|.[.e  de  Coiiimincs  elle 
maréchal  de  BassonipiciTe. 


LE    PASSÉ   d'aUTEUIL,    DE    CHAILLOT   ET    DE    PASSY  11 

Le  maréchal  de  Bassompierre  (1579-1646)  fut  le  dernier  seigneur  laïque 
de  Chaillot  ;  après  lui,  ce  furent  les  dames  du  monastère  de  la  Visitation  qui 
détinrent  la  seigneurie  et  ses  droits  jusqu'à  la  Révolution. 

Sous  Louis  XIV,  un  arrêt  du  conseil  du  roi,  de  juillet  1659,  érigea  Chaillot 
en  faubourg  de  Paris,  sous  le  nom  de  «  faubourg  de  la  Conférence  »  (1).  Cette 
faveur  fut  accordée  à  Chaillot  dans  le  but  d'y  augmenter  le  produit  des  im- 
pôts, par  suite  du  changement  des  tailles  en  droits  d'entrée  :  toutefois,  les 
règlements  de  la  ville  de  Paris  n'étaient  pas  tous  applicables  à  Chaillot. 

En  1784,  les  fermiers  généraux  obtinrent  de  Calonne,  ministre  de  Louis  XVI, 
Tautorisation  de  construire  un  mur  d'enceinte  (2)  autour  de  Paris,  afin  d'em- 
pêcher la  contrebande  et  de  mieux  assurer  la  perception  des  droits  d'octroi. 
La  plus  grande  partie  de  Chaillot  fut  comprise  dans  cette  enceinte  et  dépendit, 
en  conséquence,  du  I*"^  arrondissement  (aujourd'hui  le  VIII');  le  surplus  de 
Chaillot  (c'est-à-dire  la  partie  située  au  delà  du  mur  d'enceinte  et  bordée  par 
des  boulevards  extérieurs)  fut  réuni  à  la  commune  de  Passy  (3). 

Le  château  seigneurial  de  Chaillot  était  un  édifice  commencé  en  1576  par 
la  reine  Catherine  de  Médicis.  Henri  IV  et  Marie  de  Médicis  ayant  renonce  à 
la  succession  de  Catherine,  la  liquidation  fut  très  longue.  Le  président  Janin 
et  Bassompierre  agrandirent  le  château,  qui  était  construit  à  mi-côte,  avec 
pavillon  central. 

Bassompierre  étant  mort  en  16i6  sans  héritiers  directs,  le  domaine  passa 
dans  les  mains  du  comte  Tillière,  fut  vendu  ensuite  par  autorité  royale  et 
acheté  en  1651  par  Henriette-Marie  de  France,  flUe  de  Henri  IV,  et  veuve  de 
Charles  I*%  roi  d'Angleterre,  décapité  en  1649  ;  cette  princesse  y  établit,  en 
1652,  le  couvent  des  dames  delà  Visitation-Sainte-Marie.  L'architecte  Man- 
sard  accola  au  château  un  portique  formant  cloître  et  construisit  une  chapelle, 
dans  laquelle  Bossuet  prononça,  le  16  novembre  1669,  l'oraison  funèbre  d'Hen- 
riette de  France,  qui  avait  été  si  malheureuse,  bien  qu'elle  fût  fille,  femme 
et  mère  de  rois. 

Le  monastère  royal  de  la  Visitation  est  surtout  célèbre  (4)  par  les  deux 
retraites  qu'y  fit  Mlle  de  la  Vallière,  la  première  en  1671,  et  la  seconde  trois 
ans  après,  cédant  la  place  à  Mme  de  Montespan  ;  elle  quitta  la  Visitation,  en 
avril  1674,  pour  entrer  aux  Carmélites  du  faubourg  Saint-Jacques,  sous  le 
nom  de  sœur  Louise  de  la  Miséricorde. 

On  peut  citer,  parmi  les  pensionnaires  du  très  aristocratique  couvent  de 
la  Visitation,  la  fille  du  duc  de  Mortemart,  gouverneur  de  Paris,  sœur  aînée 
de  Mme  de  Montespan;  la  fille  du  duc  de  Lorges;  Marie  Mancini,  nièce  du 
cardinal  Mazarin,  qui  avait  eu  l'ambition  d'épouser  Louis  XIV  ;  la  fille  de 
M.  de  Harlay,  premier  président  du  Parlement  de  Paris.  M""  de  Motteville, 
auteur  de  mémoires  sur  Anne  d'Autriche  et  la  Fronde,  morte  en  1689,  eut 
dans  ses  dernières  années  un  pied-à-terre  au  couvent  de  la  Visitation.  Marie 


(1)  Ce  nom  provcnail  des  conférences  tenueR  à  Tile  des  Faisans  pour  faire  la  paix  avec 
l'Espagne  et  le  projet  de  mariage  de  Louis  XIV. 

(2)  On  disait  à  cette  occasion  :  le  mur  murant  Paris  rend  Paris  murmurant. 

(3)  Voir  aux  annexes  (p.  256)  l'article  de  M.  Antoine  Guillois,  intitulé  :  «  Paris  depuis 
ses  origines  Jusqu'à  nos  jours  ». 

(4)  Voir  aux  annexes  (p.  260)  Tarticle  de  M.  Léopold  Mar  sur  le  monastère  royal  de  la 
Visitation  de  Chaillot;  et  l'article  (p.  267)  de  M.  Edmond  Wahl  intitulé  :»  Souvenirs  anglais 
sur  Chaillot  et  le  bois  de  Boulogne  », 


l2  iiisTOiiti^  r>r  XVI'   ARiinMii>isidMi:NT 


d'Esté,  seconde  femme  de  Jacques  II,  roi  d'Angleterre,  s'y  relira  souvent,  de 
imHk  171K. 

Les  bâtiments  de  la  Visilalion  furent  considérablement  augmentés  en  ITOl, 
La  nouvelle  chapelle  de  ce  monastère,  inaugurée  le  3!)  janvier  ITOfi,  se  trou- 


vait sur  l'emplacement  RCtuellement  occupe  par  le  bassin  du  jardin  du  Troca- 
déro;  en  le  construisant,  on  a  trouvé  beaucoup  d  ossements  féminins,  parce 
que  le  cimetière  oi'i  on  enterrait  les  visitandines  était  situé  autour  de  cette 
chapelle. 

Quelques  mois  avant  le  It  juillet  171N),  le  couvent  de  la  Visitation  futsup- 
primé  et  les  religieuses  dispersées.  Pendant  la  Terreur,  les  tombes  niyales 
furent  violées  et  les  œuvres  d'art  enlevées.  Les  bâtiments  du  monastère  fu- 


LE    PASSÉ    d'aUTEUIL.    DE    CHAILLOT    ET    DE    PASSY  l3 

l'élit  employés  à  divers  usages  pour  le  service  de  la  natioa  et  ils  ne  furent 
entièrement  démolis  que  sous  Napoléon  !•'%  pour  donner  place  à  la  construc- 
tion, alors  projetée,  du  palais  du  roi  de  Rome. 

L'emplacement  compris  entre  le  monastère  royal  de  laVisitationet  le  Cours- 
la-Reine  était  occupé  par  l'immense  prairie  de  la  Savonnerie,  qui  lut,  sous 
Louis  XIV,  transformée  en  une  pépinière  dont  les  sujets  allaient  peupler  les 
parcs  royaux, ainsi  que  les  promenades  publiques;  c'est  sur  cette  prairie  doma- 
niale qu'Henri  IV  avait  fait  établir,  vers  1605,  la  manufacture  royale  de  la 
Savonnerie  (ij,  pour  y  fabriquer  des  lapis  dans  le  genre  de  ceux  du  Levant. 
Elle  avait  son  entrée  au  n"  25  du  quai  de  ('haillot  et  se  trouvait  sur  l'empla- 
cement qu'occupe  actuellement  la  Manutention  militaire.  On  y  conduisait 
fréquemment  Louis  XllI,  dans  son  enfance  (2). 

La  reine  Marie  de  Médicis  avait  établi  à  la  Savonnerie  un  hôpital  d'orphe- 
lins qui  y  étaient  «  alimentez,  entretenus  et  instruitz  »  et  employés  au  tissage 
de  la  toile. 

Dans  le  Journal  de  voyages  de  deux  jeunes  Hollandais  à  Paris  en  1656-1658 
(H.  Champion,  1900),  il  est  dit  que  ces  deux  jeunes  gens,  nommés  MM.  de 
Villiers,  visitèrent  un  atelier  de  tapisserie  dont  le  «  maistre  »  Dupont  leur 
montra  des  portraits  qu'ils  prirent  «  de  prime  abord  pour  des  tableaux  de 
véritable  peinture  »,  mais  qu'en  s'approchant,  ils  reconnurent  faits  «  de 
laine  ».  Ils  ajoutent  : 

«  Le  père  de  cet  excellent  ouvrier  en  apporta  le  secret  de  Perse,  où  il  avait 
passé  quelques  années,  et  ce  fut  luy  qui  en  establit  la  facture  de  la  Savon- 
nerie, où  quantité  de  petits  enfants  sont  entretenus  avec  un  insigne  advan- 
tage  du  public,  parce  qu'outre  qu'on  les  empêche  de  gueuser,  on  fait  fleurir 
un  art  qui  n'est  guère  connu  en  Europe  qu'en  cet  endroit.  » 

La  Savonnerie,  qui  a  été  manufacture  royale  avant  celle  des  Gobelins,  fut 
réorganisée  par  Colbert  en  1663  et  reconstituée  par  le  duc  d'Antin  en  1713  ; 
elle  acquit  une  réputation  européenne  par  la  perfection  de  ses  ouvrages  et  on 
y  a  encore  exécuté,  sous  le  premier  tlrapire,  de  très  belles  tapisseries.  Elle  a 
quitté  Chaillot  en  1825,  époque  à  laquelle  elle  a  été  réunie  à  la  manufacture 
des  Gobelins. 

Le  monastère  royal  de  la  Visitation  et  ses  dépendances  s'étendaient  entre 
le  quai  de  la  Seine  et  la  barrière  Sainte-Marie  (place  du  Trocadéro).  Il  était 
borné  d'un  côté  par  le  couvent  des  Minimes,  ou  Bonshommes,  de  Tautre 
côté  par  la  ruelle  d'Hérivault,  correspondant  à  la  partie  basse  de  la  rue  de 
Magdebourg,  qui  le  faisait  communiquer  avec  le  quai,  et  par  la  ruelle  Sainte- 
Marie,  aboutissant  à  la  rue  des  Batailles  (aujourd'hui  avenue  d'iéna).  Le  mur 
d'enceinte  de  Paris  séparait  les  dépendances  du  couvent  de  la  Visitation  de 
celles  du  couvent  des  Bonshommes  ;  ces  dernières  s'étendaient  sur  environ 
le  tiers  des  jardins  du  Trocadéro;  le  reste  de  l'emplacement  occupé  actuelle- 
ment par  ce  jardin  était  compris  dans  l'enceinte  du  monastère  de  la  Visita- 

fi)  Voir  aux  annexes  (p.  278)  l'article  de  M.  le  coin  le  Fernand  de  l'Eglise,  sur  la  manu- 
facture des  tapis  de  la  Savonnerie,  ainsi  que  l'arlicle  de  M.  Antoine  Guillois  intitulé  :  «  Paris 
depuis  ses  origines  jus<iu7i  nos  jours  ».  Voir  également,  dans  le  3"^"  volume  du  Bulletin, 
l'article  de  M.  Henri  Maïstre,  intitulé  :  «  (îhaillot  et  le  bois  de  Boulogne  en  1660  »'^ 
pp.  277  et  278;  ainsi  que  l'article,  du  même  auteur,  intitulé  :  «  Les  manufactures  de 
Chaillot  en  l'an  IX  »  {pp.  279  et  280). 

(2)  Voir  aux  annexes  (p.  277)  l'article  de  M.  Léopold  Mar,  intitulé  :  «  Louis  XIII  au 
XVI«  arrondittsement.  >• 


H  HISTOIRE   DL'    X\f  ABBONDlt-SEMENT 

tion,  dont  les  dépendances  renfermaient  tout  l'espace  compris  entre  le  quai 
de  la  Seine,  la  rue  de  la  Montagne  (aujourd'hui  rue  Beethoven)  et  la  rue 
Vineuse.  Sur  le  territoire  d'Auteui),  les  terrains  compris  entre  la  route  de 
Versailles  (longeant  la  Seine)  et  les  hauteurs  étaient  occupés  par  quelques 


r  N.  de  Fer,  (^âottrnphc  de  Sn  Majcsli-  catliolique. 
Avec.  |irivilj^gu  du  Roj*.  —  1717. 
(Colleclion  de  M.  Ém.  Polin.) 

vignes  et  par  les  dépendances  de  la  maison  seigneuriale  des  abbés  de  Sainte- 
Geneviève. 

Ou  voit  qu'aux  xvir  et  xviii"  siècles,  les  rives  de  la  Seine  entre  le  Cours-la- 
Reine  et  le  Point-du-Jour,  où  se  trouvent  actuellement  des  quartiers 
élégants,  appartenaient,  dans  presque  toute  leur  étendue,  à  quatre  établis- 
sements :  la  Savonnerie,  le  monastère  de  la  Visitation,  le  couvent  des  Bons- 
hommes et  l'abbaye  de  Sainte-Geneviève. 


LE  PASSÉ  D  AUTEUIL,  DE  CHAILLOT  ET  DE  PASSY  l5 

Le  village  de  Passy  (1),  qui  est  mentionné,  pour  la  première  fois,  dans  une 
charte  de  mai  1250,  et  fut  érigé  en  seigneurie  au  xv'  siècle,  n'a  été,  pendant 
plus  de  cinq  cents  ans,  qu'un  hameau  dépendant  de  la  paroisse  d'Auteuil  et 
hahité  par  quelques  vignerons  et  cultivateurs.  Au  xvn'^  siècle,  comme  on  ne 
pouvait  se  rendre  de  Passy  à  l'église  d'Auteuil  qu'en  faisant  un  long  trajet  par 
de  mauvais  chemins,  Claude  Chahu,  seigneur  de  Passy,  fit  ériger,  en  1666,  une 
chapelle  (2),  sous  le  vocable  de  Notre-Dame-de-Grâce,  qui  est  devenue  l'église 
de  Passy;  cette  succursale  était  desservie  par  la  congrégation  de  Saint-Paul, 
dite  des  Barnabites.  Grâce  aux  dons  et  à  la  persistance  de  Mme  Christine  de 
Heurles,  veuve  de  Claude  Chahu,  le  village  de  Passy  fut  érigé  en  paroisse  par 
lettres-patentes  de  Louis  XIV,  en  date  du  16  mai  1672. 

L'église  Notre-Dame-de-Gràce  de  Passy  fut  desservie  par  trois  religieux 
barnabites  de  1672  à  1736  ;  par  quatre,  de  1736  jusqu'à  la  Terreur,  et,  depuis, 
par  des  prêtres  du  clergé  séculier.  La  liste  chronologique  des  curés  de  Passy, 
par  M.  Léopold  Mar,  se  trouve  ci-après  aux  annexes  (p.  248). 

Dès  le  milieu  du  xvn^  siècle^  les  médecins  conseillèrent  aux  Parisiens  de 
séjourner  pendant  Tété  à  Passy,  pour  y  prendre  les  eaux  minérales  (3),  qui 
faisaient  alors  concurrence  à  celles  de  Forges  ;  elles  ont  dû,  avec  la  salubrité 
de  l'air  (4)  et  le  voisinage  du  bois  de  Boulogne,  déterminer  beaucoup  de 
citadins  à  venir,  pendant  la  belle  saison,  à  Passy,  où  l'établissement  thermal 
était  situé  entre  la  rue  Raynouard  et  le  quai  de  la  Seine,  sur  des  terrains  qui 
avaient  été  primitivement  cultivés  en  vignes  et  où  se  trouvaient  plusieurs 
sources,  ce  qui  avait  fait  donner  à  ce  lieu,  en  latin,  le  nom  de  Fonlanitum,  C'est 
vers  1657  que  la  Faculté  de  médecine  commença  à  s'occuper  de  la  vertu  cura- 
tive  de  ces  eaux  ;  elles  tombèrent  en  discrédit  dans  les  dernières  année 
du  xvn*  siècle  ;  mais,  vers  1720,  Tabbé  Le  Ragois  les  remit  à  la  mode;  on  y 
établit  des  jardins  et  des  salons  qui  étaient  fréquentés  par  des  personnes  de 
toute  condition  et  firent  de  ces  eaux  un  lieu  de  plaisir.  Elles  furent  l'objet 
de  rapports  favorables  à  l'Académie  des  sciences  en  1670  et  1671  ;  les  méde- 
cins déclaraient  qu'elles  étaient  ferrugineuses,  suif ureuses  et  balsamiques  et 

(i)  Pour  rélymologic attribuée  au  nom  de  Passy,  voir  aux  annexes  {p.  279)  un  extrait  des 
documents  déposés  en  1892  par  M.  Antoine  GuiUois  sur  le  bureau  de  la  Société  historique 
d'Auteuil  et  de  Passy,  l\  résulte  d'un  article  de  M.  Tabariès  de  Grandsaignes,  p.  164  du 
IV*  tome  du  Bulletin,  que  Passy  est  désigné  en  latin,  sur  d'anciens  actes,  par  le  mot 
Paêsiamim  et  que  cette  désinence  en  acuni  était  généralement  ajoutée,  à  l'époque  gallo- 
romaine  et  dans  les  premiers  siècles  du  moyen  âge,  au  nom  du  propriétaire  pour  dési- 
gner un  domaine  rural;  telle  est  Torigine  des  noms  de  lieu  terminés  en  ac  dans  le  midi 
de  la  France  (langue  d*oc)  et  en  y  dans  les  pays  de  langue  d'oïl. 

(2)  Voir  aux  annexes  (p.  280)  l'article  de  M.  Léopold  Mar  sur  la  fondation  de  la  paroisse 
de  Passy.  Voir  également,  pp.  112  à  116  du  premier  volume  du  Bulletin,  l'article  de  M.  le 
D'  Paul  Raymond,  intitulé  :  «  Documents  sur  Claude  Chahu,  Christine  de  Heurles  et  la 
seigneurie  de  Passy.  »  Voir  aux  annexes  (p.  49<*))  l'article  de  M.  de  Forges  de  Montagnac 
sur  le  démembrement  de  la  paroisse  d'Auteuil. 

(3)  Voir  pp.  236  à  238  du  l"  volume  :  «  Les  amusements  des  eaux  de  Passy  »,  par 
M.  Léopold  Mar,  et  pp.  10  à  12  du  IV<:  volume  du  Bulletin,  l'article  du  même  auteur,  inti- 
tulé :  «  Curieux  litige  entre  l'abbé  Le  Ragois  et  le  sieur  Guichon  ».  Voir  également»  Les 
origines  des  eaux  de  Passy  et  d'Auteuil  »,  par   M.  le  D'  Paul  Raymond,  pp.  52  à  55  du 

•W  volume  ;  et  un  extrait  des  observations  faites,  en  l'Académie  des  sciences,  sur  les 
eaux  minérales  de  plusieurs  provinces  de  France,  par  M.  Berrus,  pp.  247  et  248  du  II«  vo- 
lume du  Bulletin. 

(4)  Le  Moniteur  du  9  mai  1882  constate  que  la  première  épidémie  de  choléra,  qui  avait 
occasionné  une  très  grande  mortalité  à  Paris,  n'avait  fait  qu'un  très  petit  nombre  de 
victimes  à  Passy  et  à  Auteuil.  La  même  constatiition  ressort  d'une  carte  staUstique  de 
l'époque,  que  possèdent  les  archives  de  la  Société  historique. 


l6  HISTOIRE    DU    XVI®    ARRONDLSSEMKNT 

les  considéraient  comme  un  remède  contre  la  stérilité  des  femmes.  Elles 
jouirent  d'une  grande  vogue  pendant  la  plus  grande  partie  du  xviii''  siècle  ; 
il  était  de  bon  ton  d'y  aller.  Laveillard,  directeur  des  eaux,  partit  en  1785, 
pour  suivre  Franklin  en  Amérique,  et,  rétablissement  ayant  alors  changé  de 
propriétaire,  l'entrée  des  jardins  fut  interdite  au  public;  les  eaux  perdirent 
leur  célébrité  ;  elles  étaient  cependant  encore  fréquentées  sous  le  premier 
Empire,  car  on  lit  dans  le  Moniteur  du  20  juin  1806  l'annonce  suivante: 
«  Le  public  est  prévenu  que  l'on  continue  toujours  la  distribution  des 
nouvelles  eaux  minérales  de  Passy,  qu'on  peut  les  prendre  tous  les  matins 
dans  l'endroit  même  où  jaillissent  les  sources  d'où  on  les  tire,  et  qu'un 
jardin,  qui  n'est  à  l'usage  que  des  buveurs  d'eau,  leur  offre  une  promenade 
agréable  et  contribue  à  les  rendre  pi  us  efficaces.  »  Les  sources  ont  été  englo- 
bées dans  la  propriété  de  M.  Benjamin  Delessert,  et  leur  débit  s'est  trouvé 
beaucoup  diminué  par  suite  des  fouilles  exécutées  pour  établir  les  fonda- 
tions des  maisons  du  voisinage. 

La  situation  de  Passy  et  d'Auteuil  entre  Paris  et  Versailles,  au  milieu  de 
collines  boisées  du  haut  desquelles  on  a  de  très  belles  vues,  a  beaucoup  faci- 
lité rétablissement,  pendant  le  xviii"  siècle,  de  maisons  de  plaisance  avec 
parcs  et  jardins  dans  cette  région:  les  châteaux  qui  s'y  trouvaient,  auprès 
de  ceux  de  la  cour,  ont  été  fréquemment  habités  par  des  personnages  de 
marque,  appartenant  à  l'aristocratie,  à  la  littérature,  aux  beaux-arts  et  à  la 
finance.  Dans  l'histoire  de  chaque  rue,  je  me  suis  attaché  à  rappeler  les  prin- 
cipaux personnages  qui  y  ont  séjourné  autrefois.  Pour  Passy,  les  deux  rési- 
dences les  plus  importantes  (1)  étaient,  au  xviii'  siècle,  son  château  seigneu- 
rial et  le  château  de  la  Muette. 

Déjà  célèbres  sous  la  seigneurie  de  M"*  Chahu,  le  château  et  le  parc  de  Passy 
avaient  une  certaine  importance.  Samuel  Bernard  (1631-1739),  riche  ban- 
quier qui  s'était  enrichi  sous  le  ministère  Chamillard  et  avait  amassé, 
dit-on,  une  fortune  de  plus  de  trente  millions,  dépensa  300.000  livres  pour 
embellir  cette  propriété  et  y  installa  son  ancienne  maîtresse,  Mme  de 
Fontaine  (2).  Bernard  de  Rieux,  fils  de  Samuel  Bernard,  et  son  petit-fils, 
Bernard  de  Boulainvilliers,  eurent  ensuite  le  château  seigneurial  de  Passy, 
qui,  vers  le  milieu  du  xviii'"  siècle,  était  très  luxueux  et  renfermait  beaucoup 
d'objets  d'art,  une  chapelle  et  un  théâtre.  Le  parc  avait  plus  de  8  hectares  ; 
on  y  voyait  une  orangerie,  des  serres  en  cristal,  des  volières  en  filigrane  d'or, 
des  grottes  tapissées  de  verdure,  des  berceaux  où  le  fruit  était  suspendu  (3) 
dans  des  treillages  d'acajou  ou  de  bois  de  rose,  plusieurs  terrasses  et  beau- 
coup de  statues.  11  était  situé  en  amphithéâtre  sur  la  hauteur  occupée  actuel- 
lement par  la  rue  de  Boulainvilliers;  les  jardins  s'étendaient  jusqu'à  la  route 
de  Versailles.  La  rue  Raynouard  séparait  le  parc  du  potager,  qui  était  pourvu 
de  deux  bassins  et  avait  une  superficie  de  plus  de  4  hectares. 

(i)  En  ce  qui  concerne  Auleuil,  on  peut  se  reporter  aux  pages  relatives  à  l'histoire  du 
quartier  d'Auleuil,  pour  le  chAteau  du  Coq,  la  maison  de  Mme  Helvélius,  celle  de  Boileau 
la  maison  seigneuriale  des  abbés  de  Sainte-Geneviève  et  le  cliAlcau  des  Boufflors. 

(2)  Samuel  Bernard  maria  une  deslilles  de  Mme  de  Fontaine  au  fermier  général  Dupin  ; 
elle  devint  célèlire  par  son  esprit  et  sa  beauté  ;  son  (Ils,  Dupin  de  Krancueil,  également 
fermier  général,  épousa  Marie-Aurore,  fille  naturelle  du  maréchal  de  Saxe  et  veuve  du 
comte  de  llorn;  de  ce  mariage  naquit  Maurice  Dupin,  père  de  Mme  George  Sand. 

(3)  Voir  Hmvrage  de  (^apellgue,  ikititulé  :  «  Mesdemoiselles  de  Nesles  et  la  jeunesse 
de  Louis  XV  >»,  Paris,  Amyot,  1864. 


LE   l>A3St:   DAUTEUIL,    DE    ClIAItLOT   ETDE   PASSY  IJ 

L'époque  la  plus  brillante  du  cliâteRu  seigneurial  de  Passy  fut  celle  du 
séjour  de  M.  de  la  Pouplinière  (i),  lermier  générni,  à  qui  le  marquis  de 
Boutainvilliei's  avait  cédé  à  vie  ce  château  eu  1747  ;  il  y  recevait  des  dames 
dignes  du  pinceau  de  Watteau,  des  écrivains  et  des  artistes;  pour  avoir  son 
orchestre  constamment  à  sa  dispositiou,  il  logeait  tous  ses  musiciens  au  chà-  ■ 
teau.  On  peut  citer,  parmi  seshcHes,  Jean-Jacques  Rousseau,  le  maréchal  de 
Richelieu,  Marraontel,  Hameau,  (iossec,  La  Condamine.le  peintre  pastelliste 
La  Tour,  Mme  de  Genlis. 


(Cliâtcau  seigneurial  de   l'assy. 


Louis-Philippe  Rameau  (1683-1761)  était  Tils  d'un  organiste  de  Dijon  et  fut 
lui-même  organiste  pendant  la  première  partie  de  sa  carrière  ;  il  tint  l'orgue 
à  Lille,  puisa  Clermont,  et  ne  commença  ii  composer  qu'à  l'âge  de  quarante 
ans.  Il  publia,  en  1722,  son  Traité  d' harmonie  ;  il  fit  représenter,  eu  1739, 
l'opéra  de  Z)ar</(rnus,  qui  établit  sa  réputation,  à  laquelle  avnit  également  con- 
tribué son  drame  lyrique  de  Castor  et  Pollu.v  (1737).  De  1748  à  1751,  il  fit 
de  fréquents  et  longs  séjours  au  cbiUeau  seigneurial  de  Passy,  où  il  dirigeait 
les  concerts  du  fermier  général  La  Pouplinière.  11  avait  été  créé  par  Louis  XV 
chevalier  de  Saint-Michel  (i)  et  compositeur  du  cabinet  du  roi. 

(l)  Voir  aux  ,-inncies  (p.  a84}  l'arliule  intitulé  :  «  Le  cliAlenu  seigneurial  de  Passy  soua  \o. 
règne  de  M.  de  la  Pouplinière  'i,  pur  M.  Li'utioldMar;  également  aux  annexes  (p.  2871  l'article 
du  niénic  aul«ur  intilulé  :  -  La  Tour  â  l'assy  el  h  Auteuil  »  ;  p.  i88,  lu  note  sur  «  Jean- 
Jacques  à  la  fi'to  de  Pnssy  •>  ;  ainsi  i|ue  lartitle  (p. ii88j  do  M.  Kdround  Watil  sur  Mme  de 

Voir  éftalement  ri-aprfcs  les  détails  donnés  sur  ce  chdtcau  dans  la  notice  concernant 
la   rue  de  DoulainvillierK,  p.  io.1. 

(3j  Voir  l'article  de  U.  Emile  Potin  sur  Hameau    p.  (ju  du  IV'  vnlunie  du  Ballelin). 


a  HISTOIRE    DL-   X 

Le  dernier  châtelain  de  Passy,  Aniie-Gabriel-Henri,  marquis  de  Boulaia- 


(Colltctlnn  <1.-  M.  Eni.  Putin.) 

villiers,  seigneur  de  Saint-Saire,  de  Passy -lez- Paris  et  de  Saiot-Pol-dc- 


LE   PASSÉ    D  AUTEUIL,    DE   CHAILLOT   ET   DE    PASSY  ^9 

Gresoles,  prévôt  de  la  ville,  prévôté  et  vicomte  de  Paris  (1724-1793), 
mourut  en  prison,  pendant  la  Terreur.  Après  sa  mort,  M.  Cabal,  ancien 
notaire  de  Paris,  devint  propriétaire  du  château  de  Passy  et  de  ses  princi- 
pales dépendances;  en  1826,  il  vendit  ce  domaine  à  des  spéculateurs  qui 
établirent,  dans  le  parc  et  le  potager,  un  nouveau  quartier  occupant  aujour- 
d'hui une  partie  de  la  rue  de  Bouiainvilliers  et  de  ses  abords. 

Le  château  de  la  Muette  n'était,  dans  l'origine,  qu'une  maison  bâtie  dans 
le  bois  de  Boulogne,  soit  pour  y  garder  les  mues  des  cerfs,  soit  pour  y  mettre 
des  oiseaux  de  fauconnerie  quand  ils  sont  en  mues;  on  peut  supposer 
que  le  château  doit  son  nom  à  cette  circonstance  ;  toutefois,  d'autres  étymo- 
logies  (1)  ont  été  indiquées.  Cette  maison  devint  un  rendez-vous  de  chass3 
sous  le  règne  de  Charles  IX  ;  elle  fut  donnée,  le  27  mars  1615,  au  dauphin 
(Louis  XIII),  à  Toccasion  de  la  déclaration  de  sa  majorité,  par  la  reine 
Marguerite  de  Valois,  première  femme  de  Henri  IV.  Fleuriau  d'Armenon- 
ville  (2),  directeur  des  finances,  donna  une  fête  très  brillante  au  duc  et  à 
la  duchesse  de  Bourgogne,  le  6  septembre  1707,  à  ce  château  dont  le  roi 
lui  donna  la  jouissance,  en  érigeant  pour  lui  une  nouvelle  capitainerie  du 
bois  de  Boulogne.  En  1716,  Fleuriau  d'Armenonville  céda  la  Muette  au 
Régent  sur  sa  demande  ;  il  fut  installé  au  château  de  Madrid  et  reçut, 
en  outre,  un  brevet  de  quatre  cent  mille  livres.  Le  Régent  embellit  le 
château,  qui  devint  la  résidence  favorite  de  sa  fille,  la  duchesse  de  Berry  : 
elle  occupait  à  Paris  le  Luxembourg.  En  mai  1717,  le  tsar  Pierre  le  Grand 
fut  rhôte  de  la  duchesse  de  Berry  à  la  Muette.  Après  la  mort  de  sa  fille, 
le  Régent  céda  le  château  à  son  pupille  Louis  XV  (3),  alors  âgé  de  neuf 
ans,  qui  y  vint  souvent  pendant  sa  minorité  et  y  fit  plusieurs  séjours  au 
commencement  de  son  règne,  avec  la  cour.  C'est  à  la  Muette  que  le  lieute- 
tenant  général,  devenu  plus  tard  le  maréchal  de  Richelieu,  organisa  une 
entrevu©  de  la  comtesse  de  Mailly  avec  Louis  XV,  alors  âgé  de  vingt- 
deux  ans.  Plus  tard,  la  marquise  de  Pompadour  quitta  sa  résidence  de 
Bellevue  pour  venir  séjourner  à  la  Muette,  où  elle  fit  peindre  par  Oudry  les 
dessus  des  portes  de  la  salle  à  manger  ;  le  vestibule  était  orné  de  tableaux  de 
Van  der  Meulen.  Après  la  mort  de  la  marquise  (4),  survenue  à  Versailles  le 

(i)  Voir  aux  annexes  (p.  3i3j  des  observalions  de  M.  Emile  Potin  au  sujet  de  Téty- 
moio^e  du  mot  «  Muette  ». 

(2)  Voir  aux  annexes  les  articles  suivants  :  (p.  IV  2^)  celui  de  M.,  le  comte  Fernand  de 
l'Église  sur  le  Château  de  la  Muette  ;  (p.  3oo)  l'article  de  M.  Léopold  Mar,  intitulé  :  «  Les 
quatre  gouverneurs  du  château  royal  de  la  Muette  »  ;  (p.  299)  de  M.  le  comte  F.  de  l'Eglise 

•t  La  mort  de  la  duchesse  de  Berry  à  la  Muette  »;  (p.  3io)  «  Un  extrait  des  Confessions  de 
Jean-Jacques  Rousseau  »  ;  et  (p.  3o3)  une  note  de  M.  Léopold  Mar,  indiquant  les  personnages 
qui  ont  résidé  à  la  Muette.  Voir  également Tarticle  de  M.  Louis  de  Méric,  intitulé  :  «  Per- 
sonnel des  châteaux  royaux  sous  Louis  XV,  pp.  i5i  à  i55  du  second  volume  du  Bulletin. 

(3)  Voir  aux  annexes  (p.  3o4)  les  deux  notes  de  M.  Léopold  Mar,  intitulées  :  «  La  Biche 
du  Roi  »,  et  «<  Projet  de  reconstruction  du  château  de  la  Muette  ». 

(4)  Le  maréchal  duc  de  Soubise,  qui  fut  gouverneur  du  château  de  la  Muette  pendant 
dix-sept  ans,  était  très  protégé  par  la  marquise  de  Pompadour,  même  après  avoir  perdu 
la  bataille  de  Rosbach  contre  le  roi  de  Prusse,  ce  qui  inspira  les  vers  suivants  : 

En  vain  vous  vous  flollez,  obligeante  marquise. 

De  mettre  en  beaux  draps  blancs  le  «rônéral  Soubise  ; 

Vous  ne  pouvez  laver,  ù  force  de  crédit, 

La  tache  qu'à  son  front  imprima  sa  dis<;ràce  ; 

Et  quoi  que  votre  faveur  fasse, 
Eu  tout  temps  ou  dira  ce  qu*à  présent  Ton  dit  : 

•  yue  si  Pompadour  le  blancbit, 

Le  roi  de  Prusse  le  repasse.  » 


IIISTOIKh:   t>U   XVI''   AHRONIIISSKMENT 


15  avril  1764,  Louis  XV  ne  vint  jplus  à  la  Muette  qu'incognito,  sous  le  titre  de 
comte  de  Gonesse,  avec  le  maréchal  de  Richelieu  et  quelques  autres  confi- 


dents, pour  s'y  livrer  à  ses  goûts  dépravi's  avec  plus  de  liberté  qu'il  nen 
avait  à  Versailles.  Il  fit  rehâtir  le  château  et  consli-uire  aux  ahords,  pour  les 
gens  de  service,  plusieurs  maisons  en  face  des(iuelles  ou  voyait  le  parterre  de 
l'escarpolelte  ;  de  laulro  ertté  (Iurli)'<Ie;iM  se  trouvaicnl  la  lailcrieet  la  pompe: 


LE    PASSÉ    d'aUTEUIL,    DE    CHAILLOT   ET   DE    PASSY  gj^ 

au  nord-esl  s'étendaient  les  autres  dépendances  :  ferme,  orangerie,  faisan- 
derie, etc. 

(y est  au  château  de  la  Muette  que  Marie-Antoinette  passa  la  journée  du 
15  mai  1770,  précédant  celle  de  la  célébration  solennelle  de  son  mariage  avec 
le  dauphin,  petit-fils  de  Louis  XV.  C*est  également  à  la  Muette  qu'elle  résida 
généralement  (1)  avant  de  devenir  reine  de  France,  et  c'est  à  ce  château 
qu'elle  reçut,  avec  Louis  XVI,  le  5  juin  1774,  les  grands  corps  de  TÉtat 
venant  présenter  leurs  compliments  de  condoléance  sur  la  mort  de  Louis  XV 
et  de  félicitations  sur  Tavènement  au  trône  des  nouveaux  souverains.  Les 
7,  8  et  9  juin,  toutes  les  personnes  présentées  à  la  cour  eurent  Thonneur  de 
faire  leurs  révérences  de  deuil  à  Leurs  Majestés  et  à  la  famille  royale.  J'em- 
prunte à  une  communication  de  M.  Ch.  Chandebois  (i)  Tanecdote  suivante 
au  sujet  de  ces  révérences  : 

Les  plus  vieilles  comme  les  plus  jeunes  dames  accoururent  à  la  Muette 
pour  ce  jour  de  réception  générale,  et  les  révérences  profondes  de  certaines 
douairières,  coiffées  de  petits  bonnets  noirs  h  grands  papillons,  prêtaient  à 
rire.  La  reine,  qui  avait  beaucoup  de  respect  pour  les  convenances,  s'effor- 
çait de  ne  pas  commettre  la  faute  grave  de  perdre  le  maintien  qu'elle  devait 
observer  ;  une  plaisanterie  indiscrète  d'une  des  dames  du  palais  lui  en 
donna  cependant  le  tort  apparent.  La  marquise  de  Clermont- Tonnerre,  fati- 
guée de  la  longueur  de  la  séance,  et  forcée  par  les  devoirs  de  sa  charge  de  se 
tenir  debout  derrière  la  reine,  trouva  plus  commode  de  s'asseoir  à  terre  sur 
Ict  parquet,  en  .se  cachant  derrière  les  robes  à  panier  de  la  reine  et  des 
dames  du  palais  ;  de  là,  elle  tirait  les  jupes  de  ces  dames.  Le  contraste  des 
espiègleries  de  M"'  de  Clermont-Tonnerre  avec  le  sérieux  de  la  repré- 
sentation qui  régnait  dans  la  chambre  de  la  reine  déconcerta  Sa  Majesté 
plusieurs  fois  ;  elle  portait  son  éventail  devant  son  visage  pour  cacher  un 
sourire  involontaire  ;  l'aréopage  sévère  des  douairières  déclara  que  la  reine 
n'aimait  que  la  jeunesse,  qu'elle  avait  manqué  à  toutes  les  bienséances  et,  le 
lendemain,  on  faisait  une  chanson  dont  le  refrain  était  : 

Petite  reine  de  vingt:ans, 

Vous  qui  traitez  si  mal  les  gens, 

Vous  repasserez  la  barrière. 

Louis XVI  signa  au  château  delà  Muette  plusieurs  édits,  notamment  celui 
par  lequel  il  renonçait  au  droit  de  joyeux  avènement  (3). 

Le  premier  voyage  d'un  ballon  libre  et  portant  des  voyageurs  (i)  a  eu 
pour  point  de  départ,  le  21  novembre  1783,  le  jardin  de  la  Muette  ;  le  ballon, 
du  système  des  frères  Montgolfier,  inventeurs  de  l'aérostation,  était  monté 
par  le  marquis  d'Arlandes  et  Pilâtre  de  Rozier  ;  le  trajet,  qui  était  de  8  kilo- 

(i)  Voir  la  correspondance  entre  Tlmpératrice  Marie-Tlw^rèse  et  son  ambassadeur,  le 
comte  Mercy  d'Argenleau  (d'après  Alfred  Darnelle  cl  Geffroy  Didol,  1774),  qui  <^tait  chargé 
de  conseiller  la  jeune  dauphine  et  de  rendre  compte  à  sa  ni6re  de  ses  conversations,  de 
ses  relations  et  de  toutes  ses  actions. 

(2)  Voir  aux  annexes  (p.  3o4)  Tarticle  de  M.  Ch.  Chandebois,  intitulé  :  «  Cérémonies  de 
révérences  de  deuil  à  la  Muette  »». 

(3)  V^oir  aux  annexes  {p.  3o5)  l'article  de  M.  Léopold  Mar,  intitulé:  «  L'édit  de  la  Muette 
et  les  différents  séjours  de  la  cour  de  Louis  XVi  au  château  de  ce  nom  ». 

(4)  Voir  également  aux  annexes  (p.3o8)  l'article  de  M.  Léo|)old  Mar,  intitulé  ;  «  Le  premier 
voyage  aérien,  21  novembre  ijHZ  ». 


22  HISTOIRE    DU   XVI*  ARRONDISSEMENT 

mèlres,  fut  fait  en  dix-sept  minutes  ;  les  voyageurs  s'étaient  élevés  à  la  hauteur 
de  950  mètres. 


(Culk'rliuii  ili'  M.  Cliantletiaia.) 


Les  mécaniciens  anglais  Miln  père  et  fils,  ayant,  en  1785,  oITert  au  gou- 
vernement français  de  naturaliser  une  nouvelle  manière  de  carder  et  de  filer 


LE    PASSÉ    d'aUTEUIL,    DE   CÏIAILLOT    ET    DE    PASSY  23 

le  coton,  obtinrent,  pour  l'encouragement  de  cet  établissement,  une  subven- 
tion de  60.000  francs,  un  traitement  annuel  de  G.OOO  francs,  un  local  gratuit 
dans  le  château  de  la  Muette,  alors  assez  délaissé  (et  où  ils  eurent  à  payer  un 
loyer  à  dater  de  i791)  et  enfin,  une  prime  de  1.^00  francs  par  chaque  assorti- 
ment de  machines  qu'ils  justifieraient  avoir  fourni  en  France  à  des  fabricants. 
Miln  et  ses  fils  furent  arrêtés  le  15  octobre  1793. 

En  1788,  Louis  XVI,  désirant  alléger  les  dépenses,  fit  de  grandes  réformes 
dans  sa  maison  et  ordonna  la  vente  de  plusieurs  châteaux  ;  la  Muette  fut 
comprise  dans  cette  dernière  disposition  ;  cependant  elle  n*î  fut  pas  vendue  à 
cette  époque,  mais,  dès  lors,  elle  cessa  d'être  une  résidence  royale. 

En  1790,  c'est  dans  le  jardin  de  la  Muette  que  fut  servi  le  grand  banquet 
donné  par  la  Ville  de  Paris  aux  députés  des  corps  de  l'armée  et  des  communes 
de  France;  plusieurs  milliers  de  fédérés  prirent  part  à  ce  banquet. 

Le  château  de  la  Muette  fut  mis  en  vente  par  décret  du  ^6  mai  1791  (1); 
le  conseil  général  de  la  commune  de  Passy,  comprenant  l'avantage  qu'il  y 
avait  à  conserver  cette  belle  propriété  sur  son  territoire,  arrêta,  le  29  mai, 
qu'il  présenterait  une  soumission  pour  l'acquérir;  mais  le  manque  de  fonds 
ne  permit  pas  de  réaliser  cette  opération.  La  propriété  fut  morcelée;  une 
partie  fut  aliénée  et  l'autre  resta  propriété  de  l'État,  puis  de  la  Couronne 
jusqu'au  commencement  du  règne  de  Louis  XVIII,  époque  à  laquelle  elle  fut 
définitivement  distraite  de  la  liste  civile.  Talleyrand  avait  loué  à  l'État  le 
château  de  la  Petite-Muette  et  Ta  habité  sous  le  Directoire. 

Le  château  et  le  parc  de  la  Muette  furent  achetés  en  1820,  pour  275.000  fr., 
par  Sébastien  Érard,  qui,  né  le  5  avril  1752,  fonda  sa  fabrique  de  pianos  en 
1780,  fut  nommé  le  27  octobre  1810  facteur  de  pianos  et  de  harpes  de  Leurs 
Majestés  impériales  et  royales  et  reçut,  le  29  décembre  1815,  le  brevet  de 
facteur  de  pianos  et  de  harpes  de  la  cour.  Sébastien  Érard  olïrit  au  roi  de 
reprendre,  pour  le  prix  d'achat  qu'il  avait  payé,  cette  ancienne  maison 
royale  de  plaisance  ;  mais  Louis  XVïlï  ne  crut  pas  devoir  profiter  de  cette 
offre. 

C'est  au  château  de  la  Muette  que  Sébastien  Érard  mourut,  le  5  avril  1831  ; 
il  y  avait  réuni  une  magnifique  collection  de  tableaux,  qui  fut  vendue  en 
août  1832.  Les  docteurs  Pravaz  et  Guérin  furent  autorisés,  en  1835,  à  établira 
la  Muette  un  institut  orthopédique. 

Depuis  la  mort  de  Sébastien  Érard,  le  château  de  la  Muette  n'a  pas  cessé 
d'appartenir  à  sai  famille,  qui  a  tenu  à  conserver  cette  habitation,  où  l'accueil 
bienveillant  de  la  dernière  reine  de  France  avait  contribué  à  décider  de  sa 
fortune.  Le  légataire  universel  de  Sébastien  Érard  était  son  neveu,  Pierre  Érard, 
qui  fut  nommé  officier  de  la  Légion  d'honneur  en  1851,  à  la  suite  de  l'Expo- 
sition universelle  de  Londres,  où  il  avait  obtenu  Tunique  «  Council  medal  », 
décernée  à  Tindustrie  des  instruments  de  musique.  11  mourut  à  Paris,  le 
5  août  1855,  et,  après  sa  mort,  sa  veuve  se  fixa  tout  à  fait  à  la  Muette  ;  n'ayant 
pas  eu  d'enfant,  elle  fit  donation  de  cette  propriété  à  sa  nièce,  dont  le  mari, 
M.  le  comte  de  Franqueville,  membre  de  l'Institut,  habite  encore  aujour- 
d'hui le  château. 

Le  parc,  qui  n'occupe  qu'une  partie  de  l'ancien  domaine  royal  de  la 

.  1 .  Voir  aux  annexes  [p.  3oy)  la  noie  de  M.  Léopolcl  Mar,  concernant  la  vente  de  biens 
nationaux  dans  la  région  de  Passy. 


24  HISTOIRE    DU   XVI*   ARRONDISSEMENT 

Muette,  est  très  vaste,  quoiqu'il  ait  été  diminué  par  suite  de  l'exécution  de 
divers  travaux  de  voirie,  notamment  des  chemins  de  fer  de  l'Ouest. 

Lord  Ranelagh,  pair  d'Irlande,  était  un  grand  amateur  de  musique  ;  il  fit 
construire  dans  son  parc  de  Chelsea,  près  de  Londres,  une  rotonde  où 
chaque  jour  un  orchestre  venait  jouer  ;  la  haute  société  anglaise  fréquentait 
ces  concerts.  Après  la  mort  de  lord  Ranelagh,  vers  le  milieu  du  xviii*  siècle, 
une  compagnie  acheta  son  parc  et  y  continua  la  musique,  en  faisant  payer 
aux  auditeurs  un  droit  d'entrée  de  3  shellings  ;  on  installa  des  fêtes  pu- 
bliques et  des  bals  dans  ce  jardin,  qui  conserva  longtemps  le  nom  de  son 
ancien  propriétaire  et  a  été  remplacé  par  Cremorn-Gardens.  En  1772,  Morisan 
et  Tardé,  artificiers  du  roi,  qui  avaient  été  donner  des  fêtes  en  Angleterre 
et  y  avaient  vu  le  Ranelagh  anglais,  conçurent  l'idée  de  fonder  un  établisse- 
ment semblable  auprès  de  Paris.  Ils  obtinrent  du  maréchal  prince  de  Soubise, 
gouverneur  du  château  de  la  Muette  fi)  et  grand  écuyer  du  bois  de  Boulogne 
(dont  Morisan  était  le  subordonné,  puisqu'il  était  garde  de  la  porte  de  Passy), 
la  concession  d'une  grande  pelouse,  située  dans  le  bois  de  Boulogne,  où  l'on 
dansait  quelquefois  en  plein  air,  sur  l'emplacement  qu'occupe  aujourd'hui 
notre  Ranelagh.  La  première  salle  fut  ouverte  le  lundi  25  juillet  1774,  sous  le 
nom  de  petit  Ranelagh;  en  1779)  on  ajouta  une  seconde  salle,  plus  aérée  et 
plus  vaste,  et,  depuis  lors,  ce  local  servit  de  réunion  quelquefois  à  la  cour  et 
souvent  au  Paris  qui  s'amuse.  En  1783,  cent  gentilshommes,  payant  chacun 
une  cotisation  de  72  francs  par  an,  louèrent  à  Morisan  son  jardin  pour  y 
donner,  chaque  semaine,  un  bal  champêtre  où  leurs  invités  étaient  seuls 
admis.  La  reine  Marie-Antoinette  et  le  comte  d'Artois  (qui  régna  plus  tard 
sous  le  nom  de  Charles  X)  ne  dédaignèrent  pas  de  venir  danser  au  Ranelagh. 

En  1784,  Audinot  installa  (2),  auprès  de  l'établissement  du  Ranelagh,  son 
théâtre  des  «  Petits  Comédiens  de  Bois  »  (3). 

La  Révolution  interrompit  ces  fêtes  ;  le  peuple  envahit  les  salons  et  les 
bosquets  et  vint  y  danser  la  carmagnole  ;  Morisan,  qui  n'encaissait  plus  que 
de  très  maigres  recettes,  dut  faire  démolir,  en  1793,  ses  légères  constructions, 
afin  d'en  vendre  les  matériaux.  Mais  il  refit  de  bonnes  affaires  sous  le  Direc- 
toire; le  célèbre  danseur  Trénitz  amena  au  Ranelagh,  reconstruit  en  1796, 
ses  cohortes  de  muscadins  et  de  merveilleuses.  Sous  l'Empire,  Morisan  donna 
avec  succès  des  fêtes  militaires  et  mourut  au  bon  moment;  car,  peu  de  jours 
après  sa  mort,  les  Cosaques  vinrent  bivouaquer  sur  ses  pelouses,  et  ses  bâti- 
ments furent  convertis  en  hôpital  militaire.  L'ennemi  parti,  une  société  de 
jeunes  élégants  réorganisa  au  Ranelagh  des  fêtes  aristocratiques,  qui  étaient 
données  le  jeudi  et  le  samedi  ;  la  duchesse  de  Berry  y  vint  fréquemment.  Le 
bal  du  Ranelagh  était  dirigé,  sous  la  Restauration,  par  Mabille,  qui  créa  ensuite 
le  bal  du  jardin  Mabille,  à  l'allée  des  Veuves  (aujourd'hui  avenue  Montaigne). 

Le  21  août  1830,  on  donna  au  Ranelagh  un  grand  bal  dont  le  produit 
était  destiné  à  soulager  les  veuves,  les  blessés  et  les  orphelins  des  27,  28  et  29 
juillet  1830  :  la  souscription  était  fixée  à  trois  francs  pour  un  cavalier  et  à 
deux  francs  pour  une  dame.  Après  la  révolution  de  1830,  le  Ranelagh  rede- 

(i)  Voir  aux  annexes  (p.  3io)  une  communication  de  M.  Ant.  Giiillois  à  la  Société  histo- 
rique d'Autcuil  et  de  Passy;  on  y  trouve  un  historique  du  bal  du  Ranelagh. 

(2)  Voir  aux  annexes  (p.  3i4)  une  note  concernant  le  théâtre  d'Audinot. 

(3)  Voir,  pour  le  bal  du  Ranelagh,  un  article  de  M.  Ch.  de  Boigne,  extrait  du  Comm^-^ 
tionnet,  tome  IV,  pp.  94  et  95  du  VI»  volume  du  Bulletin^ 


LE  PASSÉ  d'aI'TEUIL,  QE  CMAILLOT  ET  DE  PASSV  35 

vint  bnl  public  et  tliéâtre  forain.  Le  glacier  llerny,  gendre  de  j^iorlaan.  flt 
exécuter,  en  1H31,  de  nouveaux  bâtiments  décoré»  avecguùt,  sous  la  direction 
de  M.  l'eyre,  architectfl  du  gouvernement  ;  les  fêles  du  Hanelagli  eurent  de 
nouveau  une  grande  vogue,  principalement  en  18ii  et  ISiG.  L'établissement 
du  Ranelagh  a  disparu  en  IH^K,  lors  de  l'exécution  des  grandes  avenues  qui 
ont  transformé  Passy  (1). 

Une  grande  partie  des  anciennes  maisons  de  Paris  a  été  bâtie  avec  des 
pierres  extraites  du  sous-sol  de  la  capitale,  ('e  mode  de  procéder  était  très 
commode  à  l'époque  où  l'imperfection  des  moyens  de  transport  s'opposait  à 


iColleclion  Je  M.  Clioinlebib.) 

l'utilisation  de  carrières  lointaines;  maisila  présenté  l'inconvénient  de  créer, 
au-dessous  d'une  partie  de  la  grande  ville,  des  vides  qui  peuvent  occasionner 
des  eHondrements  :  c'est  pour  prévenir  des  accidents  de  ce  genre,  sous  les 
voies  publiques,  que  le  service  de  l'inspection  générale  des  carrières  (2)  a  été 
créé  en  1777.  iieaucoup  de  pierres  à  bâtir  ont  été  extraites  des  carrières  sou- 
terraines ouvertes  dans  le  calcaire  grossier,  au-dessous  d'une  partie  des  quar- 
tiers de  Chaillot  et  de  Passy;  cette  exploitation  a  été  fort  active  pendant  les 
xvu'elxvnr  siècles  et  pendant  le  couimeucemenlduxix"  siècle.  L'exploitation 
des  carrières  souterraines  a  été  interdite  dans  l'intérieur  de  Paris,  parle 


fil  Lp3  Jemitrcfi  coiiHlriiclionii  imncipales  devaient  se  trouver  sur  l'emplacement  ilu 
afinttuci  de  l'iivrnue  Riiphaitl.  appartenant  Ji  M.  Bcrrus. 

Le  bal  du  Ranelagh  eut  une  Rrnnde  vo^ur  bou!"  la  direction  do  M.  Uemy;  on  y  ren- 
contrait le  Tout-Paris  de  l'i^poiiue  et  beaucoup  dn  pcrsunnagcsi  un  df»  li.ibituiïs  de  ce 
bai  ^Liit  le  prince  de  Syracuse,  nommé  vice-roi  de  Sicile  par  sun  Tr^re  le  roi  de  Naplea 
Ferdinand  II,  lora  de  son  avènement  nu  trAne  {H  nuvvintire  ilfUu). 

{■y  MoD  arUcle  intiluli!  ;  "  Les  carritres  souterraines  el  le  sous-sol  du  XVI'  .-irrnndis- 
sèment  >.  et  insËré  dans  le  liulMin,  c^t  reproduit  aux  annexe»  (p.  3tô):  on  y  trouvera  éga. 
lemeot  (p.  3i4)  l'article  de  M.  Léopold  Mar,  intitulé  :  ..  Pa^ay  et  Chaillot  souterraiua  ■, 


26  HISTOIRE   DU    XVI^   ARRONDISSEMENT 

décret  du  22  mai  1813  ;  la  môme  mesure  a  été  appliquée  en  1860  à  la  zone 
annexée,  comprenant  le  XVp  arrondissement,  où  le  nombre  des  rues  ayant 
leur  sol  sous-miné  est  de  quarante  et  une  ;  la  longueur  des  galeries  souter- 
raines d'inspection  s'y  élève  à  6.419  mètres. 

Uancîen  mur  d'enceinte  de  Paris,  construit  sur  la  demande  des  fermiers 
généraux  en  vue  de  soumettre  tous  les  consommateurs  au  paiement  des 
droits  d'entrée,  fut  exécuté,  de  1784  à  1786,  sous  la  direction  de  Tarchitecte 
Ledoux.  Cinq  barrières  4I)  faisaient  alors  communiquer  Passy  avec  Paris. 
Après  l'achèvement  ^e  ce  mur  d'enceinte,  la  partie  de  Chaillot  qui  se  trouvait 
en  dedans  de  ce  mur  était  définitivement  réunie  à  Paris,  et  la  paroisse  de 
Passy  était  limitée  par  la  Seine,  par  le  mur  d'enceinte  (chemin  de  ronde  de 
Sainte-Marie,  boulevards  extérieurs  de  Longchamp  et  de  Passy,  place  de 
l'Etoile),  par  la  paroisse  d'Auteuil,  par  la  partie  de  la  grande  route  de  Paris  à 
Cherbourg  qui  forme  actuellement  l'avenue  de  la  Grande-Armée,  et  enfin 
par  une  ligne  prolongeant  la  rue  de  Longchamp  et  par  une  autre  ligne  tra- 
versant le  bois  de  Boulogne  sur  l'emplacement  qui  est  occupé  aujourd'hui 
parles  lacs.  La  paroisse  d'Auteuil  avait  toujours  été,  depuis  1672,  séparée  de 
celle  de  Passy  par  le  chemin  des  Tombereaux  (aujourd'hui  rue  de  l'Assomp- 
tion) ;  vers  Billancourt,  elle  était  limitée  par  la  grande  route  de  Paris  à 
Versailles  et  par  un  sentier,  qui  est  devenu  actuellement  l'avenue  Victor- 
Hugo  de  Boulogne. 

Les  droits  seigneuriaux  ont  été  exercés  jusqu'à  la  fin  du  règne  de 
Louis  XVI  par  les  abbés  de  Sainle-Cieneviève  à  Auteuil,  par  les  seigneurs  à 
Passy  et  par  le  prévôt  des  dames  du  monastère  royal  de  la  Visitation  sur 
leurs  domaines.  A  partir  de  1787,  Auteuil  et  Passy  dépendirent  pendant 
quelque  temps  (2)  de  l'arrondissement  de  Bourg-la-Reine,  département  de 
Corbeil.  La  loi  du  22  décembre  1789  fit  de  Boulogne,  Auteuil  et  Passy  des 
communes  du  département  de  Paris,  arrondissement  de  Saint-Denis  ;  ces 
trois  communes  formaient  alors  un  canton  dont  Passy  a  été  le  chef-lieu 
depuis  1790  jusqu'en  l'an  VIIÏ.  A  l'époque  oii  l'on  créa  les  sous-préfectures, 
en  remaniant  les  cantons,  les  communes  d'Auteuil  et  de  Passy  furent  placées 
par  la  loi  du  13  décembre  1799  dans  le  canton  de  Neuilly  (arrondissement  de 
Saint-Denis). 

Enfin,  la  loi  du  16  juin  1859  a  annexé  à  la  Ville  de  Paris  (3)  la  partie  des 
territoires  d'Auteuil  et  de  Passy  située  à  l'intérieur  de  l'enceinte  fortifiée  et 
a  réuni  le  surplus  à  la  commune  de  Boulogne-sur-Seine.  Le  décret  du  l*""^  no- 
vembre de  la  même  année  a  constitué  le  XVP  arrondissement,  et  l'annexion 
a  été  effectivement  réalisée  le  1*"^  janvier  1860.  L'ancien  faubourg  de  Chaillot 
(partie  comprise  à  l'intérieur  du  mur  d'enceinte  et  limitée  par  la  voie  nommée 
actuellement  avenue  Marceau)  a  fait  partie  du  I"  arrondissement  de  Paris 
jusqu'au  31  décembre  1859,  date  où  l'ancien  V^  est  devenu  le  VHP,  en  même 
temps  qu'il  perdait,  à  l'ouest,  Chaillot  rattaché  au  XVPet,  à  l'est,  le  quartier 
des  Tuileries  et  du  Louvre,  annexes  au  I'*^  arrondissement  actuel. 


(1)  Voir  aux  annexes  (p.  324)  larlirle  de  M.   Léopold  Mar,  inlilulé  :  <«  Nos  anciennes 
barrières  ». 

(2)  Voir  l'ouvrage  de  M.   Fernand   Bournon   sur  rAsseml)l(^e  provinciale  de  l'Ile-de- 
France  (départements  de  Saint-Germain  et  de  CorbeiT,  de  1787  à  1790. 

(3)  Voir  aux  annexes  (p.  332),  un  extrait  de  ]a  loi  du  lO  juin    isrHj   et  l'indication  des 
limites  des  quatre  quartiers  du  XVl»  arrondissement. 


LE   PASSE    DAUTEUIL,    DE   CHAILLOT   ET   DE   PASSY  27 

Le  XVI*  arrondissement  de  Paris,  dont  la  superficie  est  de  709  hectares  (1), 
est  divisé  en  quatre  quartiers  :  Auteuil-Poiat-du-Jour,  la  Muette,  la  Porte- 
Dauphine  et  Cbaillot.  Ce  dernier,  qui  avait  été  d'abord  nommé  quartier  des 
Bassins,  a  reçu  sa  dénomination  actuelle  (i)  par  décret  du  !20  avril  1896, 
pour  rappeler  le  souvenir  d'une  localité  importante  ;  en  réalité,  Tancien 
village  de  Cbaillot,  dont  dépendait  la  plus  grande  partie  du  quartier  actuel 
de  Cbaillot,  comprenait,  en  outre,  une  partie  du  quartier  des  Champs-Elysées. 
Les  limites  du  XVP  arrondissement  sont  :  l'axe  de  l'avenue  de  la  (irande- 
Armée,  qui  le  sépare  du  XVII"  ;  celui  de  l'avenue  Marceau,  qui  le  sépare  du 
VII !%  la  Seine,  qui  le  sépare  du  VIP  et  du  XV',  enfin  le  bois  de  Boulogne, 
dont  il  est  séparé  par  les  fortifications.  Ses  principaux  monuments  sont  : 
l'Arc  de  l'Etoile,  le  palais  du  Trocadéro,  la  Mairie,  les  quatre  églises  parois- 
siales et  quelques  belles  chapelles,  les  ponts  sur  la  Seine,  le  lycée  Janson-de- 
Sailly,  le  musée  Guimet,  le  musée  Galliéra.  Il  ouvre  neuf  portes  sur  les  for- 
tifications :  Billancourt,  Point-du-Jour,  Saint-Cloud,  Molitor,  Auteuil,  Passy, 
Muette,  Dauphine  et  Maillot.  Il  est  desservi  par  sept  gares  des  chemins  de 
fer  de  l'Ouest  (porte  Maillot,   avenue  du  Bois-de-Boulogne,  avenue  Henri- 
Martin,  Passy,  Auteuil,  Point-du-Jour  et  Boulainvilliers),  et  par  huit  stations 
du  chemin  de  fer  métropolitain  (porte  Maillot,  rue  d'Obligado,  Etoile,  placedu 
Trocadéro,  rue  Boissière,  avenue  Kléber,  place  Victor-Hugo  et  porte  Dauphine). 
La  population  de  Passy  était,  en  1793,  de  2.500  âmes  en  hiver  (3.500  pendant 
sept  mois  de  la  belle  saison)  ;  en  1800,  elle  avait  diminué  et  n'était  plus  que  de 
1  800  ;  elle  était  de  2.300  en  1807,  de  3.034  en  1820,  de  3.528  en  1829,  de  4.200 
en  1831, de 5.702  en  1836,de6.704  en  1841,  de  8.G57 en  1846,  de  10.375  en  1848, 
et  enfin  de  17.494  âmes  en  1856,  date  du  dernier  recensement  avant  l'annexion. 
Dans  ces  dernières  années,  la  population  de  l'ancien  Paris  est  restée  à 
peu  près  stationnaire,  tandis  que  celle  de  la  zone  annexée  s'est  accrue  de 
plus  de  six  cent  mille  âmes;  cette  progression  paraît  devoir  continuer,  car 
la  zone  annexée  renferme  encore  beaucoup  de  terrains  non  bâtis. 

Le  tableau  ci-après  donne,  pour  chacun  des  quatre  quartiers  du  XVP  arron- 
dissement, les  résultats  des  deux  derniers  recensements,  pour  la  population 
de  fait  : 


QUARTIERS 


Auteuil 

La  Muette  .  .  . 
Porte-Dauphine. 
Chaillot 

Totaux 


RECENSEMENT    DE 


1896 


22  071 
26.961 
21.043 
31.502 


101.577 


1901 


29.134 
30.043 
24  319 
33.591 


117.087 


(i)  La  largeur  exlréme  du  XVI«  arrondissement  est  de  i.45o  mètres,  du  Trocadéro  A  la 
porte  Maillot; sa  plus  grande  longueur,  de  4-85o mètres,  de  la  Porte  du  Point-du-Jour  à  la 
Porte  Maillot,  et  sa  largeur  la  plus  minime,  de  35o  mètres,  de  la  Porte  de  Saint-Cloud  à 
la  Porte  de  Billancourt. 

(2)  Voir  aux  annexes  (p.  333)  le  décret  du  20  avril  1896  et  le  rapport  qui  le  précède. 


28 


HISTOIRE    DU   XVr   ARRONDISSEMENT 


La  population  du  XVI''  arrondissement  s'était  accrue  d'environ  17.000  âmes 
de  1891  à  1896;  on  voit  que  de  1896  à  1901,  elle  s'est  augmentée  d'environ 
15.500  âmes,  ce  qui  correspond  à  un  accroissement  continu  de  trois  et  demi 
pour  cent  par  an.  De  1896  à  1901,  la  population  des  dix  premiers  arrondisse- 
ments, c'est-à-dire  du  centre  de  Paris,  n'a  augmenté  que  de  1.686  habitants, 
tandis  que,  dans  le  même  laps  de  temps,  la  population  de  la  périphérie  s'est 
accrue  de  124.315  habitants. 

Le  loyer  moyen,  qui  n'est  que  de  571  francs  pour  l'ensemble  de  la  ville 
de  Paris,  en  1901,  dépasse  2.000  francs  pour  le  quartier  de  Chaillot,  1900  francs 
pour  celui  de  la  Porte-Dauphine,  1.100  francs  pour  celui  de  la  Muette,  et 
600  francs  pour  celui  d'Auleuil. 


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IL  —  Histoire  des  quartiers  de  Chaillot,  de  la  Muette 

et  de  la  Porte-Dmiphine 
(Anciens  territoires  de  Chaillot  et  de  Passy). 


Pour  donner  quelques  indications  historiques  sur  les  rues  qui  ont  été  suc- 
cessivement établies  sur  le  territoire  de  Tancienne  commune  de  Passy,  je  les 
classerai,  autant  que  possible,  suivant  Tordre  chronologique  de  leur  ouverture, 
totale  ou  partielle.  Je  commencerai  donc  par  énumérer  celles  qui  ont  été  per- 
cées avant  le  xix^"  siècle  (i);  elles  sont  marquées  sur  le  plan  dessiné  en  1731 
par  Roussel,  dont  un  extrait  se  trouve  ci-contre,  ou  sur  le  plan  publié  en 
1800  par  Picquet. 


RUES  QUI  EXISTAIENT  AU  XVIIb  SIÈCLE 


Ces  anciennes  voies  pourraient  être  divisées  en  deux  catégories,  dont  la 
première  comprendrait  les  rues  bâties  avant  le  xix"  siècle  (telles  que  la  rue 
de  Chaillot,  la  rue  de  Passy,  etc.)  et  la  seconde  les  routes  et  chemins  qui 
étaient  dès  cette  époque  livrés  à  la  circulation  publique,  mais  n'étaient  bordés 
en  1800  que  de  quelques  maisons  isolées,  et  ont  été  peu  à  peu  transformés  en 
rues  (par  exemple  la  rue  de  la  Tour,  la  rue  de  Longchamp,  etc.).  Toutefois, 
je  ne  considère  pas,  dans  cet  ouvrage,  comme  rues  existant  au  xvnp  siècle, 
celles  qui  ont  remplacé  d'anciens  chemins  plus  ou  moins  étroits  et  sinueux, 
mais  pour  lesquelles  le  premier  classement  ou  le  premier  titre  établissant  leur 
reconnaissance  comme  rues  est  postérieur  à  l'année  1800  ;  elles  seront  énu- 
mérées  ci-après,  suivant  l'ordre  chronologique  de  leur  classement  et  comme 
ne  datant  que  du  xix*»  siècle. 

La  rue  de  Chaillot  exislQ  depuis  plus  de  douze  cents  ans;  elle  dépend  du 
VIII  et  du  XVI'  arrondissement;  je  n'ai  à  m'occuper  ici  que  de  la  partie  située 
sur  le  XVP,  qui  est  assez    courte,   mais  comprend  Véglise  Saint-Pierre   de 

fi]  J'ai  clivi»é  ce  travail  en  trois  parties  :  i"  les  rues  qui  existaient  à  la  fin  du 
xviii*'  siècle  ;  2*  celles  qui  ont  Hé  ouvertes  pendant  la  première  raoilié  du  xix*  siècle  ; 
3*  cellofs  qui  ont  été  ouvertes  de  1850  A  1901. 


3o  HISTOIBE    DU   XVl''   AMRONDISSEMENT 

Chaillot  (\),  mentionnée,  comme  il  a  été  rappelé  ci-dessus,  dans  une  bulle 
pontificale  de  Tan  1097. 

L'église  actuelle  a  été  rebâtie  d*abord  vers  la  fin  du  xvn«  siècle,  puis  en 
1740  ;  elle  se  compose  d'une  nef  terminée  par  un  chœur,  avec  bas-côtés,  mais 
sans  transept;  la  façade  de  l'édifice,  sur  la  rue  de  Chaillot,  n'olTre  de  remar 
quable  que  sa  vieille  tour,  d'ailleurs  peu  élevée.  La  grosse  cloche,  posée  en  1777 
dans  le  clocher,  eut  pour  parrain  et  marraine  Louis  XVI  et  Marie -Antoinette  ; 
elle  fut  nommée  Louise-Antoinette  et  fut  bénie  par  le  futur  cardinal  Domi- 
nique de  La  Rochefoucauld,  alors  archevêque  de  Rouen.  Une  nouvelle  recons- 
truction de  l'édifice  eut  lieu  en  1785  et  1786. 

Sous  la  Révolution,  l'église  de  Saint-Pierre  de  Chaillot,  conservée  d'abord 
comme  paroisse  (2),  en  vertu  de  la  loi  du  4  avril  1791,  fut  fermée  en  1793, 
mise  en  vente,  adjugée  le  24  août  1796.  Rendue  au  culte  le  29  avril  1803,  elle 
devint  alors  troisième  succursale  de  la  paroisse  de  la  Madeleine.  Le  curé 
racheta  l'immeuble  et  le  légua  par  testament  à  une  dame,  qui  le  vendit,  à  la 
date  du  24  septembre  1821,  à  la  Ville  de  Paris,  moyennant  la  somme  princi- 
pale de  38.000  francs  et  une  rente  perpétuelle  sur  l'État  de  530  francs  au  nom 
et  au  profit  de  la  fabrique  de  l'église  de  Chaillot,  pour  l'acquittement  de  divers 
services  dont  l'édifice  se  trouvait  grevé. 

L'église  suffisait  à  l'ancien  village  de  Chaillot,  mais  elle  n'était  pas  appro- 
priée aux  besoins  d'un  vaste  et  riche  quartier  de  Paris.  Reconnaissant  cette 
insuffisance,  l'administration  municipale,  sous  le  second  empire,  avait  réservé, 
sur  l'emplacement  des  anciens  réservoirs  de  la  pompe  à  feu  de  Chaillot,  avec 
façade  sur  l'avenue  d'Iéna,un  terrain  de  5.040  mètres  carrés,  où  l'on  aurait  pu 
ériger  une  construction  devant  remplacer  Téglise  actuelle.  La  réalisation  de 
ce  projet  fut  ajournée,  parce  qu'on  prétendit  que  cet  emplacement,  actuelle- 
ment occupé  par  la  place  des  États-Unis,  était  trop  éloigné  du  centre  de  la 
paroisse.  Les  événements  de  1870-1871  firent  abandonner  ce  projet.  On  s'oc- 
cupa ensuite  de  projeter  une  nouvelle  église  sur  un  terrain  voisin  de  celui  où 
on  a  construit  le  musée  Galliéra;  mais  les  négociations  entamées  pour  l'ac- 
quisition du  terrain  nécessaire  ne  purent  aboutir.  11  fallut  donc  se  borner 
à  améliorer  sur  place  l'église  de  Saint-Pierre  de  Chaillot,  dont  la  cure  avait, 
dès  1866,  pris  rang  de  première  classe.  L'hôtel  de  M.  de  Tubiny,  contigu  à 
l'église,  fut  acheté  ;  sur  son  emplacement,  on  établit  le  presbytère,  et  M.  l'ar- 
chitecte Paul  Marbeau  érigea  une  chapelle  qui  est  dédiée  à  Notre-Dame  des 
Victoires  et  qui  communique  avec  l'église.  Les  extensions  et  améliorations 
exécutées  dans  ces  dernières  années  à  Saint  Pierre  de  Chaillot  ont  donné  des 
résultats  très  satisfaisants. 

La  rue  de  Chaillot  (3)  avait  conservé  dans  toute  son  étendue,  jusque  vers 
1865,  son  ancienne  physionomie  de  grande  rue  d'un  village  formant  faubourg 
de  Paris;  elle  avait  alors  une  longueur  de  près  de  900  mètres,  entre  les  Champs- 
Elysées  et  la  rue  de  la  Croix-Boissière  ;  mais,  par  suite  des  nombreux  perce- 
ments (avenue  et  place  d'Iéna,  rue  Pierre  Charron,  etc.)  exécutés  dans  ce 

(i)  La  supcrflc-ie  sous-miiiéc  nu-dcssous  de  la  chapelle  annexe  de  Saint-Pierre  de 
Chaillot  isisc  avenue  Marceau-  est  de  i^o  niMrcs  carrés.  La  dislance  du  sol  au  ciel  de 
la  carrière  est  de  12  m.  5»;  la  hauteur  de  la  galerie  d'exploitation  est  de  5  mètres.  La 
consolidation  a  été  opérée  par  colonnes  do  béton,  piliers  niaf;onnés  et  remblais  bourrés. 

i'i)  Voir  aux  annexes  (p.  33V  l'arlide  intitulé  :  ««  Une  émeute  A  Saint-Pierre-dc-(^ihailIol  ». 

(3;  On  trouvait,  en  1849,  à  la  rue  de  Chaillot  des  institutions  :Bous({uetau  n»  i5  et  Bigot 
ou  n»  ai)  dont  les  élèves  suivaient  les  cours  du  lycée  Bonaparte. 


KLE    DE  CHAILLOT  3[ 

quartier,  conformément  aux  décrets  rendus  sous  le  second  empire,  elle  a 
perdu  300  mètres  de  longueur  et  beaucoup  d'aucteimes  maisons  ont  été  recons- 
truites (I). 

La  moindre  largeur  de  la  rue  de  Ctiaillot,  qui  avait  été  fixée  à  1 1  mètres 


e  M.  tlmlle  Polin.) 


par  l'ortloniiaDce  royale  du  11  décembre  ISi,';,  a  été  portée  à  ii  mètres  par 
les  décrets  du  (î  mars  lH"iH  et  du  'i  juin  IHHt. 

]l  existait  en  18f>7,  à  la  jonction  de  la  rue  Morny  {actuellement  rue  Pierre 
Charron)  et  de  la  rue  de  Cliaillot,  un  espace  triangulaire  qui  n'était  pas  assez 


{ 1 ,  Vuir  Annft  l'hi'ftoii'c  ilii  i|uiirlitïr  il'Autouil  k'**  inilii-iitiontt  Juniiérs  sur  Siiin(e-P<-rinc, 
qui  se  trouvait  aulrcfoiR  rue  de  Cliailtot,  jtrba  de  l'ciiiiil.'icoNient  .icluellciucnt  occupi^  pnr 
l'avenue  Marceau,  et  qui,  |>ar  suite  du  percciuonl  de  celte  avenue,  a  élé  Iran^réréc  A 
Auteuil. 


32  HISTOIRE   DU    XVI®   ARRONDISSEMENT 

vaste  pour  qu'on  pût  y  élever  des  constructions  ;  en  i868,  il  a  été  converti  en 
un  plateau  planté,  moyennant  une  dépense  de  5. (KM)  francs. 

Vers  la  fin  du  xviii''  siècle,  il  y  avait  rue  de  Chaillot  un  certain  nombre  de 
ces  immeubles  galants  qu'on  a  appelés  petites  maisons  (i). 

Barras,  ancien  membre  du  Directoire,  eut,  sous  la  Restauration,  son  hôtel 
au  n**  76  ancien  de  la  rue  de  Chaillot  et  y  mourut  en  1829. 

Les  renseignements  sur  l'ancienne  rue  des  Batailles  se  trouvent  aux  alinéas 
concernant  l'avenue  d'Iéna. 

La  rue  de  Passy  est  aussi  ancienne  que  ce  centre  de  population  et  en  a  tou- 
jours été  la  voie  principale.  Elle  se  terminait  autrefois  par  une  grille,  à  la 
hauteur  de  son  intersection  avec  la  rue  de  la  Pompe  ;  elle  portait  le  nom  de 
Grande-Rue  ou  de  «  rue  qui  conduit  au  bois  de  Boulogne  ».  Elle  prit,  en  1793, 
la  dénomination  de  «  rue  Marat  »  ;  mais  peu  de  temps  après,  le  nom  de  Grande- 
Rue  lui  fut  restitué.  Elle  ne  pouvait  pas  le  conserver  après  l'annexion,  parce 
que  la  dénomination  de  Grande-Rue  s'appliquait  à  la  rue  la  plus  importante 
de  la  plupart  des  communes  annexées  ;  l'arrêté  préfectoral  du  26  février  1867 
lui  a  donné  son  nom  actuel  de  rue  de  Passy. 

Cette  rue  est  très  commerçante  ;  sa  largeur  minima  à  été  fixée  k 
10  mètres  par  l'ordonnance  royale  du  22  décembre  1838,  et  cette  môme  ordon- 
nance l'a  classée  comme  route  départementale  n'*2  de  Paris  à  Saint-Gloud  (2). 
Elle  était,  avec  les  rues  de  l'Annonciation,  Bois-le-Vent  et  Raynouard,  la  seule 
rue  de  Passy  qui  fût  pavée  il  y  a  un  siècle.  Le  pavage  en  pierre  de  la  rue  de 
Passy  a  été  converti  en  pavage  en  bois  entre  le  boulevard  Delessert  et  la  rue 
Jean-Bologne,  de  juillet  à  octobre  1897,  entre  les  rues  Jean-Bologne  et  de  la 
Pompe,  de  juillet  à  septembre  1898.  Les  becs  à  incandescence  y  ont  été  ins- 
tallés en  avril  190C). 

Vimpasse  des  Carrières,  dont  la  moindre  largeur  n'est  que  de  2  mètres,  est 
fort  ancienne  ;  elle  a  son  entrée  sur  la  rue  de  Passy,  entre  les  n°*  24  et  26. 
Jusqu'à  Tannée  1816,  le  numérotage  des  maisons  de  Passy  commençait  à  la 
première  maison  de  droite,  en  venant  de  Paris,  et  se  continuait  sans  inter- 
ruption, 1,  2,  3,  4,  etc.  ;  arrivé  à  la  dernière  maison  de  droite,  on  continuait 
le  numérotage  en  revenant  sur  ses  pas,*  par  le  côté  gauche.  Ce  ne  fut  qu'en  1806 
à  Paris  et  en  1816  à  Passy  qu'on  commença  à  appliquer  le  système  de  numé- 
rotage actuellement  en  vigueur  :  numéros  impairs  ù  gauche  et  numéros  pairs 
à  droite.  En  indiquant,  d'après  les  intéressantes  communications  faites  par 
M.  Léopold  Mar  à  la  Société  historique  d'Auteuil  et  de  Passy,  les  demeures 
historiques  (3)  du  XVI«  arrondissement,  je  donne  autant  que  possible  les  numé- 
ros actuels  des  maisons. 

Au  n"  58  de  la  rue  de  Passy,  on  remarque  une  porte  d'entrée,  cintrée  à 
deux  battants,  avec  applique  et  heurtoir  de  l'époque  de  Louis XV;  Tornemen- 
tation  (lu  haut  est  en  fer  forgé,  encadré  de  petites  boiseries  sculptées. 

En  entrant  dans  la  cour  du  n°  84,  on  voit  la  grande  façade  Louis  XV  de 
l'ancien  cabinet  de  physique  du  roi. 

(i)  V.  le  volume  de  M.  GaPton  Capon,  pp.  119  h  194.  La  grande  rue  de  Passy  et  la  rue 
Raynouard  eurent  aussi  quelques  petites  maisons  (pp.  r.»'),  ss.).—  Paris,  Darapon,  éd.,  icpi. 

(2)  En  i85i,  la  commune  de  Passy  a  contribué  aux  dépenses  de  reclitication  de  celle 
roule  départementale  pour  loo.oaj  francs,  doul  (jo.ckjo  j)ro\enant  de  souscriplions  de 
particuliers  et  le  surplus  d'inq>ositions  extraordinaires. 

(3)  Je  n'ai  cru  devoir  mentionner  ici  (juc  les  maisons  ayant  été  habitées  par  des  pcr- 
8onnag'»s  actuellement  décédé 


es. 


RUE  rit:  i>AHSY  33 

Oa  peut  citer  comme  maisoas  historiiiues  de  la  rue  de  Passy  :  le  n°  7,  que 
le  général  Moreau  habita  en  I7!t7et  1798  ;  le  a-  li,  occupée  partir  de  1861  par 
l'écrivaio  socialiste  Proudhon,  qui  y  mourut  eu  lHG."i  (il  avait  été  élu  repré- 
sentant du  peuple  ea  lKi8)  ;  l'ancieu  ii"  38,  habité  sous  Louis  XVI  par  Mme  de 
Genlis  (1),  gouvernante  des  eafants  du  duc  d'Orléans  (Philippe-Égalité);  le 
n'  55,  où  le  compositeur  Oossé,dit  (iossec,  ancien  directeur  de  l'Opéra,  membre 


'3tuatU'3tJ>  'v'avwU.W. 


de  l'Institut,  mort  en  I8àit,  à  l'âge  de  quatre-vingf -quinze  ans,  a  passé  les  six 
ou  sept  dernières  années  de  sa  vie  ;  la  maison  n"  ii;î,  qu'a  habitée,  pendant  les 
sept  dernières  années  de  sa  vie,  le  célèbre  chansonnier  (instave  Nadaud  \i), 

{x\   Voir  aux  annexes  (p.  288)  la  bitigra|ihie  ilc  Mme  <k  Genlis,  i>;ic  M.  rCilmoml  W.ihl. 

(2)  Voir  la  conférence  de  M.  Léo  (.larclie  snrCuslave  Nailiiml.  tH»-  '-i?  "  '^^'t  ''"  '"'  ^"' 
iunie  du  Bulletin;  voir  ^galcincnl  aux  annexes  [|i.  Vifi  I"  woonnii-iil  el  Icciivre  Je 
rUaflau*'- 


34  HISTOIRE    DU  XVI®   ARRONDISSEMENT 

mort  le  28  avril  1893.  Mme  Maria  Favart  occupait  un  pavillon  rue  de  Passy, 
n<>^  76-78,  en  1881,  époque  à  laquelle  elle  donna  sa  démission  de  sociétaire  de 
la  Comédie-Française.  Au  n*  80  se  trouve  l'hôtel  qui  a  été  habité  jusqu'en  1787 
par  la  présidente  de  Bandeville  (1)  ;  il  a  été  occupé,  sous  le  règne  de  Louis- 
Philippe,  par  le  chimiste  Orfila,  qui  a  lutté  contre  Raspail  dans  le  procès  de 
Mme  Lafarge.  Le  compositeur  Piccinni  habita  et  mourut  dans  une  maison  de 
la  rue  de  Passy;  Jenny  Vertpré  (Mme  Garmouche),  actrice  du  Gymnasse, 
habita  vers  1850  la  maison  n""  84,  à  l'angle  de  la  rue  de  la  Pompe,  où  était 
installé,  au  x\m*  siècle,  le  cabinet  de  physique  du  château  de  la  Muette  ; 
Louis  XV  y  venait  pour  assister  (2)  aux  expériences  de  Tabbé  Nollet.  Le 
cabinet  de  physique  du  roi  fut  réuni,  en  1790,  à  l'Observatoire  de  Paris. 

Sur  le  côté  pair  de  la  rue  de  Passy,  on  voyait  autrefois  deux  grands  hôtels 
qui  ont  disparu.  L'emplacement  compris  entre  l'angle  de  la  rue  Gavarni  et  le 
n**  18  était  occupé  par  l'hôtel  de  la  Folie,  où  résidait,  vers  1761,  Mlle  de  Ro- 
mans (3),  maîtresse  de  Louis  XV  ;  cet  hôtel,  dont  le  prince  Paul  Demidoff 
était  propriétaire  vers  1868-1869,  a  été  habité  par  Arsène  Houssaye  et  par  Jules 
Janin  ;  il  a  été  démoli  en  1890.  A  la  hauteur  du  n^*  70  se  trouvait  l'hôtel  de 
l'amiral  d'Estaing,  guillotiné  en  1794  ;  il  a  été  démoli  pour  le  percement  de 
la  rue  Guichard,  vers  1854;  quelques  détails  seront  donnés  à  ce  sujet  dans 
l'historique  du  quartier  de  Passy  qui  a  été  construit,  sous  le  second  empire, 
sur  l'emplacement  de  l'ancien  parc  Guichard. 

Un«  école  communale  de  garçons  et  de  filles  et  une  école  maternelle  sont 
établies  au  n°  29  de  la  rue  de  Passy  ;  c'est  M.  François  Delessert  qui  a  donné 
à  la  commune  l'immeuble  dans  lequel  ces  écoles  sont  établies;  cette  donation 
a  été  acceptée  par  délibération  du  conseil  municipal  du  10  octobre  1849.  Cette 
école  a  303  élèves. 

La  rue  de  Passy  est  comprise,  comme  beaucoup  d'autres  rues  du  XVI*  ar- 
rondissement, dans  la  zone  des  anciennes  carrières  calcaires  (4),  dont  plu- 
sieurs sont  encore  utilisées  aujourd'hui  comme  caves. 

La  place  de  Passy,  qui  a  30  mètres  sur  34  et  où  se  croisent  actuellement 
les  rues  de  Passy,  de  l'Annonciation,  Bois-le-Vent,  Duban  et  Vital,  ne  date 
que  de  1836.  Antérieurement,  il  n'existait  en  cet  endroit  qu'un  passage  fai- 
sant communiquer  la  Grande-Rue  (rue  de  Passy)  avec  la  rue  de  l'Église  (rue 
de  J'Annonciation).  La  maison  située  à  l'angle  de  la  place  et  de  la  rue  de  Passy, 
et  qui  pendant  longtemps  a  servi  de  mairie  (rue  de  Passy,  67),  était  alors 
presque  isolée,  ayant  devant  elle  (5)  un  horizon  de  feuillage  et  de  verdure; 
cette  maison  eut  pour  hôtes  J.-Jacques  Rousseau  et  plus  récemment  Quillet, 
l'auteur  des  Chroniques  de  Passy. 

(i)  Voir  aux  annexes  (p.  334)  l'article  de  M.  Léopold  Mar  sur  l'hôtel  de  la  Présidente 
de  Bandeville. 

{'2)  Voir  aux  annexes  (p.  335)  l'article  de  M.  Léopold  Mar  sur  le  cabinet  de  physique  du 
Roi  et  une  lettre  écrite  au  sujet  de  ce  cabinet  en  1784. 

(3)  Voir  aux  annexes  (p.  338)  l'article  de  M.  Léopold  Mar  sur  l'hôtel  de  la  Folie.  Ce 
nom  provenait  du  lieu  dit  «  La  Folie  »,  situé  vers  l'emplacement  des  rues  Gavarni  et 
Claude-Chahu. 

(4)  La  partie  sous-minée  de  la  rue  de  Passy  a  été  consolidée  par  le  service  de  l'ins- 
pection générale  des  carrières,  sur  une  longueur  de  45  mètres,  entre  l'oHgine  et  la 
maison  no  6,  de  38  mètres  sous  la  place  de  Passy,  et  de  67  mètres  entre  les  n»*  3i  et  68. 

(5)  Quand  la  mairie  fut  transférée  avenue  Henri-Martin,  cette  maison  fut  exhaussée  et 
entièrement  remaniée  par  M.  Robert,  son  propriétaire.  Voir  la  note  de  M.  A.  Dauvergiief 
p.  258  du  1II<)  volume  du  Bulletin. 


PLACE   DE   PASSV  35 

Par  délibération  du  21  décembre  1834,  le  conseil  municipal  de  Passy,  con- 
sidérant que  le  local  loué  par  la  Mairie  était  insuffisant  et  qu*il  y  avait  lieu 
d*acquérir  une  maison  commune  (1),  autorisa  l'acquisition  à  M.  et  à  Mme  Cré- 
ciat  de  leur  propriété,  grande  rue  de  Passy>  67,  pour  y  installer  la  mairie, 
avec  toutes  ses  dépendances,  et  y  créer  une  place  publique. 

M.  et  Mme  Créciat  se  mirent  d'accord  avec  le  maire  de  Passy  pour  fixer 
à  55.000  francs  le  prix  d'achat  des  terrains  (bâtiments  et  jardins),  qui  ont  servi 
à  établir  la  mairie  et  la  place,  mais  sous  la  condition  que  la  mutation  de  pro- 
priété serait  faite  à  très  bref  délai.  Comme  ils  ne  voulaient  pas  attendre,  pour 
le  paiement,  l'accomplissement  des  formalités  permettant  à  la  commune  de 
faire  face  à  la  dépense,  M.  Possoz,  maire  de  Passy,  leur  versa  de  ses  deniers 
40.000  francs  ;  M.  Anceaume,  adjoint,  et  M.  Coade,  conseiller  municipal, 
payèrent  également  de  leurs  deniers,  mais  sous  la  garantie  personnelle  de 
M.  Possoz,  le  surplus,  soit  15.000  francs,  le  1"  mars  1835.  En  vertu  d'une 
ordonnance  royale  du  25  du  môme  mois,  l'acquisition  faite  par  M.  Possoz  et 
consorts  fut  réalisée,  les  4  et  10  mai  suivants,  au  nom  de  la  commune  de 
Passy,  par  contrat  notarié.  Les  frais  d'actes  d'acquisition  se  sont  élevés  à 
3.852  francs,  et  les  frais  d'appropriation  de  l'immeuble  à  8.197  francs  ;  la  dé- 
pense totale  a  été  couverte  de  la  manière  suivante  : 

Part  à  la  charge  de  la  commune  de  Passy  cl  acquittée  par  cette  commune 

au  moyen  d'une  contribution  extraordinaire 20.000  (r. 

Subvention  accordée  par  l'administration  du  département  de  la  Seine 

sur  les  fonds  d'octroi  de  banlieue 20.000    » 

Produit  de  la  revente  à  M.  Morison  d'une  partie  de  Timmeuble 15.000    » 

Souscription  de  divers  particuliers,  notamment  :  2.500  fr.  fournis  par  la 
famille  Delessert,  2.000  Ir.  par  M.  Possoz,  1.000  fr.  par  M.  Fulchiron, 
100  fr.  chacun  par  M.  le  comte  Portails,  M.  le  comte  de  Las  Cases  et 
M.  Guichardde  Mareil,  etc , 12.049    » 

Total 67.049  fr. 

L'examen  du  registre  des  délibérations  municipales  montre  que  le  projet 
de  pavage  et  de  cailloutage  de  la  nouvelle  place  publique  a  été  approuvé  le 
8  août  1835,  que  les  fonds  nécessaires  pour  l'installation  des  services  de  mairie 
ont  été  votés  le  8  novembre  de  la  môme  année  et  que  la  mairie  a  été  installée 
le  !•'  janvier  1836. 

La  nouvelle  place  ayant  34  mètres  de  largeur,  prit  d'abord  le  nom  de  «  place 
d'Armes  »,  et  ensuite  celui  de  «  place  de  la  Mairie  »,  parce  qu'elle  bordait  un 
des  côtés  de  la  mairie  de  Passy.  En  1848,  on  l'appela  «  place  Béranger  »,  en 
souvenir  du  long  séjour  que  l'illustre  chansonnier  avait  fait  à  Passy  ;  mais 
peu  de  temps  après,  on  lui  rendit  le  nom  de  «  place  de  la  Mairie  »,  qu'elle  ne 
pouvait  pas  conserver  quand  il  fut  décidé  que  la  mairie  du  XVP  arrondis- 
sement serait  établie  à  l'avenue  Henri-Martin.  Sa  dénomination  actuelle  lui 
a  été  donnée  par  l'arrêté  préfectoral  du  26  février  1867. 

La  maison  n^  2  de  la  place  de  Passy,  où  se  trouve  actuellement  une  suceur* 
sale  du  Crédit  lyonnais,  formait,  en  1827,  le  café-restaurant  du  Midi,  avec 

(i)  La  mairie  de  Passy  avait  été  installée  jusqu'alors  dans  des  locaux  loués  par  la 
commune,  rue  Franklin,  n°  3  ;  cette  maison  appartenait  au  maire  et  ancien  notaire, 
M.  Auge  de  Fleury. 


36  HISTOIRE    DU   XVI''   ARRONDISSEMENT 

jardins  et  bosquets;  le  premier  étage  de  cette  maison  était  occupé,  dos  1863, 
par  le  cercle  de  Passy,  qui  n'existe  plus  depuis  longtemps. 

Le  8  août  1826,  le  conseil  municipal  de  Passy  accepta  la  proposition  du  sieur 
Bénit,  demeurant  rue  de  TÉglise  (Annonciation),  n""  15,  consistant  à  établir 
un  marché  sur  un  terrain  dont  il  était  propriétaire,  rue  Neuve-de-l'Église 
(Jean-Bologne).  Un  marché  forain  se  tint  ensuite  périodiquement  sur  la  place 
de  Passy.  Le  premier  acte  concernant  le  marché  couvert  actuel  consiste  en 
une  délibération  municipale  du  5  juillet  1853,  demandant  rétablissement  d'un 
marché  devant  contenir  133  places  et  être  établi  auprès  de  la  place  de  la 
Mairie.  Les  travaux  de  première  construction  du  marché  de  Passy,  qui  appar- 
tient à  la  ville  et  est  régi  par  elle,  furent  achevés  le  25  novembre  1855  ;  mais 
ce  marché  fut  ouvert  dès  le  4  avril  1854.  En  vue  de  l'agrandir,  la  commune  de 
Passy  acheta  à  Mme  Delahoussaye,  le  10  août  1857,  un  terrain  en  partie 
couvert  de  bAtiments,  pour  36.057  francs,  y  compris  4.657  francs  de  frais. 
Malgré  cette  extension,  le  marché  était  encore  encaissé  par  des  propriétés 
privées  et  avait  besoin  d'être  aéré.  En  1873,  époque  à  laquelle  les  travaux 
de  la  nouvelle  mairie  de  l'avenue  Henri-Martin  étaient  poussés  avec  activité,  il 
fut  décidé  que  les  terrains  sur  lesquels  s'élevaient  les  constructions  affectées 
aux  divers  services  municipaux  de  l'arrondissement  seraient  aliénés,  mais  sous 
la  réserve  que  l'emplacement  occupé  par  la  justice  de  paix  et  par  le  bureau 
de  bienfaisance  ne  serait  pas  compris  dans  cette  aliénation,  et  qu'il  serait 
utilisé,  pour  agrandir  encore  le  marché;  il  a  ainsi  obtenu  une  façade  sur  la 
petite  place  qui  le  sépare  de  la  rue  Bois-le- Vent. 

La  rue  Beethoven  se  nommait  autrefois  rue  de  la  Montagne,  nom  parfaite- 
ment justifié  par  son  excessive  déclivité.  Elle  avait  son  origine  à  la  route  de 
Versailles  (quai  de  Passy),  dans  le  voisinage  de  la  Seine  et  auprès  de  la  barrière 
des  Bonshommes,  qui  était  une  des  entrées  de  Paris;  cette  entrée  s'est  appelée 
aussi  barrière  de  la  Conférence  (1),  puis  barrière  de  Passy.  Après  avoir  formé 
un  coude  très  prononcé  et  longé  le  mur  de  clôture  de  l'ancien  couvent  des 
Bonshommes,  la  rue  de  la  Montagne  aboutissait  au  carrefour  de  Passy  où  con- 
vergent les  rues  Raynouard,  de  Passy,  de  la  Tour,  Vineuse,  Franklin  et  deux 
voies  modernes  (boulevard  Delessert  et  rue  Alboni).  Ce  carrefour  s'est  appelé 
autrefois  la  Croix  Vineuse  et  le  carrefour  de  la  Montagne  ;  il  constituait  l'en- 
trée de  Passy  et  on  y  voyait  avant  la  Révolution  la  potence  seigneuriale. 
Quillet  dit,  dans  ses  Chroniques  de  Passy,  qu'il  y  avait  un  second  pilori, 
placé  au  bas  de  la  rue  de  la  Montagne,  à  l'encoignure  du  quai. 

La  rue  Beethoven  a  lait  partie  de  la  route  départementale  n**  %  de  Paris  à 
Saint  Cloud;  elle  n'avait  que  trois  ou  quatre  maisons  au  milieu  duxviii"  siècle 
et  elle  ne  forme  plus  aujourd'hui  qu'une  impasse,  aboutissant  d'un  côté  à  la 
route  de  Versailles  (quai  Debilly  et  quai  de  Passy),  et  de  l'autre  à  des  escaliers, 
parce  qu'une  section,  comprenant  tous  les  numéros  pairs  du  n**12  au  n<*  26, 
a  été  supprimée  pour  l'alignement  du  boulevard  Delessert,  dont  l'exécution  a 
permis  de  faire  communiquer  la  rue  de  Passy  avec  le  centre  de  Paris  par  des 
pentes  admissibles.  La  partie  la  plus  élevée  de  la  rue  Beethoven  a  été  démolie 
en  1893,  pour  la  construction  du  large  escalier  constituant  la  rue  Alboni. 

La  raffinerie  de  sucre  de  MM.  Delessert  avait  une  entrée  au  n^  2  de  la  rue 

(i)  La  barrière  de  Passy  iHait  un  reculemenl  de  la  barrière  de  la  ('onfércnce,  située 
précédemment  auprès  de  la  pompe  à  feu  de  Cbaillot. 


RUE    BEETHOVEN  87 

Beethoven;  elle  a  été  achetée  par  la  Ville  de  Paris,  au  prix  de  1.400.000  francs 
(contrat  du  8  septembre  J862). 

La  maison  portant  le  n*»  90,  qui  date  de  la  Renaissance,  conserve  encore 
quelques  restes  de  la  censive,  habitation  du  censier  (1),  où  les  habitants 
venaient  payer  les  impôts  dus  au  seigneur  de  Passy. 

En  1827,  la  montée  rapide  de  la  rue  Beethoven  causa  probablement  la 
mort  du  fils  du  compositeur  Piccinni,  rival  de  Gluck  :  musicien  comme  son 
père,  il  venait  donner  des  leçons  de  son  art,  deux  fois  par  semaine,  à  Passy; 
un  jour,  au  moment  d'atteindre  péniblement  le  sommet  de  la  montagne,  il 
fut  frappé  d'une  apoplexie  foudroyante.  Comme  son  père,  il  fut  enterré  à 
Passy,  non  pas  auprès  de  lui,  à  la  rue  Lekain,  où  on  n'inhumait  plus,  mais 
dans  le  nouveau  cimetière  de  la  rue  des  Réservoirs. 

La  rue  Beethoven  a  reçu  sa  dénomination  actuelle,  par  décret  du  24  août 
1864,  en  l'honneur  du  célèbre  compositeur  allemand  Louis  von  Beethoven 
(1770-1827),  qui  étonnait,  dès  l'âge  de  douze  ans,  ses  auditeurs,  par  la  mer- 
veilleuse perfection  avec  laquelle  il  exécutait  les  préludes  et  les  fugues  de 
Sébastien  Bach.  A  Vienne,  il  se  présenta,  en  1790,  à  Mozart,  qui,  prenant  la 
plume,  écrivit  un  sujet  de  fugue,  hérissé  de  difficultés.  Beethoven  développa 
ce  thème  avec  tant  d'originalité  et  d'invention  que  Mozart,  émerveillé,  s'écria  : 
c<  Ce  jeune  homme  sera  bientôt  le  plus  grand  génie  musical  de  l'Europe.  »  Son 
opéra  deFirfe/io,  son  oratorio  du  Christ  au  jardin  des  Oliviers  et  surtout  ses 
sonates  et  ses  symphonies,  notamment  la  Symphonie  pastorale  et  la  Sym- 
phonie héroïque,  ont  réalisé  la  prophétie  de  Mozart.  Beethoven  fut  de  bonne 
heure  affligé  d'une  surdité  qui  le  rendit  morose.  Des  monuments  lui  ont  été 
élevés  à  Bonn,  sa  ville  natale,  et  à  Vienne,  sa  patrie  adoptive. 

La  rue  Raynouard  est  fort  ancienne  :  elle  figure  comme  entièrement  bâtie 
sur  le  plan  de  Roussel  en  1731;  elle  a  porté  successivement  divers  noms. 
Comme  elle  était  autrefois  la  rue  la  plus  importante  de  Passy,  elle  s'est  appelée 
originairement  rue  Haute,  et  Grande-Rue  ;  quand  elle  fut  détrônée,  comme 
importance,  par  la  rue  de  Passy,  dénommée  Grand-Rue  (parce  qu'elle  était 
dès  lors  le  centre  du  commerce  dans  ce  quartier),  la  rue  Raynouard  fut 
nommée  «  ancienne  Grande-Rue  »,  ou  «  vieille  -rue  de  Passy  »,  ou  «  rue 
Vieille  »  ;  elle  est  désignée  sous  le  nom  de  <»  rue  Haute  »  dans  des  actes  de  1691 
et  de  1711.  Le  terrier  de  172(5  rappelle  «  rue  qui  conduit  du  monastère  des 
Pères  Minimes  à  la  maison  de  la  seigneurie  de  Passy  »  ;  on  l'appelait  aussi 
«  rue  qui  conduit  à  la  seigneuriale  »,  parce  qu'en  eiïet,  en  la  suivant  jus- 
qu'auprès de  son  intersection  avec  la  rue  des  Vignes,  on  se  trouvait  devant 
une  des  grilles  du  parc  du  château  seigneurial  de  Passy,  dont  le  bâtiment 
principal  était  à  mi-côte  de  la  rue  actuelle  de  Boulainvilliers.  On  lui  donna 
ensuite  le  nom  de  «  rue  des  Francs-Bourgeois  »,  dû  peut-être  à  ce  que  la 
grande  vogue  des  eaux  minérales,  dont  rétablissement  se  trouvait  entre  cette 
rue  et  la  Seine,  avait  décidé  beaucoup  de  personnes  aisées  à  venir  s'y  fixer. 
Vers  1770,  elle  prit  le  nom  de  rue  «  Basse  »,  qu'elle  conserva  très  longtemps  et 
qui  était  en  contradiction  avec  celui  de  «  rue  Haute  »,  qu'elle  portait  autrefois. 
En  vue  d'expliquer  cette  contradiction,  je  ferai  observer  que  la  rue  Raynouard 
est  à  une  grande  hauteur  au-dessus  de  la  Seine  (2),  mais  qu'elle  est  basse  si 

fi)  Voir  aux  annexes  (p.  341)  l'article  de  M.  Lc^opold  Mar,  intitulé»  Un  coin  du  vieux  Passy». 
(2)  Pour  ce rtaincB  maisons,  l'entrée  aur  la  rue  Raynouard  est  à  la  hauteur  du  troisi^me 
étage,  de  Tautre  côté. 


38  HISTOIRE    DU    XVl'   ARRONDISSEMENT 

on  la  compare  à  remplacement  de  l'ancîea  château  seigneurial  et  surtout  aux 
parties  culminantes  de  Passy,  qui  se  trouvent  entre  la  rue  de  la  Tour  et  l'ave- 
nue Henri 'Martin. 

Le  nom  actuel  de  la  rue  Raynouard  (précédemment  rue  Basse),  lui  a  été 
donné  par  le  décret  du  27  février  1867,  en  l'honneur  de  François- Just-Marie 


Raynouard,  littérateur  et  philologue,  né  en  )7.tl  et  mort  au  n'  20  ancien, 
38  actuel  de  cette  rue.  Après  avoir  été  avocat  à  Draguigaan  et  au  parlement 
d'Aix,  il  futnomméen  1791  député  suppléanlàlAssemblée  législative;  arrêté 
en  1793,  il  ne  recouvra  la  liberté  qu'après  la  chute  de  Robespierre.  Sa  tragédie 
des  Templiers  fut  représentée  le  :2i  juillet  lHl);>au  théâtre  du  palais  de  Saint- 
Cloud  ;  la  première  représentation  avait  été  donnée  avec  un  immense  succès. 


RUE  RAYNOUARD  89 

le  14  mai,  sur  la  scène  du  Théâtre-Français.  Il  entra  en  1807  à  TAcadémie 
française,  dont  il  devint,  en  1817,  le  secrétaire  perpétuel.  On  peut  citer, 
parmi  les  ouvrages  qu*il  a  laissés  :  Monuments  relatifs  à  la  condamnation 
des  chevaliers  du  Temple,  Choix  de  poésies  originales  des  Troubadours,  His' 
toire  du  droit  municipal  en  France  sous  la  domination  romaine  et  sous  les  trois 
dynasties, 

La  circulation  n'était  pas  toujours  très  commode  au  commencement  du 
XIX®  siècle  ;  un  arrêté  du  9  thermidor  an  XI,  renouvelé  en  vertu  d*une 
délibération  du  conseil  municipal  de  Passy  du  5  mai  1819,  interdisait  aux 
voitures  attelées  de  plus  d'un  cheval  de  suivre  la  rue  Basse  (rue  Raynouard), 
parce  que  le  passage  des  rouliers  pourrait  nuire  à  la  solidité  des  maisons 
établies  au-dessus  d'anciennes  carrières  (1). 

Il  résulte  d'une  délibération  du  conseil  municipal  de  Passy  du  5  mai  1827, 
que  MM.  Roêhn  et  C*",  propriétaires  de  l'ancien  château  seigneurial  de  Passy 
(château  de  Boulainvilliers),  ayant  exposé  qu'on  ne  pouvait  sans  danger 
laisser  plus  longtemps  dans  son  état  actuel  la  partie  de  la  rue  située  aux 
abords  de  la  rue  projetée  du  Ranelagh,  parce  que  la  pente  y  était  très  rapide 
et  fort  inégale,  ofirirent,  pour  l'adoucissement  de  cette  pente,  une  souscrip- 
tion de  450  francs,  à  laquelle  vinrent  se  joindre  d'autres  oflres  de  fonds  de 
concours,  notamment  celle  de  M.  Fulchiron,  montant  à  200  francs.  La  com- 
mune accepta  ces  oflres  et  se  chargea  de  faire  niveler  la  rue  Basse  entre  la 
rue  des  Vignes  et  la  propriété  de  Mme  Grével.  En  outre,  on  réalisa  un  accord 
entre  les  propriétaires  pour  rectifier,  entre  le  rond-point  de  Boulainvilliers 
et  la  rue  des  Vignes,  la  rue  Basse,  qui  décrivait  une  courbe  assez  prononcée 
devant  les  dépendances  du  château  de  Boulainvilliers.  Le  projet  de  nivelle- 
ment de  la  rue  Basse  aux  abords  de  la  rue  du  Roc  (rue  Berton)  a  été  crédité 
par  une  délibération  municipale  du  3  mai  1828.  Celle  du  19  décembre  1832  a 
autorisé  le  maire  à  réaliser  devant  notaire  l'échange  de  terrains  convenu 
avec  MM.  Roëhn  et  €'•  pour  redressement  et  élargissement  de  la  rue  Basse. 
En  1834,  des  trottoirs  ont  été  construits  dans  cette  rue  par  la  commune,  les 
propriétaires  riverains  s'étant  engagés  à  payer  les  trois-septièmes  de  la 
dépense.  Enfin,  la  construction  du  chemin  de  grande  communication  de 
Montrouge  à  Neuilly  (route  de  transit),  entraînant  un  surbaissement  du  sol 
de  la  rue  de  Boulainvilliers,  la  commune  de  Passy  exécuta  à  ses  frais,  en 
1841,  un  nouveau  nivellement  de  l'extrémité  de  la  rue  Basse,  aboutissant  au 
rond-point  de  Boulainvilliers. 

La  moindre  largeur  de  la  rue  Raynouard  a  été  fixée  à  8  mètres  par  l'arrêté 
préfectoral  du  16  février  1856  ;  elle  est  donc  assez  étroite  et  elle  est  aujour- 
d'hui peu  passagère  ;  mais  les  maisons  situées  sur  le  côté  impair  ont  de  belles 
vues  sur  la  vallée  de  la  Seine  et  sur  les  coteaux  de  Meudon  ;  comme  elle 
conduisait  au  château  seigneurial  de  Passy,  on  y  avait  établi,  aux  xvn"  et  xvni^ 
siècles,  des  hôtels  importants.  Le  duc  de  Lauzun,  si  célèbre  par  ses  aventures 
avec  la  grande  Mademoiselle,  aventures  dont  les  suites  (2)  lui  valurent  un 

(i)  La  partie  sous-minée  du  solde  la  rue  Raynouard  a  été  consolidée  sur  une  longueur 
de  4o  mètres  près  le  carrefour  de  Passy  et  de  i85  mètres  entre  les  n»»  i4  et  59,  de 
1810  à  i8i3.  Dix-neuf  maisons  situées  entre  le  commencement  de  la  rue  Haynouard  (au 
carrefour  de  Passy)  et  la  rue  Sintrer  accèdent,  chacune  par  un  escalier,  h  une  ancienne 
carrière  servant  de  cave. 

(2)  Voir  la  M  Notice  sur  le  duc  de  lauzun  »  par  M.  Gobé,  pp.  t^h  et  a5'2  du  III*  volume 
du  Bulletin,  et,  aux  annexes  (p.  343),  1q  notp  sur  «  Ltapzun  à  Passy  »,  par  M*  Léopold  M^r. 


4o  HISTOIRE    nu   XVI*   AIIOONDISSEMENT 

internement  de  dix  ans  dans  la  forteresse  de  Pignerol,  où  il  se  rencontra 
avec  Foiiquet,  l'ancien  surintendant  des  finances,  était  rentré  en  grâce 
auprès  de  Louis  XIV,  parce  qu'il  avait  réussi,  non  sans  péril,  à  ramener 
d'Angleterre,  en  1088,  la  reine  et  le  jeune  prince  de  Galles,  que  Jacques  II 
lui  avait  confiés.  Deux  ans  après  la  mort  de  la  grande  Mademoiselle,  c'est-à- 
dire  en  1695,  époque  à  laquelle  il  avait  soixante-trois  ans,  il  épousa  la  fille 
cadette  du  maréchal  de  Lorges,  sœur  de  la  duchesse  de  Saint-Simon,  qui 
avait  alors  un  peu  moins  de  quinze  ans.  Peu  de  temps  après,  il  acheta  ou  se 
fit  construire,  dans  les  jardins  des  propriétés  portant  les  n"*  11  et  13,  un  hôtel 
dont  il  ne  reste  aujourd'hui  que  les  soubassements  dans  la  propriété 
Delessert  ;  il  conserva  cet  hôtel  jusqu'à  sa  mort,  survenue  en  1723,  et  fut 
inhumé  dans  le  couvent  des  Pelits-Auguslins,  aujourd'hui  l'École  des  Beaux- 
Arts.  Cet  hùtel  de  Passy  fit  l'objet  d'un  acte  de  donation  réciproque  de  M.  et 
de  M"'"  de  Lauzun,  qui  porte  la  date  du  6  novembre  1711.  C'est  dans  cet 
hôtel  que  s'établirent,  en  juillet  1719,  le  duc  de  Saint-Simon  (1)  et  la  duchesse, 
qui  était  dame  d'honneur  de  la  duchesse  de  Berry,  pour  se  rapprocher  du 
château  de  la  Muette,  où  résidait  alors  le  Régent,  qui  se  tenait  auprès  de  sa 
fille  mourante. 

Le  baron  Benjamin  Delessert,  banquier  philanthrope  fondateur  de  la 
caisse  d'épargne,  et  ses  deux  frères,  François  I)elessert,  banquier  également, 
et  Gabriel  Delessert,  maire  de  Passy,  de  1830  à  183i,  puis  préfet  de  police  du 
10  septembre  1830  au  24  février  1848,  eurent,  depuis  1800,  des  hôtels  de  plai- 
sance, dont  les  vastes  jardins  dominent  la  Seine  et  qui  occupent  les  premiers 
numéros  impairs  de  la  rue  Raynouard  (2).  Ces  hôtels,  depuis  le  n°  11,  ont  été 
ensuite  habités  par  les  membres  ou  descendants  de  cette  famille,  qui  a  rendu 
de  grands  services  à  Passy,  y  a  répandu  beaucoup  de  bienfaits  et  y  a,  pendant 
de  longues  années,  pourvu  seule  aux  dépenses  des  écoles  publiques.  Une 
délibération  du  conseil  municipal  du  3  novembre  1836  constate  que  la  com- 
mune continue  à  être  affranchie  des  dépenses  annuelles  des  écoles  des  deux 
sexes,  grâce  à  la  munificence  du  baron  Benjamin  Delessert. 

C'est  au  n"  21  (ancien  66)  de  la  rue  Raynouard  que  La  Tour  d'Auvergne  (3) 
a  résidé  de  1796  à  1800  ;  il  y  recevait  souvent  ses  amis,  les  généraux  Desaix, 
Lecourbe,  Kléber  et  Moreau.  Sur  le  rapport  de  Carnot,  ministre  de  la  Guerre, 
le  premier  consul  décerna  à  La  Tour  d'Auvergne  (1743-1800)  le  titre  de  «  pre- 
mier grenadier  de  la  République  ».  On  sait  que,  de  1800  à  1809,  tous  les 
jours,  à  l'appel  de  son  nom,  le  plus  ancien  caporal  de  la  46^  demi-brigade 
répondait  :  «  Mort  au  champ  d'honneur  !  »  La  Société  historique  d'Auteuil  et 
de  Passy  a  demandé  qu'une  inscription  soit  apposée  sur  la  maison  que  La 
Tour  d'Auvergne  a  habitée. 

Le  chansonnier  Déranger  demeura,  de  1833  à  1835,  dans  la  mansarde  de 
la  maison  qui  suit  le  presbytère  (n"  22  ancien,  42  actuel).  L'auteur  drama- 
tique Picard  passa  la  plus  grande  partie  de  ses  dernières  années  rue  Ray- 
nouard, au  coin  de  la  rue  de  l'Annonciation,  et  c'est  là  qu'il  mourut  en  1828. 

(i)  Voir  aux  annexes  (p.  343)  la  note  sur  «  Saint-Simon  à  Passy  ». 

(a)  Voir  aux  annexes  fp.  3^3)  la  biographie  intitulée  «  Les  Delessert  »,  par  M.  Léopold  Mar. 

(3)  Voir  aux  annexes  (p.  356)  l'article  de  M.  Léopold  Mar  intitulé  :  «  La  Tour  d'Auvergne  à 
Passy  ».  Voir  également  le  procès-verbal  d'apposition  et  de  levée  des  scellés  par  le  juge 
de  paix  h  la  maison  de  La  Tour  d'Auvergne,  rue  Basse,  66,  le  i8  messidor  an  VIÏI 
et  le  4  brumaire  an  IX  (pp.  85  et  86  du  IV«  volume  du  BuUelin). 


RUE    RAYNOUARD  4> 

L'abbé  Raynal,  littérateur  et  philosophe,  habitait,  en  1791,  rue  Raynouard, 
pK'^s  de  la  rue  de  l'Annonciation;  il  mourut  en  1796,  k  l'âge  deSi  ans,  rue  des 
Batailles,  q"  1,  chez  un  ami  qu'il  était  venu  voir. 

L'abbé  Prévost,  l'auteur  de  Manon  Lescaul,  a  habile,  lui  aussi,  la  rue  Ray- 


(CulleclioQdeJM.  Em.  PoUn.) 

nouard,  près  de  la  rue  de  l'Annonciation  ;  comme  vers  la  fin  de  sa  vie,  il  avait 
été  nommé,  en  1735,  aumânier  du  prince  de  Conti  :  "  Monsieur  l'abbé,  lui 
dit  alors  le  prince,  vous  voulez  être  mon  aumdnier;  fort  bien  t  mais  je  n'en- 
teads  pas  de  mes)!e.  »  —  «  Et  moi,  Monseigneur,  lui  réponditM'abbé,  je  n'en 
dis  pas.  » 


/|2  HISTOIRE    DU   XVI«   ARRONDISSEMENT 

Mlle  Louise  Contât,  célèbre  actrice  de  la  Comédie-Française,  demeura, 
vers  1791-1793,  au  n**  27  ancien,  47  actuel,  presque  vis-à-vis  de  la  rue  de 
TAnnonciation.  C'est  dans  un  pavillon  situé  au  fond  du  jardin  de  cet 
immeuble  que  Balzac  (1)  a  séjourné,  de  1844  à  1847,  après  avoir  vendu  les 
Jardies  et  avant  de  s'installer  à  la  Folie-Beaujon  ;  il  y  a  composé  Modeste 
Mignon,  Honorine,  Esther,  Eve  et  David,  le  cousin  Pons,  Vautrin. 

Quatremère  de  Quincy,  littérateur  et  archéologue,  a  habité,  de  1802  à  1815, 
le  n^Si  ancien,  51  ou  53  actuel.  Le^vaudevilliste  Dumersan  a  occupé,  de  1820 
à  1835,  le  44  ancien,  62  actuel;  le  vaudevilliste  Brazier  demeura  avec  lui 
jusqu'à  1825. 

Benjamin  Franklin,  ministre  plénipotentiaire  des  États-Unis,  habita  sou- 
vent, de  1777  à  1785,  un  pavillon  de  l'ancien  hôtel  de  Valentinois  (2),  dont 
l'emplacement  est  actuellement  occupé  par  la  chapelle  de  Tinstitution  des 
Frères  des  écoles  chrétiennes,  n**  66  actuel  de  la  rue  Raynouard,  à  l'angle  de 
la  rue  Singer  ;  c'est  au  n**  62  de  la  rue  Raynouard  que  Franklin  lit  la  première 
expérience  de  paratonnerre.  Une  plaque  commémorative  (3)  a  été  placée,  le 
dimanche  8  mars  1896,  par  la  Société  historique  d'Auteuil  et  de  Passy,  sur  le 
mur  de  la  chapelle  des  Frères,  pour  rappeler  à  la  fois  le  séjour  de  Franklin 
à  Passy  et  la  pose  du  premier  paratonnerre. 

C'est  au  n"  68  de  la  rue  Raynouard  que  se  trouve  la  grande  entrée  du 
pensionnat  des  Frères  des  écoles  chrétiennes  à  Passy.  Leur  pensionnat  prin- 
cipal à  Paris  avait  été  ouvert  d'abord  en  1837,  au  n"*  165  de  la  rue  du  Fau- 
bourg-Saint-Martin,  dans  des  locaux  bii  le  petit  noviciat  avait  été  établi  en 
1835.  La  communauté  acheta  en  juin  1838,  à  M.  Briant,  les  deux  pavillons  et 
une  partie  des  jardins  d'un  ancien  hôtel  de  Passy,  qui  avait  successivement 
appartenu  au  duc  d'Aumont,  au  marquis  de  Ségur,  au  comte  de  Valentinois, 
dont  il  avait  conservé  le  nom,  au  prince  de  Condé  et  enfin  à  M.  Briant.  Les 
travaux  d'appropriation  furent  aussitôt  entrepris,  et  c'est  le  8  avril  1839  que 
le  pensionnat  fut  définitivement  transféré  de  Paris  à  Passy;  il  prospéra  rapi- 
dement dans  ce  local  vaste  et  salubre,  où  les  constructions  furent  successi- 
vement augmentées  :  le  nombre  des  élèves,  qui  n'était  que  de  28  en  1839, 
s'élevait  à  600  en  1855,  700  en  1864  et  850  en  1899.  Il  comprend  non  seulement 
l'enseignement  primaire  supérieur,  mais  encore  l'enseignement  secondaire 
spécial  et  moderne,  ainsi  que  des  classes  commerciales.  Beaucoup  d'élèves 
de  cet  établissement  ont  été  reçus  au  baccalauréat  de  l'enseignement  secon- 
daire spécial,  au  baccalauréat  de  l'enseignement  secondaire  moderne  et  à 
l'École  centrale  des  arts  et  manufactures. 


(i)  Voir  au  tome  III  du  Bulletin,  pages  i54  à  i58,  rarlicle  de  M.  Henri  de  Forges  de 
Montagnac,  intitulé  :  «  Honoré  de  Balzac;  notes  biographiques;  son  séjour  à  Passy»;  aux 
annexes  (p.  862;,  la  note  intitulée  :  «  Une  visite  à  la  maison  de  Balzac,  rue  Raynouard,  47i  à 
Passy  »;  et  la  note  de  M.  L.  Mar  sur  «  les  demeures  de  Balzac  »,  p.  36o. 

(2)  Voir  au  second  volume  du  Bulletin,  pages  95  à  io3,  le  compte  rendu,  par  M.  Emile 
Potin,  de  la  cérémonie  de  la  pose  et  de  l'inauguration  de  la  plaque  commémorative  de 
Franklin. 

(3)  D'après  une  note  de  M.  de  Riancey,  Franklin  aurait  habité  non  le  grand  hôtel  de 
Valentinois,  où  résidait  son  propriétaire,  M.  Le  Ray  de  Chaumont^et  qui  est  actuellement 
occupé  par  la  maison  des  Frères,  mais  le  petit  hôtel  de  Valentinois, qui  est  habité  parles 
sœurs  de  la  Charité,  chargées  des  œuvres  de  la  paroisse,  et  qui  dépend  de  la  cure  de 
Passy.  M.  de  Riancey  a  eu  pendant  deux  ans  (1846-1847)  un  appartement  dans  cette  mai- 
son, qui  faisait  autrefois  partie  de  Tancien  enclos  de  Valentinois.  Comme  on  le  verra  plus 
loin,  l'hôtel  de  Valentinois  avait  son  entrée  au  n"  9  de  la  rue  de  l'Annonciation. 


RUE   FRANKLIN  ^6 

L'architecte  BobertdeCotteet  son  fils,  touBdeuxpremiersarchiteclesdu  roi, 
eurent  ua  hôtel  important  dans  la  rue  Haynouard,  à  Tanglede  la  ruedes  Vignes, 
depuis  1720  environ;  Robert  de  Cotte  y  mourut  en  1738,  et  son  fils  en  1767. 

Aux  n°*  73  et  75  actuels  se  trouvait  autrefois  la  maison  des  gardes,  que  le 
fabuliste  Florian  habitait  accidentellemeat,  quand  la  princesse  de  Lamballe 
séjournait  è  Pnssy,  dans  sa  maison  de  plaisance  de  la  rue  Berton,  ou  lorsque 


iRohert  lie  Colle.) 

le  duc,de  Penthièvre  habitait  le  château  de  M.  de  Boulaiovilliers,  que  ce  der- 
nier lui  avait  cédé  à  vie  (1). 

J'ai  rappelé  ci-dessus  le  séjour  de  Pranklia  k  Passy,  rue  Raynouard  :  c'est 
pour  en  conserver  le  souvenir  qu'un  arrêté  du  coDseil  général  de  la  commune 
de  Passy,  en  date  du  3  septembre  17!tl,  a  donné  le  nom  de  rue  Franklin  à  une 
rue  du  voisinage,  qui  s'appelait  «  rue  Neuve  des-Minimes  »,  et  occupait  l'em- 
placement d'un  ancien  chemin,  marqué  sur  le  plan  de  Verniquet  (1789),  ainsi 

i)  L^  famidc  filachnnl,    qui   s'ost    illui^tréc   clann    l'Univorsitë,  n   linliilé  la  rue  Bnane, 
ainni  que  les  pcinlreo  François  Desportes  ri  NoH  Hnllë. 
Eugène  Manuel  a  demeuré  au  n-  6  de  la  rue  Haynouard. 


44  HISTOIRE    DU   XYI**   ARRONDISSEMENT 

que  sur  celui  de  Roussel  (1731),  et  reliant  le  carrefour  de  la  Montagne  (carre- 
four de  Passy)  à  la  barrière  Sainte  Marie,  nommée  plus  tard  barrière  Fran- 
klin (place  du  Trocadéro). 

Benjamin  Franklin  (1706  1790)  était  imprimeur  à  Philadelphie  en  1729  et 
publia  le  Bonhomme  Richard  en  1732;  député  de  la  Pensylvanie  au  Con- 
grès, il  s'y  déclara  en  faveur  de  l'indépendance  des  États-Unis;  chargé  de 
solliciter  Tappui  de  la  France,  il  obtînt  de  Louis  XVI  un  traité  d'alliance  en 
1778  et  fut  en  1783  un  des  signataires  du  traité  de  paix  de  Paris,  consacrant 
rindépendance  de  su  patrie.  11  mourut  président  de  l'État  de  Pensylvanie;  on 
prit  le  deuil  pendant  un  mois  aux  États-Unis  d'Amérique  et  pendant  trois 
jours  en  France  (1). 

En  1790,  la  largeur  de  la  rue  Franklin  a  été  fixée  à  ll'",70  ;  la  commune  y 
a  établi  des  trottoirs  en  1844.  Cette  rue  fut  classée  comme  annexe  de  la  route 
départementale  n*  2,  de  Paris  à  Saint-Cloud  ;  à  son  origine,  le  sol  a  été 
abaissé  en  1849,  lorsqu'on  a  opéré  le  raccordement  du  débouché  de  la  nou- 
velle direction  de  celle  route  avec  les  diverses  voies  aboutissant  au  carrefour 
de  la  Montagne  (carrefour  de  Passy)  ;  elle  a  été  remise  en  état  de  viabilité, 
aux  frais  du  département  de  la  Seine,  en  1853.  La  Ville  de  Paris  y  a  installé 
des  becs  à  incandescence  en  19(K)  (2). 

Le  général  Faron  habitait  le  n«  25  de  la  rue  Franklin  et  y  est  mort  le 
21  novembre  1881,  à  l'âge  de  soixante  et  un  ans.  La  mairie  de  Passy  a  été 
pendant  plus  de  trente  aos  au  n*"  3  de  la  rue  Franklin  ;  une  délibération  du 
conseil  municipal  du  25  avril  1828  autorise,  moyennant  un  loyer  annuel  de 
800  francs,  la  location  de  trois  pièces  de  plus  dans  celte  maison,  dont  M.  Auge 
de  Fleury,  maire  de  Passy,  était  propriétaire  et  où  étaient  installés  les  services 
de  la  mairie.  Le  peintre  Debucourt  a  demeuré  rue  Franklin. 

Joseph-François  Michaud,  auteur  de  Vllisloire  des  Croisades,  membre  de 
l'Académie  française  en  1813  et  de  celle  des  inscriptions  et  belles-lettres  en 
1837,  né  en  1767,  fut  un  des  fondateurs  de  la  Biographie  universelle  et  du 
journal  la  Quolidienne.  Sa  santé  élant  devenue  précaire, il  vint  se  fixer, en  1832, 
avec  son  jeune  ami  et  collaborateur  Poujoulat,  à  Passy  ;  il  y  habitait  une 
modeste  maison  avec  jardin  au  n°  18  actuel  de  la  rue  Franklin  ;  il  y  mourut 
en  1839.  De  nombreux  amis,  parmi  lesquels  Chateaubriand,  assistèrent  à  ses 
obsèques;  la  Quolidienne  ouvrit  une  souscription  pour  lui  élever  le  monu- 
ment qui  se  trouve  au  cimelière  de  Passy. 

H.  de  Riancey,  député  et  publicisle,  a  habile,  vers  1857-1858,  le  n'»20  de 
cette  rue. 

Sous  le  second  Empire,  on  avait  projeté  de  remplacer  la  rue  Franklin  par 
une  large  avenue,  débouchant  sur  la  place  du  Trocadéro  ;  mais  ce  projet  n'a 
pas  été  réalisé. 

La  rue  Vineuse,  qui  forme  un  coude  à  la  hauteur  du  n»  25,  a  été 
percée,  avec  une  largeur  de  9'*,60,  vers  la  fin  du  xviir  siècle  ;  elle  tire  son 
nom  d'anciennes  vignes  qui  appartenaient   au  couvent  des  Minimes  ou 


(i)  Voir  l'article  de  M.  Edmond  Wahl  intitulé:  »  Beaumarchais  chez  F'ranklinà  Passy», 
3  décembre  1777  (p.  87  du  IV»  volume  du  Bulletin). 

(2)  L'acquisition  par  expropriation  de  l'immeuble  sis  rue  Franklin,  n»  a,  à  Fangle  de 
cette  rue  avec  le  boulevard  Delessert,  sera  nécessaire  pour  l'exécution  de  la  partie  du 
métropolitain  comprise  entre  la  place  du  Trocadéro  et  la  gare  de  Lyon. 


EGLISE    NOTRE-DAME    DE   GRACE    DE    PASSY  4^ 

Bonshommes.  Autrefois,  Chaillot,    Passy  et  Auteuil  avaient  beaucoup  de 
vignes  (1). 

Béranger  vint  en  1841  demeurer  chez  son  amie,  M"**  Béga,  au  n»  19  de  la 
rue  Vineuse;  il  y  resta  sept  ou  huit  ans.  Le  regretté  président  de  la  Société 
historique  d'Auteuil  et  de  Passy,  M.  Eugène  Manuel,  a  fait  le  récit  d'une 
visite  de  Michelet  au  célèbre  chansonnier,  rue  Vineuse  (i). 

Le  maréchal  de  Mac-Mahon,  le  général  F.  Douay  et  leurs  états-majors 
descendirent,  le  2^  mai  1871,  dans  la  maison  n*"  49  de  cette  rue. 

La  rue  de  r Annonciation  (3)  va  de  la  rue  de  Passy  à  la  rue  Raynouard  et 
passe  devant  l'entrée  principale  de  Téglise  de  Passy.  Elle  s'appela  rue  du 
Moulin,  rue  des  Tierrées,  puis  rue  de  la  Paroisse  jusqu'à  la  Révolution,  qui 
lui  imposa,  en  1793,  le  nom  de  «  rue  de  la  Raison  ».  Quand  les  églises  furent 
rendues  au  culte,  elle  devint  la  «  rue  de  l'Église  »,  nom  qu'elle  conserva  jus- 
qu'au décret  du  26  février  1867,  qui  lui  a  donné  sa  dénomination  actuelle. 

Le  chansonnier  vaudevilliste  Brazier  acheta  en  18i5  la  maison  n°  4  et  y 
mourut  en  1835  ;  cette  maison  a  été  habitée  par  l'éditeur  Curmer  vers  1856-1858. 

Le  duc  d' Aumont,  lieutenant  général  et  célèbre  amateur,  eut  sous  Louis  XV, 
à  l'emplacement  du  n^"  9,  une  propriété  s'étendant  jusqu'au  delà  de  la  rue 
Singer  actuelle  ;  il  la  céda  au  tomte  de  Valentinois,  prince  de  Monaco.  En  18i>l, 
le  prince  de  Condé  et  son  fils,  le  duc  de  Bourbon,  vinrent  habiter  cet  hôtel 
pendant  quelque  temps. 

ISéglise  Notre-Dame-de-Grâce  de  Passy  a  d'abord  été  une  simple  chapelle, 
bâtie  par  Claude  Chahu,  conseiller  du  roi  en  ses  conseils,  trésorier  général 
des  finances  et  seigneur  de  Passy;  la  construction  de  cette  chapelle  était  fort 
avancée  quand  fut  rendu  le  décret  de  Mgr  Hardouin  de  Péréfixe,  archevêque 
de  Paris,  en  date  du  28  décembre  1666,  dont  voici  un  court  extrait  : 

«  Nous  étant  apparu  par  le  rapport  de  notre  vicaire  général  que  les  habi- 
tants de  Passy  ne  peuvent  aller  sans  beaucoup  d'incommodité  à  leur  paroisse 
d'Authueîl,  pour  y  recevoir  les  sacrements  et  assister  à  l'office  divin,  à  cause 
de  la  distance  et  de  la  difficulté  des  lieux,  avons  érigé  et  érigeons  par  ces  pré- 
sentes une  église  succursale  audit  Passy,  dépendante  et  aide  de  la  paroisse 
d'Authueîl  et,  à  cet  effet,  avons  permis  et  permettons  d'achever  la  chapelle 
encommencée  de  bâtir  et  sera  la  dite  église  succursale  sous  l'invocation  de 
Notre-Dame  de  Grâce,  de  laquelle  la  principale  fête  se  fera,  chaque  année, 
le  jour  de  l'Annonciation  de  la  Vierge.  » 

Six  années  après,  le  16  mai  1672,  grâce  aux  démarches  persistantes  de  la 


(i;  Voir  page  i38  du  H*  volume  du  Bulletin^  Tariicle  de  M.  Léopold  Mar,  inUtulé:  «  Comme 
quoi  il  en  cuisait  de  voler  le  verjus  à  Passy,  au  xiv*  siècle  »>. 

(2)  Voir  aux  annexes  (p.  497)  l'article  intitulé  :  «  Michelet  chez  Béranger  à  Passy  *. 
Béranger  quittant  Paris  pour  venir  s'établir  à  Passy,  qui  était  alors  un  lieu  de  villégia- 
ture, disait  : 

Puissé-je  ici  vieillir  exempt  d'orage, 
Et  de  l'oubli  près  de  Huhir  le  poids. 
Comme  l'oiseau  dormir  dans  le  feuillage, 
Au  bruit  mourant  des  échos  de  ma  voix. 

(3;  Sous  le  sol  de  la  rue  de  TAnnonciation,  les  vides  des  anciennes  carrières  ont  été 
consolidés  sur  une  longueur  de  22  mètres  devant  le  n»  8,  de  12  mètres  devant  le 
n«  30  et  de  4*  mètres  devant  les  n°*  4  et  26  et  entre  les  n'«  23  et  26.  Devant  le  n*  3i» 
la  distance  du  sol  au  ciel  de  la  carrière  est  de  7  mètres,  et  la  hauteur  des  galeries  d'ex- 
ploitation est  de  in»,rx). 


46  HISTOIRE    DU   XVI®   ARRONDISSEMENT 

veuve  (1)  de  Claude  Chahu,  cette  succursale  était  érigée  en  église  paroissiale; 
cette  concession  contribua  à  Taugmentation  de  la  population  de  Passy.  En 
i673,  la  veuve  de  Claude  Chahu  fit  l'acquisition  d'une  maison  (2)  pour  réta- 
blissement du  presbytère. 

On  reconnut,  avant  la  fin  du  gouvernement  de  la  Restauration,  la  nécessité 
d'agrandir  l'église  de  Passy.  Le  devis,  dressé  le  5  mars  1828  et  montant  à 
47.000  francs,  décrivait  les  travaux  à  faire  de  la  manière  suivante  :  «  L'objet 
des  travaux  est  l'agrandissement  de  l'église,  la  restauration  des  bâtiments 
actuels  et  la  construction  d'une  sacristie.  L'église  actuelle  sera  prolongée  en 
forme  de  croix,  de  manière  que  la  partie  ancienne  sera  destinée  entièrement 
à  former  la  nef  principale  et  les  deux  nefs  latérales  ;  la  partie  à  construire 
contiendra  le  transept,  le  chœur,  le  sanctuaire  et  les  deux  chapelles  à  droite 
et  à  gauche  du  maître-autel,  à  l'extrémité  des  nefs  latérales  ;  une  de  ces  cha- 
pelles sera  consacrée  à  la  Vierge,  l'autre  à  la  communion.  » 

Des  subventions  furent  accordées  par  le  ministère  de  la  Justice  et  des 
Cultes  et  des  'souscriptions  particulières  furent  recueillies  ;  il  n'en  était  pas 
moins  très  difficile  d'arriver  à  réunir  les  fonds  nécessaires.  Le  conseil  muni- 
cipal de  Passy  demandait,  par  délibération  du  15  octobre  1830,  que  les 
20.000  francs  alloués  parle  conseil  général  pour  l'agrandissement  de  Téglise 
fussent  consacrés  à  la  construction  d'une  mairie.  11  consentait,  le  9  mai  1831, 
à  payer  les  68  francs  de  frais  occasionnés  par  l'adjudication  des  travaux 
d'agrandissement  de  l'église;  mais,  à  la  date  du  8  novembre  1835,  il  refusait 
de  faire  concourir  la  commune  aux  dépenses  d'agrandissement  de  Téglise  et 
se  bornait  à  recommander  au  ministre  des  Cultes  la  demande  de  M.  l'abbé 
Gary  (Curé  depuis  la  fin  de  1830  jusqu'à  novembre  1835J,  qui  offrait  de  sub- 
venir à  une  partie  de  la  dépense.  Le  conseil  municipal  de  Passy  montra 
ensuite  des  dispositions  beaucoup  plus  favorables  :  il  approuva  le  9  mai  1845 
un  projet  de  M.  l'architecte  Debressenne  (agrandissement  et  consolidation  de 
l'église,  etc.)  montant  à  70.000  francs,  accepta  la  coopération  de  10.000  francs 
offerte  par  la  fabrique,  vota  25.000  francs  comme  part  contributive  de  la  com- 
mune et  demanda  au  préfet  d'accorder  35.000  francs  sur  les  fonds  d'octroi 
de  banlieue.  Les  travaux,  exécutés  de  1846  à  1849,  sous  la  direction  de  M.  De- 
bressenne, doublèrent  la  longueur  de  l'église.  La  pose  delà  principale  pierre 
du  clocher  eut  lieu  le  3  novembre  1846;  le  procès-verbal  transcrit  sur  par- 
chemin, avec  le  sceau  de  la  mairie,  et  renfermant  quelques  pièces  de  mon- 
naie à  Teffigie  du  roi  Louis-Philippe,  fut  déposé  dans  une  boîte  de 
plomb. 

Le  conseil  municipal  de  Passy  déclara,  le  11  mars  1848,  que  les  travaux 
supplémentaires  de  l'église  devaient  être  reconnus  dette  communale.  Par 
lettre  en  date  du  A  octobre  de  la  même  année,  le  maire  de  Passy  fit  connaître 
au  préfet  de  la  Seine  que  les  travaux  d'agrandissement  de  l'église  étaient  ter- 
minés et  lui  proposa  d'approuver  le  montant  des  dépenses,  fixé  à  82.530  francs; 
cette  approbation  fut  accordée,  sur  l'avis  du  conseil  des  bâtiments  civils. 

De  1856  à  1859,  M.  Tarchilecte  Debressenne  fut  chargé  de  diriger  de  nou- 


(i)  Voir  aux  annexes  (p.  280)  l'article  de  M.  Léopold  Mar  intitulé  :  «  Fondation  de  la 
paroisse  de  Passy  » . 

{2)  Voir  aux  annexes  (p.  362)  l'article  de  M.  Léopold  Mar  intitulé  :  u  Pourquoi  le  prcdhy- 
tère  de  Notre-Dame-de-GrAce  fut  acquis  à  bon  compte  ». 


[ 


RUE   JEAN-BOLOGNE  4? 

veaux  travaux  pour  Téglise  de  Passy;  son  devis  montait  à  la  somme  de 
77.000  francs  :  agrandissement  des  chapelles  de  la  sainte  Vierge  et  de  saint 
Augustin,  réparation  du  chœur  à  poser  sur  bitume,  stucage,  peintures,  calo- 
rifère, etc.  Une  partie  des  dépenses  d'amélioration  de  Téglise  de  Passy  fut 
couverte  par  une  souscription  volontaire  à  laquelle  prit  part  le  célèbre  chan- 
sonnier Déranger,  qui  habita  Passy  et  qui  avait  spécifié  que  c'était  pour  la 
salle  de  catéchisme  des  enfants  qu'il  souscrivait.  Le  conseil  municipal  accorda 
un  secours  de  7.000  francs  pour  les  vitraux  et  Tornementation  des  chapelles 
agrandies. 

•  Vers  1872,  on  a  réparé  le  portail  de  Téglise  ;  on  a  travaillé  à  la  sacristie,  à 
la  chapelle  au-dessus  et  à  celle  de  saint  Joseph  ou  des  mariages.  De  1890  à 
1892,  on  a  installé  une  conduite  d'eau,  un  poste  d'incendie,  transformé  des 
lustres  au  gaz,  établi  des  tribunes  devant  le  grand  orgue  et  au-dessus  des 
deux  chapelles  des  bas-côtés  (ce  qui  a  augmenté  de  238  le  nombre  des  places 
de  réglise),  agrandi  la  chapelle  de  la  sainte  Vierge  et  le  caveau  mortuaire, 
établi  un  chœur  dans  une  construction  édifiée  sur  le  jardin  et  réalisé  divers 
aménagements  :  sacristie  et  cabinets  pour  le  curé  et  pour  les  vicaires,  le  tout 
d'après  les  plans  et  devis  de  M.  Train,  architecte  de  la  ville. 

En  1902,  on  a  établi  de  nouvelles  orgues  et  transféré  le  maitre-autel  à  la 
place  de  l'orgue  d'accompagnement  (1). 

On  peut  citer  comme  ayant  été  enterrés  dans  l'église  de  Passy  :  l'abbé 
d'Estrades  (2),  fils  du  maréchal  de  ce  nom,  ambassadeur  à  Venise  en  1675  et 
à  Turin  en  1079,  mort  en  1715  à  Passy,  où  il  habitait  depuis  cinq  ans  ;  l'abbé 
Le  Ragois,  précepteur  du  duc  du  Maine  et  confesseur  de  Mme  de  Maintenon, 
mort  en  1730;  les  abbés  Boucheron,  mort  le  22  juin  1674  ;  Fleuret,  mort  le 
9  février  1730  ;  Locatelli,  qui  fut  curé  de  Passy  de  1852  à  1879  et  mourut  le 
1-4  mai  1879;  Guiral,  qui  fut  curé  de  Passy  de  1879  à  1886  et  mourut  en 
août  1886.  M.  Tabbé  Chauvet,  qui  fut  le  premier  curé  séculier  de  Passy  et  qui 
administra  la  paroisse  de  1791  à  1827,  fut  enterré  dans  le  cimetière 'de  Passy, 
et  non  dans  l'église. 

La  rue  Jean-Bologne  a  été  ouverte  sur  l'emplacement  du  premier  presby- 
tère de  la  cure  de  Passy,  établi  par  la  dame  Chahu,  et  d'une  partie  du 
jardin  de  ce  presbytère,  qui  avait  été  déclaré  propriété  nationale  et  acquis 
par  la  commune  de  Passy.  On  lui  donna  d'abord  le  nom  de  «  rue  Neuve-de- 
r Église,  parce  qu'elle  longe  un  des  côtés  de  cet  édifice. 

M.  Renaut,  propriétaire  rue  Neuve  de-lÉglise,  fut  autorisé,  le  31  mars  1826, 
à  y  exercer  le  commerce  de  marchand  de  bois,  sous  la  condition  de  paver  à 
ses  frais  cette  rue,  depuis  sa  propriété  jusqu'à  la  Grande-Rue  de  Passy,  la 
commune  prenant  à  sa  charge  le  surplus  du  pavage  de  la  rue  Neuvede- 
rÉglise. 

Une  délibération  municipale  du  28  septembre  1827  constate  que  le  presby- 
tère est  dans  un  tel  état  de  dégradation  qu'il  est  devenu  inhabitable,  et  auto- 
rise le  maire  a  louer  à  Mme  Schalcher,  principale  locataire,  une  maison 
rue  de  l'Eglise  (aujourd'hui  rue  de  l'Annonciation),  attenant  à  l'église,  pour  y 

(i)  M.  Tabbé  Douvain,  vicaire  général  honoraire  de  Bordeaux,  chanoine  honoraire  de 
Vannes,  de  Dijon  et  de  Bayeux,  qui  est,  depuis  i886,  curé  de  Nolre-Dame-de-Grâce  de 
Passy,  a  bien  voulu  me  documenter  sur  l'histoire  de  son  église. 

/2)  Cette  liste  a  été  communiquée  par  M.  Léopold  Mar  à  la  Société  historique  d^Auteuil 
cl  de  Passy. 


48  HISTOIRE    DU    X\V   ARRONDISSEMENT 

loger  M.  Tabbé  Delaplanche,  qui  fut  curé  de  Passy  de  1827  à  octobre  1830. 
Une  ordonnance  royale  du  18  septembre  1843  autorisa  la  commune  de  Passy 
à  acquérir  une  maison  et  dépendances,  destinée  à  être  réunie  au  presbytère, 
pour  servir  de  logement  aux  ecclésiastiques  attachés  à  la  paroisse.  Cette 
maison,  qui  fut  achetée  à  la  dame  Meslier,  était  attenante  au  presbytère  et  en 
avait  fait  partie  autrefois  :  son  achat  donnait  au  terrain  du  presbytère  sur  la 
rue  une  largeur  égale  à  celle  du  jardin.  Un  crédit  de  8.505  francs  avait 
d'ailleurs  été  voté,  le  1"  février  1843,  pour  réparer  le  presbytère. 

La  largeur  de  la  rue  Neuve-de-rÉglise  a  été  fixée  à  8  mètres  par  arrêté  du 
16  février  1856.  La  construction  des  trottoirs  y  a  été  autorisée  par  délibéra- 
tions municipales  des  4  août  et  4  novembre  1817.  La  dénomination  actuelle  lui 
a  été  donnée  par  décret  du  24  août  1864,  en  l'honneur  du  sculpteur  et  archi- 
tecte Jean  Bologne,  né  à  Douai  en  1524  et  mort  à  Florence  en  1608.  Elève  de 
Michel-Ange,  il  a  fait  les  figures  et  les  ornements  en  bronze  de  la  place 
Majeure,  à  Florence  ;  le  Mercure  volant,  à  Rome  ;  r Amour  et  Psyché,  àVersailles, 
il  a  composé  le  cheval  de  bronze  supportant  la  statue  d'Henri  IV  sur  le 
Pont-Neuf. 

La  rue  Bois- le- Vent,  qui  va  de  la  place  de  Passy  à  la  rue  Mozart,  faisait 
autrefois  partie  de  la  rue  de  l'Église  (aujourd'hui  rue  de  TÂnnonciation)  ; 
cette  dernière  rue  se  prolongeait  alors  (1)  jusqu'à  «  la  Chaise  )>  (aujourd'hui 
boulevard  Beauséjour)  et  se  trouva  divisée  en  deux  tronçons  quand  on  créa, 
en  1835,  la  place  de  la  Mairie  ;  c'est  à  cette  époque  qu'on  donna  le  nom  de 
«  Bois-le-Vent  »  au  tronçon  de  l'ancienne  rue  de  l'Église,  se  dirigeant  vers 
le  bois  de  Boulogne.  Ce  nom  est  attribué  à  ce  que  la  rue  bordait  un  chantier 
de  bois  sous  le  vent,  ou,  suivant  une  autre  version,  à  ce  que  le  vent  venait 
par  elle  du  bois  de  Boulogne.  Li  délibération  municipale  du  1*"^  février  1844 
porte  que  des  maisons  d'habitation  viennent  d'être  construites  sur  le  côté  sud 
de  la  rue  Bois-le-Vent,  où  il  n'y  avait  précédemment  que  des  murs  de  jardins, 
et  que  les  propriétaires  de  ces  nouvelles  maisons  s'étant  conformés  à  l'aligne- 
ment, il  y  a  lieu  d'exécuter  de  ce  côté  des  caniveaux  pavés,  pour  l'établissement 
desquels  le  conseil  vote  un  crédit  de  1.339  francs.  D'ailleurs,  la  rue  Bois-le- 
vent  ne  comprenait  alors  que  la  partie  enclavée  entre  la  place  de  Passy  et  la 
rue  de  Boulainviiliers  ;  la  section  qui  s'étend  de  la  rue  de  Boulainvilliers  à 
la  rue  Mozart  s'est  appelée  d'abord  rue  des  Vignes  et  n'a  été  réunie  à  la  rue 
Bols-le-Vent  qu'en  1877. 

Le  surbaissement  de  la  rue  de  Boulainvilliers,  opéré  lors  de  l'établissement 
du  chemin  de  grande  communication  de  Montrouge  à  Neuilly,  par  le  pont  de 
Grenelle,  imposa  à  la  commune  de  Passy  les  frais  d'un  nouveau  nivellement, 
en  1840,  pour  la  rue  Bois-le-Vent  et  la  rue  des  Vignes  :  le  déblai  atteignait 
2  mètres  à  la  rencontre  de  cette  rue  et  du  nouveau  chemin  (route  de 
transit). 

La  rue  des  Vignes  a  remplacé  le  chemin  des  Vignes,  qui  reliait  la  rue 
Raynouard  à  l'entrée  de  la  Muette  ;  ce  nom  rappelle  l'époque  où  on  cultivait 
la  vigne  sur  le  coteau  de  Passy.  Un  décret  du  10  février  1875  avait  donné  à 
cette  rue  le  nom  de  «  rue  Houdon  »;  mais  comme  il  existait  à  Paris  une  rue 

(i)  C'est  dans  celte  partie  de  la  rue  Bois-le-Vent,  vis-à-vis  de  la  Muette,  que  se  trouvait 
la  maison  Pastoret,  où  le  poète  André  Chéuier  fut  arrêté  le  6  janvier  1794  (voir  aux 
annexes  (p.  362\  l'article   de  M.  Léopold  Mar  sur  l'arrestation  d'André  Ghénier  à  Passy). 


BLE    UtS    VIGNES  ^^ 

portant  leiuéiue  nom,  l'arrêté  préfecloral  du  i"  lévrier  1H77  a  rétabli  l' ancien 


La.  princesse  de  LAMaULE 


(Colli'cLion  de  M.  Em.  PotliM 

nom  de  la  rue  des  Vignes.  apWis  (pit!  l'autre  rue  portant  également  ce  nom 
fut  réunie,  comme  il   a  été  dit  ci-dessus,  à  la  rue  Boin-le-\'ent.  M.  Leblanc, 


5o  UISTOIRE   DU   XVr   ARRONDISSEMENT 

vice-président  du  conseil  général  des  ponts  et  chaussées,  a  habité  le  n*»  65  de 
la  rue  des  Vignes.  Mlle  Emilia  Bigottini,  qui  s'était  fait  applaudir  à  l'Opéra 
de  1802  à  1822,  vécut  longtemps  en  son  hôtel  de  la  rue  des  Vignes  et  fit 
beaucoup  de  bien  aux  pauvres  de  Passy. 

Le  passage  des  Eaux  (1)  est  étroit  et  coudé,  à  pente  très  rapide  ;  un  esca- 
lier de  114  marches  irrégulières  y  permet  la  circulation  entre  la  rue 
Raynouard  et  le  quai  de  Passy.  Il  figure  comme  rue  sur  le  plan  de  1731  et 
tire  son  nom  du  voisinage  des  eaux  minérales  ferrugineuses  de  Passy.  C'est 
une  voie  privée  qui  s'est  nommée  d'abord  «  la  f uelle  des  Eaux  «  et  ensuite 
le  «  passage  des  Anciennes-Eaux  ». 

Un  décret  du  2  octobre  1865  a  réuni  sous  la  seule  dénomination  de  rue 
Berton  deux  rues  qui  figurent  sur  le  plan  de  1731,  savoir  :  la  rue  de  Seine 
(prenant  naissance  au  quai,  devant  son  nom  au  voisinage  du  fleuve,  et  dont 
la  direction  est  perpenpiculaire  à  celle  de  la  rue  Raynouard)  et  la  rue  du 
Roc,  en  équerre  et  débouchant  sur  la  rue  Raynouard  ;  cet  ancien  nom  de 
rue  du  Roc  eât  attribué  à  ce  qu'un  gros  bloc  de  pierre  se  trouvait  dans  cette 
section,  ou  à  ce  qu'elle  aboutissait  au  point  culminant  de  la  montagne,  ou 
roc.  La  dénomination  actuelle  a  été  donnée  en  mémoire  du  compositeur 
Henri-Montan  Berton  (1766-1844), qui  entra, comme  violon,  à  l'Opéra,  à  quinze 
ans,  fut  nommé  professeur  d'harmonie  au  Conservatoire,  lors  de  sa  création 
en  1795,  dirigea  l'Opéra  italien  de  1807  à  1809  et  fut  nommé  membre  de 
l'Institut  en  1815.  Le  père  de  Berton,  qui  avait  été  également  compositeur, 
fut  surintendant  de  la  musique  du  roi. 

Le  côté  gauche  de  cette  ancienne  rue  de  Seine  était  occupé  par  une  pro- 
priété de  Marie-Thérèse-Louise  de  Savoie-Carignan,  princesse  de  Lamballe, 
amie  de  Marie-Antoinette  et  une  des  plus  déplorables  victimes  des  massacres 
de  septembre  1792.  Cette  belle  propriété  avait  d'abord  appartenu  à  Geneviève- 
Marie  de  Durfort  de  Lorges,  fille  du  maréchal  de  Lorges,  belle-sœur  du  duc 
de  Saint-Simon  et  veuve,  depuis  1723,  du  célèbre  duc  de  Lauzun.  Après  elle, 
le  domaine  fut  acquis,  le  9  septembre  1734,  par  la  marquise  de  Saissac,  fille 
de  Louis-Charles  d'Albert,  duc  de  Luynes.  Vint  ensuite  la  nièce  par  alliance 
de  la  précédente  propriétaire,  lacomtess3  d'Egmont-Pignatelli,  belle-sœur  du 
maréchal  de  Richelieu  ;  de  son  premier  mariage  elle  avait  eu,  en  1748,  Louis- 
Joseph-Charles-Amable  d'Albert  qui,  devenu  duc  de  Luynes  et  de  Chevreuse, 
et  pair  de  France,  entra  en  possession  de  la  propriété  le  18  mai  1775  et  la 
vendit,  le  1*"^  février  1783,  à  la  princesse  de  Lamballe,  veuve  du  fils  du  duc 
de  Penthièvre,  avec  lequel  elle  pouvait  communiquer  aisément,  puisqu'il 
habitait  le  château  seigneurial  de  Passy,  dont  le  parc  avait  une  issue  sur  la 
rue  Raynouard,  à  peu  de  distance  de  la  rue  Berton. 

Le  lendemain  de  la  mort  de  la  princesse  de  Lamballe,  c'est-à-dire  le 
4  septembre  1792,  on  apposa  sur  sa  maison  de  Passy  les  scellés,  qui  ne  furent 
levés  que  le  3  avril  1793.  La  propriété,  d'abord  saisie  et  vendue  comme  bien 
d'émigrés,  fut,  après  l'accord  survenu  en  mai  1796  entre  la  République 
française  et  le  roi  de  Sardaigne,  remise  le  12  janvier  1797  à  Charles-Emma 
nuel  de  Savoie-Carignan,  neveu  et  héritier  de  la  princesse  de  Lamballe.  Ne 
pouvant  pas  habiter  ce  domaine,  il  s'en  défit  le  8  août  suivant  en  faveur  du 
citoyen  Joseph  Baguenault  et  de  sa  femme,  dans  la  famille  desquels  il  resta 

;i  I  Voir  ,'uix  annexes  (p.  3C/|}  Tarlicle  de  M.  l.<'»op(»ld  .\far  intitulé  :  •«  Le  passage  des  Eaux  »>. 


PONT    d'iÉNA  5| 

jusque  vers  1845.  La  propriété  avait  autrefois,  du  côté  des  numéros  pairs  de 
la  rue  Berton,  quelques  dépendances  qui  furent  acquises  par  la  famille 
Delessert  pour  la  régularisation  de  ses  terrains. 

Depuis  cette  époque,  la  propriété  de  la  princesse  de  Lamballe  (1)  a  été  cons- 
tamment occupée  par  une  maison  de  santé  pour  aliénés.  Le  docteur  Esprit 
Blanche  y  transféra  en  1846  la  maison  de  santé  qu'il  avait  sur  les  hauteurs  de 
Montmartre  et  en  partagea  la  direction  médicale  avec  son  fils  aine,  le  célèbre 
docteur  Emile  Blanche.  Il  mourut  dans  cette  maison  le  5  novembre  18o2. 
Son  fils,  le  docteur  Emile  Blanche,  conserva  la  direction  de  la  maison  jusqu'en 
187i,  époque  à  laquelle  il  la  céda  au  docteur  Meuriot,  récemment  décédé. 
Après  avoir  quitté  la  direction  de  la  maison  de  santé  de  la  rue  Berton,  le  doc- 
leur  Emile  Blanche  se  retira  en  son  hôtel  de  la  rue  des  Fontis,  n"*  19  (actuelle- 
ment dénommée  rue  du  docteur  Blanche);  il  y  resta  pendant  les  vingt  der- 
nières années  de  sa  vie  (i)  et  y  mourut  le  17  août  1893. 

La  rue  GuilioUy  dont  le  côté  droit  est  bordé  par  les  jardins  de  la  maison  de 
santé  du  docteur  Blanche,  est  fort  ancienne  et  porte  un  nom  de  propriétaire. 
Sa  largeur  a  été  fixée  à  8"*,:î0  par  arrêté  du  16  février  1856. 

Le  côté  gauche  de  la  rue  Guillou  est  très  voisin  de  la  voie  ferrée,  ouverte  à 
Texploitation  en  même  temps  que  l'Exposition  universelle  de  1900  (chemin 
de  fer  de  Courcelles  aux  Invalides).  L'établissement  du  pont  sur  lequel  ce 
chemin  de  fer  traverse  la  Seine  a  nécessité  un  abaissement  du  quai  de  Passy, 
au  droit  des  rues  Guillou  et  du  Ranelagh,  qui  a  été  réalisé  d'ootobre  1899  à 
novembre  1900  ;  on  a  exécuté  également  (3)  en  1900  la  mise  en  état  de  viabi- 
lité de  la  rue  Guillou  (suppression  du  caniveau  central,  établissement  de 
chaussée  empierrée  et  de  trottoirs). 

La  grande  route  n"  10  de  Paris  à  Bayonne  par  Versailles,  Tours  et  Bor- 
deaux est  dénommée  quai  Debilly  entre  le  pont  de  l'Aima  et  la  rue  Beethoven, 
et  quai  de  Passy  entre  la  rue  Beethoven  et  le  pont  de  Grenelle.  C'est  en  1572 
qu'on  a  commencé  la  construction  du  quai  Debilly  et  il  prit  alors  le  nom  de 
quai  des  Bonshommes,  parce  qu'il  longeait,  dans  une  partie  de  son  étendue, 
les  dépendances  de  leur  couvent  ;  on  le  désigna  ensuite  sous  les  noms  de 
chemin  de  Paris  à  Versailles,  quai  de  la  Savonnerie  (4),  quai  de  Chaillot. 
L'article  2  du  décrel  du  13  janvier  1807,  daté  de  Varsovie,  est  ainsi  conçu  : 
«  Le  quai  sur  lequel  le  pont  d'Iéna  doit  s'appuyer  du  côté  de  Chaillot  et 
qui  doit  être  élargi  et  refait  dans  une  nouvelle  direction  s'appellera,  dans  la 
partie  comprise  entre  la  pompe  à  feu  [o)  et  la  barrière,  quai  Debilly,  du  nom 
du  général  (6).  » 

Leponl  (Tléna  (7)  réunit  le  quai  Debilly  au  quai  d'Orsay,  dans  l'axe  du 

(i)  Les  indications  données  sur  In  propriété  de  la  princesse  de  Lamballe  onl  été  com- 
muniquées à  la  Société  historique  par  M.  Léopold  Mar. 

f2)  Voir  ci-après  les  renseignements  donnés  dans  la  notice  concernant  la  rue  du  Doc- 
leur-Blanche,  qui  appartient  au  quarUer  d'Auteuil. 

(31  Les  travaux  ont  été  exécutés  sous  la  direction  de  M.  l'inspecteur  général  Boreux, 
de  M.  l'ingénieur  Bret  et  de  M.  le  conducteur  Germain. 

(4)  Voir  ci-dessus  les  indications  données  sur  lancicnne  manuracture  royale  de  tapis 
de  la  Savonnerie  (genre  perse  et  turc). 

5*  La  pompe  à  feu  sera  mentionnée  dans  la  notice  concernant  l'avenue  du  Trocadéro. 

iG'  Le  nom  du  général  Debilly,  tué  /lia  bataille  diéna,  s'écrivait  en  un  seul  mot;  cepen- 
dant, on  a  écrit  souvent  le  nom  du  quai  en  deux  mots  :  «  de  Billy  ». 

'7  Mon  article  sur  «<  la  Seine  entre  le  pont  d'Iéna  et  le  viaduc  d'Auteuil  »»  est  repro- 
duit à  la  tin  de  ce  livre,  aux  annexes  (p.  305). 


52  HISTOIRE    DU   XVl'   ARRONDISSEMENT 

Champ  (le  Mars  et  du  palais  du  Trocadéro  ;  il  appartient  aux  VIP  et  XVP  arron- 
disseraeats.  Sa  constructioa  vis-à-vis  de  l'Ecole  militaire  a  été  autorisée  par  le 
décret  du  27  mars  1806;  il  devait  d'abord  s'appeler  «  pout  du  Champ-ds- 
Mars  »  et  être  couslruit  en  fer  et  fonte  :  la  majorité  du  conseil  général 
des  ponts  et  chaussées  donna  heureusement  la  préférence  à  rétablissement 
d'un  pont  en  pierre  de  cinq  arches  de  ±H  mètres.  Par  un  décret  daté  de  V^ar- 
sovie,  Je  13  janvier  1807,  Napoléon  P*'  lui  donna  le  nom  de  pont  d'Iéna,  en 
mémoire  de  la  bataille  gagnée  le  14  octobre  1806  par  Tarmée  française  (maré- 
chal Davoust,ducd*Auerstaëdt)sur  les  Prussiens  ;  le  projet  d'exécution,  dressé 
par  l'ingénieur  en  chef  des  ponts  et  chaussées  Lamandé,  dont  le  nom  a  été 
donné  à  une  des  rues  de  Paris,  a  été  approuvé  par  décret  du  27  juillet  1808; 
la  dépense  du  pont  et  des  quais  voisins,  montant  à  environ  6  millions,  a  été 
entièrement  supportée  par  l'État  ;  les  travaux,  commencés  en  1808,  ont  été 
terminés  en  1813.  Le  mur  du  quai  Debilly  avait  été  reporté  dans  le  lit  de  la 
Seine,  et  ce  quai  élargi  aux  dépens  de  la  rive  opposée. 

On  lit  dans  l'ouvrage  publié  par  M.  Brugère,  en  1823  ; 

«  Le  pont  de  l'École  militaire  semblait  devoir  être  à  l'abri  de  tout  événe- 
ment, d  après  la  capitulation  de  Paris  ;  mais  le  nomd'Iéna  qu'il  portait  alors, 
en  mémoire  d'une  victoire  remportée  par  les  Français,  suggéra  h  larmée 
prussienne  le  projet  de  détruire  ce  beau  pont.  En  conséquence,  des  ouvriers 
mineurs,  commandés  par  un  officier,  s'occupèrent  à  miner  la  partie  inférieure 
des  piles.  Les  procédés  employés  exigèrent  heureusement  un  temps  assez 
long,  dont  on  profita  pour  faire  des  représentations  qui  furent  écoutées  et  le 
pont  fut  sauvé.  Des  incrustements  exécutés  avec  un  grand  soin  ont  fait  dis- 
paraître jusqu'aux  moindres  traces  de  cette  tentative.  » 

On  a  attribué  la  conservation  de  ce  monument  à  l'énergie  du  roi  Louis  XVIII 
et  à  l'intervention  de  l'empereur  de  Russie  Alexandre  I"  (1)  ;  une  ordon- 
nance royale  de  181i  lui  attribua  le  nom  de  «  pont  des  Invalides  »,  et 
Louis  XVIII  fit  effacer  les  aigles  sculptées  sur  les  tympans  du  pont,  au-dessus 
des  piles  ;  elles  furent  remplacées  par  des  L  adossées  et  surmontées  de  cou- 
ronnes. Après  la  révolution  de  1830,  le  pont  reprit  son  nom  d'Iéna  ;  en  1852, 
Napoléon  III  fit  disparaître  les  L,  auxquelles  furent  substituées  des  aigles 
sculptées  par  Barye,  et,  l'année  suivante,  on  plaça  sur  les  quatre  piédestaux 
des  extrémités  du  pont  les  quatre  statues  de  cavaliers  tenant  des  chevaux 
en  main  ;  le  projet  de  ces  groupes  équestres,  montant  à  110.000  francs,  avait 
été  approuvé  en   1849. 

Chaque  culée  a  15  mètres  d'épaisseur  ;  la  largeur  entre  les  parapets  est  de 
13'", 70,  chiffre  qui  me  parait  insuffisant  :  cette  exiguïté  a  causé  quelques 
accidents  les  jours  de  grandes  fêles.  L'élargissement  du  pont  d'Iéna,  effectué 
pour  les  besoins  de  l'Exposition  universelle  de  1930,  n'avait  qu'un  caractère 
essentiellement  provisoire  ;  des  considérations  esthétiques  s'opposaient  au 
maintien  de  cet  élargissement  (2). 

La  passerelle  Debilly,  construite  pour  les  besoins  de  l'Exposition  univer- 
selle a  son  axe  à  48)  mètres  de  distance  de  celui  du   pont  dléna.  Elle 

(i:  Voir  aux  annexes  ^p.  370)  larticle  de  M.   Léopold  Mar  intitulé  :  «  Par  qui  le  pont 
d'Iéna  fui  sauvé  en  1814  »>• 

f2  Le  pont  d'Iéna  figure  parmi  les  monuments  artistiques  sur  lesquels  rafflchage  est 
interdit,  même  en  temps  d'élections.  Les  passerelles  ea  bois  élargissantles  trottoirs  pour 
piétons  de  chaque  côté  du  pont  ont  été  maintenues  jusqu'à  présent. 


QUAI    DEBILLY  53 

a  120  mètres  de  lonp^ueur  et  est  supportée  par  doux  fermes  en  arcs  équilibrés  ; 
sa  largeur  est  de  8  mètres.  Les  frais  de  construction  se  sont  élevés  à 
îiHO.OOO  francs.  La  Ville  de  Paris  a  obtenu  de  l'Exposition  la  cession  de  cette 
passerelle,  qu'elle  se  propose  de  conserver  pourTaHecter  au  service  du  public. 

La  moindre  largeur  du  quai  Debilly  a  été  fixée  à  17"*,70par  une  décision 
ministérielle  du  13 fructidor  an  VIII  (signée  Lucien  Bonaparte)  et  à  27  mètres 
par  une  ordonnance  royale  du  27  septembre  1826.  C'est  au  quai  Debilly, 
près  de  la  pompe  à  feu  de  Chaillot,  que  TAméricain  Robert  Fulton  avait 
amarré  le  bateau  à  vapeur  qu1l  avait  inventé.  Le  Monileiir  du  26  thermidor 
an  XI  (14  août  1803)  en  donne  la  description  suivante  : 

«  C'est  un  bateau  d'une  apparence  bizarre,  puisqu'il  est  armé  de  deux 
grandes  roues  posées  sur  un  essieu,  comme  pour  un  chariot,  et  que,  derrière 
ces  roues,  est  une  espèce  de  grand  poêle,  avec  un  tuyau  que  Ton  dit  être  une 
petite  pompe  à  feu  destinée  à  mouvoir  les  roues,  armées  de  volants  ou  rames 
plates,  et  le  bateau.  » 

Fulton  fit  avec  succès,  le  9  août  1803,  des  expériences  de  vitesse,  sur  la 
Seine,  entre  la  pompe  à  feu  de  Chaillot  et  la  barrière  des  Bonshommes.  Le 
recueil  polytechnique  des  Ponls  et  Chaussées  (page  32  du  VI*'  cahier  de 
Fan  XI)  rend  compte  de  ces  essais  dans  les  termes  suivants  :  « Aidé  seu- 
lement de  trois  personnes,  Fulton  mit  en  mouvement  son  bateau  et  deux 

autres  attachés  derrière En  remontant  le  long  du  quai,  sa  vitesse  contre 

le  courant  de  la  Seine  nous  parut  égale  à  celle  d'un  piéton  pressé,  c'est-à-dire 
de  2.400  toises  par  heure;  en  descendant,  elle  fut  bien  plus  considérable. 
Il  monta  et  descendit  quatre  fois,  depuis  les  Bonshommes  jusque  vers  la 
pompe  de  Chaillot.  11  manœuvra  à  droite  et  à  gauche  avec  facilité.  L'un  des 
bateletsvint  prendre  au  quai  plusieurs  savants  et  commissaires  de  l'Institut, 
parmi  lesquels  les  citoyens  Bossut,  Carnot,  Volney,  Prony,  etc.  Sans  doute 
ils  feront  un  rapport  qui  donnera  à  cette  découverte  tout  l'éclat  qu'elle 
mérite.  » 

Il  est  bien  regrettable  qu'on  n'ait  donné  en  France,  à  cette  époque,  aucune 
suite  à  ces  expériences.  Fulton  retourna  aux  États-Unis  et  y  transporta  la 
nouvelle  industrie  des  bateaux  à  vapeur  qu'il  venait  d'expérimenter  k 
Chaillot  (1). 

On  peut  voir,  dans  le  jardin  d'un  hôtel  du  quai  Debilly,  près  de  la 
Manutention,  un  cèdre  ;  c'est  tout  ce  qui  reste  d'une  propriété  qui  était 
connue  sous  le  nom  de  maison  du  cèdre;  elle  a  été  occupée  par  Mme  de  Pom- 
padour,  lors  de  la  construction  de  l'École  militaire,  puis  quelques  années 
plus  tard  par  Sophie  Arnould  (1740-1802),  cantatrice  de  l'Opéra,  célèbre  par 
son  esprit  frondeur  et  libertin.  Le  pavillon  de  cette  propriété,  qui  était  la 
retraite  favorite  de  Sophie  Arnould,  au  temps  des  fêtes  galantes  du 
xvni*  siècle,  a  été  démoli  en  1865,  par  suite  des  travaux  exécutés  pour  le  per- 
cement des  avenues  de  l'Aima  et  du  Trocadéro.  Sophie  Arnould  eut  du  comte 
de  Lauraguais  trois  enfants,  dont  l'un,  Dioville  comte  de  Brancas,  colonel  du 
11^  régiment  de  cuirassiers,  fut  tué  au  combat  de  l'île  de  Lobau.  Ayant 
quitté  le  théâtre  en  1778,  elle  se  retira  à  Clichy,  puis  à  Luzarches  (2),  où  elle 


11)  Les  premiers  essais  de  foncUonnement  d'un  bateau  à  vapeur,   avec  roues  à  aubes 
avaient  été  faits,  à  la  fln  du  xviii'  siècle,  par  le  marquis  Claude  de  JoufTroy  d'Abbans. 
[1)  V'oir  aux  annexes  (p.  371)  l'article  de  M.  Chandebois  sur  Sophie  Arnould. 


54  HISTOIRE    DU    XVI*   ARRONDISSEMENT 

devînt  suspecte  comme  ayant  été  autrefois  l'amie  d'aristocrates.  Des  agents 
du  comité  révolutionnaire  étant  venus  faire  une  visite  domiciliaire  dans  sa 
modeste  demeure  :  «  Mes  amis,  leur  dit-elle,  j'ai  toujours  été  une  citoyenne 
très  active  et  je  connais  par  cœur  les  droits  de  l'homme.  »  En  continuant 
leurs  perquisitions,  ils  s'arrêtèrent  devant  un  buste  du  compositeur  Gluck  : 
«  C'est  Marat,  le  père  du  peuple  »,  leur  déclara  Sophie,  et  ils  furent  très 
satisfaits  de  ces  réponses.  Dans  ses  dernières  années,  elle  obtint  de  François 
de  Neufch«1teau  un  logement  à  l'hôtel  d'Angiviller,  près  du  Louvre.  Comme 
le  curé  de  Saint-Germain-l'Auxerrois  lui  promettait  le  pardon  :  «  Je  suis 
comme  Madeleine,  dit-elle,  beaucoup  de  péchés  me  seront  remis,  parce  que 
j'ai  beaucoup  aimé.  » 

Georges  Cadoudal  a  habité  le  n^  10  ancien  du  quai  Debilly,  de  la  fin 
de  1803  au  commencement  de  février  1804,  à  l'époque  où  il  cherchait  d 
renverser  le  gouvernement  consulaire  ;  il  y  reçut  le  général  Moreau  et  y 
cacha  le  comte  Armand  de  Polignac  ;  le  général  Pichegru,  qui  conspirait 
contre  Bonaparte  avec  Georges  Cadoudal,  resta  avec  lui  dans  cette  maison 
du  2:2  ou  23  janvier  au  2  ou  3  février  180i. 

La  rue  Gasion-de-Saini-Paul  est  une  voie  privée,  qui  va  du  quai  Debilly  ù 
Tavenue  du  Trocadéro  ;  elle  doit  son  nom  au  propriétaire  qui  l'a  fait 
ouvrir. 

La  Manutention  (subsistances  militaires),  comprise  entre  le  quai  Debilly, 
la  rue  de  la  Manutention,  l'avenue  du  Trocadéro  et  la  rue  Gaston-de-Saint- 
Paul,  occupe  une  partie  de  l'emplacement  de  l'ancienne  manufacture  royale 
de  tapis  de  la  Savonnerie.  C'est  en  1836  qu'on  a  construit  la  première  partie 
des  bâtiments  de  la  Manutention  ;  le  maréchal  Maison,  alors  ministre  de  la 
Guerre,  venait  souvent  visiter  les  travaux  :  cet  établissement  était  alors  or- 
ganisé de  manière  à  produire  140.000  quintaux  de  farine  par  an  et  à  contenir 
les  approvisionnements  nécessaires  pour  nourrir  40.000  hommes  pendant 
trois  mois.  D'autres  bâtiments  ont  été  construits  en  1840(1). 

Le  quai  de  Passi/  est  planté  d'arbres,  comme  le  quai  Debilly.  L'ordon- 
nance royale  du  3  juillet  1842  en  a  fixé  la  moindre  largeur  à  20  mètres.  Par 
délibération  du  10  août  1844,  le  conseil  municipal  de  Passy  a  accordé  une 
subvention  de  33.000  francs  aux  travaux  d'amélioration  de  ce  quai. 

L'abbé  Le  Ragois,  dont  le  nom  est  lié  à  l'histoire  des  eaux  minérales  de 
Passy,  a  habité  de  4717  à  1730  une  maison  correspondant  probablement  au 
n°  32  du  quai  de  Passy  ;  il  fut  le  confesseur  de  Mme  de  Maintenon  et  le 
précepteur  du  duc  du  Maine  ;  il  découvrit  dans  son  jardin  deux  nouvelles 
sources  ferrugineuses,  en  1719. 

C'est  sur  le  quai  de  Passy,  au  bas  de  la  rue  Beethoven,  que  se  trouvait  la 
barrière  de  Passy  (précédemment  des  Bonshommes), et  c'est  à  cette  barrière  (2) 
que  Bailly,  maire  de  Paris,  et  Lafayette,  commandant  de  la  milice  pari- 
sienne, vinrent  recevoir,  le  17  juillet  1789,  Louis  XVi  venant  de  Versailles. 
Cette  barrière  a  été  démolie  en  1867. 

La  ruelle  Saint-Pol,  ou  du  Fief-Saint-Pol,  perdit  son  nom  sous  la  Révo- 
lution, quand  on  supprima  toutes  les  appellations  qui  rappelaient  la  féoda- 

(i)  Voir  l'arlide  do  M.  le  commandant  Dubois,  intitiilc^  :  «<  Incendie  de  la  Manutention 
militidre  du  quai  do  Rilly,  iKV5  »,  p.  (mj  A  79.  du  II*  volume  du  Bulletin, 

(îjj  Voir  aux  annexes  (p.  3-24)  rarlicle  de  M.  Léopold  Mar,  intitulé  :  «  Nos  Anciennes 
Barrières  >». 


KUE    DE    LA   POMPE  55 

lîtë.  Le  fief  Saint-Pol  appartenait  aux  seigneurs  de  Passy,  qui  le  men- 
tionnent dans  rénumération  de  leurs  titres.  Cette  ruelle,  qui  partait  du 
château  seigneurial,  aboutissait  aux  «  terres  fortes  d'Auteuil  »  (terres  argi- 
leuses). Le  i*'  décembre  1792,  elle  prit  le  nom  de  «  rue  des  Fortes-Terres  », 
puis  celui  de  rue  de  la  Glacière,  en  raison  d'une  grande  glacière  qui  avait 
été  installée  à  son  extrémité.  En  1836,  on  voyait  encore,  à  Tendroit  où  la  rue 
des  Fortes-Terres  débouchait  sur  le  chemin  des  Tombereaux  (aujourd'hui 
rue  de  TAssomption):  à  gauche,  le  saut-de-loup  qui  séparait  des  champs  le 
jardin  du  château  de  la  Tuilerie,  et,  à  droite,  la  glacière,  abritée  contre  le 
soleil  par  des  marronniers.  Un  décret  du  24  août  186i  a  donné  i\  cette  rue  le 
nom  du  sculpteur  Augustin  Pajou  (1730-1809),  grand  prix  en  1748,  membre 
de  l'Académie  royale  de  peinture  et  de  sculpture  en  1760  et  membre  de  l'Ins- 
titut lors  de  sa  formation.  Cette  voie,  dont  l'aspect  a  été  considérablement 
modifiée  par  les  nouvelles  constructions,  va  de  la  rue  Mozart  à  la  rue  de 
l'Assomption,  en  croisant  la  rue  du  Ranelagh,et  a  pris  le  nom  de  rue  Davioud, 
en  mémoire  de  l'architecte  Gabriel-Jean-Antoine  Davioud  (1823-1881).  En 
1897,  la  rue  Davioud  a  été  mise  en  état  de  viabilité  entre  les  n**'  17  et  21. 
On  a  commencé  en  avril  1901  les  travaux  d'élargissement  de  la  rue  Davioud 
entre  la  rue  Mozart  et  le  n**  13,*ainsi  que  le  nivellement  de  ladite  rue 
Davioud  ;  ce  nivellement  était  motivé  par  l'ouverture  d'une  voie  nouvelle, 
qui  sera  mentionnée  dans  l'alinéa  suivant  et  qui  fait  communiquer  la  rue 
Davioud  avec  la  nouvelle  voie-  percée  entre  la  rue  du  Ranelagh  et  la  rue  des 
Bauches.  La  largeur  de  la  rue  Davioud,  qui  avait  été  fixée  à  8  mètres  par 
l'arrêté  du  16  février  1856,  a  été  portée  à  12  mètres  par  le  décret  du  29 mai  1867, 
en  raison  du  percement  de  la  rue  Mozart. 

La  rue  Pajou,  dénommée  d'abord  impasse  Pajou  par  arrêté  préfectoral  du 
10  novembre  1873,  n'allait  autrefois  que  de  la  rue  des  Vignes  à  la  rue  des 
Bauches  et  se  trouve  prolongée  par  la  voie  nouvelle  ouverte  en  1901  entre  la 
rue  des  Bauches  et  la  rue  du  Ranelagh.  L'impasse  Pajou  était  le  restant  de 
l'ancien  sentier  du  Calvaire,  classé  comme  chemin  public  rural  le  5  oc- 
tobre 1857.  Ce  chemin  partait  de  la  rue  de  la  Glacière  et  arrivait  au  lieu  dit 
«  la  Chaise  »  (boulevard  Beauséjour);  une  grande  partie  de  son  étendue  a  été 
supprimée  :  1""  par  le  prolongement  de  la  rue  du  Ranelagh,  au  delà  de  la  rue 
Davioud;  2*"  par  le  percement  de  la  rue  Mozart. 

La  rue  de  l'Assomption  (autrefois  chemin  des  Tombereaux)  sépare  le 
territoire  de  Passy  de  celui  d'Auteuil  ;  la  notice  sur  cette  rue  est  donnée 
dans  la  partie  de  cet  ouvrage  qui  est  consacrée  à  l'histoire  des  rues  d'Au- 
teuil. 

La  rue  de  la  Pompe  \i)  doit  son  nom  à  la  pompe  qui  alimentait  le  château 
de  la  Muette.  Elle  a  d'abord  consisté  en  une  ruelle  qu'on  avait  pratiquée  le 
long  des  murs  de  ce  château  ;  elle  aboutissait  à  une  porte  du  bois  de  Bou- 
logne, située  alors  auprès  du  point  actuel  d'intersection  de  la  rue  de  Passy 
et  de  la  chaussée  de  la  Muette.  Cette  ruelle,  que  l'on  appela  d'abord  «  le  nou- 


(i}  La  hauteur  des  galeries  d'exploitation  des  anciennes  carrières  situées  sous  le  sol 
de  la  rue  de  la  Pompe  est  de  2«»,43  devant  le  n»  24,  de  2",3o  à  l'angle  de  la  rue  de  la 
Tour  et  de  5  mètres  à  Tangle  de  la  villa  Herran.  La  distance  du  sol  au  ciel  de  la  carrière 
est  de  5«>,26  au  puits  de  service,  devant  le  n*  24,  de  3™ ,95  à  Tangle  de  la  rue  de  la  Tour 
et  de  8>°,S>  près  de  la  villa  llcrran, 


56 


HISTOlDi:   T 


veau  chemin  «,  fut  Iransforméc  en  rue  (1)  dans  les  dernières  années  du 
XVIII"  KÏi'cle,  et,  comme  la  pompe  qui  fuiiraissait  de  l'eau  au  chAteau  se  trou- 
vait prôs  <le  rem|)laceinent  de  la  nouvelle  voie,  on  lui  donna  le  nom  de  rue 
de  la  Pompe.  Kn  fK(IU,  cette  rue  ne  donnait  acci'S  à  des  maisons  que  dans  la 


.5,  >•■ 


;  -a 


partie  comprise  entre  son  origine  et  son  pointactuel  d'intersection  avec  la  rue 
de  la  Tour  ;  k  partir  de  ce  point,  la  rue  de  la  l'ompe  était  continuée  par  un 
chemin  tortueux,  qui  traversait  la  plaine  de  P;iss]-  dans  toute  son  étendue  et 
venait  déboucher  près  de  la  porte  Maillot,  sur  l'avenue  de  Neuilly  {aujourd'hui 


RUE    DE    LA    POMPE  ÔJ 

avenue  de  la  Grande-Armée).  Vers  18:25,  la  société  qui  avait  entrepris  la 
transformation  de  la  plaine  de  Passy  en  un  nouveau  quartier,  élargit  et 
redressa  ce  chemin,  qui  prit,  lui  aussi,  la  dénomination  de  rue  de  la 
Pompe. 

La  route  de  Montrouge  à  Neuilly,  comprenant,  dans  le  XVP  arrondisse- 
ment, le  pont  de  Grenelle,  la  rue  Boulainvilliers  et  la  rue  de  la  Pompe,  a  été 
classée  comme  chemin  vicinal  de  grande  communication  le  A  septembre  1839, 
et  comme  route  départementale  n^  10  le  :25  juillet  1851. 

La  rue  de  la  Pompe  s'arrête  actuellement  à  l'avenue  du  Bois-de  Boulogne, 
le  décret  du  10  août  1868  ayant  donné  à  la  partie  de  cette  rue  qui  s'étendait 
entre  l'avenue  du  Bois-de- Boulogne  et  l'avenue  de  la  Grande-Armée  le  nom 
de  rue  Duret,  en  mémoire  du  statuaire  Francisque-Joseph  Duret  (1804-1865), 
élève  de  Bosio,  qui  a  concouru  à  l'achèvement  du  palais  du  Louvre  et  fut 
nommé,  en  1843,  membre  de  l'Académie  des  Beaux-Arts. 

Au  n"  20  de  la  rue  Duret  se  trouve  la  cité  Félix^  voie  privée,  qui  n'a 
que  'S'^Jù  de  largeur  et  a  été  ainsi  nommée,  parce  que  Félix  est  le  prénom 
de  M.  Guépin,  qui  a  fait  construire  cette  cité. 

L'arrêté  préfectoral  du  8  novembre  1840,  qui  incorporait  la  rue  de  la  Pompe 
au  chemin  de  Montrouge  à  Neuilly,  avait  fixé  pour  cette  rue  une  moindre 
largeur  de  12  mètres,  maintenue  par  le  décret  du  12  mai  1882,  sauf  en  ce  qui 
concerne  la  section  comprise  entre  l'avenue  du  Trocadéro  (Henri-Marlin) 
et  la  rue  de  Longchamp,  section  pour  laquelle  le  décret  fixe  la  largeur  à 
15  mètres;  ce  décret  porte,  en  outre,  que  les  parties  de  Timmeuble  n"  2  com- 
prises dans  le  tracé  de  la  voie  publique  ne  pourront  être  occupées  par  la 
Ville  qu*après  acquisition  amiable  ou  expropriation,  et  non  par  application 
de  la  servitude  de  reculement. 

On  remarque  d'élégantes  loggias  à  la  façade  de  la  maison  de  rapport  qui 
porte  le  n"  7  sur  la  rue  de  la  Pompe  et  qui  a  été  construite  récemment  par 
M.  Tarcbilecte  G.  Debrie  (\), 

L'auteur  dramatique  F.  Ponsard  (1814-1867),  qui  fut  élu  académicien  en 
1855  et  à  qui  on  doit:  Lucrèce  (1843),  Agnès  de  Méranie  (1846),  Horace  et 
Lydie ^  Charlotte  Corday  [V^TA))^  T Honneur  et  V Argent  (1853),  le  Lion  amou- 
reux (1866),  a  passé  les  dernières  années  de  sa  vie  à  Passy  (2)  ;  il  y  mourut, 
à  l'hôtel  portant  le  n*"  9  de  la  rue  de  la  Pompe,  assisté  des  bons  soins  du 
critique  Jules  Janin  (3), qui  avait  un  pied-à-terreàPassy  dès  1843  et  demeura 
dans  son  chalet,  portant  le  n"  11,  depuis  1856  jusqu'à  sa  mort,  surveaue 
en  1874. 

«  Cher  petit  bas-bleu  à  talons  rouges,  écrivait  un  jour  Jules  Janin  à  la 

i)  Cet  architecte  a  été  primé,  au  concours  de  façadeP,  pour  sa  maifion  de  la  rue  du 
Roi-<le-SiciIe, 

'^2;  Ponsard  fut  toujours  malheureux  au  jeu  :  il  perdait  aux  dominos  avec  Jules  Janin, 
an  lansquenet  chez  Augier.  Etant  allé  retrouver  à  Spa,  en  1853,  M  et  Mme  J.  Janin,  il 
voulut  voir  si  sa  mauvaise  chance  l'avait  abandonné  et  y  perdit  tous  les  droits  d'auteur 
qu'il  avait  gagnés  A  l'Odéon.  Pour  le  séjour  de  Ponsard  à  Passy,  voir  dans  le  Bulletin  Tar- 
Ucle  de  M.  Léopold  Mar,  intitulé:  «  Ponsard  à  Passy  »,  p.  6i  A  63  du  IV«  volume. 

3;  Voir  aux  annexes  (p. 373)  la  Conférence  faite  par  M.  Antoine  Guillois  sur  Jules  Janin 
à  une  soirée  littéraire  donnée,  à  la  mairie  du  XV1«  arrondissement,  par  la  Société 
historique  d'Autcuil  et  de  Passy.  —  Voir  également  la  communication  de  M.  Ch. 
Chamiebois  :  «  Vers  écrits  par  Jules  Janin  au  bas  d'une  photographie  du  chalet  »>,  p.  i5o 
cl  i5i,  et  rarticlc  de  M.  Louis  Aigoin,  intitulé  :  ««  Jules  Janin  et  Félix  Arvers  »,  p.  i5i  et 
i53  du  III^'  volume  du  Bulletin. 


58  HISTOIRE    DU   XVI'   ARRONDISSEMENT 

comtesse  de  Mouzay,  je  fixe  désormais  ma  lente  à  Passy;  car,  de  cette  colline 
charmante,  il  me  semble  qu'on  peut  mieux  ouvrir  ses  ailes  vers  Tinfini.  »> 

Jules  Janin  avait  fait  inscrire  au  nord  de  la  façade  de  sa  demeure  ces  deux 
vers  de  Clément  Marot,  l'un  de  ses  poètes  favoris  : 

tt  Que  le  ciel  nous  préserve  en  ce  bas  monde,  icy, 
De  faim,  d'un  imporlun,  de  froid  et  de  soucy.  » 

Cette  propriété,  qui  avait  1.100  mitres  de  superficie,  était  placée  au  milieu 
des  arbres  de  la  Petite-Muette  ;  Jules  Janin  raflectionnait  beaucoup  et  y  avait 
réuni  un  p^rand  nombre  de  livres  rares,  que  sa  veuve  donna  à  l'Institut,  à  la 
condition  que  la  salle  qui  contiendrait  cette  bibliothèque  porterait  le  nom  de 
son  mari. 

Le  chemin  de  fer  de  Courcellesau  Champ  de  Mars  a  été  construit  en  souter- 
rain près  de  cette  propriété  ;  le  chalet  de  Jules  Janin,  habité  après  lui  par  le 
colonel  Mannheim,  a  été  démoli  en  1898;  on  vient  d'exécuter  une  nouvelle 
rue,  établie  au-dessus  du  souterrain  du  chemin  de  fer;  elle  va  de  la  rue 
Gustave-Nadaud  à  la  chaussée  de  la  Muette,  coupe  la  propriété  habitée  autre- 
fois par  Jules  Janin  et  sera  probablement  dénommée  rue  Ponsard, 

Le  compositeur  Rossini  a  habité,  vers  1857,  Tancien  n^  24  de  la  rue  de  la 
Pompe.  Don  Carlos,  prétendant  à  la  couronne  d'Espagne,  et  sa  première 
femme,  la  duchesse  de  Madrid,  occupèrent,  de  1877  à  1881,  un  hôtel  sur  l'em- 
placement duquel  la  rue  de  Siam  a  été  percée.  Cet  hôtel  avait  été  habité,  à 
partir  de  1825,  par  le  comte  de  Las  Cases,  auteur  du  Mémorial  de  Sainle- 
Hélène,  qui  y  mourut  en  1842,  àTâge  de  soixante  quatorze  ans,  après  avoir  eu 
la  satisfaction  de  voir  rendre  à  la  France  les  cendres  de  Napoléon  P%  à  qui  il 
avait  donné  tant  de  preuves  de  dévouement.  Son  fils,  le  marquis  de  Las  Cases, 
né  en  1800,  qui  avait  eu,  pendant  quelque  temps,  l'honneur  de  servir  de  jeune 
secrétaire  à  l'empereur  à  Sainte-Hélène  et  qui  y  avait  ensuite  accompagné 
le  prince  de  Joinville,  quand  il  vint  y  prendre  les  cendres  de  Napoléon,  fut 
conseiller  d'État,  député  et  sénateur  du  second  Empire;  il  habitait  également 
rue  de  la  Pompe,  vers  Je  n**  47,  une  maison  attenante  au  jardin  de  l'hôtel  de 
son  père  ;  il  y  mourut  en  1854. 

Le  graveur  Bertinot,  membre  de  l'Institut,  habitait  au  n"  35,  en  1856-1859. 
Une  chapelle  ayant  son  entrée  sur  la  rue  de  la  Pompe  a  été  reconstruite, 
en  1898-1899,  par  les  Carmes,  dans  l'îlot  compris  entre  la  rue  de  Siam  et  la 
rue  de  la  Tour.  Ces  religieux,  n'ayant  pas  cru  devoir  demander  au  gouverne- 
ment d'autoriser  leur  congrégation,  ont  quitté  la  France  en  1901,  et  leur 
chapelle  est  actuellement  fermée.  Adolphe  Crémieux,  avocat  et  homme  poli- 
tique, vint  habiter  en  1873  au  n°  75,  à  l'angle  de  l'avenue  Henri-Martin,  et  y 
mourut  en  1880.  La  mairie  du  XVI*  arrondissement,  qui  s'élève  à  l'autre 
angle  de  l'avenue  Henri  Martin,  fut  inaugurée  officiellement  le  21  avril 
1877  ;    mais  les  bureaux  y  étaient  déjà  installés  depuis  quelques  années. 

C'est  sur  la  rue  de  la  Pompe  que  le  lycée  Janson-de-Sailly  (1)  a  son  entrée 
principale.  Sa  création  a  été  décidée  par  décret  du  30  décembre  1876;  la 
première  pierre  a  été  posée,  le  15  octobre  1881,  par  le  ministre  Jules  Ferry  ; 
Victor  Hugo  assistait  à  cette  cérémonie.  La  construction  a  été  dirigée  par 


(i)  Voir  aux  annexes  (p.38o)  larticle  de  M. Antoine  Guillois,  intitulé  ;  «  Ouelques  Mots 
sur  le  lycée  Janson-de-Sailly  ». 


r.YCÉE   JANfiON-DE-SAII-LY  Sg 

l'architecte  Laisné,  et  les  cours  ont  comniencé  dans  les  bAtiments.  encore 


(Cotlcclion  de  U.  Ém.  Polin.} 

inachevés,  le  10  octobre  I8Ki  ;  les  travaux, ont  été  terminés  en  avril  1885. 
Ce  lycée,  qui  est  très  bien  agencé,  conformêuieul  à  toutes  les  règles  de 


6o  HISTOIRE   Dr   XVl"   ARRONDISSEMENT 

l'hygiène,  est  le  plus  vasle  de  Frayée  :  il  occupe  une  surface  de  33.774  mètres 
carrés,  dont  ll.OUO  mf'tres  Mlis,  el  le  reste  consacré  à  des  cours  pluntées  el 
à  des  jardins.  Le  lerrain  a  été  aciielé  au  prix  de  trois  millions,  grâce  à 
UQ  legs  tait  h  l'Université  par  Janson  de  SaiUy,  beau-fn-re  de  l'urateui 
A.  Berryer.  L'Ktat  a  fait  élever  à  ses  frais  les  constructions,  quiontcoOté  envi- 
ron neuf  millions. 


Jules  Janin. 

(Colleclion  tic  M.  Cliiindel»ls.) 

Les  élèves  forment,  d'après  leur  âge,  quatre  divisions  qui  ont  chacune  leur 
cour  de  récrftation,' leurs  salles  d'études  et  de  classes,  leur  réfectoire  et  leurs 
dortoirs  particuliers.  L'infirmerie  se  trouve  dans  un  bâtiment  isolé  et  elle  a, 
dans  ses  dépendances,  un  petit  jardin  pour  les  convalescents. 

M.  Kortz  a  été  proviseur  du  lycée  depuis  sa  fondation  jusqu'au  15  septem- 
bre IHfll,  époque  à  laquelle  il  fut  remplacé  par  M.  Tourteau.  Cet  établis- 


STATION    DE    PASSY  6l 

sèment  n'a  besoin  de  recourir  à  aucune  subvention  :  son  budget  de  dépenses 
comprend  environ  1.400.000  francs,  équilibré  par  des  recettes  dont  le  mon- 
tant s'élève  à  la  même  somme. 

Beaucoup  de  belles  habitations  ont  été  construites  à  Passy,  depuis  que  le 
lycée  Janson  y  a  été  fondé  ;  le  voisinage  du  bois  de  Boulogne  attire  et  retient 
les  familles  ;  la  population  aisée  s'accroît  très  rapidement,  ce  qui  favorise  la 
prospérité  du  lycée,  où  le  nombre  des  élèves  augmente  chaque  année.  Il 
n'était  que  de  458,  en  1884,  année  de  la  fondation  et  est,  en  1001,  de  1853,  dont 
800  pour  l'enseignement  classique,  400  pour  l'enseignement  moderne,  et  le 
surplus  réparti  entre  les  classes  élémentaires  et  primaires.  L'augmentation 
porte  principalement  sur  le  nombre  des  élèves  externes,  qui  était  de  233  en  1884 
et  s'élève,  en  1001,  à  1.377.  Pour  être  en  mesure  de  satisfaire  aux  demandes 
de  nouvelles  admissions,  il  faudrait  créer  un  lycée  d'externes  à  Auteuil. 

Le  nombre  des  élèves  reçus  chaque  année  au  baccalauréat  est  en  moyenne 
de  200.  Depuis  dix  ans,  800  élèves  ont  été  reçus  aux  écoles  du  gouvernement 
(polytechnique,  normale,  Saint-Cyr,  navale,  centrale,  institut  agronomique 
et  écoles  supérieures  du  commerce).  En  douze  ans,  le  lycée  Janson  a  obtenu 
huit  fois  le  prix  du  Lendit  de  Paris,  fondé  en  1880  par  le  président  (^arnot. 

La  Chausiée  de  la  Muette  prolonge  la  rue  de  Passy  jusqu'aux  pelouses  du 
Ranelagh,  en  passant  devant  l'entrée  principale  du  château  (1)  dont  elle  porte 
le  nom.  C'était  autrefois  un  chemin  compris  dans  l'enceinte  du  bois  de  Bou- 
logne: une  partie  avec  grille,  située  à  l'extrémité  de  la  grande  rue  de  Passy  (2) 
et  à  la  naissance  de  la  rue  de  la  Pompo,  donnait  entrée  au  bois;  plus  tard, 
cette  porte  fut  tranférée  à  l'endroit  où  S3  trouve  aujourd'hui  la  station  de 
Passy  ;  enfin,  elle  fut  supprimée  lors  de  l'annexion,  en  1800. 

Le  décret  du  11  décembre  1811  classa  la  chaussée  de  la  Muette  comme  route 
départementale  n^  2,  de  Paris  à  Saint-Cloud,  et  fixa  sa  moindre  largeur  à 
14  m.  50  ;  elle  s'étendait  alors  jusqu'à  la  porte  de  la  Muette.  La  partie  retran- 
chée de  l'avenue  de  la  Muette  a  reçu,  en  1805,  les  noms  d'avenue  Prudhonet 
avenue  Raphaël. 

Ce  n'est  qu'en  1860  qu'on  a  achové  la  chaussée  de  la  Muette,  qui  est  plantée 
d'arbres;  elle  n'est  bordée  de  maisons  que  dans  les  parties  comprises 
entre  la  rue  Mozart  et  la  rue  Largillière  d'un  cùlé,  entre  la  rue  de  la  Pompe 
et  le  château  de  la  Muette  de  l'autre  côté,  le  surplus  étant  occupé  par  les 
pelouses  du  Ranelagh.  Jenny  Vertpré  (Mme  Carmauchei,  actrice  du  Gymnase, 
habita  longtemps  le  n"^  8  de  la  chaussée  de  la  Muette,  avant  1857. 

La  station  de  Passy  (chemin  de  fer  de  Paris  à  Auteuil)  a  son  entrée  sur  la 
chaussée  de  la  Muette.  Le  30  septembre  1890,  la  compagnie  du  chemin  de 
fer  '3)  fit  abattre,  sur  une  longueur  de  lOi)  mètres,  la  palissade  séparant  la  pro- 
menade du  Ranelagh  du  trottoir  de  la  station  de  Puosy,  afin  d'établir  le  pavil- 
lon de  réception  où  le  tsar  Nicolas  II  et  la  tsarine  débarquèrent  le  0  oc- 
tobre 1896,  pour  faire  leur  entrée  triomphale  à  Paris  par  le  Ranelagh,  les 


(i)  Voir  ci-dessuf:,  et  aux  annexes,  p.  2(j5,  les  indications  données  sur  Thistoire  du 
château  de  la  Muette. 

''2)  ("est  sans  doute  pour  ce  motif  que  la  rue  de  Passy  se  termine  encore  aujour- 
d'hui au  point  où  commence  la  rue  de  la  Pompe. 

3  Voir  pages  176  A  180  du  IP'  volume  du  hulletin,  l'article  de  M.  Emile  Polin,  intitulé  : 
*  Le  Tsar  Nicolas  II  et  la  Tsarine  à  Paris  »»,  et,  aux  annexes  p.  38ij,un  extrait  du  Journal 
le  Gaulois,  du  i3  septembre  iç)0i. 


ba  HlïSTOlBI-:    UV   XVI"  AimONmHSbMKNT 

avenues  Prudhon  et  Rapliaël,  le  bois  de  Boulogne  et  l'aveoue  des  Champs- 
Elysées. 

Comme  c'est  par  Passy  que  celte  entrée  a  eu  lieu,  la  Société  historique 
d'Auteuil  et  de  Passy,  qui  veille  à  la  coDservation  des  souvenirs  historiques 
du  \VI"  arrondissemeat,  a  formé  le  projet  d'ériger  au  Ranelagh  un  monu- 
ment comraéraoratif  de  l'arrivée  de  l'empereur  et  de  l'impératrice  de  Russie 
â  Paris.  Le  projet  de  ce  monument  a  été  établi  par  l'éminent  statuaire 
M.  Gustave  >iichel,  qui  est  vice-président  de  cette  Société  et  lui  prête  son 
concours  avec  le  plus  grand  désintéressemenl. 

Ce  monument  ne  peut  être  élevé  que  sur  des  terrains  appartenant  à  la 
ville;  l'autorisation  du  conseil  municipal  de  Paris  est  donc  nécessaire.  Dans 
la  séance  du  conseil  du  21  avril  I8!IH,  M,  Le  Breton,  rapporteur  de  la  3'  com- 
mission, a  proposé  d'émettre  un  avis  favorable  à  la  demande  de  la  Société, 
étant  entendu  qu'on  adopterait  l'emplaa'meiit  admis  par  le  service  d'archi- 
tecture de  la  ville  (I)  et  que  la  V  commission  serait  appelée  il  statuer  sur 
l'esthétique  du  monument,  avant  son  exécution.  Ces  conclusions  furent 
adoptées  ;  mais  le  conseil  décida,  le  iU  avril  1808,  qu'il  n'y  avait  pas  Heu  de 
concéder  un  terrain  et  qu'il  apposcraitlui-méme  une  plaque  coramémoralîve. 

Néanmoins,  la  Société  n'a  pas  abandonné  son  projet;  elle  ne  l'a  jamais 
perdu  de  vue  ;  elle  continue  ses  démarches  et  elle  espère  que  le  conseil  muni- 
cipal lui  accordera  bientôt  un  emplacement  p^ur  l'érection  du  monument 
projeté. 


(Collection  lie  M.  Cliandcbolp,.) 

Les  renseignements  concernant  l'avenue  de  la  Petite-Muette  seront  donnés 
ci-après,  en  parlant  de  la  rue  Ciustave-?s'adaud,  qui  l'a  remplacée. 

La  partie  de  la  rue  de  la  Tour  qui  est  comprise  entre  la  rue  de  Passy  et  la 

vc  uu  cruiseriieiil  li^'  la  chuui^M-e  Je  la  Muette  ul 


RUE   DE  l,A  TOUR 


rue  de  la  Pompe  était  autrefois  un  simple  cliciiiia  qui  était  tracé  à  travers 
champs,  s'étendait  depuis  le  clos  des  p(>r<;s  Minimes  (vulgairement  itons- 
bommes)  jusque  vis-à-vis  du  mur  du  cliùteiu  royal  de  la  Muette, et  s'appelait 


Pavillon  où  le  Isor  Nicolas  II  et  la  tsarine  ont  déban|U^  le  Ci  octobre  i&jC. 
(Archives  de  la  SociitÉ) 

le  "  chemin  des  Moines  ■>,  probablement  parre  que  c'était  celui  que  prenaient 
les  Minimes  pour  aller  à  la  plaine  de  l'assy  ou  :)u  bois  de  lloulogne.  A  la  fin 
du  xviir  sircle,  le  chemin  des  Moines  tut  élargi  à  trente  pieds  (!l  m.  75),  en 
vue  de  former  une  rue  q»e  l'on  désigna  d'abord  sims  le  nom  de  ■■  rue  du 
Moulin-de-la-Tour>>,jt  cause  d'un  moulin  banal  ([u'onavaitétablisurrancienne 
loHF  qu'on  voit  encore  aujourd'hui  dans  le  jardin  de  la  maison  portant  le 


64  HISTOIRE    DU    XVi'   AHHONDISSFMENT 

n°  86.  Cette  tour,  qui  a  servi  autrefois  de  prison,  a  été  restaurée  en  1897  (1)  ; 
il  n'est  nullement  certain  qu'elle  soit  un  vestige  du  château  que  Philippe  le 
Bel  (2)  a  occupé  ù  Passy.  Ce  moulin  ayant  été  démoli,  on  donna  à  la  voie  qui 
nous  occupe  le  nom  de  «  rue  de  la  Tour  »,  qui  était  plus  simple  et  présentait 
l'avantage  d'éviter  une  demi-similitude  avec  la  rue  voisine  (aujourd'hui  rue 
SchelTer),  qui  s'appelait  alors  rue  des  Moulins. 

Les  délibérations  du  conseil  municipal  de  Passy  montrent  que  la  viabilité 
de  la  rue  de  la  Tour  laissait  beaucoup  à  désirer  pendant  les  quarante  pre- 
mières années  du  mx**  siècle.  C'est  en  1819  que  ce  conseil  vota  un  premier 
crédit  pour  l'exécution  d'un  empierrement  à  la  rue  de  la  Tour.  Le  puisard  qui 
avait  été  établi  au  point  bas,  c'est-à-dire  à  la  jonction  de  la  rue  de  la  Tour 
et  de  la  rue  de  la  Pompe,  ne  pouvait  pas  absorber  toutes  les  eaux,  lors  des 
grandes  pluies  ;  elles  inondaient  les  caves  et  les  rez-de-chaussée  du  quartier 
et  interceptaient  la  circulation.  Il  est  dit,  dans  la  délibération  municipale  du 
31  mars  1826,  que  le  conseil,  considérant  que  la  rue  du  Moulin-de-la-Tour  a 
acquis  de  l'importance  par  les  constructions  qu'on  y  a  faites  récemment, 
qu'elle  n'est  praticable  pour  aucune  espèce  de  voitures,  surtout  à  la  fin  de 
l'automne  et  pendant  l'hiver,  que  l'écoulement  des  eaux  ménagères  des 
maisons  y  est  une  cause  perpétuelle  de  dégradations,  mais  que  la  com- 
mune n'est  pas  en  état  de  supporter  les  frais  d'ua  pavage,  alloue  un  crédit 
de  mille  francs  par  an  pour  réparation  et  entretien.  Cependant  les  dégra- 
dations occasionnées  par  les  transports  que  nécessitait  l'exploitation  des 
carrières  souterraines  obligèrent  le  conseil  à  voter  des  crédits  spéciaux  : 
il  approuva,  le  2  mai  1828,  un  projet  de  cailloutage  de  la  rue  de  la 
Tour  (3)  et,  le  10  août  1844,  il  autorisa  la  construction  de  trottoirs  et  de  cani- 
veaux pavés  sur  une  partie  de  cette  rue,  savoir:  du  coté  des  numéros  pairs, 
depuis  la  rue  des  Tournelles  (rue  Louis-David)  jusqu'à  la  rue  de  la  Pompe, 
et,  du  côté  des  numéros  impairs,  depuis  l'extrémité  de  la  propriété  Guichard 
(dans  le  voisinage  de  l'angle  de  la  rue  Desbordes-Valmore)  jusqu'à  la  rue  de 
la  Pompe. 

Vers  1840,  la  rue  de  la  Tour,  qui,  jusqu'alors,  n'allait  pas  au  delà  de  la  rue 
de  la  Pompe,  fut  prolongée  jusqu'à  l'avenue  de  Saint-Cloud  (extrémité  de 
l'avenue  Victor-Hugo,  aujourd'hui  englobée  dans  l'avenue  Henri-Martin).  Le 
cadastre  de  18i0  n'indique  que  trois  maisons  construites  sur  ce  prolonge- 
ment. Enfin,  vers  1858,  la  ville  de  Paris  continua  la  rue  de  la  Tour  sur  des 
terrains  retranchés  du  bois  de  Boulogne,  jusqu'à  la  rue  Militaire  (boulevard 
Lannes).  Sur  cette  partie,  qui  n'a  élé  classée  que  par  le  décret  du  14  mai  1883, 
une  zone  de  servitude  non  œdifîcandi,  ne  permettant  de  construire  qu'à 
10  mètres  de  l'alignement  des  clôtures,  a  élé  établie  du  cùté  des  numéros 
impairs,  sur  45  mètres  de  longueur  au  delà  de  l'avenue  Henri-Martin. 


(i)  Voir  aux  annexes  (p.SSj».)  l'article  intitulé  :  «<  La  Tour  de  la  rue  de  la  Tour,  n®  86  »,  par 
M.  Léopold  Mar.  Un  édit  si^jné  par  Philippe-lc-Bel  en  i3i2  est  daté  de  Passy. 

{'})  dette  tour  avait  déjA  subi,  sous  le  premier  Empire,  une  restauration  complète,  qui 
lui  a  fait  perdre  son  cachet  primitif;  du  haut  de  la  plate-forme,  on  a  une  très  belle 
vue.  Un  dessin  de  cette  tour  a  cHé  donné   dans  llllustration   (numéro  du  2  septembre 

i3i  On  doit  supposer  que  les  dénominations  inscrites  dans  les  délibérations  municipales 
sont  exactes  ;  on  pourrait  donc  conclure  de  celles  qui  viennent  d'être  citées  que  l'appel- 
lation de  «  rue  de  la  Tour  »  a  élé  adoptée  entre  i82()  et  i8'28. 


ntiK  DE  i.A  Toun  65 

Jusqu'en  IHtMi,  la  rue  de  la  Tiuir  (I)  sélendail  du  carrefour  de  l'assy  au 


(i)  La  lonf; u eu r  tic u parties  soUii-inini^cs  ilu  roI  Uc  la  rue  de  la  Tuur  i|i 
M^H  de  [806  A  180g  et  ea  iHSG,  enlru  \c  carrefour  île  Pnssy  H  le 
(4t  mèlrea.  La  distance  ilu  sol  nu  ciel  de  la   nnrrièrc  cet   de   3" ,05   rt    li 


66  HISTOIBE   DU   XVI*   ARRONDISSEMENT 

boulevard  Lannes  ;  la  partie  de  cette  rue  comprise  entre  l'avenue  Henri- 
Martin  et  le  boulevard  Lannes  a  reçu,  en  1896,  le  nom  de  rue  Adolpke-Yvon, 
en  mémoire  du  peintre  Adolphe  Yvon  (1817-1893),  qui  y  a  eu  son  atelier  pen- 
dant les  vingt-cinq  dernières  années  de  sa  vie.  Il  était  élève  de  Paul  Dela- 
roche,  a  fait  des  tableaux  d'histoire,  quelques  belles  toiles  religieuses  et  des 
portraits.  Il  fut  le  seul  artiste  attaché  officiellement  à  l'expédition  de  Crimée; 
il  exposa,  au  salon  de  1857,  la  Prise  de  Afalakoff^  tableau  qui  avait  été  com- 
mandé pour  les  galeries  de  Versailles  et  qui  valut  à  son  auteur  la  médaille 
d'honneur.  La  maison  d'Adolphe  Yvon,  qui  porte  le  n<»  16,  est  décorée  au 
sommet,  au-dessus  du  second  étage,  d'un  médaillon  qui  représente  Michel- 
Ange  et  au-dessus  duquel  est  un  bas-relief  composé  d'une  palette,  avec  appuie- 
main^  entourée  de  palmes  et  de  lauriers.  Deux  grandes  frises  émaillées, 
surmontées  d'un  cartouche  sculpté,  accompagnent  le  médaillon,  à  droite  et  à 
gauche,  et  deux  bustes  à  l'antique,  placés  aux  angles  du  bâtiment,  en 
complètent  la  décoration. 

Le  théâtre  Rossini  avait  été  établi  au  coin  de  la  rue  de  la  Tour  et  de  la 
rue  des  Sablons  (aujourd'hui  rue  Cortambert);  il  fut  inauguré  le  26  mars  1867; 
on  y  jouait  des  drames,  des  comédies  et  des  vaudevilles  ;  il  a  cessé  d'exister 
en  1876. 

Le  comte  Portails,  homme  d'État  et  ancien  ministre,  mourut,  en  1858,  dans 
sa  propriété  du  n^  62  ancien  de  la  rue  de  la  Tour  (78  actuel),  qu'il  habi- 
tait depuis  longtemps.  La  rue  des  Sablons  (rue  Cortambert)  a  été  ouverte 
sur  le  milieu  du  parc  de  cette  propriété.  Le  docteur  Ed.  Bamberger, 
député  de  Metz,  puis  de  la  Seine  après  1870,  habite  encore  la  maison 
n«78. 

Mme  Montigny,  dite  Rosé  Chéri  (!),  célèbre  actrice  et  femme  du  direc- 
teur du  théâtre  du  Gymnase,  mourut,  en  1861,  au  n''  75,  dans  l'hôtel  qu'elle 
habitait  depuis  plusieurs  années  avec  son  mari,  qui  y  mourut  également 
en  1880.  Le  général  Jomini  demeurait  rue  de  la  Tour  en  1864  (2). 

Villemain,  homme  de  lettres  et  ancien  ministre  de  l'Instruction  publique, 
mort  en  1870,  avait  habité,  pendant  bien  des  étés,  l'hôtel  du  n**  86,  où  se 
trouve  la  tour;  cet  immeuble  est  occupé  par  une  institution  de  jeunes  filles. 

Le  célèbre  chanteur  Duprez  (1806-1896)  s'est  éteint  dans  la  maison  n^  119 
de  la  rue  de  la  Tour,  qu'il  habitait  depuis  cinq  ans. 

Mme  Claude  Vignon  (Mme  Rouvier),  romancier  et  sculpteur,  fit  construire 
en  1866  un  hôtel,  aun''  152  de  la  rue  de  la  Tour,  qu'elle  habitajusqu'àsamort, 
en  1888.  Cet  hôtel  se  trouve  dans  la  partie  qui  est  actuellement  nommée  «  rue 
Adolphe-Yvon  »  et  porte  le  n**6  de  cette  dernière  rue  ;  il  avait  été  endommagé 
pendant  le  siège  de  Paris  (3).  On  voit  sur  la  façade  de  cet  hôtel  un  grand  et 

l'angle  de  la  rue  de  Passy,  iira,C5  à  l'angle  de  la  rue  Corlaniberl,  8",45  au  puits  de  ser- 
vice près  delà  rue  Desbordes- Valinore,  8°>,i5  A  l'angle  de  la  rue  Eugène-Delacroix.  La 
hauteur  des  galeries  d'exploitation  est  de  i™,()5  près  de  la  rue  de  Passy,  4  mètres  près  de 
la  rue  Cortambert,  2™,95  près  de  la  rue  Desbordes-Valmore,  4  mètres  près  de  la  rue 
Eugène-Delacroix. 

(i)  Voir  aux  annexes  (p.  383)  rarticle  de  M.  Léopold  Mar,  intitulé  :  «  Rose  Chéri,  M.  Mon- 
tigny n. 

(2)  La  Société  historique  d'Auteuil  et  de  Passy  a  demandé  que  le  nom  du  poète  Eugène 
Manuel,  son  ancien  président,  soit  donné  à  la  partie  de  la  rue  de  la  Tour  comprise  entre 
la  rue  de  la  Pompe  et  l'avenue  Henri-Martin. 

(3)  Voir  aux  annexes  (p.  385)  Tarticle  intitulé  :  u  Les  Ruines  de  1870-1871  au  Point-du- 
Jour,  à  Auteuil,  à  Passy  et  au  Trocadéro  ». 


RUE    DECAMPS  67 

beau  bas  relief ,  qui  a  été  exécuté  entre  les  deux  fenêtres  du  premier  étage, 
par  Mme  Claude  Vignon  ;  c'est  une  imitation  du  bas-relief  qui  orne  l'attique 
de  la  fontaine  Saint-Michel. 

Le  comte  Xavier  de  Montépin,  né  en  18^4,  fut  d'abord  journaliste  ;  il  fonda 
en  1848  le  Canard,  qui  fut  supprimé,  puis  le  Lampion,  où  Villemessant,  le 
futur  directeur  du  Figaro,  écrivait  des  nouvelles  à  la  main.  Les  Filles  déplaire 
commencèrent  sa  célébrité  en  1855;  il  a  tiré  de  son  roman  la  Porteuse  de  pain, 
un  mélodrame  qui  eut  un  succès  colossal.  Jamais  homme  n'a  écrit  autant  de 
volumes  :  il  en  a  publié  plus  de  cinq  cents;  ses  romans-feuilletons  eurent  un 
grand  succès.  Un  incendie  détruisit  en  1881  son  hôtel  et  ses  précieuses  col- 
lections; il  avait  fait  reconstruire,  rue  Adolphe-Yvon  n°  12,  son  hôtel  et  y 
mourut  en  1902. 

La  villa  Guibert,  récemment  établie,  a  son  entrée  au  n"  83  de  la  rue  de  la 
Tour.  (Pour  M.  Guibert,  voir  p.  124.) 

La  rue  Eugène-Delacroix  et  la  partie  de  la  rue  Decamps  comprise  entre 
Tavenue  Henri-Martin  et  le  rond-point  de  Longclramp  occupent  remplace- 
ment d'un  chemin  qui  figure  sur  les  plans  de  1731,  sous  le  nom  de  chemin  de 
Versailles.  Ce  chemin,  qui  traversait  la  plaine  de  Passy,  prit  le  non?  de  chemin 
ou  rue  de  la  Croix,  parce  qu'une  croix  avait  été  plantée  à  l'angle  de  la  rue  de 
Longchamp.  -Le  14  mars  1825,  le  conseil  municipal  de  Passy,  délibérant,  en 
exécution  de  la  loi  sur  les  chemins  vicinaux,  sur  la  reconnaissance  et  la  fixa- 
tion de  la  largeur  des  rues  destinées  à  remplacer  d  anciens  chemins,  demanda 
que  la  rue  de  la  Croix  fût  classée  comme  chemin  vicinal.  Le  tableau  joint  à 
cette  délibération  porte  qu'une  largeur  légale  de  10  mètres  est  proposée  pour 
la  rue  projetée;  qu'elle  ira  de  la  rue  de  Longchamp  à  la  rue  du  Moulin-de- 
la-Tour  (rue  de  la  Tour),  qu'elle  remplacera  le  chemin  de  la  Croix,  ayant 
7  mètres  de  largeur,  et  que  ce  chemin  tire  sou  nom  d'une  croix  qui  existait 
autrefois  à  sa  jonction  avec  la  rue  du  Moulin-de-la  Tour  et  qui  a  été  détruite 
pendant  la  Révolution.  La  rue  de  la  Croix  fut,  en  effet,  classée  comme  chemin 
vicinal  par  l'arrêté  préfectoral  du  6  juillet  1825. 

L'élargissement  de  la  rue  de  la  Croix  à  10  mètres  ne  fut  réalisé  qu'en  1848  ; 
on  exécuta  à  la  même  époque  une  rectification  de  cette  rue,  pour  la  faire 
aboutir  au  point  d'intersection  de  la  rue  de  la  Pompe  et  de  la  rue  de  la  Tour 
(section  comprise  actuellement  entre  cette  rue  et  l'avenue  Henri  Martin). 
C'est  en  1853  et  1854  qu'on  régularisa  l'échange  entre  la  commune  de  Passy 
et  la  Société  Malézieux,  pour  la  substitution  de  la  rue  de  la  Croix  et  de  plu- 
sieurs autres  rues  à  d'anciens,  chemins. 

Le  décret  du  24  août  1864  a  donné  le  nom  de  rue  Decamps  à  cette  rue  de  la 
Croix,  en  mémoire  du  peintre  Alexaodre  Gabriel  Decamps  (1803-1868),  dont 
la  veuve  habita  longtemps  cette  rue  et  mourut,  en  1888,  dans  la  maison  n""  2  de  la 
rue  Largillière.  Decamps  a  emprunté  les  sujets  de  plusieurs  de  ses  tableaux  aux 
mœurs  orientales  {Paysages  d'Anaiolie,  Anes  d'Orient,  Café  turc.  Grand  Bazar, 
Halte  de  cavaliers  arabes);  il  a  peint  aussi  des  tableaux  d'histoire  (Moïse 
sauvé  des  eaux.  Défaite  des  Cimbres)  et  des  scènes  où  figurent  des  animaux 
de  toutes  sortes  :  Singes  experts  (satire  du  jury  de  l'Académie  de  peinture),  le 
Singe  au  miroir.  Singes  boulangers,  etc.  Il  a  obtenu  une  première  médaille 
en  1834.  Il  est  mort  à  Fontainebleau  d'une  chute  de  cheval. 

Bressant,  excellent  acteur  du  Théâtre-Français,  habitait  la  rue  Decamps,  au 
n*»  11  ancien,  vers  1857-1860. 


:   IIU    XV!'   AimONDlSSUMI 


Les  trottoirs  réglementaires  ont  été  construits,  en  189!),  à  la  rue  Decanips  (  I  ) 
des  n'^là  5  etdesQ'"6fi  10.  I^coQvertissementen  pavage  en  bois  a  été  opéré,  éga- 


lement en  IK!K),  pour  lit  partie  de  cette  rue  comprise  entre  le  rond-poiutde  Long- 


Ci]  il  s'est  produit  autrefois  de  nombreux  Tontis  (éboulemenU  occasionnés  par  les 
excavations  îles  anciennes  ciirri^rcsi  dans  la  partie  de  la  rue  Décampe  située  entre  le 


RUE    SCIIEFFER  69 

charap  et  le  n*  6.  Uécole  communale  de  garçons  de  la  rue  Decamps  a  348  élèves. 

Avant  1868,  la  rue  Eugène-Delacroix  (1),  qui  a  son  origine  actuelle  à  la  rue 
Decamps  (autrefois,  rue  de  la  Croix),  se  nommait  «  rue  du  Chemin-de-la- 
Croix  »,  puis  «  rue  de  la  Croix  ».  On  peut  donc  accuser  Tadministration 
d'avoir  fait  un  jeu  de  mots,  quand  elle  a  donné  à  cette  rue  le  nom  du  peintre 
Ferdinand  Victor-Eugène  Delacroix  (1790  1863),  qui  était  un  grand  artiste, 
mais  qu'aucun  lien  ne  rattachait  à  Passy.  11  est  vrai  que  des  noms  de  peintres, 
de  sculpteurs  et  d'écrivains  ont  été  donnés  ainsi  à  beaucoup  de  rues  du 
XVI*  arrondissement,  sans  qu'ils  y  aient  jamais  séjourné.  Eugène  Delacroix 
entra  à  dix-huit  ans  dans  l'atelier  de  Pierre  Guérin,  qui  avait  déjà  pour 
élèves  Géricault  et  Ary  Schefler.  M.  Thiers  disait,  dans  le  Conslilulionnel,  de 
son  premier  tableau  {Dante  et  Virgile,  salon  de  182^):  «  Je  ne  sais  quel  sou- 
venir de  grands  artistes  me  saisit  à  l'aspect  de  ce  tableau  ;  j'y  retrouve  cette 
puissance  sauvage,  ardente,  mais  naturelle,  qui  cède  sans  effort  à  son  propre 
entraînement.  »  Eugène  Delacroix  peut  être  considéré  comme  le  chef  de 
l'École  romantique  en  peinture  ;  il  a  obtenu  la  médaille  d'honneur  en  1855  et 
fut  élu,  en  1857,  membre  de  l'Institut.  On  peut  citer  parmi  ses  œuvres  :  la  Mort 
du  doge  Marino  Faliero^  le  Combat  du  giaour  et  du  pacha,  Justinien  au  Conseil 
d'État,  les  Massacres  de  Scio,  la  Mort  de  Vévêque  de  Liège,  Fausl^  Médée^  la 
Liberté  sur  les  barricades,  V Entrée  des  Croisés  à  Constant inople,  Orphée,  le 
Plafond  de  la  galerie  d'Apollon,  diverses  salles  de  la  Chambre  des  députés. 

Beauvallet,  acteur  du  Théâtre -Français  et  auteur  dramatique,  s'était  retiré 
au  n**  5  de  la  rue  Eugène-Delacroix;  il  y  mourut  en  1873,  dans  les  bras  de  son 
ami  Souchier  (2). 

La  villa  Souchier,  dont  l'entrée  se  trouve  au  n°  5  de  la  rue  Eugène-Dela- 
croix, doit  son  nom  à  son  fondateur  et  a  été  établie  à  la  même  époque  que  la 
villa  de  la  Tour,  mentionnée  ci-après  ;  elle  ne  peut  être  habitée  que  bourgeoi- 
sement; on  ne  peut  y  exercer  aucun  commerce,  ni  aucune  industrie. 

La  rue  Se heffer  figure  au  plan  de  1731,  comme  chemin  prenant  naissance, 
à  la  rue  Vineuse  et  s'arrêtant  au  chemin  des  Bornes  (devenu  depuis  rue  des 
Sablons,  puis  rue  Cortambert)  ;  il  desservait  un  premier  moulin,  situé  près 
de  la  rue  Vineuse,  et  conduisait  à  deux  autres  moulins,  dont  l'un  (le  moulin 
Leclerc)  était  situé  en  face  de  la  rue  Bellini,  qui  n'existait  même  pas  à  l'état 
de  chemin  à  cette  époque.  Par  suite  d'élargissements  successifs,  ce  chemin 
fut  transformé  en  rue,  sous  la  dénomination  de  «  rue  des  Moulins  »,  qui  a 
été  conservée  jusqu'après  l'annexion;  ces  moulins  à  vent,  qui  n'existent  plus, 
étaient  bien  placés,  puisqu'ils  se  trouvaient  sur  la  partie  culminante  de 
Passy.  La  rue  des  Moulins,  pour  laquelle  des  travaux  d'assainissement  avaient 
été  approuvés  par  le  conseil  municipal  le  8  août  18i0,  fut  classée  comme 
chemin  vicinal  par  arrêté  préfectoral  du  26  décembre  1846.  La  Société  Malé- 
zieux,  qui  avait  succédé  à  celle  dite  de  la  plaine  de  Passy,  entreprit,  en  1848, 
de  prolonger,  sur  des  terrains  qui  lui  appartenaient,  la  rue  Scheffer  depuis  la 


n"  48  et  la  rue  de  la  Tour;  la  voie  sous-minée  y  a  tHé  consolidée  sur  75  mètres  de  ton- 
deur. Vis-à-vis  du  n*  48,  la  distance  du  sol  au  ciel  de  la  carrière  est  de  8»,  10  et  la  hauteur 
de  la  galerie  d'exploitation  est  de  4  mètres. 

(1)  Le  sol  de  la  rue  Eugène-Delacroix  a  été  consolidé,  sur  28  mètres  de  longueur,  entre 
les  n«*  la  et  16. 

(2)  La  largeur  de  la  rue  Eugène-Delacroix  a  été  fixée  à  8  mètres  par  l'arrêté  préfec- 
toral du  ]6  février  i856. 


70  HISTOIRE   DU   XYI"   ARRONDISSEMENT 

rue  des  Bornes  (rue  Corlambert)  jusque  vers  la  rue  de  la  Pompe.  Ce  prolon- 
gement a  été  remis  à  la  commune  de  Passy  le  6  mars  1853;  d'ailleurs,  l'extré- 
mité de  ce  prolongement  s'est  trouvée  supprimée  par  suite  du  percement  de 
l'avenue  Henri-Martin  et  a  été  incorporée  dans  le  sol  de  cette  avenue  ou  dans 
le  périmètre  de  plusieurs  propriétés  riveraines. 

La  largeur  de  la  rue  des  Moulins  a  été  fixée  à  8  mètres  par  arrêté  du 
16  février  1856.  Le  décret  du  2i  août  1864  a  donné  à  cette  rue  le  nom  de 
rue  Scheffer,  en  l'honneur  du  peintre  Ary  Schefïer  (1793  1853),  qui  a  com- 
mencé à  exposer  au  salon  de  1812  et  a  composé  en  1819  le  Dévouement  des  six 
bourgeois  de  Calais  (salle  des  Conférences  de  la  Chambre  des  députés).  On  lui 
doit  beaucoup  de  belles  toiles  empruntées  aux  sujets  religieux  ou  aux  créations 
des  grands  poètes;  il  a  fait  les  portraits  de  La  Fayette,  Talleyrand,  Lamartine, 
Béranger  et  de  la  reine  Amélie;  il  a  été  professeur  des  enfants  de  Louis-Phi- 
lippe, particulièrement  de  la  princesse  Marie,  qui  lui  a  légué  ses  œuvres  d'art. 

Le  chansonnier  Béranger  habita  pendant  quelque  temps  le  n"^  A  de  la  rue 
Schelîer,  à  l'angle  de  la  rue  Vineuse;  il  quitta  celle  maison  en  1830.  La  mai- 
son n<*  61,  à  l'angle  de  l'avenue  Henri-Martin,  a  été  occupée  par  le  général 
Borgnis-Desbordes,  quia  commandé  en  chef  auTonkin. 

M.  Prévost  de  Longpérier,  conservateur  des  médailles  au  musée  du 
Louvre,  membre  de  l'Institut,  est  mort  à  l'âge  de  05  ans,  le  15  janvier  1882, 
en  son  hôtel  de  la  rue  SchefTer,  n"*  47. 

Au  n°  51  de  la  rue  Schefïer  se  trouve  la  villa  Scheffer,  qui  a  été  fondée  par 
MM.  Dorimieux  et  Collongettes  et  ouverte  le  14  mai  1888.  Elle  ne  peut  être 
habitée  que  bourgeoisement,  à  l'exclusion  de  tout  commerce,  atelier,  magasin, 
fabrique,  industrie,  dépôt  de  marchandises  ou  hôtel  meublé.  Les  ateliers 
d'artistes  ne  sont  pas  compris  dans  l'exclusion  qui  précède,  non  plus  que  les 
écuries  et  remises  pour  l'usage  personnel  des  propriétaires  et  locataires 
d'immeubles  faisant  partie  delà  villa.  Aucune  enseigne  ou  annonce  commer 
cialeou  industrielle  ne  peut  être  mise  sur  aucune  des  constructions. 

Il  est  question  de  prolonger  la  rue  Schefïer  jusqu'à  la  rue  Franklin. 

La  rue  Louis-David  va  de  la  rue  Schelîer  à  la  rue  de  la  Tour  ;  elle  a  été 
percée  autrefois  sur  les  «  champtiers  des  hautes  et  des  basses  Tournelles  », 
ainsi  nommé  parce  qu'il  avait  été  établi  au  lieu  dit  canton  des  Tournelles, 
mentionné  dans  le  bail  d'une  maison  de  Passy  (1)  passé  le  12  avril  1570 
(minutes  d'Ancelot  Fanin).  Elle  se  nommait  jusqu'après  l'annexion  «  rue  des 
Tournelles  ».  Le  14  mars  1825,  le  conseil  municipal  de  Passy  demanda  que 
la  largeur  légale  de  cette  rue  (2)  fût  portée  de  5  à  10  mètres.  Elle  a  d'abord 
été  nommée  «  rue  David  »,  en  l'honneur  du  peintre  Louis  David  (1748-1825), 
surnommé  le  Corneille  de  la  peinture.  Son  parrain  était  Sedaine,  secrétaire 
de  l'Académie  d'architecture.  David  alla  à  Rome  comme  grand  prix  et  eut 
logement  au  Louvre  de  1781  à  1805.  Député  de  Paris  à  la  Convention,  il  avait 
voté  la  mort  du  roi  Louis  XVI,  fut  exilé  en  1815  et  mourut  à  Bruxelles.  11  fit 
renaître  le  goût  des  beautés  antiques  et  des  sujets  classiques  et  eut  pour 
élèves  Gérard,  (iirodet  et  Gros.  Il  a  peint  les  Horaces  (1786),  le  Serment  du 


(i)  Voir  l'article  de  M.  l'abbé  Beurlier,  inliUilé  :  «  Noies  relatives  à  rhistoire  d'Auleuil, 
de  Passy,  de  Chaillot  et  de  Boulogne  >»,  pp.  3io  A  3.i>.  du  ÏII*  volume  du  Bulletin. 

(2)  A  Tangle  de  la  rue  de  la  Tour  et  de  la  rue  Louis-David,  la  disUnce  du  sol  «tu  ciel 
de  la  carrière  est  de  ii™,85;  la   hauteur  de  la  galerie  d'exploitation  est  de  a™,85. 


CIMETIERE  DE   PASSY  7I 

Jeu  de  Paume  (1792),  la  Mort  de  Sacrale  (1787),  Brulus,  rEnlèvemenl  des 
Sabines^  le  Couronnement  de  l'empereur  Napoléon  Z"*",  la  Distribution  des 
aigles^  Léonidas  aux  Thermopyles^  un  portrait  de  Mme  Récamier^  etc. 

Un  arrêté  du  3  mars  1881  a  remplacé  le  nom  de  «  rue  David  »  par  celui  de 
«  rue  Louis-David  »,  en  vue  d'éviter  des  confusions  avec  la  rue  Félicien- 
David,  qui  se  trouve  à  Auteuil. 

Henry  de  Riancey,  avocat,  membre  de  l'Assemblée  législative  de  1849  et 
publiciste,  qui  resta  toujours  fidèle  à  sa  foi  religieuse  et  à  sa  foi  monar- 
chique (1),  eut  son  hôtel  au  n**  6  de  la  rue  Louis-David  et  y  mourut  le 
9  mars  1870.  Il  avait  demeuré  précédemment  rue  de  Passy  (à  la  hauteur  de 
la  rue  Guichard),  rue  des  Artistes  (aujourd'hui  rue  Gavarni)  et  rue  Franklin. 
La  rue  Pétrarque^  où  était  autrefois  le  moulin  Leclère,  forme  un  double 
retour  d^équerre  et  se  compose  de  deux  parties  :  la  première,  qui  est  ancienne, 
constituait  l'impasse  des  Moulins,  aboutissant  à  la  rue  des  Moulins  (rue 
Schefïer)  ;  l'autre  partie,  communiquant  avec  la  rue  des  Réservoirs,  n'a  été 
classée  qu'en  1863.  La  dénomination  actuelle  a  été  donnée  par  décret  <du 
^  août  1864,  en  l'honneur  du  poète  italien  Pétrarque  (1304-1374),  qui  passa 
une  partie  de  sa  vie  à  la  cour  des  papes  d'Avignon  ;  ses  odes  et  sonnets, 
inspirés  en  grande  partie  par  sa  passion  pour  Laure  de  Noves,  sont  remar- 
quables par  leur  délicatesse  de  sentiments  ;  il  donna  de  la  pureté,  de  l'élé- 
gance et  de  la  fixité  à  la  langue  italienne. 

La  rue  des  Réservoirs  tire  son  nom  des  petits  réservoirs  de  Passy  auxquels 
elle  donne  accès  et  qui  alimentent  (2)  en  eau  de  Seine,  pour  le  service  public, 
une  partie  du  XVI''  arrondissement.  Elle  se  continuait  autrefois,  sous  la 
même  dénomination  de  rue  des  Réservoirs,  jusqu'à  la  rue  des  Moulins  (au- 
jourd'hui rue  Schefler);  cette  section  porte  actuellement  le  nom  de  rue 
Pétrarque.  C'est  au  n**  2  de  la  rue  des  Réservoirs  que  se  trouve  l'entrée  du 
cimetière  de  Passy,  séparé  de  la  place  du  Trocadéro  et  de  l'avenue  Henri- 
Martin  par  des  murs  de  soutènement. 

En  18^6,  en  travaillant  aux  fondations  de  la  maison  de  Passy  qui  est 
située  à  l'angle  des  rues  Raynouard  et  Berton,  on  mit  à  jour  quelques  cer- 
cueils en  pierre  et  plâtre  contenant  des  ossements  desséchés,  ce  qui  semble 
établir  qu'il  y  a  eu  là  autrefois  un  lieu  d'inhumation  pour  Passy.  L'usage  des 
cercueils  en  pierre  et  plâtre  n'ayant  guère  dépassé  le  xiv**  siècle,  il  est  permis  de 
supposer  que  cette  partie  du  territoire  était  déjà  habitée  avant  cette  époque. 
Vers  le  xvi"  siècle,  le  cimetière  de  Passy  fut  établi  sur  un  emplacement 
situé  à  Tangle  de  la  rue  de  l'Annonciation  et  de  la  rue  Lekain,  côté  des 
numéros  impairs;   ce  qui  reste  de  cet  ancien  cimetière  paroissial,  où  fut 
enterré  le  compositeur  Nicolo  Piccinni,  ainsi  que  plusieurs  membres  de  la 
famille  Delessert,  se  trouve  aux  n"*  3  et  5  de  la  rue  Lekain,  entre  cette  rue  et 
la  rue  de  T Annonciation.  Quand  ce  cimetière  fut  désaffecté,  au  commence  • 
ment  du  xix*'  siècle,  les  terrains  qu'il  occupait  furent  vendus  et  ensuite  recou- 
verts de  constructions  ou  traversés  par  des  rues  ;  toutefois  un  terrain  de 
50  mètres  carrés,  où  se  trouvait  la  tombe  d'Etienne  Delessert,  banquier  et  phi- 

(i)  Voir  aux  annexes  (p.  390)  l'article  de  M.  Léopold  Mar,  intitulé  :  «  Ex  libris  et  fers  à 
dorer  des  bibliophiles  de  noire  région  ». 

(2)  Mon  article  intitulé  :  «  Le  Service  des  eaux  dans  le  XV!"  arrondissement  »  est 
reproduit  aux  annexes  (p.  395).  La  désaffectation  des  petits  réservoirs  de  Passy  a  été 
prononcée  par  arrêté  préfectoral  du  16  mai  1900. 


7*2  HISTOIRE    DU   XVI*   AHRONDIS^EMKNT 

lanthrope,  fut  rncheté  par  la  famille  Delessert  et  constitue  un  ancien  cime- 
tière qui  est  situé,  comme  il  a  été  dit  ci-<)essus,  entre  la  rue  de  TAnnoncia- 
tion  et  la  rue  Lekain  et  où  ne  peuvent  entrer  que  les  membres  de  la  famille 
Delessert.  La  plaque  funéraire  de  Piccinni,  en  marbre  noir,  est  encastrée 
près  de  la  porte  d'entrée,  dans  le  mur  de  la  maison  qui  fait  Tangle  de  la  rue 
de  TAnnonciation  et  de  la  rue  Lekain.  Nicolas  Piccinni,  né  à  Bari  (Italie),  en 
1728,  est  mort  à  Passy  le  17  floréal  an  VHI  (17  mai  1800)  ;  la  ville  de  Bari  a 
réclamé  ses  cendres  en  1888  ;  mais  il  n'a  pas  été  possible  de  donner  satisfac- 
tion  à  cette  demande,  parce  que  ces  cendres  se  trouvent  au-dessous  de 
maisons  bâties. 

Le  cimetière  actuel  de  Passy  date  du  commencement  du  xvn**  siècle.  Par 
délibération  du  25  pluviôse  an  X  (4  février  1802),  le  conseil  municipal  de 
Passy,  considérant  que  le  cimetière  de  la  rue  Lekain  est  environné  d'habita- 
tions et  que,  dans  un  intérêt  de  salubrité,  il  y  a  lieu  de  le  déplacer,  accepta 
la  donation  offerte,  le  11  messidor  an  IX,  par  le  citoyen  Claude  Bonneau,  d'un 
terrain  de  8  ares  et  57  centiares,  au  bord  du  nouveau  boulevard  de  Passy, 
demanda  que  le  citoyen  Uussault,  maire  de  Passy,  fût  autorisé  par  les  consuls 
à  y  établir  un  nouveau  cimetière  et  autorisa  la  mise  en  adjudication  des  tra- 
vaux de  murs  de  clôture  et  de  pose  d'une  porte  d'entrée. 

Les  crédits  nécessaires  pour  des  agrandissements  successifs  de  ce  cime- 
tière ont  été  accordés  par  de  nombreuses  délibérations  municipales,  parmi 
lesquelles  on  peut  citer  celles  du  3  mai  1810,  du  27  mars  1828,  des  2  mai  et 
13  juin  1833,  des  10  août  1844,  2  août  1845  et  4  août  1847. 

Le  prix  d'une  concession  perpétuelle  de  2  mètres  carrés  avait  été  fixé  à 
220  francs  en  1806.  La  délibération  municipale  du  27  octobre  1834  a  augmenté 
les  tarifs  d'un  quart  pour  le  droit  des  pauvres;  elle  a,  en  conséquence,  fixé  à 
275  francs  le  prix  d'une  concession  de  2  mètres  carrés  et  elle  a  établi,  pour  les 
concessions  dépassant  2  mètres  carrés,  des  tarifs  croissant  progressivement, 
savoir  :  275  francs  pour  les  deux  premiers  mètres  carrés,  250  francs  (200  pour  la 
commune  et  50  pour  les  pauvres)  pour  le  troisième  mètre,  375  francs  pour  le 
quatrième  mètre,  500  pour  le  cinquième,  625  pour  le  sixième,  et  ainsi  de 
suite  en  augmentant  chaque  mètre  en  sus  de  100  francs  pour  la  commune  et 
d'un  quart  pour  les  pauvres.  En  outre,  les  concessionnaires  faisaient  généra- 
lement un  don  à  la  commune.  Pour  le  cimetière  de  Passy,  comme  pour  les 
autres  cimetières  compris  dans  l'enceinte  de  Paris,  on  n'accorde  plus  de 
nouvelles  concessions  de  terrains. 

Parmi  les  personnages  enterrés  au  cimetière  de  Passy,  on  peut  citer 
Raynouard  en  1836,  Michaud  en  1839,  le  comte  de  Las  Cases  (1)  en  1842,  le 
docteur  Esprit  Blanche  en  1852  et  son  fils  Antoine-Emile  Blanche  en  1893, 
Beauvallet  en  1873  (tous  ces  noms  ont  été  mentionnés  plus  haut).  Jolin,  dit 
Gil-Pérès  (acteur  du  théâtre  du  Palais  Royal)  en  1882,  Eugène  Cortambert  en 
1881  et  son  fils  Richard  Cortambert  en  1884  (tous  deux  géographes  distingués), 
le  peintre  réaliste  Edouard  Manet  en  1883,  le  jurisconsulte  Faustin  Hélie 
(dont  le  nom  a  été  donné  à  une  rue  de  Passy),  en  1884,  le  célèbre  collection- 
neur Frédéric  Spitzer,  la  veuve  de  Carnot  (2),  président  de  la  République, 

(i)  Son  fils,  le  marquis  de  Las  Cases,  a  été  <^galement  inhumé  au  cimetière  de  Passy 

en  1854. 

(2)  Voir  aux  annexes  (p.  fo^)  un  extrait  du  discours  prononcé  à  TAcadémie  des  sciences 
morales  et  politiques,  consacré  à  la  mémoire  de  Mme  Carnot. 


RUE    BOISSIÈRE  78 

en     1897,    qui  a   tenu  à  avoir   une  tombe  très  simple,   Sophie  Croizetle 
(Mme  Slern),  l'astronome  Hervé  Paye,  le  conseiller  d'État  Deraagny. 

Un  des  plus  beaux  monuments  du  cimetière  de  Passy  est  le  tombeau,  de 
style  russe,  élevé  pour  une  illustre  jeune  fille,  Marie  Bashkirtsefl  (1),  qui  est 
morte  à  vingt-trois  ans  et  s'était  déjà  fait  apprécier  comme  écrivain  et  comme 
peintre;  elle  n'avait  vécu  que  pour  l'art  et  les  lettres  et  elle  avait  formulé  ses 
volontés  dernières  en  ces  termes  :  «  Je  veux  dormir  mon  dernier  sommeil 
dans  le  cimetière  de  Passy.  » 

Le  corps  de  Mlle  Jane  Henriot,  pensionnaire  de  la  Comédie-Française, 
morte  dans  l'incendie  de  ce  théâtre,  a  été  transféré,  le  27  juin  1900,  au  cime- 
tière de  Passy. 

La  rue  Boissière^  qui  va  actuellement  de  la  place  d'Iéna  à  la  place  Victor- 
Hugo,  doit  être  divisée,  au  point  de  vue  de  son  histoire,  en  deux  parties  tout 
à  fait  distinctes  :  1**  celle  comprise  entre  la  place  d'Iéna  et  l'avenue  Kléber,  et  qui 
faisait  partie  de  l'ancien  Paris  (quartier  de  Chaillot);  2**  celle  comprise  entre 
l'avenue  Kléber  et  l'avenue  Victor-Hugo,  laquelle,  à  la  fin  du  xvni*  siècle  et 
pendant  les  59  premières  années  du  xix*,  se  trouvait  sur  le  territoire  de  la 
commune  de  Passy. 

Première  partie  (ancienne  rue  de  laCroix-Boissière). — Un  arrêté  préfectoral 
du  2  avril  1868  a  réuni  la  rue  Boissière  et  la  rue  de  la  Croix- Boissière  sous  le 
nom  de  rue  Boissière.  On  appelait  boissières  les  croix  auquelles  il  était 
d'usage  d'attacher  du  buis,  le  jour  des  Rameaux;  on  voit  encore  figurer  la 
croix-boissière  sur  des  plans  de  Paris  datant  du  xviii®  siècle.  La  rue  de  la 
Croix-Boissière,  inscrite  comme  simple  chemin  sur  le  plan  de  Roussel  (1731), 
fut  tracée  vers  1780  ;  elle  commençait  alors  au  chemin  de  Longchamp  et 
aboutissait  à  la  campagne.  Sa  moindre  largeur  fut  fixée  à  7  mètres,  le  17  août 
1818,  pour  la  partie  comprise  entre  les  rues  de  Longchamp  et  de  Lubeck; 
elle  fut  portée  à  12  mètres,  pour  toute  l'étendue  de  la  rue  de  la  Croix- 
Boissière,  le  17  août  1840.  Le  décret  du  17  septembre  1864  déclara  d'utilité 
publique  l'élargissement  à  16  mètres  de  la  rue  de  la  Croix  Boissière  et  le 
redressement  de  cette  voie  entre  la  rue  de  Lubeck  et  le  carrefour  formé 
par  la  rencontre  de  l'avenue  de  l'Empereur  (aujourd'hui  du  Trocadéro)  avec 
l'avenue  d'Iéna  ;  ce  déccet,  qui  a  été  immédiatement  exécuté,  comportait  la 
suppression  de  la  partie  de  la  rue  de  la  Croix  Boissière  comprise  entre  les 
rues  de  Lubeck  et  de  Longchamp. 

Deuxième  partie  (rue  Boissière  extra  muros).  —  Par  délibération  du  14  mars 
1825,  le  conseil  municipal  de  Passy  demanda  que  le  chemin  de  la  Boissière, 
ayant  une  largeur  de  6  mètres  et  bordé  de  quelques  constructions,  entre  le 
boulevard  extérieur  de  Longchamp  (2)  (avenue  Kléber)  et  la  rue  du  Bel  Air 
(rue  Lauriston),  fût  prolongé  jusqu'au  grand  rond  point  de  la  plaine  (place 
Victor-Hugo),  avec  moindre  largeur  de  10  mètres,  (^e  projet  fut  réalisé  promp- 


(i)  Voir  la  biographie  de  Marie  BashkirtscfT,  par  Mme  la  comtesse  de  Mouzay,  pp.  223 
à  225  du  II I^'  volume  du  Bulletin. 

(2)  Avant  l'annexion,  le  mur  d'enceinte  de  Paris  était,  du  côté  de  Passy,  bordé  exté- 
rieurement par  le  boulevard  de  Longchamp  entre  le  rond-point  (place  du  Trocadéro)  et 
la  rue  de  Longchamp,  ensuite  par  le  boulevard  de  Passy,  qui  s'étendait  de  la  rue  de 
Longchamp  à  la  place  de  l'Etoile.  Le  boulevard  de  Longchamp  est  remplacé  par  l'avenue 
Kléber  ;  le  boulevard  de  Passy  a  été  supprimé  pour  la  formation  d'une  partie  de  cette 
avenue  et  des  rues  La  Pérouse  et  Dumont-d'Urville. 


74  HISTOIRE    DU   XVI*   ARRONDISSEMENT 

tement^  et  la  nouvelle  rue  prit  le  nom  de  rue  Bolssiëre,  diminutif  de  celui  de 
la  voie  (rue  de  la  Croix-Boissière),  qui  était  située  à  Tintérieur  du  mur  d*en- 
ceinte  de  Paris  et  dont  elle  formait  le  prolongement  sur  le  territoire  de  Passy. 

Lors  de  l'ouverture  de  l'avenue  du  Roi-de-Rome  (aujourd'hui  Kléber), 
le  raccordement  de  la  rue  Boissière  avec  cette  avenue  a  été  opéré  au  moyen 
d'une  pente  de  6  centimètres  par  mètre,  sans  donner  lieu  à  aucune  indem- 
nité en  faveur  des  riverains,  parce  qu'alors  aucune  construction  n'existait 
encore  sur  la  partie  de  la  rue  Boissière  abaissée  en  vue  de  ce  raccordement. 

En  1897,  le  pavage  en  pierre  de  la  rue  Boissière  a  été  converti  en  pavage 
en  bois,  (^ette  rue  est  desservie  par  une  station  du  chemin  de  fer  métropo- 
litain (1)  établie,  en  1899,  sous  l'avenue  Kléber. 

L'avenue  de  Béuiainvilliers,  qui  existait  au  xviii''  siècle,  est  mentionnée 
ci-après  dans  l'histoire  de  la  rue  de  Boulainvilliers.  * 

Le  territoire  du  XVP  arrondissement  est  limité  par  deux  lignes  droites 
qui  se  croisent  au  centre  de  l'arc  de  triomphe  de  l'Étoile,  savoir  :  Taxe  de 
l'avenue  Marceau  et  celui  de  la  grande  route  n**  13  de  Paris  à  Cherbourg 
(avenue  de  la  Grande-Armée)  ;  il  comprend  ainsi  plus  du  tiers  de  la  superficie 

m 

de  la  place  de  V Etoile. 

Cette  magnifique  place,  dont  le  sol  est  plus  élevé  que  tous  les  terrains 
environnants,  a  été  d'abord  un  simple  rond-point,  où  divers  chemins  venaient 
aboutir  à  la  grande  route  de  la  haute  Normandie.  Au  commencement  du 
second  Empire,  elle  se  trouvait  encore  en  dehors  de  l'enceinte  de  Paris,  sur 
les  territoires  de  Passy  et  de  Neuilly. 

L'avenue  des  Champs-Elysées,  plantée  en  1670,  s'arrêtait  alors  à  la  grande 
rue  de  Chaillot  (2).  En  1729,  la  place  de  l'Étoile,  nommée  autrefois  «  l'Étoile 
de  Chaillot  »,  formait  un  octogone  inscrit  dans  un  cercle  de  50  toises 
de  rayon.  Le  public  parisien  et  les  étrangers  avaient  déjà  adopté  la  promenade 
des  Champs-Elysées.  En  1762,  le  marquis  de  Marigny  (3)  et  de  Ménars,  frère 
de  la  marquise  de  Pompadour,  surintendant  des  beaux  arts  et  des  bâtiments 
du  roi,  prolongea  l'avenue  des  Champs-Elysées  jusqu'à  la  porte  Maillot  à 
travers  la  butte  de  l'Étoile,  qui  fut  aplanie.  En  1774,  Louis  XVI  fit  abaisser 
de  16  pieds  la  butte  de  l'Étoile,  et  élargir  l'avenue  droite  allant  du  jardin 
des  Tuileries  au  pont  que  l'ingénieur  des  ponts  et  chaussées  Perronnet  venait 
de  construire  à  Neuilly  ;  les  terres  provenant  de  l'abaissement  de  la  butte 
de  l'Étoile  servirent  à  surélever  la  partie  des  Champs-Elysées  où  se  trouvait 
la  grille  de  Chaillot  et  à  régulariser  la  pente  ;  ces  travaux  furent  dirigés  par 
Perronnet;  en  outre,  il  continua  l'avenue  jusqu'à  Courbevoie,  ce  qui  compléta 
l'entrée  triomphale  de  Paris  ;  la  place  de  l'Étoile,  vers  laquelle  convergeaient 
alors  quatre  avenues,  fut  agrandie  ;  on  en  changea  la  forme  octogonale  :  elle 
devint  circulaire  avec  un  diamètre  de  120  toises  (arrêt  du  Conseil  du  Roi 
du  21  août  1777)  et  on  l'entoura  d'amphithéâtres  gazonnés,  formant  le  pro- 
menoir de  Chaillot,  qui  a  été  concédé  à  la  ville  de  Paris  par  les  lois  du 
i9  juillet  1852  et  du  22  juin  1854. 

(i)  Voir  ci-après  les  indications  données  au  sujet  du  chemin  de  fer  métropolitain  de  Paris. 

(2)  La  barrière  de  l'Étoile  était  un  reculement  de  la  barrière  des  Champs-Elysées,  qui 
limitait  autrefois  Paris  à  la  hauteur  des  rues  de  Chaillot  et  de  Rerri. 

(3)  Louis  XV  avait  érigé  la  terre   de  Marigny  en  marquisat  pour  le  frère  de  Mme  de 
Pompadour  et  lui  avait  donné  la  direction  générale  des  jardins  du  roi. 


ARC   DE   TRIOMPHE   DE    l'ÉTOILE  76 

L'arc  de  triomphe  de  V Étoile  a  été  projeté  par  les  architectes  Chalgrin  et 
Raymond,  membres  de  Tlnstitut;  Raymond  ayant  donné  sa  démission, 
Clialgrin  resta  seul  chargé  de  Texécution  de  ce  monument,  élevé  à  la  gloire 
des  armées  françaises  ;  les  travaux  en  furent  commencés  en  mai  1806,  et  la 
première  pierre  fut  posée  solennellement  le  15  août  de  la  même  année. 

Quand  Napoléon  P""  et  Marie-Louise  se  rendirent  de  Saint-Cloud  aux 
Tuileries  (1),  pour  la  célébration  de  leur  mariage,  l'arc  de  triomphe  ne  s*éle- 
vait  encore  qu'à  la  hauteur  de  la  corniche  du  piédestal  ;  mais  Chalgrin  avait 
fait  exécuter,  au  moyen  d'une  charpente  recouverte  de  toiles,  le  simulacre 
de  l'ensemble  de  l'édifice  sous  lequel  le  cortège  impérial  passa,  le  1'^'^  avril  1810. 

Un  journal  du  26  mars  disait:  «  Dès  ce  jour,  il  n'y  a  pas  une  fenêtre, 
depuis  la  porte  Maillot  jusqu'à  la  place  de  la  Concorde,  qui  ne  soit  retenue 
ou  louée  cinq  ou  six  louis  au  moins,  pour  assister  à  l'entrée  dans  Paris  de 
l'empereur  et  de  l'impératrice  Marie-Louise.  La  plus  petite  chambre  chez  les 
restaurateurs  ayant  vue  sur  la  route  que  doit  suivre  le  cortège  ne  s'obtient 
pas  à  moins  de  5  ou  600  francs.  >>  —  Les  choses  n'ont  pas  changé. 

Chalgrin  étant  mort  en  1823,  les  travaux  furent  continués  par  son  élève 
Goust  et  par  Huyot  ;  ils  furent  achevés,  de  1832  à  1836,  par  l'architecte 
Blouet,  membre  de  l'Institut,  qui  était  né  à  Passy  en  1795  et  mourut 
en  1853.  —  (V.  aux  Annexes^  p.  404.) 

Le  29  juillet  1836,  on  inaugura  solennellement  l'arc  de  triomphe  et  on  a 
compté  que  le  l*'*"  août  de  la  même  année,  58.000  personnes  étaient  venues 
contempler  ce  monument,  dont  la  construction  a  coûté  9.631.115  francs.  Sa 
hauteur  est  de  49"*, 48,  sa  largeur  de  44'",82  et  son  épaisseur  de  22™,21;  le 
grand  arc  a  14",62  de  largeur.  Ce  monument  appartient  à  trois  arrondis- 
sements :  le  VI 11%  le  WV  et  le  XVI P. 

Le  diamètre  de  la  place  de  l'Étoile  est  de  240'",86;  cette  place  a  été  le 
théâtre  de  toutes  les  grandes  solennités  nationales.  J'ai  assisté,  le 
13  décembre  1840,  au  retour  des  cendres  de  l'empereur;  Taffluence  était 
énorme,  bien  que  le  froid  fût  très  rigoureux. 

Le  31  mai  1885,  le  cercueil  de  Victor  Hugo,  qui  était  mort  le  22  mai,  fut 
exposé  sous  l'arc  de  triomphe  de  l'Etoile.  Un  gigantesque  cénotaphe,  qui  se 
dressait  sous  la  voûte  de  cet  arc  et  avait  22  mètres,  était  du  plus  grandiose 
effet:  un  immense  voile  de  crêpe  partait  du  sommet  du  monument.  Pendant 
toute  la  journée,  une  foule  immense  défila  devant  le  cénotaphe.  La  nuit,  une 
double  haie  de  cuirassiers  portait  des  torches  dont  la  lueur  se  mêlait  à  celle 
de  36  lampadaires  à  flammes  vertes.  La  cérémonie  des  obsèques,  qui  eut  lieu 
le  !•'  juin  (2),  attira  un  tel  concours  d'admirateurs  du  grand  poète  que  Flo- 
quet  s'écria  :  a  Ce  ne  sont  pas  des  funérailles,  c'est  une  apothéose.  » 

A  la  cérémonie  du  centenaire  de  Victor  Hugo,  qui  a  été  célébré  au  Pan- 
théon, dans  la  matinée  du  26  février  1902,  avec  une  grande  pompe  officielle, 
M.  Gabriel  Hanotaux,  directeur  de  l'Académie  Française,  a  terminé  son  dis- 
cours par  les  paroles  suivantes  : 

«  Il  mouru-t.  Un  frisson,  une  rumeur  immense  coururent  de  proche  en 


(i)  Voir  aux  annexe<%  (p.  324)  rarlicle  de  M.  Léopold  Mar,  intitulé  :  «  Nos  Anciennes 
Barrières  ». 

(a;.  Victor  Hugo  avait  voulu  lecorhiUard  des  pauvres;  mais  le  Parlement  vota  en  son 
honneur  des  funérailles  nationales. 


76  HIHTOIRe   DU   XVt*   ARRONHISSEMENT 

proche  dans  la  ville,  dans  le  pays  et  dans  le  monde  tout  entier.  L'univers  se 
leva,  tendant  vers  lui  des  palmeB.  L'arc  de  triomphe  se  revêtit  d'un  voile  noir. 
Les  poètes  veillèrent  son  corps  couché  sous  le  portique.  Les  cuirassiers 
tenaient  des  torchati  allumées.  Et  quand  le  Jour  des  funérailles  se  leva,  quand 


les  torches  se  furent  éteintes,  quand,  derrière  le  corbillard  des  pauvres  (1), 
une  foule  telle  qu'il  l'eût  aimée  'se  fut  rangée  et  que  la  ville  entière  se  fut 


VICTOR  HUGO 
Par  Gustave  Michel. 
(ArcbWea    de    la    Sociélè.) 


78  HISTOIRE   DU   XVI*   ARRONDISSEMENT 

remplie  d*un  tumulte  où  le  deuil  de  la  mort  se  confondait  avec  la  joie  de 
l'Immortalité,  alors  lui,  tumultueux  encore  et  déjà  légendaire,  il  traversa 
Paris  à  la  tête  du  cortège  prodigieux  qui  rejoignait  la  colline  de  Napoléon  à 
la  colline  de  Clovis  et  il  fit  rouvrir  devant  lui  les  portes  du  Panthéon,  pour  y 
ramener  la  gloire.  « 

La  place  de  l'Étoile  n'était  encore  bordée,  en  1854,  que  de  chétives  construc- 
tions, principalement  occupées,  comme  sur  les  autres  boulevards  extérieurs, 
en  dehors  des  barrières,  par  des  débits  de  vins.  La  transformation  de  cette 
place  est  due  au  décret  du  13  août  18oi,  qui  en  a  fixé  la  belle  ordonnance  et 
les  alignements,  avec  constructions  symétriques,  grilles  en  fer  et  fonte,  suivant 
un  type  obligatoire,  séparées  des  constructions  par  des  jardins  d'agrément.  Ces 
grilles  reposent  sur  un  socle  bas  en  pierres  de  taille  et  les  bâtiments  ne 
peuvent  être  élevés  qu'à  16  mètres  en  arrière.  Les  splendides  hôtels  qui  bordent 
ainsi  la  place  ont  été  construits  en  1868  et  1869  ;  ils  ne  peuvent  avoir  d'entrée 
que  sur  les  avenues  rayonnant  vers  la  place  et  sur  la  rue  circulaire,  nommée 
rue  de  Tilsit  d'un  côté  de  la  place,  et  rue  de  Presbourg  de  l'autre  (1). 

En  avril  1900,  la  place  de  l'Étoile  a  été  munie  de  candélabres  électriques. 

Le  chemin  de  fer  métropoliiain  de  Paris  dessert  souterrainement  la  place 
dé  rÉtoile  :  cinq  branches,  dont  quatre  en  exploitation  et  une  actuellement 
ouverte  jusqu'à  la  place  d'Anvers  (ÏX'^  arrondissement),  ont  cette  station  pour 
point  de  départ. 

L'insuffisance  des  moyens  de  transport  dans  Paris  commandait  l'exécu- 
tion de  ce  métropolitain  ;  les  omnibus  et  tramways  circulant  à  fleur  de  sol  et 
forcément  limités  par  cela  môme  dans  leur  capacité  de  transport  et  dans 
leur  vitesse,  parce  qu'ils  ont  à  croiser  dans  les  rues  beaucoup  d'autres  véhi- 
cules, ne  permettent  ni  d'effectuer  des  trajets  un  peu  longs  avec  la  rapidité 
désirable,  ni  de  transporter  à  la  fois  de  très  grandes  masses  de  voyageurs. 

Il  est  donc  logique  de  recourir  pour  les  longs  trajets  et  pour  les  directions 
importantes  à  un  moyen  de  locomotion  plus  puissant,  c'est-à-dire  à  un  chemin 
de  fer  métropolitain,  établi  sur  des  lignes  entièrement  isolées  de  la  voie 
publique  et  se  prêtant  à  la  réalisation,  entre  deux  stations  consécutives,  d'une 
grande  vitesse.  Les  progrès  récents  de  l'industrie  électrique  appliquée  aux 
transports  fournissent  la  solution  la  plus  satisfaisante  de  ce  problème.  La 
transmission  de  l'énergie  électrique  à  distance  autorise,  en  effet,  la  substi- 
tution aux  pesantes  locomotives  d'un  matériel  beaucoup  moins  lourd,  capable 
de  circuler  sur  des  courbes  de  très  petits  rayons,  tels  que  ceux  qu'on  est 
obligé  d'admettre  sur  le  métropolitain  d'une  capitale.  En  outre,  ce  système 
se  prête  bien  à  l'organisation  de  trains  extrêmement  fréquents. 

Les  lignes  du  métropolitain  de  Paris  exploitées  entièrement  en  1901  sont 
celles  de  la  porte  de  Vincennes  à  la  porte  Maillot,  de  l'Étoile  au  Trocadéro 
et  à  la  porte  Dauphine.  Cette  section  du  métropolitain,  qui  n'est  que  la  hui- 
tième partie  du  réseau  actuellement  concédé,  représente  une  longueur  d'en- 
viron li  kilomètres.  Elle  est  totalement  souterraine,  mais  éclairée  à  la 
lumière  électrique  ;  elle  ne  présente  donc  pas,  pour  les  voyageurs,  les  mêmes 


(1)  Voir  aux  annexes  (p.  4o6)  des  extraits  des  mémoires  du  baron  Haussmann,  commu- 
niqués par  M.  Emile  Potin  ;  voir,  également,  aux  annexes  (p.4i3},  la  loi  du  22  juin  i854  et 
le  décret  du  i3  août  de  la  même  année,  concernant  la  place  de  TEtoile  et  l'avenue 
du  Bois-de-Boulogne. 


LE   CHEMIN   DE    FER   METROPOLITAIN  79 

inconvénients  que  les  tunnels  de  chemins  de  fer,  qui  sont  fréquemment 
obstrués  par  la  vapeur  et  surtout  par  la  fumée  des  locomotives,  ce  qui  em- 
pêche de  les  éclairer  d'une  manière  efficace.  Les  voitures  sont  munies  de 
portes  à  coulisses.  Les  murs  des  stations,  où  la  durée  de  chaque  arrêt  ne  doit 
pas  dépasser  trente  secondes,  sont  revêtus  de  carreaux  en  grès  cérames 
blancs.  Le  souterrain  est  relativement  chaud  en  hiver  et  frais  en  été  ;  les 
trottoirs  des  stations  sont  à  peu  près  de  plain-pied  avec  le  plancher  des  wagons. 

C'est  pendant  l'Exposition  universelle,  le  19  juillet  1900,  qu'on  a  ouvert  à 
la  circulation  publique  la  première  section  du  métropolitain,  c'est-à-dire 
celle  qui  va  de  la  porte  de  Vincennes  à  la  porte  Maillot,  ainsi  que  les  stations 
intermédiaires  de  TAlma,  Marbeuf,  Champs-Elysées,  Concorde,  Tuileries, 
Palais-Royal,  Louvre,  Châtelet,  Hôtel- de-ville,  Saint-Paul,  Bastille,  gare  de 
Lyon,  Reuilly  et  place  de  la  Nation.  Peu  de  temps  après,  on  a  ouvert  les 
stations  d'Obligado  et  de  TÉtoile.  L'embranchement  de  la  place  de  TÉtoile 
au  Trocadéro  (avec  les  deux  stations  de  l'avenue  Kléberetde  la  rue  Bois- 
sière)  a  été  inauguré  le  2  octobre  1900,  et  celui  de  la  place  de  l'Étoile  à  la 
porte  Dauphine  (avec  une  slation  à  la  place  Victor-Hugo)  a  commencé  le 
service  public  le  13  décembre  de  la  même  année.  La  construction  a  coûté 
environ  trois  millions  par  kilomètre.  Les  entrées  des  gares  du  métropolitain 
ont  été  construites  et  décorées  par  M.  l'architecte  (3uimard. 

La  traction  électrique  assure  un  mouvement  doux,  et  les  trains,  composés 
chacun  d'une  voiture  motrice  et  de  voilures  d'attelage,  se  suivent  de  très 
près.  La  voiture  motrice  prend,  au  moyen  de  flotteurs  flexibles,  le  courant 
sur  un  rail  latéral  à  la  voie  et  le  transmet  aux  machines  dynamos  placées  sous 
les  essieux  ;  toutes  les  voitures  renferment  des  lampes  électriques. 

Le  régime  du  métropolitain  consiste  en  une  association  entre  la  Ville  de 
Paris,  qui  construit  le  réseau  à  ses  frais,  et  la  compagnie  concessionnaire,  qui 
arme  ce  réseau  et  l'exploite.  Le  tarif  des  voyageurs  pour  un  trajet  quelconque 
sur  les  diverses  lignes  du  métropolitain  est  fixé  à  "13  centimes  en  première 
classe  et  à  15  en  seconde.  La  part  de  la  ville  consiste  dans  le  prélèvement 
de  5  centimes  par  billet  de  ^  classe  et  de  10  centimes  par  billet  de  1™  classe. 

Avant  Touverture  de  ce  chemin  de  fer,  on  prétendait  que  la  clientèle  pari- 
sienne ne  se  résignerait  pas  à  descendre  dans  des  souterrains  pour  faire  une 
course  en  ville.  Mais  le  public  a  accueilli,  au  contraire,  avec  une  grande 
faveur,  ce  nouveau  mode  de  transport,  grâce  à  la  vitesse  et  à  la  multiplicité 
des  trains  et  au  prix  peu  élevé  qu'on  lui  demande  ;  le  métropolitain,  dont  la 
création  fait  honneur  à  MM.  E.  Ëmpain,  A.  Berthelot  et  Bienvenue,  permet 
d'aller  en  quelques  minutes  d'une  extrémité  de  Paris  au  Louvre  ou  au  Palais- 
Royal.  Le  nombre  des  voyageurs  transportés  a  dépassé  4. 400.000  en  avril  1901. 
Les  intéressés  demandent  que  de  nouvelles  lignes  soient  concédées,  pour 
desservir  leurs  quartiers.  Le  conseil  municipal  a  approuvé,  le  13  juillet  1900, 
le  projet  de  construction  du  métropolitain  entre  l'Étoile  et  la  place  de  la 
Nation,  par  les  boulevards  extérieurs  de  la  ligne  droite.  L'exécution  de  cette 
ligne  sera  en  souterrain  et,  pour  partie,  en  viaduc  ;  la  dépense  de  cons- 
truction est  évaluée  à  environ  2.700.000  francs  par  kilomètre.  Parmi  les 
autres  lignes  concédées,  il  y  en  a  deux  qui  emprunteront  le  sol  du  XVP  ar- 
rondissement, savoir  : 

!•  La  ligne  des  boulevards  extérieurs  de  la  rive  gauche,  qui  part  de  la  place 
du  Trocadéro,  passe  sous  la  rue  Franklin,  entraînera  l'expropriation  de  la 


8o  HISTOIRE    DU   XVI^   ARRONDISSEMENT 

maison  sise  rue  Franklin  n*"  2  et  boulevard  Delessert,  débouche  dans  la  rue 
Alboni,  vers  le  milieu  de  laquelle  elle  se  trouvera  à  ciel  ouvert,  pour  traverser 
la  Seine  sur  l'emplacement  de  la  passerelle  de  Passy  ;  elle  aura,  rue  Alboni, 
une  station  nommée  «  quai  de  Passy  »  ;  les  travaux  ont  été  commencés 
en  1902; 

2**  la  ligne  Auteuil-Opéra,  partant  de  la  porte  Molitor,  récemment  ouverte 
entre  Auteuil  (boulevard  Exelmans)  et  Boulogne,  passera  sous  la  rue  Molitor, 
traversant  une  première  fois  la  Seiue  en  aval  du  pont  Mirabeau,  desservant 
Grenelle  et  Tesplanade  des  Invalides,  traversant  une  seconde  fois  la  Seine  et 
passant  sous  la  place  de  la  Concorde,  la  rue  Royale  et  le  boulevard  de  la 
Madeleine,  pour  aboutir  à  TOpéra.  Cette  ligne  aura  daus  le  XVl»  arrondisse- 
ment trois  stations  (boulevard  Exelmans,  rue  Chardon-Lagache,  et  avenue  de 
Versailles,  près  du  pont  Mirabeau).  11  faudrait  obtenir  la  concession  d'une 
autre  ligne,  pour  relier  Auteuil  aux  quartiers  du  centre,  par  la  rive  droite  de 
la  Seine. 

Vavenue  de  la  Grande- Armée,  dont  Taxe  séparait,  avant  l'annexion,  le  terri- 
toire de  Passy  de  celui  de  Neuilly,  a  reçu,  sous  le  règne  de  Louis  XVI,  comme 
il  a  été  dit  ci-dessus,  sa  largeur  actuelle,  qui  est  de  70  mètres.  Elle  s'est 
nommée  d'abord  «  avenue  de  Neuilly  »  ;  on  l'a  appelée  ensuite  avenue  de  la 
Porte-Maillot,  parce  qu'elle  est  suivie  par  les  nombreux  promeneurs  se  ren- 
dant au  bois  de  Boulogne,  dont  cette  porte  était  l'entrée  la  plus  fréquentée 
avant  le  percement  de  l'avenue  du  Bois-de-Boulogne.  On  a  exécuté,  en  1840, 
d'importants  travaux  d'embellissement  à  l'avenue  des  Champs-Elysées,  entre 
le  rond-point  et  la  barrière  de  l'Étoile,  ainsi  qu'à  l'avenue  de  Neuilly  (avenue 
de  la  Grande-Armée),  entre  la  barrière  de  l'Étoile  et  la  porte  Maillot.  Le  décret 
du  2  mars  1864  a  assigné  à  l'avenue  de  la  Grande-Armée  sa  dénomination 
actuelle,  parce  qu'elle  prend  naissance  à  Tare  de  triomphe  élevé  à  la  gloire  de 
la  grande  armée  du  premier  Empire.  C'est  en  i8i0  qu'on  a  effectué  la  réfec- 
tion des  trottoirs  et  des  chaussées  de  cette  avenue,  qui  a  été  munie  de  candé- 
labres à  gaz  en  1844. 

Jacquemart,  graveur  à  l'eau  forte,  a  habité  la  maison  n"  23,  depuis  1873 
jusqu'à  sa  mort,  survenue  en  1880.  L'hôtel  du  ministre  de  la  république  de 
Salvador  se  trouve  au  n"  27  de  l'avenue  de  la  Grande-Armée,  dont  le  côté 
droit  (numéros  pairs)  dépend  du  XVIl''  arrondissement. 


Rues  ouvertes  pendant  les  cinquante  premières  années 

du  XIX^  siècle,  dans  les  quartiers 
de  Chaillot,  de  la  Muette  et  de  la  Porte-Dauphine. 


Au  xviu'' siècle,  aucun  nom  de  rue  n  était  indiqué  sur  les  murs  de  Passy,  et 
ce  n*est  qu*en  1816  qu*on  se  décida  à  y  poser  des  plaques  indicatrices  à  l'en- 
coignure de  chaque  rue.  Quant  à  Téclairage  de  nuit,  il  fut  complètement 
inconnu  jusqu*à  la  fin  de  Tannée  1791  ;  alors  seulement,  un  premier  réver- 
bère à  rhuile  fut  suspendu  devant  le  corps  de  garde  de  la  milice  nationale. 
L'éclairage  général  de  la  commune  ne  fut  installé  qu'en  1825,  toujours  au 
moyen  de  réverbères  à  réflecteurs.  Ces  réverbères,  qui,  en  18i5,  étaient  au 
nombre  de  vingt,  n'étaient  pas  allumés  pendant  la  période  de  la  pleine  lune. 

11  y  eut  peu  d'opérations  de  voirie  à  Chaillot,  Passy  et  Auteuil  pendant  les 
guerres  de  la  Révolution  et  du  premier  Empire.  On  ne  relève  à  ce  sujet  dans 
les  délibérations  du  conseil  municipal  de  Passy,  en  ce  qui  concerne  le  quar- 
tier de  la  Muette,  que  la  demande  de  prolongement  de  l'ancienne  rue  des 
Carrières  ;  ce  prolongement,  qui  parait  avoir  été  terminé  vers  1808,  constitue 
actuellement  la  partie  de  la  rue  Vital  comprise  entre  la  rue  de  la  Tour  et  la 
rue  Nicolo  (1).  Du  reste,  le  budget  de  la  commune  de  Passy  était  modeste  à 
cette  époque  :  en  1806,  les  recettes  de  la  commune  s'élevèrent  à  2.047  fr.  80 
et  les  dépenses  à  2.045 fr.  52.  Il  n'y  avait  alors  qu'un  seul  réverbère  h  Passy. 

La  rue  Bizel  doit  être  divisée,  au  point  de  vue  de  son  histoire,  en  deux 
parties,  dont  la  première  forme  la  section  comprise  actuellement  entre 
Ta  venue  Marceau  et  la  rue  de  Chaillot,  la  seconde,  la  section  comprise  entre 
la  rue  de  Chaillot  et  Tavenue  d'iéna  (2). 

Première  partie.  —  Elle  remplace  un  ancien  chemin  qui  figure  au  plan  de 
Jouvin  de  Rochef  ort  (dressé  en  1672),  allant  du  quai  de  Seine  à  la  rue  de  Chaillot 
et  portant  le  nom  de  u  ruelle  des  Tourniquets  ».  Elle  a  été  classée  comme 
«  rue  des  Blanchisseuses  »  par  une  décision  ministérielle  du  13  fructidor 
aa  VIII,  fixant  sa  moindre  largeur  à  10  mètres  ;  cependant,  elle  n'a  constitué 
jusqu'en  1826  qu'une  ruelle  tortueuse  et  assez  étroite,  ayant  une  largeur 

(i)  Voir  ci-après  les  indications  données  au  sujet  do  l'ancienne  rue  des  Carrières. 

{'?.'■  La  longueur  de  voie  sous-minée  est  de  15  mètres  devant  le  n°  19  de  la  rue  Bizet 
cl  de  81  mètres  entre  le  n"*  2.3  et  l'avenne  d'iéna.  La  distance  du  sol  au  ciel  de  la  carrière 
csl  de  8  ni.  3o  ;  la  hauteur  de  la  galerie  d'exploitation  est  de  3  m.  Tjo,  devant  le  n'  0. 

6 


82  liîSTOIRE    DU   XVI*^   ARRONDISSEMENt 

moyenne  de  4  mètres.  A  cette  époque,  M.  Bizet,  propriétaire  des  terrains 
environnants,  proposa  d*en  rectifier  la  direction,  ôe  qui  lui  fut  accordé  par 
une  ordonnance  royale  du  9  août  1826.  Lors  du.  percement  de  Tavenue 
Joséphine  (avenue  Marceau),  la  partie  de  la  rue  Bizet  qui  commençait  au 
quai  Debilly  se  trouva  supprimée. 

Deuxième  partie,  —  Elle  a  été  ouverte,  en  prolongement  de  la  première, 
en  vertu  d'un  traité  passé,  le  2  juillet  1866,  entre  la  Ville  et  la  Société  Thome 
et  C  •'.  Elle  a  été  classée  par  le  décret  du  12  février  1883,  fixant  à  12  mètres  la 
moindre  largeur  de  cette  partie. 

L'arrêté  du  26  février  1867  a  donné  aux  deux  parties  de  cette  rue  le  nom 
de  Bizet,  c'est-à-dire  celui  du  propriétaire  à  qui  était  due  la  rectification  de 
la  première  partie. 

L'église  grecque  qui  se  trouve  aux  n"*  7  et  9  de  la  rue  Bizet  a  été  construite, 
sous  la  direction  de  M.  l'architecte  Vaudremer,  membre  de  l'Institut,  aux  frais 
de  feu  M.  Demetrius  Stefanovich  Schilizzi,  qui  en  a  fait  don  au  gouvernement 
hellénique,  sous  la  condition  qu'elle  serait  consacrée  au  culte  de  la  religion 
orthodoxe  grecque  et  mise  à  la  disposition  de  la  colonie  hellénique  de  Paris. 
Ce  bel  édifice  a  coûté  environ  1.650.000  francs  (achat  de  terrain  et  construc- 
tion). Les  peintures  des  icônes  et  les  décorations  du  plafond  sont  dues  au 
peintre  Charles  Lameire.  L'église  a  été  inaugurée  en  décembre  1895  ;  elle 
appartient  au  gouvernement  hellénique  ;  mais  les  frais  d'entretien  sont  sup- 
portés par  la  colonie  hellénique  de  Paris. 

L'hôtel  du  ministre  du  royaume  de  Roumanie  se  trouve  actuellement  au 
n**  25  de  la  rue  Bizet. 

La  rue  de  Longchamp  (1)  occupe  l'emplacement  rectifié  d'un  ancien  chemin 
que  les  Parisiens  prenaient  pour  aller  en  pèlerinage,  puis  en  promenade,  pour 
suivre  la  mode,  à  l'abbaye  de  Longchamp,  particulièrement  du  mercredi  au 
vendredi  saint  (l);  c'est  sur  les  terrains  qui  dépendaient  autrefois  de  cette 
abbaye  qu'ont  lieu  les  courses  de  Longchamp  et  la  revue  du  li  juillet. 

La  partie  de  cette  rue  comprise  entre  la  place  d'Iéna  et  l'avenue  Kléber 
avait  autrefois  dépendu  de  Chaillot  (fief  de  Longchamp)  et  fut  renfermée 
dans  Paris,  lors  de  la  construction  du  mur  d'enceinte,  sous  le  règne  de 
Louis  XVI  ;  cette  première  partie  fut  classée  par  la  décision  ministérielle  du 
3  vendémiaire  an  X,  qui  lui  assigna  une  moindre  largeur  de  ll'",70. 

La  seconde  partie,  comprise  entre  l'avenue  Kléber  et  la  rue  Spontini,  a 
été  jusqu'en  1884  séparée  de  la  partie  de  la  rue  de  Longchamp  située  au  delà 
de  la  rue  de  la  Faisanderie  par  un  îlot  de  maisons  qui  s'étendait  entre  les  rues 
Spontini  et  de  la  Faisanderie.  Par  délibération  du  16  octobre  1829.  le  conseil 
municipal  de  Passy,  considérant  que  cette  seclion  est  dégradée  par  les 
charrois  (2)  des  exploitants  de  carrières,  que  la  situation  est  surtout  intolé- 

(i)  Voir  aux  annexes  (p.  4i4),  pour  l'origine  el  TiHymologic  du  mol  «  Longchamp  »,  l'ar- 
Ucle  sur  Longchamp  de  M.  le  comte  Feniand  de  l'Eglise. 

(a)  En  i8S'i,  1889  et  1890,  la  partie  sous-minée  du  sol  de  la  rue  de  Longchamp  a  été 
consolidée  sur  97  mètres  de  longueur  entre  les  n«*  i5  el  35,  sur  187  mètres  entre  Tavcnue 
Kléber  el  la  rue  Laurislon  el  sur  60  mètres  entre  les  rues  Spontini  el  de  la  Faisanderie. 
La  distance  du  sol  au  ciel  de  la  carrière  est  de  6  mètres  A  la  place  d'Iéna,  de  i2™,3o  à 
l'angle  de  la  rue  de  liUberk,  de  i9'",r>4  à  l'angle  de  l'avenue  MalakofT  el  de  9™,5<>  entre  les 
rues  Spontini  el  de  la  Faisanderie.  La  hauteur  des  galériens  d'e\j)loitâtion  est  de  a™,5o  au 
premier  point,  de  i™,8'|  au  second,  de  i»",75  au  troisième,  de  i™,r»5  au  quatrième  el  de 
4"Sîio  au  cinquième. 


RUE    DE    LA   MANUTENTION  83 

rable  au  point  de  jonction  avec  l'avenue  de  Saint-Denis  (avenue  Malakofl), 
que  la  profondeur  des  ornières  s'élève  à  1  mètre  et  qu*elles  sont  continuelle- 
meût  remplies  par  les  eaux  pluviales,  demande  que  le  préfet  de  la  Seine 
mette  les  carriers  en  demeure  de  fournir  immédiatement  les  matériaux 
nécessaires  à  la  réparation,  la  Société  des  terrains  de  Passy  ayant  offert  de  se. 
charger  delà  main-d*œuvre.  Cette  Société  redressa,  en  1834,  et  élargit  à  11™,70 
la  partie  de  la  rue  de  Longchamp  comprise  entre  Tavenue  Kléber  et  la  rue 
Spontini. 

La  section  comprise  entre  les  rues  Spontini  et  de  la  Faisanderie  a  été 
ouverte,  en  1884,  en  vertu  d*un  contrat  entre  la  Ville  de  Paris  et  les  proprié- 
taires intéressés.  Enfin,  la  partie  comprise  entre  la  rue  de  la  Faisanderie  et 
le  boulevard  Lannes  avait  été  ouverte  par  la  Ville  de  Paris,  sur  12  mètres  de 
largeur  et  150  mètres  de  longueur,  et  d'abord  comme  voie  privée  sur  des. 
terrains  retranchés  du  bois  de  Boulogne. 

Un  arrêté  préfectoral  du  10  novembre  1873  a  maintenu  le  nom  de  rue  de 
Longchamp  pour  les  parties  comprises  entre  l'avenue  d'Iéna  et  la  rue  Spon- 
tini, ainsi  qu'entre  la  rue  de  la  Faisanderie  et  le  boulevard  Lannes.  L'exécu- 
tion, en  1884,  de  la  section  comprise  entre  les  rues  Spontini  et  delà  Faisanderie 
a  établi  la  continuité  de  la  rue  de  Longchamp  depuis  la  place  d'Iéna  jusqu'à 
ce  boulevard, 

Le  pavage  en  pierre  a  été  converti  en  pavage  en  bois  de  mars  à  juin  1900, 
dans  la  përtie  dé  la  rue  de  Longchamp  comprise  entre  la  place  d'Iéna  et  la 
rue  du  Bouquet-de-Longchamp.  Au  n^  154  de  la  rue  de  Longchamp,  près  de 
Fangle  de  la  rue  de  la  Faisanderie,  on  voit  un  hôtel  de  style  Renaissance, 
qui  a  été  élevé  en  1881  par  M.  l'architecte  Brière  ;  il  se  compose  d'un  rez-de- 
chaussée  à  trois  fenêtres,  avec  porte  cintrée  à  deux  vantaux  ;  d'un  premier 
étage  à  trois  croisées,  celle  du  milieu  à  meneaux;  et  d'un  second  étage 
à  balustrade  de  pierre  formant  balcon  devant,  trois  fenêtres  à  frontons  se 
détachant  eu  relief  sur  un  haut  toit  à  lucarnes.  Rue  de  Longchamp,  n^  137, 
rue  de  Lota,  n**  %  se  trouve  un  hôtel  du  style  Louis  XIÏI,  avec  avance  en 
encorbellement  au  premier  étage  (MM.  P.  Dureau  et  Orième,  architectes, 
1894).  L'hôtel  contigu  (M.  F.  Delmas,  architecte,  1894)  possède  un  haut' 
pignon,  étage  à  la  mode  flamande. 

La  rue  de  la  Manuiention  occupe  une  partie  de  la  rue  «  Basse-Saint- 
Pierre  »,  qui  portait  ce  nom  à  raison  de  sa  proximité  de  l'église  et  qui  allait 
du  quai  Uebilly  à  la  rue  de  Chaillot.  Sa  largeur  avait  été  fixée  à  7  mètres  par 
une  décision  ministérielle  du  15  vendémiaire  an  IX  et  à  14  mètres  par  une 
décision  de  fructidor  an  XII;  le  décret  du  23  novembre  1849  prescrit  une 
moindre  largeur  de  12  mètres.  En  1864,  la  rue  Basse-Saint-Pierre,  qui  se 
terminait  encore  alors  à  la  rue  de  Chaillot,  en  formant  un  coude,  avait 
3HD  mètres  de  longueur;  mais  le  décret  du  il  septembre  1804  supprima  la 
partie  comprise  entre  lavenue  du  Trocadéro  et  la  rue  de  Chaillot  ;  quant  à 
la  section  comprise  entre  le  quai  Debilly  et  l'avenue  du  Trocadéro,  elle  fut 
régularisée  à  la  suite  d'une  convention  entre  TÉtat  et  la  Ville  et  forme  la  rue 
de  la  Manutention,  ainsi  dénommée  par  l'arrêté  préfectoral  du  26  février  18(57, 
parce  qu  elle  longe  le  bâtiment  des  subsistances  militaires  ;  son  accès  à 
lavenue  du  Trocadéro  a  lieu  par  un  escalier  de  soixante-quatorze  marches. 

La  rue  Basse-Saint-Pierre  a  vu  la  demeure  de  Mlle  Dumesnil  (tragé- 
dienne morte  en  1803),  de  A.-L.  de  Gontaut  Biron,  duc  de  Lauzun  (mort  en 


84  HISTOIRE    DU  XVI'   ARRONDISSEMENT 

1793)  et,  en  4796-1797,  de  Tallien  (président  de  la  Convention,  puis  du  conseil 
des  Cinq-Cents),  et  de  Mme  Tallien,  née  Cabarrus. 

La  rue  de  Magdebourg  (1)  peut  être  divisée,  au  point  de  vue  de  son  histoire, 
en  trois  parties  comprises  :  la  première,  entre  le  quai  Debilly  et  l'avenue 
d'Iéna,la  seconde,  entre  l'avenue  d'Iénaet  celle  du  Trocadéro,  et  la  troisième 
entre  l'avenue  du  Trocadéro  et  l'avenue  Kléber. 

La  première  partie  allait  du  quai  à  la  rue  des  Batailles  (aujourd'hui 
avenue  d'iéna);  le  plan  de  Verniquet  (1789)  l'indique  sous  le  nom  de  a  ruelle 
d'Hérivault  »  (Etienne  Hérivault  était  procureur  fiscal  en  la  prévôté  de 
Passy).  Elle  a  été  classée  comme  rue  par  une  décision  ministérielle  du  7  fruc- 
tidor an  XII.  En  1806,  elle  a  reçu  le  nom  de  rue  de  Magdebourg,  en  mémoire 
de  la  prise  de  cette  ville  par  les  Français,  le  8  novembre  de  la  môme  année. 
Sa  largeur,  qui  avait  été  fixée  à  7  mètres  par  la  décision  ministérielle  du 
7  fructidor  an  XII,  a  été  portée  à  H"',r30  par  le  décret  du  23  novembre  1849. 

La  seconde  partie  a  été  d'abord  un  chemin  qui  figure  sur  le  plan  de  Ver- 
niquet (1791)  sans  dénomination  ;  on  lui  donna  le  nom  de  «  rue  Sainte- 
Marie  »,  parce  que  le  chemin  que  remplaçait  cette  rue  longeait  le  mur  du 
jardin  du  monastère  de  la  Visitation-Sainte-Marie.  La  largeur  de  cette  sec- 
tion avait  été  fixée  à  10  mètres  par  la  décision  ministérielle  du  23  frimaire 
an  VIII  ;  le  décret  du  17  septembre  1864  a  déclaré  d'utilité  publique  l'élar- 
gissement à  12  mètres  et,  pour  réaliser  cette  disposition,  un  autre  décret  du 
2i  du  même  mois  a  sanctionné  le  traité  passé  entre  la  Ville  et  la  Société 
Thome  et  0'\  L'arrêté  préfectoral  du  2  avril  1868  a  réuni  la  rue  Sainte- 
Marie,  qui  prolongeait  en  ligne  droite  la  rue  de  Magdebourg,  à  cette  der- 
nière rue,  sous  la  même  dénomination. 

Le  décret  du  17  septembre  1864  a  ordonné  le  prolongement,  avec  12  mètres 
de  largeur,  de  la  rue  Sainte-Marie  (aujourd'hui  rue  de  Magdebourg)  jusqu'à 
l'avenue  du  Roi-de-Rome  (avenue  Kléber);  ce  prolongement,  exécuté  au 
moyen  du  traité  passé  par  la  Ville  avec  la  Société  Thome  et  C'**,  et  ci-dessus 
visé,  a  reçu,  par  arrêté  du  20  juillet  1868,  le  nom  de  rue  de  Magdebourg. 

En  1789,  la  partie  de  la  rue  de  Lubeck  comprise  entre  la  rue  Boissiëre  et 
la  rue  de  Longchamp  existait  à  l'état  de  sentier.  En  1864,  la  rue  de  Lubeck 
commençait  à  la  rue  de  la  Croîx-Boissière  (rue  Boissière)  et  se  terminait  à 
l'ancien  boulevard  de  Longchamp  (avenue  Kléber),  près  de  la  place  du  Tro- 
cadéro ;  elle  avait  alors  592  mètres  de  longueur  et  se  composait  de  deux  par- 
ties. La  première,  comprise  entre  la  rue  de  la  Croix-Boissière  (rue  Boissière) 
et  la  rue  de  Longchamp,  avait  remplacé  un  chemin  étroit  et  sinueux, 
indiqué  sans  dénomination  sur  le  plan  de  Verniquet  (1791).  La  seconde  partie 
était  comprise  entre  la  rue  de  Longchamp  et  l'ancien  boulevard  de  Long- 
champ,  au  point  où  se  trouvait  la  barrière  Sainte-Marie  (la  section  comprise 
entre  cette  barrière  et  la  rue  de  Magdebourg  s'est  trouvée  ultérieurement 
supprimée)  ;  en  vertu  d'une  décision  ministérielle  du  19  juillet  1806,  cette 
seconde  partie  fut  ouverte,  vers  1807,  sur  des  terrains  qui  avaient  dépendu 
autrefois  du  monastère  de  la  Visitation  Sainte-Marie,  et  sa  largeur  fixée  à 

(i)  Le  sol  (Je  cette  rue  a  été  consolidé,  en  1887  et  1888,  sur  une  longueur  de  110  mètres 
entre  les  avenues  d'iéna  cl  du  Trocadéro.  La  dislance  du  sol  au  ciel  de  la  carrière  est 
de  5'n,Co  près  l'avenue  d'iéna,  de  S^soS  à  l'anj^'lo  de  l'avenue  du  Trocadéro,  et  de  i5™,5i  à 
l'anffle  do  l'avenue  Kléber.  La  hautcMir  des  galeries  d'exploitation  est  de  2  mètres  au 
premier  point,  de  3  mètres  au  second  et  de  2  mètres  au  troisième. 


RUE   KEPPLER  85 

ia"',^!.  On  lui  donna,  ainsi  qu'à  la  première  partie,  dont  elle  formait  un 
prolongement,  le  nom  de  rue  de  Lubeck,  pour  rappeler  la  victoire  remportée, 
les  6  et  7  septembre  1806,  par  les  Français  sur  les  Prussiens,  commandés  par 
Blûcher. 

Par  suite  du  percement  de  Tavenue  Kléber  et  de  l'avenue  d'Iéna,  la  frac- 
tion de  la  rue  de  Lubeck  comprise  entre  la  rue  de  Magdebourg  et  Tancien  bou- 
levard de  Longchamp  a  été  supprimée  et  son  emplacement  se  trouve  confondu 
dans  la  place  du  Trocadéro  et  dans  la  partie  de  l'avenue  qui  s'étend  de  cette 
place  à  la  rue  de  Magdebourg  ;  il  ne  restait  donc  plus  de  la  rue  de  Lubeck 
que  le  tronçon  compris  entre  la  rue  de  Magdebourg  et  la  rue  Boissière. 

Le  décret  du  17  septembre  1864  a  prescrit  le  redressement  et  l'élargisse- 
ment à  13  mètres  de  la  rue  de  Lubeck,  ainsi  que  son  prolongement  jusqu'à 
l'avenue  des  Champs  Élysées  ;  un  autre  décret  du  ^4du  môme  mois  (1)  a  sanc- 
tionné le  traité  passé  entre  la  Ville  et  la  Société  Thome  pour  l'exécution  de 
ces  dispositions.  En  vertu  d'un  décret  du  2  mars  1867,  la  partie  de  ce  prolon- 
gement comprise  entre  la  rue  Boissière  et  la  place  d'iéna  a  reçu  le  nom  de 
rue  de  Lubeck,  et  la  section  comprise  entre  la  place  d'iéna  et  l'avenue  des 
Champs-Elysées  a  été  dénommée  rue  de  Bassano.  Par  suite  de  ces  diverses 
transformations,  la  rue  de  Lubeck  n*a  plus  aujourd'hui  que  49()  mètres  de 
longueur.  L'hôtel  du  ministre  du  royaume  du  Portugal  est  situé  au  n°  38  de 
cette  rue,  où  se  trouve,  au  n"  4,  l'institution  des  dames  de  l'Assomption, 
édifiée  par  MM.  Revoit  et  Moret,  avec  façade  romane  à  trois  étages,  garnie  de 
fenêtres  géminées. 

La  rue  Keppler,  qui  n'a  que  108  mètres  de  longueur,  est  la  partie  restante 
d'une  ruelle  de  240  mètres  de  longueur,  qui  fut  tracée  en  1792  de  la  rue  de 
Chaillot  à  la  rue  du  Chemin-de-Versailles  (aujourd'hui  rue  Galilée)  et  porta 
d*abord  le  nom  d'«  Hébert  »,  ensuite  celui  de  «  Sainte-Périne  »  (en  raison  du 
voisinage  de  l'abbaye  du  même  nom,  établie  alors  rue  de  Chaillot)  qui  fut  dé- 
nommée «  Sainte-Geneviève  »  en  1806,  parce  que  les  bâtiments  de  ladite  abbaye 
avaient  été  précédemment  occupés  par  les  chanoinesses  Augustines,  dites  de 
Sainte-Geneviève.  La  rue  Sainte-Geneviève  a  été  classée  par  une  décision 
ministérielle  du  2  août  1816,  qui  lui  a  assigné  une  largeur  de  8  mètres,  portée 
à  10  mètres  par  un  arrêté  du  président  du  conseil  des  ministres,  chef  du  pou- 
voir exécutif,  en  date  du  17  août  1848. 

La  partie  de  la  rue  Sainte-Geneviève  comprise  entre  la  rue  de  Chaillot  et 
l'impasse  des  Jardins  (aujourd'hui  rue  de  Bassano)  a  été  supprimée  vers  1864, 
et  son  emplacement  est  entré  dans  celui  de  l'avenue  Joséphine  (aujourd'hui 
avenue  Marceau)  et  de  la  rue  de  Bassano.  Le  nom  de  rue  Keppler  a  été  donné 
à  la  partie  restante,  par  le  décret  du  24  août  1864,  en  l'honneur  de  Tiliustre 
astronome  Jean  Keppler  (1571-1630),  à  qui  on  doit  les  lois  du  mouvement  des 
astres.  Il  alla,  en  1600,  se  fixer  auprès  de  Tycho-Brahé  à  Uranienbourg,  pour 
faire  des  observations  astronomiques,  le  remplaça  ensuite  à  Prague  comme 
astronome  de  la  cour,  obtint  de  Rodolphe  le  titre  de  mathématicien  de  l'em- 
pereur d'Allemagne  avec  un  traitement,  fut  professeur  à  Lintz  et  mourut  à 
Ratisbonne.  Il  établit  le  système  de  Copernic  sur  des  bases  solides  et  décou- 
vrit en  1618,  après  de  longues  recherches,  les  trois  lois  qui  portent  son  nom 

(i;  La  Société  Thome  et  C'«  était  rémunc^réc  de  ses  travaux  par  une  subvention  muni- 
cipale de  375  francs  par  mètre  superficiel  de  terrain  livré  à  la  voie  publique. 


86  HISTOIRE    DU   XVI^   ARRONDISSEMENT 

et  qui  déflnissent  les  mouvements  des  corps  célestes.  Il  ne  laissa  que  vingt 
deux  écus,  deux  habits  etiune  seule  chemise. 

La  rue  (lu  Bouquet-de-Longchamp  doit  son  nom  à  un  ancien  bouquet 
d'arbres  qui  existait  au  village  de  Longchamp,  territoire  de  Longchamp. 
Le  plan  de  Verniquet (1789)  l'indique  sans  dénomination.  Sa  largeur  a  été  fixée 
à  8  mètres  par  une  décision  ministérielle  du  18  juin  1817,  et  à  10  mètres 
par  un  décret  du  17  août  1848. 

Le  sol  de  la  rue  Bellini  a  été  abandonné  à  la  commune  de  Passy  par  M.  Joyeux, 
son  propriétaire,  suivant  acte  du  11  juin  1823.  Elle  a  été  tracée,  au  canton  de 
la  Planchette,  sur  remplacement  d'un  chantier  dit  de  la  Planchette  ou  de  la 
Marbrière.  Elle  avait  en  18:2->  une  largeur  de  5", 66  et  a  porté  longtemps  le 
nom  de  «  rue  de  la  Planchette  ».  Sa  largeur  a  été  fixée  à  7  mètres  par  arrêté 
du  16  février  1856.  Le  décret  du  24  août  1864  a  donné  le  nom  de  Bellini  à  la 
rue  de  la  Planchette,  en  mémoire  du  compositeur  Vincent  Bellini,  né  à  Catane 
le  1*^'  novembre  1802  et  mort  prématurément,  le  23  septembre  1835,  à  Puteaux, 
après  avoir  fait  représenter  à  Paris  les  opéras  de  Norma,  la  Somnambula^ 
J,  Puritani. 

Par  délibération  du  14  mars  1825,  le  conseil  municipal  de  Passy  demanda 
que  le  chemin  de  la  Pelouse,  ayant  précédemment  de  6  à  10  mètres  de  largeur 
fût  classé  avec  moindre  largeur  de  10  mètres,  La  rue  fut,  en  effet,  percée,  avec 
10  mètres  de  largeur,  en  1825,  sur  une  partie  [du  promenoir  de  Chaillot,  ou 
pelouse  de  TÉtoile,  et  fut  nommée  «  rue  Neuve-de-la-Pelouse  ».  Cette  rue, 
qui  va  de  la  rue  Chalgrin  à  Tavenue  de  la  Grande-Armée,  n'a  été  achevée 
qu'en  1860;  elle  est  desservie  par  une  station  du  chemin  de  fer  métropolitain. 
Le  décret  du  10  août  1868  l'a  dénommée  rue  d'Obligado,  en  mémoire  de  la 
victoire  remportée,  le  20  novembre  1845,  par  la  flotte  anglo-française,  sur  les 
Argentins.  L'ordonnance  royale  du  15  février  1846,  qui  a  élevé  le  capitaine 
de  vaisseau  Tréhouart  au  grade  de  contre-amiral,  sur  le  rapport  de  l'amiral 
commandant  la  station  navale  du  Brésil  et  de  la  Plata,  signale  les  actions 
d'éclat  accomplies  par  le  capitaine  de  vaisseau  Tréhouart  dans  l'attaque  du 
barrage  et  des  batteries  d'Obligado  (Parana). 

(Quoique  la  rue  Chalgrin  ne  soit  pas  très  longue,  son  histoire  est  fort  com- 
pliquée; elle  se  compose  actuellement  de  deux  parties  formant  équerre;  celle 
qui  va  du  coude  à  la  rue  Le  Sueur  s'est  appelée  «  rue  des  Bouchers  »,  et  celle 
qui  va  du  coude  à  l'avenue  de  la  Grande  Armée  se  nommait  précédemment 
«  rue  de  Belle  vue  ». 

La  première  partie,  aboutissant  à  la  rue  Le  Sueur,  est  le  restant  de  l'ancien 
chemin  des  Bouchers,  qui  allait  autrefois  jusqu'à  la  rue  de  Villejust  et  dont 
une  partie  assez  étendue  a  été  supprimée  par  suite  du  percement  de  l'avenue 
du  Bois-de-Boulogne;  celle  que  l'on  a  conservée  avait  été  classée,  comme 
«  rue  des  Bouchers  »,  avec  moindre  largeur  de  8  mètres,  par  l'arrêté  préfec- 
toral du  16  février  1856.  Un  décret  du  9  septembre  1861  a  approuvé  le  redres- 
sement de  cette  rue  des  Bouchers  et  a  autorisé  la  Ville  à  accepter  la  pro 
position  qui  lui  avait  été  faite  par  le  comte  de  Clermont-Tonnerre  et  M.  Bigé 
de  supporter  tous  les  frais  d'expropriation  et  de  leur  concéder,  en  retour,  la 
partie  supprimée  de  la  rue  des  Bouchers,  qu'ils  ont  réunie  à  leurs  propriétés, 
en  avançant  leurs  clôtures  jusqu'à  l'alignement  du  prolongement  de  la  rue 
Saint-Ange  (aujourd'hui  rue  Le  Sueur). 

h^  seconde  partie  de  la  rue  Chalgrin,  prenant  aujourd'hui  naissaiice  à 


DUE    DE   SAIGON  87 

l'avenue  du  Boîs-de-Boulogne  et  formant  un  coude  avec  la  première  partie, 
est  ce  qui  reste  dune  rue  qui  commençait  à  la  rue  du  Bel-Air  (rue  Lauriston), 
traversait  l'avenue  Victor-Hugo  et  avait  été  ouverte  en  1825,  avec  une  largeur 
de  8  mètres,  sur  les  terrains  de  la  plaine  de  Passy;  sa  situation  lui  avait  fait 
donner  le  nom  de  «  rue  de  Bellevue  »;  des  travaux  d'assainissement  et  d'amé* 
lioration  y  ont  été  exécutés  conformément  aux  délibérations  du  conseil  muni- 
cipal de  Passy  en  date  du  1"  août  1839  et  du  10  novembre  1845.  Elle  fut  coupée 
parle  percement  de  l'avenue  du  Bois-de-Boulogne,  et,  à  la  suite  de  ces  tra- 
vaux, la  partie  de  la  rue  du  Bel -Air  comprise  entre  la  rue  Lauriston  et  l'avenue 
Victor-Hugo  reçut  la  dénomination  de  «  rue  de  Traktir  ». 

La  dénomination  actuelle  de  la  rue  Chalgrin  lui  a  été  donnée  par  le 
décret  du  2  octobre  18()o,  en  l'honneur  de  Jean-François-Thérèse  Chalgrin 
(1739-1811).  qui  obtint  le  grand  prix  d'architecture  en  1758,  acheva  l'église 
Saint  Sulpice,  fît  construire  celle  de  Saint-Philippe-du-Roule.  fut  nommé 
membre  de  l'Institut  en  1799  et  chargé  de  l'érection  de  Tare  de  triomphe 
de  rÉtoile. 

C'est  à  la  hauteur  de  la  rue  Chalgrin  que  la  Ville  a  fait  construire,  avenue 
du  Bois-de-Boulogne,  le  monument  de  l'inspecteur  général  des  ponts  et 
chaussées  Alphand,  qui  a  tant  contribué  à  Tembellissement  de  Paris  et  à  la 
transformation  du  XVl''  arrondissement  ;  sa  statue  (!)  est  entourée  de  celles 
de  quatre  collaborateurs  :  M.  Huet,  inspecteur  général  des  ponts  et  chaus- 
sées en  retraite;  M.  Bouvard,  directeur  des  services  d'architecture  de  la 
ville;  M.  Roll,  peintre,  et  M.  Dalou,  sculpteur.  Ce  monument,  élevé  en  l'hon- 
neur de  l'organisateur  des  Expositions  universelles  de  1867,  1878  et  1889,  a 
été  inauguré  avant  l'ouverture  de  l'Exposition  liniverselle  de  1900,  le  14  dé- 
cembre 1899. 

ha  rue  de  Traklir  faisait  autrefois  partie  de  la  rue  de  Bellevue,  ouverte  en 
i8i5,  comme  il  a  été  dit  ci-dessus.  Le  décret  du  S  octobre  18(>5  a  donné  le 
nom  de  Traktir  à  la  partie  de  la  rue  de  Bellevue  comprise  entre  la  rue  de 
Lauriston  et  l'avenue  du  Bois-de  Boulogne  ;  l'autre  partie  de  la  rue  de  Belle- 
vue  porte  actuellement  le  nom  de  rue  Chalgrin  ;  enfin,  un  décret  du  13  juin 
1875  a  déclassé  et  supprimé  la  partie  de  la  rue  de  Traktir  comprise  entre  la 
rue  Lauriston  et  l'avenue  Victor-Hugo;  remplacement  que  cette  partie  occu- 
pait a  été  vendu  à  un  propriétaire  riverain. 

Traktir  est  le  nom  d'un  pont  sur  la  Tchernaïa  (rivière  qui  se  jette  dans 
la  baie  de  Sébastopol),  auprès  duquel  l'armée  franco-sarde  remporta  une 
victoire  sur  les  Russes  le  16  août  1855.  * 

La  rue  de  Saigon  a  été  percée,  en  1824  ou  1845,  sur  une  partie  du  prome- 
noir de  Chaillot,  ou  pelouse  de  l'Étoile,  avec  une  largeur  de  10  mètres,  et  prit 
d'abord  le  nom  de  «  rue  de  la  Pelouse  ».  Le  nivellement  général  de  cette  rue  fut 
autorisé  par  une  délibération  du  conseil  municipal  de  Passy  du  10  avril  1851. 
Sa  dénomination  actuelle  lui  a  été  donnée  par  le  décret  du  10  août  18G8,  en 
mémoire  de  la  prise  de  Saigon,  capitale  de  la  Cochinchiue,  le  17  février  1859. 
La  rue  de  Saigon  a  été  munie,  en  1899,  de  trottoirs  réglementaires. 

Le  plan  extrait  de  l'atlas  des  environs  de  Paris,  dressé  par  l'ex- bénédictin 

(1/  Voir  aux  annexes  (p.  4i6)  l'article  de  M.  le  coint'»  Fernand  de  l'Kglise,  sur  Tinaugu- 
ration  du  monument  Alphand.  —  L'aftichage  est  inlerdit,  mCmc  en  temps  d'<ilccUoqs,  sur 
ce  monument, 


88  HISTOIRE    DU   XVI*   ARRONDISSEMENT 

Coutous,  revu  et  publié  eu  1800  par  Ch.  Picquet,  montre  que  toute  la  plaine 
de  Passy,  entre  la  rue  de  la  Tour,  la  rue  Lauriston,  la  lisière  du  bois  de 
Boulogne,  Tavenue  de  la  Grande-Armée  et  le  mur  d'enceinte  de  Paris,  ne 
formait,  à  la  fin  du  xviii®  siècle,  qu'une  vaste  étendue  de  cultures  et  de 
vignes,  coupée  par  des  excavations  provenant  de  carrières  et  de  trous  à 
sable.  Cette  situation  ne  s*est  pas  modifiée  pendant  les  premières  années  du 
XIX*'  siècle,  parce  que  les  capitaux  étaient  peu  abondants  ou  timides  ;  d^autre 
part,  la  spéculation  ne  s*était  pas  encore  emparée  de  cette  question.  Mais 
Taccroissement  de  Passy  fut  considérable,  à  partir  de  1824,  par  suite  des 
percements  de  rues  et  des  constructions  qui  eurent  lieu  dans  cette  plaine. 
La  création  du  nouveau  quartier,  qui  fut  nommé  d'abord  «  Èlysée- 
Charles  X  »,  est  due  principalement  à  la  Société  des  terrains  de  la  plaine  de 
Passy,  qui  était  devenue  propriétaire  d'une  grande  partie  des  terrains  com- 
pris entre  l'avenue  de  Neuilly  (avenue  de  la  Grande-Armée),  le  boulevard 
extérieur  (avenue  Kléber),  la  rue  du  Petit-Parc  (rue  Spontini)  et  le  village 
de  Passy.  Cette  Société  entreprit,  à  partir  de  1825,  la  transformation  d'an- 
ciens chemins,  généralement  étroits  et  sinueux,  en  rues  suffisamment  larges. 
Elle  dressa  un  plan  général  d'alignement  des  rues  projetées,  et  ce  plan  fut 
approuvé  en  principe  par  le  conseil  municipal  de  Passy,  en  1825. 

11  fut  convenu  que  la  commune  de  Passy  abandonnerait  des  terrains  à  la 
Société,  en  échange  du  sol  des  nouvelles  rues  que  cette  Société  devait  remettre 
à  la  commune.  Ce  contrat  d'échange  de  terrains  fut  approuvé  par  une  ordon- 
nance royale  du  l""*  mai  1832,  mais  suscita  entre  la  commune  et  la  Société  de 
nombreuses  difficultés,  notamment  au  sujet  des  conditions  dans  lesquelles 
les  nouvelles  chaussées  devaient  être  entretenues.  Ces  difficultés  ne  furent 
définitivement  réglées  qu'en  185G,  après  une  nouvelle  enquête.  Le  plus  im- 
portant de  ces  contrats  d'échange  est  celui  par  lequel  la  Société  des  terrains 
de  la  plaine  de  Passy  a  remis  à  la  commune  les  voies  suivantes,  après  leur 
achèvement  :  avenue  Dauphine  (avenue  Bugeaud),  rue  des  Bassins  (rue  Co- 
pernic), rue  Boissière,  rue  Saint-André  (rue  Cimarosa),  rue  du  Bel-Air  (rue 
Lauriston),  rue  et  rond-point  de  Longchamp,  rue  du  Petit-Parc  (rue  Spon- 
tini), rue  Perier  (rue  Pergolèse),  rue  des  Sablons,  rue  Mesnil  et  rue  de  la 
Pelouse  (rue  de  Saigon),  en  tout  3  hectares  83  ares  et  3  centiares. 

La  Société  (1)  était  devenue  propriétaire  de  beaucoup  de  terrains  dans  la 
plaine  de  Passy,  et  c'est  surtout  à  elle  qu'est  due  la  transformation  de  cette 
plaine  en  un  quartier  élégant. 

La  partie  de  la  rue  Le  Sueur  qui  est  comprise  entre  l'avenue  de  la 
Grande- Armée  et  le  croisement  avec  la  rue  Chalgrin,  a  été  ouverte  en  1825, 
avec  une  largeur  de  10  mètres.  Cette  section,  qui  prenait  naissance  à  la  rue 
des  Bouchers  (rue  Chalgrin),  dut  son  premier  nom  de  «  rue  Saint-Ange  »  au 
banquier  Boscheron  Saint-Ange,  l'un  des  principaux  actionnaires  de  la 
Société  des  terrains  de  la  plaine  de  Passy.  L'ouverture  de  la  partie  de  la  rue 
Le  Sueur,  qui,  sur  une  faible  longueur,  se  trouve  comprise  entre  la  rue  Chal- 
grin et  l'avenue  du  Bois-de-Boulogne,  a  été  autorisée  par  le  décret  du  9  sep- 
tembre 1861  et  promptement  réalisée,  après  l'achat  des  terrains  nécessaires 


(i)  La  Société  des  terrains  de  la  plaine  de  Passy  était  composée,  en  i83i,  de  MM.  Capron, 
Constantin,  Bigé,  Brack,  Dosne  (beau-père  de  M.  Thiers),  Picot,  Minguet  (banquier), 
Cominet  (syndic  des  courtiers  de  commerce},  Didier  et  Cosnard  (ancien  notaire  à  Passy). 


SOCIÉTÉ   DES   TERRAINS   DE    LA    PLAINE   DE    PASSY  89 

à  Mme  Brossard  dlnval.  La  rue  Saint-Ange  a  été  dénommée  rue  Le  Sueur 
par  le  décret  du  24  août  18G4,  en  l'honneur  du  compositeur  de  musique  Jean- 
François  Le  Sueur  (17(>0-18!$7),  qui  obtint  au  concours,  en  1786,  la  maîtrise 
de  Notre  Dame  de  Paris  et  fit  représenter  à  l'Opéra,  en  1804,  la  tragédie 
lyrique  intitulée  Ossian  ou  les  Bardes  ;  Napoléon  lui  fit  remettre,  par  le  géné- 
ral Duroc,  la  croix  de  chevalier  de  la  Légion  d'honneur  et  une  tabatière  d'or 
avec  cette  inscription  :  «  L'Empereur  des  Français  à  Fauteur  des  Bardes  (1).  » 

La  maison  n**  6  de  la  rue  Le  Sueur  a  été  habitée,  en  1871-1873,  par  le 
général  Chanzy  ;  c'est  de  là  qu'il  partit,  en  juin  1873,  pour  aller  occuper  le 
poste  de  gouverneur  général  de  l'Algérie.  La  maison  n°  7  a  été  occupée  par 
Tarchitecte  Léon  Vaudoyer,  en  1864-1874. 

Le  rond-point  de  Lcngchamp  a  d'abord  été  un  carrefour  irrégulier,  formé 
par  le  croisement  des  chemins  de  Longchamp,  des  Sablons,  des  Belles- 
Feuilles  et  de  la  Croix  (rue  Decamps)  ;  sa  forme  actuelle,  avec  rayon  de 
25  mètres,  lui  a  été  donnée  en  iH^o  parla  Société  des  terrains  de  la  plaine  de 
Passy  ;  il  tire  son  nom  de  la  rue  qui  le  traverse  ;  ses  alignements  ont  été 
maintenus  par  l'arrêté  préfectoral  du  16  février  1856.  Le  pavage  en  bois  y  a 
été  établi  en  1898. 

Le  développement  des  constructions  a  été  favorisé  par  rétablissement  de 
trois  routes,  dont  la  construction  a  été  commencée  à  la  même  époque,  vers 
1825  ou  1826,  et  qu'on  appelle  aujourd'hui  l'avenue  Victor-Hugo,  l'avenue 
Malakofl  et  l'avenue  Bugeaud. 

L'arrêté  préfectoral  du  9  mars  1826  autorisa  la  Société  des  terrains  de  la 
plaine  de  Passy  à  ouvrir  une  nouvelle  communication  entre  Paris  et  Saint- 
Cloud,  reliant,  par  une  ligne  droite,  la  place  de  l'Étoile  aux  abords  de  la 
porte  de  la  Muette.  La  Société  fit  ouvrir,  avec  une  largeur  de  23",30,  cette 
route,  qui  est  devenue  l'avenue  Victor-Hugo,  et  qui  s'appela  d'abord  «  avenue 
Charles-X  »,  du  nom  du  roi  régnant.  Quand  Charles  X  suivit,  pour  la  pre- 
mière fois,  cette  route,  le  22  mai  1826,  en  se  rendant  de  Paris  à  Saint-Cloud, 
ii  adressa  une  allocution  (2)  aux  conseillers  municipaux  et  habitants  de 
Passy.  Après  la  Révolution  de  1830,  on  appela  cette  voie  «  avenue  de  Saint- 
Cloud  »,  parce  qu'elle  permet  d'aller  de  Paris  à  Saint-Cloud  en  traversant  le 
bois  de  Boulogne.  Le  raccordement  de  cette  avenue  avec  la  grande  route 
n*  13  de  Paris  à  Cherbourg  (avenue  de  la  Grande-Armée)  fut  terminé 
en  1829. 

Après  avoir  achevé  le  cailloutis  des  trois  avenues  :  celle  de  Saint-Cloud 
(Victor-Hugo),  celle  de  Saint-Denis  (Malakoff)  et  l'avenue  Dauphine  (Bu- 
geaud), la  Société  des  terrains  de  la  plaine  de  Passy  demanda  que  la  com- 
mune fût  chargée  de  l'entretien  de  ces  chaussées.  Mais  le  conseil  municipal 
de  Passy  déclara,  par  délibération  du  27  août  1833,  que  l'échange  relatif  aux 
routes  et  chemins  de  la  plaine  de  Passy  ne  devrait  être  approuvé  qu'après 
que  la  Société,  propriétaire  de  ce  quartier,  se  serait  engagée  à  continuer 
l'entretien  de  ces  routes  et  chemins,  savoir  :  1°  des  avenues  de  Saint-Cloud 
et  de  Saint-Denis,  tant  qu'elles  ne  seraient  pas  reconnues  roules  départe- 

(i)  Le  nom  de  Le  Sueur  avait  <^té  précédemment  illustré  par  le  peintre  Eu^^tache 
Le  Sueur  (i6i6-i655),  qui  a  peint  la  vie  de  saintBruno,  en  22  tableaux,  pour  le  couvent  des 
Chartreux,  la  vie  de  saint  Martin  et  celle  de  saint  Benoit. 

(2)  Voir  aux  annexes  (p.  416)  une  citation  des  Chroniques  de  Passy,  par  QmUcU  donnant 
un  extrait  d'un  discours  de  Charles  X. 


Ç)0  HISTOIRE    DU   XVI*'   ARRONDISSEMENT 

mentales;  4"  et  des  autres  routes  et  chemins,  jusqu'à  ce  que  la  commune 
puisse  trouver,  dans  Taccroissement  de  population  de  ce  quartier,  des  avan- 
tages qui  en  balancent  les  charges. 

En  raison  de  ces  litiges,  l'entretien  de  Tavenue  de  Saint-Cloud  était  fort 
négligé  ;  à  son  croisement  avec  la  rue  de  Longchamp,  cette  avenue  était  sou- 
vent sillonnée  de  profondes  ornières,  provenant  de  la  circulation  des  voi- 
tures de  cawiers.  L'ordonnance  royale  du  o  septembre  1839  remédia  à  cette 
situation  en  classant  l'avenue  de  Saint-Cloud  comme  route  départementale 
n**  04  de  Paris  à  Saint-Cloud  par  la  plaine  de  Passy.  Ce  classement,  qui  était 
sollicité  depuis  182(>  par  la  commune,  mettait  l'entretien  de  la  chaussée  à  la 
charge  du  département  de  la  Seine.  Cependant,  il  laissait  encore  à  désirer, 
car,  dans  sa  délibération  du  1**^  février  1844,  le  conseil  municipal  de  Passy 
demande  qu'on  répare  le  cailloutis,  dont  il  signale  le  mauvais  état,  qu'on 
rétablisse  la  circulation,  alors  interrompue  depuis  le  chemin  de  grande 
communication  (rue  de  la  Pompe)  jusqu'à  la  porte  du  bois  de  Boulogne, 
qu'un  trottoir  soit  construit  au  rond  point  et  que  la  circulation  des  voitures 
non  suspendues  soit  interdite  sur  la  route  départementale. 

Le  décret  du  2  mars  1804  a  donné  à  l'avenue  de  Saint-Cloud  le  nom 
d'  «  avenue  d'Eylau  »  (1),  en  mémoire  de  la  victoire  remportée  le  7  février 
1807  sur  les  armées  russes  et  prussiennes.  Lors  du  percement  de  l'avenue  de 
l'Empereur,  Textrémité  de  l'avenue  d'Eylau  (Victor-Hugo),  qui  se  terminait 
précédemment  à  la  porte  de  la  Muette,  a  été  incorporée  dans  l'avenue  de 
l'Empereur  (avenue  Henri  Martin). 

La  dénomination  actuelle  de  l'avenue  Victor-Hugo  lui  a  été  donnée  par 
arrêté  du  2  mai  1881  pour  la  partie  de  l'avenue  d'Eylau  comprise  entre  le 
rond-point  et  l'avenue  Henri-Martin,  et  par  arrêté  du  9  décembre  1885  pour 
la  partie  comprise  entre  le  rond-point  et  la  place  de  l'Étoile,  en  Thonoeur  de 
l'illustre  poète  Victor  Hugo  (1802-1885),  dont  l'hôtel,  qu'il  a  habité  depuis  1878 
jusqu'à  sa  mort,  porte  actuellement  le  n"  124.  Son  acte  de  décès,  dressé  par 
M.  Marmottan,  maire  du  XVP  arrondissement,  sur  la  déclaration  de  Léopold- 
Armand  comte  Hugo,  son  neveu,  et  du  député  Lockroy,  son  ami,  porte  que 
Viclor-Marie  Hugo,  membre  de  l'Académie  frauçaise,  sénateur  de  la  Seine, 
né  à  Besançon,  fils  du  général  Joseph-Léopold-SigisbertHugo,  veuf  de  Adèle- 
Julie  Foucher,  est  mort  en  son  domicile,  avenue  Viclor-Hugo,  50,  le 
22  mai  1885,  à  Tàge  de  quatre-vingt-trois  ans. 

Le  Supplément  du  Petit  Journal  {{'-'^  mars  1885)  contient  un  article  sur 
Victor  Hugo  (2). 

Le  dimanche  27  février  1881,  eut  lieu,  devant  la  maison  de  Viclor  Hugo,  à 
l'occasion  de  son  entrée  dans  sa  quatre-viugtième  année  (on  sait  qu'il  était  né 
en  1802)  une  manifestation  de  nombreuses  délégations,  qui  ont  défilé  devant 
l'hôtel  habité  par  le  grand  poète,  pour  lui  offrir  des  fleurs  et  des  couronnes  (3). 

(i)  Ce  nom  d'Kylau  a  tHé  maintenu  pour  la  viUa  cTEylaUy  voie  privée  de  65  mètres  de 
longueur,  située  avenue  Victor-llup^o,  l^'i. 

(2)  Voir  Bulletin  de  la  Sociélé  historique  d'Auleuil  et  de  Passy,  t.  IV,  pp.  io4  et  suiv. 

(3;  La  première  délégation  introduite  dans  la  maison  du  poète  était  une  députation  de 
petits  garçons  et  de  petites  filles,  précédée  d'une  bannière  bleue  et  rose  sur  laquelle  on 
lisait  :  «  L'art  d'être  gr.ind-père.  » 

La  famille  Lockroy  a  dans  son  hôtel,  qui  porte  actuellement  le  n"  i^o  de  l'avenue 
Victor-Hugo,  reconstitué  la  salle  à  manger  et  le  salon,  tels  qu'ils  existaient  dans  la  maison 
habitée  par  Victor-Hugo  au  n"  i2ij  (ancien  5o)  et  avec  les  ménaes  ni^ubles, 


AVENUE   VICTOR-HUGO  9I 

On  remarquera  que  le  nom  de  Victor  Hugo  a  été  donné,  de  son  vivant,  à 
l'avenue  qu'il  habitait,  ce  qui  constitue  une  distinction  tout  à  fait  excep- 
lionuelle. 

Sur  la  partie  de  Tavenue  comprise  entre  la  place  de  l'Étoile  et  le  rond- 
point,  se  trouvait  une  butte  formant  une  montée  et  une  descente  très  préju- 
diciables à  la  circulation.  Pour  faire  disparaître  cette  butte,  la  Ville  a 
commencé  par  opérer  rabaissement  partiel  de  l'avenue  du  côté  des  numéros 
pairs,  où  les  habitations  étaient  alors  psu  nombreuses;  le  règlement  des 
indemnités  dues  aux  propriétaires  de  ces  maisons,  qui  devaient  se  mettre  au 
niveau  de  la  nouvelle  chaussée,  s'opéra  aisément.  Mais  on  laissa,  au  contraire, 
subsister  provisoirement,  à  l'ancien  niveau,  une  rue  haute  de  l'autre  côté  de 
Tavenue,  qui  présentait  une  suite  presque  continue  de  maisons  relativement 
anciennes  et  généralement  assez  médiocres.  Cette  rue  parallèle,  d*une  largeur 
d'environ  8  mètres,  atteignait,  en  son  point  culminant,  7  à  8  mètres  de  suré- 
lévation au-dessus  du  sol  de  l'avenue  rectifiée  (avec  laquelle  elle  communi- 
quait par  plusieurs  escaliers)  et  se  prolongeait  vers  Passy,  jusqu'au  point  où 
son  niveau  se  confondait  avec  celui  de  Tavenue  rectifiée. 

Les  maisons  des  numéros  impairs  se  trouvaient  ainsi  dans  une  situation 
piécaire  et  fâcheuse,  à  laquelle  il  a  été  remédié  de  la  manière  suivante:  la  Ville 
a  repris,  en  1873,  le  long  des  numéros  impairs,  les  travaux  d'abaissement  des 
chaussées  hautes,  qui  avaient  été  commencés  (1)  en  1865  ;  elle  les  a  presque 
achevés  de  1888  à  1892  ;  ils  ont  été  faits  par  tronçons  successifs,  au  fur  et  à 
mesure  de  l'avancement  des  constructions,  et  ont  donné  lieu  à  une  dépense 
de  1.468.121  francs.  Ils  ont  été  terminés  (2)  en  1899;  l'avenue  est  aujourd'hui 
bordée  de  maisons  neuves,'des  deux  côtés,  la  régularisation  de  la  pente  de 
l'avenue  Victor-Hugo  y  facilite  le  passage  des  voitures,  qui  sont  fort  nom- 
breuses, suitout  les  jours  de  courses  d'Auteuil,  et  permet  d'apercevoir  de 
l'avenue  Henri-Martin  l'arc  de  triomphe,  placé  à  1.800  mètres  de  distance. 

En  1898  et  1899,  le  pavage  en  pierre  do  l'avenue  a  été  converti  en  pavage 
en  bois,  entre  la  place  Victor-Hugo  et  la  rue  de  Longchamp. 

Le  n""  6  de  l'avenue  était  habité  pendant  l'été  par  Augustine  Brohan, 
sociétaire  du  Théâtre-Français,  en  1855-1860;  et  le  n°  28  par  le  docteur  Andral, 
en  1856-1858.  L'hôtel  du  ministre  de  Venezuela  se  trouve  au  n**  15  de  Tavenue 
Victor-Hugo. 

Le  philosophe  Strada,  poète  et  peintre,  auteur  de  r Epopée  humaine^  est 
mort  en  1902,  en  l'hôtel  qu'il  occupait  entre  l'avenue  Victor-Hugo  et  l'avenue 
Henri-Martin  et  où  il  avait  installé  un  musée  ;  il  a  légué  ses  œuvres  à  la 
France. 

Le  rond-point  ou  place  Victor-Hugo^  dont  les  alignements  ont  été  fixés 
par  ordonnance  royale  du  7  mai  18i0,  occupe  un  cercle  de  100  mètres  de 
diamètre.  Cette  place  a  été  créée  en  1825  ou  1826  par  la  Société  des  terrains  de  la 
plaine  de  Passy  ;  elle  s'est  appelée  d'abord  «  rond-point  Charles-X  »,  en  1830 
»  rond-point  de  Saint-Cloud  »,  puis  «  rond-point  des  Bassins  »,  »  rond- 

(i)  A  Ta  venue  Victor-Hugo,  les  travaux  de  i865  ont  élé  dirigi'^s  par  M.  l'ingénieur  Dar- 
cel  et  M.  le  conducteur  Selheimer;  ceux  de  1878,  par  M.  l'ingc^nieur  Rousseau  et  M.  le 
conducteur  Léon  ;  ceux  de  1888  à  1892,  par  M.  l'ingénieur  Babinet  et  M.  le  conducteur 
Lepellier. 

(2)  Sous  la  direction  de  M.  l'inspecteur  général  Boreux,  de  M.  l'ing^énieur  Prêt  el  de 
M.  le  conducteur  C|ievallier. 


92  HISTOIRE   DU   XVl'   ARRONDISSEMENT 

point  de  la  Plaine  »,et  ensuite  place  de  l'Hippodrome  ».  Elle  a  reçu  le  nom  de 
«  place  d'Eylau  «  par  arrêté  du  19  août  1864,  et  celui  de  «  place  Victor-Hugo  » 
par  arrêté  du  9  décembre  1885.  Elle  a  été  plantée  et  remise  en  bon  état,  en 
1865,  moyennant  une  dépense  de  32.000  francs. 

Le  conseil  d'administration  de  la  Société  des  terrains  de  Passy  décida,  en 
1837,  la  construction  d'un  bassin-fontaine  pour  décorer  la  partie  centrale  de 
cette  place,  qui  portait  alors  le  nom  de  «  rond  point  de  la  Plaine  >>.  Un 
contrat  fut  passé,  à  cet  effet,  avec  la  compagnie  des  eaux  d'Auteuil,  et  l'archi- 
tecte Heudebert  fut  chargé  de  diriger  les  travaux,  qui  furent  immédiatement 
entrepris  et  bientôt  terminés.  Le  bassin  était  en  pierre,  avait  âO  mètres  de 
diamètre  et  renfermait  un  second  bassin  concentrique,  également  en  pierre, 
au  milieu  duquel  s'élevait  un  socle  octogone  en  fonte,  supportant  deux 
vasques  superposées  de  même  métal  (1);  Teau  s'échappait  du  sommet  de 
l'édicule  et  retombait  en  cascade  dans  le  bassin  (V.  p.  93). 

La  fontaine  fut  ensuite  supprimée,  les  deux  bassinç  ayant  été  remplis  de 
terre  et  garnis  d'arbustes  et  de  fleurs. 

On  a  inauguré  le  26  février  1902,  pour  le  centenaire  de  Victor  Hugo,  le 
monument  (2)  élevé  au  grand  poète  par  le  sculpteur  Barrias.  La  cérémonie 
était  présidée  par  M.  Loubet,  président  de  la  République,  ayant  à  sa  droite 
M.  Dausset,  président  du  conseil  municipal,  et,  à  sa  gauche,  M.  de  Selves,  pré- 
fet de  la  Seine.  Les  membres  de  la  famille  de  Victor  Hugo  avaient  été  placés 
dans  une  tribune  spéciale.  Des  discours  ont  été  prononcés  par  M.  Paul  Meu- 
rice,  président  du  comité  du  monument,  par  M.  Dausset  et  par  M.  de  Selves  (3). 

Une  station  du  chemin  de  fer  métropolitain  (ligne  de  l'Étoile  à  la  porte 
Dauphine)est  établie  sous  la  place  Victor  Hugo,  au  débouché  de  l'avenue 
Malakofl. 

Un  hôtel  bâti  à  la  place  Victor-Hugo,  entre  la  rue  Boissière  et  l'avenue 
Malakofl,  a  été  occupé  pendant  plusieurs  années  par  l'ambassade  de  Chine  (4). 

Le  premier  hippodrome  fut  ouvert,  le  4  juillet  1845,  au  rond-point 
de  l'Étoile;  les  travaux  exécutés  pendant  les  premières  années  du  second 
Empire,  pour  l'embellissement  de  celte  place  et  de  ses  abords,  obli- 
gèrent M.  Arnaud,  directeur  de  cet  hippodrome,  à  le  déplacer;  il  le  trans- 
porta sur  un  terrain  domanial,  avec  entrée  sur  la  place  aujourd'hui  nommée 
place  Victor-Hugo,  près  l'aboutissement  de  l'avenue  Bugeaud;  on  dépensa 
plus  de  250.000  francs  pour  l'installation  de  ce  théâtre  (5),  qui  a  peu  duré. 

(i)  Ces  indications  ont  été  communiquées  A  la  Société  historique  d'Auteuil  et  de  Passy 
par  M.  de  Forges  de  Montagnac. 

(2)  Victor  Hugo  y  est  représenté  assis  sur  un  rocher.  Quatre  figures  sont  disposées  au- 
dessous  de  lui  :  à  sa  droite,  la  Poésie  dramatique;  h  sa  gauche,  Ja  Poésie  lyrique,  figure 
ailée  qui  lui  ofi're  une  lyre  ;  derrière,  l'Epopée,  sonnant  de  la  trompette,  plane  au-dessus 
d'un  trophée  d'armes  et  de  drapeaux,  ayant  assise  à  côté  d'elle  la  Poésie  satirique,  qui 
tient  un  fouet  et  montre  du  geste  le  Poète  justicier.  Les  quatre  faces  du  piédestal  sont 
décorées  de  bas-reliefs  en  bronze,  rappelant  quelques-unes  des  grandes  œuvres  de 
Victor  Hugo.  —  V.  Bull,  delà  Soc.  /i/«/.,  numéro  consacré  à  Victor  Hugo. 

(3)  L'œuvre  de  Barrias  a  coûté  i5o  000  francs.  Le  président  du  comité  du  monument 
était  Paul  Meurice,  le  vice-président  Emile  Augier,  les  membres  Donnât,  Anatole  de  la 
Forge  et  Auguste  Vitu. 

(4)  Cet  hôtel  avait  un  mur  de  clôture  à  créneaux,  avec  tourelles  aux  angles  (V.  p.  93). 

(5)  Le  conseil  municipal  de  Passy  avait  consenti  A  remplacer  pour  cet  hippodrome,  en 
1846,  la  taxe  des  pauvres  par  une  annuité  fixe  de  6.000  francs  ;  elle  fut  réduite  à  3.ooo  francs 
en  1848  et  fixée,  en  1849,  à  3  p.  100  de  la  recette  brute  pour  les  deux  cents  premiers  mille 
francs  de  recelte,  et  â  5  p.  100  sur  l'excédent. 


EGLISE  SAINT-HONORÉ-DKYI^U  ç/S 

Uéglise  Sainl-Honoré-d'Eylau,  qui  n'était  d'abord  qu'uue  chapelle  suc- 
cursale de  la  paroisse  de  Passy^a  sapriacipale  entrée  sur  la  place  Victor- 
Hugo;  elle  est  établie  entre  la  rue  Mesuîl  et  l'avenue  Victor-Hugo.  La  délibé- 
ratioD  du  conseil  municipal  de  Passy  du  10  novembre  1H.'U  porte  que  le  déve- 
loppement acquis  récemment  par  le  quartier  de  la  Plaine  a  fait  reconnaître  la 

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nécessité  d'y  élever  une  chapelle;  elle  autorisa  l'achat,  ù  raison  de  l'i  fr.  131e 
mèlre  carré,  du  terrain  nécessaire  à  l'établissement  d'une  chapelle  au  ruud- 
poÎDt  de  la  Plaine.  Le  conseil  de  fabrique  s'était  engagé,  le  H  août  1832,  à 
payer  le  mobilier  de  la  chnpelle  (la  dépense  initiale  pour  es  mobilier  a  éle  de 
5.i(M)  francs).  Par  acte  du  10  décembre  IS">^,  le  maire  de  Pa^sy  acheta,  au 


94  HISTOIRE    DU   XVI''   ARRONDISSEMENT 

prix  de  17.947  francs,  les  terrains  nécessaires  pour  permettre  Térection,  au 
rond-point,  d*une  chapelle  de  secours  et  d'écoles.  Le  décret  du  31  mai  1854 
autorisa  la  commune  de  Passy  à  contracter,  pour  faire  face  aux  frais  de  cons- 
truction de  ces  bâtiments,  un  emprunt  de  100.000  francs,  remboursable 
en  cinq  ans,  et  à  s'imposer,  pendant  cinq  ans,  âO  centimes  additionnels.  En 
outre,  rÉtat  fournissait  une  subvention  de  2.000  francs  et  le  département  des 
fonds  de  concours  s'élevant  à  1.000  francs.  La  dépense  de  première  construc- 
tion, pour  la  chapelle  et  les  écoles,  s'est  élevée  à  1 19.304  francs,  y  compris 
rachat  des  terrains,  mais  non  compris  les  intérêts  de  lemprunt.  Les  travaux 
furent  exécutés  de  1K53  à  1856,  sous  la  direction  de  M.  Tarchitecte  Debres- 
senne. 

La  chapelle  fut  consacrée,  le  25  mars  1857,  sous  le  vocable  de  chapelle  du 
Sacré-Cœur,  par  M.  Tabbé  Locatelli,  alors  curé  de  Passy,  qui  y  installa 
M.  Tabbé  Dorveau  comme  vicaire. 

Par  décret  du  15  août  1862  et  par  ordonnance  archiépiscopale  du  27  du 
même  mois,  la  chapelle  fut  érigée  en  église  sous  le  vocable  de  Saint-Honoré 
et  avec  la  délimitation  de  paroisse  qui  existe  encore  aujourd'hui.  Elle  fut 
inaugurée,  le  l*"^  septembre  1862,  par  Mgr  le  cardinal  Morlot,  archevêque 
de  Paris.  L'édifice  était  devenu  la  propriété  de  la  Ville  de  Paris,  en  vertu  de 
l'article  9  de  la  loi  d'annexion  du  16  juin  1859. 

Cette  église  fut  pillée  le  15  avril  1871,  par  un  détachement  du  42*"  bataillon 
des  fédérés  de  la  Commune,  et  le  presbytère  fut  alors  transformé,  pendant 
quelques  jours,  en  caserne. 

En  1883  et  1884,  des  travaux  d'amélioration,  consistant  en  agrandissement 
de  la  nef  et  adjonction  d'annexés,  ont  été  exécutés  sous  la  direction  de 
MM.  les  architectes  Rousseau  et  Train;  l'église,  dont  le  curé  était  alors  Monsi- 
gnor  Slsson,fut  bénie  par  Mgr  Guibert,  archevêque  de  Paris,  le  10  février  1884, 
en  présence  du  duc  de  Nemours. 

Malgré  ces  agrandissements,  l'église  Saint-Honoré-d'Eylau  (1)  était  insuffi- 
sante pour  les  besoins  d'une  population  de  plus  de  30.000  âmes.  Aussi 
M.  l'abbé  Marbeau,  curé  de  cette  paroisse,  fit-il  construire  dans  le  voisinage  de 
l'église,  au  n"  66  de  l'avenue  Malakofl,  une  vaste  chapelle  dont  les  bâtiments 
ont  été  exécutés  de  1896  à  1897,  par  M.  Paul  Marbeau,  et  qui  est  connue  sous 
le  titre  de  Notre-Dame  de  la  Cité  paroissiale.  Elle  est,  en  effet,  comme  le  centre 
d'une  cité  comprenant,  avec  la  crypte  et  les  annexes,  sur  divers  points  de  la 
paroisse,  chapelle  des  catéchismes,  salle  pour  les  œuvres,  écoles  libres,  patro- 
nages, ouvroir,  crèche,  école  maternelle,  asile  de  vieillards,  fourneau  popu- 
laire, etc.  Cette  chapelle,  qui  a  60  mètres  de  longueur  sur  27  mètres  de  largeur, 
est  surtout  remarquable  par  les  dispositions  pratiques  et  utilitaires  de  sa  cons- 
truction et  de  son  agencement  :  à  l'intérieur,  l'emploi  du  fer  a  permis  de 
diminuer  l'épaisseur  des  colonnes,  de  sorte  que  les  fidèles  peuvent  de  tous 
les  points  voir  les  cérémonies  liturgiques  ;  les  cinq  nefs  peuvent,  selon  les 
besoins,  constituer  des  centres  séparés  ou  n'en  former  qu'un  seul. 

L'avenue  Malako/f  se  nommait  précédemment  «  avenue  de  Saint-Denis  »;  la 
plus  grande  partie  de  cette  avenue  a  été  ouverte  en  1826,  avec  une  largeur  de 
23"', 30,  par  la  Société  des  terrains  de  la  plaine  de  Passy  ;  le  surplus,  du  côté 

(i)  dette  (église  ira  qu'une  nef  terminée  ]>ai*  un  chœur  et  doux  chapelles  latérales  for- 
mant transept. 


AVENUE    BUGEAUD  qS 

de  la  porte  de  Neuilly,  fut  exécuté  peu  de  temps  après.  Elle  établissait  une 
communication  entre  Passy  et  Saint-Denis,  par  la  roule  de  la  Révolte  ;  elle 
fut  classée  comme  route  départementale  n""  9  par  l'ordonnance  royale  du 
28  août  184(). 

Elle  a  reçu,  par  décret  du  24  août  1861,  son  nom  actuel,  qu'elle  doit  à 
la  prise  du  bastion  Malakofî  par  larméa  française  placée  sous  les  ordres 
du  maréchal  Pélissier;  ce  fait  d'armes  décida  de  la  prise  de  Sébastopol,  le  , 
8  septembre  1855.  Aimable-Jean-Jacques  Pélissier,  né  en  179i,  capitaine  dans 
la  garde  royale  en  1827,  chef  d'escadrons  à  la  prise  d'Alger  en  1830,  colonel  en 
1843,  commandait  Taile  gauche  à  la  bataille  dlsly,  fut  nommé  maréchal  de 
camp  en  1846,  général  de  division  et  gouverneur  général  de  TAlgérie  en  1850 
et  commandant  en  chef  de  l'armée  d'Orient  en  1855.  La  prise  de  Sébastopol 
lui  valut  le  bâton  de  maréchal  de  France,  le  titre  de  duc  de  Malakoil  et  une 
dotation  de  100.000  fraocs. 

Les  travaux  d'abaissement  et  d'achèvement  (1)  de  cette  avenue  ont  été 
exécutés,  pour  la  partie  voisine  du  Trocadéro,  en  1877-1878,  et  pour  le  sur* 
plus  en  1888  et  1889. 

L'avenue  Malakofl  a  été  pourvue,  en  1897,  de  trottoirs  réglementaires 
entre  la  place  Victor-Hugo  et  l'avenue  du  Bois-de-Boulogne;  des  becs  à  incan- 
descence y  ont  été  installés  en  janvier  1900. 

Le  baron  de  Pontaiba,  qui  avait  été  page  de  Napoléon  I"  et  aide  de  camp  du 
maréchal  Ney,  a  demeuré  au  n**  38  de  l'avenue  de  Saint-Denis.  La  maison 
construite  au  n**  81  de  l'avenue  par  M.  l'architecte  Le  Voisvenel  a  été  primée 
par  la  Ville  de  Paris  au  concours  de  façades  de  1900. 

La  partie  de  Yaveniie  Bugeaud  comprise  entre  la  place  Victor-Hugo  et  la  rue 
Spontini  a  été  ouverte  en  1826,  avec  une  largeur  de  15  mètres;  la  seconde 
partie,  qui  s'étendait  autrefois  jusqu'au  bois  de  Boulogne,  fut  percée  peu  de 
temps  après,  sur  les  terrains  du  parc  de  la  Faisanderie.  La  nouvelle  voie  reçut 
le  nom  d'  «  avenue  Dauphine  »,  en  l'honneur  de  la  duchesse  d'Angoulême, 
dauphine  de  France.  La  seconde  partie  de  cette  avenue  a  été  remaniée  lors  du 
percement  de  l'avenue  du  Bois-de-Boulogne. 

Le  décret  du  24  août  1864  a  donné  à  l'avenue  Dauphine  sa  dénomination 
actuelle,  en  l'honneur  de  Thomas-Robert  Bugeaud  de  la  Piconnerie,  duc 
d'Isly  (1784-1849),  qui  s'engagea  dans  les  vélites  en  1804,  au  camp  de  Boulogne, 
fit  les  campagnes  du  premier  Empire,  se  retira  dans  son  pays  (Dordogne),  à 
Exideuil,  pendant  la  Restauration,  fut  nommé  maréchal  de  camp  et  élu  député i 
réprima  à  Paris,  en  1832  et  1834,  les  insurrections  républicaines,  gagna  sur  les 
Marocains  la  bataille  d'Isly,  ce  qui  lui  valut  le  titre  de  duc,  et  eut  un  r<^le 
prépondérant  dans  la  conquête  et  la  colonisation  de  l'Algérie,  dont  il  fut 
gouverneur  général.  Il  était  très  aimé  des  soldats  et  favorisait  l'agriculture; 
sa  devise  :  Ense  et  arairo^  explique  les  efforts  de  toute  sa  vie. 

Le  pavage  en  bois  a  été  établi,  en  1899,  sur  la  partie  de  l'avenue  Bugeaud 

(i)  Les  travaux  de  1877-1878  ont  Hé  exécutés,  à  l'avenue  MalakofT,  sous  la  direction  de 
M.  l'insçénieur  Barlet  el  de  M.  le  conducteur  Léon;  ceux  de  1888-1889,  sous  ladireclion  de 
M.  l'ingénieur  Babinet  et  de  M.  \v  conducteur  Lepeltier. 

La  voie  sous-niinée  a  été  consolidée  sur  une  longueur  de  33a  mètres,  entre  la  place 
du  Trocadéro  et  la  rue  Saint-Didier.  La  distance  du  sol  au  ciel  de  la  carrière  est  de 
i6«,2.5  devant  le  no  5,  de  19™ ,54  au  puits  de  service  à  Tangle  de  la  rue  de  Longchamp,  el 
de  2i™,5o  à  langle  de  la  rue  Saint-Didier.  La  hauteur  des  galeries  d'exploitation  est  de 
i"»,go  au  premier  point,  de  in»,55  au  second  et  de  i"*,75  au  troisième. 


<)(>  HISTOIRE    DU   XVI®   ARRONDISSEMENT 

comprise  entre  les  rues  Sponlinl  et  de  la  Faisanderie.  Le  chemin  de  fer  mé- 
tropolitain passe  sous  Tavenue  Bugeaud,  où  se  trouve  une  de  ses  stations 
terminus,  celle  de  la  porte  bauphine. 

La  rue  Laiirision  (1)  a  été  établie,  en  iH±{\,  par  la  Société  des  terrains  de  la 
plaine  de  Passy,  sur  l'emplacement  du  chemin  du  Bel-Air  (ancien  chemin  de 
Versailles,  allant  du  chemin  de  Longchamp  à  la  barrière  de  rÉtoile),qui  avait 
en  1825  une  largeur  moyenne  de  7  mètres.  Celte  nouvelle  rue,  ouverte  avec 
une  largeur  de  9*", 75,  s'appela  «  rueNeuve-duBel-Air  »,  puis  «  rue  du  Bel-Air» 
et  «  rue  des  Peupliers  ».  Le  décret  du  24  août  1864  a  donné  à  cette  rue  sa 
dénomination  actuelle,  en  l'honneur  de  lacques  Alexandre-Bernard  Law, 
marquis  de  Lauriston  (1768-1828),  petit-fils  du  financier  Law  (2).  Il  entra, 
en  17.84,  à  l'École  militaire,  où  il  se  lia  avec  Bonaparte;  nommé  lieutenant 
en  1785  et  capitaine  en  1791,  il  refusa  d'émigrer  et  fut  chef  de  brigade  dans 
l'artillerie  à  cheval  en  1795;  aide  de  camp  du  premier  consul,  il  fut  nommé 
général  en  18(X)  et  porta  à  Londres  la  ratification  du  traité  d'Amiens.  Général 
de  division  en  1804,  commandant  de  l'artillerie  de  la  garde  à  la  bataille  de 
Wagram,  il  dirigea  l'arrière-garde  de  l'armée  française  pendant  la  retraite  de 
Russie,  fut  fait  prisonnier  à  la  bataille  de  Leipsick  et  rentra  en  France  à  la 
paix.  Il  fut  nommé  parle  roi  Louis  XVIII  pair  de  France  et  capitaine  des 
mousquetaires  gris  en  1815,  ministre  de  la  maison  du  roi  en  182(),  maréchal 
de  France  en  1823.  Le  maréchal  de  Lauriston  était  un  des  principaux  action- 
naires de  la  Société  des  terrains  de  la  plaine  de  Passy. 

En  1848,  on  exécuta  des  travaux  de  remise  en  état  de  viabilité  de  la  rue  du 
Bel-Air  (Lauriston),  entre  la  rue  de  Longchamp  et  la  rue  Boissière,  pour 
occuper  les  ouvriers  sans  travail. 

La  rue  du  Dôme,  qui  a  une  largeur  d'environ  9'",85,  a  été  ouverte  en  1823, 
coir.me  voie  privée,  sur  les  terrains  delà  Pelouse;  elle  a  été  classée  comme 
voie  publique  par  l'arrêté  préfectoral  du  3  octobre  1855  et  elle  communique 
par  un  escalier  avec  l'avenue  Victor-Hugo.  Son  nom  parait  dû  à  ce  qu'elle  se 
trouve  dans  une  situation  culminante  d'où  on  peut  voirie  dôme  des  Invalides. 
La  rue  Cimarosa  a  été  ouverte  à  8  mètres  de  largeur,  en  1825,  et  fut 
nommée,  à  cette  époque,  «  rue  Saint-André  »,  prénom  d'un  des  actionnaires 
de  la  Société  des  terrains  de  la  plaine  de  Passy.  La  délibération  municipale 
du  24  août  185f>  a  crédité  les  travaux  nécessaires  pour  remettre  en  bon  état 
de  viabilité  cette  rue,  dont  la  largeur  a  été  portée  à  12  mètres,  par  arrêté 
préfectoral  du  18  juin  1866.  Sa  dénomination  actuelle  lui  a  été  donnée  par 
le  décret  du  24  août  1864,  en  l'honneur  de  Dominique  Cimarosa  (1754-1801), 
qui  a  composé  plus  de  120  opéras  italiens,  sérieux  ou  bouflons,  parmi  les- 
quels on  peut  citer  :  le  Directeur  dans  rembarras  (Imprésario  in  anguslie) 
et  le  Mariage  secret  {Il  Malrimonio  segreto).  Un  médaillon,  qui  repro- 
duit les  traits  de  ('.imarosa  et  qui  rappelle  les  dates  de  sa  naissance  et 
de  sa  mort,  a  été  placé  dans  la  façade  de  la  maison  située  à  l'angle  de  la  rue 
de  ce  nom  et  de  l'avenue  Kléber. 

La  rue  Copernic,  qui  va  de  l'avenue  Kléber  à  la  place  Victor-Hugo,  a  été 
ouverte,  en  1825,  avec  une  largeur  de  12  mètres  ;  elle  prit  le  nom  de  «  rue 

fi)  Dr  1887  à  1S89,  le  sol  a  <H(^  consolide^  sur  une  longueur  de  117  mètres,  entre  les 
n«*  117  et  r27:  devant  le  n"  116,  la  dislance  du  sol  au  ciel  de  la  carrière  csl  de  ii",K>  et 
la  hauteur  de  la  j^alerie  de  r)»",rK). 

(•2)  Voir  aux  annexes  (p.  /|i7.  l'article  inlilulé  :  «.  La  fille  de  Law  au  rond-point  de  rÉloilc  ». 


RUE    PAUQL'ET  97 

des  Bassins  »,  parce  que  les  bassins  et  réservoirs, qui  servent  à  ralimentation 
d*eau  de  la  ville,  sont  établis  le  long  de  cette  rue.  Celle  qui  avait  reçu  égale- 
ment, dans  le  XVI°  arrondissement,  le  nom  de  rue  des  Bassins  et  qui  porte, 
depuis  le  8  août  1895,  le  nom  de  «  rue  Auguste  Vncquerie  »,  se  trouve  dans 
le  voisinage,  mais  sur  un  autre  emplacement  :  entre  la  rue  Newton  et  la  rue 
Dumont-d'Urville. 

La  dénomination  de  rue  Copernic  a  été  donnée  par  le  décret  du  24  août 
1864,  en  Thonneur  de  Copernic  (1473-1543),  mathématicien  et  astronome, 
auteur  de  la  théorie  du  système  planétaire;  il  publia  son  ouvrage  sur  ce 
système  à  Nuremberg,  en  1543. 

Le  pavillon  de  Tingénieur  en  chef  du  service  technique  des  eaux  et  de 
lassainissement  de  la  ville  de  Paris  a  été  établi  en  1901  au  n*"  34  de  la  rue 
Copernic,  dans  les  dépendances  du  nouveau  bassin  des  grands  réservoirs 
de  Passy. 

La  rue  de  Villejust  a  été  ouverte,  en  1825,  sur  des  terrains  dont  la  plus 
grande  partie  avait  été  cédée  à  la  Société  des  terrains  de  la  plaine  de  Passy, 
par  M.  l'avocat  Pauquet  de  Villejust  (mort  à  Paris  en  1839).  Elle  s'étendait 
d'abord  de  la  rue  du  Bel-Air  (Lauriston)  à  l'avenue  de  Saint- Denis  (Malakofl)  ; 
le  percement  de  la  section  de  la  rue  de  Villejust  située  entre  Tavenue  Kléber 
et  la  rue  Lauriston  a  été  déclaré  d'utilité  publique,  par  décret  du  20  juil- 
let 1877. 

Cette  rue  a  été  coupée  en  deux  parties  par  le  percement  de  Tavenue  du 
Bois-de-Boulogne,  et  le  décret  du  10  août  1868  a  donné  le  nom  de  rue  Pic- 
cinni  à  la  partie  comprise  entre  cette  avenue  du  Bois-de-Boulogne  et  l'avenue 
MalakoQ,  en  Thonneur  du  compositeur  italien  Nicolas-Marcellin-Antoine- 
Jacques  Piccinni  (1728-1800),  qui  habita  Passy,  et  dont  la  pierre  tombale  se 
trouvait  à  Tancien  cimetière  de  Passy,  rue  Lekain.  II  fut  appelé  en  France, 
en  1776,  par  Marie- Antoinette,  pour  lui  donner  des  leçons  de  musique  ;  il  fit 
représenter  plus  de  cent  opéras  dont  Marmontel  était  souvent  le  parolier; 
il  fut  le  rival  de  Gluck  :  la  querelle  des  piccinnistes  et  des  glûckistes  fit  beau- 
coup de  bruit  au  xviii'  siècle. 

A  répoque  où  la  rue  Piccinni  faisait  partie  de  la  rue  de  Villejust,  les  ali- 
gnements y  furent  réglés'  par  l'arrêté  préfectoral  du  3  octobre  1855,  qui 
maintint  une  moindre  largeur  de  10  mètres. 

La  rue  Pauquet  se  divise,  au  point  de  vue  de  son  histoire,  en  deux  par- 
ties :  la  plus  ancienne  est  celle  qui  est  comprise  entre  la  rue  Dumont-d'Ur- 
ville et  l'avenue  Kléber;  elle  fut  ouverte  en  1825,  avec  une  largeur  de 
12  mètres,  et  doit  son  nom  à  M.  Tavocat  Pauquet  de  Villejust,  qui  avait  coo- 
péré à  la  création  de  celte  rue  Pauquet  et  de  la  rue  de  Villejust.  La  première 
rue  Pauquet  s'étendait  originairement  jusqu'à  la  rue  de  Lauriston  ;  mais, 
lorsque  le  boulevard  de  Passy  fut  rectiHé  et  devint  Tavenue  Kléber,  la  sec- 
lion  comprise  entre  l'avenue  Kléber  et  la  rue  Lauriston  fut  supprimée,  et  le 
surplus  de  la  rue  Pauquet  fut  élargi. 

La  partie  de  la  rue  Pauquet  comprise  entre  les  rues  de  Chaillot  et  Du- 
mont-d'Urville fut  ouverte  à  12  mètres  de  largeur,   suivant  l'ordonnance  1 
royale  du  18  mars  1836,  sur  des  terrains  appartenant  à  MM.  Dumouslier, 
Laurent  et  Grassal  (1)  ;  elle  prit  le  nom  de  «  rue  Pauquet-de-Villejust  ». 

(1)  Voir  aux  annexes  (p.  417)  les  règlements  de  voirie  limitant  à  12  mètres  la  liauteur 
(Jei>  mai^ions  (rues  Pauquet,  Newton  et  de^  Bassins). 


gS  illSTOIBE   bu   XVI°   AI«ll(«niSSEMIî\t 

■  L'arrêté  préfectoral  du  2  avril  1808  a  réuni  la  rue  Pauquel-de-Villejust 
et  la  rue  Pauquet  sous  celte  dernière  déQomiDation. 

Emile  de  Giràrdin,  publiciste,  habita  la  maisou  a"  38,  ea  I8tii-I870.  Ra- 


navalo,  ex-reine  de  Madagascar,  fut  logée  rue  Pauquet  par  le  gouvernement 
français,  en  juta  19)11. 

La  rue  des  lîelles-FeiiiUes  va  du  rond-point  de  Longchamp  à  l'avenue 
Bugeaud  ;  ce  nom  ne  s'est  appliqué  d'abord  qu'à  la  partie  comprise  entre  le 
rond-point  de  Longchamp  et    l'avenue  Victor-Hugo:  la  section  comprise 


RUE   SAINT- DIDIER  Çfij 

entre  l'avenue  Victor-Hugo  et  Tavenue  Bugeaud  a  porté,  pendant  longtemps, 
le  nom  de  «  rue  des  Biches  ».  L'arrêté  préfectoral  du  2  avril  1868  a  réuni, 
sous  le  nom  de  rue  des  Belles-Feuilles,  ces  deux  rues,  qui  ont  été  ouvertes 
vers  1825,  avec  une  largeur  de  10  mètres,  sur  des  terrains  de  la  plaine  de 
Passy,  à  travers  les  lieux  dits  «  les  Belles-Feuilles  »  et  «  les  Biches  ».  Le 
pavage  en  bois  a  été  établi  en  1899,  entre  l'avenue  Victor-Hugo  et  les 
n«'  17,  19. 

La  fondaiion  Thiersy  destinée  à  faciliter  les  études,  à  Paris,  de  quelques 
jeunes  gens  possédant  une  instruction  supérieure,  se  trouve  à  Tangle  de  la 
rue  des  Belles-Feuilles  et  de  l'avenue  Bugeaud.  Dans  les  derniers  jours  de 
sa  douloureuse  maladie,  Mme  Thiers  appela  auprès  d'elle  sa  sœur, 
Mlle  Dosne,  et  M.  Mignet.  Elle  leur  exprima  le  désir  que  sa  fortune, 
dont  elle  laissait  la  jouissance  à  sa  sœur,  fût,  après  celle-ci,  employée  à  la 
fondation  d'une  école  qui  serait  destinée  à  rappeler  le  souvenir  des  grands 
travaux  de  M.  Thiers  et  où  des  jeunes  gens,  déjà  distingués  par  leur  savoir 
et  leur  esprit,  seraient  admis  pour  compléter  leur  instruction  et  se  perfec- 
tionner dans  rétude  des  hautes  sciences,  de  la  philosophie  et  de  l'histoire. 
La  date  fixée  par  iVlme  Thiers  pour  l'accomplissement  de  son  désir  a  été 
devancée  par  Mlle  Dosne,  qui  a  tenu  à  réaliser  elle-même  la  pensée  de 
sa  sœur.  Par  un  acte  passé  le  17  décembre  1892,  elle  donnait  à  la  «  fonda- 
tion Thiers  »  l'hôtel  qu'elle  faisait  construire  depuis  1890,  sur  les  plans  de 
M.  AldroQ,  au  rond-point  Bugeaud,  et  elle  y  joignait  des  valeurs  dont  le 
revenu  était  calculé  pour  subvenir  largement  aux  besoins  de  la  maison.  11 
fut  décidé  que  quinze  jeunes  gens  (docteurs,  licenciés  ou  lauréats  de  Tins- 
titut)  y  seraient  entretenus,  chacun,  pendant  trois  années  consécutives  ; 
chacun  d'eux  peut  se  consacrer  librement  à  telle  étude  qui  le  séduit;  les 
candidats  sont  présentés  par  les  directeurs  des  établissements  scientifiques. 
Cette  fondation,  reconnue  comme  établissement  d'utilité  publique  le  29  avril 
1893,  s'est  ouverte  à  ses  premiers  pensionnaires  le  r*^  mai  de  la  même  année. 
Elle  a  été  dirigée  d'abord  par  M.  Hauréau  et  ensuite  par  M.  Jules  Girard  (1)  ; 
en  1899,  les  membres  du  conseil  d'administration  étaient  MM.  Gréard,  Aucoc, 
Picot,  Croiset  et  le  directeur  ;  MM.  Barthélemy-Saint-Hilaire,  Léon  Say  et 
Bardoux,  tous  les  trois  anciens  ministres,  avaient  précédemment  été  mem- 
bres de  ce  conseil. 

La  partie  de  la  rue  Saint-Didier  comprise  entre  l'avenue  Malakofl  et 
l'avenue  Victor-Hugo  a  été  construite  en  1825,  avec  une  largeur  de  10  mètres, 
par  la  Société  des  terrains  de  la  plaine  de  Passy,  dont  M.  de  Saint-Didier 
était  un  des  principaux  actionnaires  ;  cette  largeur  légale  de  10  mètres  a  été 
confirmée  par  l'arrêté  d'alignements  du  3  octobre  1855. 

La  section  de  la  rue  Saint-Didier,  qui  se  trouve  comprise  entre  les  ave- 
nues Kléber  et  Malakoff,  a  été  également  construite,  vers  1825,  par  la  même 
Société,  mais  avec  une  largeur  de  9™, 75  (maintenue  par  le  décret  du  12  juin 
1883).  Cette  section  porta  d'abord  le  nom  de  «  rue  du  Télégraphe  »,  parce 
qu'elle  traversait  un  emplacement  sur  lequel  un  télégraphe  aérien  avait  été 
établi.  I/arrêlé  préfectoral  du  2  avril  i8(i8  a  réuni  la  rue  du  Télégraphe  à  la 
rue  Saint-Didier,  sous  cette  dernière  dénomination,  afin  d'éviter  une  confu- 


,1    M.  Jules  Girard,  directeur  de  Itt  fondolion  Thiois^  Q9^i  mort  le  3i  mars  ujirii 


lOO  HISTOIRE    DU   XVI*   ARRONDISSEMENT 

sion  avec  une  autre  rue  du  Télégraphe  existant  dans  le  XX**  arrondissement, 
près  de  Tancien  télégraphe  aérien  de  BellevîUe. 

Au  n"  60  de  la  rue  Saint-Didier,  se  trouve  la  salle  Humbert  de  Romans, 
qui  a  été  construite  sur  les  plans  de  M.  l'architecte  Hector  Guimard,  n*a  pas 
moins  de  douze  cents  mètres  carrés  et  possède  une  très  bonne  acoustique  ; 
elle  est  garnie  en  bois  d'acajou  et  contient  un  orgue  monumental  ;  elle  est 
utilisée  pour  des  auditions  musicales  et  pour  des  réunions  (1). 

C'est  rue  Saint-Didier  que  le  Père  Didon  a  fait  construire  les  écoles  Saint 
Dominique  et  Lacordaire  (2). 

Le  marché  Saint-Didier  est  établi  à  l'angle  de  la  rue  Saint- Didier  et  de  la 
rue  Mesnil  ;  il  a  été  construit  en  exécution  d  un  traité  conclu,  le  iâ  décembre 
1805,  entre  la  ville  de  Paris  et  MM.  Ferrere  et  C'*,  banquiers,  pour  la  con- 
cession de  seize  marchés  qui  devaient  être  installés  dans  un  délai  de  dix-huit 
mois  et  parmi  lesquels  figurait  le  marché  Saint- Didier,  prévu  pour  105  places, 
sur  une  superficie  de  1.015  mètres  carrés.  Le  marché  a  été  ouvert  le 
1-'  août  1867.  Son  rendement  a  été  de  23.500  francs  en  1901. 

Léon  Gambetta,  membre  du  gouvernement  de  la  Défense  nationale  et 
ancien  président  du  conseil  des  ministres,  a  habité,  pendant  les  dernières 
années  de  sa  vie,  la  maison  n«  57  de  la  rue  Saint-Didier. 

En  1825,  un  simple  chemin  longeait,  d'un  côté,  le  mur  de  la  Faisanderie, 
appelée  aussi  «  le  Petit-Parc  »  (propriété  qui  dépendait  autrefois  du  château 
de  la  Muette  et  a  appartenu  ensuite  au  ministre  Casimir-Perier),  et,  de  Tautre 
côté,  les  terrains  de  la  plaine  de  Passy.  A  cette  époque,  la  Société  des  terrains 
de  la  plaine  de  Passy  transforma  ce  chemin  en  une  rue  de  10  mètres  de  largeur, 
qui  prit  le  nom  de  «  rue  du  Petit-Parc  ».  Jusqu'après  l'annexion,  elle  s'éten- 
dait, sous  ce  nom,  de  l'avenue  de  la  Grande-Armée  à  la  rue  de  la  Tour.  Le 
décret  du  2  octobre  1865  a  substitué,  au  nom  de  la  rue  du  Petit  Parc  :  1°  celui 
de  rue  Pergoièse,  pour  la  partie  comprise  entre  l'avenue  de  la  Grande-Armée 
et  l'avenue  de  l'Impératrice  (avenue  du  Bois-de-Boulogne)  ;  2"  celui  de  rue 
Spontini{3),  au  surplus  de  la  rue  du  Petit  Parc. 

Gaspard-Luigi-Pacifico,  comte  Spontini  de  San  Andréa  (1774-1851),  vint 
en  France  en  1803,  donna  des  leçons  de  chant  à  l'impératrice  Joséphine  et  fit 
représenter  les  opéras  de  ia  Vestale,  en  1807,  et  de  Fernand  Cortez,  en  1809. 
En  1811,  il  épousa  la  nièce  de  Sébastien  Érard  et  habita  souvent,  depuis  1820, 
le  château  de  la  Muette,  où  sa  veuve  mourut  le  l**'  octobre  1878,  dans  sa 
quatre-vingt  troisième  année. 

La  villa  Spontini  a  son  entrée  au  n"  37  de  la  rue  Spontini,  vis  à-vis  l'abou- 
tissement de  la  rue  du  Général-Appert. 

Le  compositeur  napDlitain  Pergolèse  (1710-1736)  fit  faire  de  grands  progrès 
à  l'art  musical;   il  a  comp3sé  l'opéra  bouile  Serra  padrona,  et  est  connu 

(i)  La  salle  Humbert  de  Romans,  dont  la  fondation  est  due  à  riniliative  du  P.  Lavy,  a 
été  inaugurée  en  novembre  iç)()i. 

(2)  La  voie  sous-minée  a  cli''  consolidée,  de  i88i  à  18S7,  sur  3i8  mètres  de  longueur, 
depuis  l'avenue  Klébcr  jusqu'à  80  mètres  au  delà  de  l'avenue  MalakofT.  Près  de  cette 
dernière  avenue,  la  dislance  du  sol  au  ciel  de  la  carrière  est  de  23«,3o,  et  la  hauteur  de 
la  galerie  d'exploitation  est  do  2  mètres. 

(3)  La  rue  Spontini  ne  va  plus  jus(ju'à  la  rue  de  la  Tour;  la  section  comprise  entre  la 
rue  de  la  Tour  et  l'avenue  Henri-Martin  se  nomme  »  rue  Mignard  »,  et  celle  comprise 
entre  l'avenue  Henri-Martin  et  l'avenue  Victor-Hugo  a  Hé  incorporée  au  square  Lamartine. 
Voir  ci-après  les  indications  (p.  i44)  données  au  sujet  de  la  rue  Mignard. 


RUE   DE   BOULAINVILLIERS  lOl 

surtout  pour  son  Siabai;  il  mourut  à  Pouzzol  d^une  phtisie  pulmonaire. 

Le  ministre  Casimir  Périer,  propriétaire  du  parc  de  la  Faisanderie,  fit 
rectifier  le  tracé  de  la  rue  du  Petit  Parc  (aujourd'hui  rue  Pergolèse)  entre 
Favenue  de  la  Porte  Maillot  (Grande-Armée)  et  l'avenue  Dauphine  (Bugeaud). 
C'est  sans  doute  pour  ce  motif  que  cette  section  porta,  pendant  un  certain 
nombre  d'années,  le  nom  de  «  rue  Périer  »  ;  mais  le  nom  de  rue  du  Petit- 
Parc  finit  par  prévaloir  jusqu*au  décret  précité  de  1865.  Après  avoir  été  offi- 
cier du  génie,  banquier  et  président  de  la  Chambre  des  députés,  Casimir 
Périer  (1777  1834)  a  été  un  chef  de  cabinet  très  énergique;  c'est  sous  son 
ministère  que  les  Français  prirent  Anvers  et  Ancône. 

Jacquemart,  graveur  à  Teau-forte,  a  demeuré  rue  Pergolèse,  au  n'  56,  en 
1866,  et  au  n»  1,  en  1867  1872(1). 

La  rue  du  Petit-Parc  était  en  si  mauvais  état  en  1848  que  la  circulation  y 
était  interceptée  ;  elle  fut  réparée  à  cette  époque,  ainsi  qu'en  1856.  En  1881, 
la  partie  de  la  rue  Spontini  située  entre  Tavenue  Henri-Martin  et  la  rue  de 
la  Tour  a  reçu  le  nom  de  «  rue  Mignard  ».  Le  pavage  en  pierre  de  la  rue 
Pergolèse  a  été  converti  en  pavage  en  bois  en  1899  entre  Tavenue  du  Bois-de- 
Boulogne  et  la  rue  Weber  ;  en  190(),  entre  l'avenue  MalakoR  et  l'avenue  de  la 
Grande-Armée. 

La  fue  Dosne  est  une  voie  privée  qui  date  de  1827  et  doit  son  nom  à  la 
famille  Dosne,  propriétaire  de  cette  rue,  qui  forme  équerre  et  a  une  largeur 
de  10  mètres.  M.  Dosne  a  été  agent  de  change,  puis  receveur  général  des 
finances  du  Nord  ;  il  était  le  beau-père  de  M.  Thiers  et  est  mort  en  1849. 

La  rue  Picot  prolonge  la  rue  Dosne  et  va  de  l'avenue  Bugeaud  à  l'avenue  du 
Bois-de-Boulogne  ;  elle  fut  ouverte  vers  1827,  avec  une  largeur  de  10  mètres, 
sur  des  terrains  appartenant  à  M.  Picot,  avoué  à  Paris  (1768-1859),  un 
des  actionnaires  de  la  Société  des  terrains  de  la  plaine  de  Passy.  Cette  rue 
débouchait  autrefois  dans  la  «  rue  Andréine  »,  qui  a  été  supprimée  pour  livrer 
passage  à  l'avenue  du  Bois-de-Boulogne. 

Une  ordonnance  royale  du  27  septembre  1825  a  autorisé  rétablissement  du 
pont  de  Grenelle  (2),  qui  est  divisé  en  deux  parties  par  l'île  des  Cygnes  (3), 
séparant  la  gare  de  Grenelle  du  bras  droit  de  la  Seine  ;  cette  tle  appartient  au 
XV'  arrondissement.  Autrefois,  ce  bras  droit  de  la  Seine,  suivi  aujourd'hui 
par  la  navigation  et  servant  de  port  à  Passy,  était  si  peu  profond  qu'il  était 
traversé  à  gué  par  les  animaux  qu'on  menait  paître  dans  l'ancienne  île.  Les 
travées  métalliques  qui  ont  remplacé,  en  1875,  l'ancien  pont  en  charpente, 
ont  été  exécutées  dans  les  ateliers  de  la  maison  Cail.  Le  passage  spécial 
conduisant  aux  pontons  des  bateaux  à  vapeur  (station  du  pont  de  Grenelle)  a 
été  élargi  en  1898(4). 

La  rue  de  Boulainvilliers  tire  son  nom  du  marquis  de  Boulainvilliers, 
prévAt  de  Paris  sous  Louis  XV  et  Louis  XVI  et  dernier  seigneur  de  Passy.  Il 
était  petit-fils  du  célèbre  financier  Samuel  Bernard  et  mourut  en  prison,  en 

(i)  Pendant  la  durée  de  l'Exposition  Universelle  de  1889,  on  a  donné  rue  Pergolèse  des 
représentations  à  la  Plaza  de  Toros,  salle  construite  par  M.  rarchitecle  Pierre  Botrel. 

(2)  Mon  article  intitulé  :  «  La  Seine  entre  le  pont  d'iéna  et  le  viaduc  du  Point-du-Jour  » 
est  reproduit  aux  annexes  (p.  3Ck>). 

(3)  Voir  aux  annexes  (p.  41^)»  l'article  de  M.  Léopold  Mar,  intitulé  :  «  Comment  de  Paris 
on  venait  jadis  A  Passy  ». 

.4)  La  voie  qui  mène  au  pont  est  aujourd'hui  une   rue  bordée  de  hautes  maisons,  et 
dénommée  chaussée  du  pont  de  Grenelle  ;  un  escalier  descend  au  bas  quai  et  aux  pontons. 


102  HISTOIRE    DU   XVI®  ARRONDISSEMENT 

1793,  pendant  la  Terreur.  Après  sa  mort,  M.  Cabal-Castel,  ancien  notaire  de 
Paris,  devint  propriétaire  de  l'ancien  château  seigneurial  de  Passy  et  le 
vendit,  en  1826,  à  des  spéculateurs,  qui  établirent,  dans  le  potager  et  le  parc, 
un  nouveau  quartier. 

La  partie  de  la  rue  de  Boulainvilliers  qui  se  trouve  entre  le  quai  de  Passy 
(près  du  pont  de  Grenelle)  et  le  carrefour  où  aboutissent  les  rues  de  Boulain- 
villiers, La  Fontaine  et  Raynouard,  existait  au  xvui®  siècle  et  était  dénom- 
mée, avant  l'annexion,  «  avenue  de  Boulainvilliers  »  ;  cette  partie  forme  limite 
entre  le  quartier  de  la  Muette  (Passy)  et  celui  d'Auteuil.  La  plus  grande 
partie  du  restant  de  cette  rue  (c'est-à-dire  la  section  comprise  entre  le  carre- 
four précité  et  la  partie  supérieure,  qui  est  voisine  de  la  rue  de  Passy)  a  été 
percée,  vers  1828,  sur  les  dépendances  de  l'ancien  château  seigneurial  de 
Passy  (château  de  Boulainvilliers).  Le  surplus,  c'est-à-dire  la  partie  supé- 
rieure de  la  rue  de  Boulainvilliers,  jusqu'à  la  rue  de  Passy,  a  été  ouvert  par 
voie  d'expropriation,  sur  des  terrains  appartenant  à  M.  Singer,  pour  l'exé- 
cution du  chemin  vicinal  de  grande  communication  de  Montrouge  à  Passy, 
reliant,  par  le  pont  de  Grenelle,  la  rive  gauche  de  la  Seine  (Montrouge,  Vau- 
girard  et  Grenelle)  à  la  rive  droite  (Auteuil,  Passy  et  Neuilly)  ;  ce^  chemin  a 
ensuite  été  classé  comme  route  départementale  n**  10. 

Le  chemin  de  fer  de  Paris  à  Auleuil,  exploité  par  la  Compagnie  deTOuest, 
est  très  utile  pour  Passy  et  Auteuil,  puisqu'il  les  met  en  communication  avec 
la  gare  Saint-Lazare,  c'est-à-dire  avec  le  centre  des  affaires.  L'importance  de 
ce  chemin  de  fer  a  été  considérablement  augmentée  par  l'exécution  du  dou- 
blement des  voies  entre  la  station  de  Courcelles  et  celle  de  l'avenue  Henri- 
Martin  (permettant  d'avoir  des  trains  assez  fréquents  pour  transporter,  au 
besoin,  plus  de  15.00()  voyageurs  en  une  heure),  ainsi  que  par  la  construction 
de  la  ligne  reliant  la  station  de  l'avenue  Henri-Martin  à  celles  du  Champ  de 
Mars  et  des  Invalides  ;  cette  nouvelle  ligne  n'a  qu'une  station  intermédiaire, 
celle  de  la  rue  de  Boulainvilliers. 

Ces  travaux  (1),  qui  ont  été  exécutés  sans  entraver  un  seul  jour  la  circu- 
lation de  la  ligne  d'Auteuil  et  sans  occasionner  aucun  accident,  présentaient 
de  graves  difficultés,  car  on  ne  disposait  que  d'un  temps  très  court  pour  les 
achever  avant  l'ouverture  de  l'Exposition  universelle  de  1900.  Il  a  fallu 
percer  dans  des  bancs  d'argile  pour  les  souterrains  de  la  ligne  aboutissant 
au  Champ  de  Mars,  qui  traverse  le  bras  navigable  de  la  Seine  au  moyen  d'une 
travée  métallique  de  85  mètres  de  portée  ;  enfin,  les  trains  sont  si  fréquents 
sur  la  ligne  d'Auteuil  que  les  changements  de  voie  ne  pouvaient  y  être  posés 
qu'entre  une  heure  et  trois  heures  du  matin.  La  ligne  a  été  mise  en  exploi- 
tation, le  12  avril  1900,  entre  le  chemin  de  fer  d'Auteuil  (avenue  Henri-Martin) 
et  la  station  du  Champ  de  Mars,  et,  le  15  du  même  mois,  entre  le  Champ  de 
Mars  et  les  Invalides.  La  station  de  Boulainvilliers  a  été  ouverte  le 
5  juin  1900  (2). 

(i)  Ces  travaux  ont  été  exécutés  sous  la  direction  de  MM.  les  ingénieurs  en  chef  des 
ponts  et  chaussées  Ed.  Widmer,  ingénieur  en  chef  de  la  construction  de  la  Compagnie, 
dos  chemins  de  fer  de  l'Ouest;  Bonnet,  adjoint  au  directeur  de  cette  Compagnie,  etRabut, 
ingénieur  principal  de  la  première  circonscription. 

i'i)  Le  chemin  de  fer  reliant  directement  la  gare  des  Invalides  h  Versailles,  ouvert 
d'abord  entre  les  Invalides  et  le  Val-Fleury,  a  été  livré,  dans  toute  son  étendue,  à 
l'exploitation,  après  que  les  difficultés  du  percement  du  tunnel  sous  le  bois  de  Meudon 
ont  été  vaincues,  le  i*""  juin  1902. 


CITÉ   DE    BOULAINVILUERS  103 

C'est  à  l*angle  de  la  rue  de  Boulainvilliers  et  de  la  rue  de  La  F'ontaiae  que 
se  trouvait  la  maison  d'arrêt  de  la  garde  nationale,  au  n*"  15  de  la  rue  de 
Boulainvilliers.  L'Institution  Saint-André,  pour  jeunes  demoiselles,  s'y  est 
installée  en  1874  et  n'y  est  restée  que  pendant  quinze  mois.  L'emplacement 
de  l'ancienne  maison  d*arrét  de  la  garde  nationale  fait  actuellement  partie  du 
magasin  d'éclairage  de  la  ville  de  Paris. 

On  peut  citer,  parmi  les  hùtes  du  château  de  Boulainvilliers  : 

M.  et  Mme  Claude  Chahu,  fondateurs  de  la  paroisse  de  Passy; 

Bernard  de  Rieux,  second  fils  du  banquier  Samuel  Bernard  et  président  de 
la  seconde  chambre  des  enquêtes  au  Parlement  de  Paris,  qui  eut  le  château 
seigneurial  depuis  1739  et  mourut  le  13  décembre  1745  ; 

Bernard  de  Boulainvilliers,  fils  du  précédent,  prévôt  de  Paris,  qui  eut  le 
château  de  son  père  depuis  la  fin  de  1745  et  le  céda  à  vie  d'abord  à  M.  de  la 
Pouplinière  et  plus  tard  au  duc  de  Penthièvre; 

Le  Riche  de  la  Pouplinière,  fermier  général,  qui  eut  la  jouissance  du  châ- 
teau depuis  1747  jusqu'à  sa  mort,  survenue  en  1762  ; 

Le  compositeur  Rameau,  qui  demeura  pendant  quelques  années  chez  M.  de 
la  Pouplinière,  vers  1748-1753  ; 

Marmontel,  qui  demeura  chez  M.  de  la  Pouplinière,  de  mai  1749  à 
février  1753; 

Le  compositeur  Gossec,  qui  demeura  depuis  1751  chez  M.  de  la  Poupli- 
nière, comme  directeur  de  son  orchestre  ; 

Mme  de  Genlis  et  sa  mère,  qui  demeurèrent  en  1759,  pendant  six  mois,  chez 
M.  de  la  Pouplinière  ; 

La  comtesse  de  Laraothe,  aventurière  compromise  dans  Va/faire  du  Collier, 
née  en  1756,  et  recueillie  enfant,  vers  1763,  par  la  marquise  de  Boulainvilliers, 
en  son  château  de  Passy,  où  elle  fut  élevée  ; 

Le  duc  de  Penthièvre,  à  qui  M.  de  Boulainvilliers  avait  cédé  à  vie  son 
château  ;  il  fut  l'unique  descendant  du  comte  de  Toulouse,  l'un  des  fils  légi- 
timés  de  Louis  XIV  et  de  Mme  de  Montespan  ;  son  fils  épousa  la  princesse  de 
Lamballe  ;  la  fille  du  duc  de  Penthièvre  était  la  mère  du  roi  Louis-Philippe, 
Tout  en  cédant  à  vie  le  château  de  Passy,  le  marquis  de  Boulainvilliers  gardait 
pour  lui  les  droits  seigneuriaux; 

Enfin,  Jean-Pierre-Claris  de  Florian,  qui  s'est  illustré  comme  fabuliste.  11 
était  entré  comme  page,  en  1758,  chez  le  duc  de  Penthièvre,  fut  lieutenant- 
colonel  de  dragons  dans  le  régiment  de  Royal-Penthièvre  et  membre  de 
l'Académie  française  ;  il  suivait  partout  le  duc  comme  secrétaire  de  ses  com- 
mandements, fut  arrêté  en  1793  et  mourut  dans  une  petite  maison  de  Sceaux 
le  13  septembre  1794.  Son  tombeau  est  visité  chaque  année  par  la  Société 
littéraire  des  Bosati,  qui  vient  rendre  un  poétique  hommage  à  sa  mémoire. 
Pendant  son  séjour  à  Passy,  Florian  a  habité  fréquemment  la  maison  des 
Gardes,  comme  cela  a  été  dit  ci-dessus,  à  propos  de  la  rue  Raynouard. 

Lepeintre,  acteur  des  Variétés,  se  retira  à  la  rue  de  Boulainvilliers  de 
1833  ou  1834  à  1844  ou  1845. 

Le  hameau  ou  cité  de  Boulainvilliers  a  entrée  sur  la  rue  de  Boulainvilliers 
et  sur  la  rue  du  Ranelagh.  Cette  cité  fut  créée  par  la  Société  Roëhn  et  C®, 
vers  1838,  sur  une  partie  des  dépendances  de  l'ancien  château  de  Boulain- 
villiers; elle  se  compose  de  maisons  d'agrément  entourées  de  jardins  ombra- 
gés. Le  chanteur  Cbollet  l'a  habitée  vers  1850-1855  ;  Boufié,  acteur  du  Gym- 


lo4  HISTOIRE    DU   XVl"   ARRONDISSEMENT 

nase,  se  retira,  en  1851,  au  n«  9  et  y  était  encore  en  1858.  Edmond  Got  ("1822- 
1901),  qui  y  occupait,  depuis  1872,  le  n°  11,  se  plaisait  à  y  recevoir  ses  anciens 
élèves  et  ses  amis.  Il  y  est  mort  le  20  mars  1901.  11  était  entré  en  1844  à  la 
Comédie-Française,  où  il  resta  pendant  plus  de  cinquante  ans  ;  il  avait  été 
admis  au  sociétariat  dès  1850  et  devint,  en  1873,  après  le  départ  de  Régnier, 
le  doyen  de  la  maison  de  Molière,  où  il  avait  acquis  une  grande  autorité.  Il 
lut  nommé  chevalier  de  la  Légion  d'honneur  en  1881,  comme  professeur  au 
(Conservatoire,  et  avec  cette  particularité  qu'il  était  le  premier  comédien  décoré 
dans  l'exercice  de  son  art  :  jusqu'alors,  un  sociétaire  du  Théâtre-Français,  bien 
qu'il  fût,  en  outre,  professeur  au  Conservatoire,  n'avait  été  décoré  qu'en  pre- 
nant sa  retraite.  C'est  Edmond  Got  qui  eut  l'initiative  de  la  comédie  moderne, 
telle  qu'elle  est  jouée  aujourd'hui,  c'est-à-dire  en  s'attachant  à  l'interpréter 
avec  naturel  et  simplicité  ;  il  s'adonnait  entièrement  au  personnage  qu'il 
avait  à  représenter. 

La  partie  de  la  rue  du  fianelagh  (1)  comprise  entre  le  quai  de  Passy  et  la 
rue  de  Boulainvilliers  a  été  percée  vers  1824,  avec  une  largeur  de  11™,  70.  Elle 
fut  ainsi  nommée  parce  qu'elle  devait  conduire  au  Ranelagh  ;  quelques 
années  après  1824,  elle  fut  continuée,  avec  la  même  largeur,  jusqu'au  chemin 
de  la  Briquetterie  (aujourd'hui  supprimé),  sur  des  terrains  appartenant  à  la 
Société  Roëhn  et  C'*'.  Par  délibération  du  24  mai  1831,  le  conseil  municipal 
de  Passy  approuva  le  tracé  présenté  par  cette  Société  pour  la  rue  du  Rane- 
lagh, devant  établir  une  communication  directe  entre  le  pont  de  Grenelle  et 
le  bois  de  Boulogne;  cependant,  ce  ne  fut  qu'en  1854  que  la  rue  du  Ranelagh, 
absorbant  la  sente  de  la  Chenille,  fut  prolongée  jusqu'à  la  rue  de  la  Glacière 
(rue  Davioud),  au  delà  de  laquelle  la  sente  du  Calvaire  se  trouvait  maintenue. 
L'ouverture  du  surplus  de  la  rue  du  Ranelagh  a  été  autorisée  par  les  décrets 
d'utilité  publique  du  29  mai  1867  pour  le  prolongement  entre  la  rue  Davioud 
et  la  rue  Mozart  (section  remplaçant  la  sente  du  Calvaire),  et  du  14  juillet 
1877  pour  la  partie  comprise  entre  la  rue  Mozart  et  le  boulevard  Beauséjour  (2). 

Marguerite-Joséphine-Georges  Weimer,  actrice  qui  s'est  rendue  célèbre 
sous  le  nom  de  Mademoiselle  Georges,  est  morte  à  soixante-dix-huit  ans,  le 
12  janvier  1867,  dans  la  maison  qu'elle  habitait,  rue  du  Ranelagh,  31. 

Henri  Martin,  auteur  de  VHistoire  de  France,  a  habité,  de  1865  à  1878, 
l'ancien  n<*  74  deïa  rue  du  Ranelagh. 

On  remarque,  au  n**  101  de  la  rue  du  Ranelagh,  à  l'entrée  de  l'avenue  des 
Chalets,  un  hôtel  Renaissance,  construit  par  M.  Sauvan  ;  au  n°  109,  un  autre 
hôtel,  édifié  en  1881  par  M.  A.  de  Chièvres,  surmonté  ultérieurement  par  des 
ateliers;  au  n"  94,  un  hôtel  ogival  en  pierres  et  briques,  avec  tourelle  octo- 
gonale en  saillie  et  gargouilles  originales;  il  est  précédé  d'une  porte  d'entrée 
à  peintures  ornementées,  placée  au  milieu  d'un  mur  à  créneaux. 

La  partie  de  la  rue  Galilée  comprise  entre  l'avenue  des  Champs-Elysées 
et  l'avenue  Marceau,  dépend  du  VIll*  arrondissement;  le  surplus  de  cette  rue, 
c'est-à-dire  la  plus  grande  partiede  sa  longueur,  appartient  au  XVP  arrondisse- 
ment. La  section  comprise  entre  la  rue  de  Juigné  (place  des  États-Unis)  et  la  rue 
Vernet  (VIII"  arrondissement)  remplace  un  chemin  tortueux,  qui  était  marqué 

(i)  Voir  ci-après  (p.  201),  dans  riiistorique  de  la  rue  de  rAssomption,  des  indications 
sur  le  lycée  Molière,  dont  les  entrées  se  trouvent  au  38  de  la  rue  de  TAssomption  et 
au  71  de  la  rue  du  Ranelagh. 

(2)  L'école  communale  de  garçons  de  la  rue  du  Ranelagh  avait  281  élèves  en  1901. 


RUE    DES   SABLONS  105 


sur  le  plan  de  1731  comme  chemin  de  Versailles,  et  sur  le  plan  de  A^erniquet 
(1791)  sans  dénomination  ;  il  dépendait  de  la  terre  et  seigneurie  de  Chaillot. 
Cette  rue  s'est  d'abord  appelée  «  rue  du  Chemin-de  Versailles  »;  une  ordon- 
nance royale  du  6  avril  183â  lui  a  assigaé  une  moindre  largeur  de  13  mètres. 
Elle  prit,  en  1849,  le  nom  de  u  rue  du  Banquet  »,  pour  rappeler  le  souvenir  du 
fameux  banquet  de  la  Réforme,  qui  servit  de  prélude  à  la  révolution  de 
février  1848.  En  185i,  on  lui  rendit  son  nom  de  rue  du  Chemin-de-Versailles. 

Le  décret  du  16  novembre  1853  prescrivit  le  prolongement  de  la  rue  du 
Chemin-de- Versailles,  à  travers  le  promenoir  de  Chaillot,  depuis  la  rue  Vernet 
jusqu*à  Tavenue  des  Champs-Elysées.  Le  décret  d'utilité  publique  du  17  sep- 
tembre 1864  prescrivit  le  prolongement  de  la  rue  Galilée  depuis  la  rue  de  Juigné 
(place  des  États-Unis)  jusqu'à  l'avenue  Kléber,  et  le  décret  du  24  du  môme 
mois  sanctionna  le  traité  passé  entre  la  Ville  et  la  Société  Thome  etC*  pour 
Texécution  de  ce  prolongement. 

Le  décret  du  24  août  1864  a  donné  à  la  rue  Galilée  sa  dénomination 
actuelle,  enl'honneurde  Galileo  Galilei,  ou  Galilée  (1564-1642),  que  les  Médicis 
nommèrent,  quand  il  n'avait  que  vingt-quatre  ans,  professeur  de  mathéma- 
tiques à  l'Université  de  Pise.  La  hardiesse  de  ses  idées  en  physique  l'obligea 
à  quitter  cette  ville  en  1592;  il  alla  à  Padoue,  où  il  professa  pendant  vingt 
ans.  11  fut  persécuté,  à  la  fin  de  sa  vie,  pour  avoir  publié  en  Italie  un  ouvrage 
où  il  exposait,  d'après  Copernic,  le  mouvement  de  la  terre  et  l'immobilité  du 
soleil.  On  lui  doit  la  découverte  des  lois  de  la  pesanteur  et  l'invention  ou 
le  perfectionnement  du  télescope,  du  thermomètre,  du  pendule  et  de  la 
balance  hydrostatique  (1). 

L'intrépide  aéronaute  brésilien  Auguste  Severo,  qui,  en  1902,  a  perdu 
la  vie  en  faisant  une  ascension  dans  son  ballon  dirigeable  Pax,  habitait 
la  rue  Galilée. 

La  rue  Mesnil  a  été  ouverte  en  1834,  avec  une  largeur  de  10  mètres,  sur 
des  terrains  de  la  plaine  de  Passy,  appartenant  à  M.  Mesnil. 

La  rue  des  Sablons  n'allait  primitivement  que  du  rond-point  de  Long- 
champ  à  la  rue  Saint-Didier;  elle  paraît  avoir  été  ainsi  dénommée  en  souve- 
nir d'une  carrière  à  sable,  à  Tépoque  où  la  plaine  de  Passy  commença  d'être 
mise  en  valeur.  Cette  rue  peut  se  diviser,  au  point  de  vue  de  son  histoire,  en 
quatre  parties: 

1**  Celle  comprise  entre  la  rue  Saint-Didier  et  le  rond-point  de  Long- 
champ,  qui  conserve  encore  aujourd'hui  le  nom  de  rue  des  Sablons,  a  été 
percée  vers  1834,  avec  une  largeur  de  10  mètres  ; 

2**  La  section  allant  du  rond-point  de  Longchamp  à  la  rue  Schefïer  cor- 
respond à  l'ancienne  «  rue  des  Bornes  » ,  remplaçant  le  chemin  des 
Bornes,  dont  le  nom  était  dû  aux  bornes  qui,  sur  ce  point,  indiquaient  les 
limites  des  dépendances  du  couvent  des  Bonshommes.  Il  résulte  de  la  déli- 
bération du  conseil  municipal  de  Passy,  en  date  du  14  mars  1825,  qu'à  cette 
époque,  le  chemin  des  Bornes  n'avait  que  2  mètres  de  largeur,  qu'il  avait 
son  origine  è  la  rue  des  Moulins  (rue  Schefïer)  et  se  terminait  à  l'embranche- 
ment des  chemins  de  la  Croix  (rue  Decamps)  et  de  Longchamp.  Ce  chemin 
fut  classé  vicinal  pararrêtédu6  juillet  1825;  vers  1848,  il  fut  élargi  à  11  mètres 
et  transformé  ainsi  en  une  rue  qui  prit  le  nom  de  rue  des  Bornes.  La  remise 

[i)  On  a  donné,  dans  cette  région,  des  noms  d'astronomes  à  plusieurs  rues  (Galilée, 
Newton,  Copernic,  Keppler,  Euler). 


106  HISTOIRE    DU    XV!**    ARRONDISSEMENT 

du  sol  de  la  rue  des  Bornes  à  la  commune  de  Passy  par  la  Société  Malézieux, 
qui  avait  succédé  à  la  Société  des  terrains  de  la  plainede  Passy,  a  été  approuvée 
par  les  délibérations  municipales  des  6  mars  1853  et  5  février  i85i.  L'arrêté 
du  2  avril  18G8  a  réuni  la  rue  des  Bornes  à  la  rue  des  Sablons  ; 

3**  La  partie  comprise  entre  la  rue  de  la  Tour  et  la  place  Possoz,  qui  fut 
ouverte  avec  une  largeur  de  10  mètres,  par  suite  du  lotissement  du  parc 
Guichard,  et  fut  nommée  «  rue  Saint-Hippolyte  »,  en  l'honneur  du  curé  de 
Passy,  l'abbé  Hippolyte  Locatelli.  L'arrêté  du  3  septembre  1869  a  réuni  la 
rue  Saint-Hippolyte  à  la  rue  des  Sablons; 

4"  La  section  s'étendant  de  la  rue  Schefler  à  la  rue  de  la  Tour,  ouverte  en 
vertu  du  décret  du  2  mars  1863,  qui  porte  :  «  La  Ville  est  autorisée  à  accepter 
l'offre  faite  par  les  sieurs  Harold,  Ernest,  et  Jules  Portails,  qui  s'engagent  à 
ouvrir,  à  travers  les  terrains  dont  ils  sont  propriétaires,  entre  la  rue  des 
Moulins  (Scheffer)  et  la  rue  de  la  Tour,  une  rue  de  12  mètres,  destinée  à 
former  le  prolongement  de  la  rue  Saint-Hippolyte  et  de  la  rue  des  Bornes,  à 
la  charge  par  la  Ville  de  leur  payer  40.000  francs.  »  Ce  prolongement  fut  immé- 
diatement exécuté  et  prit  d'abord  le  nom  de  rue  Saint-Hippolyte. 

Pendant  vingt-deux  ans,  à  partir  de  1869,  la  rue  des  Sablons  s'est  étendue  du 
rond-point  de  Longchamp  à  la  place  Possoz;  mais  le  décret  du  24  avril  1891  a 
donné  le  nom  de  rue  Cortamberi  à  la  partie  de  la  rue  des  Sablons  qui  était  com- 
prise entre  l'avenue  Henri-Martin  et  la  place  Possoz  (1),  en  l'honneur  d'Eugène 
Cortambert  (1805-188i),  qui  habitait  Passy  et  y  mourut;  il  s'est  rendu  célèbre 
comme  géographe  et  a  publié  beaucoup  d'ouvrages  classiques;  il  a  professé 
au  lycée  Charlemagne  (2)  et  a,  le  premier,  tracé  sur  le  tableau  noir  le  dessin 
des  diverses  contrées  du  globe,  à  mesure  qu'il  les  décrivait  à  ses  auditeurs  ; 
il  a  été  président  de  la  Société  de  géographie  de  Paris  et  de  la  Société  de 
géographie  commerciale  ;  il  a  su  rendre  attrayante  l'étude  de  la  géographie. 
Mme  Cortambert  a  écrit  sur  le  langage  des  fleurs,  sous  le  pseudonyme  de 
Charlotte  de  Latour,  un  livre  qui  a  eu  beaucoup  de  succès  et  dont  la  6*"  édi- 
tion a  paru  en  1814.  Richard  Cortambert,  fils  d'Eugène,  a  publié,  lui  aussi,  deo 
ouvrages  intéressants  sur  la  géographie. 

Le  XVP  arrondissement  constitue  une  des  huit  paroisses  qui  forment  la  cir- 
conscription consistoriale  de  l'église  protestante  réformée  de  Paris,  telle 
qu'elle  a  été  organisée  par  le  décret  du  25  mars  1882.  La  paroisse  protestante 
de  Passy  (3)  est  desservie  par  un  pasteur  titulaire  et  deux  pasteurs  auxiliaires. 
Le  temple  est  situé  rue  Cortambert,  n°  19,  sur  un  terrain  appartenant  au 
conseil  presbytéral.  Le  culte  réformé  est  célébré  en  cet  endroit  depuis  1880; 
mais,  pendant  une  dizaine  d'années,  le  temple  n'était  qu'une  modeste  cons- 
truction en  bois  et  fer.  Comme  elle  était  devenue  insuffisante  par  suite  du 
développement  de  la  population,  elle  a  été  remplacée,  en  1890-1891,  par  un 
édifice  en  pierre,  qui  contient  500  places  environ.  Le  nouveau  bâtiment  a  été 
construit,  sur  les  plans  de  feu  M.  l'architecte  Aubert,  au  moyen  de  fonds 

(i)  La  voie  sous-minée  a  été  consolidée  sur  ya  mètres  de  longueur,  près  de  langle  de 
la  rue  de  la  Tour  et  de  la  rue  (lortambert. 

(*^.)  Voir  la  biographie  des  géographes  Kugène  et  Richard  Corlainhert  par  leur  flls  et 
pelit-lils,  p.  '21  et  ^3  du  IVo  volume  du  Bulletin. 

(3)  Celle  paroisse  est  administrée  par  un  conseil  presbytéral,  «pii  comprend,  outre  le 
pasteur  titulaire,  cinq  membres  laïques  ;  les  deux  pasteurs  auxiliaires  y  siègent  avec 
voix  consultative. 


BUE   GAVARNI  I07 

provenant  exclusivement  'de  souscriptions  volontaires  ;  il  a  été  inauguré  le 
dimanche  15  novembre  1891. 

Au  n*'  20  de  la  rue  Corlambert  se  trouve  la  chapelle  de  Notre-Darae-du-Très- 
Saint-Sacrement,  achevée  en  1900,  dans  le  style  gothique,  par  MM.  les  archi- 
tectes Coulomb  et  Chauvet.  Elle  est  desservie  par  la  congrégation  des  ser- 
vantes du  Très-Saint- Sacrement  (i). 

On  voit  au  n°  43  de  la  rue  Cortambert  un  hôtel  du  style  semi-gothique 
fleuri,  en  pierres  et  briques,  édifié  par  M.  Sauvan.  Le  général  du  Barail,  avant 
d'être  ministre  de  la  Guerre,  avait  habité  la  maison  qui  a  été  remplacée  par 
cet  hôtel. 

Ponsard,  poète  et  auteur  dramatique,  habita  de  1866  à  1867  le  a**  60  de  la 
rue  Cortambert. 

L'illustre  astronome  Faye,  doyen  de  l'Académie  des  Sciences,  ancien 
ministre,  membre  du  bureau  des  Longitudes,  inspecteur  général  honoraire 
de  renseignement  supérieur,  habitait  le  n""  39  de  la  rue  Cortambert  et  y  est 
mort  en  1902. 

La  rue  Gavarni, qui  est  coudée,  va  de  la  rue  de  Passy  à  la  rue  de  la  Tour;  elle 
fut  percée  en  1835,  avec  une  largeur  de  9  mètres,  sur  des  terrains  appartenant 
à  M.  Deyeux,  et  prit  le  nom  de  «  rue  des  Artistes  ».  Le  décret  du  10  février  1875 
lui  a  donné  sa  dénomination  actuelle,  en  Thonneur  de  Sulpice-Guillaume 
Chevalier,  dit  Paul  Gavarni  (1801-1866),  qui  passa  plusieurs  années  à  Tarbes, 
au  cadastre,  fit  ses  premiers  dessins  dans  les  Pyrénées  et  emprunta  son  nom 
de  guerre  à  la  cascade  de  Gavarnie  (2).  11  fut  le  collaborateur  d'Emile  de 
(iirardin  au  journal  la  Mode  et  alimenta  te  Charivari  pendant  plusieurs 
années.  Sainte-Beuve  a  fait  de  lui  le  portrait  suivant  :  «  Tout  ce  qui  a  passé  ou 
défilé  sous  nos  yeux  depuis  trente-cinq  ans  en  fait  de  mœurs,  de  costumes,  de 
figures  élégantes,  de  plaisirs  et  de  repentirs,  tous  les  masques  et  les  dessous 
de  masques,  les  carnavals  et  leurs  lendemains,  les  théâtres  et  leurs  coulisses, 
les*aihours  et  leurs  revers,  les  malices  d'enfants  petits  ou  grands,  les  dia- 
bleries féminines  ou  parisiennes,  il  a  tout  dit,  tout  montré  et  d'une  façon  si 
légère,  si  piquante,  si  parlante  que  ceux  même  qui  ne  sont  d'aucun  métier 
ni  d'aucun  art,  qui  n'ont  que  la  curiosité  du  passant,  rien  que  pour  s'être 
arrêtés  à  regarder  aux  vitrines,  ou  sur  le  marbre  d'une  table  de  café,  quelques- 
unes  de  ces  milliers  d'images  qu'il  laissait  s'envoler  chaque  jour,  en  ont 
emporté  en  eux  le  trait  et  retenu  à  jamais  la  spirituelle  et  mordante 
légende.  » 

Le  gouvernement  du  roi  Louis-Philippe,  qui  s'attacha  à  donner  une  vive 
impulsion  à  tous  les  travaux  publics,  voulut  doter  la  banlieue  de  Paris  de 
moyens  de  communication  ne  forçant  pas  à  traverser  la  ville  pour  aller  d'une 
commune  à  l'autre.  Les  routes  départementales  ainsi  créées  (indépendam- 
ment de  la  route  départementale  n°  2,  qui  empruntait  la  rue  de  Passy,  et 
dont  le  classement  date  du  premier  Empire)  sont  les  suivantes  : 

La  route  départementale  n^  9,  qui  suivait  l'avenue  de  Saint-Denis  ^avenue 
Malakofl); 

.i)  Cette  congrégation  a  pour  objet  Tadoration  perpétuelle  du  1res  saint  sacrement 
exposé,  et  les  œuvres  euchaiistiques  ;  elle  a  été  fondée  en  i856  par  le  père  Eymard  ;  sa 
maison  mère  est  au  n*  23  de  Tavenue  Friedland. 

-2:  Voir  aux  annexes  (p.  419)  l'article  de  M.  Léopold  Mar,  intitulé  :  «^  Gavarni,  garde 
oalional  ». 


RUE   SINGER  IO9 

La  roule  départementale  n°  10,  à  laquelle  étaient  incorporés  le  pont  de 
Grenelle,  la  rue  de  Boulainvilliers  et  la  rue  de  la  Pompe; 

Et  la  route  départementale  n"  64  (avenue  Victor-Hugo). 

Le  classement  de  ces  voies  exonérait  la  commune  des  frais  qu'impose  leur 
entretien,  et  il  dispensait  le  public  d'avoir  affaire  à  Toctroi  de  Paris  (ce  qui 
avait  lait  donner  à  ces  routes  le  nom  de  routes  de  transit).  Ces  avantages 
n'existent  plus  depuis  l'annexion;  mais  ces  mesures  n'en  ont  pas  moins  pro- 
curé des  améliorations  durables,  car  l'ouverture,  la  régularisation  ou  l'élar- 
gissement de  ces  routes  facilitèrent  la  circulation,  permirent  une  augmentation 
notable  des  constructions  de  maisons  particulières  en  bordure  de  ces  voies 
et  déterminèrent,  dans  leur  voisinage,  le  percement  de  plusieurs  rues  nou- 
velles. 

La  rue  Singer  a  été  ouverte  en  183fi,  avec  une  largeur  de  O^jToïSurdes  ter- 
rains provenant  des  dépendances  de  Tancien  château  de  Boulainvilliers  et  de 
l'ancien  hôtel  de  Valentinois;  ils  appartenaient  à  M.  David  Singer  (1778-1846), 
qui  avait  acquis  dans  l'industrie  du  coton  une  certaine  fortune  et  en  légua  une 
grande  partie  à  des  établissements  charitables.  Parmi  les  nombreuses  dispo- 
sitions testamentaires  de  ce  philanthrope,  on  peut  citer  deux  legs  de  300  francs 
de  rente  chacun  aux  ministres  de  la  Guerre  et  de  la  Marine,  «  pour  un  prix 
annuel  et  perpétuel  qui  sera  attribué  au  simple  soldat  et  au  simple  matelot 
qui  Taura  le  mieux  mérité  par  sa  bonne  conduite  et  l'ancienneté  de  ses 
services  ». 

Les  travaux  d'assainissement  de  la  rue  Singer  ont  été  autorisés,  le  ^  mars 
1848,  par  le  conseil  municipal  de  Passy. 

Benjamin  Franklin  habita  souvent,  de  1777  à  1785,  un  pavillon  dépendant 
de  l'ancien  hôtel  de  Valentinois,  dont  l'emplacement  est  actuellement  occupé 
par  la  chapelle  de  l'Institution  des  frères  de  la  doctrine  chrétienne  (n""  1  de 
la  rue  Singer).  Le  duc  d'Aumont  a  habité  Passy  à  l'emplacement  de  la  rue 
Singer,  n*"  2.  Le  jurisconsulte  Faustin-Hélie,  dont  le  nom  a  été  donné  à  une 
des  rues  de  Passy,  a  habité,  de  1871  à  1879,  le  n"  13;  il  avait  occupé  précé- 
demment, de  1859  à  1871,  le  n"  3  bis  de  l'avenue  Saint-Philibert,  qui  va  de  la 
rue  Singer  à  la  rue  des  Vignes.  Eugène  Scribe  demeura  pendant  quelques 
mois,  vers  1849,  au  n"  40  de  la  rue  Singer. 

Des  règles  spéciales  ont  été  édictées  par  l'ordonnance  royale  (i)  du  18  mars 
1836  pour  la  rue  Newlon,  la  rue  Pauquet  et  la  rue  des  Bassins  (aujourd'hui 
rue  Auffusle-Vacquerie).  En  vertu  de  cette  ordonnance,  MM.  Dumoustier, 
Laurent  et  Grassal  obtinrent  l'autorisation  d'ouvrir  sur  leurs  terrains  ces 
trois  rues,  chacune  de  1^  mètres  de  largeur,  à  la  charge  par  eux  de  livrer 
sans  indemnité,  à  la  Ville  de  Paris,  le  sol  occupé  par  les  nouvelles  voies 
publiques,  de  supporter  les  frais  de  pavage  et  d'éclairage  desdites  rues,  d'y 
établir  des  trottoirs  en  pierre  dure,  de  la  forme  et  de  la  largeur  déterminées 
par  l'autorité  municipale,  de  pourvoir  à  l'écoulement  souterrain  ou  à  ciel 
ouvert  des  eaux  pluviales  et  ménagères,  et  de  ne  pouvoir  élever  les  construc- 
tions riveraines  au  delà  de  la  hauteur  de  ii  mètres.  Le  décret  du  8  août  1895 
a  donné  à  la  rue  des  Bassins  le  nom  de  rue  Augu^te-Vacquerie. 

Carnot,  président  delà  République,  habitait  le  n"29de  la  rue  des  Bassins, 
avant  le  â  décembre  1887,  jour  de  son  installation  au  palais  de  TËlysée. 

;i;  Voir  «aux  annexes  ip.  417)  une  copie  de  celte  ordonnance. 


IlO  HISTOIRE    DU   XVI*   ARRONDISSEMENT 

La  partie  de  la  rue  Nicolo  qui  est  comprise  entre  la  rue  de  Passy  et  la  rue 
Vital  figure  sur  le  plan  de  Passy,  publié  en  1860  par  M.  Th.  Lefèvre,  sous  le 
nom  de  «  rue  des  Carrières  »,  qu'elle  a  conservé  jusqu'au  décret  du  2  octobre 
1865.  Le  surplus  de  la  rue  Nicolo,  c'est-à-dire  la  partie  comprise  entre  la  rue 
Vital  et  la  rue  de  la  Pompe,  a  été  ouvert,  en  1854,  avec  une  largeur  de 
10  mètres,  et  a  reçu  le  nom  de  «  rue  Saint-Pierre  ».  La  section  mentionnée 
ci-dessus,  de  la  rue  des  Carrières,  a  été  réunie  par  le  décret  du  2  octobre  1865 
à  la  rue  Saint-Pierre,  sous  l'unique  dénomination  de  rue  Nicolo,  en  l'honneur 
de  Nicolas  Isouard,  dit  Nicolo  (1775-1818),  qui  a  composé,  pour  l'Opéra- 
Comique,  vingt-neuf  pièces,  entre  autres  Joconde, 

Cette  première  section  de  la  rue  des  Carrières  (comprise  entre  les  rues  de 
Passy  et  Vital,  actuellement  incorporée  à  la  rue  Nicolo)  avait  remplacé  le 
chemin  du  même  nom  qui  conduisait,  de  la  grande  rue  de  Passy  aux  massifs 
des  carrières.  Il  est  dit,  dans  une  délibération  municipale  du  25  pluviôse 
an  XIII  (14  février  1805),  qu'antérieurement  à  1776,  cette  ruelle  n'avait  qu'une 
largeur  de  5  pieds  10  pouces  ;  que,  sur  le  rapport  des  voyers  de  l'ancienne 
justice  de  Passy  (canton  de  la  Folie),  le  marquis  de  Boulainvilliers,  der- 
nier seigneur  de  Passy,  fit  rendre  par  son  prévôt,  en  1777,  une  ordonnance 
portant  la  largeur  à  24  pieds  (7", 76)  ;  et  que  c'est  à  cette  époque  que  cette  voie 
reçut  le  nom  de  «  rue  Boulainvilliers  ».  Ce  nom  fut  supprimé  par  un  arrêté 
du  conseil  général  de  la  commune  de  Passy,  en  date  du  3  septembre  1791, 
qui  remplaça  le  nom  de  rue  Boulainvilliers  par  celui  de  rue  des  Carrières. 

Sous  le  premier  Empire,  le  conseil  municipal  de  Passy  insista,  à  diverses 
reprises,  en  faveur  de  l'achèvement  du  prolongement  de  la  rue  des  Carrières 
et  arriva  à  le  réaliser.  Ce  qu'on  appelait  le  prolongement  de  la  rue  des  ("ar- 
rières, c'était  une  voie  formant  un  angle  presque  droit  avec  la  première  partie 
de  ladite  rue,  aboutissant  à  la  rue  du  Moulin-de-la-Tour  (rue  de  la  Tour)  et 
constituant  actuellement  la  partie  de  la  rue  Vital  comprise  entre  la  rue  de  la 
Tour  et  la  rue  Nicolo.  La  rue  des  Carrières  formait  ainsi  un  coude  très  pro- 
noncé et  occupait,  au  commencement  du  xix*  siècle,  des  emplacements  appar- 
tenant aujourd'hui  à  la  rue  Nicolo  et  à  la  rue  Vital,  à  l'époque  où  ces  deux 
rues  n'existaient  pas  encore  ;  d'ailleurs,  la  rue  des  Carrières  a  conservé  son 
nom  pendant  plus  de  soixante-dix  ans,  et  n'a  été  réunie  aux  rues  Nicolo  et 
Vital  que  longtemps  après  leur  percement. 

La  comtesse  de  Castiglione,  célèbre  par  sa  beauté  sous  le  second  Empire, 
a  habité  le  n**  51  de  la  rue  Nicolo  de  1859  environ  à  1870  ;  elle  est  morte  à 
Paris,  le  10  avril  1901  (1). 

L'hôtel  portant  le  n''  38  sur  la  rue  Nicolo  a  été  reconstruit  par  Mme  de 
Monchicourt  à  la  suite  du  succès  obtenu  en  Belgique  par  niérodiade^  de 
Massenet,  dont  son  fils,  M.  Milliet  Monchicourt,  avait  fait  le  livret. 

La  première  partie  de  larwe  Vital,  comprise  entre  la  rue  de  la  Tour  et  la 
rue  Nicolo,  a  été  longtemps,  comme  il  est  dit  ci-dessus,  une  partie  de  la  rue 
des  Carrières,  dont  la  plus  grande  fraction  avait  pris,  en  1865,  le  nom  de  rue 
Nicolo.  Cette  partie  de  la  rue  des  Carrières,  ayant  une  largeur  de  8  mètres,  a 
été  réunie  à  la  rue  Vital  par  l'arrêté  préfectoral  du  2  avril  1868. 

La  seconde  partie  de  la  rue  Vital,  comprise  entre  la  rue  Nicolo  et  la  rue 

i)  Voir,  p.  'x-]^  et '-^77    du   III«  volume  du  liullelin^  l'article  de  M.  Léopold  Mnr  sur  la 
comtesiso  de  Castiglione. 


RUE    DE    LA   FAISANDERIE  111 

de  Passy,  a  été  ouverte,  en  1839,  avec  10  mètres  de  largeur,  sur  des  terrains 
appartenant  à  M.  Vital  et  à  ses  frais.  Cette  voie,  qui  mettait  en  communication 
le  centre  de  la  rue  de  Passy  avec  le  quartier  des  Tournelles  (rue  Louis-David), 
la  rue  de  la  Tour  et  les  rues  nouvelles  de  la  plaine  de  Passy,  reçut,  confor- 
mément à  la  demande  formulée  parle  conseil  municipal  dans  sa  délibération 
du  2  mai  IHiâ,  le  nom  de  M.  Vital,  qui  fut  adjoint  au  maire  de  Passy  de  1837 
à  1848,  fut  réintégré  en  1852  et  nommé,  lors  de  Tannexion,  vice-président  du 
bureau  de  bienfaisance  ;  il  mourut  le  15  juillet  1881,  à  Tâge  de  quatre-vingt- 
quatre  ans,  dans  la  maison  n*"  43  de  la  rue  Vital. 

La  maison  n"*  38  de  la  rue  Vital  porte  cette  inscription  :  «  L'historien 
Henri  Martin,  né  à  Saint -Quentin  le  21  février  1810,  est  mort  dans  cette 
maison  le  24  mars  1884.  »  Il  Thabitait  depuis  1878.  Levasseur,  chanteur  de 
rOpéra,  a  demeuré  au  n<»  8  ancien  (33  actuel),  de  185G  à  1857,  et  Ponchard, 
chanteur  de  TOpéra-Gomique,  au  n"*  44,  où  il  mourut  en  1860. 

Jenny  Vertpré,  actrice  du  Gymnase  et  femme  du  vaudevilliste  Garmouche, 
vint  demeurer,  vers  1857,  au  n"*  15  de  la  rue  Nicole,  et  y  mourut  en  1806. 
Eugène  Gortambert  demeurait  au  20,  et  son  fils,  Richard  Gortambert,  au  25 
de  cette  rue. 

La  rue  Lekain  fut  ouverte,  en  1830,  avec  une  largeur  de  8  mètres,  sur  un 
terrain  appartenant  à  M.  Singer.  Elle  prit  d'abord  le  nom  de  «  rue  de  la 
Fontaine  »,  à  raison  d'une  fontaine  établie  à  l'angle  de  la  rue  Singer.  Le 
décret  du  24  août  1864  lui  donna  sa  dénomination  actuelle,  en  Thonneur  du 
tragédien  Henri-Louis  Gain,  dit  Lekain  (1729-1778),  à  qui  on  doit  plusieurs 
réformes  importantes  pour  la  mise  en  scène,  notamment  en  ce  qui  concerne 
le  costume  :  avant  lui,  on  jouait  les  personnages  antiques  avec  des  habits  du 
jour.  Il  commença  par  monter,  avec  d'autres  jeunes  gens,  une  association 
pour  jouer  la  comédie  dans  des  maisons  bourgeoises;  il  fut  remarqué  par 
Voltaire,  qui  le  flt  jouer  sur  un  théâtre  qu'il  avait  établi  dans  la  rue  Traver- 
sière-Saint-Honoré  {rue  Molière),  pour  la  représentation  de  ses  pièces.  Grâce 
à  sa  protection,  il  débuta  à  la  Gomédie-Française  en  1750  et  joua,  devant  la 
Cour,  le  rôle  d'Orosmane  ;  à  la  fin  de  cette  représentation,  Louis  XV  dit  aux 
courtisans  qui  l'entouraient  :  «  Lekain  m'a  fait  pleurer,  moi  qui  ne  pleure 
guère.  »  Il  fut  ensuite  admis  au  nombre  des  comédiens  du  roi  et  on  composa 
pour  lui  cette  épitaphe  :  «  (^i-git  Lekain,  Melpomène  avec  lui.  » 

Le  n^  3  de  la  rue  Lekain  contient  la  tombe  du  compositeur  Piccinni  ;  ce 
terrain  faisait  partie  de  l'ancien  cimetière  paroissial  (Ij  de  Passy. 

La  rue  Talma  a  été  ouverte  en  183Î),  avec  une  largeur  de  8  mètres,  sur  des 
terrains  provenant  des  dépen<}ances  de  l'ancien  château  seigneurial  de  Bou- 
lainvilliers.  Elle  reçut  d'abord  le  nom  de  «  rue  Neuve-Bois-le-Vent  »,  parce 
qu'elle  débouche  sur  la  rue  Bois-le-Vent.  Le  décret  du  21  août  1864  lui  a 
donné  sa  dénomination  actuelle,  en  l'honneur  du  tragédien  François-Joseph 
Talma  (1763-1826);  élève  de  Mole,  de  Dugazon  et  de  Fleury,  il  débuta  en  1787 
à  la  Gomédie-Française  et  atteignit  la  perfection  dans  son  art  ;  Napoléon  I*' 
l'aimait  beaucoup. 

La  rue  de  la  Faisanderie  (2)  tire  son  nom  de  l'ancienne  faisanderie  du 

(i;  Voir  ci-dcrtsilfl,  p.  73,  les  indications  <lonn<^es  au  sujet  des  cimetières  de  Passy. 

f2  I^  voie  sous-minée  a  iHé  consolidée  en  i88<),  sur  mj  nièlres  de  longueur  A  partir 
tie  Tanglc  de  la  rue  de  Longchamp,  vers  la  rue  Bénouville  ;  la  disUnce  du  sol  au  ciel  de 
la  carrière  est  de  8  métrés^  et  la  hauteur  de  la  galerie  d'exploitation  est  de  4'"»'^' 


112  HISTOIRE   DU   XVr   ARRONDISSEMENT 

château  royal  de  la  Muette,  qui  s*étendait  entre  le  bois  de  Boulogne  et  la  rue 
Spontini  et  avait  été  vendue  comme  bien  national;  les  trois  quarts  de  cette 
propriété,  dénommée  aussi  «  le  Petit-Parc  »,  furent  achetés  au  domaine  de 
l'État,  en  Tan  VI,  par  M.  de  Saint-Simon,  et,  l'autre  quart,  par  M.  Béhague. 
En  1818,  ces  acquéreurs  vendirent  la  propriété  au  roi  Louis  XVlll,  qui  céda 
le  Petit-Parc  et  des  terrains  dans  la  plaine  de  Passy  à  M.  Casimir  Périer 
(qui  fut  ministre  sous  le  gouvernement  de  Juillet)  pour  6().00()  francs;  ces 
terrains  valent  aujourd'hui  des  millions. 

La  rue  de  la  Faisanderie  a  remplacé  la  principale  avenue  du  Petit-Parc, 
qui  fut  transformée  en  une  rue  de  12  mètres  de  largeur,  vers  1840,  c'est-à-dire 
environ  quinze  ans  après  la  création  de  la  rue  du  Petit-Parc  (aujourd'hui  rues 
Spontini  et  Pergolèse).  Elle  ne  s'étendait  primitivement  qu'entre  l'avenue 
Bugeaud  et  la  rue  de  Longchamp  ;  elle  s'appelait  alors  «  rue  de  la  Vieille- 
Faisanderie  ».  Elle  a  été  ensuite  prolongée  d'abord  jusqu'à  la  rue  du  Puits- 
Artésien  (rue  Dufrénoy)  et  vers  i8ri8  jusqu'à  l'avenue  d'Eylau  (avenue  Victor- 
Hugo).  M.  de  Chabrol  avait  fait  réparer,  en  1856,  la  rue  de  la  Faisanderie, 
dont  la  mise  en  état  de  bonne  viabilité  fut  achevée  en  1860.  Des  becs  à  incan- 
descence y  ont  été  installés  en  1899. 

Le  général  lung  habitait  le  23  bis  de  la  rue  de  la  Faisanderie.  L'hôtel  du 
ministre  de  la  principauté  de  Monaco  se  trouve  au  n^  27  de  cette  rue,  qui 
renferme  beaucoup  de  beaux  hôtels.  Au  n^  23,  à  la  maison  de  santé  du  docteur 
Lochard,  on  voit  une  grande  grille  ajourée,  en  fer  forgé,  du  style  Louis  XV. 
Au  n«  42  est  un  petit  hôtel  gothique,  construit  en  1881  par  M.  Brière.  Au  u?  64 
se  trouve  un  hôtel  monumental,  élevé  par  M.  Dumoulin  pour  M.  Làuerre  ;  il 
est  du  style  Louis  XIV  et  à  trois  étages,  garnis  chacun  de  trois  fenêtres.  Celles 
du  milieu  sont  couronnées  par  un  fronton  triangulaire,  reposant  sur  deux 
pilastres  qui  encadrent  ces  fenêtres  superposées  et  accompagnées  de  balus- 
trades, de  cartouches  et  de  deux  statues  d'enfants.  L'hôtel  portant  le  n°  68  his 
est  du  style  gothique  fleuri;  il  a,  au  premier  étage,  une  balustrade  sculptée  à 
jour,  bordant  une  terrasse  ;  une  autre  balustrade,  semblable  à  la  première, 
forme  couronnement  au-dessus  des  fenêtres  du  premier  étage,  qui  se  trouve 
en  retraite  de  la  terrasse. 

L'enceinte  fortifiée  de  Paris  a  été  construite  en  1841  et  1842  ;  elle  était 
bordée  intérieurement  par  la  rue  Militaire,  qui  a  fait  l'objet  d'une  remise 
conditionnelle  à  la  Ville  de  Paris  par  le  génie,  approuvée  par  la  décision 
ministérielle  du  28  juillet  1859. 

La  rue  Militaire  est  remplacée  par  le  boulevard  Lannes,  entre  la  porte 
Maillot  et  la  porte  de  la  Muette,  et  par  le  boulevard  Suchet,  entre  la  porte  de 
la  Muette  et  la  porte  d'Auteuil.  Le  boulevard  Lannes  a  été  dévié,  en  1899, 
entre  les  avenues  de  la  Grande-Armée  et  du  Bois-de- Boulogne,  en  vue  de 
permettre  l'exécution  des  travaux  de  doublement  des  voies  sur  le  chemin  de 
fer  de  Courcelles  aux  Invalides  (Compagnie  de  l'Ouest). 

Une  zone  de  servitude  non  œdificandi,  sur  une  largeur  de  5  mètres  en 
arrière  de  l'alignement  des  clôtures,  a  été  imposée  (1)  pour  les  boulevards 
Lannes  et  Suchet,  aux  propriétaires  acquéreurs  de  terrains  provenant  du 
bois  de  Boulogne  ;  ils  sont,  en  outre,  tenus  d'établir  des  clôtures  suivant  le 

{i}  Voir  aux  annexes  (p.  4*î<>)  un  extrait  du  conlral  de  vente   des  terrains  pour  les  bou- 
levards Lannes  et  Suchet. 


AVENUE    SAINT-PHILIBERT  1  l3 

type  réglementaire,  avec  interdiction  d'exercer  aucun  genre  de  commerce  ou 
d'industrie. 

La  largeur  du  boulevard  Lannes  a  été  fixée  à  12  mètres  par  le  décret  du 
0  septembre  1801;  celui  du  2  mars  18GI  lui  a  donné  sa  dénomination,  en 
l'honneur  de  Jean  Lannes,  duc  de  Monlebello  (1700-1800)  ;  général  de  brigade 
en  1707,  il  se  couvrit  de  gloire  à  la  bataille  d'Arcole,  accompagna  le  général 
Bonaparte  en  Egypte,  commanda  la  garde  consulaire,  gagna  la  bataille  de 
Montebello  en  1800,  fut  nommé  maréchal  de  France  et  duc  à  la  proclamation 
de  l'Empire,  se  distingua  aux  batailles  d'Austerlitz,  léna,  Eylau  et  Friedland 
et  fut  blessé  mortellement  à  la  bataille  d'Kssling. 

Le  boulevard  Suchet  a  14  mètres  de  largeur;  sa  dénomination  lui  a  été 
donnée  par  le  décret  du  4  mars  18Gi,  en  l'honneur  de  Louis-Gabriel  Suchet, 
maréchal  et  duc  d'Albuféra  (1772-18:2());  volontaire  en  1701,  capitaine  en  1708, 
général  de  division  en  1805,  il  commanda  l'armée  française  en  Flspagne,  de 
1808  à  1812;  il  fut  nommé  maréchal  en  1810  et  duc  en  1812,  après  la  conquête 
du  royaume  de  Valence.  Il  se  fit  remarquer  par  sa  modération  et  son  équité  ; 
Napoléon  disait  de  lui  :  «  Si  j'avais  eu,  en  Espagne,  deux  maréchaux  comme 
Suchet,  non  seulement  j'aurais  conquis  la  Péninsule,  mais  je  l'aurais 
conservée.  »  Suchet  lut  créé  pair  de  France  par  le  roi  Louis  XVllI. 

L  amiral  Jauréguiberry  a  habité  le  n°  45  du  boulevard  Suchet. 

La  suppression  de  l'enceinte  fortifiée  de  Paris  entre  la  Seine  et  la  porte 
de  Pantin  est,  depuis  longtemps,  décidée  en  principe;  mais  la  question  finan- 
cière n'a  pas  reçu  encore  de  solution.  L'exécution  est  subordonnée  à  une 
entente  à  établir  sur  la  fixation  de  l'indemnité  à  payer  à  l'État,  pour  la 
cession  des  terrains  qui  dépendent  de  cette  partie  des  fortifications  et  qui 
seraient  occupés  par  des  boulevards,  des  rues  et  des  constructions  parti- 
culières. Pour  la  partie  comprise  entre  la  Seine  (Point-du-Jour)  et  Paulin, 
l'estimation  des  terrains,  faite  par  l'administration  des  domaines,  montait  à 
130  millions,  chiffre  qui  sera  probablement  réduit.  La  Ville  de  Paris  aurait 
à  dépenser  une  cinquantaine  de  millions  pour  travaux  de  voirie.  La  réali- 
sation de  ce  programme  entraînera  la  création  de  nouveaux  quartiers,  ce 
qui  favorisera  l'accroissement  de  la  population  dans  la  région  de  l'ouest; 
mais  cette  opération  demandera  probablement  beaucoup  de  temps,  car  le 
prix  des  terrains  serait  avili,  si  on  voulait  les  vendre  tous  en  môme  temps. 

La  cité  des  Belles-Feuilles,  dont  l'entrée  se  trouve  près  de  l'intersection  de  la 
rue  des  Belles-Feuilles  avec  la  rue  Mérimée,  a  été  fondée  en  18iO,  par 
M.  Tamise t,  propriétaire. 

La  rue  des  Marronniers  a  été  ouverte  en  18i2  sur  l'emplacement  d'une 
allée  de  marronniers,  qui  ornait  le  parc  de  l'ancien  château  de  Boulainvilliers; 
pendant  plusieurs  années  après  sa  création,  ce  n'était  qu'une  impasse  abou- 
tissant à  la  rue  du  Hanelagh.  Pour  remédier  à  cette  situation,  le  conseil 
municipal  de  Passy  a  décidé,  par  délibération  en  date  du  1:3  juillet  1817,  que 
la  rue  des  Marronniers  serait  prolongée  jusqu'à  la  rue  de  Boulainvilliers,  sous 
la  condition  que  les  propriétaires  intéressés  verseraient  les  subventions 
offertes  par  eux  pour  ce  travail;  la  délibération  du  10  février  18i0  autorisa  le 
maire  à  acheter  à  M.  Morel  et  à  M.  et  Mme  Heurtant  le  terrain  nécessaire 
pour  réaliser  ce  prolongement. 

Vnrenue  Sainl-Philihcrl  est  une  voie  privée,  qui  est  fermée,  pendant  la 

8 


Il4  HISTOIRE   DU   XVI®   ARRONDISSEMENT 

nuit,  par  des  grilles  à  ses  deux  extrémités  et  qui  prolonge  la  rue  Lekain 
(autrefois  rue  de  la  Fontaine);  c'est  sans  doute  pour  ce  motif  qu'elle  est  dési- 
gnée sous  le  nom  de  rue  de  la  Fontaine  sur  le  plan  cadastral  de  1859.  Cette 
avenue  a  été  ouverte  en  1846  sur  des  terrains  appartenant  à  MM.  Messier  et 
Amovet  et  provenant  des  dépendances  de  l'ancien  château  de  Boulainvilliers. 
Elle  porte  le  prénom  du  propriétaire,  M.  Boullée,  ancien  magistrat,  qui  Ta 
achevée. 

L'impasse  ou  passage  Colhenel,  qui  a  5",60  de  largeur,  est  une  voie  privée, 
allant  de  la  rue  de  la  Faisanderie  au  boulevard  Flandrin  ;  elle  a  été  créée 
en  1846  par  M.  Cothenet,  propriétaire. 

La  rue  Benjamin-Delessert,  qui  a  été  ouverte  en  1847,  est  incorporée  au 
boulevard  Delessert;  les  indications  concernant  cette  rue  seront  données 
ci-après,  en  parlant  dudit  boulevard  (voir  page  157). 

Par  délibération  du  14  mars  1825,  le  conseil  municipal  de  Passy  avait 
demandé  que  le  sentier,  ayant  alors  2  mètres  de  largeur  et  allant  de  la  bar- 
rière Sainte-Marie  (place  du  Trocadéro)  au  chemin  de  la  Croix  (rue  Decamps), 
fût  remplacé  par  une  rue  de  10  mètres  de  largeur  et  que  cette  rue  fût  dénom- 
mée «  rue  Blanche  »,  comme  traversant  l'ancien  canton  dit  c  l'Arpent- 
Blanc  ».  Ce  vœu  n'a  été  réalisé  qu'en  1848,  époque  à  laquelle  la  «  rue  Blanche  » 
fut  ouverte,  avec  une  largeur  de  10  mètres,  entre  les  abords  du  boulevard  de 
Longchamp  et  la  rue  Decamps.  Par  délibération  du  18  juillet  1847,  le  conseil 
municipal  de  Passy  avait  approuvé  le  projet  d'ouverture  de  la  rue  Blanche, 
la  faisant  déboucher  sur  le  boulevard  extérieur  de  Longchamp,  en  face  de  la 
barrière  Sainte-Marie,  par  le  passage  déjà  ouvert  alors  au  public  sous  le  nom 
d'impasse  Triboulet.  La  partie  de  la  rue  Blanche  la  plus  voisine  du  boulevard 
de  Longchamp  a  été  supprimée  pour  la  formation  de  la  place  du  Trocadéro. 
La  remise  de  la  rue  Blanche,  par  la  Société  Malézieux,  à  la  commune  de 
Passy  a  été  approuvée  en  1854.  En  1862,  M.  Herran  prolongea  la  rue  Blanche, 
comme  voie  privée  de  12  mètres  de  largeur,  entre  la  rue  Decamps  et  la  rue 
Herran. 

Le  décret  du  24  août  1864  a  donné  le  nom  de  rue  Greuze  (1)  à  la  rue 
Blanche,  en  l'honneur  du  peintre  Jean-Baptiste  Greuze  (1725-1805),  qui  se 
forma  presque  seul,  se  plaisait  à  peindre  des  scènes  intimes  et  sut  se  former 
un  genre  très  brillant  par  la  naïve  simplicité  et  la  grâce  infinie  qu'il  prétait 
à  ses  personnages.  Il  a  laissé  beaucoup  de  tableaux  célèbres  :  r Accordée  de 
village,  la  Cruche  cassée,  le  Père  de  famille  expliquant  la  Bible  à  ses  enfants^ 
la  Jeune  Fille  qui  pleure  son  oiseau-mort.  Comme  son  ami  Vernet  lui  reprochait 
de  ne  solliciter  ni  récompense  ni  distinction,  il  lui  répondit  :  «  Que  veux-tu, 
j'ai  le  talent  facile,  mais  le  jarret  trop  raide  ;  je  suis  un  homme  d'autrefois  : 
je  ne  m'incline  que  devant  Dieu  et  devant  les  femmes.  » 

La  rue  Leroux  a  été  ouverte  en  1848  sur  des  terrains  de  la  plaine  de  Passy, 
appartenant  aux  héritiers  de  M.  Leroux,  ancien  agent  de  change,  qui  avait 
été  un  des  principaux  actionnaires  de  la  Société  des  terrains  de  la  plaine  de 
Passy  et  qui  mourut  en  1843.  Elle  a  porté  précédemment  le  nom  de  «  rue 
Debelleyme  »  et  fut  ainsi  classée  par  le  décret  du  31  octobre  1863*  Elle  a  été 


(i)  La  consolidation  du  sol  soiis-miné  a  été  executive  sur  7  mètres  de  longueur  en 
1890  et  1893  ;  la  distance  du  sol  au  ciel  de  la  carrière  est  de  a2™j6o<  vers  la  cité  Oreuzej 
et  la  hauteur  de  ta  galerie  d'exploitation  est  de  1*^,90. 


RUE    PIERRE-CHARRON  llO 

coupée  en  deux  parties  par  le  percement  de  l'avenue  du  Bois-de  Boulogne. 
La  section  comprise  entre  Tavenue  Victor-Hugo  et  l'avenue  du  Bois  de-Bou- 
logne a  conservé  le  nom  de  rue  Leroux,  et  le  décret  du  11  septembre  1888  a 
donné  le  nom  de  me  Laurenl-Pichat  à  la  partie  comprise  entre  l'avenue  du 
Bois-de-Boulogne  et  la  rue  Pergolèse,  en  l'honneur  de  l'écrivain  Laurent 
Pichat  (1823-1886). 

La  rue  Duban  a  été  ouverte  en  18i8  sur  des  terrains  appartenant  à  Mme  de 
la  Houssaye  et  provenant  des  dépendances  de  l'ancien  château  seigneurial  de 
Passy.  Elle  reçut  d'abord  la  dénomination  de  «  rue  du  Marché  »,  parce  que  le 
marché  de  Passy  borde  un  de  ses  côtés.  Le  décret  du  10  février  iHlt\  lui  avait 
donné  le  nom  de  «  rue  de  Bouille  »,  en  l'honneur  de  M.  de  Bouille  (17G8-1800), 
l'ancien  gouverneur  de  la  Martinique,  qui  se  signala,  dans  la  guerre  de  l'indé- 
pendance américaine,  par  la  prise  de  la  Dominique  et  de  Saint-Christophe, 
fut  nommé  lieutenant-général  en  1784  et  général  en  chef  de  l'armée  de  la 
Meuse  en  1791).  L'arrêté  préfectoral  du  1(>  août  1879  a  donné  à  cette  rue  sa 
dénomination  actuelle  en  l'honneur  de  Félix  Louis-Jacques  Duban  (1797-1870), 
premier  grand  prix  d'architecture  en  1823,  membre  de  l'Institut  et  président 
du  conseil  général  des  bâtiments  civils,  auteur  de  divers  ouvrages  d'archéo- 
logie, ainsi  que  de  la  restauration  du  Palais  de  l'École  des  Beaux-Arts  (1832- 
1838),  du  château  de  Dampierre,  appartenant  au  duc  de  Luynes,  de  l'hôtel 
Mole,  qui  est  devenu  le  ministère  des  Travaux  publics,  delà  Sainte-Chapelle, 
du  château  de  Blois  et  d'une  partie  des  travaux  du  Louvre,  c'est-à-dire  de 
ceux  qui  furent  exécutés  de  18i9  à  1851:  galerie  d'Apollon,  façades  regardant 
la  Seine  et  le  jardin  de  l'Infante.  On  lui  doit  les  figures  adossées  aux  pi- 
lastres qui  supportent  la  balustrade  circulaire  du  tombeau  de  Napoléon  P''aux 
Invalides,  le  tombeau  de  Paul  Delaroche,  le  monument  funéraire  de  François 
Arago  et  le  monument  érigé  à  l'Kcole  des  Beaux-Arts  en  l'honneur  du  pein- 
tre Ingres.  Duban  a  passé  les  dernières  années  de  sa  vie  à  Passy,  dans  l'hôtel 
qu'il  avait  fait  construire  rue  Desbordes-Valmore,  n**  11  bis  (1). 

Gouzay,  directeur  du  personnel  au  ministère  des  Travaux  publics,  demeu- 
rait au  n"*  2  de  la  rue  Duban  et  y  est  mort. 

La  partie  de  la  rue  Léonard-de-Vinci  comprise  entre  la  rue  Leroux  et  la 
rue  de  Villejust  fut  ouverte,  en  1848,  comme  voie  privée  et  avec  une  largeur 
de  10  mètres,  sur  des  terrains  appartenant  aux  héritiers  de  M.  Leroux,  ancien 
agent  de  change.  On  l'appela  «  rue  Christine  »,  prénom  d'une  petite-fille  de 
M.  Leroux.  Elle  a  été  classée  comme  voie  publique  par  le  décret  du  27  jan- 
vier 1866,  qui  en  a  fixé  les  alignements.  Le  décret  du  10  août  1868  lui  a  donné 
le  nom  de  Léonard  de  Vinci,  né  au  château  de  Vinci,  près  Florence,  en  1452. 
Ludovic  Sforce  le  logea  dans  son  palais  et  le  nomma  directeur  de  l'Académie 
de  peinture  et  d'architecture  de  Milan.  11  habita  ensuite  Florence  et  Bome  et 
vint  enfin  se  fixer  en  France,  où  François  P**  le  combla  de  bienfaits.  Il  mourut 
près  d'Amboise  en  1589,  et  on  prétend  que  ce  fut  entre  les  bras  du  roi.  Il  a 
peint  à  fresque /a  5a//i/e  Cé/ie,  dans  le  réfectoire  du  couvent  des  dominicains, 
à  Milan.  Le  musée  du  Louvre  a  de  lui  neuf  tableaux,  entre  autres  les  por- 
traits de  Charles  VIII  et  de  Lésa  del  Giocondo  (la  Joconde), 

La  rue  Pierre-Charron  n'appartient  au  XVI"  arrondissement  que  sur  une 

^i)  Voir  la  biographie  de   Duban  par  M.    Ducrcu/.el  cl  l'arliclc  tlo   Mme   Chocliod* 
Lavergne,  pp.  rjt3  à  126  du  III<:  volume  du  Bulleiin» 


1  l6  HISTOIRE    DU    XVi''   ARRONDISSEMENT 

faible  partie  de  sa  longueur,  entre  Tavenue  Marceau  et  la  place  d'Iéna.  Elle 
se  nommait,  en  1849,  «  rue  de  TUnion  »,  et  formait  le  prolongement  de  la 
«  rue  d'Angoulôme-Saint-Honoré  »  (aujourd'hui  rue  de  la  Boëtie),  qui  avait 
été  concédée  par  lettres  patentes  au  comte  d'Artois  et  dont  les  alignements 
avaient  été  fixés,  le  ^i  novembre  1778,  par  le  bureau  de  la  Ville.  Le  décret  du 
17  septembre  1861  prescrivit  l'élargissement  de  cette  rue  à  20  mètres  et 
d'autres  travaux  d'amélioration  du  quartier  de  (^haillot  (rue  de  Lubeck,  rue 
de  Magdebourg,  etc.).  Le  traité  passé  entre  la  Ville  et  la  Société  Thome  et  G'®, 
pour  l'exécution  de  ces  travaux,  fut  approuvé  le  17  mai  1864.  Le  décret  du 
"1  octobre  1865  donna  à  la  voie  élargie  le  nom  de  «  rue  Morny  ».  Enfin,  le 
décret  du  25  janvier  1879  lui  assigna  sa  dénomination  actuelle,  en  l'honneur 
de  Pierre  Charron  (1.j41-16()3),  fils  d'un  libraire  de  Paris  qui  eut  vingt-cinq 
enfants;  il  fut  d'abord  avocat,  puis  entra  dans  les  ordres  ;  ce  moraliste  a  repro- 
duit, dans  son  Traité  de  la  Sagesse,  les  idées  de  Montaigne,  dont  il  était 
l'ami  (1). 

En  1898,  le  pavage  en  pierre  de  la  partie  de  la  rue  Pierre-Charron  com- 
prise entre  la  place  d'iéna  et  la  rue  Brignole  a  été  converti  en  pavage 
en  bois. 

L'hôtel  du  ministre  de  la  république  du  Chili  se  trouve  aux  n"*  18  et  20, 
celui  du  ministre  du  royaume  de  Danemark  au  n°  27  de  la  rue  Pierre- 
Charron. 

La  mlla  Aimée  est  une  voie  privée  qui  a  été  fondée,  en  1850,  par  M.  Bar, 
au  n"  29  de  la  rue  de  la  Tour;  sa  moindre  largeur  est  de  5  mètres. 

Le  propriétaire  d'une  voie  privée  peut  lui  donner  un  nom  de  fantaisie  : 
l'administration  ne  prescrit  de  changer  ce  nom  que  dans  le  cas  où  il  serait 
de  nature  à  créer  des  confusions  et  à  faciliter  des  erreurs. 


(i)  On  a  adopté,  pour  une  partie  de  ce  ((uartier,  des  noms  de  moralisteR  :  rue  de  la 
Boëtie,  avenue  Montaigne,  rue  Pierre-Charron. 

La  longueur  de  la  voie  sous-minée,  rue  Pierre-Charron,  entre  la  place  d'ïéna  et  le 
n*  12,  est  de  169  mètres  ;  il  s'est  produit  de  nombreux  fontis.  A  l'angle  de  la  rue  de 
Lubeck  la  distance  du  sol  au  ciel  de  la  carrière  est  de  4™>^;  la  hauteur  de  la  galerie 
d'exploil/ition  est  de  2»,()o. 


Rues  ouvertes  de  1851  à  1901, 
dans  les  quartiers  de  Chaillot,  de  la  Muette 

et  de  la  Porte-Dauphine. 


L'élablissement  de  nombreuses  lignes  de  chemins  de  fer  aboutissant  à  Paris 
devait  donner  aux  travaux  de  percement  de  rues  nouvelles  une  impulsion 
très  vive,  par  suite  de  l'accroissement  de  la  population,  de  la  circulation  pu- 
blique et  du  mouvement  des  affaires.  Mais,  comme  les  événements  de  l8iS 
apportèrent  un  arrêt  brusque  au  développement  des  travaux,  ce  n'est 
qu'en  i8:i!2  que  commence  l'ère  de  la  transformation  radicale  de  Passy  et 
d'Auteuil,  due  principalement  à  la  direction  du  baron  Haussmann,  préfet  de 
lu  Seine,  et  de  l'inspecteur  général  des  ponts  et  chaussées  Alphand,  qui  a 
Iracé  d'une  manière  magistrale  les  grandes  avenues  du  XVI"  arrondis- 
sement (I). 

Dès  le  commencement  de  cette  période,  la  situation  de  cet  arrondissement 
s'est  trouvée  heureusement  modifiée  par  l'ouverture  du  chemin  de  fer  d'Au- 
teuil  et  par  les  embellissements  du  bois  de  Boulogne. 

Le  boulevard  Deauséjoiir,  qu'on  avait  proposé  de  dénommer  «  boulevard 
Alphand  »>,  parce  qu'Alphand  l'a  habité  pendant  plus  de  trente  ans,  longe  le 
chemin  de  fer  d'Auteuil  depuis  la  chaussée  de  la  Muette  (station  de  Passy) 
jusqu'à  la  rue  de  l'Assomption  (limite  de  Passy  et  d'Auteuil).  Ce  boulevard  a 
remplacé  un  chemin  de  ronde  du  bois  de  Boulogne,  que  le  plan  cadastral 
de  1847  indiquait  encore  sous  le  nom  de  «  route  de  ronde  à  Auteuil  »>.  Autrefois, 
quand  on  entrait  dans  le  bois  de  Boulogne  par  la  grille  de  Passy,  on  voyj?it  à 
gauche  le  parc  de  Beauséjour  renfermant,  au  milieu  de  beaux  arbres  séculaires 
et  de  vastes  pelouses,  des  chalets,  cottages  et  pavillons  isolés,  construits  sur 
remplacement  d'anciennes  écuries  du  roi  [1),  Le  Père  Lachaise,  célèbre  jésuite, 
avant  dernier  confesseur  de  Louis  XIV,  y  eut  un  pied-à-terre.  On  y  avait 
établi  ensuite  une  hôtellerie.  Mme  Récamier  habita,  sous  le  premier  Empire, 

(i)  Voir  aux  pp.  ^06  ei  s.  des  annexes  les  extraits  des  Mémoires  du  baron  Haussmnnn, 
communiqués  par  M.  Emile  l^otin.  Le  Supplémenl  du  Petit  Journal  (i3  juillet  1884;  contient 
un  article  Fur  M.  Alphand. 

(2)  Laurent  de  Jussicu  y  planta  un  arbre  de  Judée,  Chateaubriand  y   travailla  h  ses 
mémoires;  J.-J.  Ampère  y  résidait  en  même  temps  que  la  princesse  de  Liéven  •  Rossini 
y  donna  ses  premières  soirées  musicales  ;  Téditeur  Heujj^el  aimait  A  y  réunir  les  célé- 
brités artistiques. 


I  l8  lUSTOlHE    DL"    XVI"   AURONDISSF.MENT 

un  pavillon  dépendant  du  château  de  la  Muette  et  situé  dans  le  parc  de  Beau- 
séjour  ;  elle  y  recevait  (Chateaubriand.  Rossini  eut,  vers  1829,  une  habitation 
de  plaisance  au  roQil-poiot  du  parc  de  Beauséjour;  c'est  à  Passy  qu'il  a 
composé  en  partie  Guillaume  Tell.  La  princesse  de  Talleyrand,  la   priDcesse 


de  Liéven,  la  marquise  d'Agiiesseau  ont  occupé  des  pavillons  de  ce  parc,  qui 
avait  une  superricie  de  2  hectares  59  ares  et  19  centiares,  et  qui  était  limité 
par  le  chemin  de  ronde  dénommé  aciuellement  boulevard  Beauséjour,  par 
le  sentier  du  Calvaire  et  diverses  propriétés.  Il  a  été  coupé  par  le  percement 
de  la  rue  Mozart. 

Far  délibération  du  '■2H  janvier  IKia,  le  conseil  municipal  de  Paris  demanda 
que  la  mise  en  état  de  viabilité  du  boulevard  lîeauséjour  fût  à  la  charge 
de  la  Compagnie  du  chemin  de  fer  de  Paris  à  Saint-Germain  (aujourd'hui 
Compagnie  des  chemins  de  fer  de  l'Ouest),  concessionnaire  delà //^ne  de  Paris 


LK    BOIS    DK    BOrLOGNE  II9 

à  Auieuil,  en  vertu  du  décret  du  18  août  1852.  Cette  délibération  fut  approuvée 
par  une  décision  du  ministre  des  Travaux  publics  du  18  mars  de  la  même 
année.  En  1856,  la  Ville  a  vendu  aux  riverains  du  boulevard  Beauséjour  une 
zone  de  terrains  situés  au-devant  de  leurs  immeubles,  avec  obligation  de  se 
clore  au  moyen  de  grilles  d'un  modèle  déterminé  et  de  cultiver  cette  zone  en 
jardins  d'agrément. 

Alphand,  directeur  général  des  travaux  de  Paris,  habita  depuis  1854  le 
premier  chalet  à  gauche  de  la  villa  Beauséjour,  qui  a  son  entrée  au  n""  7  du 
boulevard  portant  le  même  nom;  il  mourut,  le  6  décembre  1891,  dans  cette 
propriété,  qui  est  occupée  encore  aujourd'hui  par  sa  famille. 

Pendant  plusieurs  siècles,  le  bois  de  Boulogne  (1)  a  été  aménagé,  de  même 
que  les  autres  forêts  de  la  couronne,  avec  de  larges  avenues  et  ronds-points 
ou  étoiles,  comme  on  en  rencontre  dans  tous  les  bois  ayant  également  dé- 
pendu des  chasses  du  roi.  La  loi  du  8  juillet  1852  céda  à  la  Ville  de  Paris  le 
bois  de  Boulogne,  sous  la  condition  de  consacrer  au  moins  deux  millions  à 
rerabellir,  le  Gouvernement  désirant  y  remplacer  les  allées  poudreuses  de 
l'ancienne  forêt  par  des  jardins  anglais.  Les  dépenses  d'aménagement  du  bois 
se  sont  élevées  à  16.206.252  francs  ;  mais  la  Ville  a  vendu  pour  10.401.484  francs 


(i)  Voir  dans  le  Bulletin  de  la  Société  historique  les  articles  suivants,  de  M.  Léopold 
Mar  :  «  Trois  Rencontres  au  bois  de  Boulogne  »,  p.  177  du  I«»  volume;  —au  III»  volume  : 
«  Un  Souper  du  Régent  à  Bagatelle»,  pp.  68  et  69;  —  «  Les  Emaux  du  château  de  Madrid  », 
pp.  71  et  72  ;  —  et  «  Une  Grande  Chasse  au  bois  de  Boulogne  »,  p.  168; 

ft  Le  Château  de  Madrid  »,  par  M.  le  comte  Fernand  de  l'Eglise,  pp.  129  à  i33  du 
II •  volume  ; 

1  Les  Souvenirs  anglais  sur  le  bois  de  Boulogne  »,  par  M.  Edmond  Wahl,  pp.  64  à  66 
du  Ifl«  volume; 

«  Les  Fôles  de  nuit  au  bois  de  Boulogne  »,  par  M.  Charles  Alphand,  petit-fils  du  direc- 
teur des  travaux  de  Paris,  p.  164  du  II !•  volume; 

«  Le  Troubadour  Catelan  »,  par  M.  Antoine  Guillois,  pp.  200  et  201  du  I»'  volume  ; 

Anciennes  inscriptions  de  la  pyramide  Catelan,  p.  20  du  III*  volume; 

Poésie  de  Mistral  sur  le  troubadour,  p.  21  du  III»  volume; 

Observations  sur  la  sécurité  au  bois  de  Boulogne,  pp.  187  et  206  du  III»  volume  ; 

«(  Les  trois  Chênes  du  bois  de  Boulogne  »,  par  M.  Tabariès  de  Grandsaignes,  p.  112 
du  II»  volume  ; 

«  La  Forêt  de  Rouvray  »,  par  M.  Gaston  Duchesne,  pp.  170  du  II»  et  8  du  III»  volume; 

u  Le  Bois  de  Boulogne  pendant  la  Révolution  »,  par  Mme  Chochod-Lavergne,pp.  21  à 
23;  —  «  La  Comédie  â  Bagatelle  »,  par  M.  le  D'  Chassagne,  avec  une  note  de  MmeChochod- 
Lavergne,  pp.  226  et  227;  —  «  Tué  par  les  fauves  »,  de  M.  Gaston  Duchesne, p.  199;  —et 
«  Anecdote  sur  Bagatelle  »,  par  M.  Lena,  p.  227  du  IIP  volume. 

Voir  également  l'article  publié  par  M.  Brau  de  Saint-Pol  Lias  dans  le  Monde  moderne 
de  juillet  1899,  et  un  article  du  Petit  Journal  du  17  juillet  1895. 

La  monographie  du  bois  de  Boulogne  pourra  faire  l'objet  d'un  ouvrage  spécial  ;  je  me 
bornerai  donc  ici  à  ajouter  aux  indications  données  ci-dessus  la  liste  suivante  de  livres 
publiés  au  sujet  du  bois  de  Boulogne  : 

Lettre  de  saint  Vincent  de  Paul  au  cardinal  de  Larochefoucauld,  sur  l'état  de  dépra- 
vation de  l'abbaye  de  Longchamp.  En  latin,  avec  la  traduction  française  et  des  notes  par 
Tabbé  Jean  de  Labourderie,  Paris,  Montardier,  1827; 

Vie  de  Mme  Isabelie,  sœur  de  saint  Louis^  fondatrice  de  l'abbaye  de  Longchamp,  par 
Danielo,  Paris,  1840; 

Le  bois  de  Boulogne,  précis  historique  et  littéraire,  par  Mme  Emilia  Telsatme,  Paris, 
imp.  A.  Delcambre,  i854; 

Notice  pittoresque  et  historique  sur  le  bois  de  Boulogne  et  ses  environs,  par  G.  I).,  chef 
de  bureau  à  la  préfecture  de  la  Seine,  Paris,  A.  FonUine,  iKx>; 

Le  liois  de  Boulogne  architectural,  awec  dessins,  par  Th.  Nequer,  Paris,  Coudri- 
lier,  1860; 

Paris-guide,  par  les  principaux  écrivains  et  artistes  de  la  France,  Paris,  Librairie 
Internationale,  1867  (voir  l'article  d'Amédée  Achard  sur  les  Champs-Elysées,  le  bois  de 
Boulogne,  Auteuil  et  Passy),  t.  II,  pp.  1228  à  i25o. 


t20  HISTOIRE   DU    XVr   ARRONDISSEMENT 

(le  terrains  et  a  reçu  de  l'État  une  subvention  de  4.110.313  francs,  ce  qui  a 
réduit  la  dépense  à  sa  charge  au  chiffre  de  3.(>04.i55  francs. 

Les  travaux  de  transformation  du  bois  de  lioulogne  ont  été  commencés  par 
rarchitecte  Mittorf,  membre  de  l'Inslitut,  avec  le  concours  du  jardinier  Varé. 
Ils  ont  été  repris  et  achevés  par  Alphand,  qui  est  l'auteur  du  plan  de  transfor- 
mation effectivement  réalisé  et  qui  a  été  heureusement  secondé  par  le  jar- 
dinier paysagiste  Barillet-Deschamps  (1). 

Le  projet  dressé,  à  la  lin  du  xix*'  siècle,  pour  l'éclairage  électrique  du  bois 
de  Boulogne,  supposait  qu'il  serait  exécuté  successivement  en  trois  lots  : 
1"  allée  des  fortifications  entre  les  portes  Maillot  et  Dauphine  et  parcours  de 
la  porte  Dauphine  à  Suresnes  ;  i"  allées  du  tour  du  lac  ;  routes  de  Saint  Cloud, 
de  la  Muette  à  Neuilly,  des  lacs  à  Passy  ;  3°  avenue  de  l'Hippodrome  et  partie 
de  l'avenue  de  la  Reine-Marguerite. 

Il  est  bien  regrettable  que  la  situation  des  crédits  n'ait  pas  encore  permis 
de  réaliser  ce  projet. 

La  rénovation  des  principaux  quartiers  de  Paris,  notamment  du 
XVl»*  arrondissement,  par  Alphand,  est  basée  sur  ce  qu'au  lieu  de  procéder  à 
des  percements  de  rues  isolément,  comme  on  l'avait  fait  jusqu'alors,  il  a 
arrêté,  d'après  des  vues  d'ensemble,  le  tracé  de  larges  avenues  et  de  nouveaux 
boulevards. 

La  première  avenue  ainsi  créée  fut  celle  du  Bois  de  Boulogne,  Le  décret  du 
2  mars  1864  lui  avait  donné  officiellement  le  nom  d'«  avenue  de  l'Impéra- 
trice »,  qu'elle  avait  déjà  reçu  en  fait,  depuis  sa  création.  Un  arrêté  du  maire 
de  Paris,  du  12  septembre  1870,  la  dénomma  «  avenue  Uhrich  »  (nom  du 
général  qui  commandait  Strasbourg  pendant  le  siège  de  cette  ville).  Elle  a 
reçu,  par  décret  du  10  février  1875,  sa  dénomination  actuelle. 

En  vue  de  faciliter  les  relations  entre  le  centre  de  Paris  et  le  bois  de  Bou- 
logne, le  gouvernement  décida,  par  décret  du  31  mars  1854,  la  rectification  et 
l'élargissement  de  la  route  départementale  n°  4  entre  les  abords  de  la  place 
de  l'Étoile  (2)  et  la  porte  Dauphine,  ainsi  que,  par  décret  du  13  août  de  la 
même  année,  l'ouverture  de  la  nouvelle  voie  (3)  sur  une  longueur  de  90  mètres 


(i)  I/ouvrage  qui  a  été  pul)lic  sur  la  généralité  de  Paris  (divisée  en  ses  vingt- 
deux  élections),  le  4  septembre  1708,  et  dont  un  résumé  a  été  communiqué  à  la 
Société  historique  par  son  secrétaire  général,  M.  Emile  Potin,  indique  pour  le  bois  de 
Boulogne  une  superficie,  «  tant  en  bois  planté  que  places  vuides  ou  remplies  de  bAti- 
ments  »,  qui  équivaut  à  678  hectares.  Il  est  dit  dans  cet  ouvrage  que  le  bois  cstu  renfermé 
de  murailles  »,  que  les  religieuses  de  Longchamp  y  possédaient  anciennement  80  hec- 
tares, qui  ont  été  réunis  au  corps  du  bois  par  arrêt  du  conseil  du  18  mai  1679  et  qu'un 
arrêt  du  même  conseil  du  ay  avril  i68y  a  ordonné  que,  pour  indemniser  les  religieuses 
de  cette  réunion  et  pour  leur  racheter  leurs  droits  d'usage  et  de  pAlurage,  il  leur  serait 
fait  fonds  annuellement  de  2.400  livres. 

La  superficie  du  bois  de  Boulogne  est  actuellement  de  848  hectares,  dont  876  en  forêt, 
19.3  en  gazons,  jardins  et  maisons,  129  en  routes  et  sentiers,  121  en  concessions  diverses 
et  29  en  eaux.  La  longueur  des  routes,  allées  et  sentiers  est  de  iCo  kilomètres,  et  celle 
des  ruisseaux  de  12  kilomètres.  L'alimentation  des  lacs  et  des  cascades  consomme  envi- 
ron 8(X)  mètres  cubes  d'eau  par  jour. 

Les  locations,  concessions  et  recettes  diverses  procurent  un  revenu  annuel  d'environ 
6oo.o(X)  francs,  un  [>eu  supérieur  aux  dépenses  annuelles  d'entretien. 

Voir  à  la  page  9  du  IIP  volume  du  liullefin  une  note  de  M.  Tabariès  de  Grandsaignes 
sur  d'anciens  plans  du  bois  de  Boulogne. 

(2)  Pour  la  place  de  l'Etoile,  voir  page  76. 

(3)  Les  travaux  d'ouverture  de  l'avenue  du  Bois-de-Boulogne  ont  été  commencés  par 
le  service  des  routes  départementales  de  la  Seine  ;  ils  ont  été  continués  et  terminés  par 


AVENUE   DU    BOIS-DE-BOULOGNE  J21 

à  partir  de  la  place  de  l'Étoile,  qui  se  trouvait  alors  en  dehors  de  l'enceinte 
de  Paris.  On  a  créé  ainsi  une  grande  voie  dont  la  largeur  est  de  iO  mètres  au 
débouché  de  la  place  de  TKtoile,  sur  une  longueur  de  90  mètres  ;  au-delà  et 
jusqu'à  la  porte  Dauphine,  la  largeur  est  de  140  mètres  (1).  Une  zone  de  servi 
tude  non  œdi/icandi  est  réservée  sur  10  mètres  de  largeur,  de  chaque  côté  de 
Tavenue,  sur  les  terrains  qui  avaient  été  expropriés  par  la  Ville  ;  aucun  genre 
de  commerce  ou  d'industrie  ne  peut  y  être  exercé  (2).  L'ouverture  de  l'avenue 
du  Bois-de-Boulogne  était  comprise  dans  les  travaux  à  faire  suivant  le  traité 
conclu  le  18  mai  1858  entre  l'État  et  la  Ville  de  Paris,  en  vue  de  la  réalisation 
d'une  série  d'opérations  de  voirie.  Les  dépenses  d'établissement  de  cette 
avenue  se  sont  élevées  à  54:2.991  francs,  dont  moitié  à  la  charge  du  départe- 
ment de  la  Seine,  attendu  que  l'avenue  se  trouvait  alors  en  dehors  du  mur 
d'enceinte  de  Paris  et  faisait  partie  de  la  route  départementale  n''  4;  en  outre, 
la  Ville  de  Paris  a  dépensé  une  somme  de  105.0(X)  francs  pour  l'élargissement 
du  pont  du  chemin  de  fer  d'Auteuil,  les  semis  et  plantations  de  l'avenue  et  le 
drainage  de  l'allée  des  cavaliers. 

Le  percement  de  l'fivenue  du  Bois-de  Boulogne  a  supprimé  la  rue  An- 
dréine,  la  rue  des  Vernis  et  une  partie  de  la  rue  de  la  Pelouse.  11  a  coupé 
les  rues  de  Bellevue  (rues  Chalgrin  et  de  Traktir),  des  Bouchers  (Chalgrin),  de 
Villejust,  Leroux,  l'avenue  de  Saint  Denis  (avenue  Malakofï),  les  rues  du 
Petit-Parc  (Spontini  et  Pergolèse),  de  la  Pompe,  Picot,  de  la  Faisanderie  et 
l'avenue  Bugeaud. 

Le  n''  "11  de  l'avenue  du  Bois-de-Boulogne  a  été  habité  par  l'économiste 
Michel  Chevalier,  de  1862  à  1879,  et  le  n«  64,  près  la  villa  Saïd,  par  Jean-Hip- 
polyle-Auguste  Delaunay  de  Villemessnnt  (ce  dernier  nom  était  celui  de  sa 
mère),  qui  a  fondé  le  Figaro  et  plusieurs  autres  journaux,  est  né  en  1812  et 
mourut  en  1879,  à  sa  villa  de  Monte-Carlo  ;  il  avait  habité,  en  1853,  une  villa 
de  la  rue  Boileau  et  conserva  sa  maison  de  l'avenue  du  Bois-de-Boulogne 
depuis  1872  jusqu'à  sa  mort  ;  il  a  été  inhumé  au  cimetière  d'Auteuil  (3). 

C'est  à  lavenue  du  Bois  de-Boulogne  que  se  trouve  l'hùtel  qui  a  été  légué 
par  le  I)*^  Evans  à  la  ville  de  Philadelphie  et  qui  a  été  loué  et  aménagé  par 
rÉtat  pour  y  loger  des  souverains  pendant  l'Exposition  universelle  de  1900  ; 
c'est  en  sortant  en  voiture  de  cet  hôtel  que  le  shah  de  Perse  a  failli  être 
victime  d'un  attentat. 

Le  public  sera  bientôt  admis  à  visiter,  au  n°  59  de  l'avenue  du  Bois  de- 
Boulogne,  les  magnifiques  collections  de  l'hôtel  où  le  célèbre  auteur  drama- 
tique Dennery  est  mort  à  l'âge  de  quatre-vingt  sept  ans  et  où  Mme  Dennery 
avait  rassemblé  un  très  grand  nombre  d'objets  d'art  japonais  ;  ce  musée,  dont 
M.  Deshayes  est  l'érudit  et  aimable  conservateur,  permettra  d'apprécier  non 
seulement  les  arts,  mais  encore  Thistoire  du  Japon. 

le  fservice  des  promenades  et  plantations  de  Paris,  sous  la  direction  d  Alphand,  de 
MM.  Fontaine  et  Darcel,  ingénieurs  des  ponts  et  chaussc^es,  et  de  M.  Lalo,  conducteur 
chef  de  section. 

(1)  Cette  largeur  de  120  mètres  comprend  une  chaussée  centrale  de  16  mètres,  deux 
allées  latérales  de  12  mètres  chacune,  deux  larges  zones  gazonnées  et  plantées  d'arbustes, 
eniln  deux  chaussées  ayant  chacune  9  mètres  de  largeur  et  longeant  les  grilles  des 
propriétés  riveraines. 

i'2)  Voir  aux  annexes  (pp.  4i3  et  s.)  la  loi  du  22  juin  iSr>4  et  le  décret  du  i3  août  de  la 
même  année  concernant  la  place  de  l'Etoile  et  Tavenue  du  Bois-de-Boulogne. 

1,3)  Voir  les  pages  93_et  ^  du  tome  IV  du  Bulletin. 


122  HISTOIltE   DU   XVl"   ARRONDISSEMENT 

A  Tangle  de  l'avenue  du  Bois-de- Boulogne,  de  la  rue  Duret  et  de  l'avenue 
Malakofi,  n""  124,  rarchitecte  Sanson  a  élevé  un  palais  pour  le  comte  Boni  de 
Castellane  (1).  lise  compose  d'un  grand  corps  de  logis  principal  à  un  étage 
sur  rez-de  chaussée  et  de  deux  ailes  semblables,  en  retour  d'équerre,  le  tout 
garni  de  hautes  fenêtres  cintrées,  reliées  entre  elles  par  des  pilastres  de 
marbre  rose.  Une  balustrade  court  tout  au  long  de  l'entablement  du  bâtiment. 

On  voit  au  n""  30,  à  Tangle  des  rues  Lesueur  et  Chalgrin,  un  hôtel  d'un 
bel  aspect  ;  au  n""  32,  un  hôtel  Renaissance,  édifié  en  i884  et  riche  d'ornemen- 
tations ;  et,  au  n"*  54,  un  grand  hôtel,  avec  large'  perron  tournant  et  riche 
balustrade  en  pierre  ;  un  fronton  cintré  couronne  le  milieu  du  bâtiment. 
L'hôtel  du  ministre  de  la  république  de  Saint-Marin  se  trouve  au  n""  44  de 
l'avenue  du  Bois-de-Boulogne. 

La  rue  de  Presbourg  constitue  une  partie  de  la  rue  circulaire,  créée  pour 
donner  des  accès  aux  hôtels  de  la  place  de  l'Étoile,  conformément  au  décret 
du  13  août  1854,  qui  a  réglé  la  belle  ordonnance  de  cette  place  et  de  ses  abords; 
ce  décret  a  assigné  à  cette  rue  une  largeur  de  21  mètres;  elle  a  été  tracée 
avec  des  rayons  de  160'",43  et  de  172"\42.  Le  décret  du  2  mars  1864  lui  a 
donné  sa  dénomination  actuelle,  en  mémoire  de  Presbourg,  ancienne  capi- 
tale de  la  Hongrie,  où  fut  signé,  le  26  décembre  1805,  le  traité  cédant  Venise 
et  une  partie  du  Tyrol  à  la  France  et  érigeant  la  Bavière  et  le  Wurtemberg 
en  royaumes. 

Georges  V,  dernier  roi  de  Hanovre,  né  en  1819,  à  qui  son  infortune  (con- 
quête de  son  royaume  par  la  Prusse)  noblement  supportée  et  son  infirmité 
(il  était  devenu  aveugle)  avaient  concilié  Testime  et  FaiTection  de  l'Europe, 
est  mort  le  12  juin  1878  dans  l'hôtel  n''  7  de  la  rue  de  Presbourg.  L'ambassade 
de  Turquie  se  trouve  dans  cette  rue,  au  n*"  10.  Coquelin  aîné,  l'acteur  célèbre, 
demeure  au  n**  6. 

Parmi  les  grands  percements  qui  ont  été  exécutés  dans  le  XVl**  arrondis- 
sement, sous  le  second  Empire,  celui  de  l'avenue  du  Bois-de-BouIogne  est  le 
seul  qui  ait  été  terminé  avant  Tannexion  des  communes  suburbaines,  pro- 
noncée par  la  loi  du  16  juin  1859.  Les  avenues  portant  actuellement  les  noms 
de  Marceau,  Trocadéro,  Henri-Martin,  léna  et  Kléber  ont  été  décrétées  en 
1858.  Pour  suivre  l'ordre  chronologique,  je  ne  parlerai  de  ces  avenues  qu'après 
avoir  mentionné  les  rues  ouvertes  de  1854  à  1838. 

La  villa  Saïd,  impasse  ayant  son  entrée  n**  56  de  l'avenue  du  Boîs-de-Bou- 
logne,  et  barrée,  à  l'autre  extrémité,  par  le  chemin  de  fer  d'Auteuil,  a  été  fon- 
dée en  1854,  avec  une  largeur  de  7^,50,  par  M.  Hardon,  un  des  entrepreneurs 
des  travaux  de  construction  du  canal  de  Suez.  Le  nom  de  cette  villa,  qui  est 
plantée  d'arbres,  rappelle  celui  de  Port-Saïd,  par  lequel  le  canal  de  Suez 
débouche  sur  la  Méditerranée,  ou  celui  de  Saïd  Pacha  (1822  1863),  khédive 
d'Egypte  (Saïd  est  le  nom  que  les  Arabes  donnent  à  la  Haute-Egypte).  Paul 
Dalloz,  directeur  du  Moniteur  universel,  du  Monde  illustré,  etc.,  mourut  en 
1887,  dans  son  hôtel  de  la  villa  Saïd,  n**  1.  Anatole  Fran;:e,  de  l'Académie 
française,  demeure  au  n""  6. 

La  villa  Dupont,  ainsi  dénommée  par  l'arrêté  du  l '^  février  1877,  est  une 
voie  privée,  en  impasse,  qui  aboutit  à  la  rue  Pergolèso  et  a  été  créée  en  1854, 

(i)  Mme  la  comtesse  Boni  de  Castellane  a  donné  un  million  pour  rôdiflcation  de  Thôtel 
de  la  Charité,  rue  Pierre-Charron  (VIII«  arrondissement). 


PARC   GUICHARD  123 

SOUS  le  nom  de  cité  Dupont,  avec  une  largeur  de  4  mètres,  par  M.  Dupont, 
propriétaire  des  terrains. 

La  rue  Marbeau,  qui  est  voisine  de  la  villa  Dupont  et  aboutit  également  à 
la  rue  Pergolèse,  a  été  ouverte,  en  1854,  par  M.  Dupont,  sur  des  terrains  ayant 
appartenu  à  M.  Marbeau,  trésorier  général  honoraire  des  Invalides  et  père 
du  fondateur  des  crèches. 

La  villa  du  Redan,  qui  débouche  sur  l'avenue  Malakof!,  près  des  fortifi- 
cations, est  une  voie  privée,  de  G^jSO  de  largeur,  fondée  en  1854  par  M.  Cessard, 
propriétaire  des  terrains,  qui,  à  l'occasion  du  mariage  de  l'impératrice,  lui 
donna  le  nom  de  «  villa  Eugénie  ».  L'arrêté  préfectoral  du  1*"^  février  1877  lui 
a  donné  sa  dénomination  actuelle,  en  raison  du  voisinage  du  redan  de  la  porte 
Maillot. 

Le  6oa/et;ardi?mi7e-i4 Méfier  doit  son  nom  au  membre  de  l'Académie  fran- 
çaise (1820-1889),  auteur  de  tant  de  pièces  de  théâtre  qui  ont  eu  le  plus  grand 
succès.  Comme  il  était  très  modeste,  il  disait  :  «  Je  suis  né  en  18i0  et,  depuis, 
il  ne  m'est  rien  arrivé.  »  La  partie  de  ce  boulevard  qui  se  trouve  auprès  du 
château  de  la  Muette  a  été  exécutée  en  1854  et  est  restée  fort  longtemps  à 
l'état  d'amorce,  n'ayant  que  250  mètres  de  longueur.  L'achèvement  de  ce 
boulevard  a  coïncidé  avec  celui  de  la  ligne  de  chemin  de  fer  qu'il  suit  parallè- 
lement. On  avait  d'ailleurs  réuni,  en  1890,  au  boulevard  Émile-Augier,  le 
<*  boulevard  Flandrin  prolongé  »,  qui  formait  impasse  sur  une  longueur  de 
50  mètres,  à  partir  de  l'avenue  Henri-Martin,  à  gauche  du  chemin  de  fer.  Ces 
deux  tronçons  ont  été  réunis  grâce  aux  travaux  (1)  exécutés  de  décembre  1898 
à  juillet  1900;  maintenant,  le  boulevard  Émile-Augier  constitue  une  voie  con- 
tinue, longeant  le  chemin  de  fer  d'Auteuil  depuis  la  chaussée  de  la  Muette 
jusqu'à  l'avenue  Henri-Martin. 

La  rue  Rude  a  été  ouverte  en  1854,  lors  du  percement  de  l'avenue  du  Bois- 
de-Boulogne,  sur  des  terrains  appartenant  à  la  Ville  et  provenant  de  lancien 
promenoir  ou  pelouse  de  l'Étoile.  On  Ta  d'abord  appelée  «  rue  Neuve  ».  Le 
décret  du  2  mars' 1807  lui  a  donné  sa  dénomination  actuelle  en  l'honneur  du 
sculpteur  François  Rude  (1784-1855),  grand  prix  de  Rome  en  1808.  11  avait 
commencé  par  être  poôlier-fumiste  ;  on  lui  doit  le  Jeune  Pêcheur  napolitain, 
la  statue  en  bronze  de  Gode^froi  Cavaignac  au  cimetière  Montmartre  et  le 
fameux  bas-relief  de  l'arc  de  l'Étoile,  intitulé  le  Dépari,  ou  la  Marseillaise 
conduisant  les  soldats  français  au  combat.  Un  autographe  de  Rude  porte  : 
o  Je  crois  cette  fois  avoir  réussi,  car  il  y  a  là  dedans  quelque  chose  qui  me 
fait  passer  à  moi-môme  chaud  et  froid  dans  Tûme  :  nos  guerriers  courent 
à  la  défense  de  la  patrie  et  non  à  la  gloire.  » 

Le  vice -amiral  comte  d'Estaing  (2),  né  en  1729,  avait  rue  de  Passy  un  hôtel, 
qui  était  surtout  remarquable  par  l'étendue  et  la  beauté  de  son  parc.  Il 
slllustra  par  ses  campagnes  de  1778  et  1780,  battit  la  flotte  anglaise  près  Sainte- 
Lucie  et  prit  la  Grenade;  il  fut  exécuté    sous  la  Terreur,  le  28  avril  1794. 

Le  parc  de  l'hôtel  d'Estaing  (3),  qui^a  été  nommé  ensuite  parc  Guichard, 

[i)  Ces  travaux  de  voirie  ont  Hé  dirigés  par  M.  l'inspecteur  général  Boreux  et  par 
MM.  les  ingénieurs  Babinet  et  Bret. 

(>}  Voir  aux  annexes  (p.  4ao)  l'article  do  M.Antoine  Guillois,  intitulé  :  «  L'Amiral  d'Estaing 
è  Passy  et  à  Sainte-Pélagie  ». 

(3}  M.  de  Riancey  a  occupé  le  premier  étage  de  l'hôtel  d'Estaing,  depuis  i848  jusqu'à 
Aa  démolition. 


124  HISTOIRE    nu   XVI'   ARRONDISSEMENT 

avRii  une  superficie  de  ±t  arpents  et  s'étendait  depuis  la  rue  Desbordes- 
Valmure  jusqu'à  la  rue  île  Pcissy  ;  il  possédiiit  de  lieaux  mouvements  de  ter- 
rain et  un  délicieux  pavillon  Louis  XV.  (lette  vasic  propriété  passa  entre  les 
mains  de  M.  Uuicliard,  ancien  avocat  à  la  Cour  de  cassation  et  aux  conseils 
du  roi,  avocat  de  la  liste  civile  sous  la  Hestauration  et  auteur  de  plusieurs 
ouvrages  très  estimés. 

On  avait  établi,  vers  la  fin  du  gouvernemeni  du  roi  Louis-Pbilipe,  les  plans 
des  rues  à  percer  dans  le  parc  (ïuichard,  pour  vendre  avantageusement  les 


terrains;  mais  M.  Ouicbard  tenait  à  ce  que,  de  son  vivant,  sa  propriété,  qu'il 
babitait,  fût  conservée.  11  mourut  à  lilgu  de  quatre-vingt-cinq  ans.  et  son  iils 
céda,  en  185i,  le  parc  fiuicbard  k  une  compagnie  qui  était  représenlée  par 
M.  (luibert,  propriétaire,  demeurant  rue  de  la  Tour,  n"  (13,  alors  membre 
du  conseil  municipal  de  Passy;  il  fit  percer  ù  travers  le  parc  Ouicbard, 
indépendamment  de  la  place  Possoz,  six  rues  de  10  mètres  de  largeur,  savoir  : 
la  rue  Guichard.  la  rue  SaiQt-lli|ipolyte  (aujourd'hui  Cortambert),  la  rue 
Sainte-Claire  (rue  Faustin-llélie),  la  rue  Saint-Georges  (rue  Uelaroche),  la  rue 
Saint-Pierre  (rue  Nicolo)  et  la  rue  Notre-Dame  (rue  Desbordes-Valmore).  La 
réception  de  ces  nouvelles  voies,  d'abord  ajournée  par  suite  d'un  vote  du  17  fé- 
vrier 18oti,  fut  prononcée  par  une  délibération  du  conseil  municipal  de  Passy 


PLACE    POSSOZ  125 

en  date  du  5  décembre  1858.  Il  résulte  de  cette  délibération,  pour  laquelle 
M.  Guibert  s  était  abstenu  de  voter,  que  les  rues  du  parc  Guichard  avaient 
été  dès  1854  assainies  par  des  égouts,  qu'elles  étaient  nivelées  avec  les  rues 
adjacentes,  garnies  de  caniveaux  pavés,  trottoirs  et  appareils  d'éclairage.  En 
conséquence,  ces  rues,  établies  par  la  Société  civile  formée  entre  MM.  Gui- 
chard, Guibert  et  Lesar,  ont  été  remises  à  la  commune  de  Passy,  pour  être 
entretenues  par  elle,  et  classées  comme  voies  publiques. 

La  «  rue  Sainte-Claire  »  avait  été  ainsi  nommée  parce  que  Mme  Ohnet, 
dont  le  mari  était  l'architecte  de  la  compagnie  du  parc  Guichard,  portait  le 
prénom  de  Claire.  Le  décret  du  3  décembre  1885  a  donné  à  cette  rue  le  nom 
du  jurisconsulte  Fausiin  Ilëlie  (1701)-188i),  qui  a  habité  la  rue  Singer  de  185Î) 
à  1879,  et  ensuite  l'hôtel  n°  18  de  la  rue  Desbordes-Valmore  jusqu'à  sa  mort, 
survenue  en  1884.  Faustin  Hélie  a  été  président  de  la  Cour  de  cassation;  sa 
théorie  du  Code  pénal  et  son  traité  d'Instruction  criminelle  font  autorité. 

La  rue  Delaroche  (nommée  précédemment  «  rue  Saint-(ieorges  »,  en  raison 
du  prénom  d'un  des  cointéressés  de  M.  Guibert)  a  reçu  son  nom,  le  21  août 
1864,  en  l'honneur  du  peintre  Hippolyte,  dit  Paul  Delaroche  (1797-1856), 
membre  de  l'Institut,  qui  a  décoré  l'hémicycle  du  palais  des  Beaux  Arts. 

La  rue  Desbordes-Valmore  (i),  nommée  précédemment  rue  Notre  Dame, 
parce  que  l'église  de  Passy  a  été  consacrée  sous  le  vocable  de  Notre-Dame-de- 
(irâce,  a  été  ouverte,  comme  les  rues  précédentes,  en  1851,  sur  les  terrains  de 
Tancien  parc  Guichard.  Elle  a  reçu  son  nom  actuel,  par  décret  du  24  août  1864, 
en  l'honneur  de  Marceline  Desbordes,  dame  Valmore  (1786-1859),  qui  a  publié 
des  romances,  contes  en  vers;  élégies  et  autres  poésies,  A  celles  qui  pleurent,  la 
Veillée,  etc.  —  Il  résulte  de  conventions  acceptées  par  les  propriétaires 
qu'une  servitude  non  allias  lollendi  limite,  sauf  pour  les  maisons  d'angle,  la 
hauteur  des  constructions  sur  le  côté  droit  de  la  rue  Desbordes-Valmore, 
entre  les  rues  de  la  Tour  et  Nicolo,  ce  qui  conservera  aux  numéros  pairs  de 
cette  section  leur  caractère  d'élégants  petits  hùtels. 

hà  place  Possoz,  qui  a  45  mètres  sur  35,  doit  son  nom  à  Jean-Frédéric 
Possoz  (1797-1875),  qui  a  été  maire  de  Passy  sous  la  monarchie  de  Juillet  (2), 
ainsi  que  pendant  les  premières  années  de  l'empire  jusqu'à  l'annexion.  11 
résulte  d'une  lettre  de  M.  Guibert,  administrateur  de  la  Société  des  terrains 
de  l'ancien  parc  Guichard,  que  cette  Société  avait  résolu  de  donner  à  cette 
place  le  nom  du  maire  Possoz,  sans  l'en  prévenir.  M.  Possoz,  dernier  maire 
de  Passy,  s'y  était  fixé  en  1827;  il  fut  maire  de  183i  à  1848  et  membre  du 
conseil  général  de  la  Seine  pendant  le  même  temps;  réintégré  comme 
conseiller  général  en  1849  et  comme  maire  de  Passy  en  1852,  il  fut,-  jusqu'en 
1870,  le  doyen  du  conseil  général  de  la  Seine. 

On  voit,  sur  deux  côtés  de  la  place  Possoz  (d'une  part,  entre  les  rues  Cor- 
tambert  et  Delaroche;  d'autre  part,  entre  les  rues  Faustin-Hélie  et  Guichard), 
des  parties  non  bâties  qui  constituent  des  amorces  de  la  voie  projetée  pour 
relier  directement  la  place  du  Trocadéro  à  la  rue  Mozart  et  à  la  chaussée  de 
la  Muette  ;  cette  voie,  projetée  dès  le  second  Empire,  n'a  pas  été  exécutée. 

1/  La  voie  sous-minéc  a  été  consolidée  en  i&'iG,  sur  50  mètres  de  longueur;  devant  le 
n»  6,  la  distance  du  sol  au  ciel  de  la  carrière  est  de  8™,3o  et  la  hauteur  de  la  fçalerie 
4'exploitaUon  est  de  3",5o. 

12   Voir  aux  annexes  (pp.  421  et  V^.3  )  les   biographies   de  MM.   Possoz   et  Dauvergne» 
mairef»  de  Passy. 


126  HISTOIRE    DU    XVl"    ARRONDISSEMENT 

Le  boulevard  Flandrin,  dans  l'axe  duquel  passe  le  chemin  de  fer,  s'est 
d'abord  nommé  «  boulevard  latéral  au  chemin  de  fer  d'Auleuil  «  ;  il  se 
compose,  en  eflet,  depuis  la  station  de  l'avenue  Henri-Martin  jusqu'à  la  rue 
Dufrénoy,  de  deux  voies  séparées  l'une  de  l'autre  par  la  voie  ferrée  ;  la  largeur 
entre  les  constructions  et  la  clôture  du  chemin  de  fer  est  de  12  mètres.  La 
partie  comprise  entre  la  rue  de  la  Tour  et  la  rue  du  Puits-Artésien  (rue  Dufré- 
noy) a  été  ouverte  par  la  Ville  de  Paris,  en  1856,  sur  des  terrains  désaffectés 
du  bois  de  Boulogne.  Le  côté  pair  a  été  ensuite  continué  depuis  la  rue  du 
Puits-Artésien  jusqu'à  la  rue  de  Longchamp  prolongée,  sur  un  terrain  appar- 
tenant à  M,  Théry,  au  moyen  d'un  échange  fait  entre  ce  propriétaire  et  la 
Ville,  en  1857.  Le  prolongement  entre  la  rue  de  Longchamp  et  la  rue  du 
Général-Appert  (1)  a  été  exécuté,  par  les  propriétaires  riverains,  comme  voie 
privée.  Du  côté  de  la  porte  Dauphine,  le  boulevard  Flandrin  avait  été  ouvert 
dès  la  création  de  la  station  du  chemin  de  fer,  dénommée  station  du  Bois-de- 
Boulogne  ;  mais  le  boulevard  est  resté  fort  longtemps  en  lacune,  aux  abords 
de  l'impasse  Cothenet,  ce  qui  réduisait  également  ces  deux  sections  du  côté 
pair  du  boulevard  Flandrin  à  l'état  d'impasses.  11  sera  bientôt  achevé,  puisque 
le  co])seil  municipal  de  Paris  a,  par  délibération  du  il  avril  1900,  autorisé  le 
préfet  de  la  Seine  à  acquérir,  moyennant  100.000  francs,  la  partie  de  l'im- 
meuble sis  impasse  Cothenet,  n°  12  bis,  d'une  superficie  de  486  mètres 
carrés,  nécessaire  pour  compléter,  sur  ce  point,  l'ouverture  du  boulevard 
Flandrin. 

Le  nom  actuel  de  ce  boulevard  lui  a  été  donné  par  décret  du  2  octobre  1865, 
en  l'honneur  d'Hippolyte  Flandrin  (1809-1864),  peintre  d'histoire,  élève 
d*Ingres,  grand  prix  de  Rome  en  1832.  On  lui  doit  la  vaste  frise  de  Saint- 
Vincent-de-Paul,  les  peintures  murales  du  château  du  duc  de  Luynes,  à 
Dampierre,  et  de  l'église  Saint-Germain-des-Prés.  Un  monument  lui  a  été 
élevé  dans  cette  église  :  «  A  Hippolyte  Flandrin,  ses  amis,  ses  élèves,  ses 
admirateurs  ;  —  enlevé  prématurément  aux  arts  qu'il  honorait  par  son 
caractère  et  son  talent.  » 

Les  glacières  du  bois  de  Boulogne  sont  établies  sur  le  côté  impair  du 
boulevard  Flandrin,  près  de  l'angle  de  la  rue  Dufrénoy.  Barthélémy  Saint- 
Hilaire  (1805-1895),  philosophe  et  helléniste  (2),  traducteur  d'Aristote  et  de 
VUiade,  secrétaire  général  de  la.  présidence  de  M.  Thiers,  sénateur,  que  la 
Société  historique  d'Auleuil  et  de  Passy  s'honorait  de  compter  parmi  ses 
membres,  habitait,  au  boulevard  Flandrin,  Thôtel  portant  le  n"  14. 

Un  décret  du  3  novembre  1856  autorisa  la  Ville  de  Paris  à  acquérir  de 
MM.  Théry  et  Duval  la  propriété  d'une  partie  du  chemin  ouvert  par  eux  sur 
leurs  terrains  pour  établir  une  communication  entre  l'avenue  d'Eylau  (avenue 
Victor-Hugo)  et  le  boulevard  latéral  au  chemin  de  fer  d'Auteuil.  Cette  acqui- 
sition fut  faite  en  1857,  par  contrat  notarié  des  10  et  20  mars;  la  nou- 
velle voie,  ayant  12  mètres  de  largeur,  fut  nommée  «  rue  du  Puils-Arlésien  »>, 
à  cause  du  voisinage  du  puits  artésien,  foré  de  1855  à  1863,  au  square  Lamar- 
tine. Vers  1860,  cette  rue  fut  prolongée  par  la  Ville  jusqu'au  boulevard  Lannes. 

(i)  La  partie  du  boulevard  Flandrin  située  aux  abords  de  la  rue  du  Gémirai -Appert  a 
été  mise  en  état  de  viabilité  en  1897.  La  longueur  de  la  voie  sous-minée  estde  i4  nièlres. 
Près  l'avenue  du  bois  de  Boulogne,  la  distance  du  sol  au  ciel  de  la  carrière  est  de  ii"',rx>; 
la  bauleur  de  la  galerie  d'exploitation  est  de  4  mètres. 

['ïj  Voir  aux  annexes  une  notice  historique  sur  Barthélémy  Saint-Ililaire,  p.  4*4. 


PONT   DE    LALMA  I27 

Le  décret  du  27  février  1867  a  donné  à  la  rue  du  Puîts-Artésîen  sa  dénomi- 
nation actuelle  de  rue  Dufrénoy,  en  l'honneur  de  Pierre-Armand  Dufrénoy 
(1792-1857),  inspecteur  général  des  mines,  qui  a  fait  avec  Élie  de  Beaumont, 
de  1823  à  1841,  la  carte  géologique  de  la  France.  Le  doublement  des  voies  du 
chemin  de  fer  a  exigé  la  reconstruction  du  pont  Dufrénoy,  achevée  de  février 
à  août  1900. 

La  rue  des  Bauches  était  autrefois  un  sentier  qui  traversait  le  lieu  dit  «  les 
Bauches  »  ;  il  résulte  des  délibérations  du  conseil  municipal  de  Passy,  en 
date  des  10  novembre  1845  et  11  décembre  1846,  que  ce  sentier  avait  alors 
2*,75  de  largeur,  que  c'était  une  voie  privée  fournie  par  les  propriétaires  rive- 
rains dans  rintérôt  de  l'exploitation  de  leurs  terres  qui,  encore  à  cette 
époque,  n*étaient  pas  bâties;  le  conseil  municipal  estimait  que  ce  sentier 
n  avait  aucun  caractère  d'utilité  communale.  11  a  été  successivement  élargi, 
au  moyen  d'abandons  de  terrains  consentis  par  les  propriétaires  riverains. 
L'arrêté  du  16  février  1856  a  fixé  pour  cette  rue  une  largeur  légale  de  8  mètres. 

L'avenue  Montespan,  qui  va  de  l'avenue  Victor-Hugo  à  la  rue  de  la  Pompe, 
a  été  formée,  en  1856,  par  Arsène  Houssaye  ;  c'est  une  voie  privée  de  7",50  de 
largeur,  fermée  pendant  la  nuit  à  ses  deux  extrémités  par  des  grilles.  Le  nom 
de  cette  avenue  rappelle  celui  de  Françoise-Athénaïs  de  Rochechouart,  qui 
épousa,  en  1663,  Henri-Louis  de  Pardaillan,  marquis  de  Montespan.  Arsène 
Houssaye,  à  qui  sa  galerie  de  portraits  du  xvni«  siècle  a  valu  la  décoration,  en 
1846,  a  été  administrateur  de  la  Comédie-Française  de  1849  à  1856. 11  a  publié 
beaucoup  d'ouvrages,  dont  plusieurs  se  ressentent  de  sa  prédilection  pour 
répoque  de  Louis  XIV  et  de  Louis  XV,  pour  ses  arts,  ses  mœurs  et  sa  littéra- 
ture, et  rappellent,  avec  beaucoup  d'esprit,  d'ailleurs,  les  grâces  raffinées  de 
ce  temps. 

La  rue  Bénouville^  qui  s'est  d'abord  appelée  «  rue  Chabrol  »,  a  été  ouverte 
en  1856,  avec  une  largeur  de  10  mètres,  sur  des  terrains  appartenant  à  M.  Cha- 
brol, architecte  du  Palais-Royal,  mort  en  1875,  et  à  M.  Marbeau,  fondateur  et 
président  jusqu'à  sa  mort  de  la  Société  des  crèches  (1).  Les  alignements  de 
cette  rue  ont  été  fixés  par  arrêté  du  16  décembre  1856.  Elle  a  reçu  sa  dénomi- 
nation actuelle,  par  décret  du  10  février  1875,  en  l'honneur  du  peintre  Fran- 
çois Léon  Bénouville  (1823-1859),  qui  obtint  le  grand  prix  à  l'École  des  Beaux- 
Arts,  sur  ce  sujet  :  Jésus  dans  le  Prétoire^  et  exposa,  en  1853,  une  grande  toile  : 
Saint  François-d* Assise  mourant;^  qui  a  été  achetée  par  le  musée  du  Luxem- 
bourg. Rue  de  Bénouville  se  trouve,  depuis  23  ans,  un  cirque  où  M.  Molier, 
UD  maître  en  dressage  et  en  haute  école,  donne  tous  les  ans,  sur  invitations, 
une  représentation  d'amateurs  du  grand  monde. 

Sur  la  rive  droite,  la  moitié  du  pont  de  l'Aima  appartient,  du  côté  d'amont, 
au  VIII«,  et  l'autre  moitié,  du  côté  d'aval,  au  XV1«  arrondissement.  Le  décret 
du  6  décembre  1854  a  décidé,  en  mémoire  de  la  victoire  remportée  le  20  sep- 
tembre de  la  même  année  (2)  par  l'armée  d'Orient,  en  Grimée,  la  construction 

(i)  M.  Marbeau  avait  acheté^  en  i844f  son  immeuble,  qui  tenait  d'un  côté  à  la  rue  de  la 
Faisanderie  (i63«»,56),  de  l'autre  à  la  rue  du  Petit-Parc,  actuellement  Spontini  (i52  mètres) 
à  gauche,  à  remplacement  de  la  rue  Chabrol,  actuellement  Bénouville  (io4",6o),  et,  à 
droite,  à  l'emplacement  de  la  rue  de  Longchamp  prolongée. 

(2)  LAlma  est  un  fleuve  de  Crimée  qui  se  jette  dans  la  mer  Noire,  entre  Sébastopol 
el  Eupatoria  ;  la  victoire  fut  remportée,  près  de  ce  fleUve,  par  le  maréchal  de  Saint- 
Arnaud  et  lord  Raglan,  à  la  tête  des  armées  française  el  anglaise,  sur  une  armée  russe, 
commandée  par  le  prince  MentschikofTé 


12^  HISTOIRE   DU  XVI'   ARRO^Dl.SSEHE^T 

avRit  une  superficie  de  -ii  arpents  et  s'étendHit  depuis  la  rue  Desbordes- 
Valniore  jusqu'à  la  rue  de  Passy;  il  possédait  de  beaux  mouvements  de  ter- 
rain et  un  délicieux  pavillon  Louis  XV.  ('ette  vasie  propriété  passa  entre  tes 
mains  de  M.  (iuicliard,  ancien  avocat  à  !a  Cour  de  cassation  et  aux  conseils 
du  roi,  avocat  de  la  liste  civile  sous  la  ItestauratioQ  et  auteur  de  plusieurs 
ouvrages  tn'^s  estimés. 

On  avait  établi,  vers  la  lin  du  gouvernemeni  du  roi  Louis-Pbilipe,  les  plans 
des  rues  à  percer  dans  le  parc  Guichard,  pour  vendre  avantageusement  les 


terrains;  mais  M,  Ciuicliard  tenait  à  ce  que,  de  son  vivant,  sa  propriété,  qu'il 
habitait,  fût  conservée.  Il  mourut  à  l'iigc  de  quatre-vingt-cinq  ans,  et  son  fils 
céda,  en  IHT,\,  le  parc  (luichard  à  une  compagnie  qui  était  représentée  par 
M.  (Juibert,  propriétaire,  demeurant  rue  de  la  Tour,  n°  ti3,  alors  membre 
du  conseil  municipal  de  l'assy;  il  lit  percer  à  travers  le  parc  Guichard, 
indépendamment  de  lu  place  Possoz,  six  rues  de  10  mètres  de  largeur,  savoir  ; 
la  rue  Guichard,  la  rue  Saint-lii|ipolyte  (aujourd'hui  (^ortanibert),  la  rue 
Sainte-Claire  (rue  Faustiu-1  lêlie),  la  rue  Saint-Georges  (rue  Delaroche),  la  rue 
Saint-Pierre  (rue  INicoIo)  et  la  rue  Notre-lJame  (rue  Desbordes-Valmore),  La 
réception  de  ces  nouvelles  voies,  d'abord  ajournée  par  suite  d'un  vote  du  17  fé- 
vrier I8âti,  lut  prononcée  par  une  délibération  du  conseil  municipal  de  Passy 


PLACE   DE    LALMA  I29 

leur  exceptionnelle  des  eaux  pendant  Thiver  de  185  i  à  1855  fit  obstacle  à 
rachèvement  du  pont  de  l'Aima  dans  le  délai  fixé.  La  circulation  y  fut  établie 
provisoirement  le  15  août  1855  ;  mais  des  mouvements  survenus  au  décintre- 
ment  retardèrent  Touverture  définitive  du  pont  jusqu'au  2  avril  1856,  jour  où 
il  livra  passage  au  cortège  impérial,  qui  se  rendait  au  Champ  de  Mars  pour  la 
remise  des  drapeaux  aux  régiments  revenus  de  la  campagne  de  Crimée. 
Toutefois,  le  pont  de  TAlma  ne  lut  entièrement  achevé  qu'en  1857. 

H  se  compose  de  trois  arches  elliptiques  ;  celles  de  rive  ont  38'",50  et  celle 
du  milieu  45  mètres  d'ouverture.  La  longueur  est  de  153  mètres  et  la  largeur 
de  ^  mètres  :  la  chaussée  est  de  14  mètres  et  les  deux  trottoirs  font  4  mètres 
chacun.  La  dépense  du  pont  proprement  dit,  qui  a  été  partagée  par  moitié 
entre  l'État  et  la  Ville  de  Paris,  s'est  élevée  à  1.(^20.000  francs. 

Les  quatre  statues  qui  décorent  les  avant-becs  et  arrière-becs  du  pont  sont 
en  pierre  dure  de  Chérences  et  ont  coûté  110.(X)0  francs.  (Chacune  d'elles 
représente  un  militaire  des  corps  de  l'armée  de  ligne  ayant  pris  part  à  la 
campagne  de  Crimée.  Les  statues  des  avant  becs  (un  zouave  et  un  soldat  de 
l'infanterie  de  ligue)  sont  dues  à  Diéboldt  ;  les  deux  autres  (un  artilleur  et  un 
chasseur  à  pied)  sont  d'Arnaud. 

Le  décret  du  6  mars  1858  a  déclaré  d'utilité  publique  Touverture  des  voies 
suivantes  : 

i^  Un  boulevard  de  40  mètres  de  largeur,  devant  partir  du  quai  Debilly, 
dans  Taxe  du  pont  de  l'Aima,  pour  aboutir  à  l'avenue  des  Champs-Elysées 
(ce  boulevard  est  l'avenue  de  l'Aima)  ; 

i"  Un  boulevard  de  40  mètres  de  largeur,  devant  commencer  audit  quai, 
presque  en  face  ledit  pont,  et  devant  aboutir  à  la  place  de  TÉtoile  (c'est  l'ave- 
nue Marceau)  ; 

3**  Un  boulevard  de  40  mètres  de  largeur,  partant  du  même  point  et  se 
dirigeant  sur  la  barrière  Sainte-Marie  (c'est  l'avenue  du  Trocadéro)  ; 

4**  Un  boulevard  de  40  mètres  de  largeur,  partant  de  la  place  de  l'Étoile, 
pour  aboutir  au  quinconce  placé  vis  à-vis  du  pont  d'Iéna  (c'est  l'avenue 
d'Iéna); 

3**  Et  des  amorces  des  voies  secondaires,  traversant  ces  boulevards  ou  y 
aboutissant,  ces  amorces  devant  être  ouvertes  sur  toute  l'étendue  des  pro- 
priétés situées  à  l'intersection  des  voies  principales  et  des  voies  secon- 
daires. 

Le  même  décret  a  autorisé  l'ouverture,  dans  la  commune  de  Passy,  d'un 
boulevard  de  40  mètres  de  largeur,  devant  prolonger  le  boulevard  ci-dessus 
décrit  sous  le  n"  3  jusqu'à  la  porte  de  la  Muette  (c'est  l'avenue  Henri-Martin), 
et  d'un  boulevard  formant  rectification  de  celui  de  Passy  et  se  prolongeant 
jusqu'à  la  rencontre  du  boulevard  de  Longchamp  (c'est  l'avenue  Kléber). 

L'ouverture  de  l'avenue  de  l'Aima  a  coûté  14.489.484  francs,  d'où  il  faut 
déduire  1.103.504  francs  de  recettes  provenant  de  revente  de  terrains  et  vente 
de  matériaux,  ce  qui  fait  ressortir  une  dépense  nette  de  11.385.780  francs. 
Je  ne  donnerai  pas  d'autres  indications  sur  l'avenue  de  l'Aima,  parce  qu'elle 
se  trouve  entièrement  sur  le  V1II«  arrondissement  ;  mais  la  place  de  lAlma 
appartient  en  partie  au  XV1«.  Elle  a  été  déclarée  d'utilité  publique  par  le 
décret  précité  du  14  mars  1858,  comme  coaséquence  des  alignements  indiqués 
sur  les  plans  joints  à  ce  décret  ;  elle  a  été  terminée  en  1801,  c'est-à-dire  avant 
rachèvement  de  l'avenue  de  l'Aima  ;  cependant,  les  plaques  indiquant  le  nom 

9 


l3o  HiSTOtnE    DU   XVI'^   ARRONDISSEMENt 

de  cette  place  n'ont  été  posées  qu'en  1871  ;  elle  dessert  des  courants  multiples 
de  circulation. 

Les  avenues  du  Trocadéro  et  Henri-Marlin,  qui  sont  séparées  par  la  place 
du  Trocadéro,  n'en  formaient  autrefois  qu*une  seule,  dénommée  «  avenue  de 
l'Empereur  •>;  elles  ont  été  exécutées  (l)  de  1862  à  1868,  sous  la  direction 
d'Alphand  ;  les  travaux  ont  été  terminés  d'abord  entre  la  porte  de  la  Muette 
et  la  place  du  Trocadéro,  ensuite  entre  cette  place  et  le  quai  Debilly. 

Le  décret  du  6  mars  1858  n'avait  pas  tardé  à  être  exécuté  sur  le  territoire 
de  Passy  (avenue  Henri-Martin);  mais  six  ans  après  la  promulgation  de  ce 
décret,  les  travaux  considérables  qu'exigeait  l'ouverture  du  boulevard  entre 
la  place  du  Trocadéro  et  le  quai  Debilly  étaient  encore  peu  avancés.  Le  décret 
du  2  mars  1854  donna  au  nouveau  boulevard  le  nom  d' «  avenue  de  l'Empe- 
reur »,  et  deux  décrets  des  17  février  et  24  septembre  1864  approuvèrent  les 
traités  passés  entre  la  Ville  de  Paris  et  la  Société  Thome  et  C®.  La  dépense 
totale  pour  les  opérations  de  voirie  auxquelles  s'appliquait  ce  traité,  et  parmt 
lesquelles  figurait  l'achèvement  de  l'avenue  du  Trocadéro,  s'est  élevée  à 
19.810.149  francs  ;  mais  la  revente  des  terrains  et  matériaux  avait  produit,  au 
1"'  janvier  1870,  une  recette  de  2.647.572  francs,  et  il  restait  encore  à  cette 
époque  des  terrains  à  aliéner. 

lîln  1866,  les  déblais  de  l'avenue  du  Trocadéro,  à  qui  ce  nom  a  été  donné 
par  un  arrêté  préfectoral  du  l'''  février  1877,  que  le  décret  du  10  novembre 
suivant  a  confirmé,  étaient  poussés  avec  la  plus  grande  activité;  on  ne  les 
interrompait  même  pas  pendant  la  nuit  :  c'était  le  moment  qu'on  choisissait, 
par  mesure  de  précaution,  pour  faire  jouer  la  mine.  Aux  abords  du  quai 
Debillv,  il  a  fallu  exécuter  un  remblai  dont  la  hauteur  maxima  estde  11  mètres. 
Dans  cette  partie  du  tracé,  qui  domine  la  Manutention  des  vivres  militaires, 
construite  sur  remplacement  de  l'ancienne  manufacture  royale  de  tapis  de  la 
Savonnerie  (2),  il  n'existe  de  maisons  que  sur  le  côté  nord  ;  le  côté  le  plus 
voisin  de-  la  Seine  n'(^st  pas  bàli  et  forme  une  terrasse  laissant  la  vue  s'étendre 
au  dessus  des  immeubles  situés  au  pied  et  n'ayant  pas  d'accès  sur  l'avenue  ;  il 
a  donc  fallu  la  maintenir  par  un  grand  mur  de  soutènement  de  360  mètres  de 
longueur,  fondé  sur  un  banc  d'argile. 

L'avenue  Henri-Martin,  qui  s'est  nommée  d'abord  «  avenue  de  l'Empe- 
reur »,  puis,  de  1877  à  1883,  «  avenue  du  Trocadéro  »,  a  reçu,  par  décret  du 
3  décembre  1885,  sa  dénomination  actuelle  en  l'honneur  d'Henri  Martin 
(1810-1883),  qui  a  été  maire  du  XVP  arrondissement  et  a  publié  VHistoire  de 
France  depuis  les  lemps  les  plus  reculés  jusque  178g,  ouvrage  couronné  par 
l'Académie  française.  Cette  avenue  a  été  exécutée  en  déblai  du  côté  de  la  place 
du  Trocadéro  et  en  remblai  du  C4)té  du  bois  de  Boulogne.  La  hauteur  du  mur 
de  soutènement  du  cimetière  de  Passy  montre  que  les  déblais  ont  été  consi-. 
dérables;  leur  hauteur  a  atteint  10  mètres.  On  les  a  utilisés  pour  remblayer 

(1  Les  travaux  d'ouverture  des  avenues  du  Trocadéro,  Henri-Martin,  d'Iéda  et  Mar- 
ceau ont  été  exécutés  sous  les  ordres  de  M.  l'ingénieur  Darcel,  avec  le  concours  de 
MM.  les  conducteurs  des  ponts  el  chaussées  Lalo,  pour  l'avenue  Henri-Martin,  et  Selhci- 
mer,  pour  les  trois  autres  avenues. 

Le  sol  sous-miné  de  l'avenue  du  Trocadéro  a  été  consolidé,  en  1887,  sur  5570  mètres 
de  longueur,  entre  les  n"»  a-.^  el  44  ;  «^  l'angle  de  la  rue  de  Magdebourg,  la  dislance  dil 
sol  au  ciel  de  la  carrière  est  de  8™ ,08,  el  la  hauleur  de  la  galerie  d'exploitation  esl  de 
3  mètres. 

;t>)Voirci-dessusfpp.53  et8.3)  pourlamanufacturede  la  Savonnerie  etpourlaManutenlioni. 


AVENUES    DU   TROCAD^IIO   ET   II  EN  RI- M  ART  IN  l3l 

les  terraios  de  la  Muette,  situés  entre  le  square  Lamartine  et  le  bois  de  Bou- 
logne, qui  appartenaient  à  la  Ville  de  Paris;  on  les  a  vendus,  avec  la  condi- 
tion de  bâtir  dans  un  délai  déterminé.  La  rue  de  tu  Pompe  a  été  traversée  à 
niveau  et  on  n'a  établi  sur  l'avenue  Henri-Martin  que  trois  pentes,  dont  l'une 


Portrait  d'Henri  Martin. 

«Colkelion  de  M.  Emile  Polin.) 

règne  depuis  la  place  du  Trocadéro  jusqu'à  la  rue  de  la  Pompe,  l'autre 
depuis  la  rue  de  la  Pompe  jusqu'au  square  Lamartine  et  la  troisième  entre  ce 
square  el  la  porte  de  la  Muette. 

La  station  de  l'avenue  Henri -Martin  (t)  (bilureation  delalit;iie  d',\uteuil  el 
de  celle  des  Invalides)  et  la  mairie  du  XVf  arrondissement(i)  ont  leur  entrée 
sur  l'avenue  Henri-Martin,  au  long  de  laquelle  une  servitude  non  œdifuandi  a 
été  réservée  de  chaque  côté,  conformément  aux  conclusions  prises  au  nom  de 

!i)  Cette  slntiun  ae  nommnil  iiréc^dnninient  ■■  slatiim  de  l'iivt^nuc  du  Ti-otadfro  "  ;  ce 
nom  ^tnit  liicn  jdstitl^,  h  l'époque  où  l'avenue  du  Trocadéro  attendait  jusqu'auprès  de  In 
porte  de  la  Muette;  mais,  ensuite,  l'avenue  du  Ti'oradéro  a  été  dénommée,  dans  la  partie 
voisine  de  la  sLilion.  nvcnue  Henri-Martin,  n'aillciint  il  ronvenait  d'éviler  une  conrusion 
avec  la  elation  du  mélropuliljiin  éinblii-  ti  la  place  du  Troradéro,  On  n  donc  donné  h  In 
«talion  du  Trocndém,  en  iguo,  1c  nom  d'IIenri-Martin. 

l/i.)  Voir  pa({e  187,  note  3,  le»  indications  données  sur  [a  constrtiction  el  l'inauguration 
lie  la  mairie  du  XVl'arrondittsement. 


l32  HISTOIRE    DU    XVl^   ARRONDISSEMENT 

la  Ville  de  Paris  (1)  devant  le  jury  d'expropriation,  dont  la  décision  a  été 
rendue  le  14  juillet  1860  :  aucune  construction  ne  peut  être  élevée  dans  une 
zone  de  10  mètres  en  arrière  de  Talignement  des  clôtures;  cette  zone  devra 
toujours  être  cultivée  en  parterres  d'agrément,  de  niveau  avec  lavenue; 
toutes  les  grilles  de  clôture  sont  du  modèle  réglementaire  ;  la  façade  princi- 
pale des  maisons  est  parallèle  à  Taxe  de  l'avenue  ;  elles  doivent  être  habitées 
bourgeoisement  et,  en  conséquence,  aucun  genre  de  commerce  ou  d'industrie 
ne  peut  y  être  exercé. 

La  largeur  de  l'avenue  Henri-Martin  est  de  iO  mètres,  savoir  :  deux  trot- 
toirs de  6  mètres  chacun,  deux  voies  carrossables  ayant  chacune  9  mètres  et, 
dans  la  partie  centrale,  une  allée  cavalière  de  10  mètres  ;  la  distance  entre  les 
façades  des  maisons  de  cette  avenue  est  de  60  mètres. 

La  construction  de  Tavenue  de  TEmpereur  (avenues  du  Trocadéro  et  Henri- 
Martin)  a  entraîné  la  suppression  d'une  partie  du  passage  de  la  Pompe-à-Feu,des 
rues  Basse-Saint-liierre,  Gasté,  de  Longcharap,de  Lubeck,Greuze,SchefIer,de 
la  totalité  de  la  rue  Virgile.  L'extrémité  de  l'avenue  d'Eylau  (avenue  Victor- 
Hugo)  a  été  absorbée  par  l'avenue  Henri-Martin  depuis  la  rue  de  la  Tour,  d'un 
côté,  et  le  boulevard  Flandrin,derautre,  jusqu'aux  boulevards  LannesetSuchet. 

Il  a  fallu  élargir  le  pont  qui  faisait  passer  le  chemin  de  fer  d'Auteuil  sous 
l'avenue  d'Eylau  (avenue  Victor-Hugo);  cet  élargissement  a  été  exécuté  en  1860 
par  la  Compagnie  du  chemin  de  fer,  à  qui  la  Ville  a  remboursé  la  dépense  de 
ce  travail,  montant  à  21.000  francs. 

Les  travaux  de  viabilité  de  l'avenue  Henri-Martin,  aux  abords  de  la  station 
du  chemin  de  fer,  nécessités  par  l'établissement  de  la  ligne  de  Gourcelles  aux 
Invalides,  ont  été  exécutés  de  juin  1898  à  septembre  19(K).  Les  becs  à  incan- 
descence ont  été  installés  en  mai  1900  sur  l'avenue  du  Trocadéro,  entre  la 
place  du  Trocadéro  et  la  place  d'Iéna. 

La  pompe  à  feu  (2;  de  Chaillot  se  trouve  entre  la  place  d'Iéna,  le  quai 
Debilly  et  l'origine  de  l'avenue  du  Trocadéro.  Le  service  devant  être  transféré 
à  Auteuil,  la  rue  Viilehois-Mareuii  sera  établie  sur  une  partie  de  l'emplace- 
ment des  bêUiments  de  la  pompe  à  feu  de  Chaillot,  qui  a  été  désaffectée  par 
arrêté  du  16  mai  1900;  les  travaux  à  faire  pour  la  nouvelle  usine  élévatoire 
d'Auteuil  (avenue  de  Versailles,  77)  ont  été  adjugés  le  26  mai  1900. 

En  l'an  IX,  on  avait  établi  dans  l'enceinte  de  la  pompe  à  feu  (n***  6  et  7  du 
quai  de  Chaillot)  des  ateliers  où  étaient  employés  plus  de  quatre  vingts 
ouvriers  forgerons,  fondeurs,  etc.,  pour  y  fabriquer  de  l'artillerie  de  terre  et 
de  mer  de  tout  calibre. 

Le  dépôt  des  phares  et  le  laboratoire  d'essais  de  l'École  des  ponts  et  chaus- 
sées occupent  actuellement  l'espace  compris  entre  l'avenue  du  Trocadéro, 
l'avenue  d'Iéna  et  la  rue  de  Magdebourg;  l'entrée  principale  est  sur  l'avenue 
du  Trocadéro.  Après  avoir  occupé,  de  1834  à  18i8,  un  immeuble  situé  rue 
Nolre-Darae-des-C'hamps  et  loué  par  l'État,  le  dépôt  des  phares  fut  établi, 
en  1849,  conjointement  avec  le  laboratoire  d'essais  de  l'École  des  ponts  et 


(i;  Voir  aux  annexes  (p.  /l'iG'  les  règlements  spéciaux  applicables  à  l'avenue  Henri- 
Mnrtin. 

::»  Voir  aux  annexes  (p.  ^iC)  et  s.)  InrUdo  de  M.  Lropold  Mar,  intitulé:  «  L'Ancienne  Pompe 
A  feu  (le  Chaillol  »».  —  Mon  article  sur  le  service  des  eaux  dans  le  XVI«  arrondissement,  qui 
«lonne  aussi  des  indications  sur  l'histoire  de  la  pompeà  feu,  est  également  reproduit  aux 
annexes  (p.  3<p > 


PALAIS   DU   TROCADÉRO  l33 

chaussées,  sur  des  terrains  appartenant  à  l'Ktat  et  situés  au  coin  du  quai 
Debilly  et  de  la  rue  de  Magdebourg  (1). 

Lorsqu'à  l'occasion  de  l'Exposition  universelle  de  1867,  la  Ville  de  Paris 
entreprit  d'anaénager  les  pentes  du  Trocadéro.  elle  entra  en  pourparlers  avec 
rÉtat,  qui,  suivant  traité  du  6  décembre  1866,  consentit  à  abandonner  les 
terrains  du  quai  Debilly;  il  fut  décidé  que  le  dépôt  des  phares  et  le  labora- 
toire de  rÉcole  des  ponts  et  chaussées  seraient  installés  dans  le  terrain 
triangulaire  compris  entre  la  rue  de  Magdebourg,  l'avenue  du  Trocadéro  et 
l'avenue  d'Iéna.  La  portion  de  ce  terrain  joignant  la  rue  de  Magdebourg,  et 
mesurant  i.765  mètres  carrés,  fut  affectée  au  dépôt  des  phares  ;  celle  située 
près  de  l'angle  de  l'avenue  d'Iéna  et  de  l'avenue  du  Trocadéro  fut  affectée  au 
laboratoire  d'essais  de  l'École  des  ponts  et  chaussées.  Pendant  la  construc- 
tion des  bâtiments  actuels  du  dépôt  des  phares,  de  1867  à  1869,  ce  dépôt  fut 
installé  provisoirement  dans  un  immeuble,  aujourd'hui  disparu,  qui  était 
situé  rue  des  Batailles,  laquelle  n'existe  plus  et  a  été  remplacée  par  l'avenue 
d'Iéna.  On  voit  que  c'est  depuis  1869  que  le  dépôt  des  phares  est  installé  à  son 
emplacement  actuel. 

La  façade  sur  la  rue  de  Magdebourg  est  surmontée  d'une  tour  carrée,  avec 
plate-forme  permettant  l'installation  d'un  feu  qui,  les  jours  de  fête  publique, 
projette  des  rayons  lumineux  jusqu'à  Montmartre  et  au  square  des  Buttes- 
Chaumont,  d'une  part,  et  de  l'autre  jusque  sur  les  coteaux  de  Meudon  et  de 
Bellevue. 

Un  projet  de  loi  a  été  déposé  en  1901  par  le  ministre  des  Finances,  en  vue 
d'aliéner  les  terrains  occupés  par  le  laboratoire  de  l'École  des  ponts  et 
chaussées,  ainsi  qu'une  bande  des  terrains  du  dépôt  des  phares  en  bordure 
sur  l'avenue  d'Iéna;  mais  les  bâtiments  de  ce  dépôt  en  façade  sur  l'avenue 
du  Trocadéro  et  sur  la  rue  de  Magdebourg  ne  seraient  pas  touchés. 

En  1811,  Napoléon  P'  voulut  établir  au  Trocadéro  un  palais  (2)  pour  son 
héritier,  le  roi  de  Rome.  Les  plans  furent  dressés  par  les  architectes  Fontaine 
et  Percier  et  les  fouilles  commencées;  mais  la  chute  de  l'Empire  fit  aban- 
donner l'entreprise,  et  cette  région,  qui  avait  été  occupée  autrefois  parles  dé- 
pendances du  couvent  des  Bonshommes  et  du  monastère  royal  de  la  Visitation, 
redevint  un  désert  escarpé  et  servit,  sur  divers  points,  de  réceptacle  aux 
immondices  de  Paris.  En  1825,  le  conseil  municipal  de  Passy  avait  proposé 
d'améliorer  la  demi-lune  existant  en  face  de  la  barrière  Sainte  Marie  (au  point 
où  se  trouve  actuellement  la  place  du  Trocadéro)  en  y  créant  une  place  de 
50  mètres  de  rayon. 

Le  gouvernement  de  la  Restauration  avait  décidé  que  l'emplacement  du 
palais  du  roi  de  Rome  serait  affecté  à  la  construction  d'une  caserne,  dont  la 
première  pierre  fut  posée  par  le  dauphin  et  la  dauphine  le  31  août  1826; 


(i)  La  superflcic  sous-minéc  est  de  4-7fX)  mètres  carrés  sous  le  dépôl  des  phares  et  de 
88o  mètres  carrés  sous  le  dépi^t  de  l'Ecole  des  ponts  et  chaussées.  A  l'angle  de  l'avenue 
du  Trocadéro  et  de  la  rue  de  Magdebourg,  la  distance  du  sol  nu  ciel  de  la  carrière  est 
de  8",8,  et  la  hauteur  de  la  galerie  d'exploitation  de  i™,7o.  A  l'avenue  d'Iéna,  devant  le 
dépôt,  la  distance  du  sol  au  ciel  de  la  carrière  est  de  4*°/'24,  el  la  hauteur  de  la  galerie 
d'exploitation  de  i™,28. 

î2:  Voir  aux  annexes  (p.  43o)  l'article  do  M.  Antoine  Cluillois.  inUtulé  :  «  Le  Palais  du  roi 
de  Rome  ».  —  Voir  également  l'extrait  du  discours  de  M.  Lanier:  «  A  travers  le  Trocadéro  >»» 
pp.  217  à  222  du  !«»•  volume  du  Bulletin,  Les  archives  de  la  Société  possèdent  des  vues  du 
palais  projeté,  ainsi  que  les  portraits  de  Fontaine  et  de  Percier. 


l34  HISTOIRE    DU   XVl"   ARRONDISSEMENT 

troisième  anniversaire  de  la  prise,  par  le  duc  d'Angoulême,  d'un  fort  de  Cadix 
appelé  Trocadéro,  dont  la  reddition  avait  terminé  heureusement  la  guerre 
d'Espagne.  La  caserne  n'était  pas  encore  bâtie  en  1830;  mais  le  nom  de  Tro- 
cadéro, qui  avait  été  donné  à  ce  coteau  de  Chaillot,à  la  suite  du  fait  d'armes 
du  31  août  18^3,  fut  maintenu  par  les  gouvernements  suivants. 

Pendant  bien  des  années  on  ne  vit  sur  cet  emplacement  que  des  ruines  (1) 
(fondations  du  palais  du  roi  de  Rome  et  bâtiments  inachevés  d'une  caserne). 
Mais  comme  ce  plateau  domine  le  Champ  de  Mars  et  a  une  très  belle  vue  sur 
les  coteaux  de  Meudon  et  de  Sèvres,  il  importait  de  comprendre  la  mise  en 
état  de  viabilité  de  cette  partie  de  Chaillot  et  de  Passy  dans  le  plan  d^amélio- 
ration  des  quartiers  de  l'ouest  de  Paris,  et  cet  embellissement  a  été  réalisé  à 
l'occasion  de  l'Exposition  universelle  de  1867.  Le  projet  primitif  consistait  à 
créer  une  vaste  place,  descendant  en  pente  douce  vers  la  Seine,  et  dont  la 
partie  culminante  aurait  été  terminée  par  un  demi-cercle  sur  lequel  auraient 
débouché  neuf  avenues  ou  boulevards  desservant  Chaillot  et  Passy.  Ce  projet 
fut  modifié  en  cours  d'exécution  et  les  pentes  disposées  de  manière  à  consti- 
tuer un  vaste  amphithéâtre  où  la  population  pourrait  se  grouper  pourvoir 
les  illuminations  du  Champ  de  Mars  ;  des  pelouses  entourées  de  parterres 
furent  établies  pour  dégager  la  vue;  la  dépense  s'éleva  à  3.228.240  francs, 
dont  environ  2  millions  et  demi  pour  les  terrassements. 

L'aspect  a  été  complètement  modifié  en  1878  par  la  construction  du  palais 
du  Trocadéro,  à  l'occasion  de  la  troisième  Exposition  universelle  de  Paris. 
A  cette  époque,  l'escalier  monumental  qui  donnait  accès  à  la  place  dut  être 
supprimé  et  la  place  elle-même  a  reçu  des  modiPications  importantes.  En  vue 
d'assurer  le  dégagement  des  abords  de  l'Exposition,  un  square  fut  établi, 
moyennant  une  dépense  de  714.000  francs,  auprès  de  la  rue  Franklin. 

Le  projet  du  palais  du  Trocadéro,  dressé  par  MM.  les  architecles  Davioud 
et  Bourdais,  fut  approuvé  le  15  juin  187G.  La  période  effective  des  travaux  de 
construction,  exécutés  sous  la  direction  de  ces  deux  architectes,  n'a  duré  que 
pendant  dix-huit  mois,  ce  qui  porte  à  une  moyenne  de  plus  de  500.000  francs 
la  dépense  mensuelle,  soit  à  près  de  20.(XX)  francs  la  dépense  de  chaque 
journée  de  travail  pour  l'érection  de  ce  monument  :  il  a  donc  été  exécuté 
avec  une  vitesse  vraiment  remarquable  ;  il  fut  inauguré  le  1"  mai  1878. 

Les  galeries  du  palais  du  Trocadéro  sont  surtout  consacrées  à  l'art  déco- 
ratif du  passé.  La  salle  des  Fêtes,  qui  peut  contenir  cinq  mille  spectateurs, 
est  fréquemment  utilisée  pour  des  concerts  et  des  réunions;  on  y  a  célébré, 
en  1894,  le  centenaire  de  l'École  polytechnique.  Le  tableau  suivant  montre 
que  le  palais  du  Trocadéro  est,  de  tous  les  monuments  de  Paris  (bâtiments  de 
l'État  ou  églises  paroissiales),  celui  dont  le  sommet  au-dessus  du  niveau  de 
la  mer  est  le  plus  élevé. 


(i)  Ce  quartier  fut  môme  peu  sur  durant  un  cerUiin  nombre  d'années. 


PLACE   DU  TROCAOÉRO 


l35 


NOMS    DES    ÉDIFICES 


Colonne  Vendôme 

Opéra 

Tour  Saint-Jacques 

Saint-Vincent-de-Paul 

Notre- Dame-de- Paris  (tours). 

Saint-Sulpice  (tours) 

Arc  de  TEtoile 

Val-de-Gràce   

Sainte-Clotilde 

Notre-Dame-de-Paris  (flèche) 

Panthéon 

Dôme  des  Invalides 

Trocadéro 


ALTITUDE 

da  sol  de  la  Toic 

publia  ue 

au  pica  de 

rédince 

(au-dessus  du 

niveau  de  la  mer) 


mètres 
34  » 
36  04 
36  » 
52  30 
3,n  40 
36  » 
58  » 
52    » 

34  19 

35  40 
58  23 
38  59 
61  50 


UAl'TEUH  Di;  SOMMET  OR  L'ÉDIFU'.t: 

au-dessus  du 


sol  de  la  Toie 
publique 


mètres 
44  » 
47  » 
54  » 
46  > 
66  > 
70  » 
49  48 
64  » 
96    » 

100    » 
78    > 

100  70 
82  50 


niveau  de  la  mer 


mètres 

78  » 

83  04 

90  > 

98  30 

101  10 

106  » 

407  48 

416  » 

430  49 

435  40 

436  Ï3 
439  29 
444  » 


Après  la  remise  par  l'État  des  terrains  qui  avaient  été  occupés  par  TExposi- 
tion  de  1878  au  Trocadéro,  la  Ville  de  Paris  fit  exécuter  sur  cet  emplacement 
une  promenade  publique  en  1879-1880;  la  dépense  nécessitée  par  ces  travaux, 
comprenant  la  création  d'un  parc  de  20  hectares,  a  été  de  601. (KK)  francs. 

La  place  du  Trocadéro  (1),  occupant  un  cercle  de  125  mètres  de  rayon,  est 
établie  au-dessus  d'anciennes  carrières  (2),  dont  les  vides  souterrains  ont 
rendu  les  fondations  du  palais  très  coûteuses.  La  dénomination  actuelle  de 
cette  place,  où  se  trouve  une  station  du  chemin  de  fer  métropolitain  (3),  a 
été  donnée,  par  arrêté  du  l*''"  février  1877,  en  mémoire  de  la  prise  du  fort  du 
Trocadéro  sur  les  Espagnols  le  31  août  1823;  elle  s'était  appelée  d'abord 
«  place  du  Roi-de-Rome  ». 

Pendant  la  durée  de  l'Exposition  universelle  de  1900,  le  parc  du  Troca- 
déro a  été  occupé  par  l'exposition  coloniale,  où  l'on  a  vu  beaucoup  de  cons- 
tructions originales,  mais  établies  très  légèrement  et,  par  conséquent,  éphé- 
mères.  Il  est  néanmoins  question  d'y  conserver  le  bouddha  de  la  pagode  cam- 
bodgienne, renfermant  des  moulages  très  curieux  de  la  civilisation  Khmer. 
Le  bassin  central  de  la  place  a  été  occupé  par  le  pavillon  de  Madagascar.  Ce 
bassin  était  précédemment  orné  d'un  jet  d'eau,  qui  jouait  rarement,  parce 
que  son  fonctionnement  consommait  une  quantité  d'eau  énorme.  L'aquarium 
du  Trojcadéro  est  dirigé  par  M.  Juillard. 

On  a  élevé,  au  long  de  l'avenue  Henri-Martin  et  auprès  du  cimetière  de 
Passy,  plusieurs  maisons  de  rapport,  dont  la  construction,  dirigée  par 
M.   l'architecte  Vaudremer,  a  exigé  l'établissement  de  divers  grands  murs 


11)  Voir  «aux  annexes  (pp.  433  et  430)  les  règlements  spéciaux  applicables  à  la  place  du 
Trocadéro,  ainsi  que  l'article  de  M.  Léopold  Mar,  intitule  :  «  Au  Trocadéro,  3i  août  i8-^0». 

{;!'.  La  superficie  sous-minée  s'élève  à  environ  2.'»oo  mètres  carrés  ;  h  l'angle  de 
l'avenue  MalakofT,  la  distance  du  sol  au  ciel  de  la  carrière  est  de  ir)n>,rx),  et  la  hauteur  de 
la  galerie  d'exploitation  est  de  i">,8o. 

Mon  article  sur  «  Les  Carrières  et  le  Sous-Sol  du  XVI*  arrondissement  »,  renfermant 
un  plan  de  la  partie  centrale  des  fondations  du  Trocadéro,  est  reproduit  aux  annexes 
'p.  3i5\ 

(3;  Pour  le  métropolitain  de  Paris,  voir  pp.  78  el  ss.  el  ,220, 


XVl'   ARRONDISSEMENT 

de  soutènement.  Parmi  ces  maisons,  celle  qui  est  le  plus  rapprochée  du  cime- 
tière doit  être  mentionnée  comme  ayaat  une  Jacado  originale  :  elle  est  en 
brique,  avec  bow-windows  et  pans  de  bois  apparents;  elle  est  surmontée  de 
six  fenêtres  à  pignons  en  bois,  faisant  saillie  sur  ta  toiture. 

Au  n°  43  de  l'aveaue  Henri-Marlin  se  trouve  un  bel  Ii6tel  faisant  l'angle 
de  la  rue  C-ortambert.  On  peut  citer,  en  outre,  l'hûtel  gothique  situé  à  l'angle 
de  l'avenue  Henri-Marlin  et  de  la  rue  (ïreuze. 

L'aménagement  du  bois  de  Itoulogne  et  des  autres  promenades  de  Pari») 
fil  reconnaître  la  nécessil»',  pour  le  service  municipal,  de  disposer  d'un  éla- 


Lc  clialet  de  Lamarlinc. 

(Colkction    de    M.    Chandcbois.) 


blissement  horticole,  devant  fournir  par  mulliplication  toutes  les  plantes 
destinées  aux  garnitures  du  bois  de  Boulogne,  des  jardins  publics  et  des 
.squares  de  Paris;  ces  plantes  ont  besoin  d'être  conservées  à  l'abri  pendant 
l'hiver.  Il  fui  donc  décidé,  en  iaS4,  d'installer  une  pépinière,  dite  le  Fleuriste 
de  la  Ville,  dans  les  terrains  du  clos  Georges,  délaclié  du  bois  Je  Boulogne 
et  remis  à  la  Ville  en  même  temps  que  ce  bois,  r/est  dans  ce  but  que  le 
Fleurisie  de  la  Muetle  fut  installé  près  du  n"  10!)  de  l'avenue  Henri-Martin. 
Alphand  présenta,  en  18.'J8,  un  projet  montant  ci  ^ItO.OOO  francs  pour  travaux 
complémentaires  de  premier  établissement  (serres,  orangerie,  bureaux,  etc.) 
etàlt/.IHKI  francs  pour  dépenses  annuelles;  ce  projet,  qui  (ut  réalisé  vers 
18(>3,  procura  de  notables  agrandissements  au  Fleuriste,  dont  la  superficie 
fut  portée  à  i.  i(Kl  mètres  carrés.  En  mai  i8Ha,  l'exposition  des  azalées  fut 
visitée  par  plus  de  seize  mille  personnes.  Le  Fleuriste  de  la  Muette  et  ses 
serres  ont  élé  transportés  en  1808  au  Parc  des  Princes,  sur  le  territoire  de 


SQUARE    LAMARTINE  iSj 

Boulogne,  près  de  la  porte  d'Auteuil,  et  on  a  établi,  sur  l'emplacement  du 
Fleuriste,  plusieurs  rues  qui  seront  mentionnées  ci-après. 

Le  décret  du  27  août  1859  avait  autorisé  la  Ville  de  Paris  à  concéder  viagè- 
rement,  à  titre  gratuit  et  honoriflque,  à  M.  et  à  Mme  de  Lamartine,  ainsi 
qu'à  leur  nièce,  Mlle  Valentine,  chanoinesse  de  Cessiat  (i),  pour  leur  habita- 
tion personnelle,  un  chalet  avec  un  beau  jardin,  situé  dans  les  dépendances 
du  bois  de  Boulogne,  et  occupant  Tespace  compris  entre  les  numéros  actuels 
107  et  113  de  Tavenue  Henri-Martin.  L'entrée  était  au  n"  135  de  Tavenue  de 
l'Empereur  (vers  le  n**  143  de  l'ancienne  avenue  du  Trocadéro  et  le  n**  111  de 
l'avenue  Henri-Martin),  près  du  parc  du  château  de  la  Muette.  La  chanoinesse 
de  Cessiat  céda  à  la  Ville,  en  août  1879,  le  droit  de  jouissance  qu'elle  possé- 
dait en  vertu  de  ce  décret,  moyennant  le  paiement  d'une  rente  viagère 
annuelle  de  12.000  francs.  Il  résulte  d'un  procès-verbal  d'adjudication  dressé 
le  21  octobre  1879  par  M''  Delapalme,  notaire,  que  la  propriété  connue  sous  le 
nom  de  villa  Lamartine  (2)  a  été  vendue  par  la  Ville  à  M.  Beaure  pour 
478.000  francs  ;  on  y  a  bâti  trois  somptueux  hôtels. 

L'acte  de  décès  de  Marie-Louis-Alphonse  de  Lamartine ,  signé  par  le 
vicomte  de  la  Guéronnière  et  par  le  baron  de  Chamboran,  porte  qu'il  est  mort 
à  l'âge  de  soixante-dix-huit  ans,  le  28  février  1869,  au  n*»  135  de  l'avenue  de 
l'Empereur  (aujourd'hui  avenue  Henri-Martin). 

Presque  vis-à-vis  de  l'emplacement  du  chalet  où  l'illustre  poète  a  passé  les 
dix  dernières  années  de  sa  vie,  se  trouve  le  square  Lamartine^  où  sa  statue  en 
bronze  a  été  érigée  (3)  ;  elle  fut  inaugurée  le  7  juillet  1886.  Ce  square,  qui  a 
40  mètres  de  largeur  sur  105  de  longueur,  a  été  établi  en  1863.  L'arrêté  du 
8  juillet  1881  lui  avait  attribué  le  nom  de  «  place  Victor-Hugo  »  ;  celui  du 
8  juillet  1886  lui  a  donné  sa  dénomination  actuelle  en  l'honneur  de  Lamar- 
tine (1790-1869). 

Mme  Flobert,  vice-présidente  de  la  2'*  section  de  la  Société  historique  d'Au- 
teuil  et  de  Passy,  a  proposé,  le  12  mai  1899,  la  suppression  des  ifs  qui 
donnaient  au  square  Lamartine  un  aspect  un  peu  funèbre  et  leur  remplace- 
ment par  des  parterres  de  fleurs.  Cette  demande  a  été  transmise  à  la  muni- 
cipalité par  le  secrétaire  général  de  la  Société  historique  d'Auteuil  et  de  Passy 
et  favorablement  accueillie  ;  on  a  remplacé  les  massifs  d'ifs  par  des  parterres 
de  fleurs,  en  ne  laissant  subsister  qu'un  if  à  chaque  extrémité  de  ces 
parterres. 

C'est  au  centre  du  square  Lamartine  que  se  trouve  l'oriflce  du  puits  arié- 
sien  (4),  masqué  par  des  massifs  d'arbustes.  Ce  puits  a  été  creusé  de  1855  à 


(i)  Mlle  de  Cessiat,  qu'on  appelait  aussi  Mlle  Valenline  de  Lamartine,  était  (llle  d'une 
sceur  du  poète;  elle  renonça  au  mariage  pourôlre  Tappui  et  la  consolation  de  la  vieillesse 
de  Lamartine,  qui  la  fit  nommer  chanoinesse  d'un  chapitre  noble  de  Bavière.  Son  corps  re- 
pose dans  le  caveau  de  famille  de  Saint-Point, 

{2:  Voir  p.  116  à  118  du  II»  volume  du  BuUetin  l'article  intitulé:  «  Le  Chalet  de  Lamar- 
tine à  Passy  »  et  un  extrait  de  Tétude  consacrée  à  Mlle  Valentine  de  Lamartine  par 
Mme  Emile  Ollivier,  dans  les  numéros  du  Correspondant  des  25  novembre  et  20  décem- 
bre 1895. 

3)  Voir  aux  annexes  (p.  437)  les  vers  prononcés  par  M.  Clovis  Hugues  à  l'inauguration 
de  la  £»tatue  de  Lamartine. 

(4;  Voir  aux  annexes  (p.  438)  l'article  de  M.  Léopold  Mar,  intitulé  :  «  Le  Puits  artésien  de 
Paf^sy  ».  On  trouvera  aussi  aux  annexes  (p.  395)  des  indications  sur  ce  puits,  dans  mon  article 
sur  «  le  Service  des  eaux  à  Passy  »,  ainsi  que  dans  l'extrait  des  mémoires  du  baron 
Haussmann  communiqué  par  M.  Emile  Potin  (p.  406). 


AVENUE   MARCEAU  iSg 

1861  ;  ses  eaux  concourent  à  l'alimentation  des  rivières  et  lacs  du  bois  de 
Boulogne. 

Le  côté  impair  de  V avenue  Marceau,  nommée  précédemment  «  avenue  José- 
phine »,  appartient  au  XVI*'  et  le  côté  pair  au  VIII*  arrondissement.  Le 
territoire  de  Tancienne  commune  de  Passy  comprenait  le  côté  pair  au  delà  de 
la  rue  de  Presbourg,  jusqu'à  la  place  de  l'Étoile.  Le  percement  de  cette 
avenue,  autorisé  par  le  décret  du  13  août  1854  pour  la  section  comprise  entre 
la  place  de  TÉtoile  et  la  rue  de  Presbourg,  et  par  le  décret  du  6  mars  1858, 
pour  la  partie  comprise  entre  la  rue  de  Presbourg  et  la  place  de  l'Aima,  fut 
immédiatement  commencé,  mais  n'était  pas  encore  terminé  en  1864  (1). 

Le  décret  du  ±1  janvier  1864  approuva  le  traité  conclu  entre  la  Ville  de 
Paris  et  la  Société  Thome  et  C**,  par  lequel  cette  Société  s'engageait  à  exé- 
cuter :  1**  l'ouverture  de  l'avenue  n**  1  (Aima)  ;  2**  l'achèvement  de  l'avenue  José- 
phine (Marceau)  entre  la  rue  de  Chaillot  et  le  carrefour  de  l'avenue  de 
l'Empereur  (Trocadéro);  3**  l'amorce  de  cette  dernière  avenue,  depuis  son 
point  de  départ  au  quai  Debilly  jusqu'au  pan  coupé  sur  le  passage  de  la 
pompe  à  feu. 

Sur  l'emplacement  de  l'Institution  Sainte-Périne-de-Chaillot,  qui  a  été 
transférée  à  Auteuil  (2),  on  a  percé,  en  1865,  une  partie  de  l'avenue  Joséphine 
(Marceau)  et  de  la  rue  Bassano,  ainsi  que  les  rues  Christophe-Colomb,  Euler 
et  Magellan.  En  outre,  l'expropriation  des  terrains  occupés  par  cette  Institu- 
tion a  permis  d'élargir  la  rue  de  Chaillot. 

La  construction  de  l'avenue  Marceau'a  supprimé  :  1"  une  partie  de  la  rue 
Bizet;2'*  l'impasse  des  Blanchisseuses;  3"  une  partie  de  la  ruelle  Sainte- 
Geneviève  (me  Keppler)  ;  4**  une  partie  de  la  rue  Newton  (3). 

Le  nom  d'avenue  Joséphine  avait  été  donné  à  celte  voie,  par  décret  du 
2  mars  1867,  en  l'honneur  de  l'impératrice  Joséphine.  Sa  dénomination 
actuelle  lui  a  été  attribuée,  par  décret  du  16  août  1879,  en  l'honneur  de  Fran 
çois-Séverin  des  Graviers  Marceau  (1769-1796),  fils  d'un  procureur  au  bailliage 
de  Chartres.  Élu,  en  1791,  commandant  du  second  bataillon  des  volontaires 
d'Eure  et  Loir,  il  était  général  à  vingt-quatre  ans,  commanda  l'aile  droite  de  l'ai - 
raée  française  à  Heurus,  reçut  en  1796  le  commandementde  la  premièredivision 
de  l'armée  de  Sarabre-et-Meuse  et  fut  tué,  à  Al  tenkirchen,  à  vingt-six  ans  et  demi . 
La  ville  de  Chartres  lui  a  élevé,  en  1851,  une  statue  en  bronze,  qui  est  de 
Préault  ;  le  musée  de  cette  ville  possède  le  beau  tableau  de  Bouchot  :  Les 
Funérailles  de  Marceau, 

La  rue  des  Balailles,  qui  est  remplacée  par  l'avenue  d'Iéna,  existait  depuis 
fort  longtemps  à  Chaillot;  Henri  IV  et  Gabrielle  d'Estrées  y  demeurèrent 
en  1393,  avant  l'entrée  du  roi  à  Paris.  William  Pitt,  premier  comte  de  Chatam, 
et  Mme  d'Épinay  y  ont  logé.  Le  comte  Treilhard,  ministre  sous  le  premier 
Empire,  y  a  séjourné  sous  le  Directoire  ;  le  comte  Regnaud  de  Saint-Jean- 


fi)  Le  niveUement  de  l'avenue  Marceau  a  été  fixé  par  arrêté  du  12  décembre  1860  pour 
la  partie  comprise  entre  la  place  de  TEloile  et  la  rue  de  Chaillot,  par  arrêté  du 
29  juin  i865  pour  la  partie  comprise  entre  la  rue  de  Chaillot  et  la  place  de  TAlma. 

.2)  Voir  page  216  les  indications  données  sur  l'institution  de  Sainte  Périnc. 

;3/  La  longueur  sous-minée  de  l'avenue  Marceau,  entre  la  rue  Pierre-Charron  et  la  rue 
de  Chaillot,  est  de  65  mètres;  devant  le  n"*  33,  la  distance  du  sol  au  ciel  de  la  carrière 
est  de  i2™,65;  la  hauteur  de  la  galerie  d'exploitation  est  de  i">,8o.  La  consolidation  a  été 
opérée  au  moyen  de  piliers  maçonnés  et  de  remblais  bourrés, 


l40  HISTOIRE    Di:   XVr    ARRONDISSEMENT 

d'Angély,  vers  1812-1815;  Honoré  de  Balzac,  vers  1832-1835  (sur  remplace- 
ment du  n"  12  de  l'avenue  d'Iéna),  (ancien  13  de  la  rue  des  Betailles);  Jules 
Sandeau,  avant  1844. 

Au  n^  iode  cette  avenue  se  trouve l'hùtel  de  style  Louis  XIV  que  le  prince 
Roland  Bonaparte  a  fait  construire  par  M.  Genty. 

Le  ministre  du  Royaume-Uni  de  Suède  et  de  Norvège  demeure  au  n°  58, 
et  le  ministre  de  Tempire  du  Japon,  au  n"  75  de  l'avenue  Marceau. 

Le  12  novembre  1848,  on  a  livré  à  la  circulation  une  nouvelle  barrière, 
dite  des  Batailles,  pour  relier  directement  Chaillot  à  Passy.  Les  omnibus 
circulant  entre  Passy  et  la  place  du  Carrousel  pouvaient  économiser  huit  à 
dix  minutes  pour  leur  trajet  en  prenant  la  nouvelle  route,  qui  suivait  la  rue 
des  Batailles  et,  après  avoir  franchi  le  mur  d'enceinte,  aboutissait  au  carre- 
four de  Passy. 

Le  décret  du  6  mars  1858,  qui  a  déclaré  d'utilité  publique  l'ouverture  de 
Y  avenue  dléna^  nommée  d'abord  «  boulevard  n^  4  de  Chaillot  »,  avait  assigné 
à  cette  avenue  une  largeur  de  40  mètres;  mais  le  plan  d'alignements  joint  au 
décret  n'indiquait  qu'une  largeur  de  36  mètres,  dimension  qui  a  été  efTecti- 
vement  suivie  en  exécution  (1). 

Les  travaux  furent  commencés  dès  1858,  et  leur  exécution  exigea  plusieurs 
années.  Le  décret  du  2  mars  1864  donna  à  cette  voie,  quand  elle  n'était  pas 
encore  terminée,  le  nom  d'avenue  d'Iéna,  en  mémoire  de  la  victoire  rem- 
portée par  l'armée  française  sur  les  Prussiens  le  14  octobre  1806.  Un  décret 
du  24  septembre  1864  approuva  le  traité  passé  entre  la  Ville  de  Paris  et  la 
Société  Thome  et  C"  pour  l'achèvement  de  l'avenue  d'Iéna,  dont  le  perce- 
ment a  coûté  13.466.281  francs  ;  la  revente  des  terrains  et  des  matériaux 
ayant  procuré  une  recette  de  993.610  francs,  la  dépense  nette  ressort  à 
12.472.671  francs. 

L'avenue  d'Iéna  a  remplacé  Tancienne  rue  des  Batailles  entre  le  boulevard 
Delessert  et  la  place  d'Iéna  ;  elle  a  absorbé  Vimpasse  de  la  Croix-Boissière  et 
une  partie  delà  rue  Newton.  Le  duc  de  Vivonne,  frère  de  M.  de  Montespan, 
mourut  en  sa  maison  de  Chaillot  le  15  septembre  1688. 

Bailly  habitait  pendant  l'été  une  maison  de  campagne  qu'il  avait  achetée 
vers  1758,  quand  il  n'avait  encore  que  vingt-deux  ans.  Le  15  juillet  1789,  au 
lendemain  de  la  prise  de  la  Bastille,  il  avait  été  nommé  maire  de  Paris  et  était 
rentré  fort  tard  à  sa  maison  de  Chaillot.  Le  curé  de  Saint-Pierre,  escorté  de  ses 
marguilliers,  se  rendit  chez  Bailly,  qu'il  connaissait  depuis  longtemps,  pour 
le  féliciter  et  pour  lui  annoncer  qu'il  venait  d'être  nommé  marguillier  d'hon- 
neur de  la  paroisse  :  «  Je  suis  touché  de  votre  démarche,  lui  répondit  Bailly; 
mais  je  ne  puis  accepter  ce  titre,  n'en  ayant  jamais  rempli  les  fonctions  effec- 
tives; d'ailleurs,  la  Constitution  proscrit  toutes  ces  places  d'honneur, 
incompatibles  avec  l'égalité.  » 

Jules  Grévy,  ancien  président  de  la  République,  habita  son  hôtel  de  l'ave- 
nue d'Iéna  depuis  le  2  décembre  1887  jusqu'à  sa  mort,  survenue  en  1891. 

(i)  Pour  Taveniie  d'Iéna,  la  longueur  de  la  voie  sous-minée  est  de  178  mètres  entre  la 
place  des  K!tats-Unis  et  la  place  d'Iéna  et  de  169  mètres  entre  cette  dernière  place  et  la 
rue  de  Magdebourg.  Quelques  fontis,  dont  un  venu  à  jour  en  1797.  La  consolidation  a  été 
opérée  au  moyen  de  piliers  maçonnés  et  de  remblais  bourrés.  Près  la  place  des  Etats- 
Unis,  la  distance  du  sol  au  ciel  de  la  carrière  est  de  i6«,5o;  la  hauteur  de  la  galerie  d'ex- 
ploitation est  de  4  mètres. 


MUSÉE   GUIM£T  l4l 

L^hôtel  du  ministre  de  la  République  de  TËquateur  esl  au  a^iide  Tavenue 
dléna. 

Lai  place  d'Iéna,  qui  a  70  mètres  de  largeur,  comprend  deux  grandes  faces 
rectilignes  ;  elle  a  été  formée  en  même  temps  que  Tavenue  d'Iéna  et  en  vertu 
du  même  décret  du  6  mars  1858  ;  elle  est  restée  longtemps  âans  dénomina- 
tion ;  son  nom  lui  a  été  donné  par  un  décret  du  10  décembre  1878.  Le  3  juil- 
let 1900  a  eu  lieu,  sur  la  place  d'Iéna,  la  cérémonie  d'inauguration  de  la  statue 
en  bronze  de  Washington  (1),  offerte  à  la  France  par  un  comité  de  dames  des 
Etats-Unis  ;  elle  est  Tœuvre  de  deux  artistes  américains  :  David  Frencli  et 
Edward  Potter.  Des  candélabres  ont  été  installés  sur  cette  place  en  février 
1900.  Michel  Perret  (1813-1900)  occupait  Thôtel  n*»  7  de  la  place  d'Iéna  (2). 
L'hôtel  du  ministre  du  royaume  de  Perse  se  trouve  au  n"  1  de  cette 
place. 

Le  musée  Guimet^  qui  constitue  un  établissement  unique  en  Europe  au 
point  de  vue  de  l'histoire  comparée  des  religions,  particulièrement  de  celles 
de  TAsie,  occupe  un  espace  compris  entre  la  rue  Boissière,  l'avenue  et  la 
place  d'Iéna.  A  la  suite  de  ses  voyages  et  missions  scientifiques,  M.  Guimet 
'A  rassemblé  à  grands  frais,  dans  ce  musée,  qui  a  d'abord  été  établi  à  Lyon, 
baaucoup  d'antiquités  et  de  curiosités  hindoues,  thibétaines,  chinoises,  japo- 
naises, égyptiennes,  alexandrines,  grecques,  romaines,  gauloises,  etc.,  d'objets 
de  céramique  japonaise  et  13.000  volumes,  tant  imprimés  que  manuscrits. 
Cet  établissement  était  connu,  à  Lyon,  sous  le  nom  de  Musée  Guimet 
dès  1879. 

C'est  en  1882  que  M.  Guimet  prit  la  résolution  de  transférer  son  musée  à 
Paris.  Ce  projet  a  été  réalisé  grâce  à  sa  tenace  persévérance,  à  ses  libéralités, 
à  son  désintéressement,  ainsi  qu'au  zèle  et  au  dévouement  infatigable  de 
M.  Xavier  (^.harmes,  alors  directeur  du  secrétariat  au  ministère  de  l'Instruc- 
tion publique.  La  première  idée  de  M.  Guimet  avait  été  d'offrir  son  musée  à 
la  Ville  de  Paris;  mais  ses  amis  et  M.  Xavier  Charmes  lui  représentèrent  que, 
par  son  but  même,  ce  musée  devait  plutôt  relever  du  ministère  de  l'Instruc- 
tion publique,  d'autant  plus  que  c'était  ce  ministère  qui  avait  confié  à 
M.  (iuimet  les  missions  scientifiques  au  cours  desquelles  il  avait  commencé 
à  réunir,  en  Asie,  les  images  de  divinités,  les  livres  et  manuscrits  religieux, 
les  objets  sacrés  de  l'Inde  védique,  de  l'Inde  brahmanique,  du  bouddhisme 
chinois  et  japonais,  en  ayant  soin  de  s'en  faire  expliquer  le  sens  par  des 
indigènes. 

Le  9  janvier  1883,  M.  Guimet  offrit  de  céder  à  l'Etat,  sous  certaines  condi- 
tions, toutes  ses  collections,  vitrines,  etc.  M.  René  Goblet^  ministre  de  l'Ins- 
truction publique  déposa,  le  1^'  juillet  1885,  sur  le  bureau  de  la  Chambre  des 
députés,  un  projet  de  loi  approuvant  une  convention  aux  termes  de  laquelle 
M.  Guimet  s'engageait  à  céder  à  l'État  toutes  ses  collections  et  à  faire  cons- 
truire à  ses  frais  et  risques,  sur  un  terrain  à  céder  par  la  Ville,  un  palais  dont 
la  dépense  était  évaluée  à  1.590.000  francs,  moyennant  le  paiement  en  trois 
annuités  d  une  subvention  de  780.000  francs,  sous  la  condition  qu'un  crédit 


'ij  Sur  le  piédestal  de  cette  f^latue  équestre  est  gravée  l'inscriplion  suivante  :  u  Offert 
p,ir  les*  femmes  des  Etats-Unis  en  souvenir  de  l'ami  tic  et  de  l'aide  fraternelle  prêtées 
por  la  France  lors  des  guerres  de  l'Indépendance.  » 

;2)  Voir  h  la  p.  207  du  III«  volume  un  article  nécrologique  sur  Michel  Perret. 


il^2  HISTOIRE    DU   XV!"   ARRONDISSEMENT 

annuel  de  45.000  francs  serait  ouvert  par  THltat  pour  Tentrelien  du  musée,  que 
M.  Guimet  en  serait  le  directeur  à  vie  et,  qu'après  lui,  le  directeur  serait  choisi 
par  le  ministre  de  Tlnstruction  publique,  sur  une  proposition  des  corps 
savants  ressortissant  à  son  ministère.  Ces  dispositions  furent  approuvées  par 
une  loi  du  8  août  1885. 

M.  Guimet  avait  exprimé  le  désir  que  remplacement  du  palais  fût  choisi 
de  manière  à  avoir  les  dégagements  nécessaires  sur  une  grande  voie  et  à  se 
trouver  à  proximité  des  musées  modernes  (Trocadéro,  musée  Galliéra, 
grandes  collections  des  ponts  et  chaussées).  On  pouvait  satisfaire  à  ces  condi- 
tions en  achetant  un  terrain  d'environ  4.000  mètres  carrés,  k  l'angle  de 
l'avenue  d'Iéna  et  de  la  rue  Boissière  ;  mais  les  ventes  faites  auprès  de  cet 
emplacement  en  1884  et  1885  faisaient  ressortir  un  prix,  par  mètre  carré,  de 
400  francs,  impliquant  une  dépense  de  1.600.000  francs,  que  la  Ville  trouvait 
trop  élevée.  Cette  difficulté  fut  aplanie  à  la  suite  de  négociations  avec  les 
propriétaires,  MM.  Grienenger  et  d'Erlanger,  qui  oflrirent  de  céder  le  terrain 
pour  1  million  ;  ce  prix  fut  accepté,  le  15  décembre  1885,  par  le  conseil  muni- 
cipal de  Paris. 

Le  palais  a  été  construit  sous  la  direction  de  M.  1  architecte  Terrier,  et 
les  collections  y  ont  été  installées  en  1888;  M.  Guimet  est  encore  actuel- 
lement le  directeur  du  musée,  qui  a  pour  conservateur  M.  de  Milloué  et 
pour  conservateur  adjoint  M.  Deshayes.  Les  ^\nnal€s  et  la  Bévue  de  rhis- 
toire  des  religions  donnent  un  exposé  très  complet  de  toutes  les  religions 
orientales. 

Lors  de  la  construction  du  mur  d'enceinte  de  Paris,  sous  Louis  XVI,  ce 
mur  fut  bordé  à  l'extérieur  par  de  larges  boulevards  qu'on  appelait  «  boule- 
vards extérieurs  ».  La  commune  de  Passy  payait  des  participations  pour 
l'entretien  des  boulevards  extérieurs  de  Passy  et  de  Longchamp,  qui  était 
fait  par  les  soins  de  la  Ville  de  Paris  :  ces  deux  boulevards  ont  été  supprimés 
par  suite  de  la  construction  de  l'avenue  Kléber. 

L'utilisation  de  ces  boulevards  extérieurs  était  tout  indiquée  dans  le  pro- 
gramme des  travaux  d'embellissement  de  l'ouest  du  nouveau  Paris.  En  effet,  en 
prolongeant  la  ligne  qui  passait  par  la  barrière  Sainte-Marie  (place  du  Troca- 
déro) et  par  la  barrière  du  Roule,  on  obtient  l'alignement  droit  qui  forme 
l'axe  des  deux  avenues  actuelles  Kléber  et  Wagram,  s'étend  sur  plus  de 
2.800  mètres  de  longueur  et  croise  perpendiculairement,  sous  l'arc  de 
triomphe  de  l'Étoile,  Taxe  des  magistrales  avenues  des  Champs-Elysées  et  de 
la  Grande-Armée. 

L'ouverture  de  la  partie  de  Yavemie  Kléber  comprise  entre  la  place  de 
l'Etoile  et  la  rue  Pauquet  a  été  autorisée  par  le  décret  du  13  août  18.j4,  qui  a 
réglé  tout  ce  qui  concerne  cette  place  et  ses  abords.  Le  surplus  de  l'avenue 
occupe  l'emplacement  de  Tancien  boulevard  extérieur  de  Passy,  entre  la  rue 
Pauquet  et  la  rue  de  Longchamp  et  celui  de  l'ancien  boulevard  extérieur  de 
Longchamp,  entre  la  rue  de  Longchamp  et  la  place  du  Trocadéro.  L'ancien 
boulevard  extérieur  de  Passi/y  qui  s'étendait  de  la  barrière  de  Neuilly  (place 
de  l'Étoile)  à  la  barrière  de  Longchamp,  n'était  pas  en  ligne  droite  dans  toute 
son  étendue  :  à  400  mètres  environ  de  distance  de  l'Étoile,  il  sïnfléchissait 
suivant  une  courbe  qui  raccordait  les  deux  alignements  du  boulevard.  Cette 
courbe  ne  pouvait  pas  être  maintenue  dans  le  plan  d'embellissement  des 
abords  de  la  place  de  l'Étoile  ;  on  forma  donc  l'avenue  Kléber  en  rectifiant 


AVENUE    KLÉBEB  l43 

rancien  boulevard  de  Passy,  suivant  le  tracé  approuvé  par  le  décret  du 
6  mars  1858.  Elle  fut  complètement  terminée  en  1805  ;  le  décret  du  2  mars  1804 
la  dénomma  u  avenue  du  Roi- de-Rome  »,  parce  qu'elle  va  de  la  place  de 
rÉtoile  à  la  place  du  Trocadéro  et  que  c'est  sur  cette  dernière  place  que  le 
palais  du  roi  de  Rome  avait  été  projeté  sous  le  premier  Empire.  La  dépense 
totale  pour  la  construction  de  cette  avenue  s'est  élevée  à  10.935.22^  francs,  et 
la  revente  de  terrains  et  de  matériaux  a  produit  1.318.732  francs  ;  la  dépense 
nette  a  donc  été  de  9.010.490  francs. 

Dans  son  parcours,  cette  avenue  a  supprimé  :  r  la  rue  Guerlain;  2''  une 
partie  du  chemin  de  ronde  de  Longchamp,  entre  la  rue  de  Longchamp  et  la 
place  du  Trocadéro  ;  S*"  une  partie  du  chemin  de  ronde  de  l'Étoile,  entre  les 
rues  de  Longchamp  et  du  Belloy.  Sur  la  partie  supprimée  du  boulevard  exté- 
rieur, on  a  construit  la  rue  de  Lapérouse  et  une  partie  de  la  rue  Dumonl-- 
d'Urville. 

Le  décret  du  10  août  1879  a  donné  à  cette  voie  le  nom  d'avenue  Kléber  (1), 
en  Thonneurde  Jean-Baptiste  Kléber  (1754  18(K))  qui,  après  avoir  servi  huit 
ans  dans  l'armée  autrichienne  comme  ofQcier,  fut  élu,  en  1790,  chef  d'un 
bataillon  de  volontaires  de  l'Alsace,  sa  patrie;  il  se  distingua  au  siège  de 
Mayence,  servit  ensuite  un  an  en  Vendée,  acquit  la  réputation  d*un  général 
habile  à  l'armée  de  Sambre-et-Meuse,  dans  les  campagnes  de  1794  à  1790,  fut 
mis  ensuite  en  demi-solde  et  habita  Chaillot  en  1790  et  1797.  Le  général  Bona- 
parte lui  confia  le  commandement  de  l'armée  d'Egypte,  quand  il  revint  en 
France.  Il  fut  poignardé  par  un  fanatique,  Suleyman-el-Halebi,  jeune  homme 
de  vingt-quatre  ans,  et  inhumé,  avec  toute  la  pompe  militaire,  dans  un  des  bas- 
tions d'Ibrahim-Bey.  La  ville  de  Strasbourg  a  élevé  à  Kléber  une  statue  de 
bronze  en  1840. 

La  reine  d'Espagne  Ysabelle  II,  grand'mère  du  roi  Alphonse  XIII,  habite 
depuis  1808,  quand  elle  est  à  Paris,  l'hôtel  monumental  qui  avait  appartenu 
d'abord  au  comte  Basilewski  et  qui  est  actuellement  nommé  le  palais  de 
Castille  ;  il  est  situé  au  n"  19  de  l'avenue  Kléber,  à  l'angle  de  la  rue  Pauquet. 
La  reine  Ysabelle  a  fait  apposer,  sur  les  deux  principales  grilles  d'entrée,  un 
Y  sur  fond  d'azur,  dans  un  écusson  accolé  à  celui  des  armes  de  France,  le 
tout  dans  un  petit  cartouche  timbré  d'une  couronne  royale. 

L^ambassade  des  États-Unis  d'Amérique  se  trouve  au  n"  18,  la  légation  du 
Guatemala  aux  n"^  55  et  57,  celle  de  la  République  Argentine  au  n""  87,  et  celle 
de  la  principauté  rte  Bulgarie  au  n*  94  de  l'avenue  Kléber.  Le  n"  92  de  cette 
avenue  est  occupé  par  un  hôtel  de  style  Renaissance,  avec  tourelle  à  deux 
étages,  en  saillie  sur  la  rue  Saint- Didier,  n»*  2,  où  se  trouve  l'entrée. 

Cette  avenue  est  desservie  par  quatre  stations  du  métropolitain  (Étoile, 
avenue  Kléber,  rue  Boissière  et  place  du  Trocadéro).  Les  becs  à  incandescence 
installés  sur  la  partie  de  l'avenue  Kléber  comprise  entre  la  rue  Galilée  et  la 
place  du  Trocadéro,  ne  datent  que  de  1900.  Sur  le  trottoir,  à  la  hauteur  du 
n**  79,  se  trouve  un  kiosque  en  fer  pour  la  descente  dans  les  carrières  de  Passy  ; 

i'  Les  travaux  de  Tavcnue  Kléber  ont  été  exécutt^s,  sous  la  direction  d'Alphand,  par 
M.  Oarcel,  ingénieur  des  ponts  et  chaussées,  avec  le  concours  de  M.  le  conducteur 
Selheimer. 

I-a  voie  sous-minée  a  été  consolidée  sur  3o4  mètres  de  longueur  entre  la  place  du 
Trocadéro  et  la  rue  Saint-Didier.  La  distance  du  sol  au  ciel  de  la  carrière  est  de  i5™,20, 
et  la  hauteur  de  la  galerie  d'exploitation  de  i*,7r>,  au  puits  de  service  placé  au  n®  io6. 


l44  HISTOIRE   DU   XVI*   ARRONDISSEMENT 

on  y  accède  par  un  escalier  de  quatre-vingt  quatre  marches,  construit  en  1786 
dans  les  dépendances  de  Tancienne  barrière  de  Longchamp. 

Les  deux  faisceaux  d'avenues,  rayonnant  les  unes  de  la  place  de  TÉtoile 
et  les  autres  de  la  place  du  Trocadéro,  ont  coupé  les  quartiers  de  Chaillot  et 
de  Passy  de  manière  à  modifier  notablement  le  relief  assez  tourmenté  de  ces 
deux  quartiers.  Pour  les  nouvelles  avenues  qui  pouvaient  être  tracées  en  ligne 
droite  et  sans  franchir  des  crêtes  trop  élevées  (comme  les  avenues  Kléber, 
Victor-Hugo,  Henri-Martin),  on  a  suivi  le  principe  du  point  visuel,  afin 
d'avoir  de  longues  perspectives;  c'est  ainsi  qu'on  est  arrivé  à  faire  voir  Tare 
de  l'Étoile  de  l'avenue  Henri-Martin.  Mais  le  percement  de  l'avenue  Kléber 
et  de  l'avenue  Henri-Martin  et  l'abaissement  de  l'avenue  Victor-Hugo  iso- 
laient, comme  par  des  fossés,  tout  l'tlot  qui  se  trouve  compris  entre  ces  trois 
avenues  et  qui  est  plus  élevé  que  les  grandes  voies  qui  l'environnent.  Pour 
remédier  à  cet  inconvénient,  M.  l'ingénieur  Darcel  a  étudié,  dès  1801,  pour 
le  raccordement  des  rues  avec  les  nouvelles  avenues,  un  projet  de  nivel- 
lement général,  qu'il  importait  d'exécuter  promptement  :  car  plus  on  aurait 
retardé  l'exécution  de  ce  travail  et  plus  il  serait  devenu  onéreux,  en  raison 
des  constructions  nouvelles  à  acquérir  et  par  suite  de  l'élévation  progressive 
du  prix  des  terrains.  On  a  admis  une  pente  rapide  (7  centimètres  par  mètre) 
pour  la  rue  Lauriston,  en  vue  d'en  assurer  la  communication  avec  la  rue 
circulaire  et  la  place  de  l'Étoile.  Il  a  fallu  également  admettre  des  pentes 
fortes  pour  raccorder  la  rue  des  Sablons  et  la  rue  Cortamberl  avec  l'avenue 
Henri-Martin.  L'ouverture  de  l'avenue  du  Roi  de-Rome  (Kléber)  avait  exigé 
un  déblai  de  1"»,70  au  débouché  de  la  rue  du  Télégraphe  (Sainl- Didier),  et 
cette  dilïérence  de  niveau  avait  été  rachetée  provisoirement  par  un  escalier 
qui  supprimait  l'accès  des  voitures  ;  en  1863,  le  raccordement  fut  établi  au 
moyen  d'une  pente  de  4  centimètres  et  demi  par  mètre,  sur  environ  65  mètres 
de  longueur,  les  constructions  préexistantes  s'opposant  à  l'établissement 
d'une  pente  uniforme,  qui  n'aurait  été  que  de  ^  centimètres  par  mètre.  Comme 
la  profondeur  des  déblais  dépassait  9  mètres  à  Tintersection  de  la  rue  de 
Viiiejusi  avec  l'avenue  Kléber,  il  a  fallu  admettre  une  pente  de  7  centimètres 
et  demi  par  mètre  pour  le  raccordement  de  cette  rue. 

La  rue  Mignard  (1)  formait  autrefois  l'extrémité  de  la  rue  Spontini  ;  cette 
extrémité,  voisine  de  la  rue  de  la  Tour,  avait  été  ouverte  en  1858,  avec  une 
largeur  de  10  mètres,  par  la  Ville  de  Paris;  elle  avait  d'abord  porté  le  nom  de 
«  rue  Neuve-du-Puils-Artésien  ».  L'arrêté  du  6  mai  1881  a  donné  le  nom  de 
rue  Mignard  à  la  partie  comprise  entre  l'avenue  du  Trocadéro  et  la  rue  de  la 
Tour.  La  rue  de  Siam  ayant  été  ouverte  en  1884,  le  décret  du  25  février  1886 
a  complété  la  rue  Mignard,  en  classant  la  partie  comprise  entre  la  rue  de  la 
Tour  et  la  rue  de  Siam. 

Pierre  Mignard  (1612-1695),  auteur  des  fresques  de  la  coupole  du  Val-de- 
(Irâce,  a  peint  des  tableaux  d'histoire  et  plus  de  cent  trente  portraits,  entre 
autres  ceux  de  Mlle  de  la  Vallière,  de  Mme  de  Montespan,  de  Mme  de  Sé- 
vigné,  de  La  Bruyère,  de  Mme  de  Maintenon.  Ses  tableaux  étaient  si  soignés 
qu'on  a  depuis  nommé  mignardise  le  défaut  des  ouvrages  dans  lesquels  le 


(i)  î.«i  rue  Mignard  renforme,  devant  le  n»  G,  une  ancienne»  carrière;  la  distance  du  Bol 
au  ciel  de  cette  carrière  est  de  4  mètres,  et  la  hauteur  de  la  galerie  d'exploitation  est  de 
2™,6o;  la  voie  sous-minée  a  été  consolidée  sur  une  longueur  de  3o  mètres. 


RUE    LAPÉROUSE  l45 

soin  est  poussé  à  l'excès  et  qui  paraissent  peu  naturels.  Après  avoir  fait  neuf 
fois  le  portrait  de  Louis  XIV,  il  avait  Tlionneur  de  le  voir  encore  poser  devant 
lui,  pour  une  dixième  toile.  Louis  XIV  lui  dit  :  «  Mignard,  vous  me  trouvez 
vieilli.  »  —  «  Sire,  répondit  l'artiste,  je  vois  quelques  lauriers  de  plus  sur  le 
front  de  Votre  Majesté  »,  et,  le  jour  même,  il  était  nommé  directeur  de  TAca- 
démie  de  peinture. 

C4'est  rue  Mignard,  n*»  il,  à  Tangle  de  la  rue  de  la  Tour,  qu'habitait  le  poète 
Eugène  Manuel,  inspecteur  général  de  TUniversité.  Pour  honorer  sa  mémoire^ 
la  Société  historique  d'Auteuil  et  de  Passy,  dont  il  avait  été  le  président  pen- 
dant huit  ans,  a  fait  apposer  sur  sa  maison  une  plaque  qui  a  été  inaugurée  le 
dimanche  27  octobre  19()l.  De  nombreux  et  beaux  discours  ont  été  prononcés, 
par  ses  amis  et  ses  admirateurs,  le  4  juin  1901,  jour  de  ses  obsèques,  et  le 
±1  octobre  1901,  jour  où  la  plaque  commémorative  a  été  posée  sur  sa  maison* 
sous  la  présidence  de  M.  l'inspecteur  général  Adrien  Dupuy,  délégué  par  le 
ministre  de  Tlnstruclion  publique  et  des  Beaux-Arts,  pour  présider  cette 
cérémonie.  On  pourra  lire  ces  discours  aux  pages  42  à  52  du  IV**  volume  du 
Bulletin^  avec  le  compte  rendu  des  obsèques  de  M.  Eugène  Manuel,  à  qui  sont 
dus  le  développement  et  la  prospérité  de  la  Société  historique  d'Auteuil  et  de 
Passy.  Elle  a  demandé  que  son  nom  soit  donné  à  une  des  rues  du  XVI*  arron- 
dissement (1). 

L'impasse  de  Malakoff,  qui  a  son  entrée  au  n®  161  de  l'avenue  Malakofl, 
a  une  largeur  de  5  mètres.  Elle  a  été  créée,  en  1858,  par  la  Compagnie  du 
chemin  de  fer  sur  des  terrains  ayant  appartenu  à  M.  Cassard.  Elle  a  reçu  sa 
dénomination  en  18IV4. 

La  rue  Dumoni-iTUruille  a  été  ouverte  en  1800  sur  l'emplacement  de  deux 
anciennes  voies,  créées  à  l'époque  de  l'établissement  du  mur  d'enceinte  de 
Paris  sous  Louis  XVI  (chemin  de  ronde  de  l'Étoile  et  une  partie  du  boulevard 
de  Passy).  La  largeur  légale,  qui  avait  été  fixée  à  11"\69  par  arrêté  du  17  août 
1848,  a  été  portée  à  12  mètres  lors  de  l'ouverture  de  l'avenue  Kléber,  l'aligne- 
ment étant  maintenu  du  côté  des  numéros  pairs.  Le  décret  du.  2  mars  1864  a 
donné  à  cette  rue  sa  dénomination  actuelle,  en  l'honneur  du  célèbre  naviga- 
teur Jules-Sébaslien-César  Dumonl-d'Urville  (1790-1842),  qui  a  publié  ses 
voyages  autour  du  monde  et  ses  études  sur  la  Polynésie  ;  il  a  découvert 
plusieurs  terres  dans  l'océan  glacial  antarctique;  il  fut  chargé  en  1830  de 
conduire  Charles  X  en  Angleterre,  fut  nommé  contre-amiral  en  1841  et  périt 
dans  la  catastrophe  du  8  mai  1842  (chemin  de  fer  de  Versailles,  rive  gauche). 
Le  général  Boulanger,  qui  fut  ministre  de  la  Guerre,  a  habité  le  n**  11  bis  de 
la  rue  Dumont-d'Urville  en  1888-1889. 

Rue  Dumont-d'Urville  n**  1  et  rue  de  Belloy  n*  2  on  voit  un  hôtel  du  style 
Renaissance,  qui  a  été  construit  en  1883  ;  au  second  étage  et  faisant  face  à  la 
place  des  États-Unis,  s'avance  une  tourelle  en  encorbellement.  A  l'encoignure 
de  la  rue  Dumont-d'Urville  et  de  l'avenue  d'Iéna  se  trouve  un  hôtel  qui  a  élé 
construit  en  1867  et  où  demeurait  le  maréchal  Bazaine  lorsqu'il  fut  arrêté. 

La  rue  Lapérouse  a  été  ouverte  en  18(50,  avec  12  mètres  de  largeur,  par  la 
Ville  de  Paris,  sur  l'emplacement  d'une  partie  de  l'ancien  boulevard  de  Passy; 
elle  n'existait  antérieurement  que  du  côté  des  numéros  impairs,  dont  les 

'I  :  Voir  aux  annexes  (p.  499)  le  discours  par  M.  Dupuy  (le  27  octobre  1901).  On  trouvera 
également  aux  annexes  (p.  440)  celui  que  j'ai  prononci^  aux  ohst^'quos  du  regretté  M.Manuel. 

10 


l46  HISTOIRE    DU   XVI'   ARRONDISSEMENT 

alignements  ont  été  fixés  par  une  ordonnance  du  bureau  des  finances  du 
16  janvier  1789.  Sa  dénomination  lui  a  été  donnée  par  le  décret  du  2  mars  1864, 
en  l'honneur  de  Jean-François  de  Galaup  de  Lapérouse  (1741-1788),  enseigne 
en  1764,  lieutenant  de  vaisseau  en  177o,  capitaine  de  vaisseau  en  1780;  il  s'il- 
lustra en  Amérique  dans  la  guerre  contre  les  Anglais,  sous  les  ordres  de 
l'amiral  d'Estaing  ;  il  partit  de  Brest  en  i785,  avec  la  Boussole  et  r Astrolabe, 
pour  un  voyage  de  circumnavigation,  découvrit  au  Kamtschatka  le  détroit 
qui  porte  son  nom  et  arriva  à  Botany-Bay  en  1788  ;  on  n'eut  plus  ensuite  de 
ses  nouvelles.  En  1827,  le  capitaine  anglais  Dillon  découvrit  les  débris  de 
son  navire  et.  Tannée  suivante,  Dumont-d*Urville  trouva  des  indices  certains 
de  son  dernier  séjour  à  l'île  de  Vanikoro  (Océanie),  où  il  avait  perdu  la  vie, 
et  y  fit  élever  un  monument  funéraire.  Emile  de  Girardiu,  publiciste,  a 
habité  le  n*»  27  de  la  rue  Lapérouse  de  1877  à  1881,  date  de  sa  mort. 

La  rue  Herran,  qui  longe  le  lycée  Janson-de-Sailly  et  a  12  mètres  de  lar- 
geur, est  une  voie  privée,  ouverte  en  1862  par  M.  Herran,  qui  a  été  successi- 
vement en  Espagne,  en  Angleterre  et  en  France,  ministre  des  républiques 
américaines  de  Honduras,  Salvador  et  Costa-Rica. 

La  rue  du  Général-Apperl  est  une  voie  privée  ;  elle  fut  ouverte  en  1864, 
avec  une  largeur  de  12  mètres,  sur  des  terrains  appartenant  à  M.  l'ingénieur 
Philipps,  qui,  à  l'époque  où  elle  était  encore  à  l'état  d'impasse,  la  nomma 
«  rue  Appert  »>,  parce  que  la  première  maison  y  fut  construite  par  le  général 
Appert{1817-189l).  Ce  général  servit  longtemps  en  Afrique,  futnommé  général 
de  brigade  le  14  juillet  1870,  commanda  la  place  de  Versailles  en  1871  et  une 
division  d'infanterie,  à  Orléans,  en  1875.  11  fut  ensuite  envoyé  à  Saint-Péters- 
bourg, où  il  était  très  apprécié  par  le  tsar,  ce  qui  lui  permit  de  rendre  de 
grands  services  à  la  France.  C'est  sur  la  demande  des  habitants  que  la  déno- 
mination de  «  rue  Appert  »  a  été  remplacée,  le  10  avril  1893,  par  celle  de  «  rue 
du  Général-Appert  ».  Le  prolongement  de  cette  rue  a  été  ouvert  d'août  1897 
à  avril  1898,  entre  les  rues  de  la  Faisanderie  et  Spontini  ;  tous  les  frais  de 
cette  ouverture  (viabilité  complète  et  éclairage)  ont  été  payés  par  M.  de 
Rothschild. 

La  Ville  de  Paiîs  décida  de  ne  pas  aliéner  les  pelouses  du  lianelagh  et  de 
les  aménager  pour  en  faire  une  promenade  publique.  Par  délibération  du 
6  décembre  1857,  le  conseil  municipal  de  Passy  accorda  à  la  Ville  de  Paris 
une  subvention  de  1.000  francs,  pour  établissement  de  bancs  sur  ces  pelouses. 
Elles  sont  actuellement  desservies  par  les  avenues  Ingres,  Prud/îon,  du  liane- 
lagh et  Raphaëlyàojxi  les  riverains  sont  astreints,  dans  l'intérêt  de  Tembellis- 
sement  du  quartier,  à  certaines  servitudes  (l),  en  vertu  du  cahier  des  charges 
régissant  la  vente  aux  enchères  du  4  décembre  1858.  Cette  adjudication 
comprenait  44.756  mètres  carrés,  qui  ont  été  vendus  pour  1.351.000  francs. 
A  répoque  où  elle  a  eu  lieu,  la  situation  des  pelouses  du  Ranelagh  laissait 
encore  beaucoup  à  désirer  ;  elles  étaient  envahies  par  des  haies  et  des  brous- 
Bailles  ;  des  chemins  de  piétons  y  étaient  tracés  dans  tous  les  sens.  Les  ingé- 
nieurs de  la  Ville  dressèrent,  en  1859,  un  projet  montant  à  155.000  francs 
pour  niveler  le  sol,  le  semer  à  nouveau,  y  tracer  les  chemins  longeant  le  parc 
de  la  Muette  et  le  chemin  de  fer  d'Auteuil,  terminer  les  nouvelles  avenues 

(i)  Voir  aux  annexes  (pafçe  440   les  règlements  spéciaux   qui  régissent  les  abot*ds  du 
lianelagh  (contrat  de  vente  des  terrains  bordant  les  avenues  Ingres,  Prudhon  et  Raphaël}. 


PELOUSES   DU   RANEI.ACn  1^7 

et  les  raccorder  avec  le  boulevard  Sucliel  et  la  chaussée  de  la  Muette.  Tous 


si 

il 
II 


ces  terrains  avaient  été  relraiicliés  du  bois  de  Itoulogne  lors  de  rétablisse- 
ment des  fortifications  de  Paris  et  cédés  alors  à  la  Ville  (I). 

RaphaC).  Prudhon  et  Ingres  ont  été  ouvertes  en  18G0,  sous  la  direction 
les  ordre»  Uc  M.  l'ingénieur  Uarcel  et  de  M.  le  conducteur  Seilhoinicr. 


t48  HISTOIRE   DU    XVl"    ARRONDISSEMENT 

Dans  ce  joli  coin  de  verdure  se  trouve  le  monument  élevé  à  La  Fontaine, 
grAce  à  une  souscription  qui  avait  été  ouverte  sous  les  auspices  de  M.  Mar- 
raottan,  maire  du  XV1«  arrondissement;  la  moitié  des  fonds  a  été  fournie 
par  Passy  et  Auteuil.  Le  groupe  est  dû  au  statuaire  Dumilâtre  et  a  été  fondu 
par  M. M.  Thiébaul;  M.  larchitecte  Franlz  Jourdain  est  l'auteurdu  piédestal. 


Dllertinn  de  M.  Cm.  l'alin  ) 


M.  SuUy  Prudhomme,  qui  occupe,  à  l'Académie  française,  le  fauteuil  de  La 
Fonlaine.aproDoncéun  discours  très  applaudie  l'inauguration  du  monument, 
qui  a  eu  lieu  le  m  juillet  IKill .  On  peut  le  trouver  aux  archives  de  la  Société. 
L'avenue  Raphaël,  précL'ddmraent  c.  boulevard  du  Banelagh  ■>,  doit  son 
nom  à  l'illustre  peintre  italien  Raphaël  Sanzio  (i483-lî>20)  ;  élève  du  Pérugin, 
ilcomposa,  il  dix-huit  ans,  leMariagedela  Vierge,  peignit  ensuite  à  Florence /n 
Belle  Jardinière,  puis  fut  iippelé  k  Kome  par  Bramante,  archilecte  du  pape 


AVKNUE    INGRES  i^Q 

Jules  II,  qui  le  chargea  de  peindre  les  salles  du  Vatican  (fresques  de  VÉcole 
d'Athènes,  de  la  Dispute  des  Docteurs,  de  la  Bataille  d'Ostie,  de  r Incendie  de 
BorgO'Vecchio).  Les  ouvrages  de  Raphaël  sont  si  connus  qu'il  paraît  inutile 
de  les  énumérer  ici. 

Cuvillier-Fleury,  ancien  précepteur  du  duc  d'Aumale,  mourut  en  1887  à 
rbùtel  n**  4  de  l'avenue  Raphaël,  qu'il  habitait  depuis  plus  de  vingt  ans  (1). 

L'avenue  Raphaël  renferme  beaucoup  de  jolis  hôtels  et  de  coquettes  villas 
s*épanouissant  au  milieu  de  la  verdure.  On  peut  citer  :  au  n**  10,  un  hôtel 
gothique  à  pignon  central,  et,  au  n**  8,  une  villa  qui  est  une  des  premières 
construites  dans  l'avenue  Raphaël  et  dont  la  façade  est  formée  de  briques  de 
différents  tonss  avec  application  de  faïences  émaillées  de  couleurs  variées;  en 
avant  et  à  gauche,  accolée  à  la  façade  principale,  s'avance  une  véranda  penta- 
gonale  surmontée  d'une  terrasse  et,  sur  le  côté,  toujours  à  gauche  du  bâti- 
ment principal,  s'élève  une  tour  octogonale  également  en  briques  et  faïences 
polychromes  (2),  couronnée  par  une  autre  terrasse  en  saillie. 

Vauenue  Prudfion,  qui  constituait  précédemment  une  partie  de  la  chaussée 
de  la  Muette,  a  reçu  sa  dénomination  actuelle  par  décret  du  2  octobre  1865, 
en  mémoire  du  peintre  Prudhon  (1760-1823),  à  qui  on  doit  :  le  Crime  poursuivi 
par  la  Justice  et  la  Vengeance  célestes,  le  Christ  mourant  sur  la  croix. 

Le  célèbre  compositeur  Gioacchino-Antonio  Rossini,  qui  avait  demeuré 
pendant  quelque  temps  à  la  rue  de  la  Pompe,  habita,  à  partir  de  1857,  une 
villa  qu'il  avait  fait  construire  sur  un  terrain  qui  lui  avait  été  gracieusement 
concédé  par  la  Ville  de  Paris,  près  de  la  porte  de  Passy,  entre  le  chemin  de  fer 
d'Âuteuil  et  le  boulevard  Suchet  (n""  5  de  Vauenue  Ingres)  ;  il  mourut  dans 
cette  villa,  le  13  novembre  1868,  à  l'âge  de  soixante-seize  ans. 

Au  n""  4  de  l'avenue  Ingres,  vis-à-vis  de  l'ancienne  maison  de  Rossini,  se 
trouve  un  hôtel  qui  a  été  construit  par  M.  AUouard,  et  dont  une  reproduction 
a  été  donnée  par  M.  César  Daly,  dans  son  ouvrage  intitulé  :  De  rarchitecture 
privée  au  xix*  siècle. 

On  voit,  au  n**  1  de  Y  avenue  Ingres,  un  hôtel  de  style  Renaissance,  présen- 
tant deux  riches  façades  :  l'une,  sur  l'avenue,  est  masquée  par  les  arbres  ; 
pour  bien  juger  l'autre,  qui  domine  la  voie  ferrée,  il  convient  de  la  regarder 
du  boulevard  Beauséjour.  Des  mosaïques  sur  fond  d'or  sont  incrustées  dans 
les  tympans  des  hauts  pignons  qui  surmontent  les  fenêtres. 

L'avenue  Ingres,  qui  s'est  nommée  d'abord  «  boulevard  Rossini  »,  a  reçu 
sa  dénomination  actuelle,  par  décret  du  2i  août  1864,  en  mémoire  du  peintre 
Jean-Auguste-Dominique  Ingres  (1780-1867),  élève  de  David,  grand  prix  de 
Rome  en  1801.  11  peut  être  considéré  comme  un  maître  classique  et  comme 
le  représentant  du  dessin  correct  et  de  la  peinture  sobre,  toujours  empreinte 
d'un  idéalisme  élevé.  A  l'Exposition  universelle  de  1855,  un  salon  fut  exclu- 
sivement réservé  à  ses  œuvres.  Il  fut  nommé  sénateur  en  1862  et  ensuite  direc- 
teur de  la  villa  Médicis.  Plusieurs  hôtels  de  l'avenue  Ingres  avaient  été 
endommagés  par  les  obus  en  1871. 

(i)  Cuvillier-Fleury,  avant  de  devenir  le  principal  rédacteur  du  Journal  des  Débals  et 
un  des  grands  électeurs  de  l'Académie  française,  avait  été  précepteur  du  duc  d'Orlt'ans, 
flis  aîné  du  roi  Louis-Philippe. 

(2)  Diverses  indications  sur  les  hôtels  et  villas  ont  été  extraites  d'une  communication 
faite  par  M.  Léopold  Mar  à  la  Société  historique  d'Auteuil  et  de  Passy,  sur  les  belles 
façades  du  XVI*  arrondissement. 


|5o  HISTOIRE   DU   XVI* 

Les  avenues  Ingres.  Prudhoa  et  Raphaël  ont  été  munies  du  becs  à  incan- 
desceoce  en  mai  190U. 

L'ouverture  de  la  partie  de  la  rue  de  Freycinel  comprise  entre  Tavenue  de 
l'Empereur  (Trocadéro)  et  la  rue  Morny  (Pierre-Charron)  a  été  déclarée 


(l'utilité  publique  par  le  décret  du  17  septembre  It^tii,  fixant  à  li  mètres  la 
largeur  de  cette  rue;  elle  remplaçait  le  passage  de  la  Pompe-àFeu,  qui  avait 
été  lormé  à  la  fin  du  xvm"  siècle,  était  coudé,  commençait  au  quai  Debilly  el 
finissait  à  la  rue  de  Chaillot.  Un  autre  décret  du  24  du  même  mois  sanctionna 
le  traité  passé  entre  la  Ville  et  la  Société  Thome  et  C'  pour  l'exécution  de  la 
nouvelle  voie. 


RUE   HAMELIN  l5l 

La  déclaration  d'utilité  publique  pour  Touverture  de  la  partie  de  la  rue  de 
Freycinet  comprise  entre  la  rue  Pierre-Charron  et  Tavenue  d'iéna  a  été  pro- 
noncée parle  décret  du  2  mars  1867.  La  Ville  a  utilisé  des  terrains  provenant 
des  anciens  réservoirs  de  Chaillot,  pour  l'ouverture  de  cette  section,  qui  a 
également  une  largeur  de  12  mètres  et  dont  les  travaux  ont  été  exécutés  par 
la  Société  Thome  et  C'*,  suivant  un  traité  passé  le  2  juillet  1866  entre  la  Ville 
et  cette  Société.  Vimpasse  des  Réservoirs  s  est  trouvée  confondue  dans  le 
tracé  de  cette  seconde  section. 

Le  décret  du  2  mars  1867  a  donné  à  la  rue  de  Freycinet  (1),  dans  tout  son 
parcours,  cette  dénomination,  en  Thonneur  du  navigateur  Louis-Claude 
De  Saulcesde  Freycinet  (1779- 1842), qui  a  découvert  des  terres  australes;  il  fut 
nommé  capitaine  de  vaisseau  en  1820  et  entra  à  TAcadéraie  des  sciences 
en  1825.  La  légation  du  royaume  de  Serbie  se  trouve  au  n"  9  de  la  rue  de 
Freycinet. 

La  rue  de  Bassano  appartient  au  XVl»  arrondissement  entre  l'avenue  d'Iéna 
et  l'avenue  Marceau,  au  VIII»,  entre  l'avenue  Marceau  et  l'avenue  des  Champs- 
Elysées.  Cette  rue  peut  être  considérée  comme  faisant  suite  à  la  rue  de 
Lubeck,  dont  elle  est  séparée  par  la  place  d'Iéna.  Le  décret  du  17  sep- 
tembre 1864  avait  autorisé  le  prolongement  de  la  rue  de  Lubeck  depuis  la  rue 
Boissière  jusqu'à  l'avenue  des  Champs-Elysées  ;  les  travaux  furent  exécutés 
par  la  Société  Thome  et  C,  et  le  décret  du  2  mars  1867  a  donné  à  ce  prolon- 
gement, entre  la  place  d'Iéna  et  l'avenue  des  Champs-Elysées,  le  nom  de  rue 
de  Bassano.  Ce  percement,  pour  lequel  on  a  adopté  la  largeur  de  13  mètres,  a 
englobé  (2)  la  ruelle  des  Jardins,  qui  existait  en  1730  et  allait  de  la  rue  Kep- 
pler  à  Vimpasse  des  Réservoirs,  supprimée,  comme  il  a  été  dit  ci-dessus,  par 
suite  de  la  création  de  la  rue  de  Freycinet  (3).  On  remarque,  au  n°  48  de  la 
rue  de  Bassano,  un  bel  hôtel  qu'habite  l'illustre  peintre  Honnat,  membre  de 
•l'Institut  et  professeur  à  l'Ecole  des  Beaux-Arts. 

Hugues-Bernard  Maret,  duc  de  Bassano  (1763-1834), fut  un  des  fondateurs 
du  Club  des  Feuillanls;  il  a  été  ministre  des  relations  extérieures  en  1811, 
pair  de  France  en  1831  et  ministre  de  l'Intérieur  en  1834. 

La  rue  Hamelin  (4),  qui  va  de  la  rue  de  Lubeck  à  l'avenue  Kléber,  se  trouve 
à  la  hauteur  de  l'ancienne  barrière  des  Bassins,  point  où  le  mur  d'enceinte 
décrivait  un  arc  de  cercle  ayant  pour  efiet  de  faire  abandonner  au  boulevard 

(i)  Sous  le  trottoir  de  la  rue  de  Freycinet  se  trouve  un  escalier  circulaire  de  i4'"t55 
de  profondeur  (63  marches),  construit  en  1784,  dans  l'enceinte  des  réservoirs  de  la 
pompe  à  feu  de  Chaillot,  pour  desservir  les  réseaux  de  l'inspection  générale  des 
carrières.  La  longueur  de  la  voie  sous-minée,  rue  de  Freycinet  est  de  99  mètres,  outre 
la  venue  d*Iéna  et  la  rue  de  Chaillot;  il  s'y  est  produit  quelques  fontis,  dont  3  venus  à 
jour  en  1807  et  1812.  La  hauteur  du  sol  au  ciel  de  la  carrière  est  de  ii«»,07;  la  hauteur  de 
la  galerie  d'exploitation  est  de  3™4^- 

(2)  Sur  le  VIII«  arrondissement,  le  percement  de  la  rue  de  Bassano  a  supprimé,  entre  la 
rue  Vernet  et  Tavenue  des  Champs-Elysées,  la  rue  du  Château-des-Fleurs,  qui  avait  été 
créée  en  vertu  d'un  arrêté  du  conseil  du  roi  du  21  août  1777  et  qui  servait  de  limite 
orientale  au  promenoir  de  Chaillot. 

(3)  La  longueur  des  voies  sous-minées  est  de  42  mètres,  devant  les  n*"*6,  8,  10  et  12  de 
la  rue  de  Bassano  ;  une  carrière  isolée  s'y  étend  sous  les  propriétés  des  n««  pairs  seulement. 
Entre  les  rues  Pauquet  et  Bizet,  la  distance  du  sol  au  ciel  de  la  carrière  est  de  i9™,95  :  la 
hauteur  de  la  galerie  d'exploitation  est  de  6™,5o. 

(4)  La  longueur  de  la  voie  sous-minée  est  de  4^  mètres  sous  la  rue  Hamelin,  à  l'ori- 
gine de  la  rue  de  Lubeck.  La  consolidation  a  été  faite  par  remblais  bourrés  sur  20  mètres  de 
longueur.  La  distance  du  sol  au  ciel  de  la  carrière  est  de  i3"',70,  et  la  hauteur  de  la  galerie 
d'exploitation  est  de  4™/^- 


lb2  HISTOIRE   DU   XVI^   ARRONDISSEMENT 

de  Passy  (ancien  boulevard  extérieur)  la  direction  de  Tavenue  Kléber  et  de 
lui  faire  suivre  celle  de  la  rue  Dumont-d'Urville.  Elle  a  été  ouverte  avec  une 
largeur  de  12  mètres,  en  vertu  du  décret  du  17  septembre  1864;  un  autre 
décret,  du  24  du  même  mois,  a  sanctionné  le  traité  passé  entre  la  Ville  et  la 
Société  Thome  et  C*«,  pour  l'exécution  du  percement  de  cette  rue,  qui  a  reçu 
son  nom,  par  décret  du  2  mars  1867,  en  l'honneur  de  Tamiral  Ferdinand- 
Alphonse  Hamelin  11796-1864),  neveu  du  contre-amiral  Hamelin,  mort  en 
1839.  Il  fut  embarqué  à  onze  ans  sur  la  frégate  la  Vénus,  commandée  par  son 
oncle  ;  il  prit  part,  à  quatorze  ans,  enqualité  d'aspirant,  à  la  bataille  du  Grand- 
Port,  que  Duperré  livra  à  la  flotte  anglaise  et  qui  nous  rendit  TIle-de-France; 
il  fut  nommé  enseigne  en  1812,  lieutenant  de  vaisseau  en  1821,  capitaine  de 
vaisseau  en  1836,  contre-amiral  en  1842,  vice-amiral  en  1848.  Pendant  la 
guerre  de  Crimée,  il  commanda  la  flotte  française  dans  la  mer  Noire  ;  il  fut 
nommé  amiral  en  1854,  ministre  de  la  Marine  en  1855  et  grand  chancelier  de 
la  Légion  d'honneur  en  1860. 

En  septembre  1897,  le  pavage  en  pierre  de  la  rue  Hamelin  a  été  converti 
en  pavage  en  bois  (1). 

La  rue  de  Belloy  a  été  ouverte  à  12  mètres  de  largeur,  en  1866,  tant  sur 
l'emplacement  des  anciens  réservoirs  de  Chaillot  que  de  divers  immeubles 
acquis  par  la  Ville  (traité  passé  le  2  juillet  1866  avec  la  Société  Thome  et  C^*). 
Le  nivellement  a  été  fixé  par  l'arrêté  du  7  novembre  1866;  mais  le  classement 
de  cette  rue  comme  voie  publique  n'a  été  prononcé  que  par  le  décret  du 
25  juin  1883,  modifiant  les  alignements. 

Le  décret  du  10  août  1868  a  donné  à  cette  rue  sa  dénomination  en  Thonneur 
de  Jean-Baptiste  de  Belloy  (1709-1808), qui  remplaça  l'illustre  évoque  Belzunce, 
à  Marseille,  en  1756,  fut  nommé  archevêque  de  Paris  en  1802  et  cardinal  en  1803. 

La  rue  de  Juigné^  longeant  le  terrain  qui  avait  d'abord  été  réservé  en  vue 
de  la  construction  d'une  nouvelle  église  à  Chaillot  et  qui  forme  aujourd'hui* 
la  place  des  États-Unis,  a  été  ouverte  en  1866  par  la  Ville,  sur  l'emplacement 
tant  des  anciens  réservoirs  de  Chaillot  que  de  divers  immeubles  acquis 
conformément  à  un  traité  passé  entre  la  Ville  et  la  Société  Thome  et  C'«.  Le 
décret  du  10  août  1868  avait  donné  à  cette  rue  sa  dénomination  en  l'honneur 
d'Antoine-Éléonore-Léon  Leclerc  de  Juigné  ;1728-1811),  évoque  de  Châlons 
en  1764,  archevêque  de  Paris  en  1781,  qui  fut  député  aux  États  généraux, 
s'expatria  et  ne  revint  qu'en  1802  en  France,  où  il  passa  ses  dernières  années 
dans  la  retraite.  La  rue  de  Juigné  ne  porte  plus  ce  nom  actuellement,  parce 
qu'elle  fait  partie  de  la  place  des  États-Unis,  qui  a  été  créée  également  en  1866 
par  la  Ville,  s'était  d'abord  appelée  «  place  Galilée  »,  avait  reçu,  par  décret 
du  10  février  1875,  le  nom  de  «  place  de  Bitche  »,  en  mémoire  de  l'héroïque 
défense  de  cette  place  pendant  la  guerre  de  1870-1871,  a  été  classée  et  alignée 
par  le  décret  du  25  juin  1883,  et  a  reçu  sa  dénomination  actuelle,  par  décret  du 
16  août  1881,  en  l'honneur  de  la  grande  république  américaine.  La  place  des 
États-Unis,  qui  a  60  mètres  sur  55,  est  ornée  d'une  statue  de  Washington 
et  La  Fayette  et  renferme  un  jardin  anglais.  En  1897,  le  pavage  en  pierres  de 
la  place  des  États-Unis  a  été  converti  en  pavage  en  bois. 

Le  décret  du  2  mars  1867  a  donné  le  nom  de  Mozart  à  l'avenue  devant  être 
ouverte  entre  la  chaussée  de  la  Muette  et  la  rue  de  la  Fontaine.  Le  décret  du 

(i)  En  1902,  recelé  municipale  de  garçons  de  la  rue  Hamelin  avait  242  élèves. 


RUE    MOZART  l53 

29  mai  suivaut  a  déclaré  d'utilité  publique  l'ouverture  de  cette  voie,  en  spéci- 
fiant qu'elle  aurait  20  mètres  de  largeur  ;  qu'elle  partirait  du  carrefour  formé 
à  Auteuil  par  la  rencontre  des  rues  Poussin,  des  Vignes  (Pierre-Ouérin),  de  la 
Fontaine  (La  Fontaine)  et  de  Magenta  (Pierre-Guérin)  ;  enfin  qu'elle  aboutirait 
au  point  de  jonction  des  rues  de  la  Pompe  et  de  Boulainvilliers,  avec  forma- 
lion  d'un  carrefour  de  dégagement  à  Tintersection  de  ces  deux  dernières  rues 
avec  la  rue  de  Passy. 

Le  percement  de  cette  rue  Mozart  a  été  immédiatement  commencé;  mais 
on  n'a  exécuté,  sous  le  second  Kmpire,  que  la  partie  comprise  entre  la  rue 
Bois-le-Vent  et  la  rue  de  l'Assomption  (1).  On  a  ouvert,  en  1876  et  1877,  la 
section  qui  s'étend  de  la  rue  de  l'Assomption  à  la  rue  Ribéra,  ainsi  qu'une 
amorce  près  de  la  rue  La  Fontaine  ;  on  a  fait,  en  1881 ,  la  partie  qui  s'étend  entre 
la  rue  Ribéra  et  la  rue  La  Fontaine  ;  enfin  on  a  mis  en  état  de  viabilité,  de 
juin  1895  h  février  1897,  la  section  comprise  entre  la  chaussée  de  la  Muette  et 
la  rue  Boîs-le-Vent. 

On  a  donc  mis  près  de  trente  ans  à  percer  la  rue  Mozart  (qui  dessert 
Auteuil  et  Passy),  ce  qui  tient  à  ce  que  les  travaux  ont  été  interrompus  fré- 
quemment, et  Ton  peut  dire  que  les  prévisions  n'ont  pas  encore  été  complète- 
ment réalisées,  car  les  ingénieurs  de  la  Ville  avaient  projeté  primitivement 
de  prolonger  la  rue  Mozart  jusqu'à  la  place  du  Trocadéro,  afin  de  relier  direc- 
tement cette  place  avec  Auteuil.  On  n'a  pas  exécuté  jusqu'ici  ce  prolongement, 
qui  devait  avoir  20  mètres  de  largeur,  comme  la  rue  Mozart  ;  plus  on  atten- 
dra, et  plus  la  dépense  s'accroîtra,  en  raison  des  constructions  qui  s'élèvent 
sur  le  tracé.  On  peut  diviser  ce  prolongement  en  deux  sections  :  la  première 
aboutirait  à  la  place  Possoz,  où  l'emplacement  de  la  voie  projetée  est  indiqué 
par  deux  amorces;  la  seconde  section  couperait  la  rue  Vital  près  de  son  inter- 
section avec  la  rue  Nicolo,  la  rue  de  la  Tour  entre  la  rue  Bellini  et  la  rue 
Louis-David,  la  rue  SchefTer  à  son  intersection  avec  la  rue  Bellini;  elle  tra- 
verserait la  rue  Pétrarque  et,  ce  qui  constitue  une  grave  difficulté,  le  cime- 
tière de  Passy,  pour  rejoindre  la  place  du  Trocadéro,  entre  l'avenue  Henri- 
Martin  et  la  rue  Franklin,  au  point  où  le  mur  du  cimetière  de  Passy  a  été 
reconstruit,  en  lîKK),  avec  une  forme  à  arcades,  qui  diffère  de  celle  adoptée 
pour  les  autres  parties  de  ce  mur  de  soutènement. 

La  dépense  totale  faite  de  1807  à  1897,  pour  l'ouverture  de  la  rue  Mozart, 
s'est  élevée  à  ±47'2.655  francs  ;  la  revente  des  terrains  et  des  matériaux  de 
démolition  ayant  procuré  une  recette  d'environ  7oO.O(K)  francs,  le  sacrifice  de  la 
Ville  de  Paris  pour  la  création  de  cette  voie  peut  être  évalué  à  1.700.000  francs- 

Le  compositeur  Jean-Chrysostome-Wolfgaug-Amédée  Mozart  (1756-1791) 
fut  présenté  à  l'empereur  d'Allemagne  François  1"  à  l'âge  de  six  ans  ;  il  com- 
posait déjà  alors  des  pièces  de  clavecin  et  jouait  à  livre  ouvert;  il  n'avait  pas 
encore  huit  ans  quand  il  touchait  l'orgue  à  Versailles  ;  il  fut  présenté  l'année 
suivante  à  la  cour  d'Angleterre.  Il  composait  de  mémoire,  sans  le  secours  du 
piano,  et  jetait  rapidement  ses  idées  sur  le  papier  ;  il  est  l'auteur  de  DonJuan, 
des  Noces  de  Figaro,  de  la  Flûte  enchantée,  d'une  célèbre  messe  de  requiem  et 
de  beaucoup  de  symphonies. 

(i)  Les  travaux  de  la  rue  Mozarlonlclé  dirifçés  de  i806i\  i8G8  par  M.  l'ingénieur  Ernest 
Rousseau  et  M.  le  conducteur  Maliieu;  on  187G  et  1878,  par  M.  l'ingénieur  Harlet  ol  M.  le 
conducteur  Lomprez;  en  1881,  par  M.  l'ingénieur  CluKiuet  et  M.  le  conducteur  Holy;  en 
i8g6,  par  M.  ringénieur  Babinet  et  M.  le  conducteur  Chevallier. 


l54  HISTOIRE   DU   XVI*  ARRONDISSEMENT 

Le  décret  du  21  novembre  1901  a  modifié  les  alignements  à  Tangle  de  la 
rue  Mozart  et  de  la  chaussée  de  la  Muette. 

Vimpasse  Mozart,  qui  a  son  entrée  au  n**  36  de  la  rue  Mozart,  à  peu  de  dis- 
tance de  la  rue  du  Ranelagh,  n'a  qu'une  largeur  de  l"',^^  sur  une  longueur 
de  28  mètres  et  était  précédemment  nommée  «  impasse  de  la  Chaise  ».  C'est  le 
restant  d'une  ancienne  sente,  dite  de  la  Chaise,  qui  avait  été  classée  comme 
chemin  public  rural  par  arrélé  du  5  octobre  1857  ;  elle  commençait  à  la  rue 
de  la  Glacière  (ensuite  rue  Davioud)  et  arrivait  au  lieu  dit  La  Chaise  (Beau- 
séjour).  Une  grande  partie  de  son  étendue  s'est  trouvée  supprimée  par  suite 
du  percement  de  la  rue  Mozart.  Le  nom  d'impasse  Mozart  a  été  substitué  à 
celui  d'impasse  de  la  Chaise  par  l'arrêté  du  3  septembre  1869. 

Le  décret  du  2  mars  1867  a  donné  le  nom  de  rue  Largiiiière  à  la  voie  à 
ouvrir  entre  la  rue  Mozart  et  le  boulevard  Beauséjour  ;  un  autre  décret  du 
29  mai  de  la  môme  année  a  déclaré  d'utilité  publique  l'ouverture  de  cette  rue, 
qui  a  été  immédiatement  exécutée  :  1°  sur  un  emplacement  appartenant  à  la 
Ville  et  précédemment  occupé  par  le  service  municipal  des  promenades  et 
plantations  ;  2**  sur  des  terrains  appartenant  à  la  Société  Ileugel  et  G**. 

Nicolas  Largiiiière  (1656-1746)  fut  d'abord  attaché,  en  Angleterre,  à  la  per- 
sonne du  roi  Charles  II  ;  la  protection  de  Van  der  Meulen,  peintre  historio- 
graphe de  Louis  XIV,  lui  procura  des  commandes  de  portraits  en  France  ; 
Charles  Le  Brun  le  prit  en  amitié.  La  vérité  du  coloris,  la  fraîcheur  du  ton 
et  la  légèreté  de  touche  de  Largiiiière  le  firent  surnommer  le  Van  Dyck 
français.  Il  entra,  en  1686,  à  l'Académie  de  peinture,  dont  il  devint  ensuite 
chancelier.  On  lui  doit  un  ex-voto  qui  décore  l'église  Saint-Étienne-du-Mont, 
le  Repos,  donné  à  Louis  XIV  par  la  Ville  de  Paris,  en  1687,  et  le  Mariage  du 
duc  de  Bourgogne  en  1697  ;  il  a  fait  1.500  portraits. 

Au  n*"  4  de  la  rue  Largiiiière,  à  l'angle  de  la  chaussée  de  la  Muette,  se 
trouve  l'habitation  que  s'était  fait  construire  M.  l'architecte  Lheureux,  mort 
récemment  ;  il  a  dirigé  l'agrandissement  de  l'École  de  droit,  avec  nouvelle 
façade  sur  la  rue  Saint-Jacques.  Si  on  entre  dans  cette  maison,  on  voit  du 
jardin  une  construction  originale  :  trois  corps  de  bâtiment  reliés  à  gauche 
par  une  tour  à  deux  étages,  qui  sert  d'escalier  et  à  laquelle  s'adosse  une 
rotonde.  La  description  de  cette  habitation  se  trouve  à  la  page  821  de  Y  Ency- 
clopédie d'architecture,  publiée  par  Mme  veuve  Morel  et  C''. 

La  villa  Herran,  qui  a  son  entrée  rue  de  la  Pompe,  au  n*  85,  a  été  formée 
en  1867  par  M.  Herran  (1). 

La  villa  de  Longchamp  a  son  entrée  sur  la  rue  de  Longchamp,  entre  le 
n*  36  et  le  n"  38,  près  de  l'avenue  Kléber  ;  c'est  une  voie  privée  qui  n'a  que  2'',50 
de  largeur  et  qui  constitue  une  rectification  d*un  ancien  chemin  de  Chaillot, 
qui  était  dénommé  «  ruelle  du  Bouquet-des-Champs  »,  était  coudé  et  avait 
une  largeur  variant  entre  1  mètre  et  3"', 50.  Cette  rectification  avait  été  dénom- 
mée rue  Rigaud  (2)  par  le  décret  du  27  février  1867.  Les  propriétaires  lui  ont 
donné,  en  1887,  le  nom  de  villa  de  Longchamp. 

(i)  Voir  p.  itfi  pour  la  rue  Herran.  La  longueur  de  la  voie  >*ous-nunée  est  de  20  mètres 
à  partir  de  la  rue  de  la  Pompe  ;  la  distance  du  sol  au  ciel  de  la  carrière  est  de  8™,55,  et  la 
hauteur  de  la  galerie  d'exploitation  est  de  5  mètres.  Quelques  fontis  s'étaient  manifestés; 
la  villa  Herran  a  été  consolidée  par  les  propriétaires  de  cette  voie  privée. 

(2)  Hyacinthc-F'rançois-Honoré  Rigaud  (iGTkj-ij^S)  a  été  directeur  de  rAcadémie  de 
peinture  en  1735  ;  le  Louvre  a  de  lui  le  Martyre  de  saint  André,  les  portraits  de  Lebrun  et 
de  Mignard. 


HUE   FOUCAULT  l55 

La  rue  Niiot  a  été  ouverte  sur  une  propriété  de  la  famille  Nitot.  Le  terrain 
de  75.000  mètres  carrés,  clos  de  murs,  compris  entre  la  rue  de  Cbaillot  et 
Tancien  mur  d'enceinte,  avait  été  acheté  en  1810  par  M.  Nitot,  un  des  bijou- 
tiers fournisseurs  de  Napoléon  I*'  (1)  et  était  connu  sous  le  nom  de  clos 
Nitot.  Un  banquet  réformiste  y  fut  donné  en  1848.  Le  décret  du  13  mars  1869 
a  autorisé  le  colonel  Nitot,  le  comte  Treilhard,  conseiller  d*État,  le  sénateur 
Boittelle  et  le  baron  d'Erlanger,  alors  propriétaires  du  clos  Nitot,  à  ouvrir 
sur  leurs  terrains  et  suivant  les  alignements  fixés  par  ledit  décret,  une  rue 
de  là  mètres,  destinée  à  faire  communiquer  la  rue  de  Lubeck  avec  la  place 
Galilée  (place  des  États-Unis),  à  charge  par  eux  d'abandonner  gratuitement 
à  la  Ville  de  Paris  le  sol  de  la  rue  projetée  et  de  se  soumettre  aux  autres 
conditions  énoncées  dans  leurs  soumissions  de  fin  1866  et  du  8  novembre  1868. 
L'arrêté  du  20  juillet  1868  avait  donné  à  cette  nouvelle  voie  le  nom  de  rue 
Nitot. 

Le  percement  de  la  rue  Le  Nôtre,  avec  une  largeur  de  IS  mètres,  est  indi- 
qué sur  le  plan  annexé  à  la  loi  du  28  avril  1869,  approuvant  la  convention 
passée  entre  l'État  et  la  Ville  de  Paris  pour  la  place  du  Roi-de-Rome  (place 
du  Trocadéro)  et  ses  abords.  Cette  rue  a  une  pente  très  rapide  ;  le  décret  du 
10  novembre  1877  lui  a  donné  sa  dénomination  en  l'honneur  d'André  Le 
Nôtre,  architecte  et  dessinateur  de  jardins  (1613  1700),  fils  d  un  surintendant 
des  Tuileries.  Ayant  succédé  à  son  père,  il  fit  planter  la  grande  allée  des 
Tuileries,  dessina  pour  Fouquet  le  parc  du  château  de  Vaux,  créa  l'immense 
parc  de  Versailles  et  les  jardins  de  Trianon,  ceux  de  Chantilly,  Saint-Cloud, 
Meudon  et  Sceaux,  ainsi  que  la  terrasse  de  Saint-Germain,  les  canaux  du 
parc  de  Fontainebleau  et  la  promenade  d'Amiens.  Louis  XIV  lui  conféra  le 
cordon  de  Saint-Michel  et  voulut  lui  donner  des  armoiries  :  «  Des  armoiries, 
répondit  Le  Nôtre,  j'ai  déjà  les  miennes  :  trois  limaçons  couronnés  d'une 
feuille  de  chou.  » 

La  rue  Théry  est  une  voie  privée,  ouverte  en  1869,  avec  une  largeur  de 
12  mètres,  sur  des  terrains  appartenant  à  M.  Théry,  fabricant  de  chocolat. 

La  rue  Détrousse  a  été  ouverte,  comme  voie  privée,  en  1869,  avec  une  lar- 
geur de  12  mètres,  par  la  Société  Latessieur  de  Launay,  dont  un  des  princi- 
paux actionnaires  était  M.  François-Hubert  Debrousse  (1817-1878),  qui  a 
construit  plusieurs  chemins  de  fer  (ligne  de  Picardie  et  Flandres,  Compagnie 
franco-algérienne).  Le  décret  du  29  novembre  1901  a  classé  la  rue  Debrousse 
au  nombre  des  voies  publiques  et  en  a  fixé  les  alignements. 

La  rue  Foucault  a  été  ouverte,  vers  1874,  par  la  Ville  de  Paris,  avec 
12  mètres  de  largeur  ;  le  nivellement  y  a  été  fixé  par  l'arrêté  du  13  octobre  1874 
et  elle  a  été  classée  au  nombre  des  voies  publiques  par  le  décret  du  7  juil- 
let 1884,  qui  en  a  fixé  les  alignements.  Sa  dénomination  lui  a  été  donnée  par 
le  décret  du  10  novembre  1877,  en  mémoire  de  Jean-Bernard-Léon  Fou- 
cault (1819-1868),  physicien  et  membre  de  l'Académie  des  Sciences.  La  hau- 
teur des  maisons  de  la  rue  Foucault  est  limitée  à  14™,30. 

Foucault  a  fait,  de  1850  à  1852,  des  expériences  qui  ont  été  fort  remar- 
quées et  qui  rendaient  visible  le  mouvement  de  rotation  de  la  terre.  Si  on  fait 
osciller  un  pendule,  il  se  déplace  dans  un  même  plan  vertical  ;  il  se  meut 
donc  dans  un  plan  invariable,  pendant  que  la  terre  tourne.  Pour  l'observateur 

(i)  Voir  p.  442  rarticle  de  M.  Emile  Potin  intitulé  :  «  Une  Rue  de  Chaillot  ». 


l56  HISTOIRE    DU   XVI*   ARRONDISSEMENT 

placé  sur  la  terre,  c*est  le  plan  d'oscillation  du  pendule  qui  paraît  se  déplacer 
d'orient  en  occident,  c'est-à-dire  en  sens  inverse  du  mouvement  de  la  terre. 
Comme  le  disait  Foucault,  dans  son  feuilleton  scientifique  du  Journal  des 
Débais,  «  le  mouvement  apparent  du  pendule  révèle  au  spectateur  le  mouve- 
ment réel  du  globe  qu'il  habite».  Le  pendule  de  Foucault  était  constitué  par 
un  fil  d'acier  d'environ  70  mètres  de  longueur,  fixé  par  un  bout  au  sommet 
de  la  voûte  intérieure  de  la  coupole  du  Panthéon  et  portant,  à  l'autre  extré- 
mité, une  boule  de  plomb  d'environ  30  kilogrammes,  traversée  par  une  tige 
de  cuivre  et  munie  d'un  style  d'acier.  En  raison  de  sa  grande  longueur,  le 
pendule  mettait  IG  secondes  à  revenir  au  point  d'où  il  était  parti  ;  la  terre 
continuant  pendant  ce  temps  à  tourner,  le  pendule  répondait  à  une  autre 
division  du  cercle,  de  8  mètres  de  circonférence,  au-dessus  duquel  il  oscillait, 
et  chaque  oscillation  double  du  pendule  correspondait  à  un  déplacement 
d'environ  2  millimètres  et  demi.  Pour  manifester  ce  déplacement,  on  avait 
garni  le  pourtour  du  cercle  d'une  couronne  de  sable,  posée  sur  le  dallage  du 
monument,  à  l'intérieur  d'une  balustrade  circulaire  qui  en  séparait  le  public  ; 
une  brèche  était  pratiquée  dans  cette  couronne  de  sable  par  une  pointe  fixée 
à  la  boule  du  pendule.  Les  expériences  du  pendule  de  Foucault  seront  refaites 
au  Panthéon  en  1902,  sous  la  direction  de  M.  Camille  Flammarion,  secrétaire 
général  de  la  Société  astronomique  de  France,  directeur  de  l'observatoire  de 
Juvisy,  auteur  de  la  Pluralité  des  mondes  habiles,  et  de  M.  Berçet,  directeur 
du  laboratoire  de  M.  Lippmann  à  la  Sorbonne.  L'appareil  sera  installé  sous 
la  coupole  par  les  soins  de  M.  Nénot,  architecte  de  la  Sorbonne.  Le  fil  d'acier, 
qui  aura  un  diamètre  de  72  centièmes  de  millimètre,  sera  retenu  au  repos 
par  un  fil  de  chanvre  qu'on  enflammera  pour  le  rompre  et  mettre  l'appareil 
en  mouvement. 

La  villa  de  la  Tour  a  été  formée,  à  partir  de  1874,  par  M.  Souchier,  pro- 
priétaire des  terrains  qui  appartenaient  depuis  longtemps  à  sa  famille  ;  il 
était  maire  de  Chantilly  à  l'époque  de  son  décès,  survenu  en  1891.  Pendant 
la  nuit,  cette  villa  est  fermée  par  des  grilles  ;  elle  appartient  actuellement 
aux  propriétaires  des  neuf  maisons  qui  y  ont  été  construites.  Elle  forme  un 
coude  et  n'avait  primitivement  d'entrée  que  sur  la  rue  de  la  Tour,  au  n*»  96  bis; 
mais  M.  Souchier  lui  a  donné  ensuite  une  seconde  entrée  sur  la  rue  Eugène- 
Delacroix,  en  autorisant  la  construction  de  deux  maisons  en  façade  sur  cette 
rue,  sous  la  condition  de  laisser  un  passage  libre  d'une  largeur  de  4  mètres  ; 
cette  largeur  est  celle  qui  existe  entre  les  clôtures  des  diverses  maisons  de  la 
villa  ;  mais  les  actes  de  propriété  interdisent  d'élever  des  constructions  sur 
les  jardinets,  de  sorte  que  la  distance  minima  entre  les  façades  des  maisons 
(excepté  les  deux  qui  donnent  sur  la  rue  Eugène-Delacroix)  est  de  9",67  sur 
la  partie  perpendiculaire  à  cette  rue  Eugène- Delacroix,  et  de  10  mètres  sur  la 
partie  perpendiculaire  à  la  rue  de  la  Tour.  11  résulte  des  actes  de  propriété 
que  la  villa  doit  être  habitée  bourgeoisement  ou  par  des  personnes  y  établis- 
sant seulement  leurs  bureaux  ;  —  que  les  murs  sont  mitoyens  jusqu'à  la  hau- 
teur des  constructions  pour  les  parties  construites,  et  jusqu'à  la  hauteur  d'hé- 
bergé pour  les  parties  non  construites  ;  —  que  les  propriétaires  ont  à  leur 
charge  les  gages  du  concierge  de  la  villa,  l'entretien  du  pavillon  qui  lui  sert 
de  logement,  celui  des  grilles,  de  l'égout  commun,  des  trottoirs  et  des  pavages. 
Il  était  stipulé,  en  outre,  qu'en  cas  de  décès  de  M.  Souchier,  comme  dans  le 
cas  où  il  ne  serait  plus  propriétaire  d'un  seul  terrain  de  la  villa,  l'adminls- 


BOULEVARD    DELESSERT  ibj 

tralion  de  ladite  villa  passerait  entre  les  mains  d*un  syndicat  des  proprié- 
taires. Cette  éventualité  s'étant  réalisée,  un  acte  constitutif  de  syndicat  a  été 
enregistré  le  l'*^  octobre  1895  ;  les  propriétaires  syndiqués  ont  établi  entre  eux, 
par  un  acte  que  Tauteur  a  rédigé  en  1899,  des  servitudes  réciproques,  ayant 
pour  but  de  limiter  les  saillies  permises  sur  les  façades  et,  pour  mieux  assurer 
Taérage,  d'adopter  pour  la  hauteur  des  bâtiments  des  maxima  un  peu  infé- 
rieurs à  ceux  qui  résultent  des  règlements  de  voirie  en  vigueur  à  Paris. 

La  rue  Fresnel  a  été  ouverte  en  187G  par  la  Ville  de  Paris,  avec  une  largeur 
de  12  mètres  ;  le  décret  du  10  novembre  1877  en  a  fixé  les  alignements  et  lui 
a  donné  le  nom  d*Augustin-Jean  Fresnel  (1788-1827),  qui  entra,  à  seize  ans  et 
demi,  à  TÉcole  polytechnique  et  fut  nommé  ingénieur  des  ponts  et  chaus- 
sées. Il  commença  en  1816  ses  études  sur  la  lumière,  qu'il  n'a  plus  interrom- 
pues jusqu'à  sa  mort;  il  fut  élu,  à  Tunanimité,  membre  de  TAcadémie  des 
Sciences  en  1823.  Il  est  Tinventeur  des  phares  lenticulaires  et  a  fondé  ainsi, 
avec  Topticien  Soleil,  une  industrie  nouvelle,  demeurée  depuis  essentielle- 
ment française;  ces  appareils  lenticulaires  ont  été  successivement  adoptés 
pour  réclairage  des  côtes  du  monde  entier. 

Le  coude  et  surtout  les  déclivités  excessives  de  la  rue  Beethoven  rendaient 
extrêmement  difficiles  les  communications  entre  Passy  et  le  quai  de  la  Seine. 
Le  conseil  municipal  de  Passy  émit,  le  7  août  1842,  un  vœu  en  faveur  de 
l'adoption  du  projet  qui  avait  été  présenté,  le  13  mars  de  la  même  année,  par 
M.  le  baron  Benjamin  Delessert,  en  vue  de  diminuer  les  pentes  et  de  per- 
mettre un  meilleur  accès  de  la  montagne  de  Passy.  ('e  projet  fut  modifié  par 
les  ingénieurs  des  ponts  et  chaussées  et  présenté  par  eux  sous  le  titre  de 
«  rectification  de  la  route  départementale  n**  2  de  Paris  à  Saint-Cloud  »  ;  on 
sait  que  cette  route  empruntait  la  rue  Beethoven  et  la  rue  de  Passy.  Le  projet 
ainsi  modifié  fut  approuvé  par  une  délibération,  en  date  du  30  juin  1844,  du 
conseil  municipal  de  Passy,  qui  accorda,  le  2  août  1845,  une  subvention  de 
40.000  francs,  à  laquelle  M.  le  baron  Benjamin  Delessert  (1)  ajouta  un  don  de 
50.000  francs.  Cette  rectification  fut  autorisée  par  l'ordonnance  royale  du 
4  juin  18-46  et  exécutée,  en  1847,  sur  des  terrains  qui  avaient  dépendu  origi- 
nairement du  couvent  des  Bonshommes.  Elle  forma  la  rue  Benjamin-Deiesseri, 
qui  constituait  un  prolongement  de  la  rue  des  Batailles  (actuellement  avenue 
dléna). 

L*aménagement  du  parc  du  Trocadéro  entraînait  Touverture  d'une  large 
voie  pour  relier  directement  la  rue  de  Passy  au  centre  de  Paris  ;  il  suffisait 
pour  cela  de  prolonger  le  débouché  offert  par  l'avenue  d'iéna.  Un  décret  du 
17  mai  1876  prescrivit  donc  l'ouverture  d'un  boulevard  de  30  mètres  de  lar- 
geur, pour  remplacer  la  rue  Benjamin-Delessert  et  une  partie  de  la  rue 
Beethoven.  Ce  boulevard  (2),  qui  supprimait  la  rue  Benjamin-Delessert,  en 
rélargissant  et  en  la  transformant,  devait  d'abord  se  nommer  «  boulevard 
Benjamin-Delessert  »  ;  mais  on  décida  ensuite  qu'il  porterait  simplement  le 
nom  de  «  boulevard  Delessert  »,  afin  de  rappeler  les  services  rendus  non 
seulement  par  Benjamin  Delessert,  mais  encore  par  (labriel  Delessert  et  par 


(0  Voir  aux  annexes  (p.  343)  la  biographie  de  Delessert,  par  M.  Léopold  Mar. 

(a)  Voir  dans  la  Revue  bleue  du  3o  avril  1892,  page  555,  un  article  de  M.  Léo  Claretie 
mentionnant  les  relations  de  Jean-Jacques  Rousseau  avec  la  famille  de  Lcsscrt  (ancienne 
orthographe  du  nom  des  Delessert). 


l58  HISTOIRE   DU   XVI*  ARRONDISSEMENT 

tous  les  autres  membres  de  cette  famille  qui,  originaire  de  Lyon,  s'était  fixée, 
dès  le  xviii"  siècle,  ^  Passy. 

Les  travaux  du  boulevard  Deiessert  (1),  qui  ont  été  terminés  au  commen- 
cement de  1877,  ont  donné  lieu  à  une  dépense  de  L691.479  francs. 

La  plantation  du  boulevard  Uelessert  a  présenté  des  difficultés  parti 
culières  :  du  côté  des  numéros  pairs,  elle  est  faite  dans  un  banc  de  roche 
calcaire  et  y  a  exigé  l'ouverture  d'une  tranchée  de  3  mètres  de  largeur  sur 
1  mètre  de  profondeur,  destinée  à  être  remplie  de  terre  végétale;  du  côté  des 
numéros  impairs,  les  arbres  ont  été  plantés  dans  le  remblai  du  boulevard, 
mais  également  dans  une  fouille  continue  de  3  mètres  de  largeur,  parce  que 
les  déblais,  plus  ou  moins  rocheux  ou  calcaires,  qui  formaient  ce  remblai, 
étaient  peu  favorables  à  la  végétation  (2).  Le  boulevard  Deiessert  a  été  muni, 
en  1901),  de  becs  à  incandescence. 

Une  avenue  devant  relier  la  place  du  Trocadéro  à  la  porte  Dauphine  et 
porter  le  nom  d'  «  avenue  du  Prince-Impérial  »  avait  été  projetée  sous  le 
second  Empire  (décret  du  ^9  mai  1866).  C'est  seulement  en  1877  qu'une  amorce 
de  cette  voie  a  été  exécutée  sur  une  longueur  de  97  mètres  à  partir  de  la  place 
du  Trocadéro,  et  avec  une  largeur  de  36  mètres.  La  partie  comprise  entre 
l'extrémité  de  cette  amorce  et  le  rond  point  de  Longchamp  a  été  construite 
en  1887  et  1888  avec  une  largeur  (3)  de  16  mètres  et  moyennant  une  dépense 
de  339.193  francs.  L'arrêté  du  9  déceinbre  1883  a  donné  à  cette  voie  le  nom 
d'avenue  d'Eylau  (qui  avait  été  précédemment  attribué  à  l'avenue  Victor- 
Hugo),  en  mémoire  de  la  victoire  remportée  le  7  février  1807  par  la  Grande 
Armée  sur  les  Russes  et  les  Prussiens,  qui  perdirent  iO.OOO  hommes,  18  dra- 
peaux et  16  canons. 

L'ambassade  de  Siara  a  quitté,  en  mai  1900,  le  n**  i\  de  la  rue  Pierre- 
Charron  et  a  été  transférée  avenue  d'Eylau,  n"  14,  dans  un  hôtel  construit 
exprès  pour  elle. 

U impasse  des  Prêtres  est  une  voie  privée,  située  avenue  d'Eylau,  37. 

La  rue  Chardin  a  été  construite,  en  1876,  par  la  Ville  de  Paris,  avec  une 
largeur  de  12  mètres.  Elle  a  reçu  ce  nom,  par  arrêté  du  10  novembre  1877,  en 
l'honneur  de  Jean  Baptiste-Siméon  Chardin  (1699-1779),  membre  de  l'Aca- 
démie de  peinture  à  28  ans,  qui  passe  pour  un  modèle  de  grâce  simple, 
d'observation  naïve  et  de  fine  bonhomie;  il  est  l'auteur  du  Benediciie,  que 
possède  le  Louvre,  et  de  divers  tableaux  représentant  des  scènes  d'intérieur, 
curieuses  pour  l'histoire  du  costume  de  la  classe  moyenne  au  xviii'-  siècle. 

La  passerelle  de  Passy,  ou  «  pont  de  Passy  »,  se  trouve  dans  le  prolonge- 
ment de  l'axe  du  boulevard  de  Grenelle  et  franchit  les  deux  bras  de  la  Seine, 
séparés  par  l'île  des  Cygnes.  Elle  eut,  tout  d'abord,  pour  objet  de  remplacer, 
dans  l'intérêt  des  piétons,  le  pont  d'Iéna,  affecté  exclusivement  à  l'usage  des 
personnes  qui  visitaient  l'Exposition  universelle  de  1878  et  elle  a  été  conser- 
vée, après  la  clôture  de  celte  Exposition,  parce  que  l'expérience  avait  démon- 
tré qu'elle  était  fort  utile  pour  la  circulation  du  public  (i).  La  faible  altitude 

(i)  Ces  travaux  ont  été  dirigés  par  M.  Tingt^nieur  Barlct  et  M.  le  conducteur  Lomprez 
(a)  Les  travaux  ont  été  dirigés  par  M.  Rousseau,  alors  ingénieur  et  depuis  inspecteur 
général  des  ponts  et  chaussées. 

(3)  Les  travaux  ont  été  dirigés  par  M.  Tingénieur  Babinet  et  M.  le  conducteur  Lepel- 
tier. 

(4)  Mon  article  sur  «  la  Seine  entre  le  pont  d'Iéna  et  le  viadilc  dVVuleuil  »,  donnant  des 
indications  sur  la  passerelle  de  Passy,  est  reproduit  aux  annexes,  p.  365. 


MUSÉE   GALLIÉRA  iBg 

des  quais,  aux  abords  de  cet  ouvrage,  n'a  pas  permis  de  le  rendre  accessible 
aux  voitures  ;  il  ne  constitue  donc  qu'un  simple  passage  pour  piétons,  ayant 
6"»,50  de  largeur  entre  les  garde-corps  et  une  longueur  totale  de  249  mètres. 
Cette  passerelle,  à  laquelle  on  accède  par  des  escaliers  de  treize  marches,  a 
été  livrée  (1)  à  la  circulation  le  li  avril  1878  et  a  coûté  420.000  francs.  Cet 
ouvrage  sera  remanié  prochainement,  en  vue  de  livrer  passage  aux  trains  de 
la  ligne  circulaire  du  chemin  de  fer  métropolitain  de  Paris,  sur  un  pont  mo- 
numental, pour  la  travée  métallique  duquel  un  concours  a  été  ouvert  entre 
les  constructeurs,  conformément  à  une  délibération  du  conseil  municipal  en 
date  du  26  janvier  1902. 

La  rue  Galliéra  et  la  rue  de  Brignole,  ayant  12  mètres  de  largeur,  ont  été 
ouvertes,  en  1878  et  1879,  par  Mme  la  duchesse  de  Galliéra  et  classées  par  le 
décret  du  30  août  1879,  portant  que  tous  les  frais  de  mise  en  état  de  viabilité 
seront  acquittés  par  la  dame  Marie  Brignole-Salle,  duchesse  de  Galliéra, 
veuve  de  Raphaël  de  Ferrari,  duc  de  (ialliéra,  conformément  aux  clauses  et 
conditions  d'un  acte  notarié,  reçu  par  M**  Delapalme,  notaire  à  Paris,  le  31  oc- 
tobre 1878.  Suivant  cet  acte,  la  duchesse  cédait  gratuitement  à  la  Ville  partie 
d'un  terrain  de  17.t)00  mètres  carrés,  situé  entre  l'avenue  du  Trocadéro,  la 
rue  de  Morny  (actuellement  Pierre-Cliarron)  et  la  rue  de  Freycinet,  pour 
l'ouverture  de  deux  rues  nouvelles  (Brignole  et  Galliéra),  l'établissement  d'un 
square  et  la  construction  d'un  musée  public,  à  édifier  aux  frais  de  la  duchesse, 
qui  y  placerait  des  statues,  des  tableaux  et  autres  objets  d'art  qu'elle  avait 
alors  l'intention  de  léguer  à  la  Ville. 

Le  musée  Galliéra  est  compris  entre  les  rues  Pierre  Charron  (où  se  trouve 
l'entrée  principale),  Brignole,  Galliéra  et  l'avenue  du  Trocadéro,  qui  donne 
accès  au  square  dont  le  frais  décor  encadre  si  bien  ce  monument  princier  (2)  ; 
la  superficie  du  musée  et  du  square  est  d'environ  9.800  mètres  carrés.  Le 
musée  est  devenu  propriété  municipale  à  la  date  du  1*"^  juillet  1894;  l'ouver- 
ture a  eu  lieu  en  avril  1895. 

De  son  vivant,  la  duchesse  de  Galliéra,  qui  a  attaché  son  nom  à  tant 
d'œuvres  artistiques  ou  charitables,  avait  formé  le  projet  de  léguer  à  la  Ville 
de  Paris  sa  galerie  de  tableaux.  Mais  au  cours  des  travaux,  la  Ville  ayant 
laïcisé  ses  écoles,  cette  décision  fit  revenir  la  duchesse  sur  sa  détermination 
et,  ne  pouvant  retirer  la  donation  en  tant  que  monument,  elle  conserva  du 
moins  la  propriété  de  ses  tableaux,  dont  la  collection  est  restée  dans  son 
palais  de  Gênes.  La  Ville  se  trouvant,  dès  lors,  dans  l'obligation  de  garnir  le 
musée,  dut  en  changer  la  destination.  Elle  y  fit  placer  des  tapisseries  anciennes 
qui  proviennent  de  Beauvais,  Aubusson,  Lille,  Bruxelles  et  Turin,  et  dont  la 
valeur  est  estimée  à  2  millions  et  demi.  C'est  au  musée  Galliéra  que  le  prési- 
dent de  la  République  Félix  Faure  inaugura  l'exposition  de  portraits  de 
femmes  et  de  dentelles  organisée  par  la  crèche  du  XVl*'  arrondissement. 
L'exposition  des  œuvres  de  Corot,  faite  à  l'occasion  de  son  centenaire,  s'y 
tint  également.  On  y  a  installé  des  statues  achetées  aux  différents  salons,  des 
émaux,  des  grès,  des  porcelaines,  etc. 

(i)  C<ît  ouvrage  a  été  dirigé  par  M.  l'inspccleur  général  Huet  et  M.  l'ingénieur  Bartct; 
la  partie  métallique  a  été  exécutée  par  la  maison  Caii. 

(2)  Voir  à  la  page  ^  du  i'' volume  du  Bulletin  un  exlrait  du  journal  C Éclair ^  du  ii  jan- 
vier 18981  sur  le  musée  Galliéra.  Divers  détails  rapportés  ici  sur  ce  musée  sont  extraits 
d*une  description  qui  en  a  été  donnée  dans  k  Magasin  piltoresquet 


iiisToiiiE  nv  xvr 


Par  délibération  du  30  novembre  lOiiO,  le  conseil  municipal  de  Paris  a 


décidé,  sur  la  proposition  de  M.  le  consL'ilIcr  Ouentin-Raucluirt,   président 
de  la  commission  du  Musée,  que  •■  de^exposi lions  périodiques  d'art  industriel 


RUE   BERLIOZ  t()l 

auront  lieu  au  musée  Galliéra;  elles  comprendront  les  travaux  des  meilleurs 
élèves  des  écoles  professionnelles  de  la  Ville  de  Paris  et  aussi  les  œuvres  d'art 
produites  dans  les  sections  du  meuble,  du  métal  et  autres,  par  les  ouvriers 
de  nos  faubourgs  ».  11  se  fabrique,  en  effet,  à  Paris,  notamment  au  faubourg 
Saint-Antoine  et  au  Marais,  des  œuvres  de  premier  ordre  qu'il  est  utile  de  faire 
connaître.  La  transformation  officielle  du  musée  Galliéra  en  un  musée  d*art 
industriel  moderne  (1)  a  eu  lieu  le  22  juin  1901.  Les  premiers  objets  exposés 
comprenaient  des  bronzes,  des  étains,  des  céramiques,  etc.  On  n'admet  que 
les  œuvres  seules  des  ouvriers  mômes,  et  non  les  produits  mis  en  vente  par 
les  maisons  de  commerce.  Le  conseil  municipal  de  Paris  a  voulu  ainsi  réha- 
biliter Tart  industriel  et  démontrer  la  parfaite  compatibilité  du  beau  et  de 
l'utile,  de  la  valeur  économique  d'un  objet  et  de  son  intérêt  esthétique.  Ou 
créera  chaque  année,  au  musée  Galliéra,  des  expositions  se  rattachant  cha 
cune  à  une  branche  plus  particulière  de  l'art  industriel  :  on  y  a  fait  en  1902 
une  exposition  de  reliures  d'art  modernes,  qui  a  eu  le  plus  grand  succès. 

Les  recherches  sont  facilitées  avec  beaucoup  de  compétence  et  d'amabilité 
par  M.  Formentin,  nommé  conservateur  du  musée  sur  la  demande  expresse 
de  M.  Philippe  Ferrari,  fils  de  la  duchesse  de  Galliéra.  11  était  tout  désigné 
pour  ces  délicates  fonctions. 

Le  palais  a  été  élevé  sous  la  direction  de  M.  Léon  Ginain,  de  l'Institut, 
architecte  de  la  Ville,  qui  s'est  inspiré  des  styles  italien,  grec  et  arabe,  ainsi 
que  du  palais  de  Gènes.  Les  constructions,  commencées  le  28  mai  1879,  ont 
été  terminées  le  27  février  1894.  La  duchesse  de  Galliéra  est  décédée  le 
6  décembre  1888  ;  elle  n'a  donc  pas  vu  l'achèvement  du  monument,  qui  lui  a 
coûté  6  millions  500.000  francs.  Les  fondations  ont  20  mètres  de  profondeur. 
De  la  porte  monumentale,  qui  donne  accès  à  la  rue  Pierre-Charron,  deux 
larges  portiques  soutenus  par  vingt-six  colonnes  forment  une  enceinte  demi- 
circulaire  ;  des  balustrades  à  l'italienne  couronnent  la  ligne  de  faite.  La  façade 
méridionale  qui  regarde  la  Seine  est  percée  de  trois  larges  fenêtres  cintrées 
occupant  tout  l'édifice  principal,  dans  lequel  se  trouve  la  galerie.  En  péné- 
trant par  le  square,  on  voit  trois  statues  représentant  l'architecture  au  centre, 
la  sculpture  à  droite  et  la  peinture  à  gauche  ;  ces  trois  statues,  dues  à 
MM.  Chapu,  Thomas  et  Cavelier,  sont  séparées  par  six  colonnes  corin- 
thiennes. La  porte  en  acajou  qui  sépare  le  vestibule  de  la  grande  salle  cen- 
trale est  sculptée  d'une  manière  très  remarquable  et  a  coûté  9.000  francs. 

La  rue  Berlioz  est  une  voie  privée,  qui  va  de  la  rue  Pergolèse  à  la  cité  du 
Redan,  et  se  trouve  à  peu  de  distance  de  l'avenue  Malakofï  ;  cette  rue  a  été 
ouverte  en  1879,  avec  une  largeur  de  10  mètres,  par  MM.  Romain,  Boulanger, 
Morel,  Philippon  et  Durst-Wild,  qui  lui  donnèrent  le  nom  de  Louis-Hector 
Berlioz  (1803-1869),  critique  musical  et  compositeur,  membre  de  l'Institut. 
Dans  sa  jeunesse,  Berlioz  avait  abandonné  la  médecine  pour  s'adonner  à  la 
musique.  Ce  fut  la  cause  d'une  lutte  avec  sa  famille,  et  il  se  vit  obligé,  pour  se 
créer  des  ressources,  de  donner  des  leçons  de  flûte  et  de  guitare,  instruments 
auxquels  il  est  resté  constamment  fidèle  et  dont  il  s'est  uniquement  servi 
en  composant.  Il  est  l'auteur  de  la  Damnation  de  Faust,  des  Troyens  et  de 
beaucoup  d'autres  œuvres  originales. 


(i)  Voir  le  BuUelin  municipal  officiel  du  2G  juin  1901. 

11 


I2  IIISTOinii:    DU   XVI"    \RHONr»ISSF.MKNT 

Les  bâtiments  de  la  Pelite-Muetle  (i)  ont  éié  séparés  du  château  et  du 


(Colleclion  (le  «.  Éni.  Polin.) 

grand  parc  par  suite  delà  cunstruction  du  chemin  deferd'Auleuil  ;  I'  «  avenue 
(1)  Voir  aux  nniicxos  (p.  4{»)  une  nule  sur  lu  ili-iiioliliiHi  <lo  In  PctilcMuolIc. 


RUE   OCTAVE-FEUILLET  l63 

de  la  Petite  Muette  «  était  une  voie  privée,  formée,  lors  de  rétablissement  de 
ce  chemin  de  fer,  pour  desservir  les  propriétés  résultant  du  morcellement  de 
la  Petite-Muette,  et  pour  leur  donner  un  débouché  sur.  la  rue  de  la  Pompe. 
Ce  qui  restait  des  bAtiments  de  la  Petite-Muette  fut  démoli  en  1891.  La  rue 
Gusiave-Nadaud,  qui  va  de  la  rue  de  la  Pompe  au  boulevard  Émile-Augier, 
a  absorbé  la  plus  grande  partie  de  Tancienne  avenue  de  la  Petite-Muette;  le 
surplus  a  été  annexé  au  boulevard  Émile-Augier  par  Tarrôté  préfectoral  du 
i8  décembre  1894.  Le  décret  du  8  janvier  1895  a  donné  à  la  nouvelle  rue, 
conformément  à  la  demande  présentée  par  la  Société  historique  d'Auteuil  et 
de  Passy,  le  nom  du  célèbre  chansonnier  Gustave  Nadaud  (1840-1893),  qui 
habitait,  dans  le  voisinage,  le  n*"  63  de  la  rue  de  Passy;  Roubaix,  sa  ville 
natale,  lui  a  élevé  un  monument  (1).  La  rue  Gustave-Nadaud  est  traversée 
soulerrainement  par  le  chemin  de  fer  de  (llourcelles  aux  Invalides. 

A  droite  du  chemin  de  fer  d'Aitleuil  et  parallèlement  au  boulevard  Émile- 
Augier,  on  avait  amorcé,  auprès  de  l'avenue  Henri-Martin,  sur  une  longueur 
de  53  mètres,  un  boulevard,  qui  a  été  achevé  de  décembre  1898  à  juillet  19()0, 
en  môme  temps  qu'on  élargissait  la  plate  forme  du  chemin  de  fer,  pour  y 
porter  le  nombre  des  voies  de  deux  à  quatre.  Cette  voie  a  été  dénommée, 
en  1893,  boulevard  Jides-Sandeaii,  en  l'honneur  de  Jules  Sandeau  (1811-1883), 
membre  de  l'Académie  française,  ('et  auteur  a  donné  au  Théâtre-Français, 
en  1851,  Mademoiselle  de  la  Seiylière,  et,  en  185i,  avec  Emile  Augier,  le  Gendre 
de  Monsieur  Poirier:  plus  tard,  Jean  de  Thommeray, 

C'est  aussi  de  décembre  1898  à  juillet  1904)  qu'on  a  percé  et  mis  en  état  de 
viabilité  les  rues  deslinées  à  desservir  le  nouveau  quartier  devant  être  bâti 
sur  l'emplacement  de  l'ancien  Fleurisle  de  la  Muette,  savoir  : 

La  rue  Guy-de-Maupassanl,  prolongeant  la  rue  de  Siam  jusqu'au  boulevard 
Éraile-Augier  ;  \arue  Edmond  Abouti  prolongeant  la  rue  Mignard,  également 
jusqu'au  boulevard  Émile-Augier  ;  la  rue  Oclave-Feuillel  (2),  longeant  le  parc 
de  la  Muette  depuis  l'avenue  Henri-Martin  jusqu'au  pont  par-dessus  le  che- 
min de  fer  ;  elle  établit  une  communication  avec  le  boulevard  Émile-Augier; 
la  rue  Eugène-Labiche  et  la  rue  de  Franqueville,  qui  vont  de  la  rue  Octave- 
Feuillet  au  boulevard  Jules-Sandeau  (3). 

Les  noms  de  ces  dernières  rues  ont  été  donnés  en  l'honneur  de  M.  le  comte 
de  Franqueville,  propriétaire  du  château  de  la  Muette;  d'Edmond  About 
(1828-1885),  qui  a  été  directeur  du  journal  le  AVA"  Siècle  jusqu'à  sa  mort, 
survenue  peu  de  temps  après  son  élection  et  avant  sa  réception  à  l'Académie 
française  ;  de  l'auteur  dramatique  Eugène  Labiche  (1815-1888),  à  qui  on  doit 
tant  de  pièces  spirituelles  ;  du  célèbre  romancier  Octave  Feuillet  (1821-1890), 

(i)  Voir  aux  annoxos  ;p.  /,4^,)  l'article  sur  le  monument  de  Gustave  Nadaud,  ainsi  que 
Tarlicle  intitulé  :  «  L'Œuvre  de  Nadaud  «,  par  M.  Emile  Potin.  Voir  également  la  confé- 
rence de  M.  Léo  (Maretie  sur  Gustave  Nadaud,  pp.  227  ù  234 du  1®'  volume  du  Bulletin^  et 
les  articles  publiés  le  29  avril  1898  dans  le  Petit  Journal  et,  le  lendemain,  dans  lEsta- 
fette. 

{'?.)  L'hôtel  construit  h  la  rue  Octave-Feuillet  par  M.  l'architecte  Arnoud  a  été  primé 
par  la  Ville  au  concours  de  façades  de  igcx).  11  est  dit,  dans  le  rapport  du  jury,  que  cet 
hôtel  est  très  harmonieux  dans  l'ensemble  de  ses  proportions,  la  silhouette  de  sa  toiture 
et  la  forme  de  ses  baies;  que  sa  t^rande  lucarne  centrale,  très  puissante,  cmironne  bien 
tout  le  motif  du  milieu,  (jui  est  légèrement  en  encorbellement;  enfin, que  l'ensemble  forme 
une  excellente  façade  d'hôtel  particulier,  d'un  aspect  noble  et  confortable. 

(3)  Ces  travaux  de  voirie  ont  été  exécutés  sous  la  direction  de  M.  l'inspecteur  général 
Boreux  et  de  MM.  les  ingénieurs  Dabinet  et  Bret. 


l64  HISTOIRE    DU   XVl^   ARRONDISSEMENT 

membre  de  l'Académie  française  ;  et,  enfin,  du  romancier  Henri-René-Albert- 
Guy  de  Maupassant  (1850-1893). 

On  peut  encore  citer  les  rues  suivantes  comme  ayant  été  percées  pendant 
la  seconde  moitié  du  xix*'  siècle  à  Passy: 

La  rue  Crevaiix,  ouverte  entre  l'avenue  du  Bois-de-Boulogne  et  l'avenue 
Bugeaud,  et  classée  par  le  décret  du  16  janvier  1882,  portant  que  la  dépense 
des  travaux  de  viabilité,  d'éclairage  et  de  conduite  d'eau  pour  cette  voie  sera 
supportée  par  la  Société  foncière  lyonnaise, conformément  à  l'engagement 
souscrit  en  son  nom  le22  janvier  1881.  La  dénomination  de  cette  rue  lui  été 
donnée  par  arrêté  du28août  1882,  en  l'honneur  du  docteur  Crevaux  (1858-1881), 
explorateur  massacré,  sur  un  affluent  du  Paraguay,  par  les  Indiens  Tobas; 
le  récit  de  ses  quatre  voyages  a  paru  dans  ie  Tour  du  Monde,  La  municipalité 
de  Buenos-Ayres  a  voté  une  allocation  de  i.OOO  francs  pour  élever  à  Crevaux 
un  monument  dans  le  cimetière  du  Nord.  La  rue  Guslave-Courhet,  de  12  mètres 
de  largeur,  a  été  ainsi  dénommée  par  décret  du  3  décembre  1885,  en  Thon- 
neur  du  peintre  (justave  Courbet  (1819-1877),  chef  de  l'École  de  peinture 
réaliste.  Elle  a  été  classée  et  alignée  par  le  décret  du  25  octobre  1887;  elle  a 
été  ouverte  en  1882  par  la  Compagnie  foncière  de  France.  La  rue  de  r Amiral- 
Courhet,  voie  privée  de  12  mètres  de  largeur,  allant  de  l'avenue  Victor-Hugo, 
n°  1(K),  à  la  rue  de  la  Pompe,  n°  150;  elle  a  été  ainsi  nommée  en  Thonneur  du 
vice-amiral  Ainédée-Anatole-Prosper  Courbet  (1827-1888),  qui  s'est  illustré 
par  ses  campagnes  en  Extrême  Orient.  La  rue  Bugeaud  est  une  voie  privée, 
qui  va  de  la  rue  de  l'Amiral-Courbet  à  l'avenue  Bugeaud.  La  rue  Lëonce-JRei,- 
naud,  ouverte  en  1884,  a  été  classée  et  alignée,  avec  moindre  largeur  de  12 
mètres,  par  le  décret  du  31  octobre  1893.  Son  nom  lui  a  été  attribué,  par  le 
décret  du  3  décembre  1885,  en  l'honneur  de  Léonce  Reynaud  (1803-1886), 
inspecteur  général  des  ponts  et  chaussées  et  professeur  d'architecture,  qui  a 
construit  un  grand  nombre  de  phares  sur  les  côtes  de  France  et  dirigé  pendant 
32  ans  le  service  des  phares,  dont  le  dépôt  est  placé  dans  le  voisinage  et  a 
son  entrée  principale  sur  l'avenue  du  Trocadéro.  La  rue  de  Sfax,  qui  porte 
un  nom  tunisien,  s'était  appelée,  pendant  quelque  temps,  urue  Vaudoyer  »; 
elle  a  reçu  sa  dénomination  actuelle  par  arrêté  préfectoral  du  27  février  1886  ; 
elle  a  été  classée,  alignée  et  nivelée  par  arrêté  du  10  janvier  1891  ;  elle  a  reçu 
le  nom  d'une  ville  de  Tunisie,  pi'ise  par  les  troupes  françaises  le  16  dé- 
cembre 1883. 

La  villa  Sponlini,  située  rue  Spontini,  37,  est  une  voie  privée  qui  a  été 
ouverte  en  1884.  La  rue  du  Bois  de  Boulogne,  voie  privée,  a  été  ouverte,  en 
1888,  par  M.  Gâteau;  lorsque  cette  rue  sera  classée,  son  sol  devra  être  cédé 
gratuitement  à  la  Ville.  Le  square  du  Bois-de-Boulogne,  voie  privée,  a  été 
fondé  par  MM.  Bechet,  Delhomas  et  (]'%  Courbée  et  Godard  ;  il  a  été  ouvert, 
le  6  mars  1863;  suivant  le  décret  du  13  août  185i,  il  ne  peut  y  être  exercé 
aucun  commerce  ni  aucune  industrie,  si  ce  n'est  en  vertu  d'une  autorisation 
du  préfet  de  la  Seine,  qui  en  détermine  les  conditions,  et  ces  autorisations  sont 
toujours  révocables.  La  villa  Michon,  voie  privée,  a  été  ouverte  en  1890  par 
M.  Michon;  l'hôtel  du  ministre  du  royaume  des  Pays-Bas  se  trouve  au  n**  6  de 
la  villa  Michon  (entrée  par  la  rue  Boissière,  29).  La  rue  LéoDelibes  a  été 
construite  en  1891  par  la  Société  civile  des  terrains  de  l'avenue  Kléber,  qui 
a  cédé  gratuitement  le  sol  de  cette  rue  à  la  Ville.  Elle  a  été  classée  comme 
voie  publique  par  le  décret  du  10  juin  1893.  Elle  a  été  ainsi  nommée  en  Thon- 


RUE   MÉRIMÉE  l65 

neur  de  Cléraent-Philibert-Léo  Delibes  (1831-1891),  membre  de  l'InsUtut;  ce 
compositeur  a  donné  à  l'Opéra  divers  ouvrages,  notamment  le  ballet  de  Sylvia 
et  celui  de  Coppélia.  La  rue  de  Sonlay  s'appelait  précédemment  «  rue  Lefuel  »; 
Tarrôté  du  20  février  1886  lui  a  donné  le  nom  d'une  ville  du  Tonkin,  prise  par 
Jes  troupes  françaises  le  10  décembre  1883.  La  rue  Weber,  précédemment 
«  rue  Niison  »,  a  reçu  par  décret  du  11  mars  1886  sa  dénomination  actuelle  en 
rhonncur  du  célèbre  compositeur  Charles-Marie-Weber  (1786-1826),  auteur 
du  Freyschùlz  eid'Obéron,  La  rue  Yvon  deVUlarceau  porte  le  nom  de  TaK- 
tronome  (1813-1883).  La  rue  de  Siuniy  construite  en  1884  par  une  Compagnie 
d'assurances,  a  rer/u  ce  nom  parce  que  Tambassade  du  royaume  de  Siam  y 
était  autrefois  établie;  elle  a  été  bâtie  sur  remplacement  d'un  hôtel  qui  a 
appartenu  au  comte  de  Las  Cases,  auteur  du  Mémorial  de  Sainle-Helcne,  et 
qui  a  été  ensuite  occupé,  après  Ja  dernière  guerre  carliste,  par  Don  Carlos, 
duc  de  Madrid,  prétendant  au  trône  d*Espagne. 

La  rue  de  Lola,  qui  commence  rue  de  Longchamp,  137,  et  finit  en  impasse^ 
est  une  voie  privée,  ouverte  en  1894  par  MM.  Dehaynin  etOubbay.  La  maison 
construite  au  n**  8  de  la  rue  de  Lota,  sous  la  direction  de  M.  Tarchitecte 
Bouweuz  van  den  Goyen,  a  été  primée  par  la  Ville  de  Paris  au  concours  de 
façades  de  1899. 

La  rueAlboni  a  été  exécutée  en  1893  et  1894,  par  la  Ville  de  Paris,  sur  les 
terrains  de  M.  Hottinguer;  le  sol  a  été  cédé  gratuitement.  Elle  offre  de 
larges  escaliers  qui  permettent  de  se  rendre  du  carrefour  de  Passy  au  quai  et 
ont  été  bordés  de  plantations  d'arbustes  en  1898.  Les  décrets  des  8  mai  et 
10  août  1896  ont  donné  à  cette  rue  sa  dénomination  en  l'honneur  de  Marietta 
Alboni  (1824-1894),  devenue  ensuite  comtesse  Pépoli,  puis  Mme  Ritzer.  Elle 
fut  élève  de  Kossini  ;  sa  voix  de  contralto  a  eu  le  plus  grand  succès  à  Paris 
et  à  Londres  à  partir  de  1847.  Elle  a  fait  des  legs  importants  à  l'Assistiince 
publique.  Une  société  a  élevé,  en  1899-19(X),  sur  les  collines  qui  s'étendent  de 
chaque  côté  de  la  rue  Alboni,  entre  Passy  et  le  quai,  de  grandes  constructions 
entourées  de  jardins.  D'abord  affectées  à  l'établissement  de  vastes  hôtels, 
à  prix  fixe  par  semaine,  pendant  la  durée  de  l'Exposition  universelle 
de  190(),  elles  sont  actuellement  converties  en  maisons  de  rapport.  La  rue 
Alboni,  dont  la  largeur  est  de  15  mètres,  a  été  munie,  en  19()0,  de  becs  à 
incandescence.  On  construit  actuellement  la  ligne  circulaire  du  métropoli- 
tain, partant  de  la  place  du  Trocadéro,  pour  desservir  des  boulevards  de  la 
rive  gauche;  cette  ligne  sera  en  souterrain  sous  la  rue  Franklin  et  sous 
la  partie  supérieure  de  la  rue  Alboni  ;  elle  sera  ensuite  à  ciel  ouvert  pour 
franchir  la  Seine  sur  le  pont  de  Passy;  une  station  dénommée  «  Quai  de 
Passy  »  sera  établie  vers  le  milieu  des  escaliers  de  la  rue  Alboni  ;  le  préfet  de 
la  Seine  a  approuvé  en  1902  le  projet  de  ce  pont  qui  comportera  une  partie 
centrale  pour  le  métropolitain  et  deux  parties  latérales,  dont  une  pour  les 
piétons  et  l'autre  pour  les  voitures. 

Vavenue  Julea-Janin,  qui  a  ses  accès  sur  la  rue  de  la  Pompe,  est  une 
voie  privée  de  7  mètres  de  largeur,  ouverte  vers  1884  (l)  ;  un  décret  du  8  jan- 
vier 1897  a  classé  le  débouché  de  cette  avenue  sur  la  rue  de  la  Pompe.  L'avenue 
des  Chalels  est  une  voie  privée  de  6  mètres  de  largeur,  établie  entre  la  rue 
du  Ranelagh  et  la  rue  de  l'Assomption.  La  rue  Mérimée  est  une  voie  privée, 

(i^  Voir  ci-dp}*surt  le?^  indication^  (Ionm»Cf*  sur  le  criliriuc  Jllll»^*  .lanin  f  1804-1874). 


l66  HISTOIRE   DU   XVI"   ARRONDISSEMENT 

de  8  mèires  de  largeur,  qui  doit  son  nom  à  Prosper  Mérimée  ("1803-1870), 
membre  de  l'Académie  française  et  auteur  d'œuvres  charmantes.  Elle  va  du 
n®  61  de  la  rue  des  Belles-Feuilles  au  n°22  de  la  rue  dePomereu,  voie  privée  qui  a 
été  ouverte  vers  1884,  avec  une  largeur  de  12  mètres,  sur  les  terrains  appar- 
tenant à  M.  de  Pomereu.  La  rue  de  Pomereu,  qui  part  du  n"*  134  de  la  rue  de 
Longchamp,  s'est  arrêtée  longtemps  à  la  rue  Mérimée;  de  juin  1899  à  janvier 
1900,  elle  a  été  prolongée  sur  les  terrains  de  M.  Ménier,  jusqu'à  la  rue  des 
Belles-Feuilles.  La  raeLa/o,  qui  doit  son  nom  au  compositeur  français  Lalo 
(1830-1892),  auteur  de  nombreuses  symphonies  et  du  délicat  opéra-comique  le 
Roi  d  Ys,  est  une  voie  privée  de  12  mètres  de  largeur,  qui  va  de  la  rue  Pergolèse 
au  boulevard  Lannes.  Elle  a  élé  ouverte  sur  l'emplacement  de  la  granplazade 
Toros,  théâtre  construit  par  M.  l'architecte  Botrel,  où  des  représentations  de 
combats  de  taureaux  avaient  été  organisées  pendant  l'Exposition  universelle 
de  1889.  Le  pont  Lalo,  construit  en  môme  temps  que  le  chemin  de  fer  de 
Courcelles  aux  Invalides,  a  remplacé  une  passerelle  en  bois,  qui  ne  servait 
qu'au  passage  des  piétons. 

Le  nom  de  Claude  Chahu,  trésorier  général  des  finances,  seigneur  de  Passy 
et  fondateur  de  l'église  Notre-Dame-de-Grâce,  a  été  donné  par  décret  du 
8  janvier  1895,  sur  la  demande  de  la  Société  historique  d'Auteuil  et  de  Passy, 
à  la  rue  qui  va  de  la  rue  de  Passy  à  la  rue  Gavarni.  Elle  avait  été  ouverte, 
comme  voie  privée,  en  1891,  par  MM.  Talamon  et  Guillemard  ;  elle  a  été 
classée  au  nombre  des  voies  publiques  par  le  décret  du  20  décembre  1901. 

De  mars  à  juin  1900,  on  a  ouvert  sur  les  terrains  de  M.  Meyer,  entre  la 
rue  delà  Touret  larue  Claude-Chahu,  une  voie  nouvelle  dont  la  largeur  est 
de  12  mètres;  elle  a  été  classée  au  nombre  des  voies  publiques  par  le  décret  du 
20  décembre  1901  et  sera  probablement  dénommée  rue  «  Fraucisque-Sarcey  ». 

On  a  commencé  en  1900  et  terminée  en  1901  les  travaux  de  percement  : 
1°  au  compte  de  M.  Fouquiau.  d'une  rue  nouvelle  de  12  mètres  de  largeur, 
entre  la  rue  des  Bauches  et  la  rue  du  Ranelagh;  2"*  au  compte  de  M.  Blanc, 
d'une  voie  de  14  mètres  de  largeur  à  établir  entre  cette  rue  nouvelle  et  la  rue 
Davioud.  G'est  celle-ci  qui  recevra  probablement  le  nom  d'Eugène  Manuel, 
le  regretté  président  de  la  Société  historique  d'Auteuil  et  de  Passy. 

Comme  rues  percées  ou  admises  en  1901,  on  peut  citer  :  1"*  la  rue  de  Ville- 
hois-Mareuil,  qui  est  projetée  sur  l'emplacement  de  la  pompe  à  feu  de  ('haillot, 
et  qui  doit  son  nom  au  vaillant  colonel,  mort  en  combattant  pour  les  Boars; 
elle  ira  de  l'avenue  du  Trocadéro  au  quai  de  Billy  et  aura  15  mètres  de  largeur; 
2*»  la  voie  nouvelle,  ouverte  sur  les  terrains  de  M.  Georges  Ville,  entre  l'avenue 
Victor  Hugo  et  la  rue  de  Villejust  ;  3**  la  rue  projetée  par  la  Compagnie  des 
chemins  de  fer  de  l'Ouest  (1),  entre  la  rue  Gustave-Nadaud  et  la  chaussée  de  la 
Muette,  au-dessus  du  souterrain  construit,  entre  les  stations  de  l'avenue 
Henri-Martin  et  de  Boulainvilliers,  pour  l'établissement  du  chemin  de  fer  de 
Courcelles  aux  Invalides. 
De  nouvelles  rues,  dues  à  l'initiative  privée,  seront  prochainement  ouvertes. 

(i)  M.  Caplnin,  conseiller  municipal,a  demand»^  que  le  nom  de  Ponsard  soit  donné  à  celle 
nouvelle  rue,  parce  qu'elle  coupe  le  jardin  de  la  maison  où  le  poMc  Ponnard  est  mort. 


t 


III.  —  Histoire  des  rues,  boulevards 
et   avenues  d'Auteuil. 


Pendant  plusieurs  siècles,  Auteuil  n*a  été  qu'un  village,  composé  de  quel- 
ques maisons  groupées  autour  de  Téglise  et  de  la  maison  seigneuriale  des 
abbés  de  Sainte  (Geneviève,  ou  au  Point-du-Jour  ;  mais,  dès  le  règne  de 
Louis  XIV,  sa  situation  sur  un  coteau  dont  le  pied  est  baigné  par  la  Seine  et 
le  sommet  couronné  par  les  ombrages  du  bois  de  Houlogne,  près  de  la 
route  de  Paris  à  Versailles,  qui  était  alors  constamment  sillonnée  par  les 
carrosses  se  rendant  à  la  Cour,  y  attirait  les  amateurs  de  villégiature  et 
beaucoup  de  personnages  célèbres.  Ce  n'est  cependant  que  dans  ces  dernières 
années  que  la  population  d'Auteuil  est  devenue  très  importante.  En  107^,  en 
efiet,  on  ne  comptait  sur  son  territoire  que  70  feux,  comprenant  20  veuves  et 
15  ménages  qui  vivaient  des  charités  de  la  paroisse.  La  population  de  la  com- 
mune d'Auteuil,  y  compris  le  hameau  du  Point-du  Jour,  était  de  1.077  habi- 
tants en  18(K),  1.103  en  1817,  2.759  en  1831  et  0.270  (J'après  le  recensement 
de  18^)0,  c'est  à-dire  peu  de  temps  avant  l'annexion,  tandis  qu'en  1901  le 
quartier  d'Auteuil,  dont  le  territoire  est  beaucoup  moins  vaste  que  celui  de 
l'ancienne  commune,  renfermait  29.134  habitants.  C'est  pendant  la  seconde 
moitié  du  xix*  siècle  qu'on  a  exécuté  la  plus  grande  partie  des  travaux  de 
voirie  d'Auteuil  (1). 

Pour  donner  une  monographie  sommaire  des  voies  publiques  et  privées 
d'Auteuil,  je  les  diviserai  en  trois  catégories  :  1"  celles  qui  existaient,  à  l'état 
de  rues,  dès  le  xvni*'  siècle  ;  —  2"  celles  qui  ont  été  établies  depuis  18(X) 
ju.squ'à  l'annexion  ;  —  3"  celles  (|ui  ne  datent  que  des  quarante  dernières 
années  du  xix*'  siècle. 


RUES  D'AUTEIIL  QUI   EXISTAIENT  EN  18(H) 


Ces  rues  ne  sont  qu'au  nombre  de  onze,  savoir  :  la  (irande-Hue  (actuel- 
lement rue  d'Auteuil  et  rue  Hémusat),  la  rue  La  Fontaine  (dont   l'ancienne 

(i)  La  superliric  île  la  commune  d'Aiileuil  était  «le  'fSy  hectares,  et  sa  populaliou  do 
3.236  liabilanls  en  i83t),  S.Oocj  en  1841^3.559  en  1S4O,  4.i«5  en  i85ijj!i.V.)j  en  i8</).  U  longueur 
totale  des  cent  rues  existant)  en  lyooj  à  Auteuil)  est  d'environ  3o  kilomètres. 


]68  HISTOIRE    DU   XVr   ARRONDISSEMENT 

extrémité,  c  est-à-dire  la  partie  la  plus  voisine  de  la  Seioe,  forme  aujourd'hui 
la  rue  Gros),  la  rue  de  Seine  (actuellement  rue  Wilhem),  la  rue  des  Garennes 
(actuellement  rue  Boileau),  la  rue  et  la  place  des  Percharaps,  la  rue  Verderet, 
une  partie  de  Tancienne  rue  de  la  Municipalité  (actuellement  rue  Chardon- 
Lagache),  la  rue  du  Buis,  une  partie  de  la  rue  Ribéra  et  Favenue  de  Versailles. 
Je  n*ai  pas  compris  dans  celte  énumération  la  rue  de  TAssomptiou,  qui 
forme,  avec  la  partie  basse  de  la  rue  de  Boulainvilliers,  la  limite  entre  Auteuil 
et  Passy.  On  voit,  sur  les  anciens  plans,  outre  ces  rues,  plusieurs  chemins 
publics,  qui  ont  été  ensuite  convertis  en  rues. 

La  rue  (TAideuil  occupe  la  plus  grande  partie  de  lancienne  Grande  Rue, 
qui  était  au  xvi''  siècle  la  seule  rue  d'Auteuil,  commençait  à  la  route  de 
Versailles  et  se  terminait  à  la  porte  du  bois  de  Boulogne.  L'arrêté  préfec- 
toral du  20  juillet  186H  a  réuni,  sous  le  nom  de  rue  d'Auteuil,  la  section  com- 
prise entre  le  bois  et  la  rue  Boileau  a  la  partie  de  Tancienne  rue  Molière,  qui 
s'étendait  de  la  rue  Boileau  à  la  place  de  TÉglise  (i).  En  1898,  on  a  établi  un 
pavage  en  boisa  la  rue  d'Auteuil,  entre  le  boulevard  Montmorency  et  la  rue 
Désaugiers,  en  même  temps  que  les  rails  étaient  posés  pour  le  petit  tramway 
remplaçant  Tomnibus  jaune  d'Auteuil  à  Saint-Sulpice. 

L'extrémité  de  la  Grande-Rue,  du  côté  gauche  en  allant  vers  le  bois  de 
Boulogne  (aux  environs  des  n***  (>3  ù  73  de  la  rue  d'Auteuil),  était  bordée  autre- 
fois par  le  château  du  Coq,  construit  par  le  cardinal  de  Richelieu  et  légué 
par  lui  au  domaine  de  la  Couronne  en  même  temps  que  le  palais  Cardinal. 
Ce  château,  dont  les  fenêtres  avaient  vue  sur  la  plaine  du  Point-du-Jour, 
composée  alors  de  champs  cultivés  et  de  quelques  vigues,  a  été  habité  par 
Louis  XV  pendant  son  enfance  ;  il  y  est  revenu  à  diverses  reprises.  Cette  pro- 
priété a  été  ensuite  occupée  par  Mme  Elisabeth,  sœur  de  Louis  XVI,  par  le 
chancelier  Pasquier,  président  de  la  Chambre  des  Pairs  sous  Louis-Philippe, 
et  par  le  ministre  Guizot.  Le  parc,  qui  avait  une  grande  profondeur,  a  été 
coupé  lors  du  percement  de  la  rue  d'Erlanger. 

Outre  le  château  du  Coq,  il  y  avait  à  AuteuiL  au  xyiii*"  siècle,  deux  grandes 
propriétés  :  le  parc  et  le  château  des  Boufflers,  qui  se  trouvaient  vis  à-vis  du 
château  du  («oq,  sur  le  côté  droit  et  à  l'extrémité  de  la  Grande  Rue  (comme  i^ 
sera  dit  ci  après,  au  sujet  de  la  villa  Montmorency,  qui  occupe  une  partie  de 
l'emplacement  de  l'ancien  parc  des  Boufllers)  —  et  la  propriété  des  abbés  de 
Sainte-Geneviève,  seigneurs  d'Auteuil  (2). 

Cette  propriété  des  (iénovéfains  s'étendait,  au  sud  de  l'église,  jusqu'à  la 
route  de  Versailles,  sur  l'emplacement  occupé  actuellement  par  la  maison  de 
retraite  Chardon-Lagache,  l'institution  de  Sainte  Périne  et  leurs  abords.  Elle 
fut  vendue  sous  la  Révolution,  lors  de  la  suppression  des  maisons  religieuses, 
comme  bien  national,  pour  27.00()  livres.  La  maison  élevée  sur  l'emplacement 
de  l'hôtel  seigneurial  des  abbés  de  Sainte-Geneviève  fut  achetée,  sous  le 
premier  Empire,  par  Cretet  (3),  ministre  de  l'Intérieur.  Le  baron  François 

(i)  La  ninindre  largiMir  do  la  nie  d'Aulcuil  a  été  flxéc  à  vi  mètres  par  l'ordonnance 
royale  du  12  mai  i83o  [xuir  la  section  qui  s'étend  du  bois  de  Boulogne  à  la  rue  La  Fon- 
taine, et  par  l'arrôté  préfecloral  du  16  juillet  iSfiypour  la  partie  comprise  entre  la  rue  Boi- 
leau et  la  place  de  l'Epliso.  Les  alignements  ont  «''té  modifiés  par  un  décret  du  12  juin  i883. 

(•2)  Voir  aux  annexes  (p.  f^\\y)  l'article  de  M  Antoine  (uiillois,  intitulé  :  Auteuil  au  xvm»  siècle. 

(3)  Emmanuel  Cretet,  ministre  de  l'Intérieur,  qui  fui  inhumé  solennellement  au  Panthéon» 
est  mort. ^  Auteuil,  le  aS  novemhre  i8<kj,  dans  l'ancienne  maison  seigneuriale  des  abbés  de 
Sainte-Geneviève . 


BUE   D  AUTEUIL  lOg 

iiérard  {!)  l'acheta  vers  1812  aux  héritiers  Crelet  et  la  posséda  jusqu'à  sa  mort, 
eu  1837  ;  la  propriété  fut  conservée  par  sa  veuve,  qui  y  mourut  en  1848  et  qui 
en  avait  loué  une  partie  au  ministre  t^uizot.  Ce  vaste  domaine  appartint 
«nsuite  à  la  famille  d'Aubussoo  de  la  Feuillade,  qui  le  céda  en  IK5K;  on  y  a 
transféré  l'institution  de  Sainte-Périne. 

La  maison  n"  :>^)  de  la  rue  d'Auteuil,  qui  est  située  sur  le  côté  gauche  de 
cette  rue.  entre  les  rues  Michel-Ange  et  d'Erlanger,  et  qui  avait  été  construite 


au  commencement  du  règne  de  Louis  XV  sur  des  terrains  dépendant  de  la 
seigneurie  d'Auteuil,  était  au  xviii^  siècle  coutiguë  au  chûteau  royal  du  Coq. 
E  a  1772,  cette  maison  et  son  parc  furent  achetés  pour  ;il>.UIH)  livres  au  peintre 
pnstelliste  On^ntin  de  la  Tour  p;ir  une  femme  généreuse  et  charmante,  qui 
l'illustra  en  y  faisant  un  très  long  séjour,  Mme  Helvétius,  dite  Notre-Dame 
d'Auteuil,  dont  notre  collègue  M.  Antoine  (iuillois  a  (ait  connaître  le  Salon, 
dans  un  ouvrage  couronné  par  l'Académie  française  (I).  Toute  l'aristocratie 
d«  l'intelligence,  toute  la  société  philosophique  du  xvni<  siècle  et  toute  la 

(Il  Voirouvnniic\.--i  ((.p.  ../,5  cl  jJ'.N)  l.s  nilirlcs  .i,-M.  [..i<ij.i.iil  Mon:  le*  abbés  de  Sainte- 
Geneviève,  teigiieurg  iTAuleuil:  l-'ranfoU  Gérard. 

(a)  Le  Salon  de  Mme  IMvfUat,  \tssr  Aniuinc  Ciuillois,  lil)r<-iirii'  r.;iliiiiinn-L<Hy,  iSijf.  Ot 
nuvrOKP  CAt  inenlitinni'^  lUins  !■■  iTipjioi-t  qui  a  élé  irn^rrô  ;i  l.i  iiiiko  ai3  ilii  I"  volume  du 
BulMin  et  doni  un  exlrnil  c^t  ii-tiroduil  a 


lyo  HISTOIRE    DU   XVI*   ARRONDISSEMENT 

phalange  des  idéologues  s'y  réunissaient.  On  peut  citer  parmi  les  hôtes  de 
Mme  Ilélvétius  (1)  :  son  fils  adoptif,  le  sénateur  Cabanis  (1757-1H08),  littérateur 
et  philosophe,  Franklin  (170(3-1790),  Diderot  (1713-1784),  le  ministre  Turgot 
(1727-1781),  l'abbé  Morellet  (1727-1819),  Charafort  (1711-1794),  le  baron  d'Hol- 
bach (1723-1789),  le  poète  Boucher  (1745-1794),  le  marquis  de  Condorcet  (2) 
(1743-1794),  l'idéologue  Destutt  de  Tracy  (1754-1836). 

Le  général  Bonaparte  vint  à  Auteuil  visiter  Mme  Helvétius  quelque  temps 
avant  le  18  brumaire  ;  en  se  promenant  dans  son  jardin  avec  lui,  elle  lui 
dit  :  «  Général,  si  l'on  savait  tout  ce  qu'il  peut  tenir  de  bonheur  dans  un 
arpent  de  terre,  on  songerait  moins  h  conquérir  le  monde.  » 

La  maison  de  Mme  Helvétius  fut  occupée  de  1808  à  1814  par  Bumford  (3), 
qui  avait  épousé,  en  1805,  la  veuve  de  l'illustre  Lavoisier  et,  dans  les  dernières 
années  du  second  Empire,  par  le  prince  Pierre  Bonaparte;  c'est  là  qu'eut 
lieu,  le  12  janvier  1870,  une  altercation  entre  le  prince  et  deux  publicistes  : 
M.  Ulrich  de  Fonvielle  et  Victor  Noir  ;  ce  dernier  fut  tué  d'un  coup  de  pis- 
tolet tiré  par  le  prince. 

En  1871,  les  lédérés  de  la  commune  avaient  établi  leur  état-major  dans 
cette  maison,  qui  fut  incendiée  (4).  Elle  a  été  reconstruite  et  est  occupée 
actuellement  par  une  école  normale  Israélite,  où  l'on  reçoit  les  meilleurs  élèves 
d'écoles  d'Orient  et  d'Afrique  (5)  ;  ils  y  passent  quatre  ans  pour  perfectionner 
leur  instruction. 

La  propriété  qui  porte  les  n**'  43  à  47  de  la  rue  d'Auteuil  est  un  des  derniers 
vestiges  complets  de  rarchilecture  du  xvm*^  siècle  dans  ce  quartier  :  au  milieu 
du  bâtiment  principal  à  deux  étages,  un  large  porche  d'entrée,  en  avant-corps, 
à  quatre  pilastres,  supporte  une  terrasse  à  balustrade  ;  une  autre  balustrade 
en  pierre,  également  en  avant-corps,  règne  tout  au  long  du  rez-de-chaussée. 
Deux  grands  pendentifs  sculptés  d'instruments  de  musique  accompagnent  à 
droite  et  à  gauche  un  bas-relief  placé  au  milieu  du  bâtiment  et  représentant 
trois  amours.  Le  dessous  des  fenêtres  du  second  étage  est  orné  de  guirlandes 
de  fleurs.  Les  pavillons  latéraux  en  équerre  sont  du  même  style  que  le  corps 
de  logis  principal,  mais  ont  été  rajoutés  après  coup,  dette  maison  a  été  habitée 
par  Mlle  Antier,  actrice  qui  s'était  rendue  célèbre  par  ses  bons  mots  ;  elle  a 
été  occupée  ensuite,  de  1740  à  17(37,  par  les  demoiselles  de  Verrières,  amies 
du  maréchal  de  Saxe  et  du  poète  Colardeau  ;  elles  y  recevaient  la  Ville  et  la 
(^our  et  y  donnaient  des  fêtes  qui  avaient  beaucoup  d'éclat. 

(llondorcet  a  habité  la  rue  d'Auteuil.  Le  docteur  Chardon-Lagache  et  Sam- 
son,  célèbre  acteur  de  la  Comédie  française,  ont  habité  le  n°  10  de  la  rue  d'Au- 


(i)  Voir  aux  annoxos  (pp.  4^)i  ot  s.)  lartirle  do  M.  Antoine  Guillois  sur  le  monument  de 
Mmellelvi'tius;  son  article  intitulé  :  Madame  de  Co/î(/orcc/ à /l «/cm//,  son  article  sur  Volney, 
et  son  article  intitulé:  Turijol  à  Auteuil. 

Voir  éî?alement  Tarlide  de  M.  René  Acollas  sur  le  Salon  de  Mme  Helvétius,  p.  i'j\  du 
I"  volume  du  Bulletin. 

(2)  Voir  à  la  paj^e  83  du  IV"  volume  du  Bulletin  l'acte  de  notoriété  dressé  par  le  juge 
de  paix,  le  'n  pluviôse  an  lil,  à  la  recpiéle  de  la  veuve  de  Condorcet,  pour  reclilier  son 
acte  de  décès. 

i3)  Le  physicien  et  philanthrope  américain  Rumford  est  mort  à  Auteuil,  le  22  août  i8i4, 
dans  l'ancienne  maison  de  Mme  Helvétius. 

(4)  Voir  aux  annexes  (p.  385)  l'article  de  M.  Kmile  Potin  sur  les  ruines  de  1870-1S71. 

(5)  Voir  aux  annexes  (pp.  //|r»  et  ^r^S)  l'article  déjà  mentionné  de  M.  Antoine  Gu illois  sur 
Auteuil  au  xviu"  siècle^  et  l'article  du  même  auteur  sur  la  promenade  historique  de  la  Société 
d'Auteuil  et  de  Passv. 


RVE    t>AUTEUIt  171 

teuil,  de  1867  à  1871;  celle  maisoD,occupéeacluellemeDt  parle' pensionnat  de 
Mlles  lîouré,  se  trouve  presque  vis-à-vis  de  l'entrée  de  l'école  Jean-Baptisle- 
Say.  Samson  est  le  premier  comédien  qui  ait  reçu  la  croix  de  la  Légion 
d'bonneur  :  Napoléon  1"  n'avait  pas  accordé  cette  distinction  à  Talma,  qu'il 
honorait  cependant  de  son  amitié,  et  qui  avait  joué  souvent  devant  uu  par- 


Cutido  l'épi. 
iCoUccUon  de  M.  Ém.  l'oi 


terre  de  rois  :  c'est,  d'ailleurs,  comme  professeur  au  Conservatoire,  et  non 
comme  artiste  du  Théâtre-Français,  que  Samson  a  été  décoré  eo  MU. 

Le  château  et  le  parc  du  grand  manufacturier  Ternaux-Rousseau,  sur 
lesquels  des  indications  plus  détaillées  seront  données  ci-après,  au  sujet  de 
l'historique  de  la  rue  Molitur,  ont  été  utilisés,  de  1852  à  1870,  pour  l'insti- 
tution Notre-Dame  d'Auleuil,  fondée  par  l'abbé  Léviîque.  Kn  1871,  M.  (Iréard, 
vice-recleur  de  l'Académie  de  Paris  et  alors  directeur  de  ren!sei)j:nenieul 
primaire  au  ministère  de  rinstriiclion  publique,  fut  visiter  celte  propriété  et 
reconnut  qu'elle  réunissait  toutes  les  conditions  favorables  pour  un  groupe 


172  HISTOIRE    DU   XVl^  ARRONDISSEMENT 

scolaire.  Elle  est  actuellement  occupée  par  plusieurs  établissements,  notam- 
ment par  Vëcole  Jean-Baptiste-Say  (1),  nommée  d'abord  :  «  École  municipale 
supérieure  ». 

Cette  école  a  son  entrée  principale  au  n°  11  bis  de  la  rue  d'Auteuil,  dans  un 
renfoncement  formant  une  petite  place  ;  elle  a,  sur  la  rue  Chardon  Lagache,  au 
n°  8,  une  façade  et  une  seconde  entrée,  qui  ont  été  inaugurées,  le  30  mars  1900, 
par  M.  Leygues,  ministre  de  l'Instruction  publique,  M.  de  Selves,  préfet  de 
la  Seine  et  le  conseil  municipal  de  Paris.  Le  principal  pavillon,  à  peine  mo- 
difié, de  l'ancien  château  Ternaux,  forme  aujourd'hui  la  partie  centrale  de 
récole  Jean  Baptiste-Say,  qui  était  originairement  réunie  à  l'école  normale, 
le  tout  constituant  un  groupe  unique,qui  fut  inauguré  le  28  octobre  1872  par 
Jules  Simon,  alors  ministre  de  l'Instruction  publique,  et  était  d'abord  placé 
sous  une  seule  direction.  En  1875,  l'école  municipale  supérieure  a  été  séparée 
de  l'école  normale  (2)  et  rattachée  au  système  des  autres  écoles  du  même 
degré;  elle  a  pris,  le  10  juin  1876,  le  nom  d'école  Jean  Baptiste-Say  et  a, 
depuis  1882,  une  existence  tout  à  fait  indépendante.  Elle  a  reçu,  de  1882  à 
1897,  plusieurs  agrandissements  qui  ont  porté  sa  superficie  à  16.895  mètres 
carrés;  de  nouveaux  bâtiments  ont  été  élevés,  sous  la  direction  de  M.  l'ar- 
chitecte Salard  (3).  On  peut  citer  parmi  ces  acquisitions  celle  de  la  mai- 
son sise  à  l'angle  des  rues  Chardon-Lagache  et  du  Buis,  habitée  jadis  par 
feu  M.  Hauréau,  premier  directeur  de  la  Fondation  Thiers;  une  partie  sert 
d'infirmerie  et  l'autre  partiede  logement  à  l'économe.  L'école  Jean-Baptiste-Say 
donne  une  instruction  intermédiaire  entre  celle  de  l'enseignement  primaire 
et  celle  des  lycées  ou  collèges.  Les  jeunes  gens  s'y  préparent.(2)  aux  carrières 
du  commerce  et  de  l'industrie,  ou  aux  examens  du  baccalauréat  moderne, 
des  écoles  d'arts  et  métiers  et  d'autres  écoles  du  Gouvernement. 

La  maison  n"  2  de  la  rue  d'Auteuil,  située  à  l'angle  de  cette  rue  et  de  la 
rue  Théophile-Gautier,  porte  l'inscription  suivante  :  «  Ici  s'élevait  une 
maison  de  campagne  liabitée  par  Molière  vers  1667.  »  Malgré  le  caractère 
officiel  de  cette  plaque,  on  n'est  pas  fixé  d'une  manière  parfaitement  cer- 
taine sur  l'emplacement  qu'occupait  la  maison  habitée  de  1667  à  1673  par 
Molière  (5)  à  Auteuil.  Certains  prétendent  qu'il  correspond  à  celui  du  n**  29 
de  la  rue  Bémusat  (qui  était  le  n°  1  de  l'ancienne  rue  Molière)  et  que  la 
maison  située  presque  en  face  (et  habitée  ensuite  par  Mme  Bécamier, 
puis  par  l'abbé  de  Genoude,  publiciste)  aurait  été  occupée,  comme  maison 

(1)  Voir  l'arliclc  de  M.  Emile  Potin  sur  l'école  Jean-Boptislc-Soy,  qui  est  reproduit 
aux  annexes  (p.  4^*^.). 

(2)  L'école  normale  d'Auteuil,  qui  s'étend  de  la  rue  Bôileau  à  la  rue  Molitor,  sera  men- 
tionnée ci-après  dans  l'historique  de  la  rue  Boileau. 

(3)  Le  nombre  des  élèves  de  l'école  Jean-Baptisle-Say  n'était  encore  que  de  2^0  en 
janvier  1879.  Il  est  actuellement  de  «luinze  cents. 

(4)  Pendant  la  période  décennale  de  1888  à  1898,  333  élèves  de  l'école  J.-B.-Say  ont 
réussi  dans  le  concours  d'admission  aux  écoles  et  623  dans  les  examens  ;  96  sont  entrés 
dans  les  administrations  publiques,  362  dans  les  administrations  privées  et  688  dans  le 
commerce. 

(5)  Voir  pour  le  séjour  à  Auteuil  des  poètes  du  xvir  siècle  les  articles  de  M.  Antoine 
Guillois  sur  la  Ghampmesié  à  Auteuil  et  sur  la  maison  de  Boileau,  reproduits  (pp.  463  et  8., 
468,  471)  aux  annexes;  l'article  de  M.  Mareuse  sur  la  maison  de  Molière  f'i  Auteuil  (p.  88  du 
r»"  volume;;  les  communications  de  M.  Emile  Saint-Lanne  (pp.  8ç)  à  91  du  le»-  volume)  et 
aux  annexes  fpp.  467,  4^>  472)  'es  notes  sur  le  pavillon  de  Molière,  ainsi  que  les  articles 
de  M.  Emile  Potin  sur  Boileau  ;  les  documents  inédits  sur  Jean  Racine  (p.  24  du  I"'  vo- 
lume) et   le  tableau  généalogique  de  la  famille  Bacine,  page  4^H)' 


de  plaisance,  par  le  grand  poêle  tragique  (I)  Jean  Racine  (1639-1699),  et 
serait  celle  où  il  a  composé  les  Plaideurs.  Il  est  assez  difficile  de  préciser 
aujourd'iiiii  les  demeures  de  Molière  et  de  Racine  à  Auteuil,  parce  qu'ils  y 


Molière,  par  Coypel. 
(Colleclion  d«  U.  Ém.  Potin, 

furent  locataires  et  non  propriétaires  :  on  D*a  donc  pas  retrouvé,  comme  pour 
Boileau,  leurs  noms  dans  les  actes  de  vente  fi);urant  aux  archives  des  notaires. 
Un  extrait  du  bail  de  location  signé  par  Molii;re  se  trouve  cependant  à  la 

(i)  L'sclc  (le  ninriapie   ile   Jt-nn-Baplistn  Rnclne,  cnn9e[llcr  ilu  Rny,  Ir^norior  de  Fronce 
«•n  la  (généralité  ilc  Moulins,  n  élé  inscrit  sur  les  refflMlri'H  de  SainUSi-vorin  le  i"  juin  1677. 


1^4  HISTOIRE   DU   XVI*   ARRONDISSEMENT 

page  1G4  de  Paris- Atlas  (1).  Molière  était  à  sa  maison  d'Auteuil,  le  26  juillet 
1672,  quand  il  signa  son  bail  pour  la  maison  de  la  rue  de  Richelieu,  où  il 
devait  mourir  quelques  mois  après. 

Autrefois,  la  (Iraude  Rue  d'Auteuil  traversait  tout  le  village,  depuis  son 
entrée  jusqu'au  bois  de  Boulogne.  Sous  la  première  République,  M.  Benoit, 
second  rnairo  d'Auteuil,  qui  avait  donné  le  nom  de  d'Aguesseau  à  la  place 
substituée  à  l'ancien  cimetière,  attenant  à  l'église,  proposa  de  ne  laisser  le 
nom  de  Grande-Rue  qu'à  la  partie  la  plus  large  de  celte  voie,  c'est  à  dire  à  la 
section  comprise  entre  le  bois  de  Boulogne  et  la  rue  Boileau;  afin  d'honorer 
la  mémoire  de  Molière,  il  demanda  que  son  nom  fût  attribué  à  la  partie  alors 
sinueuse  de  la  Grande  Rue,  située  entre  la  route  de  Versailles  et  la  rue  Boileau. 
Ces  dispositions,  qui  entraînaient  un  changement  de  numérotage  pour  les 
maisons,  furent  approuvées  le  18  prairial  an  IX  par  le  sous  préfet  de  Fran 
ciade  (nom  que  portait  alors  la  ville  de  Saint-Denis)  et,  le  17  fructidor  de  la 
môme  année,  par  un  arrêté  du  préfet  de  la  Seiue,  Frochot,  portajit  ([ue  la 
Grande-Rue  d'Auteuil  serait  divisée  en  deux  parties  ;  que  la  première  com- 
mencerait à  l'entrée  du  village,  finirait  à  la  rue  Boileau  et  porterait  le  nom 
de  rue  Molière  ;  enfin,  que  la  seconde  partie  continuerait  à  porter  le  nom  de 
Grande-Rue,  depuis  la  rue  Boileau  jusqu'à  la  porte  du  bois  de  Boulogne. 

La  rue  Molière  (aujourd'hui  remplacée  par  une  partie  de  la  rue  d'Auteuil 
et  par  la  rue  Rémusat)  occupait  l'emplacement  d'un  chemin  qui  paraît  avoir 
été  établi  de  temps  immémorial;  mais  la  partie  voisine  de  la  route  de  Ver- 
sailles n'était  pas  encore  bAlie  en  18(K)  :  toute  la  région  voisine  de  la  Seine 
était  alors  occupée  par  la  saussaie  d'Auteuil.  Ce  chemin  avait  été  amélioré 
en  170i;  mais  son  élargissement  ne  fut  terminé  qu'en  1805,  à  la  suite  d'iui 
traité  passé  entre  la  commune  d'Auteuil  et  le  sénateur  Antoine  César  de 
Chotseul,  comte  de  Praslin. 

Un  décret  du  27  février  1867  donna  le  nom  de  rue  Molière  à  une  rue  de 
l'ancien  Paris,  qui  avait  été  précédemment  dénommée  rue  Traversière-Saint- 
Honoré,  et  ensuite  rue  de  la  FontaineMolière,  fontaine  érigée  non  loin  de  la 
maison  où  Jean-Baptiste  Poquelin,  dit  Molière,  est  mort  à  51  ans.  Comme  il 
est  de  principe,  pour  éviter  des  confusions,  que  deux  rues  de  Paris  ne  portent 
pas  le  même  nom,  un  décret  du  20  juillet  1868  fit  disparaître  dans  notre 
arrondissement  le  nom  de  Molière,  en  décidant  que  la  Grande-Rue  et  notre 
rue  Molière  seraient  réunies  sous  le  nom  de  rue  d'Auteuil. 

La  place  située  devant  l'église  a  conservé  le  nom  de  place  d'Aguesseau 
depuis  le  commencement  du  xix^  siècle  jusqu'au  décret  du  26  février  1867, 
qui  l'a  dénommée /^/«ce  d'Auteuil.  Elle  a  été  habitée,  de  1727  à  17.^1,  parle 
chancelier  d'Aguesseau,  chez  qui  Louis  Racine  faisait  de  fréquents  séjours  ; 
avant  1781,  par  le  poète  tragique  Ducis  (1738-1816),  qui  remplaça  Voltaire  à 
TAcadémie  française,  en  1778,  et  qui  a  popularisé  en  France  l'œuvre  de 
Shakespeare  ;  ensuite  par  Victor  de  Tracy,  fils  de  l'idéologue  Destutt  de  Tracy  ; 
par  le  colonel  Coutelle,  premier  aérostier  de  l'armée,  qui  rendit  à  Fleurus, 
avec  son  ballon,  de  grands  services  à  l'armée  française  et  qui  légua  une  partie 
de  ses  biens  aux  pauvres  d'Auteuil. 

En  1753,  Louis  XV  ordonna  l'érection,  en  face  de  la  porte  de  l'église  d'Au- 

(i)  Ouvrage  de   M.  Bournon,  publié   en    ujoo  par  la   librairie  Larousse,  58,  rue  des 
Écolcîi. 


l'iACE  d'autkuil  lyî» 

teuil,  d'une  pyramide  destinée  i)  abriter  les  cor|is  du  cliancelier  Henri-FraQ- 
çnis  d'Aguesseau  (I),  né  en  UMH  et  mort  en  février  IT.'il,  et  de  son  épuuse, 
Anne  Leff-vrc  d'*^>niipssf)n,  di'rédée  en  17l(;>,  [)'Agupsseiiu  avait  d'abord  été 


JEAN    FRAINÇOIS    DUCIS, 

N;  iVcrsailU»  !<■  21  Août  1755. 

(Collurtlon  du  M.  Éin.  Poliii.) 

(i;  Voir  aui  annexes  (|i.  461J'  la  nnlifo  sur   d'Aguesscau,   par   M.    ilo   Kwg''^    ilc 
lagnao. 

Annp  LofÈvre  d'Orincsson,  fpoUBc   du  rlianct'lier  d'Aifuc-^scati,  csl  mirli."  11  AuIcl 
(•r  décembre  1735,  à  r>lgi>  de  [17  ans. 


1^6  HISTOIRE    DU   XVI*'   ARRONDISSEMENT 

inhumé,  suivant  son  désir,  auprès  de  sa  femme,  dans  l'église  mèmed'Auteuil. 
Le  monument  de  1753  consistait  en  une  pyramide  à  base  de  marbre,  couron* 
née  par  un  globe  d'or,  surmonté  d'une  croix.  La  sépulture  de  d'Aguesseau 
fut  violée  en  1793  ;  mais  les  ossements  furent  recueillis  par  M.  Benoit,  maire 
d'Auteuil,  et  le  tombeau  fut  restauré  le  30  frimaire  an  IX.  Après  Tachèvement 
des  travaux  de  réfection  de  la  pyramide,  qui  avait  été  renversée  en  1793,  une 
cérémonie  publique  eut  lieu  en  présence  du  maire  d'Auteuil  et  du  petit-fi!s 
du  chancelier  d'Agucsseau.  Dans  son  discours,  le  maire  déclara  que  cette 
place  prendrait  désormais  le  nom  de  place  d'Aguesseau.  La  pyramide,  qui 
avait  été  entourée  d'une  grille  aux  frais  de  la  commune,  en  mai  1848,  est 
actuellement  remplacée  par  une  colonne  surmontée  d'une  croix  et  dédiée  au 
Christ  sauveur.  L'affichage  est  interdit  mémo  en  temps  d'éleclions,  sur  le 
monument  d'Aguesseau. 

La  mairie  d'Auteuil  fut  établie  originairement  sur  cette  place;  une  déli- 
bération du  conseil  municipal  d'Auteuil,  en  date  du  17  thermidor  an  XII, 
approuva  un  projet  de  reconstruction  de  la  maison  commune  à  la  place 
d'Aguesseau.  Celte  mairie  fut  transférée,  en  18ii,  h  la  rue  Roileau. 

L'ancienne  église  d'Auteuil  (1),  dont  le  portail  et  la  tour  octogonale  étaient 
du  xi\^  siècle,  fut  profmée  le  16  novembre  1793,  transformée  en  club,  puis  en 
grange  et  ensuite  en  fabrique  de  salpêtre.  Klle  fut  rendue  au  culte  en 
mai  1795.  Comme  cette  église,  dont  la  première  pierre  fut  posée  par  le  roi 
Philippe-b-Long,  en  1319,  était  devenue  absolument  insuffisante  pour  les 
besoins  de  la  population  toujours  croissante  d'Auteuil,  et  que,  d'ailleurs,  elle 
menaçait  ruine,  M.  l'abbé  Lamazou  (4),  curé  d'Auteuil,  entreprit  de  la  rem- 
placer par  un  nouvel  édifice.  La  reconstruction  put  être  réalisée  grûce  à  une 
transaction  passée  entre  le  conseil  municipal  de  la  commune  et  le  curé  de  la 
paroisse.  La  première  pierre  delà  nouvelle  église  fut  posée  le  1*"''  juillet  1877  ; 
les  travaux,  entrepris  immédiatement,  sous  Ja  direction  de  M.  l'architecte 
Vaudremer,  furent  terminés  le  40  octobre  1804,  jour  où  Mgr  Richard,  cardi- 
nal-archevêque de  Paris,  consacMa  la  nouvelle  église. 

L'église  Notre  Dame  d'Auteuil  alTecte  la  forme  dune  croix  latine;  au  tru 
meau  de  la  pjrtc  d'entrée,  la  Vierge^  statue  en  pierre  (Maniglier,  1884);  au 
tympan  de  cette  porte,  un  bas-relief  en  pierre  (Maniglier,  1880),  représente 
le  Christ  entouré  des  symboles  des  quatre  évangélistes.  Au  dessus  du  portail 
se  dresse  le  clocher,  dont  la  forme  rappelle  le  dessin  de  la  tiare  pontificale. 
La  nef  et  le  chœur  sont  entourés  d'un  bas-cùté,  avec  chapelles  aux  transepts 
et  à  l'abside  ;  le  transept  est  à  la  hauteur  du  chœur.  Cet  édifice  appartient  au 
style  roman  byzantin  ;  il  unit  l'élégance  à  la  simplicité  et  imite  les  anciennes 
basiliques  chrétiennes.  Quoique  les  dimensions  en  soient  peu  considérables, 
il  présente  les  caractères  d'un  monument  religieux  complet,  avec  chapelle 
des  catéchismes,  crypte»  sacristie  et  dépendances  (3). 

L*ancienne  Grande-Rue  était  étroite  et  sinueuse  auprès  de  la  place  d*Au- 

(i)  Voir  aux  annexes  (p.  237)  rariicle  de  M.  Antoine  (jiiillois  sur  la  vieille  égline  d'Auteuil; 
à  la  page  211  du  I"  volume  du  Bulletin^  une  communication  de  M.  Tabbé  Oepontaillier, 
et,  à  la  page  i92  du  III*  volume  du  Bulletin,  les  notes  de  M.  Tabbé  Beurlier  sur  la 
paroisse  d'Auteuil. 

(2)  M.  l'abbé  Lamazou  fut  nommé  évéque  de  Limoges  avant  l'achèvement  de  l'église 
d'Auteuil  ;  il  mourut  en  i883,  évéque  d'Amiens. 

(3)  La  longueur  de  la  nouvelle  église  d'Auteuil  est  de  04  mètres  du  porche  à  Tabside  ; 
la  largeur  du  transept  est  de  24  mètres. 


Htil.lSE  NOTRE-DAME    D  AUTEUIL 


teuil;  mais,  lors  de  la  reconstruction  de  l'église,  on  en  a  amélioré  les  abords 
et  on  a  remplacé  la  courbe  de  l'ancienne  Orande-Rue  par  deux  voies  larges  et 
rectilignes  :  la  première  constitue  l'extrémité  de  la  me  Théophile  (iautier; 


Û 


il 

II 

Si 


^1 


la  seconde  forme  la  partie  de  la  rue  Rémusal  comprise  entre  la  rue 
Théophile-Gautier  et  la  rue  François  (iérard.  Cette  rue  Rémusat,  qui  rem- 
place une  partie  de  l'ancienne  Grande-Rue  (partie  dénommée  rue  Molière 
depuis  l'an  IX  jusqu'en  1808),  a  reçu  son  nom  actuel  par  décret  du  10  no- 


178  HISTOIRE    I>\J    XVT*   ARRONDISSEMKNT 

vembre  1877,  en  mémoire  de  Charles-François-Marie,  comte  de  Rémusat 
(1797-1875),  homme  politique  et  littérateur,  fils  d'un  chambellan  de  Napo- 
léon l'S  qui  fut  préfet  de  la  Haute-Garonne,  et  de  Jeanne  de  Vergennes^ 
amie  intime  de  Timpératrice  Joséphine.  M.  de  Rémusat,  parent  de  La  Fayette 
et  de  Casimir  Périer,  représenta  presque  constamment,  depuis  octobre  1830, 
le  département  de  la  Haute  Garonne  ;  il  fut  ministre  de  Tlntérieur  le 
l'^'mars  18i0,  ministre  des  Affaires  étrangères  le  â  août  1871  et  membre  de 
rinstitut.  Il  a  publié  de  nombreux  ouvrages.  A  la  suite  d'un  traité  passé  avec 
M.  Barraud,  propriétaire  riverain,  un  arrêté  du  9  mars  1878  autorisa  la  recti- 
fication et  l'élargissement  à  20  mètres  de  la  rue  Rémusat  ;  cette  opération  de 
voirie  a  coûté  43.500  francs. 

L'ancien  senlier  des  Arches  a  porté  ensuite  le  nom  de  rue  Sainie-Gene- 
viève,  parce  qu'il  conduisait  à  la  maison  seigneuriale  de  l'abbaye  de  ce  nom. 
Dans  sa  séance  du  29  pluviôse  an  II,  le  conseil  de  la  commune  d'Auteuil 
décida  que  celte  voie  serait  appelée  rue  de  la  Montagne.  Quelques  années 
plus  tard,  on  lui  donna  le  nom  de  rue  de  Seine  (1),  à  raison  de  sa  proximité 
du  fleuve.  Cette  voie  publique^  dont  le  tracé  figure  sur  le  plan  de  Roussel, 
pnblié.en  1730,  et  qui  forme  aujourd'hui  la  rue  Wilhem,  partait  de  la  place  de 
l'église  d'Auteuil,  laissait  sur  sa  gauche  cette  église  et,  sur  sa  droite,  la  vaste 
propriété  des  Génovéfains  (dont  la  plus  grande  partie  est  occupée  aujourd'hui 
par  l'institution  de  Sainte-Périne),  rencontrait  la  route  de  Versailles  à  environ 
270  mètres  à  l'aval  de  la  Grande-Rue  et  se  prolongeait  jusqu'au  chemin  de 
halage  longeant  la  rive  droite  de  la  Seine.  La  dénomination  actuelle  de  cette 
rue  lui  a  été  donnée  par  le  décret  du  24  août  1864,  en  mémoire  de  Guillaume- 
Louis  Bocquillon,  dit  Wilhem  (1781-1842),  fondateur  des  écoles  populaires 
de  chant  en  France,  qui  fut  chargé,  en  1819,  de  créer  l'enseignement  de  la 
musique  et  du  chant  dans  les  écoles  mutuelles  de  la  Ville  de  Paris  et  organisa, 
en  1833,  les  réunions  périodiques  des  élèves  de  toutes  les  écoles,  instruits  sépa- 
rément, en  un  seul  chœur,  qu'il  désigna  sous  le  nom  dorphéon,  et  où  ils  chan- 
taient sans  aucun  accompagnement  instrumental.  La  méthode  d'enseignement 
de  Wilhem  ne  tarda  pas  à  se  populariser  en  France  et  à  l'étranger. 

Un  décret  du  27  janvier  1876  déclara  d'utilité  publique  l'élargissement  à 
12  mètres  de  la  partie  de  la  rue  Wilhem  (2)  qui  se  trouve  comprise  entre  les 
rues  Mirabeau  et  Chardon- Lagache  :  ce  travail  a  coûté  28.900  francs.  Jus- 
qu'à ces  dernières  années,  la  rue  Wilhem  suivait,  entre  l'avenue  de  Ver- 
sailles et  la  rue  Mirabeau,  un  tracé  sinueux  qui  est  occupé  actuellement 
par  la  rue  Narcisse-Diaz  ;  un  décret  du  22  décembre  1890  a  déclassé  cet 
ancien  tracé  et  l'a  remplacé  par  un  tronçon  en  ligne  droite,  prolongeant 
la  partie  de  la  rue  Wilhem  comprise  entre  la  Seine  et  l'avenue  de  Ver- 
sailles; la  Ville  de  Paris  arriva,  en  1892,  à  terminer  les  acquisitions  de 
terrains  nécessaires  pour  réaliser  cette  opération  de  voirie  ;  les  terrasse- 
ments et  la  mise  en  état  de  viabilité  de  cette  section  donnèrent  lieu  à  une 
dépense  de  70.650  francs.  Enfin,  par  suite  d'arrangements  avec  les  proprié- 
taires riverains,  la  partie  de  la  rue  Wilhem  comprise  entre  le  chemin  de  halage 
et  l'avenue  de  Versailles  a  pu  être  établie  à  son  niveau  définitif  et  mise  en  état 

(1)  En  i838,  il  fallut  dépenser  838  francs  pour  mettre  en  état  de  viabUité  la  rue  de 
Seine. 

(•2)  La  largeur  de  la  rue  Wilhem  avait  été  fixée  à  6  mètres  par  l'arrêté  du  i3  fé- 
vrier i838. 


RUE   LA    FONTAINE  I79 

de  viabilité  ;  ces  derniers  travaux,  autorisés  par  arrêté  préfectoral  du  9  fé- 
vrier 1895,  oat  entratoé  une  dépense  de  33.100  francs.  La  mise  en  état  de 
viabilité  de  la  rue  Wilhem,  entre  le  quai  d'Auteuil  et  l'avenue  de  Versailles,  a 
été  achevée  en  septembre  1898. 

La  dénomination  de  la  rue  Narcisse-Diaz,  qui  remplace,  comme  cela  vient 
d'être  exposé  dans  l'alitiéa  précédent,  une  partie  de  l'ancienne  rue\Viihem,lui  a 
été  donnée  par  le  décret  du  8  janvier  1895,  en  mémoire  de  Narcisse- Virgile  Diaz 
de  la  Pena  (1809-1876),  né  à  Bordeaux,  qui  fut  décoré  en  1851,  et  envoya,  à 
TExposition  universelle  de  1855^  des  tableaux  très  remarqués. 

La  rue  La  Fontaine  peut  être  divisée,  au  point  de  vue  de  son  histoire,  en 
deux  sections  distinctes,  savoir  :  la  partie  comprise  entre  la  rue  de  Boulainvil- 
liers  et  la  rue  Gros,  qui  se  nommait  autrefois  rue  de  la  Tuilerie,  et  la  partie 
qui  s'étend  de  la  rue  Gros  à  la  rue  d'Auteuil  et  qui  faisait  autrefois  partie  du 
chemin,  puis  de  la  rue  de  la  Fontaine. 

Ce  chemin  figure  sur  le  plan  de  Roussel,  et  était  aussi  dénommé, 
en  1731,  «  chemin  conduisant  à  Passy  ».  Il  doit  son  nom  de  «  chemin 
de  la  Fontaine  »  à  une  source,  dont  les  eaux  coulaient  autrefois  dans  toute 
la  longueur  de  cette  voie  publique.  En  1766,  le  prévôt  d'Auteuil  ordonna 
aux  propriétaires  riverains  de  creuser  à  leurs  frais  un  fossé  de  3  pieds  de 
largeur  et  3  pieds  de  profondeur  pour  recueillir  les  eaux  de  la  source,  qui,  en 
se  répandant  sur  le  chemin,  le  rendaient  impraticable.  En  1800,  ce  chemin 
n'était  bâti  qu'aux  abords  de  la  Grande-Rue  ;  le  surplus  constituait  une  voie 
publique  qui  n'avait  qu'une  faible  largeur,  n'était  pas  bordée  de  maisons, 
longeait  le  parc  de  Boufflers  et  se  dirigeait  yers  la  Seine  en  aboutissant 
à  l'avenue  de  Versailles.  11  est  mentionné,  dans  un  arrêté  préfectoral  du 
8  mars  1825,  sous  le  nom  de  rue  des  Deux-Fontaines  et  a  fait  ensuite  partie 
de  la  route  départementale  n""  29. 

L'ordonnance  royale  du  12  mai  1830  a  fixé  à  10  mètres  la  moindre  largeur 
de  la  rue  de  la  Fontaine  ;  une  délibération  municipale  du  10  décembre  de  la 
même  année  constate  que  les  propriétaires  riverains  avaient  pris  l'engage- 
ment de  céder  gratuitement  les  terrains  nécessaires  pour  réaliser  cette  lar- 
geur de  10  mètres  entre  la  rue  des  Perchamps  et  la  prairie  d'Auteuil  ;  cette 
cession  n'avait  d'ailleurs  été  consentie  que  sous  la  condition  que  l'adminis- 
tration ferait  combler  le  fossé  creusé  en  1766,  que  le  déversement  des  eaux 
ménagères  rendait  infect.  L'arrêté  du  16  avril  1857  a  fixé  une  moindre  lar- 
geur de  12  mètres,  applicable  à  la  partie  comprise  entre  la  rue  de  Boulain- 
villiers  et  la  rue  Gros.  On  a  élargi  successivement  la  rue  de  la  Fontaine  par 
voie  d'alignements,  et  le  conseil  municipal  d'Auteuil  y  a  fait  exécuter  de 
nombreux  travaux  d'assainissement,  de  pavage  et  autres  améliorations. 

Un  concours  a  été  ouvert,  à  partir  du  1'"  janvier  1898,  par  la  Ville  de  Paris, 
entre  architectes  et  propriétaires  des  maisons  élevées  pendant  l'année.  Le 
casiel  Déranger^  construction  fort  originale  qui  a  été  élevée  au  n**  16  de  la 
rue  La  Fontaine  par  M.  l'architecte  Hector  Guimard,  a  été  primé  par  le 
conseil  municipal  au  concours  de  façades  de  1898. 

Le  décret  du  2  octobre  i865  a  donné  le  nom  de  rue  La  Fontaine  :  1®  à  la 
rue  de  la  Tuilerie;  2^  à  la  partie  de  la  rue  de  la  Fontaine  faisant  suite  à  la  pré- 
cédente ;  en  vertu  du  même  décret,  la  partie  de  l'ancienne  rue  de  la  Fontaine 
comprise  entre  l'avenue  de  Versailles  et  la  rue  de  la  Tuilerie  a  été  nommée 
rue  Gros. 


iflu  histoire:  du  xvi'  arrondissement 

La  dénomination  de  «  rue  La  Fontaine  »  a  été  ainsi  substituée  à  celle  de 
«  rue  de  la  Fontaine  »,  en  mémoire  de  l'illustre  fabuliste  Jean  de  La  Fontaine 
{1G21-1603),  qui  fut  souvent,  à  Auteuil,  le-commensal  de  Boileau  et  de  qui 
Chamfnrt,  qui,  lui  aussi,  fréquentait  beaucoup  Auteuil,  a  dit  :  «  Il  offrit  le 
singulier  contraste  d'un  conteur  trop  libre  et  d'un  excellent  moraliste,  reçut 
en  partage  l'esprit  le  plus  fin  qui  (ut  jamais  et  devint  en  tout  le  modèle  de  la 
simplicité  ;  il  posséda  le  génie  de  l'observation,  même  de  la  satire,  et  passa 
pour  un  bonhomme.  Dérobant  sous  l'air  d'une  négligence  quelquefois  réelle 
les  artifices  de  la  composition  la  plus  savante,  il  fit  ressembler  l'art  au  naturel. 


(CollecUon  de  H.  t'.handebois.) 

souvent  même  à  l'instinct,  et,  cachant  son  génie  par  son  génie  même,  il  fut, 
dans  le  siècle  des  grands  écrivains,  sinon  le  premier,  du  moins  le  plus 
étonnant.  » 

Le  décret  du  30  novembre  1862,  s'applîquant  à  tout  un  ensemble  de  tra- 
vaux, avait  déclaré  d'utilité  publique  l'ouverture  d'une  rue  E,  d'une  largeur 
de  20  mètres,  formant  la  rectification  du  débouché  de  la  rue  de  la  Fontaine, 
du  cAté  de  la  rue  Molière,  aujourd'hui  rue  d'Auteuil  ;  ce  travail,  qui  n'a  été 
réalisé  qu'en  1872,  a  donné  à  la  rue  La  Fontaine  une  largeur  de  20  mètres 
entre  la  rue  Pierre-Guériu  et  la  rue  d'Auteuil.  On  a  construit  en  1873, 
moyennant  une  dépense  de  39.000  francs,  les  trottoirs  réglementaires  en 
bitume  dans  la  partie  de  la  rue  La  Fontaine  comprise  entre  la  rue  Pierre- 
Guérin  et  la  rue  Gros.  En  1809,  on  a  fait  le  pavage  en  bois  entre  la  rue  Poussin 
et  la  rue  d'Auteuil,  ainsi  que  l'installation  de  becs  à  incandescence. 

L'ancienne  rue  de  la  Tuilerie,  qui  passait  entre  le  parc  du  château  de  la 
Tuilerie  cl  son  potager,  avait  d'abord  lait  partie  de  la  rue  Basse,  aujourd'hui 


LE   CHATEAU   DE   LA  TUILERIE  l8l 

rue  Raynouard  ;  mais  le  décret  du  2  octobre  1865  a  réuni  cette  section  à  la 
rue  La  Fontaine,  qui  est  devenue  ainsi  le  prolongement,  sur  Auteuil,  de  la 
rue  Raynouard  ;  actuellement,  cette  dernière  rue  se  trouve,  sous  ce  nom  et 
dans  toute  son  étendue,  sur  le  territoire  du  quartier  de  Passy. 

Le  domaine  de  la  Tuilerie  remontait  à  une  époque  très  reculée  ;  en  effet, 
on  voit  figurer  dans  le  compte  des  prévôts  et  baillis  de  France,  en  1248,  une 
recette  de  50  sols  provenant  de  la  terre  des  Tuileries  de  Pacy  (sic).  En  1655, 
ce  domaine  était  grevé  d'un  cens  de  3  sols  parisis  envers  Tabbaye  de  Sainte- 
Geneviève.  Dans  un  document  de  1719,  on  le  désigne  ainsi  :  «  Maison  et  jar- 
din entre  Passy  et  Auteuil,  appelé  vulgairement  les  tuilleries  de  Passy, 
paroisse  d'Auteuil.  »  Ce  nom  provenait,  sans  doute,  de  ce  qu'une  fabrique  de 
tuiles  était  établie  dans  le  voisinage. 

Le  château  de  la  Tuilerie,  rebâti,  sous  Louis  XVI,  par  le  marquis  Latourdu 
Pin-Gouvemet,  avait  été  nommé  d'abord  le  château  invisiblcy  parce  qu'étant 
entouré  d'arbres  épais,  il  n'était  aperçu  d'aucun  côté,  bien  qu'il  joutt  lui-même 
d'une  vue  fort  étendue.  Il  devint  ensuite  la  résidence  de  la  comtesse  de  Brienne, 
qui  s'était  intéressée  à  Napoléon  lorsqu'il  était  élève  à  l'École  militaire  ;  le  gé- 
néral Bonaparte  s'y  reposa  à  son  retour  d'Egypte  ;  il  fut  la  demeure  de  Talley- 
rand,  sous  le  Consulat,  du  général  du  génie  Michaud  d'Arçon,  collaborateur  de 
Carnot,  et,  en  1840,  de  Thiers,  qui  était  président  du  conseil  des  ministres. 
Comme  il  n'était  pas  toujours  d'accord  avec  le  roi  Louis-Philippe,  les  jour- 
naux de  l'époque  avaient  imaginé  ce  jeu  de  mots  :  u  La  Tuilerie  dit  oui,  mais 
les  Tuileries  disent  non.  «  Le  château  de  la  Tuilerie,  qui  avait  son  entrée  prin- 
cipale sur  la  rue  du  même  nom,  fut  ensuite  habité  par  la  tragédienne  Rachel, 
par  le  docteur  Véron,  auteur  des  Mémoires  d'un  bourgeois  de  Paris  (1),  et 
par  Mme  la  comtesse  de  Montijo,  mère  de  l'impératrice  Eugénie,  qui  y  fit 
construire  une  salle  de  spectacle,  transformée  ensuite  en  chapelle.  Une  partie 
de  ce  domaine  fut  aliénée  en  1850  ;  le  château  et  la  partie  conservée  du  parc, 
ayant  une  superficie  d*environ  45.000  mètres  carrés,  ont  été  acquis  en  1855  de 
M.  le  comte  Migeon,  moyennant  430.000  francs,  par  la  communauté  religieuse 
de  l'Assomption,  qui  vint  s'y  établir,  après  avoir  quitté  le  n°  75  de  la  rue  de 
Chaillot,  sur  l'emplacement  de  laquelle  devaient  être  exécutés  divers  tra- 
vaux de  voirie.  Cest  donc  du  domaine  de  la  Tuilerie  que  provient  le  beau 
parc  des  dames  de  TAssomption  (â). 

Par  acte  daté  du  15  prairial  an  XII,  Mme  de  Vaudey,  fille  du  général 
Michaud  d'Arçon  et  propriétaire  du  château  de  la  Tuilerie,  céda  gratuitement 
à  la  commune  d'Auteuil  7  ares  et  26  centiares  pour  élargir  la  sente  de  la 
Tuilerie,  la  prolonger  jusqu'à  la  montagne  de  Boulainvilliers  et  convertir 
cette  sente  en  chemin  vicinal,  pour  faciliter  les  communications  entre  Auteuil 
et  Passy.  Un  arrêté  du  9  germinal  an  XII  assigna  à  ce  chemin  une  largeur 
de  8  mètres  et  80  centimètres.  Cette  largeur  fut  portée  à  10  mètres  par  l'or- 
donnance royale  du  12  mai  1830.  La  commune  d'Auteuil  dut  recourir  à  l'ex- 
propriation en  1838,  pour  acquérir  les  terrains  nécessaires  à  l'achèvement  de 
cette  rue  de  la  Tuilerie,  dont  la  largeur  a  été  portée  à  12  mètres  par  l'arrêté 


(i)  Voir  aux  annexes  (page  471)  une  note  concernant  la  rue  de  la  Tuilerie  et,  page  108 
du  second  volume  du  Bullelin^  un  article  de  Mme  Chochod-Lavorgnc  sur  le  général 
d'Arçon. 

(9.).  Voir  ci-après,  page  201,  les  indications  données  avi  sujet  de  la  rue  de  l'Assomption. 


l82  HISTOIRE    DU  XVI®  ARRONDISSEMENT 

du  IG  avril  1857,  et  à  20  mètres  (au  moyen  de  nouveaux  alignements  du  côté 
des  numéros  impairs)  par  le  décret  du  10  juillet  1882.  Celte  rue  avait  été 
munie  de  trottoirs  exécutés  de  1857  à  1859. 

La  partie  de  la  rue  La  Fontaine  qui  formait  autrefois  la  rue  de  la  Tuilerie 
donne  entrée  au  hameau  La  Fontaine,  ainsi  qu'au  hameau  Béranger,  dont  le 
chalet  n^  3,  d'abord  transformé,  puis  actuellement  entièrement  démoli,  a  été 
habité  (1)  par  le  célèbre  comédien  Bouilé  (1800-1888),  qui  eut  beaucoup  de 
succès  au  théâtre  du  Gymnase. 

Au  n^  40  de  la  rue  La  Fontaine  se  trouve  Vorphelinat  de  Vabbé  Roussel, 
fondé  le  19  mars  1866  pour  recueillir  des  enfants  vagabonds,  abandonnés  ou 
maltraités  et  chercher  à  en  faire  d'honnêtes  gens.  Il  comprend  deux  sections, 
dont  la  première  est  l'œuvre  de  la  première  communion,  qui  est  destinée 
aux  enfants  de  treize  ans  et  au-dessus,  n'ayant  pas  encore  reçu  l'instruction 
religieuse  ;  ils  restent  dans  la  maison  pendant  trois  mois,  pour  y  recevoir 
cette  instruction.  La  seconde  section  est  l'œuvre  des  apprentis  et  est  composée 
d'orphelins  auxquels  on  apprend  différents  métiers,  tels  que  ceux  de  menui- 
sier, de  serrurier,  de  tailleur,  de  mouleur,  de  cordonnier,  de  relieur  et  surtout 
de  typographe.  Les  frères  de  Saint-Vincent-de-Paul  prirent  possession  de 
cette  œuvre  le  l*''  mai  1895.  M.  l'abbé  Fontaine  succéda,  en  1896,  à  M.  l'abbé 
Roussel  (qui  est  mort  le  11  janvier  1897)  dans  la  direction  de  cette  maison  ; 
il  y  a  fait  construire  des  bâtiments  pour  dortoirs  et  ateliers  (2).  Une  école 
professionnelle  y  a  été  inaugurée  le  2  mai  1898.  Le  nombre  des  pupilles 
s'élevait  à  800,  au  commencement  du  xx"  siècle.  M.  le  sénateur  Roussel, 
membre  de  l'Institut,  est  vice-président  de  l'œuvre. 

On  a  vu  ci-dessus  que  la  rue  Gros  a  fait  partie,  jusqu'en  1865,  de  la  rue 
La  Fontaine  (section  comprise  entre  la  rue  de  Boulainvilliers  et  la  rue  de  la 
Tuilerie).  Un  élargissement  à  20  mètres,  au  droit  d'immeubles  appartenant 
à  la  Ville,  a  été  prescrit  par  le  décret  du  10  juillet  1882  pour  cette  rue,  dont 
la  mise  en  état  de  viabilité  n'a  été  terminée  qu'en  1899,  époque  à  laquelle  la 
largeur  réglementaire  de  20  mètres  a  été  réalisée  entre  le  n»  10  et  la  rue  La 
Fontaine.  La  dénomination  actuelle  de  cette  rue  lui  a  été  donnée  parle  décret 
précité  du  2  octobre  1865,  en  mémoire  du  baron  Antoine-Jean  Gros  (1771-1835), 
peintre  d'histoire,  qui  fut  présenté  au  général  Bonaparte,  dès  son  entrée  à 
Milan,  par  Mme  Joséphine  Bonaparte,  s'illustra  par  le  tableau  du  général  au 
pont  d'Arcole  et  fit  la  campagne  d'Italie  avec  le  grade  d'inspecteur  aux  revues. 
Il  peignit,  en  1804,  les  Pestiférés  de  Jaffa,  puis  Bonaparte  aux  Pyramides,  le 
Lendemain  d'Eylau,  François  I^^  et  Charles-Quint  visitant  la  basilique  de  Saint- 
Denis,  11  fut  nommé  membre  de  l'Institut  en  181  ?>  et  professeur  à  l'École  des 
Beaux-Arts  en  1816.  On  lui  doit  la  décoration  de  la  coupole  de  Sainte-(iene- 
viève  (Panthéon).  Le  prix  de  ce  travail  avait  été  fixé  à  riO.OlX)  francs  ;  quand  il 
fut  terminé,  Charles  X  dit  à  l'artiste  :  «  Les  rois  doivent  donner  plus  qu'on 
ne  promçj:  en  leur  nom,  surtout  quand  ils  ont  à  récompenser  des  hommes  de 
votre  mérite  :  voici  100.000  francs  et  le  titre  de  baron.  » 


(i)  Voir  l'article  de  M.  le  cominandnnt  Dubois  sur  la  maison  de  HoulT6,  page  23i  du 
II"  volume,  ainsi  que  la  page  io6  du  111*  volume  du  Bulletin, 

i'i)  M.  l'abbé  Beurlier,  cur^^  d'Auleuil,  docteur  ès-leltres  et  membre  de  la  Société  des 
Antiquaires  de  France,  a  bien  voulu  me  communiquer  des  indications  sur  divers  établis- 
sements religieux  de  sa  paroisse. 


RUE   BOILEAU  l83 

La  rue  Boileau  (1),  ancien  chemin  puis  rue  des  Garennes,  a  son  origine 
à  la  rue  d'Auteuil,  au  point  où  se  trouvait  autrefois,  devant  une  maison 
dénommée  de  l  Image  Notre-Dame^  la  jonction  de  la  Grande-Rue  et  de 
la  rue  Molière  (  rues  actuellement  dénommées  l'une  et  Tautre  :  rue 
d'Auteuil).  Elle  aboutit  à  lavenue  de  Versailles.  Le  tracé  de  cette  rue  n'a 
donc  pas  été  modifié;  au  xvui®  siècle,  elle  n'était  bordée  de  maisons  que  sur 
le  côté  droit  et  aux  abords  de  la  Grande-Rue  ;  sur  le  côté  gauche,  c'est-à-dire 
le  plus  voisin  de  la  Seine,  elle  servait  de  limite  à  la  grande  propriété  des 
Génovéfains  et,  vers  le  Point-du-Jour,  elle  traversait  des  champs  cultivés.  Le 
plan  fixant  les  alignements  de  la  nie  Boileau  et  lui  assignant  8  mètres  comme 
moindre  largeur  a  été  approuvé  par  arrêté  du  27  septembre  1837.  Des  trot- 
toirs, ayant  coûté  8.942  francs,  ont  été  construits  en  1843  à  la  rue  Boileau  ;  en 
outre,  des  caniveaux  y  avaient  été  établis,  moyennant  une  dépense  de 
2.648  francs,  pour  faciliter  l'écoulement  des  eaux  ;  cependant,  la  chaussée 
était  si  dégradée  en  1855  que  le  maire  d'Auteuil  dut  prendre  un  arrêté  pour  y 
interdire  le  passage  des  voitures  non  suspendues  et  attelées  de  plus  d'un  che- 
val ;  une  somme  de  10.000  francs  fut  consacrée,  en  1856,  à  l'amélioration  de 
la  rue  Boileau,  où  les  constructions  se  développaient  dès  cette  époque  aux 
abords  de  l'avenuede  Versailles.  De  nouveaux  trottoirs  ont  été  établis  en  1858; 
l'égout  de  la  rue  Boileau,  qui  date  de  1859,  a  coûté  60.882  francs.  D'autres 
trottoirs  réglementaires  ont  été  établis  rue  Boileau,  en  1899,  entre  les  rues 
d'Auteuil  et  Molitor;  en  1900,  entre  la  rue  Molitor  et  les  n**»  54-59.  En  avril 
1899,  la  rue  Boileau  a  été  munie  de  candélabres  avec  becs  à  incandescence. 
Vers  le  milieu  du  xix*  siècle,  on  a  créé  un  ensemble  de  voies  privées  désigné 
sous  le  nom  de  hameau  Boileau  (2)  et  composé  d'une  vingtaine  de  petits  hôtels 
entourés  de  jardins,  pour  la  plupart  habités  par  des  bijoutiers  de  Paris,  à 
Torigine. 

La  dénomination  de  rue  des  Garennes  était  due  à  ce  qu'elle  conduisait  au 
lieu  dit  «  les  Garennes  »,  dont  le  nom  se  trouve  déjà  mentionné  dans  des 
actes  du  xv"  siècle  (3).  Un  arrêté  de  la  municipalité  d'Auteuil,  en  date  du 
26  octobre  1792,  porte  :  «  Le  nom  de  Boilot  {sic)  sera  donné  à  la  rue  des 
Garennes,  en  mémoire  du  citoyen  dont  Thabitation  était  dans  cette  rue.  » 
Cette  dénomination,  qui  a  été  confirmée  par  le  décret  du  2i  août  1864,  rap- 
pelle le  souvenir  du  séjour  de  plus  de  vingt  ans  que  fit,  pendant  la  belle 
saison,  dans  une  maison  située  sur  remplacement  du  n°  26  de  cette  rue  (4), 
Boileau-Despréaux  (1636-1711),  auteur  des  Satires,  de  i'Arl  poétique  et  du 
Lutrin.  Il  avait  acheté,  en  1685,  douze  ans  après  la  mort  de  Molière,  cette  raai- 


(i)  L'aclc  de  décès  de  «  Nicolas  Boileau,  escuyer,  sieur  Despréaux,  l'un  des  quarante 
de  l'Académie  française  »,  a  été  rédigé  le  i5  mars  1711,  par  M.  de  la  Janire,  curé  de  Saint- 
Jean-le-Rond,  en  présence  de  son  ïrhe  Jacques  Boileau,  chanoine  de  la  Sainte-Chapelle, 
et  de  son  petil-neveu  par  alliance,  Gilbert  de  Voisin,  président  de  la  ileuxième  Chambre 
des  enquêtes  du  Parlement. 

{2)  Ce  hameau  comprend  l'avenue  Despréaux,  dont  l'entrée  est  au  n"  38  de  la  rue  Boi- 
leau et  qui  donne  accès  à  Vavenue  Molièrty  ainsi  qu'aux  impasses  Corneille,  Racine  et  Vol- 
taire. 

(3)  Voir  les  notes  historiques  de  M.  l'abbé  Beurlier  (p.  3ii  du  III*  volume  du  Dallelin). 

(4^  Voir,  pour  le  séjour  de  Boileau  à  Auteuil,  Tarticle  de  M.  Léopold  Mar  intitulé  : 
Fragment  et  correspondance  de  Boileau  se  raltachant  à  la  maison  dWuleuil  (pp  87  à  90  du 
IV»  volume  du  Bulletin,  l'article  de  Mme  Chochod-Lavergne  intitulé  :  Réception  de  Boileau: 
à  V Académie  française  (p.  92  du  IV"  volume),  les  articles  de  M.  Emile  Saint-Lanne  sur  la 
maison  de  Boileau  (p.  3o  du  I®"^  volume);  et  aux  annexes  :  (p.  47O  l'article  de  M.  Antoine 


l84  HISTOIRE   DU   XVI"   ARRONDISSEMENT 

son  au  prix  de  8.000  livres  ;  mais  il  y  fit  des  embellissements  et  l'agrandit  [tar 
des  acquisitions  de  terrains.  11  aimait  à  y  recevoir  Racine,  M.  et  Mme  Dacier, 
Chapelle,  La  Bruyère,  le  père  Bourdaloue,  l'abbé  Loyseau,  curé  d'Auteuil  et 
aumônier  de  Louis  XIV,  ainsi  que  ses  autres  amis.  11  y  reçut  aussi  des  per- 
sonnages, parmi  lesquels  on  peut  citer  :  d'.\guesseau,  le  duc  de  Bourbon,  le 
prince  de  Conti,  La  moignon,  de  Pontchartrain.  Pendant  son  séjour  à  Auteuil, 


JBOIlLEAIl  IDlBSFMIBATliX  , 


Boileau  était  constamment  entouré  de  son  fidèle  jardinier  Antoine,  à  qui  il  a 
dédié  son  épltre  XI  ;  il  recevait  souvent  les  enfants  de  Bacine,  qu'il  prome- 
nait au  bois  de  Boulogne  et  dans  les  sentes  d'Auteuil.  C'est  de  sa  maison 
de  campagne  qu'il  a  daté  beaucoup  de  lettres,  pendant  treize  ans.  A 
partir  de   17(KI,  le  mauvais  état  de  sa  santé  l'obligea  à  espacer  d'abord  ses 

Guillni)!  sur  Boilcnu  A  Aiilcuil  (p.  ijt)  \es  notes  de  M.  E.  Potin  sur  Biiilcau;  l'artiHc 
ili^jà  cit^  lie  M.  E.  l'iilin  intihilt  :  la  Maison  de  Boileau  appréciée  par  Voltaire  (\i  4G7)  ',  l'nr- 
tii'[e  de  M.  Li>o|iuI<l  Mar  ttur  le  jnrdlnier  ilc  Boileau  (p.  {7:^!  ;  celui  de  M.  Ruf^ne  Manuel 
intitulé:  Bossuel  chez  Boilrau  (p.  473);  l'aïUclc  déjà  cité,  de  M.  Antoine  Guillots  sur  la 
maison  de  Boileau  (|).  Iti^i  ainsi  que  les  paf(cs  78,  K>  et  170  du  L'' volume  du  Bul'.elin  el  la 
page  66  du  IV*  volume. 


RUE   BOILEAU  l85 

visites  à  Auteuil,  et  ensuite  à  ne  presque  plus  venir  à  la  campagne  ;  c  est  sans 
doute  le  motif  qui  le  détermina  à  vendre  sa  maison  d'Auteuil,  en  1709,  à  son 
ami  Leverrier,  qui  avait  fait  graver,  en  1704,  le  portrait  du  poète  par  Drevet 
et  avait  fait  mettre,  au  bas,  les  vers  suivants  : 

Au  joug  de  la  rnison  asscrvissant  la  rime, 
El  môme  en  imitant,  toujours  original, 
J'ai  su  dans  mes  écrits,  docte,  enjoué,  sublime, 
Rassembler  en  moi  Perse,  ttorace  et  Junéval. 

Boileau  (i)  sentant  qu'il  y  avait  de  la  vanité  dans  ce  quatrain,  répondit  à 
Leverrier  : 

Oui,  Le  Verrier,  c'est  là  mon  fldèle  portrait. 

Et  le  graveur  en  chaque  trait 
A  su  très  finement  tracer  sur  mon  visage 
De  tout  faux  bel  esprit  l'ennemi  redouté; 
Mais  dans  les  vers  pompeux  qu'au  bas  de  cet  ouvrage 
Tu  me  fais  prononcer  avec  tant  de  fierté. 

D'un  ami  de  la  Vérité 

Qui  peut  reconnaître  l'image? 

Louis  XIV  montrant  des  vers  de  sa  composition  à  Boileau,  lui  demanda  ce 
qu*il  en  pensait  :  «  Sire,  répondit-il,  rien  n'est  impossible  à  Votre  Majesté  ; 
elle  a  voulu  faire  de  mauvais  vers  et...  elle  a  réussi.  » 

Boileau  s'étant  présenté  au  Trésor  royal  pour  toucher  sa  pension,  remit 
son  ordonnance  à  un  commis  qui,  y  lisant  ces  mots  :  «  La  pension  que  nous 
avons  accordée  à  Boileau,  h  cause  de  la  satisfaction  que  ses  ouvrages  nous 
ont  donnée,  etc..  »,  lui  demanda  de  quelle  nature  étaient  ses  ouvrages  :  «  De 
maçonnerie,  répondit  le  poète,  je  suis  architecte.  » 

De  toutes  les  épigrammes,  celle  que  Boileau  estimait  le  plus  était 
oelle-ci  : 

t'.i-gist  ma  femme  ;  ah!  «juelle  est  bien, 
Pour  son  repos  et  pour  le  mien. 

Introduit  dans  la  salle  de  l'Opéra,  a  Versailles,  Boileau  dit  à  l'officier  qui 
assignait  les  places  :  «  Monsieur,  mettez-moi  dans  un  endroit  où  je  n'entende 
que  la  musique  ». 

Après  Leverrier,  la  maison  de  Boileau  à  Auteuil  fut  habitée  par  Gendron, 
médecin  du  Régent,  par  la  femme  du  chancelier  d'Aguesseau,  par  Chamfort 
en  1779,  et  ultérieurement  par  ('aulaincourt,  duc  de  Vicence. 

Il  y  a  quelques  années,  on  pouvait  voir  encore,  dans  un  jardin  de  la 
uiila  Boileau  (rue  Molitor,  18),  un  superbe  marronnier,  contemporain  de 
Boileau;  il  a  été  détruit  par  un  coup  de  tonnerre;  il  ne  reste  plus  de  cette 
époque  qu'un  orme  gigantesque  qui  se  trouve  dans  la  propriété  portant  le 
n®  20  de  la  rue  Molitor. 

L'école  municipale  de  la  rue  Boileau  était  fréquentée,  au  commencement 

(i)  Ces  détails  sur  Boileau  sont  extraits  d'une  communicntion  faite  par  M.  Léopold 
Mar  h  la  Sociétt^  historique  d'Auteuil  et  de  Passy,  et  intitulée  :  «  wl/îrtsroncornanl  quehpies 
célébrités  du  XVI*  arrondissement.  » 


HISTOIRE    DU   XVr 


du  XX'  siècle,  par  deux  cent  quaire-vingl-six  garçans.  Elle  a  pour  directeur 
M.  Emile  Langlois. 


HUBERT  ROBERT,  PEINTRE. 


iCollcrIinn  di'  M    Ein.  l'ol 


La  mairie  d'Auleuil,  qui   fui  d'abord   établie  sur  la    place  d'Aguesseau 
l^ujourd'hui  place  d'Auteuilj,  avait  été  Irausférée,  en   IHil,  dans  la  partie  de 

II)  D'aprË?  l'original,  |icinl  pnr  InRrcïi. 


ÉCOLE  NORMALE   d'aUTEUIL  187 

la  rue  Boileau  comprise  entre  le  hameau  Boileau  et  la  rue  Molitor  (1);  la 
maison  utilisée  pour  cette  destination  était  voisine  de  celle  qui  avait  été  habitée 
par  Hubert  Robert  (2).  Elle  fut  achetée  par  la  commune  d^Auteuil,  en  1843, 
pour  y  installer  la  mairie,  moyennant  un  prix  principal  de  36.000  francs  (3). 

Les  parents  d'Alfred  de  Musset,  M.  et  Mme  de  Musset-Pathay,  ont  habité 
pendant  quelques  années,avec  leurs  trois  enfants,  une  maison  située  rue  Boi- 
leau et  à  peu  de  distance  de  la  rue  de  Musset,  entre  un  vaste  jardin  et  une 
cour  close  par  une  grille  ;  le  poète  s'y  trouvait  en  1828,  à  l'âge  de  dix-huit 
ans,  après  avoir  obtenu  le  prix  de  philosophie  au  concours  général,  et  c*est 
dans  les  bois  (4)  d'Auteuil  qu'il  a  fait  ses  premiers  vers. 

Uimpasse  Boileau,  dont  la  formation  remonte  au  commencement  du 
XIX®  siècle  et  dont  rentrée  se  trouve  au  n**  98  de  la  rue  Boileau,  a  été  ainsi 
dénommée  par  arrêté  préfectoral  du  1'*'"  février  1877.;  on  l'appelait  précédem- 
ment u  impasse  des  Pauvres  »  ;  sa  moindre  largeur  est  fixée  à  5*", 50. 

A  Tangle  du  boulevard  Exelmans,  n*  25,  et  de  la  rue  Boileau,  se  trouvait 
la  maison  du  célèbre  statuaire  Carpeaux  (5)  ;  elle  a  été  démolie  en  1898. 

Au  n^  78  de  la  rue  Boileau  se  trouvait  la  villa  Bamboul,  située  entre 
cette  rue  et  le  boulevard  Exelmans  ;  elle  avait  été  formée  en  1863,  sous  le 
nom  de  villa  Saint-Allais  ;  le  nom  de  fantaisie  de  «  Bamboul  »  lui  avait  été 
donné  par  MmePlanteau,  devenue  propriétaire,  en  1877,  de  cette  voie  privée, 
qui  a  été  ensuite  dénommée  «  villa  Exelmans  »  et  est  actuellement  remplacée 
par  la  rue  Blanchon  (rue  Boileau,  76,  et  boulevard  Exelmans,  35)  ;  ce  nom  est 
celui  d'un  directeur  d'établissement  médical,  situé  dans  cette  rue. 

Au  n*  34  de  la  rue  Boileau,  M.  l'architecte  H.  Guimard  a  construit, 
en  1891,  un  hôtel  orné  de  motifs  en  terre  cuite  et  de  faïences  émaillées  à 
riches  dessins  polychromes. 

Les  écoles  normales  du  département  de  la  Seine  sont  établies  à  Auteuil  et 
à  Batignolles  ;  celle  d'Auteuil,  qui  forme  les  instituteurs  primaires,  occupe  un 
espace  compris  entre  la  rue  Boileau,  la  rue  Molitor  et  la  rue  Chardon-Lagache  ; 
elle  est  contiguë  à  l'école  Jean  Baptiste-Say  et  elle  a  son  école  annexe  rue  Boi- 
leau n^  23.  Ainsi  que  cela  a  été  dit  ci-dessus,  page  172,  les  deux  écoles  étaient 

(i)  Voir  larticle  de  M.  Gabillot  sur  la  maison  d'Hubert  Robert  h  Auteuil  (p.  8o  du 
n«  volume  du  BuUelin), 

(2)  Voir  aux  annexes  (p.  47^)  l'article  de  M.  Antoine  Guillois,  rendant  compte  de 
l'ouvrage  de  M.  Gabillot  :  Hubert  Hobert  el  son  temps. 

(3)  Les  travaux  d'appropriation  de  la  nouvelle  mairie  d'Auteuil  furent  adjugés  le 
3  octobre  1843  ;  l'hôtel  où  elle  avait  été  installée  fut  payé  en  plusieurs  termes,  dont  le  der- 
nier a  été  soldé  par  la  commune  en  juillet  1847. 

Les  mairies  d'Auteuil  et  de  Passy  ont  été  supprimées  par  suite  de  l'annexion  et  rem- 
placées par  la  mairie  du  XVI*  arrondissement,  qui  est  en  façade  sur  l'avenue  Henri-Martin 
et  sur  la  rue  de  la  Pompe.  Le  projet  de  cette  nouvelle  mairie,  dressé  par  M.  l'architecte 
Godbeuf  et  montant  à  2.346.762  francs,  a  été  approuvé  le  28  décembre  1866.  Elle  a  été 
construite  :  i»  sur  un  terrain  de  3.490  mètres  carrés,  acquis  de  M.  de  Las  Cases,  moyen- 
nant 261.783  francs,  suivant  acte  passé  par  M<>  Delapalme,  notaire  ;  2<>  sur  un  terrain  de 
48  mètres  carrés,  cédé  par  M.  Cail,  aux  termes  d'un  acte  d'échange  passé  par  M®  Ancy, 
notaire  ;  3*  sur  des  terrains  provenant  des  expropriations  faites,  suivant  jugement  du 
22  mai  1860,  pour  le  percement  de  l'avenue.  Les  travaux  ont  été  commencés  en  1867, 
interrompus  par  la  guerre  et  repris  en  1875;  ils  ont  coûté  2.340.000  francs. 

(4)  Voir  (p.  474)  1  article  de  M.  Emile  Potin  intitulé  «  Cn  Ami  d'Alfred  de  Musset  »  et 
(p.  476)  la  communication  faite  par  M.  Antoine  Guillois  sur  le  même  sujet.  Voir  également 
l'article  de  M.  de  Bussy  intitulé  :  Im  Muse  au  bois  d Auteuil^  page  172  du  IIP  volume  du  Bul- 
letin. 

(5)  Voir  (p.  476)  l'article  de  M.  Emile  Potin  intitulé  :  Auteuil  qui  s'en  va.  Cet  article  est 
reproduit  aux  annexes. 


l88  HISTOIRE   DU   XVI''   ARRONDISSEMENT 

d'abord  réunies,  ou  plutôt  juxtaposées  dans  les  mêmes  locaux  et  ont  été  inau- 
gurées par  Jules  Simon,  ministre  de  l'Instruction  publique,  le  28  octobre  187â, 
en  présence  de  Léon  Say,  préfet  de  la  Seine,  et  de  M.  Gréard,  directeur  de 
l'enseignement  primaire.  L'entrée  des  deux  écoles  était  alors  rue  d'Auteuil, 
Il  bis,  ou  rue  du  Buis,  5.  Elles  occupaient  une  partie  de  l'ancienne  propriété 
qui  servit  de  résidence,  au  xviii®  siècle,  à  plusieurs  opulents  fermiers  généraux, 
fut  possédée  par  Ternaux,  le  célèbre  manufacturier  qui  introduisit  en  France 
la  fabrication  des  châles  cachemires,  et  fut  ensuite  occupée  par  l'ancienne 
institution  Notre-Dame-d'Auteuil,  fondée  en  1852  par  l'abbé  Lévéque.  Au  i*"  oc- 
tobre 1876,  l'école  Jean-Baptiste-Say  obtint  son  autonomie  administrative, 
mais  en  gardant  d'abord  en  commun  avec  l'école  normale  plusieurs  bâtiments, 
notamment  le  gymnase.  C'est  le  8  octobre  1882  qu'on  a  ouvert  la  nouvelle 
école  normale  d'Auteuil,  avec  entrée  rue  Molitor;  10:  la  construction  des  nou- 
veaux bâtiments  a  été  dirigée  par  M.  l'architecte  Salleron. 

De  l'ancien  parc  Ternaux,  jadis  fort  vaste,  puisqu'il  s'étendait  jusqu'à 
la  vieille  rue  Jouvenet,  il  ne  reste  plus  qu'un  lambeau,  avec  un  beau  cèdre, 
contigu  aux  constructions  nouvelles  de  l'école  normale,  dont  il  forme  le 
jardin  botanique. 

La  rue  des  Perchamps^  établissant  une  communication  entre  la  grande  rue 
(aujourd'hui  rue  d'Auteuil)  et  la  rue  La  Fontaine,  existe  à  l'état  de  chemin 
sur  les  plus  anciens  plans  d'Auteuil.  Le  nom  que  porte  cette  rue  est  celui 
du  lieu  dit  ou  territoire  dont  elle  fait  partie;  ce  nom  s*est  écrit  successi- 
vement de  diverses  façons  :  les  Parchants,  les  Perchants -à- la -Croix  en 
1492,  le  Grand-Perchant,  la  place  du  Grand-Perchamp  en  1773.  Sur  un  plan 
du  xvii'' siècle,  on  voit:  «  Petit-Perchamp  ou  vidange  de  la  ville  »,  ce  qui 
paraît  indiquer  que  ce  chemin  était  utilisé  à  cette  époque  pour  la  vidange  des 
déchets,  déblais  et  immondices.  Les  philologues  ne  se  sont  pas  encore  mis 
d'accord  sur  l'étymologie  de  ce  nom  de  Perchamp  :  on  a  supposé  qu'il  signi- 
fiait champ  d'un  bleu  vert,  ou  champ  de  l'égalité  (1),  en  raison  du  voisinage 
de  l'ancien  cimetière  attenant  à  l'église,  ou  champs  égaux  (2j,  provenant  de 
coupes  successives  faites  par  les  habitants  dans  les  bois  qui  s'étendaient 
autrefois  sur  l'espace  compris  entre  la  rue  La  Fontaine  et  la  rue  Théophile- 
Gautier.  En  1818,  année  où  fut  ordonné  le  numérotage  de  toutes  les  maisons 
d'Auteuil,  on  a  dépensé  1.050  francs  pour  réparer  le  pavage  de  la  rue  des 
Percharaps.  Une  délibération  du  conseil  municipal  d'Auteuil  en  date  du 
14  décembre  1825  a  approuvé  un  plan  d'alignements,  comportant  l'élargisse- 
ment delà  rue  à  6  mètres  ;  cette  largeur  a  été,  en  effet,  approuvée  par  arrêté 
préfectoral  du  4  février  1820,  mais  elle  a  été  portée  à  8  mètres,  par  arrêté 
du  27  septembre  1837.  Le  tracé  sinueux  de  la  rue  des  Perchamps  a  été  rem- 
placé, auprès  delà  rue  d'Auteuil,  par  un  tronçon  en  ligne  droite,  avec  une 
largeur  de  12  mètres  en  prolongement  de  la  direction  générale  de  la  rue  des 
Perchamps;  ce  travail,  commencé  en  1884,  définitivement  autorisé  par  le 
décret  du  19  juillet  1890  et  terminé  en  1892,  a  coûté  28.270  francs.  On  a  pour- 
suivi l'amélioration  de  cette  partie  de  la  rue  des  Perchamps,  en  octobre  1893, 
en  reconstruisant  à  l'alignement,  à  son  débouché  sur  la  rue  d'Auteuil,  une 

(i)  Voir  aux  annexes  {p.  287)  rarllcle,  déjà  cité,  de  M.  Antoine  (iiiilloiP,  sur  la  vieille 
église  d'Auteuil. 

(2)  Voir,  iv  la  page  152  du  I*'  volume  du  Bulletin^  l'article  de  M.  Kmile  Saint-Lanne  fin- 
ies Perchamps. 


RUE   RIBÉRA  189 

maison  qui  continue  à  la  diviser  en  deux  branches,  dont  Tune  fort  étroite, 
très  mal  pavée  et  sans  trottoirs.  C'est  un  reste  du  xviii*  siècle,  époque  à 
laquelle  la  rue  des  Perchamps  était  bordée  de  petites  constructions,  occupées 
par  des  vignerons  et  des  blanchisseuses;  on  les  a  remplacées,  sur  la  place 
des  Perchamps  et  pour  les  numéros  impairs  de  la  partie  comprise  entre  cette 
place  et  larue  d*Auteuil,  par  de  grandes  maisons  modernes  de  rapport.  Le 
surplus  de  la  rue  des  Perchamps,  resté  sinueux,  est  un  des  rares,  mais  peu 
propres,  vestiges  du  vieil  Auteuil. 

La  largeur  de  la  place  des  Perchamps  a  été  fixée  à  12  mètres  par  l'arrêté 
préfectoral  du  27  septembre  1837. 

La  rue  Verderet^  qui  n'a  que  50  mètres  de  longueur,  est  fort  ancienne  ; 
elle  s'est  appelée  successivement  Mérodée,  Merderée  en  1736,  Merderet,  enfin, 
d^une  manière  plus  convenable,  rue  Yerderet.  Sa  largeur  avait  été  fixée  à 
8  mètres  par  arrêté  du  27  septembre  1837  ;  mais  les  maisons  du  côté  gauche 
ont  été  démolies  lors  de  la  construction  de  la  grande  voie  qui  porte  actuelle- 
ment le  nom  de  rue  Chardon-Lagache  ;  les  alignements  du  côté  pair  ont  été 
fixés  par  le  décret  du  20  septembre  1896. 

La  sente  dite  des  Tas-de-Cailloux  a  été  remplacée  en  1779  par  une  rue 
appelée  ensuite  rue  de  la  Municipalité  et  dont  remplacement  est  aujourd'hui 
occupé  par  la  rue  Chardon-Lagache  ;  la  partie  de  cette  dernière  rue  qui  se 
trouve  comprise  entre  la  rue  Claude-Lorrain  et  la  rue  Jouvenet  existait  à 
l'état  de  rue  dès  1779.  Des  renseignements  au  sujet  de  Tancienne  rue  de  la 
Municipalité  sont  donnés  ci-après  dans  Thistorique  de  la  rue  Chardon- 
Lagache. 

La  rue  du  Buis  est  également  fort  ancienne  ;  elle  occupe  l'emplacement 
d'un  ancien  chemin  qui  existait  dès  1755  au  lieu  dit  «  le  Bouys  »  ;  elle  finis- 
sait originairement  à  la  rue  Yerderet  ot  a  été  prolongée  jusqu'à  la  rue  de  la 
Municipalité,  lors  de  la  construction  de  cette  dernière  rue  entre  la  rue  Jou- 
venet et  la  place  de  l'Église. 

La  partie  de  la  rue  Ribéra  qui  est  comprise  entre  la  rue  La  Fontaine  et  la 
rue  Dangeau  se  nommait,  au  xvni^  siècle,  rue  de  la  Croix,  en  raison  d'une 
croix  de  pierre  qui  y  avait  été  posée,  fut  brisée  en  1793  et  remplacée  plus 
tard  par  une  croix  de  bois.  La  largeur  a  été  fixée  à  8  mètres  par  arrêté  du 
28  janvier  1828  ;  le  prolongement  entre  la  rue  Dangeau  et  la  rue  Mozart  a  été 
autorisé  par  décret  du  29  mai  1867.  La  mise  en  état  de  viabilité  de  la  rue 
Ribéra  a  été  terminée  en  1882  et  a  coûté  17.100  francs;  la  dénomination 
actuelle  de  cette  rue  lui  a  été  donnée  par  décret  du  il  septembre  1869,  en 
mémoire  du  peintre  espagnol  Joseph  Ribéra  (1588-1656),  surnommé  l'Espa- 
gnolet,  qui  vint  tout  jeune  à  Rome,  y  étudia  d'abord  à  l'atelier  du  Caravage 
et  se  rendit  ensuite  à  Parme  auprès  du  Corrège  ;  son  génie  sombre  et  hautain 
se  plaisait  surtout  à  représenter  les  supplices  des  martyrs. 

Trois  maisons,  d'un  style  original,  ont  été  construites  en  1894  par  M.  Tar- 
chitecte  J.  Boussard,  aux  n°»  41,  42  et  45  de  la  rue  Ribéra.  C^elle  qui 
porte  le  n^  41  a  quatre  étages  de  loggias,  supportées  par  des  cariatides  de 
femmes  ou  par  des  colonnes. 

La  route  n°  10  de  Paris  à  Rayonne  par  Versailles,  Chartres  et  Bordeaux, 
était  très  fréquentée,  dès  le  w\V  siècle,  par  les  carrosses  circulant  entre 
Paris  et  Versailles  ;  elle  s'est  nommée  d'abord  route  de  Versailles,  puis  sur 
notre  territoire  «  chaussée  d'Auteuil  »  ;  un  arrêté  du  1"*^  février  1877  lui  a 


190  IltflTOIRE   DU   XyV"  ARRONDISSEMENT 

donné  son  nom  actuel  d'avenue  de  Versailles;  elle  est  plantée  d'arbres.  Les 
fourches  patibulaires  d'Auleuil  étaient  autrefois  situées  sur  la  route  de  Ver- 
sailles (i).  Le  service  des  ponts  et  chaussées  y  a  exécuté,  en  1846,  radoucisse- 
ment de  la  côte  du  Point-du-Jour.  On  a  réuni  à  cette  avenue  une  petite  fraction 
de  la  route  de  la  Reine  (conduisant  à  Boulogne)  qui  avait  été  coupée  par 
les  fortifications.  Le  décret  du  10  octobre  1883  a  fixé  la  moindre  lar- 
geur à  25", 60. 

Au  n"^  7  de  l'avenue  de  Versailles  se  trouve  l'atelier  de  l'Union  d'assis- 
tance par  le  travail  du  XVI""  arrondissement  de  Paris,  ouvert  en  juillet  1896; 
cette  union  donne  chaque  année  de  Touvrage  à  quelques  milliers  d'indigents 
des  deux  sexes  qui,  sans  cette  ressource,  seraient  réduits  à  la  mendicité.  Elle 
a  été  présidée  d'abord  par  Léon  Say,  ancien  ministre  des  finances,  et  après 
sa  mort  par  M.  Jean-Casimir  Périer,  ancien  président  de  la  République;  elle 
l'est  actuellement  par  M.  Coulon,  vice-président  du  Conseil  d'État,  membre 
de  la  Société  historique  d'Auteuil  et  de  Passy. 

Hippolyte-Guillaume*Suipice  Chevallier,  dit  Gavarni  (1801-1866),  célèbre 
dessinateur,  aquarelliste  et  lithographe,  a  habité  l'avenue  de  Versailles  à  partir 
de  1845  et  s'était  fixé  en  1865  à  la  villa  (2)  de  la  Réunion.  Son  buste  en  bronze, 
par  Puech,  sera  prochainement  érigé  place  Saint-Georges. 

Entre  l'avenue  de  Versailles  et  la  Seine,  à  l'aval  du  pont  Mirabeau,  se 
trouve  la  pompe  à  feu  d'Auteuil  (3).  La  loi  du  10  avril  1901  y  a  autorisé  la 
translation  des  services  de  l'ancienne  pompe  à  feu  de  Chaillot,  chargés  de 
remonter  les  eaux  de  la  Seine  au  réservoir  d'où  elles  repartent  pour  être 
distribuées  dans  le  XV!""  arrondissement. 

L'éclairage  électrique  a  été  installé  à  l'avenue  de  Versailles,  suivant 
Tautorisalion  donnée  par  l'arrêté  préfectoral  du  5  avril  1900. 

L'école  municipale  de  l'avenue  de  Versailles  était  fréquentée,  au  com- 
mencement du  xx^  siècle,  par  deux  cent  trente-six  jeunes  filles. 

L'œuvre  de  l'hospitalité  du  travail  se  trouve  au  n''  52  de  l'avenue  de  Ver- 
sailles. Son  but  est  de  fournir  aux  personnes  sans  ouvrage  un  travail  provi- 
soire qui  leur  permet  de  vivre,  sans  avoir  recours  à  l'aumône,  en  attendant 
le  moment  où  elles  pourront  trouver  un  emploi.  L'établissement  ne  les  reçoit 
que  pendant  une  période  d'au  plus  20  jours;  on  y  prend  note  de  leurs  apti- 
tudes et  on  s'efforce  de  les  placer. 


(1)  Voir  une  note  de  M.  Antoine  Guiliois  sur  remplacement  de  la  jusîice  des  G6nové- 
fains  à  Auteuil;  elle  se  trouve  dans  un  article  déjà  cité  du  même  auteur. 

(a)  Voir  aux  annexes  (pp.  fyjS  et  ss.)  la  note  sur  les  demeures  de  Gavarni  cl  TarUcle 
de  M.  Em.  Potin  :  Auteuil  quiê*€n  va^  auquel  il  a  été  déjà  renvoyé. 

(3)  Voir  mon  article  sur  le  service  des  eaux  dans  le  XVI»  arrondissement,  ainsi  que 
Tarlicle  de  M.  L.  Mar  sur  Tancienne  pompe  à  feu  de  Chaillot;  ces  deux  articles,  déjà 
cités,  sont  reproduits  aux  annexes  (pp.  3(/)  et  4^0). 


Histoire  des  rues  établies  à  Auteuil  depuis  1800 

jusqu^à  l'annexion. 


Auteuil  resta  à  peu  pr6s  stationnaire  pendant  la  Révolution  et  fit  peu  de 
progrès  sous  le  premier  Empire  ;  mais,  après  les  guerres,  les  rues  déjà  bor- 
dées de  propriétés  se  peuplèrent  peu  à  peu,  les  champs  disparurent  sur  divers 
points,  et  plusieurs  voies  publiques  à  l'état  de  chemins  se  transformèrent  en 
rues. 

En  Tan  X,  le  chemin  du  Point-du-Jour  à  Billancourt  fut  élargi,  débar- 
rassé des  eaux  stagnantes  et  forma  la  rue  de  Billancourl,  classée  sous  ce 
nom  par  arrêté  préfectoral  du  25  prairial  an  X.  Les  alignements  de  cette  rue 
ont  été  fixés  par  les  arrêtés  du  13  février  1838  et  du  16  juillet  1855,  portant  la 
largeur  légale  de  8  à  10  mètres.  En  1848,  la  commune  d'Auteuil  a  fait  exécuter 
des  remblais  sur  la  rue  de  Billancourt,  pour  donner  de  Touvrage  aux  ouvriers 
nécessiteux  (1).  En  raison  de  Taugmentation  de  la  population  aux  abords  de 
l'avenue  de  Versailles,  les  trottoirs  de  la  rue  de  Billancourt  furent  mis  en 
état  de  viabilité,  suivant  un  arrêté  du  17  août  1880,  autorisant  une  dépense 
de  4^.200  francs. 

A  partir  de  1808,  le  conseil  municipal,  à  raison  du  développement  des 
constructions,  s'occupa  très  activement  des  mesures  à  prendre  pour  amé- 
liorer et  assainir  les  voies  publiques,  ainsi  que  pour  élargir  ou  régulariser, 
par  voie  d'alignement,  celles  où  habitait  la  partie  la  plus  dense  de  la 
population. 

La  rue  Jouvenet  occupe  Templacemeat  d'un  chemin  très  ancien  et  sinueux; 
elle  s'appelait  précédemment  rue  de  la  Réunion  et  figure  sous  ce  nom  au 
cadastre  de  1823  ;  mais  elle  existait  dès  le  commencement  du  xix*  siècle,  car 
l'arrêté  du  l®*"  avril  1808,  prescrivant  l'ouverture  d'une  rue  nouvelle,  qui  s'est 
appelée  sous  le  premier  Empire  rue  d'Iéna,  porte  qu'elle  ira  de  la  rue  de  la 
Municipalité  à  la  rue  de  la  Réunion  (2).  Dans  sa  séance  du  5  août  1859,  le 
conseil  municipal  proposa  de  lui  donner  le  nom  de  M.  Jehannot,  ancien 

(i)  Sur  la  rue  de  Billancourt,  la  commune  d'Auteuil  a  dépensé  CAVj  francs  en  i833  pour 
établissement  de  caniveaux,  7.160  francs  en  1889  pour  pavage  de  cette  rue  et  de  celle  de 
la  Demi-Lune,  et  5.8o3  francs  à  la  même  époque  pour  travaux  de  nivellement  et  d'assai- 
nissement. 

(2)  Voir  ci-après  l'historique  de  la  rue  de  Musset.  Les  alignements  de  la  rue  de  la 
Réunion  ont  été  fixés  par  l'arrêté  préfectoral  du  i3  février  i838. 


192  HISTOIRE   DU  XVI*  ARRONDISSEMENT 

maire;  cette  proposition  n'a  reçu  aucune  suite,  et  la  dénomination  actuelle  de 
la  rue  Jouvenet  lui  a  été  donnée,  par  décret  du  ^i  août  1864,  en  mémoire  du 
peintre  Jean  Jouvenet  (1644-1717),  qui  se  fît  connaître  dès  Tàge  de  dix- 
neuf  ans  par  un  tableau  appelé  «  la  Guérison  du  Paralytique  »,  autrefois  à  la 
basilique  de  Notre-Dame  de  Paris.  11  entra  en  1675  à  l'Académie  de  peinture, 
sur  la  présentation  de  Lebrun.  On  lui  doit  plusieurs  tableaux  qui  ornent  le 
musée  du  Louvre,  ainsi  que  des  peintures  de  la  chapelle  du  château  de  Ver- 
sailles. Devenu  paralytique  du  côté  droit,  il  s'exerça  à  peindre  de  la  main 
gauche,  et  c'est  de  cette  main  gauche  qu'il  fit,  pour  le  chœur  de  l'église 
de  la  Visitation,  le  tableau  appelé  Magnificat. 

L'école  municipale  de  la  rue  Jouvenet  était  fréquentée,  au  commencement 
du  XX*  siècle,  par  274  jeunes  filles. 

L'impasse  Jouvenet,  qui  débouche  dans  la  rue  Jouvenet  à  la  hauteur  de  la 
rue  Lancret  et  qui  est  aussi  ancienne  que  ces  deux  rues,  se  nommait  précé- 
demment impasse  de  la  Réunion  et  a  reçu  sa  dénomination  actuelle  par 
arrêté  du  27  mai  1881.  Sa  largeur  a  été  fixée  à  8  mètres  par  arrêté  du 
13  février  1838.  Elle  a  à  peine  30  mètres  de  longueur. 

La  rue  Lancret,  autrefois  impasse  ou  passage  des  Miracles,  est  également 
fort  ancienne  (1)  et  a  reçu  sa  dénominatic;  i  actuelle,  par  décret  du  24  août  1864, 
en  mémoire  du  peintre  Nicolas.  Lancret  (1691-1743),  qui  fut  condisciple  et 
ami  de  Watteau  dont  il  suivit  les  conseils  et  fut  reçu  en  1719  à  TAcadémie  de 
peinture,  sous  le  titre  de  «  peintre  des  fêtes  galantes  ».  On  connaît  de  lui  au 
moins  80  tableaux,  reproduits  fréquemment  par  la  gravure  ;  beaucoup  d'ori- 
ginaux sont  au  Louvre,  à  Dresde  et  dans  les  palais  du  roi  de  Prusse  ;  on  a  pu 
voir  ces  derniers  à  l'Exposition  universelle  de  1900  (pavillon  allemand). 

La  rue  de  Musset  s'est  appelée  d'abord  rue  d'Iéna,  puis  rue  Benoit.  Un 
arrêté  préfectoral  du  l®*"  avril  1808  ordonna  l'ouverture  de  la  partie  de  cette 
rue  comprise  entre  les  voies  qui  portent  actuellement  les  noms  de  rue 
Chardon-Lagache  et  de  rue  Jouvenet  ;  cette  section  a  porté  d'abord  le  nom  de 
rue  d'Iéna.  Le  docteur  Lacroisade,  qui  avait  succédé  à  M.  Benoit  comme 
maire  d'Auteuil,  demanda  qu'il  fût  interdit  de  bâtir  des  maisons  sur  le  tracé 
du  prolongement  de  la  rue  d'Iéna,  projeté  vers  la  rue  Boileau  ;  l'administra- 
tion déclara,  le  25  novembre  1814,  qu'elle  ne  pouvait  pas  empêcher  les  pro- 
priétaires de  bâtir,  tant  que  ce  prolongement  n'aurait  pas  été  régulièrement 
et  définitivement  autorisé.  En  1816,  après  la  mort  de  M.  Benoit,  qui  fut  maire 
d'Auteuil  de  1793  à  1813,  remplit  ses  fonctions  avec  beaucoup  de  zèle  et  fit 
exécuter  divers  travaux  d'intérêt  général,  le  nom  de  rue  d'Iéna  fut  changé 
en  celui  de  rue  Benoit.  La  partie  de  la  rue  de  Musset  comprise  entre  les  rues 
Chardon-Lagache  et  Jouvenet  (ancienne  rue  d'Iéna)  figure  seule,  sous  le  nom 
de  rue  Benoit,  au  plan  cadastral  de  1823.  Le  prolongement,  entre  la  rue  Jou- 
venet et  la  rue  Boileau,  qui  avait  été  projeté  avant  la  fin  du  premier  Empire 
et  fréquemment  sollicité  par  la  municipalité  d'Auteuil,  notamment  par  une 
délibération  du  3  mai  1825,  n'a  été  autorisé  que  par  l'ordonnance  royale 
du  23  décembre  1839,  maintenant  pour  l'ensemble  de  la  rue  Benoit  une 
largeur  légale  de  8  mètres.  Ce  n'est  qu'en  avril  1841  que  M.  Molin,  alors 
maire  d'Auteuil,  a  acheté  les  terrains  nécessaires  pour  réaliser  ce  prolonge- 

(1)  Les  alignements  de  la  rue  Lancret  ont  été  fixés  par  arrôlô  du  27  septembre  1887,  et 
ceux  de  la  rue  Jouvenet  par  arrêté  du  i3  février  i838. 


RUE   PIERRE-GUÉRIN  igS 

ment  ;  une  indemnité  de  975  francs  a  été  payée  en  1842  pour  ces  terrains  par 
la  commune  aux  hoirs  Reculé.  Une  somme  de  19.100  francs  a  été  dépensée} 
en  1889  pour  achever  la  mise  en  état  de  viabilité  de  la  rue  de  Musset,  ancienne 
rue  Benoit,  qui  a  reçu  sa  dénomination  actuelle,  par  décret  <iu  24  août  1864, 
en  mémoire  du  poète  Louis-Charles-Alfred  de  Musset  (1810-1857),  élu  aca- 
démicien en  1852  (1). 

L'école  municipale  de  la  rue  de  Musset  était  fréquentée,  au  commencement 
du  XX®  siècle,  par  359  garçons. 

La  rue  Pierre-Guérin  (2)  a  remplacé  la  sente  des  Vignes,  qui  est  devenue 
ensuite  la  rue  des  Vignes.  Cette  sente  réunissait,  de  même  que  la  rue  des 
Perchamps,  la  grande  rue  à  la  rue  de  la  Fontaine,  en  longeant  à  gauche  les 
murs  du  parc  de  Boufflers  et  à  droite  les  nombreuses  vignes  qui  recouvraient 
alors  le  coteau  montant  vers  Passy  :  jusqu'en  1870,  on  voyait  encore  des 
vestiges  de  ce  vignoble,  ou  tout  au  moins  de  nombreuses  tonnelles  dans  de 
petits  jardins,  séparés  par  des  treillages,  sur  les  terrains  situés  entre  les 
emplacements  occupés  actuellement  par  la  rue  Chardon-Lagache  et  la  rue 
du  Docteur-Blanche;  de  nombreux  sentiers  bordés  de  haies  serpentaient 
dans  cette  région. 

La  rue  Pierre-Guérin  se  prolonge  en  impasse,  sur  une  longueur  de 
90  mètres  à  partir  de  la  rue  de  la  Source  ;  le  surplus  de  la  longueur  de  cette 
rue  peut  être  divisé,  au  point  de  vue  historique,  en  deux  sections  distinctes, 
dont  la  première  va  de  la  place  des  Perchamps  à  la  rue  de  la  Source,  et  la 
seconde  (qui  constitue  une  sorte  de  prolongement  de  la  rue  Boileau)  va  de  la 
rue  d'Auteuil  à  la  place  des  Perchamps. 

La  première  section,  qui  remplace  Tancienne  sente  des  Vignes,  est  de 
beaucoup  la  plus  ancienne  ;  il  résulte  d'un  alignement,  délivré  en  1810,  que 
cette  sente  n'avait  alors  qu'une  largeur  de  2  mètres  ;  un  arrêté  de  1822  a  fixé 
la  largeur  légale  de  ladite  sente  à  12  pieds.  La  municipalité  d'Auteuil  vou- 
lait délivrer  les  alignements  de  manière  à  donner  à  cette  voie  une  largeur 
de  8  mètres,  ce  qui  motiva  des  contestations  avec  les  propriétaires  rive 
rains.  Le  préfet  de  la  Seine  fit  observer  que  la  conversion  d'une  sente  en  rue 
ne  pouvait  être  légalement  acquise  que  par  l'approbation  d'un  plan  général 
d'alignement.  Il  déclara  que,  par  application  de  la  loi  du  28  février  1805,  le 
classement  de  la  sente  en  chemin  vicinal  ne  permettrait  pas  de  lui  donner 
une  largeur  supérieure  à  6  mètres  ;  enfin,  que  la  largeur  de  8  mètres,  demandée 
par  le  conseil  municipal  d'Auteuil,  ne  pourrait  être  réalisée  que  si  une  ordon- 
nance royale  convertissait  plus  tard  le  chemin  en  rue.  Conformément  à  une 
délibération  prise  le  23  août  1823  par  le  conseil  municipal  d'Auteuil,  l'arrêté 
préfectoral  du  8  mars  1825  classa  et  aligna  le  chemin  vicinal,  dit  sentier  des 
Vignes,  avec  une  largeur  de  6  mètres.  L'arrêté  du  27  septembre  1837  a  donné 
au  sentier  des  Vignes  le  nom  de  rue  des  Vignes,  en  lui  assignant  une  largeur 
minimum  de  8  mètres  ;  enfin,  le  nom  de  rue  Magenta  a  été,  comme  on  va  le 
voir,  donné  à  cette  section,  ainsi  qu'à  la  seconde,  pendant  quelques  années. 

(i)  Pour  le.  sôjoiir  de  Miissol  U  Aul<^uil,  voir  ce  qui  a  ùlê  dit  ci-dessus,  à  la  lin  de 
l'historique  de  la  rue  Boileau,  pafçe  I87. 

(2)  Les  alignements  ont  été  réglés  par  l'arrêté  du  8  mars  1825,  pour  la  partie  comprise 
entre  la  place  des  Perchamps  et  la  rue  de  la  Source,  à  10  mètres  de  largeur  par  l'arrêté 
du  3o  juin  iS-'iô  pour  la  partie  comprise  entre  la  place  des  Perchamps  et  la  rue  de  la 
Source;  ces  alignements  ont  été  modifiés  par  le  (lécrel  du  15  juin  iSH7>. 

i3 


194  HISTOIRE   DU   XVl*  ARRONDISSEMENT 

L'ouverture  de  la  secoade  section,  sous  le  nom  de  rue  Neuve-Boileau,  a 
été  réalisée  en  1856,  à  la  suite  de  l'approbation  donnée  par  délibération  muni- 
cipale en  date  du  1*'^  février  de  la  même  année,  à  un  projet  d'échange  de 
terrains  entre  la  commune  d'Auteuil  et  M.  Boudon,  cédant  1.200  mètres 
carrés  pour  ouvrir  cette  nouvelle  rue,  avec  une  largeur  de  10  mètres.  En  vertu 
d'une  délibération  prise  le  8  juin  1859  par  le  conseil  municipal  d'Auteuil,  le 
nom  de  rue  de  Magenta  a  été  donné  non  seulement  à  la  rue  Neuve-Boileau, 
mais  encore  à  une  partie  de  la  rue  des  Vignes  (1),  en  souvenir  de  la  victoire 
remportée  le  4  mai  1859  par  les  Français  sur  Tarmée  autrichienne.  Le  décret 
du  il  septembre  1869  a  supprimé,  à  Auteuil,  le  nom  de  la  rue  des  Vignes  et 
celui  de  la  rue  de  Magenta  et  a  donné  à  cette  voie  sa  dénomination  actuelle, 
en  mémoire  du  baron  Pierre- Narcisse  Guérin  (1774  1833),  peintre  d'histoire, 
professeur  à  l'École  des  Beaux-Arts,  qui  fut  nommé  membre  de  l'Institut 
en  1815  et  a  été  directeur  de  l'Académie  de  Rome  de  1822  à  1829.  —  Des  can- 
délabres et  becs  à  incandescence  ont  été  installés,  en  décembre  1899,  à  la 
rue  Pierre-Guérin. 

Une  ordonnance  royale  du  27  septembre  1825  a  autorisé  l'établissement 
du  pont  de  Grenelle  (2),  qui  est  divisé  en  deux  parties  par  l'Ile  des  Cygnes, 
séparant  la  gare  de  Grenelle  du  bras  droit  de  la  Seine,  et  qui  donnait  passage 
à  la  route  départementale  n**  10,  reliant  la  rive  gauche  de  la  Seine  (Montrouge, 
Vaugirard  et  Grenielle)  à  la  rive  droite  (Auteuil,  Passy  et  Neuilly).  Les  travées 
métalliques  qui  ont  remplacé,  en  1875,  l'ancien  pont  en  charpente,  ont  été 
exécutées  dans  les  ateliers  de  la  maison  Cail.  Le  passage  conduisant  aux 
pontons  des  bateaux  parisiens  (station  du  pont  de  Grenelle)  a  été  élargi 
en  1898.  La  Chaussée  du  ponl  de  Grenelle,  voie  qui  conduit  au  pont  et  accède 
à  Tavenue  de  Versailles,  est  bordée  de  maisons  de  rapport. 

La  partie  gauche  de  la  section  de  la  rue  de  Boulainvilliers,  qui  se  trouve 
comprise  entre  les  abords  du  pont  de  Grenelle  et  le  carrefour  où  aboutissent 
les  rues  La  Fontaine,  de  l'Assomption  et  Raynouard,  dépend  d'Auteuil  ;  le 
surplus  de  cette  rue  appartient  à  Passy.  Elle  doit  son  nom  au  château  sei- 
gneurial de  Boulainvilliers.  La  section  de  la  rue  de  Boulainvilliers  qui,  dans 
le  voisinage  du  pont  de  Grenelle,  forme  limite  entre  Passy  et  Auteuil,  s'ap- 
pelait autrefois  avenue  de  Boulainvilliers  et  était  empruntée  par  la  route 
départementale  n°  10  de  Montrouge  à  Neuilly. 

On  peut  citer,  parmi  les  voies  datant  du  premier  tiers  du  xix'^  siècle,  les 
rues  Désaugiers,  de  la  Source,  Jasmin,  Téniers,  Van-Loo  et  le  quai 
d'Auteuil. 

La  rue  Désaugiers  (3)  est  une  voie  minuscule  qui  va  de  la  rue  d'Auteuil  à 
la  rue  du  Buis  ;  elle  s'est  appelée  d'abord  rue  des  Bons  Enfants  et  a  reçu  sa 
dénomination  actuelle  par  décret  du  24  août  1864,  en  mémoire  du  chansonnier 
Marc  Antoine  Madeleine  Augier,  dit  des  Augiers  (1773  1827),  dont  la  verve 
souple  et  féconde  s'exhalait  en  joyeuses  et  bouffonnes  chansons,  parmi  les- 
quelles on  peut  citer   Cadet  Buteux^  Monsieur   et  Madame  Denis,  Il  a   com- 

(1)  Le  10  novembre  i85(>,  le  conseil  municipal  d'Auteuil   a  autorisé  rétablissement 
d'une  chaussée  empierrée  avec  caniveaux  et  bordures  de  trottoirs  dans  la  rue  des  Vignes. 

(2)  Voir  ma  note  intitulée  :  «  la  Seine  entre  le  pont  d'Iéna  et  le  viaduc  d'Auteuil  »;  elle 
est  insérée  aux  annexes  .p.  3fô). 

(3)  Les  alignements  ont  été  lîxés  pour  la  rue  Désaugiers  comme  pour  les  rues  Verde- 
ret  et  du  DuiS|  dont  elle  est  voisinci  par  l'arrêté  du  a;  septembre  i837« 


RUE   DE    LA   SOURCE  196 

posé  beaucoup  de  pièces  de  théâtre,  entre  autres  :  les  Petites  Danaïdes, 
la  Chatte  merveilleuse,  M,  Vautour,  Il  dirigea  le  Caveau  moderne  et 
devint,  en  1815,  directeur  du  théâtre  du  Vaudeville.  Nodier  a  dit  de  Désau- 
giers  :  «  Malin  sans  méchanceté,  il  a  fait  rire  aux  dépens  de  tout  et  ne  s'est 
jamais  permis  de  faire  rire  aux  dépens  de  personne.  On  ne  saurait  ni 
compter  ses  épigrammes,  ni  lui  en  reprocher  une  seule.  Il  a  exercé  la  critique 
sans  blesser  et  le  pouvoir  sans  nuire.  »  Un  buste  lui  a  été  élevé  à  Fréjus,  sa 
ville  natale. 

La  rue  de  la  Source  et  la  rue  Jasmin,  précédemment  nommée  rue  de  la 
Cure,  sontà  peu  près  parallèles  et  ont  succédé  à  d'anciens  chemins  publics  qui 
existaient  au  nord  de  la  rue  La  Fontaine  ;  ces  chemins  étaient  fort  étroits.  Le 
nom  de  rue  de  la  Cure  est  attribué  en  raison  de  la  vertu  curative  que  possédaient 
les  sources  d'eaux  minérales,  découvertes  daîis  les  vignes  d'Auteuil.  Au-dessus 
des  glaises,  chargées  de  pyrites  et  de  cristaux  de  gypse,  qui  constituent  une 
partie  du  sous  sol  d'Auteuil  et  de  Passy  (1),  il  existe  une  nappe  d'eau  chargée 
de  sulfate  de  chaux  et  de  sels  de  fer  ;  c'est  de  cette  nappe  que  provenaient  les 
sources,  traversant  les  sables  ocreux  qui  surmontent  l'argile.  Une  d'elles 
existait  dans  le  parc  de  la  villa  Montmorency;  une  autre  portait  le  nom^  de 
source  de  la  Vigne  ou  source  Joseph  et  alimentait  une  fontaine  dans  la  grande 
rue  ;  la  source  Quicherat,  découverte  en  1842,  a  été  exploitée  jusque  vers  1894,  au 
n*  4  de  la  rue  de  la  Cure.  Les  tranchées  exécutées  pour  la  construction  d'égouts 
et  de  maisons  particulières  ont  à  peu  près  complètement  tari  ces  sources. 

La  rue  de  la  Source  a  remplacé  une  sente  dite  des  Vignes,  pour  laquelle 
le  conseil  municipal  avait  proposé,  le  23  septembre  1822,  d'approuver  un 
plan  d'alignements,  avec  6  mètres  de  largeur  ;  cette  voie  est  indiquée  sur  le 
cadastre  de  1823.  Le  10  octobre  1827,  M.  Evrard,  alors  maire  d'Auteuil, 
demanda  au  préfet  qu'elle  fût  convertie  en  une  rue  de  8  mètres  de  largeur, 
portant  le  nom  de  rue  de  la  Source,  afin  que  les  constructions  projetées  par 
les  riverains  fussent  bien  alignées  ;  il  a  été  donné  satisfaction  à  cette  demande 
par  l'arrêté  du  28  janvier  1828,  classant  la  rue  de  la  Source  avec  une  moindre 
largeur  de  8  mètres. 

La  mise  en  état  de  viabilité  des  parties  de  la  rue  de  la  Source  comprises 
entre  la  rue  Pierre-(iuérin  et  la  rue  Rafïet,  ainsi  qu'entre  les  rues  Mozart  et 
Ribéra,  date  de  1878  et  1879  et  a  coûté  33.000  francs  (2).  On  a  complété  ce 
travail,  en  1889,  par  la  mise  en  état  de  viabilité  de  la  partie  de  la  rue  de  la 
Source  située  entre  les  rues  Raffet  et  Mozart,  moyennant  une  dépense  de 
23.250  francs. 

Le  prieuré  des  Bénédictins  de  la  congrégation  de  Saint-Maur,  établi  depuis 
1893  rue  Garancière,  puis  rue  Vaneau,  a  été  transféré,  en  1895,  au  n°  3  de  la 
rue  de  la  Source,  dans  l'ancienne  propriété  de  feu  M.  Perrichet.  Les  Bénédic- 
tins, n'ayant  pas  cru  devoir  demander  au  gouvernement  d'autoriser  leur 
congrégation,  ont  quitté,  en  1901,  la  maison  qu'ils  occupaient  à  Auteuil. 

L'ancienne  rue  de  la  Cure,  dont  l'assiette  a  été  profondément  modifiée  par 
suite  du  percement  de  la  rue  Mozart,  avait  remplacé  une  partie  de  la  seate  de 

(i|  Voir,  pour  les  eaux  d'Auteuil,  à  In  pngc  Oa  du  !•'  volume  du  Bulletin,  rarticle 
de  M.  le  docteur  Raymond  sur  les  origines  de«  eaux  de  Passy  et  d'Auteuil,  et  une  note 
sur  le  service  des  eaux  dans  le  XV!"  arrondissement,  insért'îe  aux  annexes  (p.  3ç)5). 

(2)  Ces  travaux  ont  ôté  cxccutt^s  sous  la  direction  de  M.  de  Fontange,  ingénieur  en 
chef,  de  M.  Bartet,  ingénieur,  et  de  M.  Loraprez,  conducteur  des  ponts  et  chaussées. 


Saitpar  luLmijm.inijSi   Inu-aUbnt  au  fin^lroit  >^cjcu  Mn  ^rt. 

Jean.  Se^tlàU-  '^'an/ûO.  Santrc  iu.  S<j>i..  S'héla-  en.  la  mmc  'i'Z^^U^  ■ 

Çra«t\êr\.  17^  far  Xmm  Ë/wla  ^.M^tf  ^j-air  i'u.\A.i^  ^-^ 

(Collection  (te  M.  tm.  Potin.) 


RUE   TENIERS  I97 

la  Glacière,  qui  allait  jusqu^à  la  rue  Pajou.  Cette  ancienne  rue  de  la  Cure 
commençait  à  la  rue  de  T Assomption  ;  mais,  en  1877,  la  partie  comprise  entre 
cette  dernière  rue  et  la  rue  Mozart  a  été  supprimée  et  son  emplacement  vendu 
à  un  propriétaire.  Un  décret  du  2  mai  1881  a  fixé  les  dimensions,  avec 
moindre  largeur  de  6  mètres,  de  la  partie  qui  est  située  entre  la  rue  Mozart 
et  la  rue  de  TYvette  et  qui,  actuellement,  porte  seule  le  nom  (1)  de  rue  de  la 
Cure;  les  travaux  autorisés  par  ce  décret  du  2  mai  1881  lurent  terminés  en  1885 
et  ont  coûté  119.000  francs.  Une  autre  partie  de  l'ancienne  rue  de  la  Cure, 
comprise  entre  la  rue  de  la  Cure  actuelle  et  la  rue  Jasmin  actu?!le,  a  été 
supprimée  par  décret  du  8  novembre  1883,  fixant  une  moindre  largeur  de 
12  mètres  pour  la  section  de  Tancienne  rue  de  la  Cure  comprise  entre  la  rue 
Rafietetla  rue  de  l'Yvette.  Enfin,  le  décret  du  3  décembre  1885  a  donné  à 
cette  dernière  section  le  nom  de  rue  Jasmin,  en  mémoire  du  poète  languedo- 
cien Jaquon  Jasmin  (1798-1864),  qui  a  ressuscité  la  langue  des  troubadours  et 
est  resté  toujours  fidèle,  malgré  ses  grands  succès  poétiques,  à  son  état  de 
perruquier,  à  Agen. 

Par  délibération  en  date  du  7  mai  1809,  le  conseil  municipal  d'Auteuil 
demanda  que  le  chemin  du  Bac,  conduisant  à  la  Seine,  presque  en  face  de  la  rue 
d'Iéna  (récemment  ouverte  et  actuellement  nommée  rue  de  Musset),  fût  rendu 
praticable  aux  voitures  et  que  le  passeur  fût  obligé  de  tenir  constamment  son 
bateau,  à  l'usage  des  passagers,  devant  ce  chemin  du  Bac.  II  figure  au  plan 
cadastral  de  1823,  sous  le  nom  de  rue  du  Bac  (2).  Le  décret  du  11  septembre 
1869  donna  à  la  rue  du  Bac,  une  des  plus  déclives  de  Paris,  le  nom  de  rue 
VanLoo,  en  Thonneur  d'une  famille  de  peintres  hollandais  qui  se  fixèrent  en 
France  et  dont  le  plus  célèbre  est  Charles-André,  dit  Carie  Vanloo  (1705- 
1765)  ;  il  fut  chargé  par  le  duc  de  Savoie  de  faire  le  portrait  du  prince  de 
Carignan,  qui  devint  son  protecteur  et  lui  paya  son  voyage  et  un  long  séjour 
en  Italie.  Il  se  fixa  ensuite  en  France,  où  il  obtint  un  fauteuil  à  l'Académie  en 
1731,  le  titre  de  premier  peintre  du  roi  et  la  direction  de  l'École  de  peinture. 
II  a  fait  les  portraits  de  Louis  XV,  de  Marie  Leczinska,  de  Mme  de  Prie  ;  on 
cite  parmi  ses  tableaux  :  Diane  et  Endymion^  Saint  Pierre  délivré  de  prison^ 
Henri  III  recevant  les  chevaliers  du  Saint-Esprit  y  Henri  III  sur  son  lit  de  mort 
(collection  du  marquis  de  Biencourt),  Charles  IX  (château  de  Chambord). 
Les  Van-Loo  ont  donné  trois  générations  de  peintres. 

La  rue  Téniers,  qui  va,  comme  la  rue  Van-Loo,  de  l'avenue  de  Versailles 
au  quai  d'Auteuil,  n'a  qu'une  largeur  de  1™,95  ;  c'est  une  voie  non  classée, 
appartenant  à  la  Ville  de  Paris  ;  elle  s'est  nommée  d'abord  sente,  puis  rue  de 
1  Égout,  parce  qu'elle  prolonge  un  égout.  Elle  ne  peut  servir  qu'aux  piétons  et 
on  y  descend  par  un  escalier  de  l'avenue  de  Versailles.  Elle  a  porté  ensuite  le 
nom  de  rue  Callot  et  a  reçu  sa  dénomination  actuelle  par  décret  du  11  sep- 
tembre 1869,  en  mémoire  de  peintres  célèbres  :  David  Téniers,  dit  le  vieux 
(1582-1649),  qui  a  peint  surtout  des  scènes  villageoises,  et  son  fils,  David 
Téniers,  dit  le  jeune  (1610-1685),  qui  fut  élève  de  Rubens,  professeur  de  Don 

(i)  Il  existe,  en  outre,  rue  Raffet,  i3-i5,  une  ruelle  de  la  Cure^  en  prolongement  de  la 
rue  Jasmin,  qui  était  autrefois  une  partie  de  la  rue  de  la  Cure  ;  cotte  ruelle  n'a  que 
i"»,5o  de  largeur  et  3o  mètres  de  longueur. 

(a)  Le  conseil  municipal  d'Auteuil  a  voté,  le  8  février  iS^fi,  un  crédit  de  i.3oo  francs 
pour  la  construction  d'un  mur  de  soutènement.  Les  alignements  de  la  rue  Van-Loo  ont 
été  fixés  par  le  décret  du  4  février  i884»  avec  largeur  de  8  mètres. 


190  HISTOIRE    DU   XVI*   ARRONDISSEMENT 

Juan  d'Autriche,  et  a  laissé  un  nombre  énorme  de  tableaux,  d'après  lesquels 
on  a  fait  beaucoup  d'estampes.  Téniers  le  jeune  a  porté  jusqu'à  la  perfec- 
tion le  genre  de  son  père  :  il  peignait  avec  beaucoup  de  finesse  et  de  vérité 
les  mœurs  rustiques,  les  scènes  de  cabaret  et  les  kermesses  flamandes.  — 
Un  unique  et  étroit  trottoir  a  été  établi  à  la  rue  Téniers  en  1858. 


Carie  Van-Loo, 
(CoUecUon  de  M.  Ém.  PotlD  ) 

Le  quai  d'AuUuil  ne  consistait  originairement  qu'en  une  servitude  de  pas- 
sage, au  long  de  la  Seine,  pour  le  halage  des  bateaux.  Un  décret  spécial  du 
!â2  juillet  1H63  a  classé  l'élablissement  du  quai  d'Auteuil  entre  le  pont  de 
Grenelle  et  les  fortifications  d'aval,  sous  la  réserve  que  les  expropriations 
seraient  terminées  dans  un  délai  de  trois  ans  ;  mais  cette  condition  n'a  pas 
été  remplie.  Le  Conseil  d'État  ayant  décidé,  par  arrêt  du  1"  août  1890,  qu'il 
résultait  de  l'inobservation  de  ce  délai  que  le  classement  de  1863  n'était  plus 


ItU6   FÉLICIEN-DAVID  I99 

valable,  divers  propriétaires,  entre  les  rues  Wilhem  et  Van-Loo,  réunirent  à 
leurs  immeubles  le  sol  de  Tancien  chemin  longeant  la  Seine,  et  le  service  de 
la  navigation  dut  construire,  sur  le  domaine  public  fluvial,  un  nouveau  chemin 
de  halage.  En  1895,  la  situation  a  été  améliorée  à  la  suite  de  contrats  passés 
entre  Tadministration  et  MM.  Brionne  et  Magniez,  propriétaires  riverains.  Un 
décret  du  3  juin  1899  a  classé,  ou  plutôt  reclassé,  sous  le  nom  de  quai  d'An- 
teuil,  la  voie  publique  comprise  entre  les  boulevards  Exelmans  et  Murât,  et 
déclaré  d'utilité  publique  les  travaux  d'élargissement  de  cette  voie,  travaux 
estimés  à  210.000  francs.  L'éclairage  a  été  installé,  sur  ce  quai,  en  juin  1900. 

L'avenue  de  Versailles  a  été  mise  en  communication  avec  le  quai  d'An- 
teuil  au  moyen  d'une  voie  de  12  mètres  de  largeur,  ouverte  aux  abords  du 
pont  de  Grenelle  :  ces  travaux,  autorisés  par  arrêté  du  21  octobre  1897,  ont 
coûté  12.000  francs.  Une  rampe  d'accès  au  quai  d' Au  teuil,  autorisée  par  arrêté 
du  18  juillet  1899,  a  été  établie  en  aval  du  pont  Mirabeau. 

Enfin,  on  a  construit  récemment  une  rampe  d'accès  pour  les  voitures  du 
quai  aux  abords  du  pont-viaducd'Auteuil.Du  cùté  amont  de  ce  viaduc,  on  des- 
cend encore  par  un  escalier  au  quai,  près  de  la  rue  Van-Loo. 

Sous  le  gouvernement  de  Juillet,  plusieurs  chemins  qui  existaient  à  Au  teuil* 
dès  le  XVIII''  siècle  et  traversaient  des  champs  cultivés  ou  des  vignes,  furent 
bordés  de  constructions  et  devinrent  peu  à  peu  de  véritables  rues. 

La  rue  Félicien-David  a  été  nommée  successivement  chemin  et  rue  des 
Pâtures,  chemin  et  rue  de  la  Prairie,  ensuite  rue  Cuissard,  puis  rue  Hérold. 
Cet  ancien  chemin,  qui  n*était  d'abord  destiné  qu'à  la  circulation  des  piétons, 
avait,  en  1817,  une  largeur  de  neuf  pieds  (2'",92)  et  était  bordé,  de  chaque 
côté,  par  une  belle  plantation  de  peupliers  ;  il  traversait  d'anciennes  prairies 
communales  d'Auteuil,  qui  ont  été  vendues  successivement  à  divers  particu- 
liers, et  il  figure  au  cadastre  de  1823  sous  le  nom  de  rue  des  Pâtures  (1).  La 
municipalité  d'Auteuil  ayant  demandé  que  la  largeur  légale  de  ce  chemin  fût 
augmentée,  M.  de  Rambuteau,  préfet  de  la  Seine,  déclara,  le  10  février  1834, 
que  la  commune  n'avait  droit  qu'à  une  largeur  de  2"',92  et  qu'elle  ne  pourrait 
porter  cette  largeur  à  6  mètres  qu'en  achetant  aux  propriétaires  riverains  les 
terrains  nécessaires.  Le  tableau  de  classement  des  chemins  vicinaux  de  la 
commune  d'Auteuil,  approuvé  le  2  août  1837,  comprend,  sous  le  n*»  3,  un 
chemin  dit  «  des  Pâtures  ou  de  la  Prairie  »,  avec  une  largeur  légale  de 
6  mètres.  Les  alignements  de  cette  voie  publique  ont  été  fixés  par  un  arrêté 
du  13  février  1838,  qui  est  encore  aujourd'hui  en  vigueur,  avec  une  moindre 
largeur  de  8  mètres.  Comme  cette  rue  de  la  Prairie  était  fréquemment  inon- 
dée, au  point  de  devenir  impraticable  pour  les  voitures,  on  y  fit  exécuter  des 
remblais  en  1848,  pour  occuper  les  ouvriers  sans  travail  ;  la  voie  fut  exhaus- 
sée et  améliorée  de  1849  à  1852,  moyennant  une  dépense  de  27.121  francs. 

Un  arrêté  du  6  avril  1857  donna  à  la  rue  de  la  Prairie,  sur  la  demande  de 
la  municipalité  d'Auteuil,  le  nom  de  rue  Cuissard  ;  cette  demande  était  fondée 
sur  ce  que  M.  Cuissard,  ancien  militaire  décoré,  membre  du  conseil  muni- 
cipal et  propriétaire  des  terrains  bordant  les  deux  côtés  de  la  rue,  sur  plus 
de  la  moitié  de  sa  longueur,  s'était  mis  volontairement  à  Talignement,  sans 
demander  aucune  indemnité  à  la  commune,  et  avait  ainsi  porté  de  2°',92  à 

(i)  Le  nom  de  rue  des  Pâtures  est  acluellemont  donné  à  une  rue  faisant  communiquer 
)a  rue  Félicien-David  avec  l'avenue  de  Versailles. 


200  HISTOIRE   DU   XVI*   ARRONDISSEMENT 

8  mètres  la  largeur  de  la  voie  publique. —  Unégouta  été  construit,  en  1859, 
sous  la  rue  Cuissard  ;  ce  travail  a  coûté  20.426  francs. 

Le  chemin  vicinal  des  Pâtures  ou  de  la  Prairie,  qui  avait  son  origine  à  la 
rue  de  Boulainvilliers,  avait  600  mètres  de  longueur,  tandis  que  la  rue  Féli- 
cien-David, qui  commence  à  la  rue  Gros,  n'en  a  que  450  :  cela  tient  à  ce  que 
la  partie  comprise  entre  la  rue  Gros  (alors  rue  de  la  Fontaine)  et  la  rue  de 
Boulainvilliers  a  été  supprimée  en  1861,  époque  à  laquelle  la  Ville  de  Paris  a 
établi  sur  cet  emplacement,  qui  est  riverain  de  la  rue  de  Boulainvilliers,  un 
dépôt  de  pavés  et  des  magasins  ;  en  vue  de  cette  installation,  elle  avait  acheté 
8  ares  et  63  centiares  de  terrains,  pour  316.000  francs,  à  MM.  Moity  et  Massot, 
par  acte  notarié  du  3  juillet  1861. 

Le  décret  du  24  août  1864  a  remplacé  le  nom  de  rue  Guissard  par  celui  de 
rue  Hérold,  en  mémoire  du  célèbre  compositeur  Louis-Joseph-Ferdinand 
Hérold  (1791-1833),  élève  de  Méhul,  qui  a  donné  Zampa,  en  1831,  et  le  Pré- 
aux-Clercs^ en  1832.  Son  nom  a  été  attribué,  par  décret  du  21  février  1881,  à 
la  rue  d'Argout  (précédemment  rue  des  Vieux-Augustins),  parce  qu'il  est  né 
dans  la  maison  portant  le  n^  10  de  cette  rue.  Comme  il  est  de  principe  que 
*deux  rues  de  Paris  ne  doivent  pas  porter  le  même  nom,  ce  décret  de  1881  a 
remplacé,  à  Auteuil,  le  nom  d'Hérold  par  celui  du  compositeur  Félicien  César 
David  (1810-1876),  qui  alla  avec  les  saint-simoniens  en  Orient.  On  lui  offrit, 
au  Caire,  la  place  de  professeur  des  beautés  du  harem,  mais  sous  la  condition 
qu'il  se  servirait  des  eunuques  comme  intermédiaires,  c'est-à-dire  que  le 
professeur  devait  enseigner  la  musique  aux  eunuques,  qui  se  chargeraient  de 
transmettre  ses  sages  et  utiles  conseils  aux  épouses  du  vice-roi.  Félicien  David 
refusa  de  donner  ainsi  des  leçons  par  procuration  ;  à  son  retour  à  Paris,  il 
écrivit  la  Symphonie  du  Déseri,  qui  eut  un  grand  succès  et  le  mit  hors  de 
pair  ;  on  lui  doit,  entre  autres  œuvres,  les  opéras  de  Chrislophe-Colomb  et  de 
la  Perle  du  Brésil,  ainsi  que  Topéra-comique  Lalla-Rouck. 

Des  becs  à  incandescence  ont  été  installés,  à  la  rue  Félicien-David,  en 
juillet  1900. 

La  rue  François-Gérard  se  nommait  précédemment  rue  des  Planchettes  ; 
elle  a  remplacé  un  chemin  dont  le  tracé  figure  sur  le  plan  de  Roussel.  Des 
trottoirs  y  ont  été  construits,  en  1858  et  1859.  L'arrêté  du  27  septembre  1837 
avait  fixé  la  largeur  légale  de  cette  rue  à  8  mètres;  mais  le  décret  du  27  jan- 
vier 1876  a  établi  les  alignements  avec  une  moindre  largeur  de  12  mètres 
pour  la  partie  comprise  entre  la  rue  d'Auteuil  (aujourd'hui  rue  de  Hémusat) 
et  la  rue  de  la  Municipalité  (aujourd'hui  rue  Chardon-Lagache).  Par  dé- 
libération du  17  décembre  1852,  le  conseil  municipal  d'Auteuil  a  demandé 
à  l'unanimité  que  le  nom  de  rue  des  Planchettes  fût  remplacé  par  celui 
de  rue  François-Gérard,  comme  témoignage  de  gratitude  publique  pour  la 
mémoire  du  peintre  d'histoire  (1)  qui  avait  résidé  pendant  plus  de  vingt- 
cinq  ans  à  Auteuil  ;  cette  nouvelle  dénomination  a  été  prescrite  par  le  décret 
du  2  juin  1853.  Le  baron  François-Pascal-Simon  Gérard  (1771-1837)  fut  élève 
de  David,  au  milieu  d'émulés  tels  que  Girodet  et  Gros  ;  il  a  fait  les  portraits 
des  célébrités  du  commencement  du  xix'^  siècle  :  le  général  Hoche,  le  maré- 
chal Soult,  Mme  Récamier,  Louis  XVIII,  le  général  Foy,  Canova,  Ducis, 

(i)  Voir,  pour  le  séjour  du  baron  François  Géranl  à  Auteuil,  rarliclc  déjà  cité  de  M.  L. 
Mar  sur  François  Gérard,  qui  est  reproduit  aux  annexes  (p.  44^). 


RUE    ni-:    L  ASSOMPTION  201 

Mme  de  Staël,  Mlle  Mars,  Talma  ;  aussi  avait-il  été  surnommé  le  peintre  des 
rois  et  le  roi  des  peintres.  On  lui  doit  beaucoup  de  tableaux,  notamment 
BélisairCj  Psyché,  la  Bataille  d'Aiislerlitz,  VEnlrée  d'Henri  IV  à  Paris,  Sa 
maison  de  plaisance,  à  Auteuil,  était  située  sur  remplacement  de  Thôtel 
seigneurial  des  Abbés  de  Sainte-Geneviève. 

Samson,  sociétaire  de  la  Comédie-Française,  a  demeuré  au  n**  2  de  la  rue 
François-Gérard;  il  eut  le  prix  de  comédie  en  181!2  et  compta,  parmi  ses 
élèves,  Mlle  Rachel  et  les  deux  Brohan. 

La  rue  de  V Assomption,  précédemment  chemin  et  rue  des  Tombereaux, 
sépare  le  territoire  d*Auteui1  de  celui  de  Passy(i).  Le  nom  du  chemin  des 
Tombereaux  provient  de  ce  qu'il  servait  de  passage  aux  charrettes  que  l'on 
déchargeait  aux  fortes  terres  d'Auteuil.  Il  figure  sur  le  plan  de  Roussel, 
auquel  il  est  bien  antérieur,  puisqu'il  a  servi  de  limite  à  la  paroisse  de 
Passy,  dès  sa  fondation,  en  1672.  Avant  le  xix"  siècle,  il  était  renfermé 
entre  deux  murs,  celui  du  parc  de  Boulainvilliers  et  celui  des  jardins 
du  château  de  la  Tuilerie,  et,  comme  il  était  étroit,  il  se  trouvait  com- 
plètement ombragé  par  les  branches  des  arbres  de  ces  deux  vastes  pro- 
priétés. Il  fut  porté  en  tableau  de  classement  des  chemins  vicinaux  d'Au- 
teuil,  approuvé  le  2  août  1837  comme  chemin  vicinal  n"  1,  de  850  mètres  de 
longueur  et  7  mètres  de  largeur  légale,  entre  la  demi-lune  de  Boulainvilliers 
et  les  murs  du  bois  de  Boulogne.  Par  délibération  du  15  février  1854,  le 
conseil  municipal  d'Auteuil  a  approuvé  une  offre  des  propriétaires  riverains, 
consistant  à  fournir  une  souscription  de  2.780  francs  et  à  céder  gratuitement 
les  terrains  nécessaires,  sous  la  condition  que  la  largeur  serait  fixée  à  10  mè- 
tres ;  l'arrêté  du  6  juillet  1855  a  effectivement  porté  la  largeur  légale  de  7  à 
10  mètres.  Des  travaux,  adjugés  en  1855  et  terminés  en  1857,  rendirent  la  rue 
immédiatement  praticable  sur  une  largeur  de  8  mètres,  étant  entendu  qu'elle 
serait  portée  à  10  mètres  par  voie  d'alignement,  au  fur  et  à  mesure  de  l'érection 
de  constructions  par  les  riverains.  Ces  travaux  ont  coûté  9.600  francs  ;  une 
subvention  départementale  de  4.000  francs  était  venue  s'ajouter  aux  fonds  de 
concours  donnés  par  les  propriétaires  riverains  et  le  surplus  de  la  dépense  a 
été  partagé  également  entre  la  commune  d'Auteuil  et  celle  de  Passy. 

Il  a  été  dit  ci  dessus,  dans  l'historique  de  la  rue  La  Fontaine  et  du  château 
de  la  Tuilerie,  que  ce  dernier  a  été  acheté,  en  1855,  par  la  communauté  reli- 
gieuse de  l'Assomption.  Cette  belle  propriété  se  trouve  sur  le  côté  gauche  de  la 
rue  et,  par  conséquent,  sur  le  territoire  d'Auteuil  ;  elle  renferme  un  très  grand 
parc  et  sa  superficie  s'élève  à  49.079  mètres  carrés.  C'est  vers  1846  que  Mlle  Eu- 
génie Meilleret  de  Brou  a  créé,  avec  Monseigneur  Affre,  archevêque  de  Paris, 
l'abbé  Combalot  et  le  Père  d'Alzon,  la  congrégation  des  Augustines  de  l'As- 
somption, dont  le  nom  a  été  donné,  vers  1856,  à  la  rue  qui  nous  occupe.  Cet 
ordre,  dont  la  maison  mère  est  au  couvent  d'Auteuil,  a  de  nombreux  établis- 
sements dans  le  monde  entier  ;  la  reine  Mercedes,  première  femme  du  roi 
d'Espagne  Alphonse  XII,  était  une  ancienne  élève  du  couvent  d'Auteuil. 

Le  monastère  des  dames  de  l'Assomption  a  été  construit  en  1856  et  1857, 
sous  la  direction  de  M.  Tarchitecte  Verdier.  Le  domaine  de  ce  couvent  a  été 
mis  en  vente,  à  la  requête  du  fisc,  en  1901,  pour  refus  par  la  congrégation 

(i)Voir  les  indications  données  ci-dessus,  dans  l'historique  de  la  rue  La  Fontaine, 
au  sujet  du  château  de  la  Tuilerie,  page  i8i. 


202  HISTOIRE   DU  XTl*  ARRONDISSEMENT 

d*acquitter  les  droits  d'accroissement.  A  la  suite  d'une  première  adjudica- 
tion, il  avait  été  adjugé  pour  i.060.000  francs  à  M**  Charveau,  avoué;  mais 
une  surenchère  s'étant  produite  dans  les  délais  légaux,  le  domaine  a  été  remis 
en  vente  sur  une  mise  à  prix  de  1.213.314  francs  adjugé  définitivement  à 
M*  Charveau  pour  1. 400.000  francs;  la  congrégation  continue  à  occuper 
rimmeuble. 

Au  38  de  la  rue  de  TAssomption  se  trouve  l'entrée  des  élèves  du  lycée 
Molière,  lycée  de  jeunes  filles,  qui  n'admet  que  des  externes  et  des  demi- 
pensionnaires.  Ce  lycée,  qui  a  son  entrée  principale  rue  du  Ranelagh,  n"^  71, 
a  été  créé  par  décret  du  6  août  1888  et  inauguré  le  8  octobre  de  la  même  année. 
Il  est  administré  par  l'État  et  s'étend  sur  une  superficie  de  plus  de  9.000  mètres 
carrés.  Cet  établissement  renferme  une  classe  enfantine  pour  les  jeunes  filles 
de  six  à  sept  ans,  une  classe  élémentaire^  trois  classes  préparatoires  pour  les 
jeunes  filles  de  sept  à  douze  ans  et  cinq  classes  d'enseignement  secondaire. 
Le  diplôme  de  fin  d'études  secondaires  délivré  par  ce  lycée  permet  aux  jeunes 
filles  qui  en  sont  munies,  soit  de  se  présenter  aux  concours  d'admission  aux 
écoles  normales  de  Sèvres  et  de  Fontenay-aux-Roses,  soit  de  se  mettre  en 
instance  pour  obtenir  un  emploi  d'institutrice  primaire  ou  de  maîtresse  répé- 
titrice dans  les  lycées  et  collèges  de  jeunes  filles. 

La  rue  Le  Marois  est  une  partie  de  l'ancien  chemin  du  vieux  pont  de 
Sèvres,  converti  ensuite  en  route  départementale.  Le  décret  du  24  août  1865 
a  donné  à  cette  rue  son  nom  en  l'honneur  de  Jean-Léonor-François,  comte 
Le  Marois  (1776-1836),  qui  fut  élève  de  l'école  de  Mars  en  1794,  se  distingua 
comme  aide  de  camp  du  général  Bonaparte  à  Lodi  et  à  Roveredo  et  fut  chaîné 
de  porter  au  Directoire  les  drapeaux  conquis  sur  les  Autrichiens  à  Arcole. 
Colonel  à  Marengo,  général  de  brigade  en  1802,  il  fut  nommé  général  de  divi- 
sion après  la  bataille  d'Austerlitz  ;  il  fit  la  compagne  de  Russie  et  défendit 
glorieusement  Magdebourg. 

La  rue  Le  Marois  a  été  munie,  en  1899,  de  trottoirs  réglementaires. 

La  rue  Claude-Lorrain,  précédemment  allée  du  Cimetière,  puis  rue  et 
avenue  des  Clos,  figure  au  cadastre  de  1823,  pour  la  partie  comprise  entre  la 
rue  de  la  Municipalité  (aujourd'hui  rue  Chardon-Lagache)  et  la  rue  Boileau 
partie  dont  la  largeur  légale  a  été  fixée  à  8  mètres  par  l'arrêté  du  27  sep- 
tembre 1837.  Le  conseil  municipal  d'Auteuil  avait  autorisé,  le  27  octobre  1834, 
l'achat  à  M.  Bernard  de  4  ares  et  lly  centiares  pour  élargissement  de  la  rue 
conduisant  au  cimetière.  Le  prolongement  de  la  rue  Claude-Lorrain,  entre  la 
rue  Boileau  et  la  rue  Michel-Ange,  a  été  autorisé  par  arrêté  du  4  novembre 
1869,  et  le  classement  de  cette  section,  avec  largeur  légale  de  12  mètres,  a  été 
prononcé  par  décret  du  14  juillet  1877.  Cette  voie  (1)  a  reçu  sa  dénomination 
actuelle  par  décret  du  24  août  1864,  en  mémoire  de  Claude  Gelée,  surnommé 
le  Lorrain  (1600-1678),  qui  excella  surtout  dans  les  paysages  et  fit  admirer  la 
beauté  de  son  coloris  et  la  richesse  de  son  style  ;  il  passa  la  plus  grande  partie 
de  sa  vie  à  Rome,  où  il  dirigea  pendant  plus  de  vingt  ans  une  école  d'où  sont 
sortis  des  peintres  distingués. 

Le  cimetière  d'Auteuil,  qui  a  été  ouvert  en  1800,  fut  agrandi  en  1807, 
grâce  à  la  générosité  du  sénateur  Le  Couteulx  de  Canteleu  ;  de  nouveaux  agran- 

(i)  La  cité  ouvrièro  de   la  rue   Claude-Lorrain  a  été  visiléc,  en  1898,  par  M.  Carnol, 
président  de  la  République. 


BOULKYAliO  MURAT  ao3 

dissements  ont  été  réalisés  entre  1 843  et  1847.  Il  s*étend  à  peu  près  parallèlement 
à  la  rue  Michel-Ange  et  occupe  Tangle  compris  entrecelte  rue  et  la  rue  Claude- 
Lorrain;  il  a  été  ravagé  par  le  bombardement  de  1871.  L'ordonnance  royale  du 
10  mai  1845  a  autorisé  pour  ce  cimetière  un  agrandissement  qui  a  été  réalisé 
en  1846,  moyennant  une  dépense  de  16.000  francs.  Depuis  longtemps  ce  cime- 
tière ne  s*ouvre  plus  que  pour  les  propriétaires  de  concessions  perpétuelles. 

Je  me  bornerai  à  signaler,  parmi  les  tombes  du  cimetière  d'Auteuil,  celles 
de  la  comtesse  Amélie  de  Boufflers^  de  Mme  Helvétius,  de  la  famille  de  Ca- 
banis, de  Rumford,  de  Tarchéologue  Barthélémy,  auteur  du  Voyage  du  jeune 
Anacharsis  en  Grèce,  du  peintre  Hubert  Robert,  de  Tabbé  LacroUe,  curé  d'Au- 
teuil, victime  de  son  dévouement  pendant  l'épidémie  cholérique  de  1832,  du 
manufacturier  Ternaux-Rousseau,  du  géomètre  Legendre  (1834)  (1),  du  chef 
d'orchestre  Musard,  qui  a  été  en  18-18  maire  d'Auteuil  (1859),  de  Gavarni  (1866), 
de  Villemessant,  fondateur  du  Figaro  (1879),  de  Paul  Dalloz,  directeur  du  Mo- 
niieur  universel  (1887),  du  peintre  Adolphe  Yvon  et  du  compositeur  Gounod 
(1893)  et  de  son  beau  frère  Zimmermann.  On  lit,  sur  les  dalles  tumulaires, 
d'autres  noms  illustres  :  Palikao,  Goupil,  Alphand,  Benoit,  maire,  et  Lego- 
nidec,  curé  d'Auteuil,  Tarbé  des  Sablons,  etc. 

La  rue  Gudin  se  nommait  autrefois  rue  de  la  Demi-Lune,  parce  qu'elle  abou- 
tissait à  une  demi-lune  où  débouchait  également  la  rue  de  Billancourt;  elle 
faisait  partie  de  la  route  départementale  n""  1.  Sa  dénomination  actuelle  lui  a 
été  donnée  par  décret  du  27  février  1867,  en  mémoire  de  Charles-Etienne- 
César,  comte  Gudin  (1768-1812),  condisciple  de  Napoléon  I*"*  à  l'école  militaire 
de  Brienne,  sous-lieutenant  au  régiment  d'Artois  en  1784,  chef  de  bataillon  en 
1793,  chef  d'état-major  de  Gouvion-Saint-Cyr,  général  de  brigade  en  1799,  tué 
au  début  de  la  campagne  de  Russie. 

C'est  en  1899  qu'on  a  établi  les  trottoirs  réglementaires  entre  le  n**  12  de 
la  rue  Gudin  et  l'avenue  de  Versailles. 

L'ordonnance  royale  pour  l'établissement  de  l'enceinte  fortifiée  de  Paris 
fut  signée  le  10  septembre  1840;  le  8  novembre  de  la  même  année,  le  Conseil 
municipal  d'Auteuil  présenta  diverses  objections  contre  ce  projet,  dont  la 
réalisation  devait  rendre  plus  difficiles  les  communications  avec  le  bois  de 
Boulogne.  La  loi  du  3  avril  1841  ouvrit  pour  cette  opération  un  crédit  de 
140  millions,  dont  35  à  dépenser  en  1841  et  20  en  1842.  Les  fortifications  furent 
établies,  vers  le  Point-du-Jour,  sur  des  vignes  ou  des  champs  cultivés  et,  pour 
le  surplus  du  territoire  d'Auteuil,  sur  des  terrains  boisés.  La  remise  condi- 
tionnelle de  la  rue  Militaire,  longeant  intérieurement  les  fortifications,  a  été 
autorisée  par  la  décision  ministérielle  du  28  juillet  1859;  cette  rue  Militaire  a 
été  classée  comme  voie  publique,  avec  moindre  largeur  de  14  mètres,  par  le 
décret  du  9  septembre  1861.  Celui  du  2  mars  1864  a  donné  le  nom  de  boule- 
vard Murai  à  une  partie  de  la  rue  Militaire  jusqu'à  la  porte  d'Auteuil  et  le  nom 
de  boulevard  Sachet  au  surplus  delà  route  Militaire,  depuis  la  porte  d'Auteuil 
jusqu'à  la  porte  de  Passy.  Joachim  Murât  (1771-1815),  beau-frère  de  Napo- 
léon I*',  dont  il  fut  l'aide  de  camp  en  Italie  et  en  Egypte,  commanda  la  cavalerie 
de  1805  à  1808  et  fut  proclamé  roi  de  Naples  le  1«'  août  1808.  Sa  biographie 
est  assez  connue  pour  qu'il  paraisse  inutile  de  la  résumer  ici. 

(i)  Voir  les  communications  de  M.  Léo   Glaretie  à   la  page  8  du  I"  volume  et  la  note 
sur  la  tombe  du  mathématicien  Legendre,  page  88  du  II*  volume  du   Bulletin, 


204  HISTOIRE   DU  XVI*   ARRONDISSEMENT 

Le  décret  du  23  septembre  1880  a  autorisé  le  prolongement  du  boulevard 
Murât  au  delà  de  l'avenue  de  Versailles. 

C'est  par  la  porte  du  bord  de  Teau  et  sur  une  indication  donnée  par 
M.  Ducatel,  piqueur  des  ponts  et  chaussées/que  Tarmée  entra  dans  Paris,  le 
21  mai  1871 . 

Le  passage  Murai,  qui  va  de  la  rue  de  Billancourt  au  boulevard  Murât,  est 
une  voie  privée,  qui  a  été  ouverte  en  1881. 

Les  constructions  furent  interrompues  à  la  suite  des  événements  d'^  1848; 
mais  elles  prirent  un  grand  essor  à  Auteuil,  à  la  suite  de  la  loi  du  8  juillet 
1852,  qui  a  cédé  à  la  ville  de  Paris  le  bois  de  Boulogne  (1),  et  en  a  permis  la 
transformation,  et  du  décret  du  18  août  de  la  même  année,  qui  a  autorisé  la 
création  du  chemin  de  fer  de  Paris  à  Auteuil,  inauguré  en  septembre  1853. 

La  Compagnie  concessionnaire  de  cette  ligne  (Compagnie  du  chemin  de 
fer  de  Paris  à  Saint-Germain,  remplacée  ensuite  par  la  Compagnie  des  che- 
mins de  fer  de  TOuest)  acheta  pour  400.000  francs  Tancienne  propriété  de 
Montmorency- Boufflers,  par  actes  notariés  (étude  Fould)  de  novembre  et  dé- 
cembre 1852.  Sur  ces  terrains,  dont  la  superficie  était  de  13  hectares  67  ares 
et  47  centiares,  la  Compagnie  du  chemin  de  fer  a  établi  la  gare  d'Auteuil  et 
ses  abords,  la  villa  Montmorency,  le  boulevard  de  Montmorency  et  les  trois 
rues  du  Débarcadère,  des  Arts  et  Montmorency  ;  ces  divers  travaux,  com- 
mencés en  1853,  furent  terminés  en  1856.  La  Compagnie  avait  proposé  à  la 
commune  d'Auteuil  de  recevoir  au  nombre  de  ses  voies  publiques  la  rue  du 
Débarcadère  (aujourd'hui  rue  Poussin),  la  rue  des  Arts  (aujourd'hui  rue  Gé- 
ricault)  et  la  rue  Montmorency  (aujourd'hui  rue  Donizetti);  mais  l'accord 
n'ayant  pas  pu  s'établir  à  ce  sujet  entre  la  Compagnie  et  la  commune,  ces  trois 
rues  n'ont  été  rangées  parmi  les  voies  publiques  de  Paris  que  par  le  décret 
du  23  mai  1863,  approuvant  le  tableau  des  voies  publiques  du  quartier  d'Au- 
teuil, comme  suite  à  la  délibération  prise  le  6  février  de  la  même  année  et 
après  l'annexion,  par  le  conseil  municipal  de  Paris. 

Au  commencement  du  xviii*  siècle,  on  voyait  à  l'extrémité  de  la  Grande- 
Rue,  tirant  vers  le  bois  de  Boulogne,  l'Ostel  du  Parc,  qui  était  occupé  en  1728 
par  l'abbé  Rouillé  ;  ce  domaine  a  ensuite  appartenu  aux  familles  de  Boufflers 
et  de  Montmorency  ;  il  occupait  l'espace  compris  entre  le  bois  de  Boulogne, 
la  Grande-Rue  d'Auteuil,  le  chemin  de  la  Fontaine  et  le  chemin  des  Vignes. 
Il  a  été  habité  longtemps  par  la  marquise  de  Boufflers,  dont  le  salon  était  fort 
célèbre;  elle  est  morte  en  1787.  Le  22  pluviôse  an  Ylll, le  domaine  fut  vendu 
parla  citoyenne  veuve  Boufflers  pour  la  somme  de  65.185  francs;  il  appartint 
sous  la  Restauration  à  la  duchesse  de  Montmorency  (2). 

La  villa  Montmorency,  qui  occupe  une  grande  partie  de  l'ancien  parc  des 
Boufflers  et  renferme  des  maisons  avec  jardins,  appartenant  à  divers  proprié- 
taires, est  comprise  entre  le  boulevard  Montmorency,  la  rue  Poussin  et  la  rue 
Pierre-Guérin,  avec  entrée  sur  chacune  de  ces  trois  voies.  Elle  avait  pour 
concierge  en  1867  la  fille  du  fameux  ciseleur  Gouthière.  Elle  renferme  cinq 
voies  privées,  qui  y  ont  été  construites  en  1854  par  la  Compagnie  du  chemin 

(i)  Voir,  à  la  page  69  du  premier  volume  du  Bulletin,  les  documents  communiqués  par 
M.  Emile  Saint-Lanne. 

(2)  Voir  (p.  4^)  larliclc  do  M.  Antoine  Guillois  intitulé  :  leg  Boufflers  à  Auleuil;  il  est 
reproduit  aux  annexes  ainsi  que  le  texte  d'une  lettre  de  la  comtesse  de  Boufflers  au  poète 
Roucher,  et  une  note  sur  la  vente  de  la  propriété  de  Bourflers. 


RUE   DONIZETTI  2o5 

de  fer  et  qui  portent  les  noms  d'avenue  de  Monlmorency,  avenue  des  Syco- 
moresy  avenue  des  Peupliers,  avenue  des  Tilleuls  (1)  et  avenue  de  Boufflers.  Ce 
dernier  nom  rappelle  le  souvenir  du  chevalier  Stanislas-Jean  de  Boufflers 
(1738-1815),  fils  de  la  célèbre  marquise,  qui  fut  d'abord  abbé,  puis  chevalier 
de  Malte,  se  fit  nommer  gouverneur  du  Sénégal  en  1785,  membre  de  T Acadé- 
mie française  en  1788  et  est  surtout  connu  par  ses  poésies  légères. 

L'hôtel  des  frères  Jules  et  Edmond  de  Concourt,  surnommé  par  eux  le 
grenier  d'Auleuil,  était  entre  l'avenue  des  Sycomores  et  le  boulevard  de 
Montmorency,  où  il  avait  entrée  au  n**  67.  Edmond  de  Concourt  est  mort  le 
16  juillet  1896.  Le  prix  de  vente  de  cet  hôtel,  qui  a  été  aliéné,  en  août  1901, 
doit  être  versé  à  l'Académie  de  Concourt,  qui  fonctionnera  dès  que  le  décret 
de  reconnaissance  d'utilité  publique,  dont  le  projet  est  soumis  à  l'examen  du 
Conseil  d'Etat,  aura  été  promulgué  et  aura  accordé  la  personnalité  civile  à 
cette  académie. 

Le  boulevard  de  Monlmorency  (2)  doit  son  nom  à  la  maréchale  de  Luxem- 
bourg-Montmorency, auparavant,  marquise  de  Boufflers  (1707-1787),  men- 
tionnée ci-dessus  comme  ayant  été  longtemps  propriétaire  du  domaine.  Les 
conditions  d'exécution,  avec  largeur  de  12  mètres  et  plantations  d'arbres,  ont 
été  fixées  par  la  décision  du  ministre  des  Travaux  publics  du  18  mars  1853, 
approuvant  rétablissement  de  plusieurs  voies  latérales  au  chemin  de  fer  d'An* 
teuil.  La  construction  de  ce  boulevard  a  été  faite  sous  la  direction  d'Eugène 
Flachat,  ingénieur  en  chef  de  la  Compagnie  du  chemin  de  fer  de  Paris  à  Saint- 
Cermain  et  sous  la  surveillance  du  service  des  promenades,  à  la  tête  duquel 
était  Alphand. 

Le  décret  du  24  août  1864  a  donné  à  la  rue  des  Arts  le  nom  de  rue  Géri- 
caull,  en  mémoire  du  peintre  Jean-Louis-André-Théodore  Géricault  (1794- 
1824),  qui  exposa  en  1812  son  Chasseur  de  la  garde  impériale  en  1814  son 
Cuirassier  blessé  et  en  1819  le  Radeau  de  la  Méduse.  Il  est  mort  prématuré- 
ment d'une  chute  de  cheval. 

Le  même  décret  à  donné  le  nom  de  rue  Poussin  à  la  rue  du  Débarcadère 
(précédemment  rue  Neuve),  également  ouverte  par  la  Compagnie  du  chemin 
de  fer  en  1853  et  ayant  15  mètres  de  largeur.  Nicolas  Poussin  (1594-1665)  s'est 
distingué  surtout  dans  le  paysage  historique  ;  il  commença  à  Rome,  en  1628, 
une  suite  de  chefs-d'œuvre  qui  lui  donnèrent  une  grande  réputation  ;  il  fut 
appelé  à  Paris  vers  1640  par  le  cardinal  de  Richelieu  et  reçut,  avec  une  pen- 
sion de  3.000  francs,  et  un  logement  dans  un  pavillon,  situé  au  milieu  du  jar- 
din des  Tuileries,  le  titre  de  premier  peintre  du  roi  avec  la  direction  de  tous 
les  ouvrages  de  peinture  et  d'ornement  des  maisons  royales.  Il  fut  chargé  de 
la  décoration  de  la  grande  galerie  du  Louvre.  11  retourna  en  septembre  1642 
à  Rome,  où  il  mourut;  il  y  fut  enterré  dans  l'église  Sainte-Marie  in  Lucina, 

La  rue  Poussin  avait  été  détruite  jusqu'au  marché  par  le  bombardement 
de  1871  (3). 

La  partie  de  la  rue  Donizelli,  comprise  entre  la  rue  La  Fontaine  et  la  rue 
Poussin,  a  été  ouverte  en  1853  parla  Compagnie  du  chemin  de  fer  et  à  reçu 

(i|  La  veuve  du  peintre  Alphonse  de  Neuville  s'est  éteinte  le  9  février  i(joi,au  n®  iode 
l'avenue  des  Tilleuls. 

(a)  Voir  aux  annexes  (p.  490)  le  procès- verbal  d'adjudication  du  2G  juillet  li^,  imposant 
des  règlements  spéciaux  pour  le  boulevard  de  Montmorency. 

(3)  Voir  aux  annexes  (p.  385)  l'article  déjà  cité  sur  les  ruines  de  1870-1871. 


206  HISTOIRE   DU   XVI*   ARRONDISSEMENT 

alors  le  nom  de  rue  de  Montmorency  ;  mais  comme  ce  nom  appartient  à  une 
rue  du  III"  arrondissement  de  Paris,  le  décret  du  24  août  1864  Ta  dénommée 
rue  Donizetti,  en  mémoire  du  compositeur  de  Bergame,  Gaëtano  Donizetti 
(1798  1848),  qui  fut  professeur  de  contrepoint  au  conservatoire  de  Naples  et 
maître  de  chapelle  à  la  cour  de  Vienne;  il  a  composé  plus  de  soixante  opéras, 
parmi  lesquels  on  distingue  Anna  Bolena,  YElisir  d'Amor,  Lucia  de  Lam- 
mermoor,  ainsi  que  Topera  comique  si  populaire  «  la  Fille  du  Régiment  ». 
En  1872,  la  rue  Donizetti  a  été  prolongée  jusqu'à  la  rue  d'Auteuil  ;  elle 
a  englobé  la  rue  du  Tour -de -la -Fontaine,  dont  Télargissement  à  coûté 
5.019  francs. 

La  rue  Chanez  occupe,  avec  la  rue  de  Civry,  à  peu  près  l'emplacement  d'un 
ancien  chemin  qui  était  voisin  de  la  lisière  du  bois  de  Boulogne  et  qui  allait, 
au  sud  de  la  commune  de  Boulogne,  se  raccorder  avec  la  route  de  la  Reine. 
Cet  ancien  chemin  a  été  remplacé,  un  peu  avant  l'annexion,  par  une  voie  non 
classée  et  dénommée  avenue  de  l'Aima,  dont  l'établissement  près  de  la  gare 
d'Auteuil  avait  été  imposé  par  le  domaine  de  l'État  aux  acquéreurs  de  terrains 
provenant  du  bois  de  Boulogne.  La  mise  en  état  de  viabilité  de  cette  avenue 
a  été  terminée  en  1869  ;  le  décret  du  10  août  1868,  l'avait  dénommée  rue 
Chanez,  en  mémoire  du  baron  Jean-Baptiste- Victor  Chanez,  général  de  bri- 
gade (1746-i82:>). 

La  maison  de  Casimir  Périer,  qui  se  trouvait  au  n°  7  de  la  rue  Chanez,  au 
milieu  d'un  superbe  jardin,  a  été  détruite  avec  tout  son  mobilier  par  le  bom- 
bardement de  1871. 

La  rue  des  Pâtures^  qui  va  de  l'avenue  de  Versailles  à  la  rue  Félicien-David, 
fut  ouverte  en  vertu  d'un  arrêté  préfectoral  du  13  février  1854,  qui  a  fixé  les 
alignements  de  cette  rue. 

Le, chemin  de  la  Caliote  n'était  d'abord  qu'un  passage  de  7  mètres  de  lar- 
geur et  18  mètres  de  longueur,  qui  faisait  communiquer  l'avenue  de  Versailles 
avec  le  chemin  de  halage.  Son  nom  était  parfaitement  justifié,  puisque  les  ga- 
liotes  qui  assuraient  alors  le  transport  par  eau  y  avaient  un  débarcadère  pour 
desservir  Auteuil.  La  circulation  sur  ce  chemin  prit  de  l'importance  à  cause 
des  chantiers  de  bois,  charbons  et  autres  matériaux  qui  s'établirent  peu  à 
peu  entre  le  fleuve  et  l'avenue  de  Versailles.  Sur  la  proposition  présentée  le 
14  août  1855  par  le  conseil  municipal  d'Auteuil,  un  arrêté  du  sous-préfet  de 
Saint-Denis,  en  date  du  23  février  1856,  fixa  les  alignements  de  la  rue  de  la 
Galiote,  avec  moindre  largeur  de  12  mètres.  Une  délibération  municipale 
du  13  novembre  1858  alloua  une  somme  de  3.150  francs  pour  le  pavage  de 
cette  rue.  Lors  de  la  construction  du  pont  Mirabeau  (1)  en  1897,  la  Ville  de 
Paris  vendit  à  M.  Briens  le  sol  de  l'ancienne  rue  de  la  (ialiote,  qui  fut  rem- 
placée, en  vertu  du  décret  du  21  avril  1897,  par  une  rue  parallèle  de  30  mètres 
de  largeur  et  40  mètres  de  longueur,  située  en  prolongement  du  pont,  c'est- 
à-dire  un  peu  à  l'amont  de  l'ancienne  rue  de  la  Galiote.  Conformément  à  la 
demande  de  Mlle  Madeleine  Godard  et  au  vœu  précédemment  émis  par  la 
Société  historique  d'Auteuil  et  de  Passy,  le  décret  du  29  juin  1897  a  donné  à 
cette  nouvelle  voie  le  nom  de  rue  Benjamin-Godard^  en  mémoire  du  composi- 
teur Paul-Louis-Benjamin  Godard  (1849-1895),  d'abord  violouiste  du  plus 

(i)  Voir  ma  note  sur  la  Seine»  onire  le  pont  d'Ic^na   ol   le   viaduc  dAulcuil;  elle   est 
reproduite  aux  annexes,  page  366. 


RUE   GEORGE-SAND  207 

haut  talent,  puis  auteur  de  symphonies  et  de  concertos,  enfin  de  Jocelyn  et 
de  la  Vivandière,  à  rOpéra-Comique. 

Dans  les  premières  années  du  second  Empire,  plusieurs  grandes  propriétés 
situées  dans  le  voisinage  de  la  rue  La  Fontaine  et  de  la  rue  des  Perchamps 
furent  morcelées,  ce  qui  permit  à  des  particuliers  d'aménager  l'avenue  Bou- 
don  et  l'avenue  Heymès. 

Par  une  délibération  du  6  novembre  1852,  le  conseil  municipal  d'Auteuil, 
sur  la  demande  de  MM.  Sipière  et  Boudon,  autorisa  Touverture,  entre  la  rue 
La  Fontaine  et  la  rue  Rémusat,  de  deux  nouvelles  voies  qui  ne  furent  d  abord 
exécutées  qu'incomplètement  et  formaient  une  équerre  à  laquelle  on  adonné 
le  nom  A* avenue  Boudon  ;  la  partie  située  entre  la  rue  La  Fontaine  et  la  rue 
George-Sand  existe  encore  aujourd'hui,  sous  le  nom  d'avenue  Boudon  ;  c'est 
une  voie  privée  de  9  mètres  de  largeur.  La  partie  de  l'avenue  Boudon  qui 
autrefois  formait  un  coude  et  débouchait  rue  La  Fontaine  est  actuellement 
incorporée  dans  la  rue  George-Sand. 

L'avenue  Heyroës  était  une  ancienne  sente,  qui  n'avait  dans  l'origine  que 
1  mètre  de  largeur  et  figure  sans  dénomination  sur  le  plan  cadastral  de  1842. 
Elle  a  été  élargie  à  4  mètres,  vers  1850,  par  la  veuve  du  général  Heymès,  qui 
avait  fait  les  campagnes  du  premier  Empire,  est  cité  dans  l'histoire  de 
Thiers,  fut  nommé  maréchal  de  camp  en  1831,  était  aide  de  camp  du  roi 
Louis-Philippe  et  a  été  enterré  au  cimetière  d'Auteuil.  La  propriété  Heymès 
était  située  vis-à-vis  de  l'avenue  du  même  nom,  à  la  rue  de  la  Source.  Elle  con- 
sistait en  un  parc  très  ombreux,  avec  de  vieux  arbres  et  un  pavillon  qui  ne 
comprenait  qu'un  rez-de-chaussée  et  un  étage.  C'était  une  de  ces  fraîches  et 
mystérieuses  habitations  cachées  derrière  les  haies  vertes  de  ce  qu'on 
appelait  alors  le  quartier  des  Vignes,  où  l'on  se  perdait  dans  des  sentes  étroites 
et  sinueuses,  bordées  de  grands  arbres,  de  prairies  et  de  quelques  vestiges 
de  vignobles. 

L'avenue  Heymès,  qui  était  alors  fermée  par  des  barrières  en  bois,  et  où 
deux  riverains  seulement  avaient  des  droits  de  passage,  débouchait  par  le 
haut  dans  la  rue  de  la  Source  jusqu'à  l'exécution  de  la  rue  Mozart.  La  pro- 
priété Heymès  a  été  acquise  à  l'amiable  par  la  Ville  de  Paris  en  1882.  (Voir  le 
Bulletin  municipal  officiel  du  22  novembre  1883.) 

La  rue  George-Sand  (précédemment  avenue  Boudon  entre  cette  rue  et  la 
rue  La  Fontaine,  avenue  Heymès  entre  les  rues  La  Fontaine  et  Mozart)  a 
été  classée  par  le  décret  du  31  décembre  1880,  qui  en  a  autorisé  l'ouverture 
entre  la  rue  Chardon-Lagache  et  le  coude  formé  alors  par  les  deux  sections 
de  l'avenue  Boudon.  Le  décret  du  5  novembre  1883  a  prescrit  l'élargissement 
de  l'avenue  Heymès  (qui  a  coûté  93.0(K)  francs),  l'a  incorporée  à  la  rue  George- 
Sand  et  a  classé  celte  dernière  rue  entre  les  rues  La  Fontaine  et  Mozart. 
Enfin,  le  décret  du  11  mars  1886  lui  a  donné  son  nom  en  mémoire  d'Aman- 
tine-Lucie-Aurore  Dupin,  dame  Dudevant,  arrière-petîte-fille  de  Marie  de 
Verrières,  ci-dessus  mentionnée  comme  ayant  habité  la  rue  d'Auteuil;  elle 
est  née  en  1804,  a  vécu  jusqu'en  1876  et  s'est  illustrée  comme  écrivain  sous  le 
pseudonyme  de  George  Sand.  Son  père  avait  habité  Auteuil  pendant  la 
Révolution. 

Antérieurement  à  l'annexion,  Auteuil  était  surtout  une  réunion  de  mai- 
sons de  plaisance  fréquentées  pendant  la  belle  saison  par  la  population  pari- 
sienne ;  le  principal  revenu  de  ces  propriétés  consistait  dans  le  produit  de 


2o8  HISTOIBE   DU   XVl'   ARRONDISSEMENT 

leur  localiiin  cuiiime  maisons  de  campagne.  Aussi,  dès  que  fut  posé  le  prin- 
cipe de  l'acoexion  d'Auteuil  ii  la  Ville  de  Paris,  'divers  propriétaires  et  négo- 
ciants s'émurent-ils  du  dommage  que  pouvait  leur  causer  la  réalisation  de  cette 
mesure  :  pour  les  uns,  c'était  la  menace  de  perdre  les  locations  d'été;  pour 
d'autres,  c'était  l'obligation  de  se  déplacer  ou  de  payer  les  droits  d'octroi. 


Gcoi'gi'  Siind. 

(Oillrctian  de  M.  Éni.  l'olin.) 

La  loi  du  lli  juin  l«.">d  a  porté  les  limites  de  l'aris  jusqu'au  pied  de  l'enceinte 
fortifiée  ;  elle  a  réuni  à  Boulogne  les  parties  du  territoire  d'Auleuil  qui  se 
trouvaient  au  delà  des  lortifica lions.  De  toutes  les  communes  annexées  k  la 
Ville  de  Paris,  Auleuil  était  ta  seule  qui  ne  fut  pas  contiguë  à  l'ancien  mur 
d'enceinte,  dqjit  elle  était  séparée  par  le  territoire  de  l*assy. 

La  délibération  du  conseil  municipal  de  Paris  du  (i  février  I8G3,  qui  a 
servi  de  base  au  décrel  de  classement  du  i;i  mai  de  la  même  année,  énumcre 
toutes  les  voies  publiques  d'Auleuil  qui  existaientàcelle  époque,  et  le  tableau  A 


RUES   ÉTABLIES   A    AUTEUIL    DEPUIS    180O   JUSQU'a   L* ANNEXION  209 

indique  les  voies  à  mainteDir  et  dont  le  classement  a  été  ainsi  conflrmé. 
Ce  tableau  A  renferme  toutes  les  rues  d'Auteuil  qui  ont  été  mentionnées  ci- 
dessus  et,  en  outre,  trois  chemins  :  la  sente  de  la  Fontaine,  le  chemin  des 
Fontis  et  la  sente  du  Four,  dont  il  sera  parlé  ci-après,  leur  sol  ayant  été 
ultérieurement  incorporé  aux  rues  Dangeau,  Railet,  du  Docteur-Blanche  et 
de  l'Yvetle. 


i4 


Rues,  boulevards  et  avenues  classés  à  Auteuil  pendant 
les  quarante  dernières  années  du  XIX^  siècle. 


Les  parties  bâties  à  Auteuil  avant  rannexion  se  trouvaient  principalement 
entre  la  rue  d* Auteuil  et  la  rue  de  TAssomption,  ou  au  Point-du-Jour.  C'est 
surtout  dans  les  quarante  dernières  années  du  xix"  siècle  que  la  construction 
des  maisons  a  pris  une  grande  extension  dans  toute  retendue  comprise  entre 
l'enceinte  fortifiée,  la  Seine  et  Passy.  Ce  mouvement  a  été  favorisé  par  la 
réalisation  de  grandes  opérations  de  voirie,  dont  la  plus  importante  a  été 
autorisée  par  le  décret  du  30  novembre  1862,  à  la  suite  duquel  ont  été  percées 
les  rues  Chardon-Lagache,  Mirabeau,  Molitor,  Michel-Ange  et  d'Erlanger. 
On  a  ainsi  entamé,  immédiatement  après  l'annexion  de  la  commune  d'Au- 
teuil,  un  programme  d'ensemble  dont  la  réalisation  par  le  service  des  ponts 
et  chaussées,  sous  la  direction  du  baron  Haussmann  et  d'Alphand,  a  provoqué 
l'exécution  à  Auteuil  de  nouvelles  rues,  de20mètres  de  largeur,ayant  ensemble 
une  longueur  de  plus  de  \  kilomètres. 

Le  baron  Emile  d'Erlanger,  né  à  Francfort-sur-le-Mein  en  1832,  banquier 
et  consul  de  Grèce  à  Paris,  avait  acheté  de  l'État  de  vastes  terrains  prove- 
nant de  la  réunion  à  Paris  d'une  partie  du  bois  de  Boulogne.  Il  constitua 
une  société  pour  mettre  en  valeur  ces  terrains,  qui  étaient  alors  déserts,  en 
friche  et  sillonnés  d'ornières,  et  pour  y  fonder  un  nouveau  quartier,  en  y 
établissant  diverses  rues,  ainsi  qu'une  exposition  universelle  et  permanente. 
11  offrait  de  céder  gratuitement  à  la  Ville  27.000  mètres  carrés  pour  percer 
ou  élargir  les  nouvelles  voies,  de  les  mettre  à  ses  frais  en  état  de  via- 
bilité et  de  céder  les  terrains  nécessaires  pour  prolonger  le  passage  des 
Clos  jusqu'à  la  rue,  alors  projetée,  qui  porte  actuellement  le  nom  de  Michel- 
Ange.  Les  projets  présentés  par  le  baron  d'Erlanger  furent  modifiés  par  la 
Ville  de  Paris  et,  pour  que  ces  modifications  pussent  être  effectuées,  il  acheta, 
au  prix  de  974.600  francs,  les  propriétés  Ozeuae,  Renneville  et  Prince  Pierre 
Bonaparte  ;  il  dépensa,  en  outre,  711.000  francs  pour  divers  travaux  de  viabi- 
lité et  de  nivellement  en  faveur  desquels  une  subvention  municipale  de 
600.000  francs  était  accordée. 

A  la  suite  des  traités  passés  les  7  février  et  22  mai  1862  entre  la  Ville  de 
Paris  et  M.  d'Erlanger,  le  décret  précité  du  30  novembre  de  la  même  année 
autorisa  l'ouverture  des  quatre  voies  suivantes  : 

Rue  A,  parlant  de  l'avenue  de  Versailles  au  point  où  la  rue  Rémusat  (alors 


HUË  MICHËt-ANGË  211 

rue  Molière)  vient  y  aboutir,  longeant  la  nouvelle  maison  de  retraite  de  Sainte- 
Périne,  puis  coupant  la  rue  Boileau  à  la  hauteur  de  l'ancienne  Mairie  d'Auteuil, 
et  rejoignant  le  boulevard  Murât,  après  avoir  passé  sous  le  chemin  de  fer 
d'Auteuil  ;  cette  rue  A,  qui  s'est  d'abord  nommée  nouvelle  route  d'Auteuil, 
puis  boulevard  d'Auteuil,  porte  actuellement  le  nom  de  rue  Mirabeau  entre 
l'avenue  de  Versailles  et  la  rue  Chardon-Lagache,  le  nom  de  rue  Molitor  entre 
la  rue  Chardon-Lagache  et  le  boulevard  Murât; 

Rue  B,  prolongeant  l'ancienne  rue  de  la  Municipalité  jusqu  à  la  place 
d'Auteuil  et  formant  actuellement  une  partie  de  la  rue  Chardon-Lagache; 

Rue  C,  reliant  le  centre  d'Auteuil  à  la  porte  de  Saint-Cloud  et  actuelle- 
ment nommée  rue  Michel-Ange  ; 

Rue  D,  correspondant  à  la  partie  de  la  rue  d'Erlanger  qui  se  trouve  com- 
prise entre  la  rue  d'Auteuil  et  le  boulevard  Exelmans. 

On  n'exécuta  d'abord  que  les  travaux  des  rues  C  et  D;  ces  travaux  (1), 
qui  furent  terminés  en  1863,  donnèrent  lieu  à  une  dépense  de  780.824  francs. 

Le  décret  du  2  mars  1864  a  donné  à  la  rue  C  le  nom  de  Michel-Ange,  en 
mémoire  de  Michel-Ange  Buonarotti  (1475-1564),  qui  annonça  dès  l'enfance 
des  dispositions  extraordinaires  pour  les  arts,  fut  d'abord  protégé  par  Lau- 
rent de  Médicis,  qui  le  traita  comme  son  fils,  se  fixa  ensuite  à  Rome  sous  les 
papes  Jules  II  et  Léon  X  et  jouit  également  de  la  faveur  des  papes  Paul  III  et 
Jules  III.  On  lui  doit  la  statue  de  Moïse  dans  le  mausolée  de  Jules  II,  le 
tableau  du  Jugement  dernier  dans  la  chapelle  Sixtine  et  beaucoup  d'autres 
œuvres  grandioses,  parmi  lesquelles  les  statues  de  plusieurs  Médicis,  notam- 
ment //  Pensieroso  (le  Penseur),  et  les  Deux  Gladialeurs  du  Louvre.  Il  s  est 
imposé  à  l'admiration  du  monde  comme  sculpteur,  comme  peintre  et  comme 
architecte  ;  ce  n'est  qu'à  l'âge  de  soixante-douze  ans  qu'il  commença  la 
construction  de  Saint-Pierre  de  Rome  et  il  consacra  dix-sept  ans  à  ce 
travail.  —  La  rue  Michel-Ange  a  été  plantée  en  1877. 

On  remarque  aux  n*»'  25  et  27  de  la  rue  Michel-Ange  deux  hôtels  primiti- 
vement semblables,  de  style  renaissance,  construits  en  1880  par  M.  Eugène 
Le  Maire  et  tous  deux  précédés  d'un  perron  à  balustrades.  Celui  du  25  appar- 
tient à  M.  et  Mme  Emile  Potin,  et  celui  ^u  27,  agrandi,  à  M.  le  docteur  Salathé. 

La  partie  de  la  rue  d'Erlanger  comiprise  entre  la  rue  d'Auteuil  et  le  boule- 
vard Exelmans  a  été  terminée  en  1863.  Le  décret  du  19  août  1864  porte  : 
«  La  voie  nouvelle  ouverte  parallèlement  à  la  rue  Michel-Ange  sur  les  ter- 
rains de  M.  d'Erlanger  conservera  le  nom  de  ce  propriétaire,  nom  sous  lequel 
elle  est  déjà  connue.  >> 

La  maison  de  Ponson  du  Terrail  (2),  rue  d'Erlanger  n**  11,  avait  été  endom- 
magée par  le  bombardement  de  1871. 

L'arrêté  du  4  novembre  1869  autorisa  M.  d'Erlanger  à  ouvrir  la  partie  de 
la  rue  portant  son  nom,  qui  s'étend  du  boulevard  Exelmans  au  boulevard 
Murât  ;  il  fit  promptement  exécuter  ce  percement. 

Le  même  arrêté  autorisa  M.  d'Erlanger  à  faire  ouvrir,  sur  des  terrains  dont 
il  était  propriétaire,  la  rue  de  Varize,  divisée  en  deux  branches,  et  la  rue  de 
Civry.  Elles  furent  ainsi  dénommées,  par  décret  du  10  février  1875,  en  l'hon- 

(1)  Ces  travaux  ont  élô  dirigés  par  rlrigénieilr  en  chef  de  La  Galisserie,  Tingénieur 
îîernard  et  le  conducteur  des  ponts  et  chaussées  Duperron. 

(•2)  Voir  aux  annexes  (p.  385)  l'article  de  M»  Ei  Polirt  sur  les  ruines  de  1870-18714 


212  IIISTOIRI^    DC   XVI''   ARRONDISSEMENT 

neur  de  deux  villages  situés  près  deja  ville  de  Châteaudun,  illustrée  par  la 
défense  héroïque  du  18  octobre  1870.  Les  travaux  (1 1  faits  en  exécution  dudit 
arrêté  du  i  novembre  IHGl),  ainsi  que  pour  l'achèvement  de  la  rue  Chanez, 
ont  coûté  153.500  francs. 

Au  n*"  i.*)  de  la  rue  de  Varize,  se  trouve  Tasile  Schilizzi,  tenu  par  les  petites 
sœurs  des  pauvres  ;  il  a  été  fondé  par  MM.  Paul  Stefanowich  et  Jean  Schilizzi, 
au  nom  de  leur  frère,  M.  Demetri  Schilizzi,  banquier  à  Paris.  Le  terrain  a 
été  acheté  en  janvier  1896  et  la  construction  commencée  en  février  de  la 
même  année,  sous  la  direction  de  Tarchitecte  Vaudremer  ;  elle  a  été  terminée 
le  'H  mars  1897  ;  les  donateurs  ont  fourni  tout  le  mobilier.  S.  E.  le  cardinal 
Richard,  archevêque  de  Paris,  a  béni,  le  3  juillet  1897,  cet  établissement,  qui 
contient  ^0  vieillards  :  li5  hommes  et  1^5  femmes.  Il  est  uniquement  entre- 
tenu par  les  quêtes  que  font  chaque  jour  les  petites  sœurs  des  pauvres. 

Un  traité  fut  passé,  le  13  août  1867,  entre  la  Ville  de  Paris  et  M.  Perri- 
chont,  qui  fut  conseiller  municipal  d*Auteuil  de  1886  à  1896,  pour  l'exécution 
des  travaux  d'achèvement  de  la  rue  Molitor,  de  la  rue  Mirabeau  et  de  la  partie 
de  la  rue  Chardon-Lagache  située  entre  la  place  d'Auteuil  et  la  rue  Jou- 
venet. 

Les  travaux  de  la  rue  Molitor  furent  terminés,  en  1869,  entre  les  rues 
Chardon-Lagache  et  Michel-Ange,  ainsi  qu'entre  la  rue  d'Erlanger  et  le  bou- 
levard Murât. 

L'Institution  Notre-Dame-d'Auteuil,  établie  vers  le  milieu  du  xix*  siècle 
pour  l'éducation  des  jeunes  gens  et  dirigée,  avant  1860,  par  les  abbés  Lévêque 
et  Poiloux,  avait  un  vaste  parc,  ombragé  de  beaux  arbres,  qui  s'étendait 
encore,  en  1867,  de  la  rue  d'Auteuil  à  la  rue  Jouvenet,  le  long  des  propriétés 
bordant  la  rue  Boileau,  au  sud  est.  Ce  parc  occupait  l'emplacement  de  l'an- 
cien château  de  M.  Ternaux  (â),  qui  fut  d'abord  transformé  en  une  grande 
teinturerie,  rattachée  à  l'industrie  des  châles  Ternaux  (cachemires  français). 
M.  Laivessière,  l'un  des  derniers  propriétaires,  morcela  le  parc  ;  les  lots  abou- 
tissant sur  la  rue  Boileau  furent  promptement  vendus  et  bâtis.  En  185â, 
M.  Laveissière  fils  vendit  la  propriété  à  M.  Lévêque,  préfet  des  études  de 
l'Institution  Poiloux,  de  Vaugîrard,  qui  y  fonda  l'Institution  Notre-Dame- 
d'Auteuil,  contenant  alors  près  de  6  hectares.  L'abbé  Lévêque  mourut  en  1864 
et,  après  lui,  la  prospérité  de  l'Institution  déclina  :  la  distribution  des  prix 
de  1870  fut  la  dernière.  En  1868,  ce  beau  parc  ne  contenait  plus  que  A  hec- 
tares, parce  qu'il  avait  été  coupé  pour  l'ouverture  de  la  rue  Molitor  et  séparé 


(i)  Ces  travaux  ont  tHi^  dirigés  par  Tingénicur  Rousseau  cl  {Kir  le  conducteur  des  ponts 
cl  chaussées  Loiiiprcz. 

(2)  Celle  prupriélé  Ternaux  tMail,  au  xvii"  siècle,  aliénante  au  jardin  de  la  maison 
seigneuriale  des  abbés  de  Sainte-Cicneviève;  elle  avait  son  entrée  rue  du  Buis,  près  de 
la  place  de  l'Kglise,  cl  renfermait  deux  maiscms  conliguës.  Elle  appartint,  de  il^5à  iG5tj, 
k  Slichel  de  VerllKUinm,  marquis  de  ManoMivre,  conseiller  d'Klat,  et  à  sa  femme,  fille 
d'Etienne  d'Aligre,  surintendant  des  finances,  puis  chancelier  de  France.  Elle  fut  possédée, 
de  1609  à  iri77,  par  Edouard  Gayot,  et  achetée  le  '29  avril  1677  par  Louis  Prévôt  de  Maze, 
gentilhomme  de  la  maison  du  Roi,  qui  fit  reccmslruire  le  château  et  le  céda  à  la  mar- 
quise de  Rénel.qiii  mourut  en  1719.  Son  fils,  l'abbé  de  Rénel,  hérita  de  celle  propriété; 
M.  Parent  de  Rosan  croit  qu'elle  fut  habitée  par  d'Aguesseau.  Ouatre  ans  après  la  mort 
de  d'Aguesseau,  en  i75.\  elle  fui  acquise  moyennant  20.0(k>  livres  par  la  veuve  du  cheva- 
lier de  Marign>  :  elle  la  revemlil  en  177^  à  HenoisI  Decon,  ancien  substitut  du  procureur 
général  au  grand  conseil, qui  s'en  délit  en  1777,  moyennant  20.U00  livres,  en  faveur  d'IIéberl, 
trésorier  de  l'argenterie  du  Roi,  et  de  Bai  lieux,  marchand  de  musique. 


RUE  NOLITOR  2,3 

des  maisons  hospitalières  voisines  (Institution  de  Sainte-Périne  et  maison  dB 


2  »: 

a.    B 


retraite  Chardon-Lagache)  par  le  prolongement  de  la  rue  de  la  Municipalilé, - 
actuellement  nommée  rue  Chardon-Lagache. 


2l4  HISTOIRE   DU   XVI®  ARRONDISSEMENT 

En  1872,  la  Ville  de  Paris  acheta  le  reste  de  ce  parc,  soit  32.339  mètres 
carrés,  au  prix  de  833.000  francs  et  paya  en  plus  les  charges,  pour  y  établir 
récole  Jean-Baptiste-Say  (1)  et  l'école  normale  d'instituteurs.  Des  indications 
ont  été  données  pages  172  et  187  au  sujet  de  ces  deux  établissements  :  l'école 
normale  a  son  entrée  rue  Molitor,  n""  10. 

Au  n°  1  bis  de  la  rue  Molitor  se  trouve  Thôtel  Delfaut,  construit  par 
M.  l'architecte  Hector  Guimard;  la  partie  saillante  en  est  terminée  par  un 
pignon  garni  de  deux  petites  fenêtres  jumelles  cintrées,  surmontant  un  arc 
surbaissé,  qui  encadre  un  bas-reliefjen  faïence  vernissée,  dont  le  sujet  prin- 
cipal est  un  coq  gaulois  ;  au-dessous  du  bas  relief ,  la  fenêtre  rectangulaire  du 
premier  étage  s'ouvre  sur  un  balcon  en  fer  d'un  dessin  original. 

La  dénomination  de  la  rue  Molitor  lui  a  été  donnée  par  le  décret  du 
2  mars  1867,  en  mémoire  de  Gabriel -Jean- Joseph  comte  Molitor  (1770-1849), 
général  de  brigade  en  1799,  gouverneur  de  Dalmatie  en  1806  et  de  Poméranie 
en  1808,  maréchal  de  France  après  la  campagne  d'Espagne  en  1823,  gouver- 
neur général  des  Invalides  en  1847  et  grand  chancelier  de  la  Légion  d'hon- 
neur en  1848. 

La  villa  Molitor  a  été  ouverte  en  1873,  par  M.  Paul  Verhoeven,  sur  des 
terrains  dont  il  était  propriétaire,  entre  les  n**  7  et  9,  et  aboutit  au  croisement 
des  rues  Chardon-Lagache  et  Jouvenet. 

Le  pavage  en  pierre  a  été  converti  en  pavage  en  bois,  rue  Molitor,  entre 
les  rues  Boileau  et  Chardon-Lagache  en  mars  1900.  Puis  le  pavage  en  bois 
a  été  poursuivi  jusqu'à  la  rue  Michel-Ange,  là  où  s'infléchit  le  tracé  du 
tramway  électrique  à  plots  qui  sort  par  la  porte  de  Saint-Cloud,  pour  passer 
devant  le  cimetière  de  Billancourt  et  aboutir  au  pont  de  Billancourt.  Des  can- 
délabres à  incandescence  ont  été  installés  dans  cette  rue  au  mois  de  mai  de  la 
même  année.  En  1901,  on  a  percé  une  porte  dans  les  fortications,  en  prolon- 
gement de  la  rue  Molitor,  pour  la  faire  communiquer  avec  Boulogne  et  per- 
mettre l'établissement  du  tramway  de  Boulogne  à  Montreuil,  dont  le  tracé 
primitif  a  été  détourné  dans  la  rue  Michel-Ange.  La  création  d'un  nouveau 
bureau  d'octroi  à  la  porte  Molitor  a  été  autorisée  le  28  novembre  1901. 

La  rue  Mirabeau,  séparant  l'institution  de  Sainte-Périne  de  la  maison  de 
retraite  Chardon-Lagache,  a  été  terminée  en  1869  dans  toute  sa  longueur. 
Elle  a  été  ainsi  nommée,  par  décret  du  2  mars  1867,  en  mémoire  d'Henri- 
Gabriel  Riquetti,  comte  de  Mirabeau  (1749-1791),  orateur  et  homme  politique, 
qui  a  exercé  une  influence  prédominante  sur  les  résolutions  des  États  géné- 
raux de  1789,  où  il  représentait  le  Tiers-État  de  la  ville  d'Aix. 

On  a  commencé  en  1894  et  terminé  en  1897  le  ponl  Mirabeau  (2),  qui 
relie  à  Auteuil  la  grande  artère  qui  fait  communiquer  le  quai  de  Javel  avec 
les  entrepôts  de  Bercy  et  traverse  les  XV,  XIV'^  et  XIIP  arrondissements 
de  Paris,  sous  les  noms  de  rues  de  la  Convention,  d'Alésia  et  de  Tolbiac. 

La  partie  de  la  rue  Chardon-Lagache  qui  s'étend  de  la  rue  Claude-Lorrain 
à  la  rue  Jouvenet,  remplace  l'ancienne  rue  de  la  Municipalité,  qui  date  du 
xvm®  siècle  et  figure  au  cadastre  de  1823,  mais  était  beaucoup  moins  large;  la 


(i)  Voir  «1UX  annexes  (p.  462)  larticle  dt^jà  cité  de  M.  Emile  Potin  sur  l'école  J.-B.-Say, 
(ti)  Voir  aux  annexes  (p.  365)  ma  note  sur  la  Seine  entre  le  pont  d'Iéna  et  le  Point-du-Jour; 

voir 'également  aux  annexes  (p.  49»)  l'article  de  M.  L.  Mar  intitulé  :  Auteuil  il  y  a  deux 

cents  ans,  et,  p.  491  également,  un  article  sur  le  pont  Mirabeau, 


RUE   CHARDON-LAGACIIE  21 5 

rue  Chardon -Lagache,  en  eflfet,  a  une  largeur  de  20  mètres,  tandis  que  rarrétô 
préfectoral  du  27  septembre  1837  avait  fixé  une  largeur  de  8  mètres  pour  la 
ruç  de  la  Municipalité  qui,  jusqu'à  Tannexion,  se  terminait  en  impasse,  sans 
atteindre  Tavenue  de  Versailles. 

Dès  que  Tadministration  de  l'assistance  publique  eut  loué  à  la  Ville  de 
Paris  les  vastes  terrains  sur  lesquels  est  établie  Tinstitution  de  Sainte-Périne, 
-elle  proposa  d'ouvrir  un  lai^e  boulevard  entre  l'extrémité  de  la  rue  de  la 
Municipalité  et  la  place  de  l'Ëglise  d'Auteuil  et  de  donner  à  ce  boulevard  une 
largeur  de  ^  mètres  ;  par  délibération  du  il  septembre  1858,  le  conseil  muni- 
cipal d'Auteuil  refusa  de  concourir  à  la  dépense.  Mais  ce  projet  fut  repris 
aussitôt  après  l'annexion,  et  le  décret  précité  du  30  novembre  1862  prescrivit 
le  percement  d'une  rue  B,  prolongeant  la  rue  de  la  Municipalité,  entre  la  rue 
Jouvenet  et  la  place  d'Auteuil  ;  toutefois  ce  prolongement,  auquel  l'arrêté  du 
26  février  avait  donné  également  le  nom  de  rue  de  la  Municipalité,  ne  fut 
réalisé  qu'en  1869  ;  ce  travail,  qui  a  été  exécuté  par  M.  Perrichont,  a  coûté 
160.000  francs. 

L'arrêté  préfectoral  du  l'*"  août  1879  a  donné  à  la  rue  de  la  Municipalité  le 
nom  de  rue  du  Point-du-Jour.  L'utilité  publique  du  percement  de  cette  rue 
a  été  déclarée  par  le  décret  du  5  février  1889  pour  la  partie  comprise  entre  la 
rue  Jouvenet  et  le  boulevard  Exelmans,  par  le  décret  du  9  avril  de  la  même 
année  pour  celle  qui  s'étend  du  boulevard  Exelmans  à  l'avenue  de  Versailles. 
Le  prolongement  de  la  rue  Cbardon-Lagache  jusqu'à  l'avenue  de  Versailles, 
aux  abords  du  chemin  de  fer,  a  été  exécuté  en  1892,  moyennant  une  dépense 
de  11.000  francs. 

La  partie  de  la  rue  Chardon-Lagache  comprise  entre  le  boulevard  Exel- 
mans et  la  rue  de  Musset  a  été  élargie  et  améliorée  en  1896;  cette  opération 
a  coûté  10.000  francs. 

Des  candélabres  et  becs  à  incandescence  ont  été  installés  à  la  rue  Char- 
don-Lagache, en  novembre  1899,  entre  la  rue  Jouvenet  et  le  boulevard  Exel- 
mans, en  juin  1900  entre  les  rues  Jouvenet  et  d'Auteuil.  C'est  de  1900  que 
datent  la  mise  en  état  de  viabilité  des  terrains  cédés  à  la  voie  publique  par  les 
héritiers  Deschandeliers  (n"'  81-83,  à  l'angle  du  boulevard  Exelmans),  et  le 
convertissement  en  bois  du  pavage  en  pierre  devant  l'École  Jean-Baptiste- 
Say,  concurremment  avec  le  passage  du  tramway  Boulogne-Montreuil. 

Le  nom  de  rue  du  Point-du-Jour,  attribué  en  1879  à  cette  belle  voie,  pou- 
vait créer  une  confusion  avec  la  rue  du  m(^me  nom,  existant  à  Billancourt: 
aussi  le  décret  du  8  janvier  1895  et  l'arrêté  préfectoral  du  10  mars  1896  ont-ils 
donné  à  la  rue  qui  nous  occupe  sa  dénomination  actuelle,  en  mémoire  du 
philanthrope  Chardon-Lagache  (1806-1879),  dont  le  père  (1)  avait  exercé  la 
médecine  pendant  plus  de  cinquante  ans  à  Auteuil,  où  il  était  surnommé  le 
médecin  des  pauvres.  Il  avait  fait  une  grande  fortune  dans  le  commerce, 
s'occupait  sans  relâche  d'œuvres  philanthropiques  et  était  membre  du  conseil 
général  de  l'assistance  publique.  11  passait  la  plus  grande  partie  de  l'année 
dans  sa  propriété,  rue  d'Auteuil,  16  (2),  autrefois  rue  Molière,  26;  son  parc,  qui 
aboutissait  à  la  rue  d'Auteuil,  s'étendait  jusqu'aux  rues  Théophile-Gautier  et 


(i)  Voir  aux  annexes  (p.  495)   l'article  de  M.  E.  Potin  sur  Chardon-Lagache.  Les  archi- 
ves de  la  Société  historique  possèdent  une  Vie  de  cet  homme  de  bien. 
(2)  Ce  n'  i6  est  aujourd'hui  le  pensionnat  de  MUcs  Douré^ 


2.1 6  HISTOIRE  nu  xvi«  arrondissement 

George-Saûd  ;  après  la  mort  du  fils  de  Chardon-Lagache,  survenue  en  1893, 
cette  propriété,  qui  a  été  morcelée  par  des  opérations  de  voirie,  avait  été 
achetée  par  le  marquis  de  Casa-Riéra,  qui  avait  reçu,  dans  son  hùtel  de  la  rue 
de  Berri,  29,  la  reine  Isabelle,  au  moment  où  elle  quitta  TEspagne.  C^est 
M.  de  Casa-Riéra  qui  a  cédé  ces  terrains  pour  la  viabilité  des  rues  Mignet  et 
Leçon te-de- Lille;  c'est  dans  son  parc  que  furent  trouvées  des  pierres  de  Tan- 
cienne  église,  réédifiées  avec  goût  par  M.  Guimard  dans  la  cour  du  presbytère. 

La  maison  de  retraite  Chardon-Lagache,  dont  la  grille  se  profile  en  pan 
coupé  sur  la  place  d'Auteuil,  occupe  tout  Tîlot  compris  entre  les  rues  Char- 
don-Lagache, Wilhem  et  Mirabeau.  Elle  a  été  créée,  entre  1863  et  1865,  par 
Chardon-Lagache,  de  concert  avec  sa  femme  et  son  fils,  pour  abriter  des  vieil 
lards  des  deux  sexes,  ayant  au  moins  60  ans,  qui,  en  dépit  d'un  long  travail, 
n'ont  pas  pu  réunir  des  ressources  suffisantes  pour  vivre  chez  eux  ;  cette  maison 
est  aujourd'hui  complètement  administrée  par  l'Assistance  publique. 

L'Institution  de  Sainte-Périne  occupe,  avec  la  maison  de  retraite  Char- 
don-Lagache, une  grande  partie  du  parc  de  l'ancienne  propriété  seigneuriale 
qui  servait  de  maison  de  plaisance  (1)  aux  abbés  de  Sainte-Geneviève.  L'ab- 
baye de  Sainte-Périne,  à  laquelle  cette  Institution  doit  son  nom,  était  d'abord 
à  Compiègne  ;  elle  fut  transférée,  sous  Louis  XIV,  à  la  Villette.  En  1746,  cette 
abbaye,  à  laquelle  s'était  réunie  la  communauté  des  religieuses  chanoinesses 
de  l'ordre  de  Saint-Augustin  (établie  en  1638  à  Nanterre),  fut  installée  sur  le 
côté  droit  de  la  rue  de  Chaillot;  elle  portait  aussi  le  nom  de  Notre-Dame- 
de-la-Paix.  La  maison  de  Sainte-Périne  fut  fermée  sous  la  Révolution  ; 
M.  Duchayla  y  fonda,  en  1806,  avec  la  devise  :  Otium  cum  dignitale^  un 
asile  pour  la  vieillesse,  qui  avait  pour  présidente  d'honneur  l'impératrice 
Joséphine,  et  où  les  personnes  des  deux  sexes,  âgées  ou  infirmes,  étaient 
admises  moyennant  une  pension  annuelle  ou  te  versement  d'un  capital 
une  fois  payé.  Un  décret  du  i"  avril  1808  autorisa  cet  établissement,  dont 
l'ordonnance  royale  du  8  février  1815  confia  la  direction  à  l'administration 
des  hospices.  L'ouverture  de  l'avenue  Marceau  entraîna  l'expropriation  des 
terrains  occupés  par  cet  asile  :  c'est  alors  que  l'administration  de  l'Assis- 
tance publique  installa  cet  établissement  sur  le  vaste  domaine  d'Auteuil,  qui 
fut  agrandi,  le  30  janvier  1850,  par  Tacquisition  de  terrains  situés  entre  la 
rue  de  la  Municipalité  (aujourd'hui  rue  Chardon-Lagache)  et  l'avenue  de 
Versailles.  Le  millésime  de  1860  est  inscrit  sur  la  façade  du  bâtiment  prin- 
cipal. Les  pensionnaires  de  l'Institution  de  Sainte-Périne  paient  1.400  fr.par  an. 

Mlle  Scriwaneck,  qui  a  eu  autrefois  de  grands  succès  au  théâtre  du 
Palais-Royal,  habite  actuellement  l'asile  de  Sainte-Périne,  dont  les  pension- 
naires ayant  conservé  des  relations  dans  le  monde  des  théâtres  organisent, 
chaque  année,  cinq  ou  six  fêtes  intimes,  avec  le  concours  de  leurs  jeunes 
camarades,  les  artistes  en  activité  de  service. 

L'Institution  de  Sainte-Périne  a  été  ravagée  (2),  lors  du  siège  de  Paris,  par 
les  obus  des  armées  allemandes. 


(i)  Voir  aux  annexes  (p.  287^  l'article  de  M.  Antoine  Guillois  sur  Tanciennc  église 
d'Auteuil. 

Les  noms  des  différents  propriétaires  du  domaine  que  les  abbés  de  Sainte-Geneviève 
possédaient  à  Auteuil  ont  été  indiqués  ci-dessus  dans  l'histoire  de  la  rue  d'Auteuil. 

(2)  Voir  h  la  page  280  du  UV  volume  du  Bulletin  l'article  de  M.  le  docteur  Raymond 
sur  le  bombardement  de  Saint-Périne. 


BOULEVARD    EXELMANS  217 

L*expiration  du  bail,  en  1905,  pourra  donner  lieu  à  un  lotissement  du 
parc  de  Sainte-Périne;  si  cette  évenlualit^>  devait  se  réaliser,  il  serait  à  dési- 
rer que  des  conditions  fussent  imposées  aux  acquéreurs,  dans  un  intérêt 
esthétique,  pour  que  le  gracieux  aspect  de  ce  quartier  ne  soit  pas 
compromis  (1). 

La  fondation  Rossini,  établie  en  vertu  du  testament  de  ce  grand  compo- 
siteur, pour  les  chanteurs  et  musiciens  français  et  italiens,  vieux  et  sans  for- 
tune, se  trouve  auprès  de  la  rue  Wilhem,  dans  Tenclos  de  l'Institution  de 
Sainte-Périne,  avec  entrée  sur  la  rue  Mirabeau.  M"*  Monrose,  de  TOpéra- 
Comique,  fille  de  Tex-sociétaire  du  Théàtre<Français,  est  parmi  les  plus 
notables  pensionnaires.  Les  artistes  sont  reçus  gratuitement  à  la  fondation 
Rossini. 

On  construira  prochainement  de  nouveaux  bâtiments  annexes  de  la  fonda- 
tion Rossini  sur  un  terrain  de  500  mètres  carrés,  sis  rue  Wilhem,  touchant 
rinstitution  de  Sainte-Périne  et  acheté  par  TAssistance  publique. 

Le  nombre  des  pensionnaires  était,  en  1901,  de  239  à  Sainte-Périne,  135  à 
la  maison  de  retraite  Chardon-Lagache  et  M  à  Tasile  Rossini. 

Au  n^  41  de  la  rue  Chardon-Lagache  et  à  l'entrée  de  la  villa  de  la  Réu- 
nion, on  voit  une  villa  originale,  construite  en  1893  par  M.  Tarchitecte  Hec- 
tor Guimard,  en  pierres  meulières  et  briques,  avec  faïences  décoratives  et 
toitures  en  grosses  tuiles  rondes  vernissées  ;  le  cintre  de  la  porte  d'entrée  est 
abrité  par  un  large  auvent  angulaire  à  consoles  obliques. 

Gavarni  est  mort  dans  la  maison  qui  occupait  le  n""  29  de  la  rue  Chardon- 
Lagache,  là  où  l'on  voit  actuellement  trois  hôtels  modernes. 

L'avenue  de  la  villa  de  la  Béunion,  qui  joint  la  rue  Chardon-Lagache  à 
l'avenue  de  Versailles,  a  été  établie  en  1856.  Elle  donne,  au  n""  18,  accès  à 
Vavenue  de  VErmilagey  nom  donné  par  le  propriétaire,  parce  qu'elle  condui- 
sait à  un  kiosque  dit  TErmitage. 

Le  décret  du  14  juin  1861  a  déclaré  d'utilité  publique  le  prolongement  du 
chemin  de  fer  de  ceinture  depuis  la  gare  d'Auteuil  jusqu'à  la  ligne  d'Orléans  ; 
le  chemin  de  fer  d'Auteuil  au  Point-du-Jour  a  été  ouvert  à  Texploitation  le 
25  février  1867.  Le  principal  ouvrage  d'art  de  ce  chemin  de  fer  est  le  long 
viaduc  du  Point-du-Jour  (2),  dont  les  152  arches,  de  5  mètres  d'ouverture 
chacune,  constituent  une  sorte  de  passage  couvert.  D'après  le  plan  joint  au 
décret  du  14  juin  1861,  deux  voies  de  16*^,50  chacune  de  largeur  étaient  pro- 
jetées de  chaque  côté  du  chemin  de  fer,  entre  la  rue  d'Auteuil  et  le  quai  de 
la  Seine.  En  effet,  une  décision  du  ministre  des  Travaux  publics,  du 
30  avril  1862,  autorisa  la  création  de  deux  voies  latérales  au  chemin  de  fer, 
entre  la  rue  d'Auteuil  et  l'avenue  de  Versailles  ;  une  décision  semblable,  du 
24  juin  1863,  décida  le  prolongement  de  ces  deux  voies  entre  l'avenue  de 
Versailles  et  le  quai  d'Auteuil.  Les  travaux  ont  été  dirigés  par  M.  l'ingénieur 
en  chef  dés  ponts  et  chaussées  Darcel  et  ont  coûté  482.100  francs.  La  déno- 
mination de  boulevard  Exelmans  a  été  donnée  à  la  voie  de  chaque  côté  du 
viaduc  par*  décret  du  2  mars  1867,  en  mémoire  de  Rémi-Joseph-Isidore, 


(i)  Voir  dans  les  Causeries  de  Bianchon^  par  le  docteur  Maurice  de  Fleury,  un  joli  cha- 
pitre sur  Sainte-Périne. 

(a)  Voir  aux  annexes  (p.  366)  mon  article  sur  «  la  Seine  entre  le  pont  d'Iéna  et  le 
viaduc  d'Auteuil  •. 


^t8  HISTOIRE   DU   XVl**  ARRONDISSEMENT 

comte  Exelmans  (1775-185^),  qui  fut  aide  de  camp  de  Murât,  colonel  à  Aus* 
terlitz,  général  de  division  en  1812,  commanda  la  cavalerie  à  Waterloo,  fut 
nommé  pair  de  France  en  1830,  grand  chancelier  de  la  Légion  d*honneur  en 
1850  et  maréchal  de  France  en  1851.  Le  statuaire  Carpeaux  (1)  avait  son 
atelier  au  n""  25  du  boulevard  Exelmans;  le  général  vicomte  de  Montfort, 
beau-père  de  Carpeaux,  demeurait  au  n*  2  du  boulevard  Exelmans  et  y  mou- 
rut, le  !20  mars  1883,  à  l'âge  de  soixante -seize  ans. 

Par  actes  des  18  septembre  et  27  octobre  1860  (étude  Delapalme),  la  Ville 
de  Paris  acheta  pour  277.140  francs,  à  la  Compagûie  des  chemins  de  fer  de 
rOuest,  5.364  mètres  carrés  de  terrains,  provenant  originairement  du  parc 
de  Montmorency-Boufflers  ;  ces  terrains  ont  servi  à  élargir  la  rue  d'Auteuil, 
à  rectifier  le  débouché  de  la  rue  La  Fontaine  sur  la  rue  d'Auteuil,  à  établir 
le  marché  (2)  d'Auteuil,  ainsi  que  les  deux  rues  longeant  les  côtés  latéraux 
de  ce  marché  et  servant  à  l'isoler.  Ces  deux  rues  ont  été  dénommées,  par 
le  décret  du  2  mars  1867,  rue  Girodet  et  rue  Isabey  ;  après  avoir  été  longtemps 
des  voies  privées  appartenant  à  la  Ville,  elles  ont  été  classées  par  le  décret 
du  12  juin  1883  (3).  La  Compagnie  des  chemins  de  fer  de  l'Ouest  a  payé  la  moitié 
des  frais  de  mise  en  état  de  viabilité  de  la  rue  Girodet,  qui  est  la  plus  voisine 
de  la  gare.  Le  marché  d'Auteuil  a  été  construit  en  1866  et  1867  par  la  Com- 
pagnie générale  des  marchés,  à  qui  la  Ville  de  Paris  avait,  par  traité  du 
12  décembre  1865,  accordé  une  concession  de  cinquante  ans,  à  dater  de  l'ou- 
verture, pour  sept  marchés,  parmi  lesquels  figurait  celui  d'Auteuil,  compre- 
nant 111  places;  il  avait  été  ouvert  le  16  octobre  1867.  Le  terrain  sur  lequel 
il  existait  a  été  vendu,  loti,  bâti.  Un  marché  forain  l'a  remplacé,  qui  se  tient 
sur  le  terre-plein  des  rues  Donizetti,  La  Fontaine  et  d'Auteuil. 

Le  peintre  Anne-Louis  Girodet  (1767-1824)  avait  été  adopté  parle  médecin 
Trioson,  dont  il  joignit  le  nom  au  sien.  Parmi  les  tableaux  qu'on  lui  doit,  on 
peut  citer  :  Joseph  reconnu  par  ses  frères^  qui  lui  valut  le  grand  prix  de  Rome 
en  1789;  le  Sommeil  cTEndymion,  en  1791  ;  Hippocraie  refusant  les  présents 
dWrtaxerxès,  toile  magnifique  faite  en  1792  pour  son  tuteur,  le  docteur  Trio- 
son,  qui  en  fit  hommage  à  l'Académie  de  médecine  de  Paris  ;  Antiochus  et 
Stratonice,  en  1793;  Fingalavec  ses  guerriers^  dans  leur  séjour  aérien,  en  1802; 
la  Scène  du  Déluge,  qui  obtint  le  grand  prix  décennal  en  1806.  11  était,  en 
outre,  poète  et  a  traduit  Anacréon  et  Lucain, 

Jean-Baptiste  Isabey  (1767-1855),  peintre  des  cérémonies  et  du  cabinet  sous 
Napoléon  I",  qui  lui  donna  un  appartement  aux  Tuileries,  dessina  le  Sacre, 
fit  tous  les  portraits  de  la  famille  impériale,  notamment  celui  du  général 
Bonaparte  à  la  Malmaison.  Sa  collection  de  miniatures  est  un  des  monuments 
historiques  de  l'époque  ;  on  y  voyait  les  portraits  de  la  reine  Marie-Antoi- 


(i)  Le  décret  du  17  juillet  188-2  a  fixé  une  largeur  de  fx)  mètres  pour  le  boulevard 
Exelmans,  qui  est  planté  d'arbres;  les  alignements  et  nivellement  ont  été  établis,  pour 
la  partie  comprise  entre  l'avenue  de  Versailles  et  la  rue  Chardon-La gache^  par  le  décret 
du  26  avril  1897. 

(2)  Le  18  août  1826,  le  conseil  municipal  avait  émis  un  avis  favorable  à  rétablissement 
d'un  marché  h  Auleuil  pour  y  vendre  tous  les  jours  des  comestibles.  Ce  marché  est 
actuellement  démoli.  Sur  son  emplacement  une  rue  a  été  ouverte  et  des  immeubles  cons- 
truits. 

(3)  Nous  nous  souvenons  encore  du  joli  chalet  en  briques  et  du  grand  jardin,  avec  un 
très  beau  rideau  de  peupliers,  que  la  Compagnie  de  l'Ouest  louait  à  des  particuliers  e( 
que  les  modiflcations  dont  il  est  question  ici  ont  fait  disparaitrct 


RUE   THÉOPHILE-GAUTIER  SIQ 

nette  et  des  ducs  d'Angoulême  et  de  Berry.  Sous  la  Restauration,  il  devint 
directeur  des  décorations  de  l'Opéra,  peintre  du  roi  et  administrateur  des 
fêtes  et  spectacles  de  la  Cour.  Son  fils,  né  en  1801,  a  envoyé  des  tableaux 
remarquables  aux  Expositions  de  1824  à  1855. 

Dès  1876,  le  service  des  ponts  et  chaussées  étudia,  en  vue  de  la  reconstruc- 
tion de  réglise  d'Auteuil,  tout  un'programme  de  travaux  d'amélioration  aux 
abords  de  cette  église.  Ce  programme,  qui  a  été  sanctionné  par  le  décret  du 
27  janvier  1876,  comprenait  l'élargissement  de  la  rue  Williem  ci-dessus  men- 
tionnée, le  percement  de  la  rue  Corot  etTouverture  ou  achèvement,  à  20  mè- 
tres de  largeur,  d'un  prolongement  de  la  rue  de  la  Municipalité,  entre  la  rue 
d'Auteuil  et  la  rue  François-Gérard  ;  cette  dernière  section  s'est  nommée 
d  abord  rue  de  la  Municipalité  prolongée  ;  elle  a  fait  ensuite  partie  de  la  rue 
du  Point-du-Jour  et  se  nomme,  aujourd'hui,  rue  Théophile-Gautier.  Ces  der- 
niers travaux  (1),  exécutés  en  1876  et  1877,  ont  coûté  122.847  francs. 

La  rue  Corot,  qui  est  latérale  à  l'église,  et  renferme  le  presbytère,  a  été 
mise  en  état  de  viabilité  en  1877,  moyennant  une  dépense  de  10.300  francs. 
Son  nom  lui  a  été  donné  par  arrêté  préfectoral  du  4  février  1879,  en  mémoire 
du  célèbre  peintre  paysagiste  Jean-Baptiste  Camille  Corot  (1796-1875),  qui 
avait  obtenu,  en  1855,  la  médaille  de  1*^®  classe  ;  Corot,  homme  excellent,  a 
été  surtout  le  peintre  de  Ville-d'Avray  et  des  environs  de  Paris. 

L'ouverture  de  la  partie  de  la  rue  Théophile -Gautier  qui  est  comprise  entre 
la  rue  François-Gérard  et  la  rue  Gros',  ainsi  que  l'élargissement  de  cette 
dernière  rue  au  droit  d'immeubles  appartenant  à  la  Ville,  a  été  autorisée  par 
le  décret  du  10  juillet  1882.  Mais  les  démarches  à  faire  pour  l'acquisition  des 
terrains  ayant  été  très  laborieuses,  ces  travaux  ne  purent  être  commencés 
qu'en  1885,  année  pendant  laquelle  on  exécuta  la  première  partie  (2),  comprise 
entre  la  rue  François-Ciérard  et  l'avenue  Perrichont.  Le  dernier  tronçon  de 
la  rue  Théophile-Gautier,  entre  cette  avenue  et  la  rue  Gros,  donna  lieu  éga- 
lement à  de  très  longues  négociations  avec  les  propriétaires  de  terrains, 
de  sorte  que  la  percée  jusqu'à  la  rue  Gros  ne  put  être  réalisée  qu'en  1890. 
La  dépense  s'éleva  (3),  pour  ce  dernier  tronçon,  à  165.950  francs. 

Le  nom  actuel  de  cette  rue,  dont  la  plus  grande  partie  appartenait  autre- 
fois à  la  rue  du  Point-du-Jour,  lui  a  été  donné  par  le  décret  du  23  jan- 
vier 1892,  en  mémoire  de  Théophile  Gautier  (1811-1873),  poète,  publiciste, 
critique  et  littérateur,  grand  ami  de  Victor  Hugo  et  de  Gérard  de  Nerval. 
Il  a  passé  quelques  années  de  son  enfance  près  du  pont  de  Grenelle  et  a 
demeuré,  dans  sa  jeunesse,  rue  Gros.  Il  s'est  signalé  par  le  culte  de  l'art,  de 
la  beauté  et  du  romantisme  ;  son  style  original  peut  être  considéré  comme 
une  ciselure  littéraire. 

Au  n®  57  de  la  rue  Théophile-Gautier  se  trouve  un  établissement  d'in- 
struction, dirigé  parles  Dominicaines  du  Saint-Rosaire:  le  corps  principal 
du  bâtiment  est  l'ancien  château  des  Choiseul-Praslin.  C'est  dans  le  salon 
durez-de-chaussée  de  ce  château  que  périt  dans  les  flammes  la  princesse  de 

(i)  Ces  travaux  ont  tHé  exécutés,  sous  la  direction  d'Alphand  et  de  l'ingénieur  en  chef 
de  Fonlanges,  par  l'ingénieur  Bartet  et  le  conducleur  des  ponts  et  chaussées  Lomprez. 

(2)  La  direction  de  ces  travaux  a  été  contlée  à  l'ingénieur  en  chef  Barabanl,  l'ingénieur 
Habinet  et  le  conducteur  des  ponts  et  chaussées  Navez. 

(3|  Ces  travaux  ont  été  faits  sous  la  direction  de  l'ingénieur  en  chef  de  Tavernier,  de 
l'ingénieur  Babinet  et  du  conducteur  des  ponts  et  chaussées  Navez, 


220  HISTOIRE    DU   XYl*   ARRONDISSEMENT 

Carignan,  dont  la  robe  prit  feu  au  moment  où  elle  allait  se  rendre  au  bal. 
La  maison  fut  ensuite  occupée  par  une  école  ecclésiastique,  dirigée  parTabbé 
Millot,  puis  par  une  Institution  déjeunes  filles  dirigée  par  Mlles  Suleauet 
Moittié,  qui  la  cédèrent  aux  Dominicaines  le  8  septembre  1890.  Dans  le 
jardin,  on  remarque  un  portique  d'ordre  ionique  sur  le  fronton  duquel  on 
lit  cette  inscription  :  «  Ici  fut  la  maison  de  Molière.  » 

Le  maire  d*Auteuil  écrivait,  le  9  mars  1857,  au  sous-préfet  de  Saint-Denis 
que  les  200.(KK)  mètres  carrés  faisant  suite  au  plateau  de  Passy  et  se  trouvant 
placés  entre  le  bois  de  Boulogne,  le  chemin  de  fer,  la  villa  Montmorency  et 
la  rue  de  TAssomption,  qui  ne  renfermaient  autrefois  que  des  vignes,  étaient 
occupés  par  des  jardins  enclos  de  haies  et  par  des  maisons  de  campagne, 
dont  le  seul  inconvénient  consistait  dans  la  difficulté  des  communications, 
cette  région  n'étant  desservie  que  par  quatre  sentiers  ayant  2°S50  de  largeur 
et  dénommés  :  les  Fontis,  la  Cure,  le  Four  et  la  Petite-Fontaine.  Le  maire 
ajoutait  que  la  valeur  des  terrains  s*était  élevée  à  10  francs,  qu'elle  tendait  à 
augmenter,  qu'il  était  impossible  délaisser  ce  quartier  plein  d  avenir  dans  la 
situation  où  il  se  trouvait  et  qu'il  avait  nommé  une  commission  pour  étudier 
le  tracé  de  nouvelles  rues,  mais  que  cette  opération  rencontrait  des  difficultés 
sérieuses,  parce  que  le  plateau  comprenait  677  parcelles,  appartenant  à  plus 
de  cent  propriétaires.  En  vue  de  réaliser  ce  programme,  le  conseil  muni- 
cipal d'Auteuil  projeta,  le  2^  août  1857,  des  alignements  pour  la  sente  du 
Four  (aujourd'hui  rue  de  l'Yvette),  la  sente  de  la  Fontaine  (aujourd'hui  rue 
Raiïet),  la  sente  de  la  Petite-Fontaine  (aujourd'hui  rue  Chamfort)  et  la 
sente  des  Fontis  (aujourd'hui  rue  du  Docteur-Blanche)  ;  mais  ce  n'est  que 
bien  des  années  après  que  ces  sentes  ont  été  effectivement  transformées  en 
rues. 

L'ancienne  sente  du  Four  devait  son  nom  à  un  four  banal,  dont  il  est 
fait  mention  dans  des  titres  de  12-25,  1450  et  1257.  L'arrêté  du  1*'  fé- 
vrier 1877  a  donné  à  cette  voie  le  nom  de  rue  de  /'  Vveile;  elle  a  été  élargie  (  1  ) 
de  1883  à  1885,  près  de  son  débouché  sur  la  rue  Mozart,  moyennant  une  dépense 
de  52.250  francs. 

La  partie  de  la  rue  Raffet  qui  va  de  la  rue  de  la  Source  à  la  rue  du  Docteur- 
Blanche  remplace  l'ancien  sentier  de  la  Fontaine.  On  commença  en  1877  par 
améliorer  les  pentes  et  la  viabilité  de  cette  rue,  entre  celle  des  Fontis* 
(aujourd'hui  rue  du  Docteur- Blanche)  et  celle  de  la  Cure  (aujourd'hui  rue 
Jasmin),  moyennant  une  dépense  de  37.400  francs;  ensuite  on  exécuta  le 
prolongement  de  la  rue  Raflet  entre  celle  des  Fontis  et  le  boulevard  de  Mont- 
morency, opération  qui  a  coûté  19.000  francs.  Le  nom  de  cette  voie  lui  a  été 
donné  par  le  décret  du  24  août  1864,  en  mémoire  de  Denis-Auguste-Marie 
Raffet  (1804-1800),  qui  entra  en  1827  dans  l'atelier  de  Gros  et  plus  tard  dans 
celui  de  Charlet.  C'était  un  dessinateu^  habile  et  charmant,  un  aquarelliste 
remarquable.  On  distingue  parmi  ses  œuvres  V Album  du  voyage  du  prince 
Demidoff  en  Crimée  et  en  Asie-Mineure,  et  la  Bévue  nocturne^  espèce  de 
résurrection  des  soldats  des  armées  de  Napoléon  P',  se  pressant  devant 
l'ombre  du  grand  capitaine. 


(i)  Cet  élargissement  a  H6  exéculé  sous  la  direction  de  l'ingénieur  en  chef  Barabant, 
des  ingénieurs  Chabert  et  Dabinet,  et  du  conducteur  des  ponts  et  chaussées  Navez. 


RUE    CHAMPORT  221 

La  ruelle  de  la  Cure  (voie  privée)  a  son  entrée  entre  les  n**»  13  et  15  de  la 
rue  RaSet. 

La  rue  du  Docleur-Blanche  s*est  nommée  d*abord  sente,  puis  rue  des 
Fontis  et  occupe  la  partie  haute  du  coteau  d'Auteuil.  Ce  nom  de  Fontis 
(fondrières),  qui  a  été  appliqué  souvent  aux  affaissements  du  sol  provenant 
de  l'exploitation  de  carrières  souterraines,  provenait  ici  des  mouvements  de 
terrain  occasionnés  par  1  extraction  d'argiles  pour  la  fabrication  des  briques. 
Pour  opérer  un  raccordement  avec  la  riie  Raffet,  on  amorça  en  1877  la  mise 
en  état  de  viabilité  de  la  rue  des  Fontis  ;  moyennant  une  dépense  de  37.400  francs. 
En  vue  de  poursuivre  rœuvre  ainsi  commencée,  un  décret  du  31  janvier  1881 
autorisa  Télargissement  de  la  rue  des  Fontis,  la  mise  en  état  de  viabilité  fut 
complétée  au  prix  d'une  dépense  de  10.400  francs  pour  la  partie  comprise 
entre  les  rues  de  l'Assomption  et  de  l'Yvette,  et  d'une  dépense  de  29.000  francs 
pour  la  partie  restante,  c'est-à-dire  pour  celle  comprise  entre  la  rue  de 
l'Assomption  et  le  petit  tronçon  qui  avait  été  déjà  exécuté  en  1877,  en  même 
temps  que  la  rue  Rafiet. 

La  dénomination  actuelle  de  cette  rue  lui  a  été  donnée,  par  décret 
du  16  janvier  1894,  en  mémoire  du  médecin  aliéniste  Esprit  Blanche  (1796- 
1852),  qui  avait  établi  à  Montmartre  (1)  une  maison  de  fous  et  la  dirigeait 
avec  son  fils  le  docteur  Antoine-Emile  Blanche,  qui  vint  prendre  en  1847  la 
direction  de  la  maison  de  fous  de  la  rue  Berton  à  Passy  et  eut  deux  fils  :  l'aîné 
mourut  jeune  ;  le  second  est  le  peintre  Jacques  Blanche,  qui  habite  l'hôtel 
n*  19  de  la  rue  du  Docteur-Blanche,  où  son  père  était  venu  se  retirer  et  où  il 
mourut  le  17  août  1893.  Le  docteur  Meuriot  succéda  au  docteur  Blanche 
comme  directeur  de  la  maison  de  santé  de  la  rue  Berton  ;  il  avait  été  reçu 
docteur  en  1868  et  est  mort  en  mai  1901. 

La  rue  Dangeau  occupe  une  partie  de  l'emplacement  d'une  ancienne  sente 
étroite  et  sinueuse,  dite  de  la  Petite-Fontaine,  qui  est  marquée  au  cadastre 
de  1823.  Son  nom  lui  a  été  donné  par  le  décret  du  24  août  1864  en  mémoire 
de  Philippe  de  Courcillon,  marquis  de  Dangeau  (1636-1720),  favori  de 
Louis  XIV,  qu'il  accompagna  dans  toutes  ses  campagnes,  en  qualité  de 
colonel  aide-de-camp  ;  il  était  académicien  et  ami  de  Boileau,  qui  lui  dédia 
sa  Satire  sur  la  noblesse;  il  se  servit  de  son  crédit  pour  favoriser  les  gens  de 
lettres.  Dans  son  journal  historique  il  a  inscrit,  jour  par  jour,  de  1684  à  1720, 
tout  ce  qui  se  passait  à  la  cour  et  dans  la  famille  royale  ;  il  dit  en  mourant  : 
«  J'ai  la  conscience  de  n'avoir  jamais  écrit  dans  mou  journal  un  seul  men- 
songe. »  C'est  une  des  plus  courtes,  des  plus  étroites  et  des  moins  droites 
rues  de  Paris. 

La  rue  Chamfort  a  remplacé  une  partie  de  l'ancienne  sente  de  la  Petite- 
Fontaine;  le  nom  de  rue  Dangeau  ayant  été  attribué  à  la  voie  qui  va  de  la  rue 
Ribéra  à  la  rue  Mozart,  la  rue  très  courte  qui  va  de  la  rue  Mozart  à  la  rue  de  la 
Source  se  trouvait  sans  nom  ;  sur  la  demande  de  notre  collègue  M.  Antoine 
(juillois  et  la  proposition  de  la  Société  historique  (2) ,  sa  dénomination 
actuelle  lui  a  été  donnée  par  le  décret  du  8  janvier  1895  en  mémoire  du  poète 

(i)  Voir  les  pages  199  du  !•'  volume,  89  du  II*  cl  288  du  III"  du  Bullelin  de  la  Société 
historique  (VAuteuil  et  de  Passy. 

Voir  ci-dessus  les  indications  donm^es  au  sujet  de  la  maison  de  sanlt^  du  docteur 
Blanche  dans  riiistorique  de  la  rue  Berton. 

(2)  Voir  les  pages  44  <?!  ^^>  du  I"  volume  du  Buttetin. 


224  HISTOIRE   DU   XVI^  ARRONDISSEMENT 

peintre  Franco w  M/ W  (1815-1883),   Sixxieur  de  T Angélus,  des  Glaneuses,  etc. 

C'est  également  en  1889  qu'on  a  ouvert  Vimpasse  Exelmans,  voie  privée 
dont  rentrée  se  trouve  au  n*  5  du  boulevard  Exelmans. 

La  rue  Chapu  a  été  ouverte  comme  voie  privée,  entre  l'avenue  de  Versailles 
et  le  boulevard  Exelmans,  en  1893,  par  M.  Tassu,  architecte  et  propriétaire, 
moyennant  une  dépense  de  !25.806  francs.  Elle  a  été  classée  par  décret  du 
^  juin  1897  et  avait  été  nommée  d'abord  rue  Nouvelle,  puis  rue  Maxime;  le 
décret  précité  lui  a  donné  sa  dénomination  actuelle  en  mémoire  du  sculpteur 
Henri  Michel-Antoine  Chapu  (1833-1892),  membre  de  l'Institut,  auteur,  entre 
autres  œuvres,  de  cette  immortelle  statue,  la  Jeunesse,  au  tombeau  d'Henri 
Regnault. 

En  1894  et  1895,  deux  voies  nouvelles.  Tune  de  12  et  l'autre  de  i\  mètres 
de  largeur,  ont  été  ouvertes  par  M.  le  marquis  de  Casa-Riéra,  moyennant  une 
dépense  de  93.106  francs,  entre  les  rues  Théophile-Gautier,  George-Sand  et 
des  Perchamps.  Des  décrets  de  1896  ont  donné  à  ces  rues  les  noms  de  Leconie- 
de-Lisle  et  de  Mignel,  Le  célèbre  poète  Charles-Marie-René  Leconte  de  Lisle 
(1818-1894)  était  membre  de  l'Académie  française.  L'historien  François- 
Auguste-Marie  Mignet  (1796-1884),  ami  de  Thiers,  remplaça,  à  la  fin  de 
1836,  Raynouard  à  l'Académie  française  et  devint,  l'année  suivante,  secrétaire 
perpétuel  de  l'Académie  des  sciences  morales  et  politiques. 

M.  Huet  a  ouvert  en  1894  la  voie  privée  dite  rue  des  Grandes-Papeleries. 
et  M.  Sénécal  a  établi  en  1895,  moyennant  une  dépense  de  4.322  francs  la  voie 
privée  dite  rue  Pierre-Ducreux.  C'est  également  en  1895  qu'on  a  percé, 
moyennant  une  dépense  de  19.941  francs  une  voie  privée  dite  villa-Mozart, 
qui  se  trouve  au  n""  73  de  la  rue  Mozart  et  se  termine  actuellement  en  impasse, 
mais  doit  aller  jusqu'à  la  rue  La  Fontaine.  Cette  voie,  qui  a  été  établie  par  la 
Société  des  Immeubles  de  la  rue  La  Fontaine,  n'a  actuellement  que  58  et  aura 
plus  tard  354  mètres  de  longueur. 

Une  voie  nouvelle,  autorisée  par  arrêté  préfectoral  du  5  juillet  1898,  a 
été  ouverte  en  1899,  entre  le  boulevard  Exelmans  et  la  rue  Daumier,  au 
compte  de  M.  Fournier,  propriétaire;  le  décret  du  23  avril  1900  a  donné  le 
nom  de  rue  Auguste- Maquet  à  cette  voie,  qui  est  peu  éloignée  lie  la  porte  de 
Billancourt.  Elle  a  été  ouverte  sur  des  remblais  accumulés  depuis  quelques 
années  et  sous  lesquels  avait  achevé  de  disparaître  un  très  beau  jardin,  dont 
l'hôtel  a  été  récemment  démoli.  Ce  parc,  qui  avait  le  défaut  détre  en  contre- 
bas du  boulevard  Exelmans  et  exposé  aux  infiltrations  de  la  Seine,  lors  des 
hautes  eaux,  avait  été  admirablement  dessiné,  vallonné  et  planté,  avec  grotte, 
rivière,  ponts  rustiques.  11  appartenait  à  M"*°  Cuvelîer. 

Une  rue  nouvelle  va  être  percée  également  par  M.  Fournier  entre  la  rue 
Auguste  Maquet  et  le  quai  d'Auteuil. 

On  a  décidé,  en  1901,  l'ouverture  d'une  nouvelle  voie  devant  prolonger  la 
rue  Bosio,  sous  le  nom  de  rue  de  la  Mission-Marchand,  et  se  trouver  comprise 
entre  la  rue  Pierre-Guérin  et  la  rue  de  la  Source.  Le  décret  du  21  novembre 
1901,  qui  a  classé  ce  prolongement  de  la  rue  Bosio,  lui  a  assigné  une  lar- 
geur de  12  mètres  et  en  a  fixé  les  alignements  et  le  nivellement.  Cette  rue 
est  ouverte  sur  partie  du  jardin  ayant  dépendu  de  l'hôtel  de  M.  l'architecte 
Foulquier. 


IX.  —  Observations  sur  la  situation  et  Tavenir 

du  seizième  arrondissement. 


La  population  du  XVI«  arrondissement,  qui  était  de  43.33:2  habitants  en 
1872,  s'est  élevée  en  1901  à  117.087  âmes:  elle  a  donc  presque  triplé  pen- 
dant les  trente  dernières  années,  ce  qui  est  d'autant  plus  remarquable  que 
Taugmentation  est  principalement  due  à  l'immigration  d*une  population  fort 
aisée.  Il  y  a  tout  lieu  de  croire  qu'il  ne  s'agit  pas  ici  d'une  vogue  passagère  et 
que  cette  progression  continuera  ;  car  on  a  observé  dans  les  grandes  villes  de 
l'Europe  occidentale  et  de  l'Europe  centrale  que  la  population  jouissant  de 
revenus  d'une  certaine  importance,  se  porte  de  préférence  vers  les  quartiers 
de  Touest. 

Cette  tendance  générale  me  paraît  pouvoir  être  en  partie  attribuée  à  la 
prédominance,  dans  nos  régions,  des  vents  de  l'ouest,  qui  apportent  les  éma- 
nations de  la  campagne  sur  les  quartiers  occidentaux  et  celles  de  la  ville  sur 
les  parties  situées  dans  la  direction  opposée.  D'ailleurs,  les  vents  du  nord  et 
de  l'est  étant  beaucoup  plus  frais  et  moins  fréquents  que  ceux  qui  viennent 
de  l'Océan,  c'est  à  l'est  et  surtout  au  nord  des  grandes  villes  qu'il  est  d'usage 
de  cantonner  les  industries  incommodes  et  insalubres  qui  ne  peuvent  être 
établies  qu'après  une  autorisation  administrative,  et  dont  le  voisinage  est  peu 
agréable,  surtout  pendant  l'été. 

Non  seulement  le  XVI"  arrondissement  occupe  l'extrémité  occidentale  de 
Paris  rive  droite,  mais  encore  il  se  trouve  dans  une  boucle  de  la  Seine  qui 
est  voisine  de  très  belles  campagnes.  On  y  a  percé,  à  grands  frais,  des  avenues 
larges  et  bien  aérées  ;  le  voisinage  immédiat  du  bois  de  Boulogne  y  attirera 
toujours  les  amateurs  de  verdure  et  de  promenade  ;  il  est  très  salutaire  pour 
les  enfants.  A  ces  avantages  généraux,  le  quartier  de  Passy  joint  celui  de  repo- 
ser sur  un  sol  perméable,  par  conséquent  facile  à  assécher,  et  plus  élevé  que 
la  presque  totalité  de  celui  de  notre  grande  capitale.  Les  jardins  d'Auteuil, 
c*est  maintenant  Paris  et  c'est  en  même  temps  la  campagne  ;  on  n'y  a  pas, 
comme  aux  environs,  dans  la  banlieue,  le  brouhaha  de  la  circulation  et  l'en- 
combrement des  promeneurs  du  dimanche.  Aussi,  beaucoup  de  personnes  dé- 
sertent, quand  elles  le  peuvent,  les  anciennes  constructions  des  rues  étroites  du 
centre  de  la  Ville,  pour  venir  s'installer  dans  les  maisons  neuves  qui  ont  été 
récemment  bâties  en  grand  nombre  sur  le  solduXVb'  arrondissementetoûelles 
trouvent  des  ascenseurs,  des  monte-charges,  l'eau  froide  et  l'eau  chaude  à  tous 

i5 


226  HISTOIRE   DU   XIV*   ARRONDISSEMENT 

les  étages,  des  bow-windows,  salles  de  baias  et  galeries,  de  vastes  salons,  le 
chauffage  à  Teau  chaude,  le  téléphone,  Féclairage  électrique,  des  vérandas, 
une  distribution  intelligente  des  appartements  et  toutes  les  installations  du 
confortable  moderne. 

Les  spéculations  auxquelles  donne  lieu,  depuis  près  de  quatre-vingts  ans, 
la  mise  en  valeur  des  terrains  du  XVI*  arrondissement  y  ont  beaucoup  réduit 
rétendue  des  parcs  et  jardins.  Il  est  regrettable  et  fâcheux,  à  ce  point 
de  vue,  que  le  nombre  des  hautes  maisons  de  rapport  s'accroisse  constam- 
ment; mais  il  serait  bien  impossible  d'arrêter  ce  courant.  On  devra,  du  moins, 
s'attacher  à  ce  que  les  façades  soient  moins  uniformes  et  à  ce  qu'elles  présen- 
tent de  réiégance,  une  certaine  originalité  et  des  silhouettes  artistiques. 
D'ailleurs,  on  conservera  toujours  l'avantage  de  la  proximité  du  bois  de 
Boulogne  et,  même  dans  les  rues  entièrement  bâties,  les  vastes  îlots  qui  les 
séparent  ont  généralement  encore  beaucoup  d'arbres,  ne  fût-ce  que  ceux  des 
larges  et  nombreuses  avenues  et  d'un  grand  nombre  d'établissements  publics. 

Enfin,  Auteuil  et  Passy  sont  mis  en  relations  avec  la  gare  Saint-Lazare 
par  des  trains  extrêmement  fréquents  ;  l'extension  et  l'accélération  des 
moyens  de  transport  diminuent  considérablement  Tinconvénient  résultant 
de  ce  que  le  XVP  arrondissement  est  éloigné  du  centre  de  Paris  ;  l'adoption 
de  la  traction  mécanique  pour  les  tramways  a  déjà  réduit  très  sensiblement 
la  durée  des  trajets.  Une  amélioration  encore  plus  importante  a  été  récem- 
ment obtenue  pour  les  quartiers  desservis  par  les  premières  lignes  du  chemin 
de  fer  métropolitain,  qui  facilite  beaucoup  les  relations,  grâce  à  la  vitesse  et  à 
la  multiplicité  des  trains.  Quand  les  lignes  métropolitaines  auront  reçu 
tous  les  développements  dont  elles  sont  susceptibles,  les  négociants  et  les 
hommes  d'affaires  prendront  de  plus  en  plus  Thabitude  d'imiter  leurs  collè- 
gues de  Londres,  en  établissant  leur  domicile  de  famille  en  bon  air  et  dans  une 
demi  campagne,  tout  en  conservant  leurs  bureaux  dans  la  partie  centrale  de 
la  ville.  Le  perfectionnement  des  moyens  de  transport  (développement  des 
voies  ferrées,  augmentation  du  nombre  et  de  la  rapidité  des  trains,  abaisse- 
ment des  tarifs)  abrège  les  distances  et  constitue  un  des  principaux  facteurs 
de  la  prospérité  toujours  croissante  du  XVI*  arrondissement. 

Parmi  les  lignes  métropolitaines  actuellement  concédées,  la  seule  qui 
intéresse  le  territoire  du  quartier  d*Auteuil  est  celle  qui  partira  de  la  porte 
Molitor,  pour  traverser  la  Seine  à  Taval  du  pont  Mirabeau;  mais  elle  est 
insuffisante  pour  bien  desservir  Auteuil,  qu'elle  ne  fera  communiquer  qu'avec 
la  rive  gauche  plus  directement. 

11  est  indispensable  qu'on  facilite  davantage  les  relations  de  Passy  et 
d'Auteuil  avec  le  centre  de  Paris  en  concédant  une  nouvelle  ligne  pour  relier 
le  quartier  d'Auteuil  au  réseau  métropolitain  actuellement  exploité  dans  le 
XVP  arrondissement.  La  création  de  cette  nouvelle  ligne  a  été  admise  par 
une  délibération  du  conseil  municipal  de  Paris  en  date  du  13  juillet  1901.  Le 
tracé  aurait  son  origine  à  la  place  du  Trocadéro,  en  prolongement  du  tronçon 
qui  s'y  arrête  actuellement  ;  il  passerait  sous  l'avenue  Henri-Marlin,  depuis 
celte  place  jusqu'auprès  de  la  Mairie,  ensuite  sous  la  rue  de  la  Pompe  et  la 
rue  Mozart  et  aboutirait  à  la  porte  de  Saint-Cloud.  Entre  la  rue  Mozart  et 
cette  porte,  deux  tracés  sont  proposés  :  on  pourrait  suivre  soit  la  rue  La  Fon- 
taine et  la  rue  Michel-Ange,  soit  la  rue  Pierre-Guérin,  la  rue  Boileau  et 
l'avenue  de  Versailles.  Ce  dernier  tracé,  empruntant  des  rues  plus  étroites. 


OBSERVATIONS   SUR    LA   SITUATION   ET   l' AVENIR    DU   XVI*   ARRONDISSEMENT 


227 


serait,  sans  doute,  d'une  réalisation  moins  aisée  et  plus  coûteuse  (expropria- 
tioDs,  déplacements  d'égoûts,  etc.).  Quoi  qu'il  en  soit,  cette  ligne  augmente- 
rait le  nombre  des  stations  métropolitaines,  non  seulement  à  Âuteuil,  mai3 
encore  à  Passy,  etelle  aurait  une  clientèle  nombreuse»  La  population  de  ce 
quartier  augmente,  en  eflet,  chaque  année  et  a  beaucoup  de  relations  avec 
le  centre  de  Paris  ;  Taffluence  est  énorme  aux  courses  d*Auteuil,  surtout 
pendant  le  printemps  et  Tété. 

On  voit  déjà  Télectricité  briller  à  Paris  dans  divers  quartiers,  même 
excentriques,  tandis  qu*elle  n'éclaire  pas  encore  les  grandes  avenues  de 
Passy.  Il  serait  assurément  désirable  que  l'éclairage  électrique  fût  prochai- 
nement installé,  non  seulement  dans  le  jardin  des  Tuileries,  les  Champs- 
Elysées  et  l'avenue  de  la  Grande-Armée,  mais  encore  sur  les  pelouses  du  Ra- 
nelagh,  ainsi  que  sur  toutes  les  grandes  voies  du  XV!*"  arrondissement  et  du 
bois  de  Boulogne.  Si  ce  bois  était  éclairé,  au  moins  en  partie,  la  sécurité  y 
serait  mieux  assurée  et  l'on  pourrait  plus  aisément  y  donner  de  belles  fêtes; 
la  clientèle  devenant  plus  nombreuse,  la  Ville  verrait  s'augmenter  les  rede- 
vances provenant  des  loyers  des  concessions  qui  lui  donnent  déjà  de  très  belles 
recettes.  Les  propriétés  privées  augmentant  de  valeur^  les  revenus  provenant 
des  impositions  en  recevraient  une  certaine  impulsion  pour  la  Ville  et  pour 
l'État.  Il  conviendrait,  en  outre,  d'augmenter  au  bois  de  Boulogne  le  nombre, 
trop  restreint,  des  abris  pour  protéger  les  personnes  en  cas  de  pluie,  et 
d'allouer  des  crédits  annuels  plus  élevés  de  manière  à  permettre  un  entre- 
tien plus  soigné  des  avenues  et  des  pelouses,  ainsi  qu'un  curage  plus  fré- 
quent des  lacs  et  des  petites  rivières.  L'embellissement  du  bois  de  Boulogne 
n'intéresse  pas  seulement  les  habitants  du  XVI'^  arrondissement,  puisque  le 
chemin  de  fer  de  ceinture  et  les  autres  moyens  de  transport  y  amènent  de 
nombreux  promeneurs  qui  y  viennent  le  dimanche  de  tous  les  quartiers  de 
Paris,  pendant  la  belle  saison. 

Il  est  à  désirer  que  les  parcs  qui  ornent  encore  aujourd'hui  le  XVP  arron- 
dissement, notamment  celui  de  la  Muette,  ne  soient  pas  vendus  à  des  sociétés 
qui  y  feraient  construire  des  maisons  de  rapport.  Si  cette  éventualité 
devait  malheureusement  se  réaliser  pour  la  Muette,  il  faudrait  au  moins  que 
le  projet  de  lotissement  fût  établi  de  manière  à  réserver  de  larges  espaces 
où  l'on  conserverait  les  vieux  arbres  du  parc.  Cela  serait  même  Tîntérêt 
bien  entendu  de  la  spéculation,  parce  que  ce  serait  de  nature  à  attirer  des 
locataires  en  état  de  payer  des  loyers  élevés.  Il  conviendrait,  en  outre,  d'im- 
poser aux  acquéreurs,  par  les  contrats  de  vente,  des  servitudes  analogues, 
pour  les  façades,  à  celles  qui  régissent  l'avenue  Henri-Martin,  le  boulevard 
Suchet  et  d'autres  voies  du  XVI^  arrondissement.  Il  importe,  en  effet,  de 
ne  pas  dénaturer  l'aspect  du  Ranelagh  et  de  l'entrée  du  bois  de  Boulogne. 

On  devra  étendre  le  plus  possible  l'établissement  des  pavages  en  bois  et  en 
asphalte.  Le  carrefour  de  Passy,  situé  à  l'intersection  des  rues  de  Passy, 
Franklin,  Vineuse,  Raynouard  et  du  boulevard  Delessert,  est  trop  étroit;  cet 
inconvénient  s'est  encore  aggravé  depuis  que  les  tramways  à  air  comprimé 
empruntent  la  rue  Franklin  et  stationnent  à  la  rencontre  de  cette  rue  avec  Je 
carrefour;  il  serait  urgent  de  l'élargir,  et  cette  opération  serait  actuellement 
assez  facile,  puisque  les  maisons  à  rescinder  n'ont  qu'un  seul  étage. 

Le  lycée  Janson-de-Sailly,  où  le  nombre  des  élèves  a  atteint  le  chiffre  de 
1.853  en  1901,  ne  peut  pas  en  recevoir  un  plus  grand  nombre;  pour  être  en 


228  HISTOIRE   DU   XVI*  ARRONDISSEMENT 

mesure  de  satisfaire  aux  nouvelles  demandes  d'admission,  il  serait  utile  d'éta- 
blir à  Auteuil  un  établissement  d'enseignement  secondaire  organisé  suivant 
les  idées  modernes.  Danslecas  où  Tlnstitution  de  Sainte-Périne  serait  désaf 
fectée,  une  partie  de  remplacement  de  cette  Institution  pourrait  être  consa- 
crée à  cette  fondation.  11  serait,  d'ailleurs,  utile  d'assurer,  dans  de  bonnes 
conditions,  le  transport  des  élèves  entre  le  domicile  de  leur  famille  et  le 
lycée. 

Les  travaux  de  la  ligne  de  Courcelles  aux  Invalides  et  de  son  souterrain 
étant  entièrement  terminés,  on  reprendra  prochainement  les  constructions 
au-dessus  de  ce  souterrain,  notamment  auprès  de  la  rue  Gustave-Nadaud 
et  du  carrefour  formé  par  la  rencontre  des  rues  de  Passy,  de  la  Pompe, 
Boulainvilliers,  Mozart  et  de  la  chaussée  delà  Muette.  Ce  travail  sera  facilité 
par  le  percement  de  la  rue  que  la  Compagnie  des  chemins  de  fer  de 
l*Ouest  a  ouverte  entre  la  chaussée  de  la  Muette  et  la  rue  Gustave- 
Nadaud. 

Le  prolongement  de  la  rue  Mozart,  qui  devait  être  dénommé  «  avenue  de 
la  Muette  »,  est  projeté  depuis  le  second  Empire  ;  pour  le  faciliter,  on  a 
ménagé  des  amorces  à  la  place  Possoz  ;  le  point  où  il  devait  aboutir,  sur  la 
place  du  Trocadéro,  est  marqué  par  des  arcades  accolées  au  mur  de  soutè- 
nement du  cimetière  de  Passy  ;  mais  ce  prolongement  n'a  pas  encore  été 
exécuté.  Si  l'opération  de  voirie  qui  consisterait  à  le  réaliser  jusqu'à  la  place 
du  Trocadéro  parait  trop  coûteuse,  on  pourrait,  du  moins,  prolonger  la  rue 
Mozart  depuis  la  chaussée  de  la  Muette  jusqu'à  la  place  Possoz,  ce  qui  don- 
nerait un  débouché  par  la  rue  Cortambert  et  ferait  disparaître  le  rétrécisse- 
ment fâcheux  que  présente  la  rue  delà  Pompe  pi  es  de  sa  jonction  avec  la  rue 
de  Passy  ;  malheureusement,  ce  travail  entraînerait  la  démolition  de  la  mai- 
son remarquable,  dans  laquelle  le  cabinet  de  physique  du  roi  avait  été 
établi  au  xviii*'  siècle. 

C'est  à  la  station  de  l'avenue  Henri-Martin  que  se  trouve  la  bifurcation 
de  l'ancienne  ligne  (desservant  Auteuil,  le  Point-du-Jour  et  la  ceinture 
rive  gauche)  et  de  la  ligne  de  Courcelles  aux  Invalides,  qui  a  été  inaugurée 
en  1900  ;  elle  établit  une  communication  directe  entre  Passy  et  le  Champ  de 
Mars  et  permet,  grâce  au  nouveau  chemin  de  fer  reliant  la  station  des  Inva- 
lides à  celle  de  Viroflay,  d'aller  directement  de  l'avenue  Henri-Martin  à  Ver- 
sailles et  sur  les  lignes  du  réseau  de  l'Ouest,  sans  avoir  à  faire,  comme 
aujourd'hui,  un  détour  par  la  gare  Saint-Lazare.  La  station  de  l'avenue 
Henri-Martin  ne  pourra  pas  être  concurrencée,  dans  notre  région,  pour  le 
transport  des  voyageurs  allant,  par  les  véhicules  des  grands  réseaux,  de  la 
rive  droite  au  quai  d'Orsay,  attendu  que  des  considérations  d'esthétique, 
ainsi  que  l'énormité  des  dépenses  qu'il  faudrait  faire,  s'opposent  à  ce  que  la 
construction  d'un  pont  de  chemin  de  fer,  pour  le  passage  du  matériel  des 
grandes  Compagnies,  soit  autorisé  au-dessus  de  la  Seine,  entre  la  halle  aux 
vins  et  le  pont  d'iéna.  Mais  la  station  de  l'avenue  Henri-Martin  ne  prendra 
toute  l'Importance  qu'on  peut  en  attendre  que  si  on  réalise,  ce  qui  est  pro- 
bable, la  jonction  des  gares  desservant  à  Paris  les  grands  réseaux,  notam- 
ment celle  de  la  gare  des  Invalides  (réseau  de  l'Ouest)  avec  la  gare  du  quai 
d'Orsay  (réseau  d'Orléans). 

Le  déclassement  des  fronts  ouest  et  nord  de  l'enceinte  fortifiée  de  PariAf 
entraînant  la  suppression  de  cette  enceinte  entre  la  Seine  et  la  porte  de 


OBSERVATIONS  SUR   LA  SITUATION  ET   L*AVENIR   DU  XVI*  ARRONDISSEMENT        229 

Pantin,  a  été  admis  en  principe  par  la  loi  du  17  février  1898  (1).  Mais  une 
opération  aussi  importante  soulevait  de  grosses  difficultés  financières  :  la  Ville 
de  Paris  aurait  à  dépenser  une  cinquantaine  de  millions  pour  Texécution  des 
travaux  de  voirie  sur  cette  vaste  zone  ;  Tadministration  des  Domaines,  qui 
offrait  de  céder  à  la  Ville  les  terrains  dépendant  des  fortifications,  entre 
le  Point-du-Jour  et  Pantin,  estimait  à  130  millions  la  valeur  de  ces  terrains. 
La  municipalité  de  Paris  estimait  cette  évaluation  beaucoup  trop  élevée. 
On  peut,  d'ailleurs,  observer  que  le  prix  des  terrains  serait  avili  si  on 
voulait  les  vendre  tous  en  même  temps  aux  spéculateurs  disposés  à  y  élever 
des  constructions. 

A  la  suite  de  longues  négociations  entre  le  ministre  des  Finances  et  la 
Ville  de  Paris,  il  a  été  reconnu  d*un  commun  accord  que  la  vente  de  l'inté- 
gralité des  fronts  ouest  et  nord  de  Paris,  entre  la  Seine  et  Pantin,  n'était  pas 
opportune  ;  que  la  masse  totale  des  terrains  qui  deviendraient  ainsi  dispo- 
nibles, jointe  à  celle  des  zones  de  servitude  militaire,  serait  trop  considérable 
pour  ne  pas  influer  désavantageusement  sur  les  prix  ;  qu'en  outre,  beaucoup 
de  terrains  situés  dans  des  quartiers  peu  peuplés  encore,  n'ont  aujourd'hui 
qu'une  valeur  insignifiante  auprès  de  celle  qu'ils  sont  appelés  à  prendre  plus 
tard  ;  enfin  qu'il  convenait  de  limiter,  quant  à  présent,  Topération  à  la  seule 
fraction  susceptible  de  prendre  immédiatement  une  grande  plus-value, 
c'est-à-dire  à  celle  qui  longe  le  bois  de  Boulogne,  entre  la  porte  d'Auteuil  et 
la  porte  Maillot,  et  qui  borde  le  XVP  arrondissement. 

Il  a  paru  préférable  de  ne  projeter  actuellement  le  remplacement  de  l'en- 
ceinte fortifiée  par  de  nouveaux  quartiers  qu'entre  la  porte  d'Auteuil  et  la 
porte  Maillot,  parce  que  c'est  la  section  sur  laquelle  la  vente  des  terrains  sera 
le  plus  avantageuse  et  parce  que  les  difficultés  soulevées  par  un  déplacement 
de  l'octroi  ne  se  présenteront  point  pour  la  partie  qui  longe  le  bois  de  Bou- 
logne, puisque  ce  bois  se  trouve  déjà  compris  à  Tintérieur  des  barrières. 

La  Société  des  Amis  des  monuments  parisiens,  présidée  par  M.  Normand, 
a  émis  le  vœu  que,  lors  de  la  création  d'un  Paris  nouveau  sur  l'emplacement 
des  remparts  détruits,  les  pouvoirs  publics  veuillent  bien  témoigner  de  leur 
sollicitude  pour  la  beauté  de  Paris.  «  11  importe,  disait  cette  Société,  qu'une 
ceinture  de  villas,  et  non  de  bâtisses  de  commerce  ou  de  spéculation,  borde 
les  rues  nouvelles  et  le  bois  de  Boulogne  ;  qu'un  fragment  de  l'enceinte  soit 
conservé  comme  souvenir  de  Paris  qui  s'en  va  et  comme  élément  pitto- 
resque ;  que  suivant  les  vœux  du  congrès  de  l'art  public,  les  rues  soient  cou- 
pées de  jardins,  de  bancs  artistiques,  de  refuges  ayant  un  caractère  déco- 
ratif ;  enfin,  que  les  intérêts  de  la  spéculation  ne  soient  pas  seuls  consultés  et 
que  les  nouveaux  quartiers  à  naître  soient,  pour  Paris,  une  parure  nou- 
velle. » 

Satisfaction  est  donnée  à  ce  vœu  par  le  projet  que  M.  Bouvard,  directeur 
technique  des  services  d'architecture,  des  promenades  et  des  plantations,  a 
dressé,  avec  l'assentiment  de  la  commission  du  vieux  Paris,  pour  l'établis- 
sement de  nouveaux  quartiers  de  luxe,  sur  l'emplacement  des  fortifica- 
tions à  démolir,  entre  la  porte  d'Auteuil  et  la  porte  Maillot.  Cet  éminent 
architecte  s'est  attaché  à  créer  de  larges  avenues,  des  parcs  et  squares  tout 
remplis  d'arbres  et  de  verdure,  des  voies  spacieuses  souvent  obliques  pour 

(i)  Voir  les  indications  données  à  ce  sujet  page  ii3. 


l  ...  t 

23o  HISTOIRE    DU   XVI*   ARRONDISSEMENT 

ê 

éviter  runiformilé  et  la  banale  symétrie.  De  belles  perspectives  seraient 
ménagées  sur  le  bois  de  Boulogne,  notamment  en  conservant  toute  la  largeur 
(ie  la  porte  Dauphine,  de  celle  de  Passy  et  de  celle  qui  donne  le  point  de 
vue  de  la  porte  de  la  Muette  ;  enfin,  on  n'admettrait  que  des  façades  élégantes 
et  variées,  les  acquéreurs  des  terrains  devant  être  soumis  à  des  servitudes  qui 
sont  définies  de  la  manière  suivante  dans  la  convention  signée,  le  14  février 
190^,  par  M.  Caillaux,  ministre  des  Finances,  et  par  M.  de  Selves,  préfet  de 
là  Seinç  : 

a)  Il  ne  pourra  être  établi  aucune  construction  sur  les  zones  teintées  en  rouge  clair 
au  plan  annexé  ;  elles  seront  plantées  et  maintenues  en  parterres  d*agrénient. 
-  6)  Ces  terrains  seront  clos  en  façades  par  des  grilles  en  fer  d'un  modèle  et  hauteur 
déterminés  par  l'administration  municipale,  sur  socles  en  pierres  de  taille.  La  même 
grille  devra  être  établie  tant  sur  Taligncment  de  la  voie  publique  que  sur  les  lignes 
séparativoR  des  propriétés  dans  la  largeur  de  la  zone  cultivée  en  jardin.  Ces  grilles  ne 
pourront  être  obstruées  par  aucun  volet  ou  persienne  ;  elles  devront  être  constamment 
entretenues  en  bon  état  de  propreté.  Les  acquéreurs  des  terrains  seront  tenus  d'établir 
lesdites  grilles  de  clôture  sur  la  voie  publique  dans  un  délai  maximum  d'un  an,  à  l'excep- 
tion du  premier  acquéreur  de  l'ensemble  desdits  terrains,  tant  qu'il  ne  les  aura  pas  uti- 
lisés. 

c)  Il  ne  pourra  être  élevé  en  façade  sur  la  zone  non  œdificandi  que  des  maisons  d'habi- 
tation bourgeoise  ;  en  conséquence,  aucun  genre  de  commerce  ou  d'industrie  ne  pourra 
y  être  exercé  à  moins  d'autorisation  spéciale  de  la  Ville  de  Paris. 

d)  Les  façades  principales  des  constructions  seront  établies  parallèlement  à  la  voie 
publique  ;  les  parties  latérales  des  bâtiments  qui  ne  se  relieraient  pas  entre  eux  devront 
recevoir  une  décoration  analogue  à  celle  de  l'ensemble,  mais  sans  obligation  d'ouver- 
tures, chaque  propriétaire  devant  faire  son  aflTaire  personnelle  des  dispositions  à  prendre 
avec  ses  voisins  pour  que  la  présente  condition  reçoive  son  exécution.  Aucune  des  faces 
de  CCS  constructions  ne  pourra  présenter  de  mur  nu,  dit  pignon  séparatif,  ni  recevoir 
d'enseignes,  réclames  ou  afflches.  Pour  garantir  l'exécution  des  clauses  qui  précèdent, 
les  propriétaires  des  terrains  seront  tenus  (i)  de  soumettre  à  l'approbation  de  l'adminis- 
tration municipale,  avant  tout  commencement  d'exécution,  les  plans  des  constructions 
projetées. 

Ces  servitudes  remplaceraient,  pour  les  boulevards  Lannes  et  Suchet, 
celles  qui  leur  sont  actuellement  imposées  ;  la  largeur  de  ces  boulevards 
serait  portée  à  20  mètres.  Un  pont  serait  construit  en  prolongement  de  la  rue 
Ràfïet. 

La  Ville  de  Paris  deviendrait  propriétaire  de  toutes  les  voies  publiques  à 
créer  (dont  la  superficie  est  évaluée  à  environ  190.000  mètres  carrés),  ainsi 
que  du  sol  des  boulevards  Lannes  et  Suchet.  Le  montant  des  dépense^  de 
démolition,  de  nivellement  et  viabilité  pour  travaux  à  faire  par  la  Ville,  lui 
serait  avancé  par  TÉtat  jusqu'à  concurrence  de  8  millions  ;  ces  avances,  qui 
seraient  remboursées  ultérieurement,  produiraient  un  intérêt  de  3,25  p.  100, 
qui  ne  commencerait  à  courir  que  deux  ans  après  la  ratification  de  la  conven- 
tion. La  Ville  devrait  achever  les  travaux  dans  un  délai  de  dix-huit  mois  à 
dater  de  cette  ratification. 

Un  projet  de  loi  approuvant  la  convention  passée  entre  l'État  et  la  Ville 
de  Paris,  le  14  février  1902,  a  été  déposé  le  17  du  même  mois  à  la  Chambre 
des  députés  par  les  ministres  des  Finances,  de  la  Guerre  et  de  l'Intérieur. 


(i)  La  Société  des  Amis  des  monuments  parisiens  'avait  demandé  qu'une  servitude  de 
hauteur  (correspondant  à  trois  étages  au  plus)  fût  imposée  par  la  ville  pour  les  maisons 
du  nouveau  quartier,  afin  qu'on  ne  pût  pas  y  remplacer  des  hôtels  élégants  par  de  hautes 
maisons  de  rapport.  Cette  restriction  n*a  pas  été  admise. 


ANNEXES 


REPRODUISANT    DIVERS    ARTICLES 
INSÉRÉS  DANS  LE  BULLETIN  DE  LA  SOCIÉTÉ  HISTORIQUE  D'AUTEUIL  ET  DE  PASSY 

AINSI  QUE 
LA  COPIE  D'ACTES  CONCERNANT  LE  XVI*  ARRONDISSEMENT 


ANNEXES 


REPRODUISANT    DIVERS  ARTICLES 
INSÉRÉS  DANS  LE  DULLETIS  DE  LA  SOCIÉTÉ  HISTORIQUE   D'AUTEUIL  ET  DE  PASST 

AINSI  QUE 
LA  COPIE  D  ACTES  CONCERNANT  LE  XVI*  ARRONDISSEMENT 


UNE  COUTUME  DE   L'ANCIEN  VILLAGE 
DE  CHAILLOT 

P.  Lazare,  dans  son  Dictionnaire  administra- 
tif et  historique  des  rues  de  Paris,  p.  246, 
cite  une  cootume  de  l'ancien  village  de  thaillot 
^ui  nous  semble  pea  connue. 

€  Ce  hameau,  dit-il,  faisait  autrefois  partie  du 
«  domaine  du  roi.  Avant  l'origine  des  affranchis- 
«  sements,  c'est-à-dire  au  xn^  siècle,  il  y  régnait 
«une  coutume,  nommée  Be'fert  ou  Béfeht,  qui 
«  mérite  d'être  rapportée.  La  femme  et  les  enfants, 
«  contre  l'usage  ordinaire,  suivaient  le  sort  du 
«  mari  quant  à  la  servitude  ;  par  exemple,  une 
€  femme  de  Chaillot,  serve  du  roi  par  naissance, 
«  qui  épousait  un  homme  serf  de  Sainte-Gene- 
«  viève  à  Auteuil,  devenait  serve  de  l'abbaye  de 
«  Sainte-Geneviève,  ainsi  que  tons  les  enfants 
<  qu'elle  mettait  au  monde  ;  et  réciproquement,  si 
«  une  femme  d' Auteuil  épousait  un  homme^serf 
«  du  village  de  Chaillot,  la  femme  et  les  enfants 
*  devenaient  esclaves  du  roi.  » 


DEUX    CENTS   ANS    DE   QUERELLES 
SUR  LE  NOM  D'AUTEUIL 

Les  mystères  de  la  linguistique  m'ont  toujours 
inspiré  une  respectueuse  surprise.  Cette  science 
donne,  paratt-il,  la  clef  de  toutes  les  difficultés 
sur  l'origine  des  noms  d'hommes  et  des  noms  de 
lieux  ;  l'humanité  est  replacée  au   bel  ûge  qui 

f précéda  la  tour  de  Babel  ;  plus  de  confusion  des 
angues  ;  toutes  celles-ci,  grâce  aux  travaux  accu- 
mulés d'érudits  philologues,  sont  ramenées  à  trois 
grandes  classes  :  celle  des  langues  à  flexion,  qui 
BOUS  intéresse  particulièrement,  se  divise  en  deux 


familles,  dont  l'une,  la  famille  des  langues  arvennes 
ou  indo-européennes,  plus  siMkiale  à  l'Europe, 
engendre  des  groupes  bien  définis,  se  subdivisant 
en  branches,  en  rameaux  sur  lesquels  s'alignent 
les  lances  antiques  et  modernes,  comme  le  latin 
et  l'ancien  gaulois,  comme  le  français,  le  breton, 
l'anglais,  l'allemand,  etc.  La  signification  des 
noms  de  Chandernagor  (la  <  ville  du  bois  de  santal  » 
on  la  €  ville  de  la  lune  »,  au  choix)  ;  de  Tom- 
bouctou  (la  «  ville  d'entre  les  dunes  »),  de  Papetee 
(la  «  Petile-Eau  »,  la  <  ville  des  ruisselets  »,  notre 
chef-lien  de  Tahiti,  cette  perle  de  l'Océanie),  n'a 
plus  de  secrets  pour  nos  savants  et  même  pour 
nos  étudiants  :  tout  cela  est  admirable,  surtout 
pour  les  profanes. 

«  Mais,  me  suis-je  dit  à  moi-même,  si,  pour 
aborder  ces  belles  et  savantes  études,  je  commen- 
çais par  le  nom  du  lieu  que  j'habite  ?  Si  je  me 
rendais  un  compte  exact  de  la  signification  du  nom 
d'Auteuil,  sur  lequel  il  me  semble  avoir  aperçu, 
de  c^té  et  d'autre,  quelques  indications  un  peu 
vagues  et,  autant  qu'u  m  en  souvient,  un  peu  con- 
tradictoires ?  » 

Hélas  !  pour  mon  début  dans  la  linguistique,  je 
tombais  sur  une  des  questions  les  plus  inextri- 
cables, auprès  de  laauelle  les  jungles  de  l'Inde, 
les  marais  du  Bhar-el-Ghazal,  les  maquis  même 
de  la  procédure  pouvaient  passer  pour  être  d'une 
pénétration  facile.  N'importe;  aiguillonné  par  la 
difficulté,  me  débattant  au  milieu  des  broussîdlles, 
recourant  à  l'assistance  des  savants  de  profession, 
j'espère  m'ètre  frayé  on  chemin  à  travers  cette 
forêt  vierge  et  je  crois  de  mon  devoir  d'offrir  à 
notre  Société  historique  la  primeur  et  le  résumé 
de  l'indigeste  travail  que  je  vais  avoir  la  hardiesse 
de  mettre  prochainement  au  jour,  en  l'allégeant  ici 
de  presque  tout  le  fatras  de  citations  latines,  cel- 
tiques et  autres  dont  je  me  suis  trouvé  dans  la 
nécessité  de  le  charger. 

Il  y  a  déjà  quelane  deux  cents  ans  que  la  discus- 
sion est  ouverte  ;  ta  difficulté  de  la  clore  tient  aux 
causes  suivantes  : 


23^ 


HISTOIRE   DU   XVI*  ARRONDISSEMENT 


D'abord,  le  nom  d^Aateoil,  malgré  sa  simplicité, 
sa  bonhomie  apparente,  est  d*iiiie  décomposition 
difficile  :  la  première  partie  da  mot,  oti,  le  préfixe, 
change  notablement  de  forme,  soivant  qu'il  est 
écrit  en  français  on  en  lalin,  et  ces  diverses  formes 
paraissent  rentrer  tantôt  dans  le  groupe  ita- 
lique, tantôt  dans  le  groape  celtique,  tantôt  dans 
le  groupe  germanique  ;  la  dernière  partie  du  mot, 
euil,  le  suffixe,  est  une  forme  très  répandue  tant 
en  français  que  dans  les  textes  latins,  mais  géné- 
ralement banale,  non  caractéristique  et  à  cause 
de  cela  négligée.  Puis,  les  études  déjà  faites 
péchaient  un  peu  en  ce  que  chacun  des  auteurs  ne 
s'attachait  guère  qu'à  une  localité,  celle  de  sa 
région,  sans  étudier  à  fond  les  autres  localités  du 
même  nom. 

Cependant  les  lieux  portant  le  nom  d*Auteuil, 
ou  de  son  diminutif  Antooillet,  doivent  avoir  —  on 
s*accorde  à  le  reconnaître  —  une  même  origine 
linguistique.  Voyons  leur  nombre  et  leur  réparti- 
tion en  France. 

Nous  en  rencontrons  dix,  tous  dans  le  bassin 
de  la  Seine,  sauf  un  seul,  qui  en  est,  d'ailleurs, 
très  rapproché.  Ce  sont  :  Auteuil  (Seine),  Auteuil 
et  AntouiUet  (Seine-et-Oise),  Auteuil  (Seine-et- 
Marne),  Auteuil  et  Autheuil-en- Valois  (Oise),  Au- 
theuil  et  Authouillet  (Eure),  Autheuil  (Eure-et- 
liOir),  Autheuil  (Orne).  Que  le  nom  s'écrive  sans 
h  ou  avec  un  h  après  le  t,  cela  n'est  d'aucune 
importance,  comme  le  montre  Littré  à  propos,  par 
exemple,  du  mot  français  Haut  et  de  ses  formes 
berrichonne,  latine,  provençale,  catalane,  espa- 
gnole, italienne,  etc. 

Afin  de  me  constituer  une  base  d'opérations, 
j'ai  commencé  par  récolter  le  plus  grand  nombre 
possible  des  formes  les  plus  anciennes  du  nom 
qu*il  s*agit  d'étudier.  Pour  les  communications  de 
ce  genre  qui  m'ont  été  faites,  je  dois  des  remer- 
ciements particuliers  à  M.  l'abbé  Porée  en  ce  qui 
concerne  l'Eure,  à  M.  le  comte  de  Dion  pour  ce 
qui  se  rapporte  au  département  de  Seine-et-Oise, 
à  H.  le  vicomte  de  Caix  de  Saint- Aymour,  très 
documenté  sur  le  département  de  l'Oise,  à  H.  H. 
Lecesne  pour  le  département  d'Eure-et-I^ir,  à 
M.  Louis  Duval,  pour  le  département  de  l'Orne. 

Ce  que  nous  trouvons  de  plus  ancien  remonte 
an  commencement  du  ix*^  siècle  et  se  rencontre 
dans  le  polyptique,  ou  livre  censier,  de  Saint- 
Germain-des-Près,  écrit  par  Irminon,  qui  fut  à  la 
tête  de  cette  riche  abbaye  de  l'an  800  à  l'an  830 
environ,  et  mis  an  jour,  avec  addition  de  très 
savants  commentaires,  par  M.  Benjamin  Guérard 
et  par  M.  Longnon.  Parmi  les  dépendances  de 
l'abbaye  figurent  des  terres,  des  vignes,  des  mai- 
sons, des  serfs,  des  fermiers  vivant  sur  le  territoire 
d'Auteuil  (Seine-et-Oise ,  canton  de  Montfort- 
l'Amaury).  I^  nom  de  cette  localité  est  toujours 
écrit  Altôgilum  (ou  Altogilus,  au  nominatif,  sui- 
vant certaines  personnes).  Les  formes  du  x^  siècle 
manquent.  Celles  du  xi«  sont  Altolium,  Alioilum, 
Altuillium  pour  Autheuil  (Eure)  et  Auteuil  (Oise). 
An  XII*  siècle  apparaît  d'abord,  en  ii09,  le  nom 
de  notre  Auteuil  parisien,  dans  la  charte  d'échange 
entre  l'abbaye  du  Bec  et  le  chaoitre  de  Sainte- 
Geneviève;  le  nom  y  est  écrit  Altôgilum  d'après 
Tabbè  Lebeuf  et  Adrien  Le  Valois,  Altoilum 
d'après  M.  de  Lasteyrie.  En  ii77,  ce  même  nom 


s'écrit  Auteohun;  pus  il  devint  Altolliun,  Alton- 
linm,  Altolium,  Aatolium,  Autheuil,  Auteuil. 

Je  vous  fais  grâce  de  nombreuses  mentions,  des 
XII*  et  XIII*  sièdes,  concernant  des  localités  homo- 
nymes de  l'Oise,  de  SeineetOise,  de  l'Eure,  d'Eure- 
et-Loir,  et  je  résume  le  tout  de  la  manière  sui- 
vante : 

La  forme  Alt  (ogilom,  oilam,  olinm)  tsi  bien  la 
plus  ancienne  de  tontes;  exclusive,  du  ix*  au 
XI*  siècle,  elle  se  montre  encore  au  xii*,  concur- 
remment avec  les  formes  françaisec,  Alt  (nil,  eil, 
el),  plus  fréquente  que  les  notations  Aut  (oilum, 
olium),  Aut  (ol,  uil),  et  elle  persisté  an  xiii*8iède. 
Il  parait  dès  lors  rationnel  de  coi^jectnrer  que  le  nom 
de  nos  localités  situées  dans  des  pays  de  langues  d*od 
devait  se  prononcer  originairement  Altoil,  Altol  on 
Alteil. 

Cest  le  savant  abbé  Lebeuf  qui,  le  premier, 
dans  son  Histoire  frumutnentaU  du  diocèse  de 
Paris  écrite  ily  a  deux  cents  ans,  a  émis  uneopinion 
sur  l'étymologie  de  notre  Auteuil.  S'attachant 
uniquement  au  préfixe  au  de  la  forme  française  et 
relativement  moderne,  il  estimait  qu'il  signifiait 
prairie  en  langue  celtique  et  que  ce  sens  se  jus- 
tifiait par  les  prairies  qui  existaient  ou  qui  avaient 
dû  exister  sur  le  territoire  d'Auteuil,  au  long  de 
la  Seine.  Les  critiques  ne  manquèrent  pas  à  cette 
interprétation.  Si  FAuteuil  ancien  pouvait  se  faire 
remarquer  par  sa  ceinture  forestière,  par  ses 
vignes,  par  son  coteau,  il  n*apparatt  nullement, 
ni  d'après  les  documents  anciens,  ni  d'après  les 
apparences  actudles,  qu'il  ait  jamais  été  un  pays 
de  prairies.  Les  savants  se  sont  fait  un  plaisir 
d'ajouter,  pour  faire  un  peu  échec  à  l'abbé  Lebeuf, 
que  le  mot  auquel  celui-ci  donnait  le  sens  de  prairie 
était  germanique  et  non  celtique,  et  qu'il  s  ortho- 
graphuiit  aue  ou  awe,  et  non  au.  Ce  qui  est  plus 
sérieux,  c'est  que  ce  malheureux  préfixe  n'est  pas 
du  tout  celui  que  l'on  rencontre  dans  les  docu- 
ments les  plus  anciens,  ou  le  nom  commence  par 
les  lettres  AU, 

L'intelligente  imagination  de  plusieurs  étymo- 
légistes  s'est  donné  carrière  sur  cette  dernière 
racine.  Quelques-uns  ont  voulu  y  voir  une  rémi- 
niscence du  mot  latin  altare  (autel).  «  On  prétend, 
dit  H.  de  Feoardent  dans  son  Histoire  d'Auteuil, 
que  les  premiers  habitants  de  ce  village  ayant 
groupé  leurs  maisons  autour  d'une  chapelle  ou 
collège  que  les  Druides  avaient  autrefois  fait  cons- 
truire dans  la  forêt  de  Rouvret  et  sur  la  partie  la 
plus  élevée,  ce  lieu  fut  appelé  en  latin  Altare 
(autel).  »  Notre  collée,  M.  Guillois,  dont  la 
sagace  érudition  a  éclairci  tant  de  points  de  notre 
histoire  locale,  a  écrit  aussi  dans  noire  Bulletin  : 
«  Auteuil,  dont  l'étymologie  est  due  au  collège 
des  Druides  qui,  suivant  la  tradition,-  s'étaient 
établis  dans  cette  partie  de  la  forêt  de  Rouvray.  » 
Il  a  rappelé  ensute  l'étymologie  (prêtée  ail- 
leurs) tirée  du  mot  Altus  (locus)  qui,  dit-il,  «  ne 
détruirait  même  pas  la  première  interprétation, 
l'idée  exprimée  par  altus  s'appliquant  aussi  bien 
à  ce  qui  est  sacré  qu'à  ce  qui  est  élevé  :  altuSt 
altar.  Les  autels,  dans  le  principe,  étaient  tou- 
jours sur  les  lieux  élevés  ». 

Cette  interprétation  a  malheureusement  contre 
elle  la  linguistique,  aussi  bien  que  les  notions 
les  plus  sérieuses  de  l'archéologie.  Les  Druides, 


ANNEXEE 


235 


cTomme  on  le  sait,  ne  connaissaient  pas  les  temples. 
Ottant  aux  monuments  mégalithiques  (dolmens, 
menhirs,  etc.),  appelés  à  tort  pierres  druidiaues, 
ils  sont  presque  partout  antérieurs  au  culte  arui- 
dique  ;  leur  origine  non  celtique  est,  d'ailleurs, 
prouvée  par  ce  fait  qu'on  les  rencontre  sur  bien 
des  points  du  globe  où  la  race  celte  n*a  pas  habité. 
Au  surplus,  je  ne  connais  aucun  texte  qui  per- 
mette d*affirmer  que,  dans  le  Toisina^e  immédiat 
de  notre  Anteuil,  on  ait  constaté  Texistence  d*un 
monument  mégalithique,  de  pierres  druidiques. 
D'autre  part,  si  une  circonstance  de  cette  nature 
avait  donné  naissance  au  nom  d*Auteuil,  ce  nom 
serait  fréquent  en  France,  tandis  que  les  Auteuils 
sbnt  rares  et  circonscrits  dans  deux  provinces. 
Enfin,  les  lieux  qui  tirent  véritablement  leur  éty- 
mologie  du  mot  autel  {altar,  altare^  aliarium) 
ne  sont  pas  rares  en  France  ;  mais  ils  se  rattachent 
à  une  origine  peu  ancienne  et  au  culte  chrétien, 
comme  Ta  montré  M.  Cocheris  dans  son  ouvrage 
sur  VOrigine  et  la  formation  des  noms  des 
lieux. 

Plusieurs  écrivains,  familiers  avec  la  langue 
latine,  ont  fait  dériver  du  mot  latin  Altus  le  prénxe 
Alt  et,  par  suite,  le  nom  d*Autenil.  Notre  savant 
collègue,  M.  Femand  Bournon,  a  écrit  dans  ses 
Additions  et  Corrections  à  Vabbé  Lebeuf:  €  Le 
centre  de  ce  village  a  été  de  tout  temps  sur  une 
hauteur,  peu  élevée,  il  est  vrai,  mais  suflSsante 
peut-être  à  justifier  une  étymologie  formée  avec 
le  mot  altus,  » 

Nombre  de  personnes  ont  protesté  contre  cette 
interprétation.  «  Si,  disent-elles,  on  aborde  notre 
Autenil  en  venant  du  Bois  de  Boulofçne,  on  marche 
sur  un  plateau  dépourvu  de  saillies  ;  si  Ton  s*y 
dirige  en  descendant  la  Seine,  on  remarque  bien 
les  hauteurs  de  Chaillot  et  de  Passy,  mais  on  dis- 
tingue à  peine  celle  d* Anteuil.  L*église,  qui  a  tou- 
jours été  le  point  central  de  Tagglomération,  ne 
prend  naissance  qu'à  une  quinzaine  de  mètres  au- 
dessus  du  niveau  de  la  Seine,  dont  Tétiage  lui- 
même  se  place  à  une  bien  faible  altitude.  » 

Ces  considérations  ne  permettent  ffuère,  en  effet, 
de  s'arrêter,  comme  étymologie,  à  l'idée  de  hau- 
teur, à  moins  d*v  joindre  quelque  correctif. 

Le  préfixe  Ait  se  rencontrant  aussi  bien  dans 
le  groupe  celtique  que  dans  le  groupe  italique, 

{plusieurs  archéologues  ont  proposé  le  radical  gau* 
ois  de  préférence  au  radical  latin  ;  de  ce  nombre 
est  M.  Fernand  Bournon  qui  a  bien  voulu,  à  ce 
sujet,  me  confirmer  ce  qu'il  a  inséré  dans  son 
article  sur  Anteuil,  paru  dans  la  Grande  Encyclo- 
-pédie,  M.  le  baron  de  Coston,  dans  un  livre 
Vttymologie  des  noms  de  lieux,  indique  indif- 
féremment Tune  ou  l'autre  racine  comme  devant 
s'appliquer  à  Anteuil. 

Mais  on  voit  toujours  se  dresser  l'objection 
tirée  de  la  modeste  élévation  de  notre  Auteuil. 

En  somme,  les  partisans  de  la  montagne  et  ceux 
de  la  prairie,  ceux  du  haut  et  ceux  du  bas,  paraî- 
traient un  peu  devoir  être  renvoyés  dos  à  dos,  à 
considérer  spécialement  notre  Auteuil  qui 

n'ovnit  mérité 

Ni  cet  excès  d'honneur,  ni  cette  indignité. 

Hais  dans  la  querelle  est  intervenu  un  champion, 
muni  d'armes  toutes  nouvelles  et  possesseur  d'une 


grande  autorité  :  ce  n'était  rien  moins  que.  le  très 
érndft  celtisant,  professeur  et  académicien,  M.  d'Ar- 
bois  de  Jubain ville,  qui,  dans  ses  Recherches  sur 
l'origine  de  la  propriêU*  et  des  noms  de  lieux 
habités  en  France,  consacrant  une  étude  toute 
spéciale  au  nom  d' Auteuil,  est  venu  déclarer  ce 
qui  suit  : 

«  Auteuil  vient  d'Audu^,  qui  veut  dire,  en  latin, 
€  acheté  aux  enchères  »  ;  c'est  le  nom  latin  con- 
servé à  certains  esclaves  ;  on  trouve  six  ou  huit 
exemples  de  ce  nom  et  de  dérivés  dans  des  ins- 
criptions du  midi  de  la  France  et  de  l'Italie  et 
dans  quelques  autres  documents;  on  rencontre 
aussi  son  application  à  un  ou  deux  autres  noms  de 
lieux  ;  il  faut  admettre  que  la  lettre  c  à*Auctus 
est  tombée  dans  le  nom  Autoilum,  Autolium, 
Auteuil. 

Malgré  toute  la  déférence  due  à  l'autorité  de 
M.  d'Arbois  de  Jubainville,  un  examen  attentif  ne 
permet  vraiment  pas  de  retenir  cette  solution. 

D'une  part,  la  qualification  de  Auctus,  donnée 
ou  plutêt  laissée  à  un  esclave,  est  rare  ;  il  conve- 
nait que  chaque  esclave  romain  reçût  on  nom  ou 
un  surnom  spécial,  comme  en  témoignent,  d'ail- 
leurs, à  chaque  pas,  les  écrits  des  prosateurs  et 
des  poètes  latins;  la  récolte  de  M.  d'Arbois  de 
Jubainville  en  France  et  en  Italie  est  bien  maigre. 
Les  localités  pouvant  dériver  du  nom  d'homme 
Auctus  devraient  donc  être  fort  rares:  néanmoins, 
rien  que  dans  le  bassin  de  la  Seine,  nous  trouvons 
une  dizaine  d' Auteuil  ou  Autbeuil,  que  Ton  vou- 
drait rattacher  à  ce  nom.  De  plus,  on  n'aurait  pas 
de  motif  pour  refuser  d'appliquer  ce  nom  d'homme 
à  la  plupart  des  130  autres  localités  de  France 
dont  le  nom  commence  également  par  les  trois 
lettres  Aut,  Où  cela  conduirait-il? 

D'antre  part,  la  domination  romaine  s'étant  sur- 
tout exercée  dans  le  midi  de  la  France  (région 
dans  laquelle  M.  d'Arbois  de  Jubainville  a,  d  ail- 
leurs, relevé  les  inscriptions  d'Aiœtus  qu'il  cite), 
c'est  là  principalement  que  devraient  se  trouver 
les  noms  de  lieux  dérivant  de  ce  nom  d'homme. 
Au  contraire,  on  peut  constater  que  sur  les  140  lo- 
calités de  la  France  dont  le  nom  commence  par 
Aut,  40  seulement  se  trouvent  au  sud  de  la  Loire, 
tandis  que  1 00  se  rencontrent  au  nord  de  ce  fleuve  ; 
30  seulement  apparaissent  au-dessous  de  la  lati- 
tude Lyon,  alors  que  120  se  placent  au-dessus. 

Enfin,  ainsi  que  je  crois  l'avoir  démontré  d'abord, 
la  base  du  raisonnement  de  l'éminent  linguiste 
manque  de  solidité,  puisque  c'est  la  racine  ait  et 
non  le  radical  aut  qui  se  rencontrait  primitive- 
ment dans  Altogilnm,  Altol. 

Voilà  donc  les  partisans  du  nom  servile  aussi 
découragés  que  ceux  de  la  prairie,  de  la  hauteur 
et  de  l'autel. 

Mais,  au  milieu  de  tout  cela,  que  devient  la 
finale  euil,  ogilum  ?  On  est  bien  d'accord  sur  ce 
point  que  la  désinence  latine  ogilum,  oilum, 
olium  correspond  à  la  désinence  française  oil, 
euil,  lie;  mais  c'est  tout.  Pour  les  uns,  cette 
désinence  n'a  aucune  signification  ;  les  autres  lui 
en  découvrent  beaucoup  trop.  Ceux-là  y  voient 
les  sens  divers  suivants,  présentant  un  des  plus 
merveilleux  gâchis  que  l'on  puisse  rencontrer  en 
philologie  :  cachette,  lieu  désert,  caveau,  demeure 
quelconque  (l'abbé  Garnier)  ;  montagne  (Laroque)  ; 


236 


HISTOIRE  DU  XVI*  ARRONDISSEMENT 


tente  de  ber|^  (Lancelot)  ;  forêt,  maison  (Ade- 
Inne)  ;  —  ruisseau,  idée  de  propriété  (Mone). 

Un  savant,  M.  Houzé,  non  pas  plus  erndit,  sans 
doute,  que  plusieurs  de  ses  confrères,  mais  peut- 
être  plus  heureux  que  tous,  a  émis  à  ce  sujet  Tin- 
génieuse  opinion  que  Toici  dans  son  Étude  sur  la 
signification  des  noms  de  lieux  de  France. 

La  désinence  latine  ogilum,  olum,  olium  (qui 
correspond,  on  le  reconnaît,  à  la  désinence  fran- 
çaise oil,  euil,  eil)  a,  dans  beaucoup  de  cas,  un 
sens  diminutif;  capreolus^  filiolus^  gladiolus, 
linteolum,  sont  des  diminutifs  qui  ont  été  tra- 
duits car  cheyreuil,  filleul,  glaïeul,  linceul,  et 
cette  signification  se  rencontre  pour  les  mêmes 
mots  dans  toutes  les  langues  indo-latines  :  italien, 
espagnol,  portugais,  provençal,  lan|[uedocien,  etc. 
De  nombreuses  citations,  de  multiples  exemples 
sont  apportés  par  Tauteur  à  Tappui  de  sa  thèse. 
U  ajoute  que  le  radical  ait  est  cité  plusieurs  fois 
sous  forme  substantive  et  avec  la  signification  très 
nette  de  colline  par  un  auteur  de  la  plus  haute 
et  de  la  plus  universeUe  autorité  en  ce  qui  con- 
cerne la  langue  celtique  :  Zeuss,  dans  sa  Granit- 
matica  Celtica, 

Conséquence  :  Auteuil  veut  dire  coltine,  avec  le 
sens  dimmutif,  petite  colline,  collinette. 

J'avoue  que  cette  explication  me  satisfait  ;  elle 
me  parait  rationnelle  et  simple.  Au  point  de  vue 
de  la  linguistique,  on  ne  peut  méconnaître  que, 
dans  un  certain  nombre  de  cas,  la  désinence  fran- 
çaise euil  a  un  sens  diminutif. 

Je  vous  prie  de  vouloir  bien  vous  reporter,  dans 
notre  Bulletin,  aonée  i898,  paf;e  48,  à  la  gra- 
vure que  notre  excellent  vice-président  M.  Mar  a 
présentée,  avec  une  note  intéressante  (comme 
tout  ce  qu*il  publie)  et  qui  est  Tagrandissement, 
an  quart  environ,  d*une  vue  perspective  d'Au- 
teuil  (Seine),  vers  Tannée  1700,  tirée  de  la  Géo- 
métrie pratique  de  Manesson  Mallet.  Elle  con- 
firme d'une  manière  sensible  Tappréciation  qui 
f>récède.  La  vue  est  prise  de  la  rive  de  Grenelle; 
a  Seine  coule  ensuite  et  montre  son  bord  opposé  ; 
au  delà  apparaissent,  successivement  étages,  un 
chemin  de  halage,  la  route  de  Versailles,  sillonnée 

1)ar  les  carrosses,  une  voie  pour  piétons;  plus 
oin  la  montée  s'accentue,  couverte  de  clos  de 
vignes  et  d'arbres  fruitiers,  pour  aboutir  au  pla- 
teau sur  lequel  se  dressent  Téglise,  la  maison  sei- 
gneuriale et  un  certain  nombre  d'autres  habita- 
tions. Bien  que  la  butte  soutenant  le  vieil  Auteuil 
ne  s'élevftt  que  d'une  cinquantaine  de  pieds  ou 
d*un  quinzaine  de  mètres  au-dessus  du  niveau  de 
la  Seine,  cette  saillie  était  fort  sensible  pour  qui 
la  regardait  soit  de  la  rive  opposée,  soit  du  lit  du 
fleuve,  soit  même  du  bas  de  la  rive  droite,  par 
contraste  avec  ce  qui  l'environnait,  c'est-à-dire 
avec  la  dépression  d'entre  Auteuil  et  Passy,  la 
plaine  du  Point-du-Jour  et  de  Billancourt,  et  la 
vaste  et  plate  étendue  de  Grenelle. 

D'autre  part,  si  le  nom  d'Auteuil  ou  d'Autheuil 
doit  représenter  une  même  origine  (petite  colline, 
petite  hauteur),  contrôlons  cette  idée  d'après  la 
topographie  de  chaque  lieu.  Auteuil  (Seine-et-Oise) 
se  montre  sur  un  coteau  dominant  un  sous-affluent 
de  la  Maulde;  Autheuil  (Eure-et-Loir)  s'étend 
sur  un  plateau  peu  élevé  au  bas  duquel  coule  le 
Loir  ;  Autheuil  (Orne)  apparaît  sur  le  penchant 


d*an  coteaa  qui  descend  vers  un  affluent  de  THuisne  ; 
Autheuil-en-Valois  (Oise)  se  dresse  sur  une  col- 
line d'oti  sort  un  ruisseau  qui  se  jette  dans  l'Oise; 
Auteuil  (Oise)  se  place  au  pied  et  sur  le  penchant 
d'une  colline  ;  Autheuil  (Eure)  s'allonge  au  bas 
d'une  colline  voisine  de  l'Eure. 

Mais  allons  au-devant  d'une  objection.  Corn* 
ment  se  fait-il  que  tons  les  Auteuil  ou  Autheuil  se 
trouvent  localisés  dans  l'Ile-de-France  et  la  Nor- 
mandie? Gomment  le  radical  ait  et  la  désinence 
euil  ne  se  montrent-ils  pas  réunis  ailleurs  ? 

Non  seulement  parmi  les  cent  trente  autres 
localités  dont  le  nom  commence  par  ouf,  mais 
encore  parmi  les  ({uinze  ou  vingt  autres  qui  ont 
pour  préfixe  ait,  disséminées  dans  toute  la  France, 
un  certain  nombre  peuvent  être  considérées  comme 
ayant,  avec  une  ciésinence  un  peu  différente,  la 
même  signification  que  celle  attribuée  par  M.  Houzé 
au  nom  d'Auteuil.  Si,  dans  l'Ile-de-France  et  la 
Normandie,  le  préfixe  ait  s'est  adouci  en  aut  et 
si  le  sutfixe  eutl  s'y  rencontre  plus  fréquemment 
qu'ailleurs,  c'est  par  suite  d'une  tendance  géné- 
rale des  dialectes  de  ces  provinces  à  supprimer 
les  consonnes  on  à  les  amollir  en  multipliant  les 
voyelles. 

Mais  je  m'aperçois  qu'il  est  grand  temps  de 
terminer  cette  étude,  bien  peu  récréative;  ma 
seule  justification  serait  d'avoir  amené  notre  So- 
ciété historique  à  partager  ma  manière  de  voir  et 
à  clore  ainsi  le  temple  de  Janus  en  ce  qui  con- 
cerne cette  tonte  petite,  mais  vieille,  querelle 
entre  savants,  en  attendant  qu'au  point  de  vue  de 
toutes  les  controverses  plus  graves,  de  toutes  les 
discussions  plus  irritantes,  nous  puissions  aussi 
parvenir  à  le  fermer  (i). 

Tabariès  de  Grandsaignes. 


(i)  M.  Mnr  avail  dessiné,  pour  son  article  «  Au- 
leuil  il  y  a  deux  cents  ans  »,  partie  d'une  vue  ex- 
traite de  la  Géométrie  pratique  (V.  ici  même,  p  49?), 
dédiée  auroy  par  Allain  Manes:'on  Mallet,  n  Paris, 
chez  Anisson  (1702),  et  M.  Tabariès  de  Grand- 
sni^nes,  dans  une  brochure  tirée  à  part  du  présent 
article,  a  reproduit  celle  vue  in  extenso.  L'ouvrage 
duquel  elle  a  été  tirée  se  compose  de  quatre 
volumes.  Il  e.st  recherché  pour  ses  dessins.  Noua 
signalerons  les  suivants  concernant  notre  région  : 

Tome  I.  —  Flan  du  Cours  de  la  Reyne. 

Tome  II.  —  Hauteuil  (agrandi  par  M.  Mar)  ;  les 
Bons  Hommes  de  Passy  ;  Chaillot  (vue  prise  en 
amont). 

Tome  III.  —  Passy  ;  Moulin  de  Javelle  ;  Chaillot 
(vue  prise  en  avnl). 

Tome  IV.  —Deux  vues  de  Sainl-Cloud  prises 
du  pont. 

Dans  le  texte,  peu  de  choses  nous  intéressent  : 
la  longueur  du  Cours  la  Reyne,  de  la  porte  du  côté 
des  Tuileries  à  celle  du  côté  de  Chaillot,  était  de 
C74  luises  ^i.3j3  mètres).  Le  rond  ou  cercle  qui  s'y 
rencontrait  n'était  pas  au  milieu,  mais  plus  rap- 

f)roché  de  Chaillot.  Devant  Auteuil,  la  largeur  de 
n  Seine  avait  iSo  toises  («ja  mètres),  celle  du  petit 
bras  de  la  Seine  entre  la  rive  gauche  et  l'extré- 
milé  orientale  de  l'Ile  des  Cygnes,  144  pieds  (46 
mètres).  Enfin  In  fnltière  de  la  chapelle  des  Bons 
Hommes  mesurait  a6  toises  (5o  mètres). 

(Note  de  M.  Chandebois). 


ANNEXES 


287 


LA    VIEILLE    ÉGLISE    D'AUTEUIL 

Aajoord'hai  encore,  dans  quelques  villages 
égirés  de  Bretagne,  à  la  célébration  des  mariages 
chrétiens,  les  étrangers  sont  tout  étonnés  d*aperce- 
Toir,  dans  Téclat  brillant  des  toilettes  rustiques 
et  dans  Tappareil  joyeux  des  noces  les  plus  mo- 
destes, au  milieu  même  du  chœur  de  1  église,  un 
catafalque  qui  est  là  pour  rappeler  à  tout  le  ha- 
meau là  mémoire  de  ceux  qui  ont  disparu  ;  de 
même  ce  matin,  en  écoutant  la  vieille  cloche  de 
Téglise  de  Notre-Dame  d'Âutenil  qui  célébrait  la 
consécration  définitive  du  temple  nouveau  qui 
doit  remplacer  Tancien  (1),  ma  pensée  s'aban- 
donnait au  souvenir  des  sept  ou  huit  siècles  pen- 
dant lesquels  l'antique  clocher  abrita  nos  aïeux. 

Âuteuil,  dont  Fétymologie  est  due  au  collège 
des  Druides  (2)  qui,  suivant  la  tradition,  s'étaient 
établis  dans  cette  partie  de  la  forêt  de  Rouvrav, 
fut  érigé  en  paroisse,  en  1492,  oar  Maurice  de 
Sully  (3),  premier  fondateur  de  la  métropole  de 
Notre-Dame  de  Paris. 

Le  chapitre  de  la  collégiale  de  Saint-Germain- 
FAuxerrois  exerçait  sa  juridiction  ecclésiastique 
prest^e  jusqu'à  Saint-Cloud;  ce  fut  donc  lui  qui 
constitua  la  nouvelle  paroisse.  Celle-ci  était  fort 
étendue  puisqu'elle  tenait  sous  sa  domination 
spirituelle  tout  le  nays  compris  entre  la  Seine  au 
sud  et  à  l'ouest,  les  limites  de  la  forêt  de  Rou- 
vray  au  nord  et  la  paroisse  de  Chaillot  (4)  à 
l'est.  C'est  ainsi  que  l'abbaye  de  Longchamp,  qui 
sera  fondée  un  siècle  plus  tard,  dépendra  d 'Au- 
teuil. 

Le  curé  primitif  était  le  chapitre  de  Saint* 
Germain-l'Auxerrois,  qui  désignait  et  déléguait 
pour  remplir  les  fonctions  curiales  un  vicaire  per- 
pétuel. Aussi,  la  collégiale  exigeait-elle,  en  retour, 
comme  marque  de  vassalité,  une  dlme  de  vin  qui 
lui  était  payée  par  les  habitants  d'Auteuil. 

Cet  état  de  choses  dura  jusqu'en  1745  ;  à  cette 
date,  sous  l'épiscopat  de  Mgr  de  Vintimille,  le 
chapitre  de  Saint-Germain-rAuxerrois  fut  réuni 
à  celui  de  l'église  métropolitaine.  Dès  lors  la 


(i)N'esl-ce  pas  le  coh  de  répclor  rinscripUon 
jiO^véc  sur  l'une  des  pierres  du  collège  de  Nn- 
varre  : 

Sixle^  domus^  donec  flaclax  formica  marinas 
Ebibat  el  lotum  lesludo  perambulat  orbem  ! 

(Reste  debout,  ronison,  tant  que  la  fourrai  n'aura 
peshu  les  flots  de  la  mer,  tant  que  la  tortue  n'aura 
pas  Tait  le  tour  du  monde  !) 

(a)  Altare.  Aliariam^  AUoiiam,  Aullheail,  Tne 
autre  êlymoloffie  voudrait  faire  venir  Auteuil  d'Al- 
tuê  loctt»  (lieu liaut)  mais  je  la  crois  contredite  par 
notre  position  topojBrraphique.  Elle  ne  détruirait 
même  pas  la  première  interprétation,  Tidéc  ex- 
primée par  Altu9  s'appliquani  aussi  bien  à  ce  qui 
est  sacre  qu'à  ce  qui  est  élevé  :  AUua^  Allar,  Les 
autels  dans  le  principe  étaient  toujours  sur  les 
lieux  élevés ,  on  en  verra  l'application  plus  loin 
pour  Auteuil  même. 

(3)  Maurice  de  Sully,  évoque  de  Paris,  de  1160  à 
1196.  L'évéché  de  Paris  resta  sufTraKant  de  l'évê- 
clic  mctropolilain  de  Sons  jiis(|u'au  22  octobre 
1622,  époque  où  Paris  devint  le  siè^c  d'un  arche- 
vêché. Ce  ne  fut  d'ailleurs  qu'au  viii*  siècle  que 
les  évêchés  métropolitains  devinrent  archevê- 
chés. 

(4)  Nigoon,  à  celle  époque* 


nomination  du  curé  d'Auteuil  appartint  à  l'arche- 
vêque de  Paris. 

Pendant  ce  temps-là,  les  Génovéfains,  conces- 
sionnaires par  échange  des  droits  des  moines  de 
l'abbaye  du  Bec,  en  Normandie,  devenaient  sei- 
gneurs séculiers  du  territoire  d'Auteuil.  Ils  n'y 
possédaient,  au  point  de  vue  religieux  qu'un  sim- 
ple prieuré;  mais  ils  étaient  et  ils  restèrent 
jusqu'à  la  Révolution  les  maîtres  du  pays,  y  exer- 
çant sans  conteste  les  droits  de  haute,  de  moyenne 
et  de  basse  justice.  A  ce  titre,  en  i247,  ils  affran- 
chirent les  serfs,  et  cette  manumission  fut  confir- 
mée par  saint  Louis,  sous  la  condition  que  les  affran- 
chis défendraient  les  droits  et  les  biens  de  l'ab- 
baye quand  ils  seraient  menacés  (1).  C'est  ainsi 
quils  se  chargèrent  d'élever  quelques-uns  des 
enfants  d'Auteuil;  ainsi  qu'ils  prirent  leur  part 
des  calamités  publiques  en  donnant  volontairement, 
en  1272,  cent  livres  jiour  les  frais  de  la  faem 
de  Philippe  le  Hardi  contre  le  comte  de  Foix  (2).' 

L'histoire  de  cette  première  période  de  la  pa- 
roisse d'Auteuil  est  l'histoire  de  tout  le  moyen 
âge.  Le  curé  est,  pour  ainsi  dire,  le  mandataire 
de  ses  fidèles;  c'est  lui  qui  achète,  vend,  échange 
au  nom  de  la  communauté  et  l'on  retrouve  le  nom 
du  curé  Simon,  qui  vivait  vers  i250,  dans  de 
nombreux  actes,  aujourd'hui  déposés  aux  archives 
nationales. 

Bientôt,  ce  sont  les  guerres  continuelles,  l'in- 
vasion des  grandes  compagnies  et  la  Jacquerie  ; 
Auteuil,  par  sa  proximité  de  Paris,  a  le  triste 
honneur  d'attirer  sur  lui  les  premiers  coups  (3). 

En  i358,  Charles  le  Mauvais,  roi  de  Navarre, 
dans  sa  lutte  contre  le  Dauphin  (plus  tard 
Charles  V),  incendie  notre  village  et  tue  une  partie 
de  ses  habitants  (4). 


(1)  Les  serfs  d'Auteuil  furent,  ici,  particulière- 
ment heureux  ;  car,  suivant  un  usa^e  presque 
constant,  les  serfs  devaient  verser  une  certaine 
somme  pour  prix  de  leur  liberlé  (V.  de  Ménor>'al, 
H'tsloire  de  Pari»,  I,  275).  L'historien  de  l'abbaye 
de  Saint- Denis,  Dom  Félibien,  gui  n'est  pos  sùs- 

ftecU  dit  (L  i43)  :  •  Jamais  un  seigneur  ne  donnait 
a  liberlé  à  ces  jt^ens-là  ni  ne  leur  faisait  la  moin- 
dre ^ràce  sans  la  faire  bien  acheter  ;  et  les  exeni- 
t)lt>s  de  ceux  qui  l'ontfait  par  motif  déchanté  sont 
>ien  rares.  » 

(2)  En  i3i3,  il  y  eut  «  ayde  >,  payée  par  les  Pa- 
risiens, pour  la  «  Chevalerie  ■  du  llls  atné  de 
Philippe  le  Bel,  celui  qui,  un  an  plus  tard,  fut  le 
roi  LouisX  le  Hutin.  La  paroisse  de  Saint-Jacques- 
laBoucherie  donna,  à  cette  occasion,  2.7^0  livres 
(c'est  le  maximum)  ;  puis  venaient  Sainl-dermain- 
l'Auxerrois  avec  2.!»!  livres  et  Salnl-Euslache 
avec  i.5uo.  Une  quinzaine  de  paroisses  dépassè- 
rent le  chiffre  de  100  livres  :    seize  n'alteig^nirfiil 

Cas  cette  somme.  Aulouil,  d'après  ce  critérium  et 
ien  que  dans  la  banlieue,  aurait  donc  été  à  celle 
époque  une  paroisse  d'importance  moyenne,  mar- 
ciiant  à  côté  de  Saint-Benoit,  de  SaintGermain- 
le-Viel  et  de  Saint-Josse  ;  dépassant  les  Saints- 
Innocents,  qui  n'arrivaient  qu  à  H:i  livre«. 

(3)  En  i3/;6,  lorsque  Edouard  HI  d'Angleterre 
vint  établir  son  quartier  ^énérol  à  Poissy;  les 
habitants  des  environs  se  réfugièrent  à  I*aris.  Du 
haut  des  tours  de  Notre  Dame,  on  distinguait 
pendant  la  nuit  la  pince  des  bour^^s  et  des 
châteaux  aux  tourbillons  de  flanmics  qui  svn 
élevaient  :  Saint-C'iond.  Boiilo«{iie.  Vauj^irard 
(V.  (U»  Ménorval,  Histoire  de  Paris^  I,  '36-a).  — 
Auteuil  fut.  (les  celle  première  attaque,  incendié. 

(4)  Les  relijîienses  (le  Longchamp  furent,  en 
cette  année  i358,  tellement  menacées  et  maltrai- 
tées qu'elles  durent  rentrer  dans  Paris,  abandon- 
nant leur  couvent  au  pillage  et  a  1  incendie. 


2.> 


ueâTouii:  dc 


;*r   ABRO>DI.-4EME?IT 


Pm.  *frâ  le  UMe  de  trrâ^f.  ^aami  b 
(■wn  ht  ni^MC,  le  captLuMe  u^bÉ»  ftokert 
hiMibs  TÎU  rmt^  et  Mettre  .Utnd  à  I»  et  1 
saf .  <  pMfct  les  iMi  et  ««fiM   les  ««Ir»  >. 

^  B^e  le«fa  qae  les  Aillais,  le*  Iiii[mh  et 
ka  brigïAds  nMafeûeal  le  psii.  Les  baktaais 
ibaaéoMèreBt  b  urre  et  wm  (ammt  «rwlle  ^ 
bieatAt  le  coable  la  ailhe^  de  sas  jiètie». 
Aprâ  In  Twtoirts  de  da  taoclni.  U  nltvc  et 
In  i^mhemtats  mammemcrrtat  ;  mm  les  hei- 
giBdi  étùeat  étiUk  dans  la  l^rit  fom  jb  m  de-  éUh  de 
UM  Lmô  XI,  et  d  (■  r^-      cm  de  : 


aifié  ^  h  dMtfTt  MWit  i 


d  à  b  BnTwMe  ;  il  « 

aMi  rt  fe  iav  d>  b  Dêdi 


nlta  pour  Aiieail  i 
son  lerrîlmre. 

Boait^m  (I)   fat  d«tacb«  de  l'^gloi 
paroi»)  1  le  (â). 

iiH<|a'i  ta  KérolDlioD.  nn  double  usage  sobsuta 
dans  les  relations  des  deux  communes,  comme 
poar  affirmer  l'aDdeiioe  prédomioance  de  la  pa- 
miue-tnrrt.  Toas  les  mardis  de  llqars.  le  curé 
d'Aoleuil.  ancito  (nëlropoIJUio.  allait  célébrer  la 
messe  à  Boulogne  ;  il  j  tronTut  vingt  éms  sur 
l'antel.  De  leur  c'iié,  nos  Toisins  venaietit  eniendre 
i  Aoieuil  b  messe  de  minuit,  et  on  leur  préparait 
sur  la  place  nue  feoillette  de  TÎn  el  cent  boites  de 
paille  pour  éclaira'  leur  retour. 

Eo  iSli,  Pasxy  fol,  à  son  loor,  séparé  d'Ao- 
teail. 

Depois  le  mois  de  décembre  4666,  il  y  arait 
du  cAié  de  la  Moctle  une  chapelle  ;  mais  le  décret 


Les  babitaols  de  I*assy. 
montrés  jakiox  de  leur  ai 
pas  nos  marmorer  celte  intérionté.  Ih  Great  si 
bien.  Nme  Chaha  à  leur  IHt,  qa'ils  obtiutat 
à  la  fin  lear  érection  eo  paroissa  détincle.  Le 
chapitre  de  Saint-Gcnain-rABxemis  et  le  rare 
d' AulFoil  avaient  résisté  le  pins  loo{temps  pos- 
sible; ils  dorent  céder  à  la  fin  elle  t8maitO>2, 
Mgr  de  Uariay  de  ChampTalloa,  arcbeTèiiae  de 
Paris,  prutoofa  la  séparation. 

Il  arait  fallu  désinléresief  Anlenil;la  traasac- 
tioo  fut  passée  deranl  M*  tirêsoire,  aotaii«  nijil, 
le  i:H  mai  167  J.  Le  corê  d'Antenil  conserrait,  du 
reste,  le  droit  eiclasif.qnll  eiMtaJnsqa'l  la  Réro- 
lolioD.  de  rclèbrer.  chaque  année,  t  P»ss\.  l'office 
de  l'Annonciation,  fêle  palrooale  de  la  DOOTetle 
paroisse. 


I   la   iiii'Iuirïe    Ac  Meni--uti'i  ,.i« 
É  Je  DiMiloKne  i>'np|H:lnîl  Pivrr 


La  Tieilleègtiscd'Anleuil,  le  monument  le  plus 
ancien  de  tous  les  enriroQS  da  bois  de  Boulogne, 
s'élevait  i  l'c\tréniité  de  la  rue  do  rilUge,  près 
de  la  Seine,  l'ne  estampe  ooos  la  montre,  an 
milieu  des  tombes,  pbntee,  devant  sa  fa(*de,  de 
quelques  oo^ers  qoe  des  enfants  do  p»yv  sont  en 
train  de  gauler.  l)e  nos  joan,  on  t  arriTail  par 
nne  place  qne  deni  rangées  de  fani  acacias  om- 


^^NEXES  23() 

brageiicnt  no  peu.  Dans  l'axe  dn  porche,  l«  mo-  Un  portail  du  xi['  siècl«  (4)  anit  éU  cacbé 


PORTE  DENTME 
Ech«1[(d*llo:51.pMïlrc 


nnnent  da  chancelier  d'Agnesseao  rappelait  seul 
le  cimeiière  d'autrefois  (1). 

A  droite  de  l'église  et  faisant  pour  ainsi  dire 
eorpstTec  etie  te  dressait  Ispresbytèreeti  gauche 
l'andenne  mtirie  (2). 

Sur  nu  fond  de  rerdure  se  détachait  le  chxber 
roman,  i  couronne  pyramidale,  qui  était  l'oi^pieil 
de  notre  vieille  ^liae  (3). 


Il)   Ce  uionument,   dont   le    plan  nvait   «lé  ap- 
prouvii  par  le  roi,  ïpii  donna  le  marbre  (V.   Du' 

re»Us  de  Mme  d'A|(<i>'»9oau  (qiii  mourut  A  Aiileiiil 
en  ip&  et  uul  demnndu  A  y  Aire  inhumée),  etceux 
du  chancelier,  mort  le  g  février  1751.  rlemnndnnt 
lui  auKsi  A  reposer  donii  noire  clmElitre.  La  oj- 
ramide  fut  ërfK^  en    17^.  En    lynS,  rcs  tombes 

ouverts.  Les  ossements,  relrouvrs  par  les  soliia 
du  maire  Bonolt.  furent  reml»  dons  un  cercueil  de 
bai»  sous  k  monument  que  k  Kourerncmenl  con- 
sulaire lit  rt'parer  en  l'an  IX.  l^s  dciu  Insrrip- 
lions  de  iia3y  furent  rêtablleH.  On  y  ajouta  celle- 
ci  qui  a  bien  le  cachet  de  son  époque  :  La  nature 

NK  rArt  IIUR  PR^IH  LEH  ORAMIM  UnHHES  A  LA  TKHBK  : 


pellatlon  de  rue  < 
aujourd'hui  par  u 
âTégliae.  Le  chen 


■       iléiaf,. 


tnmpê  (l'EIynef  Campi);  sinHi,  dons  plusieurs  villes, 
le  Champ  de  repos  ou  mt>me  simplement  le  Champ; 
■Insl.  ABouloKue-sur-ijeine,  la  place  de  l'èKlIse 
s'appelint.  Il  y  u  un  siècle,  ptscc  du  l'archnmp  ou 

(1)  En  1877,  l'ancien  presbytËrc  était  devenu  la 
innjw>n  dri  iianureu  où  étaient  io^és  K^alultemunt 
quelques  indigents  ;  et  la  mairie,  Ironsférve  rue 
Boileau  jusqucn  iHBo.   avait  été    trsnsfuriiiée  en 

Compiers.  Mai»,  en   iBoo.  la    plare 
i  grande  place  d'un  véritable  vll- 

cloche- 


.  Talr  de  ta  grande  plac 


13)  Lors  de  la  démolition,  en  1K77,  li 
' — s,  le  baptistère  et  la  slat-*  •■-  '- 
-._lt  dans  la  ta^de.  Furent  . 
propriété  Chardon- Lagache. 


Hi  Le  clocher  était  un  p.-u  pi" 

doute  n  celle  époque  it 
qui  suivit  l'an  mille  et  < 


Raoul  Glaber 


2^0  HISTOIBE    DU   XVl'   ARRONDtSSEMEMT 


porche  d'abord  pen  élevA,  ainsi  qu'on  pont  En  1565,  la  grosse  cloche  ftait  montée  dans 

l'esUmpe  de  4675,  puis  par  un  nrï-      le  clocher.    Elle  portait  cette   inacripiion  (4)  : 


K , ,--   -  , 

table  biliment  qui  le  masqnait  en  enlevant  ï  la  <  L'as  4565.nonsiusmes  faicte  par  lonales 

façade  tonte  espèce  de  caractère.  tants  d'Anteail  et  fus  nommée  Marie,  alors  m 

An  iv°  siècle,  i  droite  de  l'entrée,  on  constmi-  {pilliers  Pierre  Attra;  (9)   et  Estienne  de  ' 

sit  nne  cbapelle  seigneuriale  qui  était,  de  nos  hers.  * 


jours,  dédiée  i  la  Vierge.  ]l  y  aTail  là  un  beau  Au  xvit*  siècle,  l'église  fut  agrandie  ;  on  plafa 

litrail  d«  Beaniais  qui  représentait  une  Annon-  dans  le  cbœarqaelques  stalles  eu  bois  sculpté  d'un 
ciatùm,  tandis  qu't  la  clé  de  la  voûte  étaient 

ilplées  des  armùries  qu'entonr   ' 

irlande  gothique  taillée  i  jour. 


sculptées  des  armùries  qu'entonrait  une  gracieuse         ,,„    .  .,      ,  ,    ,   . 

lirlande  gothique  taillée  à  jour.  k-I'I^p".™,!!^,;?',',,* ",n;:;m,''Z!n*';il'vi"  îf  ' 


Je  coupent  un  rriicilli.  uiio  vicrtie  et 
villu  de  l'aris.Çtlluclucliu  n  été  rlescendi 

icce  dnna  le  clocher  Je  léglise  nouvelle 

, -.-        obre  i8«',. 

iDliquité  pour  revêtir  une  blanche  robe  d'û(;li-  [i]  El  non  Athar,  comnie  disent  cerUilns  diKU- 


fcHt  -.  •  On  eM  dit  que  le  monde  enlicr,  d'un        cl  placée  dnna  le  clocher  do  li-glise  nouvelle  le 
accord,  evait  secoué  les  haillons  de  son       -'  — ■■■'-—  -i"' 


joli  trivail.  Les  GéDOTé^ios  coiivrireiit  les  mon 

de  lableaai  dool  quelçines-nDs,  qai  nppelaientla 
rie  de  saint  Je  an -Baptiste,  étaient  dus  aa  pioceau 
de  ces  moines  artistes  ;pea  à  peu  l'église  se  meu- 
bla et  s'embellît;  deuicbapelles  furent  construites, 
l'une  dédiée  ï  saint  Jean-ltaptiste  et  l'antre  à 
sainte  GeueTière.  Cette  dernière  avait  été  fondée 
en  <656  par  Nicolas  FitloD,  bour|eoi9  de  Paris, 
arec  adjoactioa  d'un  chapelain  attitré  tenant  école 
pour  les  garçons  d'Auteuil  et  de  Passv  qui,  chaque 
soir,  après  ta  classe,  allaient  cbanler  i  l'église  le 
salut  de  ta  Sainte  Vie^^e. 
Pais,  ce  fut  ta  création  d'une  maîtrise  dirigée 


lEB  2^1 

■  consacré  Tingt  lignes  de  latin  à  la  mémoire  dn 

docteur  de  la  Faculté  de  Montpellier,  an  mèdecia 
ordinaire  do  régent,  etc.,  etc.  Il  lui  aurait  suffi 
de  dire  que  Gendron  était  l'ami  des  pauvres,  qu'il 
tes  soignait  eraluitement  et  que,  sonrent  même, 
il  les  aidait  de  sa  bourse  ;  c'est  Hl  une  tradition 
généreuse  qui  s'est  conservée,  presque  sans  inter- 
ruption, chez  quelques-uns  des  médecins  d'Auteuil. 
Dans  ce  siècle,  on  bas-relief  en  marbre  blanc 
fut  mis  i  l'entrée  de  la  nef  pour  rappeler  la  perle 

{rèmaiurée  et  irréparable  de  Mme  Rousseaa- 
emaoi,  bienfaitrice  des  pauvres.  Ce  monument, 
le  seul  qui  ait  été  replacé  dans  ta  nouTell*  église. 


par  un  prêtre  auxiliaire  qui  touchait  300  livres 

Gr  an  ;  c'était  la  générosité  on  peu  forcée  i 
loclle  on  avait  taxé  Uaude  Chahu  et  sa  femme, 
Christine  de  Heurtes,  les  deux  fondateurs  de  la 
paroisse  de  Passy. 
Auleuil  comptait  alors  environ  cinq  cents  ' 
Hais  les  siècles  marchent  et  la  mort  fait  se 
Tre.  Les  murs  et  le  sol  de  l'église  en  témoignent. 
Dans  le  chœur,  voici  la  tombe  du  comte  de  Sa' 
serai,  maître  de  camp  de  cavalerie,  ci-devant  gi 
dien  des  gendarmes,  écossais,  etc.,  décède  le 
3U  août  166t  ;  dans  ta  nef,  c'est  la  pierre  d'An- 
toine-Nicolas de  Nicolai,  premier  président  de  la 
Chambre  des  comptes  de  Paris,  mort  6  Auleuil  le 
13  juin  1731  ;  cette  longue  épitaphe  est  celle  de 
Claude  Dtshais-Gendron,  l'acquéreur  de  la  maison 
de  Itoileau,  l'hdle  de  Voltaire  quand  celui-ci  viea- 
dra  en  pèlerinage  ï  la  demeure  du  grand  critique. 
Lebeau,  secrétaire  de  l'Académie  des  inscriptions. 


est  relégué,  loin  des  regards  et  de  ta  lumière, 
dans  une  dépendance  de  la  crypte,  en  face  d'une 
œuvre  admirable  du  grand  Carpeaux,  la  Mater 
Datorosa  (1). 

Le  IBnovembre  1793,  lecuré,  M.LeVachalde, 
fut  insulté  et  outragé  en  conduisant  on  enterre- 
ment. Le  lendemain,  l'église  fut  profanée  et  pil- 
lée ;  les  tableaux,  les  ornements,  les  statues  et  les 
livres,  qui  composaient  la  bibliolhèque  des  OéDO- 
véfains,  furent  Lrùlés  sur  la  place  même.  De  17^3 
1 17U5,  le  temple  catholique  devint  un  club,  puis 


rliitccliire  du  monument  de  Mme  Roua- 
lUi  n'a  pas  permis  île  pincer  ce  Ikniu 
is  JÏ'IElisn  nouvelle  ellu-nitme,  il    im 

tl'Aiileiill,  qui  e'iDtOTea.-<c  avec  tant  de 


242 


HISTOIRE   DU  XVl®   ARRONDISSEMENT 


ube  fabrique  de  salpêtre  et  enfin  un  grenier  à 
fourrage. 

Quant  aux  travaux  entrepris  depuis  le  commen- 
cement de  ce  siècle,  ils  n*ont  eu  qu*un  caractère 
d*utilité  pratique  et  ils  ont  été  tellement  éphé- 
mères qu*il  est  inutile  d*en  parler. 

fje  i"'  juillet  4877,  la  première  pierre  de  la 
nouvelle  église  était  posée  (1). 

On  trouva  dans  les  fouilles,  jusque  sous  les  fon- 
dations de  Tancien  clocher,  des  squelettes  super- 
posés qui  prouvaient  qu'avant  le  xi"  siècle  il  y 
avait  eu  déjà  un  cimetière  et  par  conséquent  une 
chapelle  en  cet  endroit. 

Notre  illustre  confrère,  M.  Vaudremer,  qui  a 
construit  la  nouvelle  église,  me  disait  ce  matin 
qu'il  avait  songé  à  conserver  hors  œuvre  notre 
vieux  clocher.  Des  différences  de  niveau  et  le 
mauvais  état  des  constructions  Tobligèrent  à 
renoncer  à  ce  projet  ;  mais  il  voulut,  du  moins, 
en  garder  comme  un  souvenir,  et  c'est  ainsi  que 
la  nouvelle  flèche,  dans  quelques-uns  des  détails 
de  sa  partie  inférieure,  rappelle  notre  vieille  tour 
d'autrefois. 


Au  XVII*  siècle,  le  voisin  le  plus  rapproché  de 
l'église,  c'est  Molière.  Son  passage  à  Auteuil  est 
resté  légendaire  parmi  nous. 

Quand  il  mourut,  le  17  février  4673,  à  dix 
heures  du  soir,  le  curé  de  Saint- Eustache,  sa 
paroisse  de  Paris,  refusa  à  ses  restes  mortels  la 
sépulture  ecclésiastique.  Le  20  février,  la  veuve 
du  grand  comique  adressait  une  requête  inutile  à 
l'archevêque  de  Paris.  C'est  alors  qu'accompagnée 
du  curé  d'Auteuil,  M.  Loyseau,  qui  comptait 
peut-être  sur  son  titre  d'aumênier  du  roi,  elle 
courut  à  Versailles  se  jeter  aux  pieds  de  Louis  XIV. 
Malheureusement,  le  bon  curé  saisit  l'occasion 
pour  se  justiâer  lui-même  du  soupçon  de  jansé- 
nisme. Le  roi  le  6t  taire,  puis  il  congédia  brus- 
quement les  deux  solliciteurs  ;  il  écrivit  toutefois 
à  l'archevêqae,  Mgr  deUarlay  de  Champvallon, 
pour  le  prier  de  trouver  un  moyen  terme.  On  se 
décida  à  accorder  aux  restes  de  Molière  un  pea 
de  terre,  mais  le  corps  ne  put  passer  par  l'église. 
Le  24  février,  au  soir,  le  cercueil,  accompagné  de 
deux  ecclésiastiques,  fut  porto  au  cimetière  Saint- 
Joseph,  rue  Montmartre,  où  deux  cents  personnes 
le  suivirent,  chacun  tenant  à  la  main  un  flam- 
beau. 11  n'y  eut  aucun  chant. 


(i)  Il  vient  (le  paraître  une  peiile  notice  fort 
inlércssanlt;  sur  lu  nouvelle  éj^lise  d'Aulcull,  sur 
la  marche  des  travaux,  leur  prix,  les  particula- 
ril«*s  de  la  coiislruclion,  etc.  Bien  que  cflUî  bro- 
chure ne  porte  pas  de  nom  d'auleur,  on  peut,  je 
crois,  l'allribuer  à  notre  distingué  conrrcrc, 
M.  Barthélémy  Rnynaud.  C'est  ainsi  que;  celle 
solennité  du  ào  octobre  189a  aura  inspiré  deux 
études  difTérenles  sur  l'église  d'Auteuil.  La  Con- 
sécration d'une  église  est  une  cérémonie  mys- 
tique, fort  rare  de  nos  jours,  qui  rappelle  les  fêles 
aui  avaient  lieu  aux  premiers  temps  de  l'Eglise, 
ans  les  catacombes  de  la  Rome  ancienne,  où 
l'on  cons  «crail  pour  le  sacrillce  de  la  messe  les 
tombeaux  des  Martyrs.  —  A  j)ropos  de  la  nouvelle 
église  d'Auteuil,  je  signiilerai  une  modification  que 
l'on  y  a  fait  subir  pour  la  première  fois,  jr  croi'*, 
aux  ormes  de  In  ville  de  Paris,  en  remplfi«;ant  les 
fleurs  de  lys  par  des  èloilrs. 


Le  jour  même,  un  attroupement,  animé  d'in- 
tentions hoitiles,  s'était  formé  sous  les  fenêtres  de 
Molière  et,  pour  le  dissiper,  il  fallut  jeter  à  la 
foule  des  pièces  de  monnaie. 

Boileau,  dans  son  épitre  à  Racine,  a  rendu 
immortelle  l'intervention  du  curé  d'Auteuil  : 

Avant  qu'un  peu  de  terre  obtenue  par  orière 
Pour  jamais  sous  la  tombe  eAl  enfermé  Molière... 

Le  curé  Loyseau,  tout  janséniste  qu'il  pouvait 
être,  n'en  était  pas  moins  adoré  de  la  population 
et  lorsque,  en  4698,  la  Champmesié,  qui  était 
venue  prendre  l'air  à  Auteuil,  dans  la  maison 
d'un  maître  à  danser,  s'y  trouva  subitement  et 
gravement  malade,  ce  fut  encore  lui,  bien  vieux, 
qui  l'assista  à  ses  derniers  moments.  Longtemps, 
elle  avait  refusé  sa  visite;  enfin,  elle  renonça  à  la 
comédie  et  se  montra  très  repentante  de  sa  vie 
passée.  Tous  ces  détails,  Boileau  les  tenait  du  curé 
d'Auteuil  et  il  les  transmettait  k  Racine  qui,  tout 
entier  alors  aux  doctrines  de  Port-Royal,  ne  s'en 
montrait  pas  autrement  touché,  ni  aOecté. 

Un  autre  voisin  de  l'église,  le  chancelier  d'Agues- 
seau,  se  signalait  à  peu  près  à  la  même  époque  par 
son  attitude  dans  la  lutte  religieuse  qui  menaçait 
de  diviser  la  France.  En  1713,  ce  fut  d'Auteuil 
qu'il  partit  pour  aller  s'opposer,  à  Versailles,  à 
l'enregistrement  de  la  bulle  UnigenUus.  Mme  d'A- 
gueàseau  lui  avait  dit:  Mon  ami,  allez:  oubliez 
devant  le  roi  femme  et  enfants;  perdez  tout, 
hors  l'honneur.  »  Et  comme,  en  arrivant  à  la 
cour,  le  nonce  Quiriui  lui  disait:  €  C'est  ainsi 
qu'on  forge  des  armes  contre  Rome.  —  Non, 
Monsieur,  répondait  d'Aguesseau  ;  ce  ne  sont  pas 
des  armes,  mais  des  boucliers.  » 

C'était  l'époque  aussi  où  le  P.  Bourdaloue  venait 
souvent  à  Auteuil,  chez  Boileau,  avec  lequel,  mal- 
gré une  vieille  amitié,  il  était  souvent  en  désac- 
cord (l). 

Dans  la  seconde  moitié  du  siècle  dernier, 
l'église  d'Auteuil  se  ressentit  de  Tinfluence  irréli- 
gieuse des  temps.  Sans  parler  de  Louis  XV,  qui, 
enfant,  avait  assisté  plusieurs  fuis  aux  oflBces  de 
la  paroisse  et  qui,  presque  vieillard,  y  était  revenu 
passer  une  partie  de  l'été  de  1 764 ,  un  souvenir 
plus  profane  encore  se  rattache  aux  mors  de  la 
vieille  église  :  le  poète  Colardeau,  hôte  habituel 
des  demoiselles  de  Verrières,  a  raconté  quelles 
étaient  ses  distractions  quand  il  les  accompagnait 
à  l'office: 

Je  sais  très  à  proj^os  porter  une  bougie. 
Présenter  une  main  ou  bien  donner  un  bras; 
J'accompagne  à  la  messe  et  j'y  rime  tout  bas 
Du  i^aint  du  jour  le  roman  ou  la  vie. 

Ces  vers,  faits  à  rêglise,  existent  encore  et  se 

(i)  Auteuil  parait  avoir  été  un  centre  janséniste  : 
Boileau,  Hacine,  Loyseau,  d'Aguesseau.  les  Gé- 
novofains.  Mais  il  râcbèle  son  jansénisme  par 
labri  quil  a  offert  à  loulrs  nos  gloires  lilléraires. 
Puisuue  nous  parlons  d'églises,  qu'il  me  soit  per- 
mis de  rappeler  qu'à  l'entrée  delà  crvpte de Sainl- 
Sernin,  iie  Toulouse,  où  reposent  de  nombreux 
marlyrs,  on  peut  lyre  : 

Snllnst  in  loto  orbe,  sanriior  hic  locus. 

En  cbangeant  un  seul  mot  on  aurait  la  devise 
d'Auteuil  ; 

y  allas  in  lolo  orbe  lillernrior  hic  locux. 


ANNEXES 


-543 


troaveot  anjourd*hoi  dans  la  collection  d*an  lettré 
délicat  (i);  ils  sont  impossibles  à  reproduire  à 
cause  de  leur  impiété  et  de  leur  crudité. 

Il  y  avait  encore  autour  de  Téglise  et  tout  près 
les  maisons  de  Legendre,  de  Destutt  de  Tracy  et, 
de  nos  jours,  celle  du  peintre  François  Gérard. 
Thomas  et  Ducis  demeurèrent  dans  Tancien  pres- 
bytère, qui  touchait  à  Téglise  et  <}ui,  vendu  en 
1793  comme  bien  national,  fut  habité  depuis  par 
le  colonel  Cou  telle  qui,  le  premier,  en  1794, 
s*éleva  dans  un  aérostat  militaire  aux  plaines  de 
Fleurus. 

La  nouvelle  maison  curiale,  rétablie  en  1876, 
fut  construite  sur  l'emplacement  ancien  des  parcs 
de  MM.  de  Praslin,  Destutt  de  Tracy  et  Le- 
gendre. 

Qnant  à  Tantiqne  château  sei^eurial  (2),  il 
servait  aux  abbés  de  Sainte-Geneviève  de  maison 
de  plaisance  et  recevait  tous  les  mercredis  la  visite 
des  novices  qni  y  venaient  en  promenade. 


Les  vignes  d*Auteuil,  qui  avaient  alors  une 
réputation  eurofiéenne,  appartenaient  pour  moitié 
à  la  paroisse  et  pour  moitié  aux  Génovéfains. 

Le  vin  de  la  paroisse  était  attribué  aux  cha- 
noines de  Notre-Dame  de  Paris,  qni  en  gratifiaient 
leur  église  afin  au*il  fût  fait,  le  jour  de  leur  anni- 
versaire, après  leur  mort,  un  repas  à  quatre  ser- 
vices. Celui  des  Génovéfains  était  vendu  à  des 
évèques,  et,  parfois,  transporté  jusqu'en  Dane- 
mark. 

La  fête  paroissiale,  qui  avait  lieu  le  15  août  et 
les  dimanches  suivants,  se  tenait  sur  la  place  de 
réglise  et  k  rentrée  du  bois  de  Boulogne.  C'est 
dans  cette  dernière  partie  seulement  <|u*on  dansait 
puisqa'autour  de  l'église  s'élevait  le  cimetière. 

J'en  aurai  fini  avec  ces  usages  particuliers  quand 
j'aurai  dit  que  quelques  habitants  étaient  tenus  de 
fournir  chaque  année  une  certaine  quantité  de 

{vaille  pour  mettre  sons  les  pieds  des  femmes,  à 
'église,  à  la  messe  de  minuit  (1). 


Quelques  coutumes  bizarres  ont  longtemps  sub- 
sisté dans  l'ancienne  paroisse  d'Autenil.  L'est  là 
que  fut  conservé  le  plus  longtemps  l'usage  de 
prendre,  sous  forme  de  droit,  le  chaperon  du 
marié  et  le  voile  de  l'épouse. 

Tous  les  ans,  le  premier  vendredi  de  mai,  on 
faisait  sur  le  territoire  de  la  commune  une  pro- 
cession pour  les  biens  de  la  terre,  qu'il  ne  faut  pas 
confondre  avec  la  procession  des  Rogations  et  qui 
s'appelait  procession  des  petites  bêtes,  parce 
çiu'cile  avait  pour  but  d'obtenir  la  destruction  des 
insectes  nuisibles  à  la  culture.  On  se  rendait  ainsi 
jusqu'à  la  chapelle  Sainte-Madeleine,  qui  remontait 
au  xiii*  siècle  (3),  etjusqu'à  lacroixde  fer, qui  se 
dressait  à  mi-cdte,  à' peu  près  au  croisement  actuel 
des  rues  Mozart  et  Hibéra;  cette  dernière  voie 
s'appelait,  il  y  a  encore  trente  ans,  rue  de  la 
Croix,  et  c'est  là,  d*après  une  tradition  ancienne, 
que  les  Druides  avaient  placé  leurs  pierres  con- 
sacrées (4). 

fi)  M.  Gaston  Maugras. 

(a)  II  s'élevait  là  où  est  aujourd'hui  la  maison  de 
retraite  Chardon -Laffache. 

(3)  Le  nécruloge  de  l'abbaye  de  Sainte-Gene- 
viève, au  second  jour  des  Ides  de  Décembre,  dit: 
«  Obiit  Amelina  fnmUiaris  noslra^  qute  dédit  nobis 
oclo  libroH  de  qutbus  consirucla  est  Capella  Alto- 
tio.  9 

Huit  livres!  moins  de  200  francs.  La  chapelle 
devait  être  bien  petite  ! 

Il  y  avait  aussi  dans  la  rue  des  Garennes  (au- 
jourd'hui rue  Boileau)  une  ruelle  des  Processions, 
dont  le  nom  semble  indiquer  que  le  cortège  sacré 
passait  par  là. 

(4)  M.  de  Ménorval.  notre  savant  confrère,  dans 
le  lome  I  de  son  Histoire  de  Paris,  p.  16,  conslate 
qu'à  l'époque  gauloise  nos  ancêtres  pla<;aienl  fré- 
quemment auprès  des  collèges  druidiques  des  pâ- 
turantes pour  les  chevaux.  Il  cilo.  comme  exemple, 
les  prairies  de  Vaugirard.  de  Grenelle  et  de  Vau- 
vert  (depuis,  le  Pré-aux-Clercs).  Or,  nous  trou- 
vons dans  les  anciennes  cartes  d'Autcuil  que  le 
bas  de  la  rue  Ribéra,  vers  le  70  actuel  de  la  rue 
La  Fontaine,  est  toujours  indiqué  comme  lieu  dit  : 
le  pré  aux  chevaux,  ce  qui  tendrait  à  prouver 
qu'Autcuil  était  bien  habite  par  les  Gaulois  cent 
ans  environ  avant  notre  ère  et  que  le  collè«fe  dus 
Druides  qui  avait  fait  de  la  fort't  de  Rouvray  un 
sanctuaire  et  un  lieu  de  pèlerinage  (V.  Ménor- 
val. I,  p.  16  et  note)  devait  avoir  à  Auteuil  des 
pierres  consacrées. 


L'histoire  n*a  enregistré  ^ue  quelques-uns  des 
noms  des  prêtres  qui  ont  dirigé  la  paroisse  d'Au- 
tenil avant  la  Révolution.  En  dehors  des  curés 
Simon,  Loyseau  et  Le  Vachalde  dont  j'ai  parlé,  je 
n*ai  retrouvé,  parmi  les  inscriptions  'de  Tancien 
cimetière,  que  ces  noms  : 

Pierre  Carbonnier,  curé  mort  en  1725  ; 

Jacques  Piqu;:t,  curé,  mort  en  176i; 

Jacques  Férey,  vicaire,  mort  en  1736  ; 

Julien  Cabart  de  Danneville,  vicaire,  mort 
en  1775. 

Après  1789,  pendant  quelque  temps,  la  paroisse 
d'Autenil  eut  à  sa  tète,  comme  curé  constitution- 
nel, l'abbé  Lefèvre-Laroche,  le  commensal  de 
Mme  Helvéttus.  L'abbé  Laroche,  connu  sous  ce 
seul  nom  dans  tous  les  mémoires  du  xviii*  siècle, 
se  faisait  appeler,  lorsc^n'il  était  notre  pasteur, 
l'abbé  Lefebvre.  11  rendit,  pendant  la  Révolution, 
do  grands  services.  Ce  fut  lui  qui,  le  13  juillet  1789, 
présida  à  la  distribution  des  poudres  saisies  an 
port  Saint-Nicolas  et  qui,  les  5  et  6  octobre,  cou- 
rut le  risque  d'être  massacré  en  voulant  empêcher 
la  populace  de  brûler  les  papiers  de  l'Hôtel  de 
Ville  de  Paris.  En  1791,  puis  en  1799,  il  fit  partie 
de  l'administration  du  département  de  Paris; 
appelé,  après  le  18  brumaire,  au  corps  légis- 
latif, il  en  sortit  en  1803.  C'est  lui  qui,  en  1800, 
rendit  les  derniers  devoirs  à  Mme  Helvétius. 

Parmi  ses  successeurs,  je  trouve  M.  Lacrole, 
qui  enterra  Cabanis  (2),etqui  mourut  après  trente 
ans  d'exercice,  victime  de  son  dévouement  à  ses 
paroissiens  pendant  la  cruelle  épidémie  de  1832  ; 
et  M.  l'abbé  Legonidec  (18451858),  dont  les  tra- 
vaux sont  restés  chers  à  tous  ceux  qui  se  sont  occu- 
pés des  lettres  bretonnes. 

Enfin,  je  ne  saurais  non  plus  oublier  aujourd'hui 
le  souvenir  de  MgrLamazou  qui,  de  1874  à  1881; 
a  dirigé  la  paroisse  et  qui  peut  être  regardé 
comme  le  véritable  fondateur  du  nouveau  temple. 


(1)  V.  un  manuscrit  du  xiii*  siècle,  sur  Auteuil, 
h  la  bibliothèque  Sainte-Geneviève. . 

(2)  Cabanis  était  mort  en  Seine-et-Oise  ;  il  fut 
ramené  à  Auteuil,  où  il  y  eut  une  pi"emière  céré- 
monie avant  celle  du  Panthéon. 


244 


HISTOIRE   DU   XVI'  ARRONDISSËMENt 


L'Eglise  catholique  a  la  pieuse  cootame  d'unir 
toas  les  jours  le  culte  des  morts  à  la  prière  des 
Tirants  ;  j'ai  pensé  qu'en  lui  empruntant  cet  usage, 
il  pouvait  être  intéressant.  Messieurs,  d'évoquer 
devant  vous,  pendant  ({uelques  instants,  le  souve- 
nir de  cette  vieille  église  qui,  à  son  jour,  a  vu 
s'incliner  sous  ses  voûtes  des  orateurs  illustres 
comme  Bourdaloue,  des  magistrats  courageux 
comme  d'Aguesseau  et  des  poètes  immortels 
comme  Boileau,  Racine  et  Molière. 

Auteuil,  le  20  octobre  189:2. 

Antoine  Guillois. 


LES   ABBÉS    DE    SAINTE-GENEVIÈVE 

SEIGNEURS   d'AUTEUIL 

En  donnant,  dans  le  numéro  du  30  juin  4893, 
des  listes  chronologiques  de  dignitaires  civils  et 
ecclésiastiques  d'Auteuil,  Passy  et  Chaillot,  nous 
n'avions  pas  cru  devoir  parler  des  seigneurs  d'Au- 
teuil, qui  depuis  4462  ne  furent  autres  que  les 
abbés  de  Samte-Geneviève,  pensant  que  la  liste 
complète  et  chronologique  de  ces  abbés  devait  être 
facile  à  trouver  pour  qui  désirerait  la  connaître. 

(^pendant,  Jacques  du  Breul,  dans  son  livre 
du  Théâtre  des  antiquités  de  Paris,  tout  en 
s'étendant  longuement  sur  l'histoire  de  l'abbaye 
de  Sainte-Geneviève,  ne  donne  pas,  comme  on 
disait  alors,  le  Catalogue  de  ses  abbés.  L'abbé 
Lebœuf,  dans  son  Histoire  de  la  ville  et  du  dio- 
cèse de  Paris^  se  contente  d'indiquer,  comme 
sources  à  explorer,  quelques  manuscrits  de  la 
bibliothèque  Sainte  Geneviève  et  la  Gallia  chris- 
tiana.  Nous  avons  donc  pensé  qu'il  serait  inté- 
ressant, sinon  très  utile,  d'établir,  d'une  façon 
simple  et  claire,  cette  liste  des  63  seigneurs  d'Au- 
teuu ,  et  pour  cela  nous  avons  compulsé  les 
ouvraees  mentionnés  par  l'abbé  Lebœuf  et  surtout 
la  Gallia  christiana,  plus  la  France  pontificale 
de  Fisquet,  qui  rectifie  et  complète  la  Gallia  chris- 
tiana. 

Voici  le  résumé  de  nos  recherches,  précédé  de 
craelques  détails  sur  la  seigneurie  et  les  seigneurs 
a'Auteuil. 

En  vertu  d*un  échange  qui  fut  fait,  en  4440, 
entre  les  chanoines  sécuuers  de  Sainte-Geneviève 
et  les  religieux  de  l'abbaye  du  Bec-Hellouin,  près 
de  Rouen,  ces  derniers  cédèrent  aux  Génovéfains 
tout  ce  qu'ils  possédaient  à  Auteuil  et  à  Paris,  et 
reçurent  d'eux,  en  échange,  des  domaines  près 
de  Vernon,  entre  autres  le  bourg  de  GamiUy. 
Quand  les  chanoines  réguliers  de  l'ordre  de  Saint- 
Augustin,  s'établirent  à  Sainte-Geneviève  en  4  448, 
un  des  chanoines  séculiers,  Simon  de  Saint-Denis, 
jouisisait  en  prébende  de  la  terre  d'Auteuil  ;  en 
4462,  sur  le  point  de  mourir,  il  en  fit  don  aux 
chanoines  réguliers,  leur  cédant  tous  ses  biens  et 
particulièrement  un  grand  pré  situé  à  Auteuil, 
sur  le  versant  de  la  ci)te  qui  descend  à  la  Seine* 


C'est  là  que  fut  installée  l'habitation  seigneuriale. 
Le  territoire  de  la  seigneurie  d'Auteuil  s  accrut  en 
peu  de  temps  ;  il  comprenait  au  commencement 
du  xviu^  siècle,  en  dehors  de  son  enclos,  du 
côté  de  Saint-Cloud,  22  arpents  de  vigne  pour 
la  fa<:on  desquels  les  habitants  d'Auteuil  devaient 
des  corvées.  L'abbave  possédait  alors  des  hommes 
de  corps,  des  serfs  attachés  à  son  domaine,  qui 
se  rachetèrent  et  furent  mis  en  liberté  sous  le 
règne  de  Saint-Louis,  en  4247. 

Depuis  4468,  l'abbaye  de  Sainte-Geneviève  eut 
la  singulière  prérogative  de  ne  relever  que  du 
saint-Siège;  mais  l'abbé  était  tenu  néanmoins,  lors 
de  sa  nomination,  de  prêter  serment  au  roi,  pour 
le  temporel.  En  4227,  il  fut  autorisé  par  le  pape, 
lui  et  ses  successeurs,  à  porter  les  habits  ponti- 
ficaux, la  mitre,  la  crosse  et  le  grand  anneau  pas- 
toral ;  il  avait  le  droit  de  lancer  des  monitoires 
comme  les  évéqnes  ;  et  dans  les  processions  de  la 
châsse  de  Sainte-Geneviève,  pour  obtenir  beau 
temps  ou  pluie,  ou  la  fin  de  quelque  calamité,  il 
avait  la  droite  sur  l'évèque  de  Paris  et  sur  son 
chapitre  et  bénissait  le  peuple  comme  le  prélat.  Il 
était  également  autorisé  par  le  saint-siège  à  con- 
naître et  juger  toutes  les  causes,  tant  ecclésias- 
tiques que  civiles,  et  constituait  alors  un  ecclésias- 
tique pour  son  vice-gérant.  Les  actes,  citations, 
enquêtes,  procès,  sentences,  étaient  rédigés  par  un 
greffier  également  nommé  par  l'abbé,  et,  s'il  y 
avait  contestation,  on  pouvait  en  appeler  trois  fois 
devant  des  juges  ecclésiastiques  choisis  par  ledit 
abbé  (4).  Faute  d'entente,  1  affaire  allait,  eu  der- 
nier ressort,  en  cour  de  Rome. 

Sur  ses  terres  et  seigneuries,  qui  devinrent  con- 
sidérables, l'abbé  avait  droit  de  censive  et  de 
haute,  moyenne  et  basse  justice.  Une  des  peines 

Principales  qu'il  pouvait  proponcer  était  celle  de 
Echelle,  On  attachait  le  condamné  sur  une 
échelle,  de  manière  à  faire  passer  ses  pieds  et  ses 
mains  dans  un  ais  percé  de  trous.  Il  y  avait  aussi 
ï Enfouissement  :  le  coupable  restait  exposé,  la 
moitié  du  corps  en  terre,  pendant  un  temps  déter- 
miné. Nous  voyons  même  dans  un  manuscrit,  con- 
servé à  la  bibliothèaue  Sainte-Geneviève,  qu'en 
4295  Guérin  des  Andelys  fit  enterrer  vive  la  lar- 
ronnesse  Marie  de  Romainville  sous  les  fourches 
patibulaires  d'Auteuil  (2)  et  qu'en  4302,  Jean  de 
Hoissi  fit  subir  la  même  peine  à  Amelotte  de  Chris- 
teuil  pour  avoir  volé  une  cotte  et  quelques  bijoux. 
Ces  peines  barbares.infligées  surtout  au  moyen  Age, 
le  furent  encore  quelquefois  à  Tépoque  de  la  Renais- 
sance ;  mais,  depuis  lors ,  les  abbés  de  Sainte- 
Geneviève  n'usèrent  de  leur  pouvoir  qu'avec  la 
plus  grande  modération  (3). 

La  maison  seigneuriale  d'Auteuil,  séjour  pri- 
vilégié des  abbés  de  Sainte-Geneviève,  était  située 
près  du  côté  méridional  de  l'ancienne  église,  sur 


(i)  Les  Ronshommes  de  Pnssy  devaient  foîrc 
jii^er  leiirM  c«iises  par  la  Chambre  apostolique  de 
Sainte-Geneviève. 

(a)  Les  fourches  patibuloires  d'Auteuil  étaient 
situées  sur  la  route  de  Versailles,  probablement 
uu  rond-point  de  la  barrière  actuelle. 

(3)  Il  y  avait  d'autres  coutumes  et  redevances 
assez  bizarres  que  noire  collègue,  M.  Antoine 
Guillois ,  a  nientiounées  dans  son  intéressant 
arMcle,  qui  précède,  sur  la  vieille  église  d'Au- 
teuil. 


l'empItMineDl  acta«I  de  h  rne  Wilhem  et  de  l'éu- 
blissement  Cburdoo-La^ache.  Elle  fnt  agrandie 
succeasiTemeot  par  Philippe  Cousin  i  la  fin  du 
XV*  siècle,  par  Guillaume  Le  Duc  au  commen- 
cement du  ivi°,  et  au  ivi[*  par  le  cardinal  de 
La  Roehefoncauld.  Les  terrains  qui,  à  l'est, 
allaient  h  peu  près  jusqu'à  la  Seine,  s'éten- 
dirent, i  l'onest,  jnsqu't  la  rae  Boileiu.  Lors  de 
la  suppression  des  maisons  religieuses  sous  la 
RéTolution,  les  propriétés  des  GénoTéfains  h  ka- 
teoil,  déclarées  biens  nationaux,  furent  vendues 
37.000  litres.  La  maison  seigneuriale  appartint. 


a45 


LISTE  DES  ABBÉS  DE  SAINTE -GENEVIÈVE, 
SEIGNEURS  D'AUTEIIL 


l"EuDF3an  Odou.  Fat  abbé  du  24  août  1148 
à  11S4  enriron,  époque  il  laquelle  il  démissionna. 
Kodes,  l'ami  de  Gnillaame   de  Champeaux  et 


Armes  de  l'Ahbaye  royale  de  Sa  in  le- Geneviève. 


ions  le  premier  Empire,  au  minisire  de  l'Intérieur 
Crèlel,  puis  fnt  achetée  vers  1813  par  le  peintre 
Franfois  Gérard,  qui  la  posséda  jusqu'à  1837, 
date  de  sa  mort.  Sa  veuve  la  conserva  et  y  mourut 
le  1*"'  décembre  iSiS.  Après  elle,  la  maison 
passa  an  neveu  et  seul  hériiier  de  Kranteis  Gérard, 

]ni  la  retendit  vers  1830  i  Mme  la  comtesse 
'Aubusson  de  la  Feuillade,  laquelle  mourut  peu 
de  temps  après,  en  1806.  Entin,  en  IS.IS,  les 
deux  allés  de  Mme  d'Aubusson  de  la  Feuillade  la 
cédèrent  i  la  ville  de  Paris,  désireuse  de  trans- 
férer sur  son  emplacement  l'établissement  de 
Sainte-Pénne-de'Chaillol,  qui  allait  être  démoli. 


ranta|;oniste  d'Abélard,  était  prieur  de  l'abbaye 
Saint-Victor,  quand  il  fut  choisi  pour  rèlormer 
celle  de  Sainte-Geneviève,  Son  œuvre  acbevéA,  il 
retourna  ï  Saint-Victor,  ota  11  monrut  en  1173. 
Eades  ne  fut  pas  seigneur  d'Aoteuil,  comme  oo 
le  verra  plus  loio  ;  nous  ne  le  citons  qne  pour 
compléter  la  liste  des  abbés  réguUers. 

En  1165,  il  fut  ehoisi  pour  être  parrain  de 
PbilippeTAuKUBle,  avec  Ernise,  abbé  de  Saint- 
Victor,  et  Hugues,  abbé  de  Saint-Germain -des- 
Prés. 

S'AuDERTOD  ALiiEaT.Dell54i11C3.  Hoamt 
en  1177. 

Fut  le  premier  seigneur.  d'Autenil,  depuis  la 
donation  de  Simon  de  Saint-Denis,  en  116^. 

;i>  Ue  Gar(n.  Elu  en  1163  pour  remplacer  An- 
berl,fat  contraint  de  démissionner  quelques  années 
après,  i  la  suite  de  démêlés  (cindileiu. 


2/i6 


HISTOIRE    DU   XVI*   ARRONDISSEMENT 


4«  Hugues.  Abbé  de  i\6l  on  1468  à  4175 
environ,  dateoîi  il  permuta. 

5"  EriENfiE  dit  de  Tournai,  né  à  Orléans  en 
4435.  Abbé  de  4476  environ  à  4493.  Nommé 
éTéque  de  Toarnai  en  4492,  ne  fut  sacré  qu^en 
4493.  Mourot  en  4203. 

Cet  éminent  abbé  rétablit  Tordre  dans  la  com- 
munauté et  fut  choisi,  en  4487,  par  Philippe- 
Auguste,  pour  être  parrain  de  son  61s  atné,  qui 
devint  le  roi  Louis  YlII.  Il  a  écrit  un  certain 
nombre  d^ouvrages  estimés  de  son  temps. 

e^  Jean  de  Tooct.  De  4493  jusque  vers  4222. 
date  présumée  de  sa  mort. 

7''  Galon.  D*avril  4222  à  mars  4223,  date  de 
sa  mort. 

8«  F.  Herbert.  De  4223  à  4240,  date  de  sa  mort. 

D*aprés  le  Théâtre  des  Antiquités  de  Paris, 
de  J.  du  Brenl,  et  la  Callia  christiana,  Herbert 
fat  le  premier  abbé  de  Sainte-Geneviève  autorisé 

Sar  le  pape  en  4227  à  porter  les  habits  ponti- 
caux,  la  mitre,  la  crosse  et  Fannean  pastoral. 

9*  Robert  de  la  Ferté-Milon.  De  4240  à  4246 
environ. 

Ce  fut  lui  ^i  fit  faire  la  magnifique  châsse  de 
Sainte-Geneviève,  en  vermeil  doré,  pour  laquelle 
on  avait  employé  193  marcs  d'argent  et  8  marcs 
d'or. 

40*  TniBAUD.  De  juin  4246  environ  au  6  dé- 
cembre 4265.  Mourot  à  Rome  le  9  mai  4266. 

D'après  l'abbé  Lebœuf,  en  désaccord  sur  cela 
avec  J .  du  Breul  et  la  Gallia  christiana,  Thihaud 
aurait  été  le  premier  abbé  de  Sainte-Geneviève 
autorisé  à  porter  les  habits  pontificaux  (?). 

44«  Eudes  II  ou  Odon.  De  4266  au  43  no- 
vembre 4275,  date  de  sa  mort. 

42*  Arnoul,  de  Romainville.  Rlu  au  mois  de 
novembre  4275,  démissionna  en  4280  ou  4284. 
Mourut  le  40  octobre  4286. 

43*  Guillaume,  d'Auxerre.  Abbé  du  26  mars 
4282  au  48  avril  4284,  date  de  si  mort. 

44*  GuÉRiN,  des  Andelys.  De  4284  au  com- 
mencement de  4296,  date  od  il  permuta.  Mourut 
le  22  février  de  cette  même  année. 

45»  Jean  de  Vie.  De  4296  au  25  août  4298, 
date  de  sa  mort. 

46*  Jean  de  Roissi  (en  Parisis).  De  4298  i 
4307,  date  de  sa  mort. 

47*  Jean,  de  Saint-Leu-Tavemy.  De  la  fin  de 
4308  au  47  juillet  4334,  date  de  sa  mort. 

48*  Jean,  de  Borest  près  Senlis.  De  4334  à 
434f ,  date  de  sa  mort. 

49*  Robert  de  la  Garenne.  Issu  d'une  famille 
noble  de  Toulouse.  Abbé  depuis  4344,  l'était 
encore  en  4347. 

20*  Jean  de  Virt.  Etait  abbé  en  4349.  Mourut 
le  26  janvier  4358. 

24*  Jean  Ardenne.  Abbé  depuis  4358,  le  fut 
jusqu'au  23  mai  4363,  date  de  sa  mort. 

24  ^  Bernard,  de  la  Rochelle.  Fut  élu  après 
la  mort  de  Jean  d'Ardenne,  mais  mourut  en  4364, 
avant  d'avoir  été  intronisé. 

'22*  Jean  de  Bassemain.  De  4365  au  27  octobre 
.  4388,  date  de  sa  mort. 

23*  Etienne  de  la  Pierre,  du  Bourbonnais.  De 
la  fin  de  4388  à  4405,  date  de  sa  mort, 

24*'  François,  de  Nyons.  De  4406  à  la  fin  de 
4444,  date  de  sa  mort. 


25*  Raoul  Mareschal,  de  Franchose  en  Boar- 
bonnais.  De  la  fin  de  4444  au  5  août  4426,  date 
de  sa  mort.  Ce  Franchose  en  Bourbonnais  pourrait 
bien  être  Franchesse,  dans  le  département  de 
l'Allier  (?). 

26*  Robert  Micron,  de  Marisy-Sainte-Gene- 
viève,  près  la  Ferté-Uilon.  Du  25  novembre  4426 
au  44  octobre  4432,  date  de  sa  mort. 

27*PiERRE  Caillou  ouCaillon.Do 4432  on  4433 
au  27  août  4466,datedesa  mort.  Devenu  infirme, 
avait  remis  ses  pouvoirs  en  4449  à  Jean  Bouvier, 
mais  conserva  son  titre  d*abbé. 

28*  Jean  Bouvier.  De  4466  jusque  vers  4472, 
dato  de  sa  démission.  Mourut  le  4 7  novembre  4  479. 

29*  Philippe  Langijois,  dit  VArijglais.  Succéda 
à  Jean  Bouvier  vers  4472  et  démissionna  le  23  juil- 
let 4488. 

30*  Philippe  Cousin.  D'août  4488  à  4547. 
Permuta  alors  pour  le  prieuré  de  Saint-Eloide- 
Roissi-en-Parisis,  dont  était  supérieur  Guillaume 
le  Duc,  qui  suit.  Mourut  le  47  avril  4524. 

Philippe  Cousin  avait  a^andi  et  embelli  la 
maison  seigneuriale  d'Auteuil. 

34*  Guillaume  le  Duc,  dit  de  Roissi.  De  4547, 
épooue  où  il  avait  permuté  avec  Philippe  Cousin, 
à  4534,  année  ob  il  donna  sa  démission.  Mourut 
le  3  juillet  4  537. 

Guillaume  le  Duc  avait  continué  les  agrandisse- 
ments de  la  maison  seigneuriale  d'Auteuil.  En 
4520,  il  avait  été  nommé  évéque  inpartibus  de 
Bellina,  dans  la  Mauritanie  Césarienne. 

32*  Philippe  le  Bel,  de  Luzarches.  Du  com- 
mencement de  4534  à  la  fin  de  4557,  époque  où 
il  démissionna  à  cause  de  ses  infirmités.  Mourut 
le  3  juillet  4558. 

33*  Fr.-Joseph  Foulon,  de  Paris.  De  la  fin  de 
4557  à  mars  4607.  Mourut  au  mois  d'août  sui- 
vant. S'était  adjoint  le  jeune  Benjamin  de  Brichan- 
teau  en  4602. 

Joseph  Foulon  avait  puissamment  contribué  dès 
4592  à  la  réduction  de  Paris  en  4594;  aussi 
Henri  IV,  reconnaissant,  voulut-il  Tavoir  comme 
assistant  à  son  abjuration  et  à  son  mariage  avec 
Marie  de  Médicis. 

34*^  Benjamin  de  Brichanteau,  fils  du  marquis 
de  Nangis.  Né  en  4585.  Adjoint  à  Joseph  Foulon 
dès  4602,  fut  élu  abbé  le  34  mars  4607,  c'est-à- 
dire  à  peine  âgé  de  vingt-deux  ans.  Qoelques 
années  après  devint  évéque  et  duc  de  Laon,  mais 
conserva  la  direction  de  Sainte-Geneviève  jusqu'à 
sa  mort,  arrivée  le  43  juillet  4649. 

35*  et  36*  François  de  la  Rochefoucadlt, 
d'abord  évéque  de  Clermont  et  de  Senlis,  puis 
cardinal  et  grand  aumônier  de  France,  fut  nommé 
exceptionnellement,  par  le  roi,  abbé  commenda- 
taire  de  Sainte-Geneviève,  aprte  la  mort  de 
Benjamin  de  Brichanteau,  réforma  complètement 
l'abbaye,  créa  la  bibliothèque  en  4624  (4)  et 
agrandit  la   maison   seigneuriale   d'Auteuil.  Il 


(i)  Une  inscription,  placée  dans  le  vestibule  <le 
la  nouvelle  Bibliothèque  Sainte-Genevièvre,  rap- 
pelle ce  fait.  Avant  1634,  l'abbaye  ne  possédait 
que  quelques  manuscrits  ;  en  i6do,  le  cardinal  de 
la  Rocheroucaud  fit  don  de  ses  livres  aux  Géno- 
vcfains,  et.  depuis,  celle  bibliothèque  s'est  accrue 
successivemenl, grâce  aux  libéralités  de  généreux 
donateurs. 


ANNEXE» 


247 


moanit  en  1645.  Eo  4634,  il  s'était  adjoint 
Charles  Faurk  avec  le  titre  de  supérieur  coadju- 
taur.et  général  de  toute  la  conjprégation  de  France. 
Il  fat  alors  décidé  qu'à  TaTenir  les  abbés  seraient 
élus  pour  trois  ans  et  seraient  rcéligibles.  Charles 
Faure,  né  à  Louvecienoes  en  4594,  fut  réélu  en 
4637  et  exerça  jusqu'au  mois  d'octobre  4040. 


SUITE  DES  ABBÉS  TRIENNAUX,  RÉÉLIGÏBLES 

37^  François  Boulard,  né  à  Sentis  en  1605. 
Abbé  du  34  octobre  4640  à  la  6n  de  4643. 

38®  Charles  Faure.  Elu  pour  la  3*  fois  à  la  fin 
de  4643,  mourut  le  4  novembre  4644. 

39®  François  Blanchard,  d'Amiens.  De  la  fin 
de  4644  à  septembre  4650. 

40®  Antoine  Sconir,  né  à  la  Ferté-Milon  en  4  608. 
Abbé  du  44  septembre  4650  à  septembre  4653. 
Fut  alors  envoyé  à  Uzés  (Gard)  comme  chanoine 
du  chapitre  de  cette  ville  ;  c'est  là  qu'il  enseigna 
la  théologie  à  Racine,  dont  il  était  l'oncle  mater- 
nel, en  4664  et  466^.  A.  Sconin  mourut  à  Uzés 
le  40  janvier  4689. 

44®  François  Blanchard,  d'Amiens.  Abbé  de 
nouveau,  du  42  septembre  4653  au  44  sep- 
tembre 4665. 

42®  François  Bouurd.  Abbé  de  nouveau,  du 
2i  septembre  4665  au  9  janvier  1667,  date  de  sa 
mort. 

43®  François  Blanchard.  Abbé  de  nouveau,  de 
septembre  4667  à  4675,  date  de  sa  mort. 

44®  Paul  Beurrier,  né  à  Chartres  en  1608. 
Abbé  du  47  septembre  4675  à  septembre  4684. 
Mourut  le  25 Janvier  4688. 

45®  Erard  Floriot,  né  à  HuUiécourt,  près  Tulle, 
en  4622.  Abbé  du  45  septembre  4684  au  44  jan- 
vier 4685,  date  de  sa  mort. 

46®  Antoine  Watrée,  né  en  4641.  Abbé  de 
janvier  4685  au  24  juillet  4688,  date  de  sa 
mort. 

47®  François  Morin,  de  Langeac.  Elu  le  1 4  sep- 
tembre 4688,  fut  abbé  jusqu'à  septembre  4694. 
Mourut  le  46  novembre  suivant. 

48®  Jean  de  Montenay,  né  à  Caen  en  4634. 
.Abbé  du  20  septembre  4694  à  septembre  4697. 

49®  Jean-Baptiste  Chaubert,  né  à  Beaugenc^ 
en  4643.  Abbé  du  42  septembre  4697  au  §  mai 
4703,  date  de  sa  mort. 

50*  Jean  de  Montenay.  Abbé  de  nouveau,  du 
40  septembre  4703  à  septembre  4706.  Mourut  le 
40 juin  4707. 

54®  Claude  Paris,  né  à  Chàlons-sur-Mame  en 
4636.  Abbé  du  9  septembre  4706  à  septembre 
t709.MourutIe  45  juillet  4744. 

52®  Jean  Paulinier,  né  à  Pézenas  en  4 6 {6. 
Abbé  du  42  septembre  4709  à  février  4715. 

53®  Gabriel  de Riberoli.es,  né  à  Paris  en  16 H. 
Abbé  du  12  février  1715  à  septembre  1721. 

54®  Jean  Paulinier.  Abbé  de  nouveau,  de  sep- 
tembre 1721  an  6  mars  1727. 

55®  Gabriel  de  Rirerolles.  Abbé  de  nouveau, 
du  11  septembre  1727  à  septembre  1733,  date 
de  sa  démission.  Mourut  le  3  novembre  suivant. 

56*  Pierre  Sutaine,  de  Reims.  De  septembre 
1733  à  septembre  17:^9. 


57®  François  Patot,  d'Angers.  De  septem- 
bre 1739  à  septembre  1751. 

58®  Duchène.  De  septembre  1751  à  septem- 
bre 1754. 

59®  Chaubert.  Du  12  septembre  1754  à  sep- 
tembre 1766.  Ce  fut  lui  qui  bénit,le  1®''  août  1758, 
le  terrain  oii  on  allait  élever  la  nouvelle  église 
Sainte-Geneviève  (actuellement  le  Panthéon). 

60®  N.  Delorme.  De  septembre  1766  à  sep- 
tembre 1769. 

61®  Etienne  Viallet.  De  septembre  1769  à 
septembre  1772. 

62«  Raymond  Rivoire.  De  septembre  4772  à 
septembre  1778. 

63®  André  Guillaume  de  Géry,  né  à  Reims 
en  1727.  Abbé  de  septembre  1778  à  septembre 
1784. 

6^®  et  dernier.  Claude  Rousselet,  né  à  Troyes 
en  1730.  Abbé  de  septembre  1784  à  1790.  Vers 
1802,  Mgr  de  Belloy,  archevêque  de  Paris,  le 
nomma  chanoine  titulaire  de  Notre-Dame  et  lui 
donna,  quelques  années  après,  le  titre  d'archi- 
prélre,  garde  de  la  nouvelle  église  Sainte-Gene- 
vicre  (le  Panthéon).  C.  Rousselet  mourut  à  Paris 
le  17  janvier  1808. 

De  cette  longue  suite  de  seigneurs  d'Anteuil.  il 
ressort  que  les  plus  marquants  furent,  par  ordre 
de  date  :  Etienne  de  Tournai,  cet  éminent  abbé 
qui  devint  évéque  et  eut  l'honneur  d'être  choisi 
par  Philippe-Auguste  p'>ur  être  parrain  de  son 
fils  aloé,  le  futur  roi  Louis  VIH  ;  Pierre  Caillou, 
abbé  pendant  trente-quatre  ans  ;  Philippe  Cousin, 
qui  régit  l'abbaye  pendant  viugt-neuf  ans,  agran- 
dit et  embellit  considérablement  la  maison  sei- 
gneuriale d'Auteuil  ;  Guillaume  le  Duc,qui  continua 
chez  nous  Toravre  de  Ph.  Cousin,  son  prédéces- 
seur, et  devint  évéque  in  parti  bus;  Joseph  Fou- 
lon, qui  administra  pendant  près  de  cinquante  ans 
—  le  plus  long  règne  des  seigneurs  d'Auteuil  — 
et  devint  le  protégé  de  Henri  IV,  reconnaissant 
du  service  qu'il  Iji  avait  rendu  en  contribuant 

{»uissamment  à  la  soumission  de  Paris  en  i  594  ; 
e  célèbre  cardinal  François  de  la  Rochefoucauld 
et  son  associé  Ch.  Faure,  qui  réorganisèrent  com- 
plètement l'abbaye  après  la  mauvaise  gestion  du 
trop  jeune  Benjamin  de  Brichanteau,  coadjutenr 
de  Joseph  Foulon  dès  l'âge  de  seize  ans,  élu  abbé 
à  vingt-deux  an»  et  sacré  évéque  peu  de  temps 
après  ;  enfin,  Antoine  Sconin,  qui  nous  intéresse 
à  double  titre,  comme  seigneur  d'Auteuil  et  comme 
oncle  maternel  et  professeur  de  théologie  de  celui 
qui  devait  être  notre  hôte  quelques  années  plus 
tard,  l'illustre  Racine. 

Léopold  Mar. 


AUTEUIL 
liste  des  curés  oui  onf  administré  la  paroisse 

L'église  N.-D.  d'Auteuil,  érigée  en  paroisse  par 
Maurice  de  Sully,  70''  évéque  de  Paris,  en  1192, 
releva  de  Saint-Germain-l'Auxerrois  juFqu'à  1745, 
puis  de  l'archevêché  de  Paris.  (D'après  les  aima- 


248 


HISTOIRE    DU   XVI*   ARHONOISSEMENT 


nacbs  royaux,  impériaux  et  nationaux,  et  les 
renseignements  donnés  par  M.  l'abbé  Caron,  vi- 
caire-général de  rarchev6ché,  à  M.  Fernand  de 
rÊfiise,  membre  de  la  Société  historique  d'An- 
tenil-Passsy.) 

Simon  était  curé  vers  4250. 

LoisEAu  (François),  conseiller  et  aumônier  du 
Roi.  Curé  en  1667,  l'était  encore  en  i698. 

Carbonnier  (Pierre)  tut  curé  jusqu'à  1723. 
Mourut  en  1725. 

Piquet  (Jacques-Georges),  de  4723  à  1761, 
date  de  sa  mort. 

Barré  (Joseph),  de  1761  à  1785. 

Vaschalde  (Jean-André),  de  1785  au  16  no- 
vembre 1793.  Revint  le  18  mai  1795. 

Lefebvre-Laroche,  sous  le  seul  nom  de  I^- 
febvre,  curé  constitutionnel,  du  16  novembre  1793 
au  18  mai  1795. 

VvscHALDE  (Jean-André),  du  18  mai  1795  à 
1809. 

Lacrôle(E.-G.),  de  1809  à  1832,  époque  oh  il 
mourut  du  choléra,  victime  de  son  dévouement. 
Fut  inhumé  au  cimetière  d*Auteuil. . 

De  Fisicat,  de  1832  à  1835. 

PuEx,  de  1835  à  1845. 

Le  Gonidec  de  Kerdaniel  (Pierre-Xavier),  de 
1845  au  14  février  1858,  date  de  sa  mort. 

EuDns,del858àl867. 

Gatbeun,  de  1867  à  1870.  Devint  curé  de  Saint* 
Philippe-du-Roule. 

JoiRON,  du  13  juin  1870  à  mai  1872.  Devint 
curé  de  Saint-Ferdinand-des-Temes. 

HuGONY,demai  1872  à  1874. 

LAMAzou,de  1874  à  1881  .Fit  construire  Téglise 
actuelle.  Devint  évêque  de  Limoges.  Mort  en  1883. 

QuiNARD,  du  30  juin  1881  au  27  mai  1886, 
date  de  sa  mort. 

Depontaillier  (Uoo),  curé  depuis  le  11  août 
1886  (1). 

LISTE  DES   MAIRES   QUI   ONT    ADMINISTRÉ  LA  COMMUNE 

Depuis  rétablissement  de  cette  magistrature 
(décret  de  l'Assemblée  nationale  du  14  décem- 
bre 1789),  jusqu'à  rannexion  (d'après  les  Aima- 
nacbs  nationaux,  impériaux  et  royaux)  (2). 

GiLLET  (Jean-Claude),  de  1790  à  1793. 

Benoit  (PierreAntoine),de  1793  àl812,d'abord 
sous  le  titre  d'agent  municipal.  Inhumé  au  cime- 
tière d'Auteuil. 

La  Croisade  (de),  de  1812  à  1817. 

Evrard,  de  1817  à  1829. 

PiTOLET,  de  1829  a  1831. 

Brechemin,  en  1831  à  1833. 

AoviLLAiN  (Jean -François),  de  1834  à  1838. 
Mourut  en  1843  et  fut  inhumé  au  cimetière  d'Au- 
teuil. 

MoLiN,  de  1838  ou  1839  à  1848. 

Musard  (Philippe),  célèbre  chef  d'orchestre  et 
compositeur,  en  1848-1851.  Mourut  en  1859  et 
fut  inhumé  au  cimetière  d'Auteuil. 

(i)  M.  Depontaillier  a  été  reniplucé  par  M.  l'abbé 
Beurlier. 

(2)  Les  almanachs  éUinl  préparés  d'avani^o,  je 
crois  que  les  dates  de  nomination  non  préciséus 
peuvent  être  reportées  à  l'aunée  précédente. 


Jehénot  (Antoine),  de  1852  au  1«' janvier  1860, 
date  de  Tannexion.  Inhumé  au  cimetière  d*Aa- 
teuil. 


PASSY 

LISTE  DES   CURÉS    QUI   ONT   ADMINISTRÉ   LA  PAROISSE 


Krigée  définitivement  en  paroisse  distincte  et 
indépendante  le  18  mai  1672,  cette  église  fut  des- 
servie jusqu'à  la  Révolution  par  des  Barnabites 
du  prieuré  de  Saint-Rloi  de  Paris  (sis  devant  le 
Palais  de  Justice),  d'abord  au  nombre  de  trois 
jusqu'à  1736,  puis  par  quatre,  et  relevait  de 
Saint-Germain-i'Auxerrois. 

(D'après  les  archives  du  chapitre  général  de 
l'ordre  des  Baraabites,  conservées  à  Rome,  et 
d'après  celles  de  Téglise  de  Passy.) 

Boucheron  (Don  Hyacinté-François),  né  à  Mon- 
targis.  Entra  en  possession  de  la  cure  le  22  juin 
1672  et,  frappé  de  paralysie,  fut  forcé  de  se 
retirer  en  1674.  Mourut  le  22  juin  de  la  même 
année  et  fut  inhumé  dans  le  chœur  de  l'église,  au- 
dessous  de  la  lampe. 

Fauconnier  (Don  Marcel),  né  à  Paris.  Curé  de 
juin  1674  à  1677.  Mourut  à  la  maison  de  Paris, 
au  mois  d'octobre  1692. 

Drspéris  (Don  Simon),  né  à  Dax.  Curé  de  juil- 
let 1677  à  juillet  1697.  Est  appelé  Despériers 
dans  les  Acta  et  Desprières  dans  le  catalogue  des 
religieux  Barnabites.  Mourut  à  Dax,  le  24  juil- 
let 1709. 

Fleuret  (Don  Alexis),  né  à  Soissons.  Curé  du 
12  juillet  1697  au  13  décembre  1728,  époque 
où,  vu  son  grand  âge,  il  renonça  à  la  cure. Louis  aV 
en  étant  informé,  ordonna  au  cardinal  de  Fleury, 
le  22  décembre  suivant,  de  mander  aux  Barna- 
bites de  Paris  qu'il  lui  serait  agréable  qu'ils  voa- 
lussent  bien  nommer  Don  Duché,  attaché  à  la 
paroisse  de  Passy,  et  qui  venait  parfois  lui  dire  la 
messe  à  la  chapelle  du  château  de  la  Muette.  — 
I)on  Fleuret  mourut  le  9  février  1730,  et  fut 
inhumé  au  milieu  du  chœur  de  l'église. 

Duché  de  la  Verrière  (Don  C^wr- Victor),  ci- 
dessus  mentionné.  Curé  du  9  janvier  1729  au 
6  février  1735,  date  de  sa  démission. 

Ju  (Don  Fulgence),  né  à  Paris.  Curé  du  11  fé- 
vrier 1735  à  mai  1758,  date  de  sa  mort. 

Danuichon  (Don  Louis).  Élu  curé  le  14  juillet 
1758,  resta  onze  mois,  puis  donna  sa  démission. 

Le  Brun  (Don  Alexis),  né  à  Pau.  Curé  du 
9  mai  1759  à  septembre  1772,  date  de  sa  mort. 

NoGuÈRRs  (Don  Clément),  né  à  Pau.  Curé  du 
29  janvier  1773  à  1791,  date  de  sa  mort. 

Chauvet  (Pierre- Antoine),  d'abord  en  religion 
Don  Stanislas  Chauvet.  Né  à  Soissons.  Asser- 
menté, remplit  les  fonctions  curiales  depuis  le 
11  décembre  1791,  quitta  le  presbytère  sous  la 
Terreur,  du  22  mars  1794  au  11  octobre  1795 
et  conserva  la  cure  de  Passy  jusqu'au  8  juin  1827, 
date  de  sa  piort.  Avait  alors  88  ans.  Fut  inhumé 
au  cimetière  de  Passy. 

Delaplanciie,  de  1827  à  octobre  1830. 

Gary  (C),  vicaire  desservant,  d'octobre  1830 
à  la  Qn  de  novembre  1835, 


Ltft  (J.-B.),  eoré  de  Chaillot.  administrateur 
da  5  décembre  1835  au  25  janvier  i836. 

JoussEUn  (Antoine-Eloi),  de  Su  jaoTier  1S36  i 
septembre  iHH.  Uerint  curé  de  Sainte-Elisa- 
beth. 

SoLAcaoux  (Franfoia),  de  septembre  {843  i 
janTier  1816.  Deviat  curé  de  Samt-Laorent. 

CoRuiËHE  (Prosper- Honoré)  d'ami  1846  à  la 
lÎD  de  décembre  18SJ.  Se  retira  i  Aoteail,  ob  il 
monrut  le  6  janvier  i86!j. 

LocATKLu  (Hippoly  te -Adrien- Simon),  de  ian- 
vkr  18S3aal4  mai  1879,  date  de  sa  mort.  Fnl 
iubunié  an  cimetière  de  Passy. 

Gi'iRAL  (Jean-Marie),  du  î  juillet  1879  k 
août  1886,  date  de  sa  mort.  Fat  inbumé  au  cime- 
tière de  Paasj. 

DouTiiH  (Damasej.cnré  actael,depais  aoAt  1886. 


(D'après  l'Histoire  de  la  Ville  et  de  ùnit  /« 
dioeèie  de  Pans,  par  l'abbé  Lebiruf,  d'après  des 
actes  cooserfés  ï  l'HOlel-Dien  de  Paris  et  les 
manuscrits  des  Barnabites  possédés  par  l'église  de 

PjkiLLAKn  (Jeanne  de),  dame  de  Passy.  Espi- 
gDeulQtEspignolel'SUr-Seine.  Vivait  en  1il6. 

Le  fief  retourna  au  roi  Louis  \1,  qui,  le  2jin- 
TÎer  1168,  le  donna  à  Jean  de  la  Dnescbe. 

Lt  DftiEsi:HE  (Jean  de),  président  de  la  Cham- 
bre des  Comptes.  Etait  encore  seieneur  i  Passv  en 
U75. 

SviFAMc  (Jean),  secrétaire  du  roi,  seigneur  de 
Passy  k  la  lin  du  iv°  siècle. 

(ulé  dans  l'Histoire  géTiéalogique,  du  père 
Anselme,  dans  les  Chronùfiiet  de  Pasty,  de  Onîl- 
lel.  mais  non  par  l'abbé  Lebœur.) 

Petit  (Jeaii). 

DuiÉs  (Pierre),  avocat  au  parlement. 

Macbeco  (Mathieu),  huissier  au  parlement,  vers 
1515-1530.  Mourut  en  1533. 

Ceblléii  (Jean). 

Du  V&t  (Nicolas),  maître  des  requêtes,  seigneur 
de  Passy  en  1558.  (Est  cittï  par  Doni  Ubineau; 
mais  le  fait  n'est  pas  très  certain,  dit  l'abbé  Le- 
hœuf,) 

Henhi  de  Sa vncK, conseiller  général  et  surinten- 
dant des  iinauces  du  duc  d'Anjou.  En  15*7^,  etc. 

.Macheco  (Mathieu),  chanoine  de  Paris,  murt 
en  1592. 

ARGEHTiËaE  (N...  de)  seigneur  jusqu'à  1658. 

CuAHu  (Claude),  conseiller  du  roi  en  ses  con- 
seils, trésorier  général  de  France  et  général  de 
ses  finances  en  la  généralité  de  Paris.  Seigneur 
de  1658  au  2  janvier  1670,  date  de  sa  mort.  Sa 
veUTe,  Christine  Chrestienne  de  Heurles,  fonda- 
trice de  la  paroisse  de  Passy,  conserva  la  sei- 
goenrie,  quoique  retirée  à    Paris  depuis  1673, 

(i)  Ils  eurent  lonKlenip»  le  litre  de  •  aeiRncur» 

Sneiiriedê  Pussy,  du  fltf  Saini-l'ol,  [|iii  Hnit  aMiié 
i>a3sy  et  <iet-nit  »o  trouver  untrv  1b  châlcsu  «H- 
KDeurinl  et  Auluuii.  Ln  riin  Pajuu  ortuellu  (précé- 
■lEmment  ntc  du  la  Clociôi'u)  s'nppclail  avant  tn 
Révulution,  rue  ou  ruelle  Suiul-Pol  ut  devuit  y  ïod. 


mourut  en  son  haiet  de  la  rue  Saint-Honoré,  prés 
des  Jacobins,  le  19  novembre  168;^,  etfut inhumée 
dans  l'église  du  couvent  des  Jacobins. 

La  Brikfe  (Armand  de).  Seigneur  de  lliSi  à 
1700,  date  de  sa  mort,  La  Dame  de  la  Briffe, 
femme  d'une  grande  piété,  mourut  \  son  chAtean 
de  Passy  le  38  mai  1686.  (Quelques  temps  après, 
M.  de  La  Briffe  se  remaria.  Il  était  mallre  des 
requêtes  an  Paiement  de  Paris,  et  devint  procu- 
reur général.  Pierre-Armand  de  La  Bhiffi,  soq 
fils  aîné  fut  seigneor  après  lui. 

Ohceau,  possédait  la  seigneurie  en  1711-1713, 
etc. 

D'OnsiCHY,  acheta  la  seigncnrie  de  Passy  aux 
héritiers  d'Orceau.Pl  la  revendit  pre$((ue  aussitôt. 

Mme  Veuve  ne  FomAinE  (née  Marie-Armando 
Carton),  fille  aînée  du  célèbre  acteur  et  auteur 
comi(|ue  Danconrt  (Florent  Carton,  dit).  Acquit 
la  seigneurie  dn  sieur  d'Orsignr,  le  8  juin  1730, 
Elle  ta  possédait  encore  en  juillet  1736.  Née  vers 
1(J85,  elle  fut  actrice  pendant  quelques  années, 
dans  sa  jeunesse,  épousa  M.  de  Fontaine,  ancien 
commiasaire  de  marine  el  des  galèrrs  de  France 


Armes  du  Marquis  de  Roulainvilticrs. 

Étoile  de  même,  éltncelante  ou  revoiiDéu  d't 
Son  père,  Bemord  do  Rieui,  avail  les  mâm 


et  mourut  en  révrier  1740,  d'un  cancer  an  sein. 
La  seigneurie  passa  i  Bernard  de  Hieux,  sans  que 
nous  puissions  préciser  la  date,  qui  se  trouve  entre 
1736  et  1739. 

Behnakh  m  Rir.ui  (Gabriel),  second  fils  du 
célèbre  banquier  Samuel  Bernard,  conseiller  au 
Parlement  de  Paris  el  président  de  la  2"  Chambre 
des  Enquêtes.  Ktaii  déjà  seigneur  en  mars  1739 
et  le  fut  jusqu'au  13  décembre  1715,  date  de  sa 

Une  note  inscrite  au  Journal  des  Baniabites  de 
Passy  dit:«  te  29  mars  \Ti^.  jour  de  PdiHiet, 
Bernard  de  Hievx.  seigneur  de  Passy. est  mire 
dans  Jiolre  église  alor.i  qu'on  chantait  lierce  ; 
notre  curéDon  h.  ià  est  allé  le  recevoir  avec 
t'aspersoir.puis  l'a  conduit  auchamr  ii  la  stalle 
des  Seigneurs  >;  cela  ressemble  fort  à  une  intro- 
nisation ou  réception  de  bienvenue, 

BouLAinviLLiF.RS  (A  une -Gabriel- Henri  itr.nNARn, 
marquis  de),  fils  du  précédent.  Prévôt  de  Paris 
sous  Louis  XV  et  Louis  XVI,  seigneur  depuis  la 
fin  de  l'année  174S.  Céda  vers  1747  son  château 
à  vie  (mais  non  ses  droits)  au  fermier  général  le 
Riche  de  la  Pouplinière.  Apm  la  mort  de  ce  der- 
nier (S  décembre  1762),  il  rentra  en  possesioD  de 


25o 


HISTOIRE   DU   XVI*   ARRON 


son  chAteaa  et,  plus  tard,  le  céda  de 
vie  aa  doc  de  Penthièvre.  M.  de 
d'après  certains  biographes,  «mvbC  en  ijrison  en 
4793  ott  i7d4;  d'i^Pèf  Vautres,  il  vivait  encore 
«■  IWI.  ÉMffii  loi,  le  château  fut  acheté  par 
JL  GabalCastel,  ancien  notaire  de  Paris,  qui  le 
revendit  en  4826  à  des  spéculateurs  qui  le  dé- 
molirent et  créèrent  alors  le  quartier  Bîdulainvil- 
liers. 


LISTE  DES  MAIRES  QUI   ONT  ADMINISTRÉ  LA  COMMUNE. 

Depuis  rétablissement  de  cette  magistrature 
(décret  de  l'Assemblée  nationale  du  44  décem- 
bre 4  789)  jusqu  à  Tannexion  (diaprés  les  aima- 
nachs  nationaux,  impériaux  et  royaux,  Tannuaire 
dePassy  de  Lefeuve,  etc.) 

Le  Yeillard  (Louis-Guillaume),  ancien  direc- 
teur et  propriétaire  des  eaux  minérales  de  Passy, 
écuyer,  doyen  des  gentilshommes  servants  du  Roi 
et  ancien  syndic  municipal.  Elu  le  4*'''  février  1790, 
fut  guillotiné  en  4791. 

Le  D'  Dussault,  de  4791  à  4793. 

Devèze  (Pierre),  maître  charpentier,  de  4793  à 
mars  4795. 

Dussault,  renommé  le  4  4  mars  4  795  sous  le  titre 
d'agent  municipal,  reprit  le  titre  de  maire  en 
4800  et  administra  jusqu'à  janvier  4808. 

Amavet  (Jean-Blaise),  ancien  capitaine  d'infan- 
terie. De  janvier  4808  à  août  4845.  Fut  inhumé 
au  cimetière  de  Passy. 

AuGÂDE  Fleur  Y  (Josué-Alexis),  notaire  à  Passy. 
D*août  4845  à  août  4830.  Fut  inhumé  au  cime- 
tiére  de  Passv 

Delessert*  (Gabriel),  d'août  4830  au  44  fé- 
vrier 4834. 

Possoz  (Jean-Frédéric),  d'avril  4834  an  44 
mars  4848. 

Tard  (Amédée),  de  mars  à  mai  4848.  (Maire 
un  peu  fantaisiste  qui  se  laissait  voir,  coiffé  du 
bonnet  phrygien  et  chaussé  de  gros^abots,  garnis 
de  paille  plus  ou  moins  fraîche.) 

Dauvergne  (François-Fortuné),  du  24  mai  4848 
à  mai  1 4 852.  Fut  inhumé  au  cimetière  de  Passy. 

Possoz  (Jean -Frédéric),  deuxième  fois,  du 
24  juin  4852  au  4<"  janvier  4860,  date  de  l'an- 
nexion. Fut  inhumé  au  cimetière  de  Passy. 


VACANCE  DE  SEICNEORIK 


CHAILLOT 

liste  de  SEIGNEURS  AYANT  EXERCÉ  LA  HAUTE, 
MOYENNE  ET   BASSE  JUSTICE. 


(D'après  l'Histoire  de  la  Ville  et  de  tout  le 
Diocèse  de  Paris,  par  l'abbé  Lebœuf.) 

Arrode  (Jean), seigneur  à  la  fin  du  xiii*^  siècle. 

Arrode  (Nicolas),  mort  en  4346. 

Michel  (Jacques),  écuyer  à  la  fin  du  xiv'  siècle. 
Vivait  encore  en  4400. 

Bacheuer  (Arnaud),  neveu  et  successeur  du 
précédent,  seigneur  jusqu'à  4438. 

HoussEL  (Henri),  avocat  au  parlement,  sei- 
gneur depuis  4438,  vivait  encore  en  4445. 


Goi  DE  Lévis,  seigneur  depuis  4450.  Après  lui, 
le  fief  revient  à  Louis  XI,  qui,  en  4474,  le  donne 
à  Philippe  de  (^mmines. 

CoMMiNEs  (Philippe  de),  célèbre  historien,  de 
4  474  à  4509,  date  de  sa  mort. 


Armes  de  Philippe  de  Commines. 

De  gueules  au  chevron  d'or,  accompan^né  de  trois 
coquilles  d'argent. 


TnuMERT  (Jean  de),  était  seigneur  en  4524. 

(jiEssÉ  (Simon),  général  de  la  Cour  des  mon- 
naies, du  29  décembre  4576  à  1580,  date  de  sa 
mort. 

Le  Tonnelier  de  BRETEDiL(Jean),  tuteur  et  cura 
teur  des  enfants  mineurs  de  Simon  Cressé,  et  Bar 
DON  (Mathieu),  avocat  du  parlement,  seigneur 
du  chef  de  sa  femme  (seigneurs  intérimaires) 

Cressé  (Philippe),  fils  de  Simon  Cressé,  en  4583 
4588  (4). 

Gilles  de  Frksnoy,  seigneur  jusqu'à   4594 

Griffon  (Jean),  seigneur  depuis  4594. 

Mme  DR  Castille,  nlle  du  président  Jearnin 
Jusqu'au  42  janvier  4630. 

Bassompierre  (François  de), maréchal  de  France 


Armes  du  Maréchal  de  Bassompierre. 
D'argent,  à  trois  chevrons  de  gueules. 

seigneur  de  4630  au  42  octobre  4646,  jour  où  il 
mourut  d'une  attaque  d'apoplexie.  Fut  inhumé  à 
Chaillot. 

Religieuses  de  la  Visitation  Sainte-Marie  de 
Chaillot  (Les)   eurent  la  haute  justice  depuis  le 


(i)  Notons  en  passant  que  a  mère  de  Molière 
s'anpelaii  Marie  Cressé,  et  son  f^and-père  mater- 
nef  Louis  Cressé.  Descendaient-ils  des  seigneurs 
de  Chaillot? 


ANNEXES 


25 1 


iâ  mai  1651,  pais  les  jostices  sobalternes,  d«pim 
1686  et  1693;  les  ont  eaes  sans  doate  jusqu'à 
la  RéTolutioD.  Un  prévôt,  choisi  par  elles,  exer* 
çait  en  leur  nom. 

MAIRES  DU  XVI«  ARRONDISSEMENT 

DEPUIS  l'aMNEXIOII  DE  PASST  ET  d'aDTEUIL  A  PARIS. 

BoNjrEMAiNS  (Henri-Pierre-Edouard,  baron  de), 
de  1860  à  septembre  1870. 

Henri -MABnN  < Bon-Louis),  historien,  de  sep- 
tembre 1870  à  1871. 

GmoD  (GnsUTe),  de  1871  à  1879. 

He.^ri -Martin  (Bon-Louis),  deuxième  fois,  de 
1883  au  14  décembre  1883,  date  de  sa  mort. 

Marmottan  (le  docteur  Henri-Joseph),  maire 
actuel,  succéda  à  Henri-Martin. 

Léopold-Mar. 


NOTES   COMPLÉMENTAIRES 

SUR  LES  SEIGNEURIES  DE  PASSY   ET  DE  CHAILIjOT 

Dans  la  liste  ci-dessus  donnée  des  seigneurs 
de  Passy,  nous  avions  d*abord  omis  de  nommer 
M.  d'Arsentière,  qui  fut  seigneur  jusqu'au  16  fé- 
Trier  1658,  époque  où  —  malgré  son  nom,  qui 
semblait  prédestiné  —  se  trouvant  dans  une  situa- 
tion des  plus  obérées,  il  céda  son  château  et  ses 
droits  seigneuriaux  à  Claude  Chahu,  en  échange 
de  S. 900  livres  de  rente. 

En  1684,  THétel-Dieu  de  Paris,  qui  avait  hé- 
rité en  grande  partie  des  biens  de  la  veuve  de  Claude 
Chahu,  revendit  la  seigneurie  à  M*  Jean  Arnauld 
de  la  Briffe,  alors  maître  des  requêtes  au  Parle- 
ment de  Paris,  sur  lequel  nous  arions  peu  de  ren- 
seignements. Nous  avions  dit,  sans  plus  de  détails, 
3ue  sa  première  femme,  dame  d'une  grande  piété, 
ont  notre  église  s'était  heureusement  ressentie, 
était  morte  en  son  château  de  Passy,  le  28  mai  1 686 . 
Nous  ignorions  alors  Qu'elle  était  Marthe-Apiès 
Potier  de  Norion,  fille  de  Nicolas  Potier  de  Novion, 
célèbre  premier  président  au  Parlement  de  Paris 
et  membre  de  l'Académie  française.  Un  de  ses 
frères,  André,  avait  été  également  président  au 
Parlement  de  Paris,  et  Jacques,  un  de  ses  autres 
frères,  était  devenu  évèque  de  Sisteron  en  1674, 
puis  d'Evreux  en  1681.  On  voit  qu'elle  était  bien 
apoarentée. 

M.  J.-A.  de  la  Briffe  se  remaria  quelque  temps 
après  arec  Mlle  Bonne  Barillon  d'Amoncoort.  Une 
lacune  existant  au  journal  des  Barnabites  de  Passy, 
nous  n'arions  pu  suivre  M.  de  la  Briffe  au  delà  de 
la  fin  de  169^  ;  mais  grâce  aux  Mémoires  de  Saint- 
Simon,  nous  savons  aujourd'hui  que  M.  delà  Briffe, 
brillant  maître  des  requêtes,  était  procureur  géné- 
ral moins  brillant  depuis  1694  (1),  et  qu'il  mou- 
Ci)  Ici,  Saint-Simon  commet  une  erreur  de  date: 
dans  un  acte  notarié  du  7  février  I691  que  pos- 
sède notre  collègue,  M.  Barre,  il  esldéjà  qualiflé 
de  procureur  général  ;  il  l'était,  en  elTet,  depuis 

1689- 


ml  seigoeur  de  Passy  à  la  fin  de  l'année  1700, 
après  «M  lai^e  maladie  aggravée  par  le  chagrin 
et  les  àèf99ti  ^H  ^miiéfn^m  dans  sa  eharge, 
par  le  fait  da  premiei  pi  émàtÊâ  Adâib  <it  Hariay, 
à  l'esprit  fin,  mais  des  plus  morèofli. 

En  même  temps  que  seigneur  de  Paasy,  M.  àb 
la  Briffe  était  manpiisde  Ferrières  (Seine-et-Marne) 
et  en  possédait  le  château,  qui,  de  nos  jours,  s'est 
beaucoup  embelli  depuis  qu'il  appartient  aux  ba- 
rons de  Rothschild. 

Après  la  mort  de  M.  de  la  Briffe,  ce  fat  le  fils 
atné  de  son  premier  mariage,  Pierre  Arnauld  de 
la  Briffe,  également  marquis  de  Ferrières,. né  en 
juillet  1678,  (fxï  eut  la  seigneurie  de  Passy.  Il 
épousa  Françoise  Brnnet  de  Rancy,  devint  con- 
seiller d'Etat  et  maître  des  requêtes,  puis  intendant 
de  Bourgogne,  Bresse,  Bugey  et  pays  de  6ex,  et 
mourut  à  oyon,  le  7  avriH740(l).  Il  n'avait  pas 
conservé  longtemps  la  seigneurie  de  Passy,  car, 
d'après  un  acte  notarié  de  1711,  que  nous  a  gra- 
cieusement communiqué  notre  collègue  M.  Barre, 
nous  voyons  qu'à  cette  date  c'était  Orceau  qui  en 
était  titulaire.  Cet  acte  dit  que,  le  5  février  1711, 
Pierre  Orceau,  écuyer,  conseiller,  secrétaire  dn 
Roy,  maison,  couronne  de  France,  etdeses  finances, 
seigneur  de  Passy,  vendit  à  très  haute  et  très  puis- 
sante dame  Olympe  de  Brouilly  de  Pienne,  é[M>u8e 
du  duc  d'Aumont,  pair  de  France  et  premier  gen- 
tilhomme de  la  chambre  du  Roy,  la  partie  supé- 
rieure d'une  maison  sise. en  face  delà  propriété  de 
ladite  dame  (emplacement  delà  rue  Singer,  n*  2), 
et  qui  masquait  une  partie  de  la  belle  vue  qu'elle 
avait  devant  elle.  Cette  maison,  dont  elle  n'achetait 
l'étage  supérieur  que  pour  le  démolir,  donnait  d'un 
côté  sur  la  rue  Raynouard,  appelée  alors  ancienne 
Grande-Hue  ou  rue  Haute,  et,  de  l'autre,  avait 
en  contre-bas  un  rez-de-chaussée  contenant  un  des 
pressoirs  à  vin  de  la  seigneurie,  qui  devait  rester 
intact,  et  donnait  sur  la  rue  Berton,  qu'on  nommait 
alors  ru^  delà  Roche. 

Cette  servitude  de  non-surélévation  existe  tou- 
jours pour  la  petite  propriété  susdite,  ce  qui  a  per- 
mis aux  différents  locataires,  qui  se  sont  succédé 
dans  la  maison  d'angle  de  la  rue  Singer,  n*  2 
(entre  autres  à  la  comtesse  de  Giresse-Labeyrie, 
à  l'éditeur  de  livres  de  luxe  J.-G.-D.  Armengaud, 
et  depuis  longtemps  à  M.  Marin,  l'éminentet  sym- 
pathique directeur  général  (2)  des  chemins  de  fer  de 
l'Ouest),  de  jouir  d  une  vue  aussi  belle  qu'étendue. 

Quant  au  pressoir  à  vin  de  la  seigneurie,  qui 
devait  rester  à  per(>étuité  dans  la  petite  maison 
d'en  face,  il  dut  émigrer  sous  la  Révolution,  car 
depuis  on  n'en  a  pas  plus  entendu  parier  que  des 
vignes  qui  l'alimentaient,  et  qui  se  sont  contentées 
de  laisser  leur  nom  à  une  rue  du  voisinage. 

On  se  rappelle  encore  que  nous  nons  sommes 
étendu  assez  longuement  sur  le  séjour  oue  fit,  pen- 
dant une  quinzaine  d'années,  M.  de  la  Pouplinière 


(1)  Nous  devons  les  renseignements  qui  précè- 
dent à  l'obligeance  de  M.  le  marquis  de  ba  BrifTe, 
propriétaire  du  château  de  Neuville»  près  Hou- 
dan,  et  descendant  en  ligne  directe  de  nos  deux 
seigneurs  de  Passv. 

(2)  C'est  M.  de  Larminat  qui  est  actuellement 
directeur  de  la  Compaf?nie  de  l'Ouest;  M.  Marin 
est  ingénieur  en  chef,  conseil  de  celte  Com- 
pagnie. 


252 


HISTOIRE    DU   XVr   ARRONDISSEMENT 


aa  chàteaa  seigneurial  de  Passy,  qae  lai  ayait  cédé 
•à  vie  M.  de  Boulainvilliers,  snr  les  fêtes  qu'y  donna 
ce  fermier  général,  sur  Torchestre  qu'il  v  entre- 
tenait, sur  la  généreuse  hospitalité  qu'il  y  avait 
donnée  à  Rameau,  à  Gossec  et  à  Marmontel,  et 
surtout  sur  sa  célèbre  infortune  conjugale  de  1748, 
qui,  bien  dûment  constatée,  avait  amené  une  sépa- 
ration définitive  d*avec  sa  femme,  petite-lille  de 
l'auteur  comique  Dancourt.  Une  malheureuse  expé- 
rience ne  guérit  pas  toujours  les  hommes,  et  notre 
fastueux  Turcaret,  en  dépit  de  sas  soixante  cinq 
ans,  et  sa  première  femme  étant  morte,  avait,  en 
i760,  convolé  en  secondes  noces  avec  une  jeune 
fille  de  vingt  et  un  ans,  dont  nous  ignorions  le  nom. 
C'était  une  demoiselle  de  Gondran,  issue  d'une  fa- 
mille du  Languedoc.  Elle  était  jeune,  belle  et  cour- 
tisée, et  son  mari  ne  fut  guère  plus  heureux  avec 
elle  qu'il  ne  Tavait  été  avec  sa  devancière.  Gomme 
dit  La  Fontaine  : 

Il  avait  pris  sur  ses  vieux  ans 
Femme  jeune  en  toute  manière, 
I!  prit  aussi  soucis  cuisants, 
Car  Tun  sans  l'autre  ne  va  guère. 

M.  de  la  Pouplinière  mourut  le  5  décembre  4762, 
après  avoir  fait  son  testament  à  Passy  même,  le 
i«>'  novembre  précédent,  ne  se  doutant  nullement 
qu'il  allait  laisser  sa  nouvelle  épouse  dans  une  po- 
sition des  plus  intéressantes.  Jugez-en  !  un  mois 
seulement  après  sa  mort,  sa  veuve,  plus  ou  moins 
désolée,  mit  au  monde  un  fils  dont  on  lui  disputa 
la  paternité  ;  de  là,  procès  retentissant  et  long, 
qui,  néanmoins,  se  termina  par  la  reconnaissance 
juridique  des  droits  de  l'enfant.  C'est  alors  qu'un 
mauvais  plaisant  proposa  pour  la  tombe  de  la  Pou- 
plinière, en  faisant  allusion  à  ses  prétentions  litté- 
raires, cette  épitaphe  que  nous  croyons  devoir  trans- 
crire de  nouveau  : 

Pour  être  auteur,  ci-glt  qui  paya  bien  : 

Ces  lia  coutume. 
L'ouvrage  seul  qui  ne  lui  coûta  rien, 

C'est  son  posthume. 

Enfin,  dans  notre  article  sur  Bassompierre,  sei- 
gneur de  Chaillot  depuis  4630,  nous  n'avions  pas 
suffisamment  noté  qu'avant  lui  c'était  Mme  de  Cas- 
tille,  fille  du  célèbre  président  Jeannin,  qui  détenait 
la  seigneurie  de  Chaillot  avec  les  droits  de  justice 
y  afférant  ;  il  est  probable  qu'elle  l'avait  eue  de 
son  père,  qui  lui  avait  donné  tous  ses  biens,  à  la 
condition  toutefois  que  s'il  lui  venait  des  enfants 
mâles,  ils  porteraient  le  nom  de  Jeannin  et  non 
celui  de  Castille  (1).  Ce  M.  Pierre  de  Castille,  qui 
avait  adjoint  plus  ou  moins  indûment  à  son  nom  la 
particule  de,  n'était,  dit-on,  qu'un  ancien  marchand 
de  la  rue  Saint- Denis,  pour  lequel  son  beau-père 
avait  obtenu  différentes  missions  et  même  la  charge 
de  contrôleur  général  des  finances. 

M.  et  Mme  de  Castille  habitaient  déjà  Chaillot 
en  1618  ;  Héroard,  dans  son  Journal ,  cite,  à  la 
date  du  18  janvier  de  cette  année,  une  visite  que 
leur  fit  le  jeane  Louis  XIII.  Peut-être  possédaient- 
ils  déjà  la  seigneurie,  et  nous  ne  serions  pas  très 
étonnés  d'apprendre  un  jour  que  le  président  Jean- 


(\)  Pour  tourner  la  dirficulté,  ils  prirent  le  nom 
de  Jeannin  lie  Castille. 


nin  en  ait  été  titulaire  avant  eux.  Ce  qui  est  certain  * 
c'est  qu'il  eut  une  maison  importante  à  Chaillot* 

L.  Mab. 


TEXTE  DE 

LA  CHARTE   PRIMORDIALE   D'AUTEUIL 

DONT  L*ORIGIXAL  SE  TROUVE  AUX  ARCHIVES  D*AUTEUIL 


€  An  nom  du  Père  et  du  Fils  et  du  Saint-Esprit. 
Ainsi  soit-il  ! 

€  Que  tous  présents  et  à  venir  sachent  quel 
«  échans^e  fut  fait  et  de  quelle  manière  entre  les 
€  chanoines  des  saints  Ap6tres  Pierre  et  Paul  et 
€  de  sainte  Geneviève  llUustre  vierge,  et  entre  les 
€  moines  du  monastère  de  Sainte-Marie-dn-Bec. 

€  Donc  Etienne  doyen  et  toute  la  réunion  des 
«  chanoines  de  la  susdite  église  ont  concédé  an 
€  monastère  de  Sainte-Marie-du-Bec  et  aux  moines 
€  qui  y  servent  Dieu  tout  ce  quMls  avaient  et  tout 
«  ce  que  d'autres  tenaient  d'eux,  soit  comme  fief, 
€  soit  de  quelque  autre  manière,  à  Vemon-le- 
€  Château  et  au  hameau  de  Gamilly  et  aussi  tout 
€  ce  qui  a  pu  leur  être  enlevé  auxdits  lieux  par 
€  violence  ou  par  fraude,  pour  le  posséder  de  droit 
«  à  perpétuité.  Semblablement  Guillaume  abbé  et 
«  toute  la  congréi^ation  du  monastère  du  Bec  ont 
€  concédé  à  TégUse  de  Sainte-Geneviève  et  aux 
«  chanoines  qui  y  servent  Dieu  tout  ce  qu'ils  avaient 
«  et  tout  ce  que  d'autres  tenaient  d'eux,  soit 
€  comme  fief,  soit  de  quelque  autre  manière  au 

<  hameau  d'Auteuil  (apud  Altoilum  Villam)  et 

<  en  la  ville  de  Paris,  en  serfs  et  serves,  en  cens, 
€  en  vignes  et  terre  arable,  avec  les  droits  de 
€  justice  et  toutes  les  prestations  qu*ils  y  avaient, 
«  et  aussi  tout  ce  qui  a  pu  leur  être  enlevé  auxdits 
«  lieux  par  violence  ou  par  fraude  pour  le  possé- 
€  der  de  droit  à  perpétuité. 

€  Les  présents  ont  fait  l'objet  d'un  acte  public 
€  au  chapitre  de  Sainte-Geneviève  Tan  mil  cent 
«  neuf  de  l'Incarnation  du  Seigneur,  le  iv  des  ides 
€  de  janvier,  sous  le  règne  et  avec  la  confirmation 
«  de  Louis  roi  des  Français,  l'an  deuxième  de  son 
€  règne,  et  de  Henri  roi  des  Anglais  et  duc  des 
«  Normands,  Van  dixième  de  son  règne.  Présents  : 
«  Etienne,  doyen  ;  Bernard,  préchantre;  Gislebert, 
«  trésorier;  Clair, prêtre ;Widon, prêtre ;Landric, 
€  Ursion,  Robert,  diacres  ;  Frédéric,  Albert,  Henri, 
€  sous -diacres;  Gérold,  Odon,  Alberic,  novices, 
«  avec  les  autres  chanoines.  Des  moines  :  Boson, 
«  prêtre  ;  Baudoin,  de  Tournai  ;  Rodulf,  cellerier  ; 

<  Richard,  sous-diacre.  Témoins  pour  les  cha- 
€  noines  :  Henri  l'atné  ;  Baudoin,  cellerier,  sur- 
«  nommé  Rustique  ;  Landric,  camérier  ;  Germain, 
€  comptable  ;  Etienne,  boulanger  ;  Belot,  fils  de 
€  Rainard  ;  Etienne  Bidun.  Témoins  pour  les 
€  moines  :  Guillaume,  de  Malleville  ;  Guillaume 
«  de  Bec-Richard  ;  Heldegar  de  Gournay. 

<  Ensuite,  le  xvii  des  calendes  de  février  de  la 
«  susdite  année,  les  présentes  ont  été  rapportées 
t  et  confirmées  daqs  le  chapitre  de  Saiqte-Marie* 


ANNEXES 


253 


c  dû-Bec.  Présents  dadit  monastère  :  Gnillaame, 
«  abbé  ;  Baidric,  prieur  ;  Roger,  préchantre  ; 
€  Sefred,  trésorier  ;  Rodolf,  camérier,  aTee  les 
€  autres  moines,  et  des  chanoines  :  Clair,  prêtre  ; 
«  et  Gislebert,  trésorier.  Témoins  pour  les  moines  : 
«  Gansfrid,  prêtre  ;  Hugo,  prêtre  ;  Guillaume,  cha- 
«  pelain  ;  Robert,  mareschal  ;  Roger,  cuisinier  ; 
«  Odon,  cuisinier  ;  Gerulf,  forestier  ;  Guillaume 
«de  Saint-Sidoine;  Aitard,  fils  de  Robert.  Pour 
<  les  clercs  :  Mainard  et  Belot.  » 

M.  Robert  de  Lasteyrie,  qui  a  donné  le  texte 
latin  de  ce  document  dans  le  cartulaire  général 
de  Paris,  estime,  pour  divers  motifs,  que  Ton  doit 
considérer  la  pièce  comme  datant  plus  probable- 
ment de  janyier  iilO  (n.  st.)  que  de  Tannée  ii09. 
Nous  nous  proposons  de  rechercher  si  le  cartulaire 
de  Tabbaye  du  Bec  ne  fournirait  pas  d'actes  encore 
plus  anciens  se  rapportant  à  Auteuil. 

E.  Tabariès  de  Grandsaignes. 


PHILIPPE    DE    COMMINES 

ET   LE 

MARÉCHAL    DE    BASSOMPIERRE 


seigneurs  de  ghaillot 


Dans  la  liste  des  seigneurs  de  Ghaillot,  il  en 
est  deux  tout  à  fait  remarquables  :  Philippe  de 
Commines,  le  célèbre  historien,  et  le  fastueux  et  ori- 
ginal maréchal  de  Bassompierre.  Malheureuse- 
ment, on  ne  trouTe  guère  de  détails  sur  Philippe 
de  Commines  en  tant  que  seigneur  de  Chai  Ilot  ;  il 
parle  peu  de  lui  dans  ses  Mémoires. 

Né  en  1445  au  château  de  Commines,  à  13  kilo- 
mètres de  Lille,  il  fut  éleyé  à  la  cour  de  Phi- 
lippe le  Bon,  duc  de  Bourgogne,  et  devint  le.com- 
Çagnon  des  plaisirs  de  Charles  le  Téméraire.  En 
472,  il  quitta  le  service  de  la  maison  de  Bour- 
gogne pour  s'attacher  à  Louis  XI,  qui  Ten  récom- 
pensa en  le  nommant  conseiller,  chambellan, 
prince  de  Talmont,  seigneur  d'Argentoo,  etc.,  et 
lui  donna  en  1474  la  seigneurie  de  Ghaillot,  qui 
devait  être  alors  de  bien  peu  d'importance.  Après 
la  mort  de  Louis  XI  en  1483,  la  récente  Anne  de 
Beaujeu,  sachant  que  Commines  avait  pris  part  an 
complot  des  princes,  le  fit  arrêter  et  empnsonner 
pendant  trois  années,  sur  lesquelles  il  passa  huit 
mois  à  Loches,  enfermé  dans  une  cage  de  fer. 
Charles  VIII,  malgré  les  services  que  lui  avait 
rendus  Commines,  se  montra  peu  reconnaissant, 
et  Louis  Xn  encore  moins;  aussi  Commines,  dé- 
laissé, se  décida-t-il  à  occuper  ses  loisirs  forcés 
en  se  faisant  Thistorien  impartial  des  faits  dont  il 
avait  été  témoin,  ce  qui  lui  mérita  le  titre  de  nou- 
veau Tacite.  C'est  peut-être  alors  qu'il  joignit 
cette  belle  devise  à  ses  armes  :  Qui  non  laboret, 
non  manducei,  Philippe  de  Commines  conserva 
la  seigneurie  de  Ghaillot  jusqu'à  sa  mort,  arrivée 
le  16  août  1500,  en  son  château  d'Argenton^  Son 


corps  fut  transporté  i  Paris,  dans  une  chapelle 
du  couvent  des  Grands-Augustins,  et  le  monu- 
ment sur  lequel  il  était  représenté  ainsi  que  sa 
femme,  Hélène  de  Ghambes  Montsoreau,  sauvé 
sous  la  Révolution  par  Alexandre  Lenoir,  se  voit 
actuellement  au  musée  du  Louvre. 

François  de  Bassompierre,  sur  lequel  nous  som- 
mes beaucoup  plus  renseignés,  naquit  au  château 
d'Harouel,  en  Lorraine,  le  12  avril  1579,  jour  de 
Pâques  fleuries,  arriva  à  Paris  en  octobre  1598 
et  obtint  peu  de  temps  après  ses  entrées  à  la  cour. 
Son  éducation  avait  été  très  soignée,  il  avait  étudié 
avec  beaucoup  de  succès  la  philosophie,  le  droit, 
la  médecine  et  même  l'art  de  la  ^erre,  malgré 
le  dire  de  Tallemant  des  Beaux,  (jui  prétend  qu't( 
la  savait  comme  un  homme  qui  n'en  a  jamais 
ouï  parler.  Toujours  est-il  qu'il  était  brave. 
Outre  les  lanjiues  anciennes,  Bassompierre  savait 
au  moins  trois  langues  vivantes,  le  français,  l'alle- 
mand et  l'italien,  et  devait  être  bibliophile,  car  il 
s'était  fait  faire  un  Ex  libris  —  chose  peu  com- 
mune alors  —  dont  on  conserve  un  exemplaire 
an  cabinet  des  Estampes  de  la  Bibliothèque  Natio- 
nale. Ajoutez  à  ces  qualités  qu'il  était  beau  de 
visage  et  de  prestance,  très  libéral,  même  envers 
ses  gens,  fort  galant  avec  les  dames,  qui  l'en 
récompensaient  ;  enfin,  type  parfait  du  gentil- 
homme d'alors  ;  il  fut  un  des  seigneurs  les  plus 
brillants  de  la  cour  de  Henri  IV  et  de  Louis  XIII 
et  l'homme  de  son  temps  qui  eut  le  plus  de  bril- 
lant et  de  vivacité  dans  l'esprit.  Sa  réputation 
était  telle  qu'on  avait  fini  par  appeler  partout  des 
Bassompierre  les  gens  de  bonne  mine  et  de  bonne 
tenue. 

Bon  chien  chasse  de  race;  aussi  Tallemant  des 
Réaux  dit-il  de  lui  :  «  //  avait  de  qui  tenir  pour 
aimer  les  femmes  et  dire  de  bons  mots,  car  son 
père  s'en  mêlait.  »  Parmi  les  trop  nombreuses 
aventures  galantes  qu'on  lui  attribue,  nous  n'en 
retiendrons  qu'une,  qui  lui  suscita  bien  des  désa- 
ffréments  :  ce  fut  sa  liaison,  dès  1608»  avec 
Marie-Charlotte  de  Balzac  d'Entragues,  sœur  de 
la  marquise  de  Vemeuil.  Un  fils  naquit  de  cette 
union  le  17  août  1610.  Quelques  années  après, 
Bassompierre  eut  un  instant  la  velléité  cie  se 
rendre  aux  sollicitations  de  M^^"  d'Entragues,  qui 
voulait  l'amener  à  l'épouser  ;  un  premier  ban  fut 
publié  le  3  avril  1615  à  l'église  Saint-Paul,  et  le 
Ti  mai  suivant,  leur  fils,  Louis  de  Bassompierre, 
âgé  de  cinq  ans  (1),  fut  baptisé  dans  la  même 
église  et  inscrit  en  tontes  lettres  sur  les  registres 
de  cette  paroisse,  fils  de  Messire  François  de 
Bassompierre,  etc.,  présent  ;  et  de  dame 
Marte-Charlotte  de  Balsac  (sic)  sa  femme.  — 
Que  se  passa- t-il  depuis  ?  On  l'ignore.  Bassom- 
pierre craignit-il  d'aliéner  sa  liberté  ?  C'est  pro- 
bable; aussi  rétracta- t-il  son  commencement 
d'engagement  ;  de  là  procès  sur  procès  qui  durèrent 
huit  ans.  Cité  devant  l'official  de  Paris,  il  fut 
condamné  à  épouser  M"®  d'Entragues,  mais  ne  se 
soumit  pas.La  cause  fut  alors  renvoyée  au  Parle- 

(i)  Louis  de  Bassompierre  entra  dans  les  ordres, 
devint  évoque  de  Saintes  le  C  décembre  16^8,  puis 
aumônier  de  Pliilippe  d'Orléans,  frère  de 
Louis  XIV,  et  mourut  dans  son  diocèse  le  i"  juil- 
let 1O76.  La  Gnllia  chriatiana  en  fait  un  grand 
éloge. 


254 


:  XVI"  ARRON DISSE»! E^T 


ment  de  Rooea.  Peu  sûr  du  succès  et  pour  solli- 
citer ses  juges,  Bissompietre  s'y  fit  suirre  de 
deax  cents  de  ses  amis  imi  raccompagnèrent  chez 
tons  tes  conseillers  du  Parlement,  co  qui  amena 
des  rixes  dans  les  rues  avec  les  partisans  de 
M"°  d'Eolragues.  KoRd  les  juges,  effrayés  el 
circoDvenns  par  les  intrigues  de  la  reine  mère 
(Marie  de  Medicis).  qni  avait  pris  parti  pour  Bas- 
sompierre,  donnèrent  gain  de  cause  i  ce  dernier  ; 
mais,  malgré  cet  arrêt,  M"'  d'Ëntra^ues  persista 
jusqu'ï  sa  mort  à  porter  le  nom  de  U"'  la  maré- 
chale de  Bassom pierre.  <  raime  autant,  puis- 


motfon  dite  Beavregard,  ttte  à  Chaillot,  joi- 
finant  le  cloi  de»  Uinime*  de  Nweon,  plut, 
la  Haute  Justice,  apparlenaneei  et  dépendances 
d'icelle  et  autres  droits  de  juridiction,  avec 
tout  les  meubles  qui  sont  dans  ladite  maison, 
moyennant  la  somme  de  80.495  livres  ISliott. 
Bassomperre  paya  comptant  53, 375livres15  sais 
et.  pour  les  37.650  livres  restant,  constitaa  à 
Qiarlolte  Jeannin  4.696  livres  17  sob  6  deniers 

Ifuaud  Anne  d'Autriche  apprit  celte  icqaisition, 
elle  lai  dit  :  «  Hé  !  pourquoi  avei-votis  acheté 


Bas^onipier 


qu'elle  veut  prendre  un  nom  de  guerre,  disait 
ironiquement  ttassom pierre,  qu'elle  prenne  celui- 
tii  qu'un  autre.  » 

Bassompierre  se  distingua  dans  la  plupart  des 
guerres  que  Henri  IV  et  Louis  XUI  eurent  isoule- 
nir.  fut  nommé  colonel  des  Suisses  et  de  503 
rettres  en  16U  et  maréchal  de  France  en  i6ii. 
Depuis,  il  Tut  enrové  en  ambassade  extraordinaire- 
en  l'^pagne  en  1624.  en  Suisse  en  4625  et  en 
Angleterre  en  4626. 

Nous  voilà  enfin  arrivés  au  mois  de  janvier  de 
l'année  163U,  époque  Dix  il  devint  seigneur  de 
Chaillot.  par  l'achat  dn  chAteau.  luI  se  trouvait  à 
peu  près  situé  k  la  hauteur  de  la  salle  des  letes 
du  palais  actuel  du  Trocadéro  el  avait  été  cons- 
truit par  Catherine  de  Médicis.  puis  avait  passé. 
dit-on,  i  la  maison  de  (Irammont  et  appartenait 
alors  à  la  lîlle  du  président  Jeannin.  Le  contrat 
de  vente  el  d'achat  fut  signé  le  42  janvier  entre 
dame  Charlotte  Jeannin  (M™*  de  Casiilte)  cl  le 
maréchal  de  Bassompierre  ;  il  porte  :  Une  grande 


celte  maison  ?  C'est  un  vide-bouteille.  —  Madame, 
dit-il.  je  suis  Allemand.  —  Mais  ce  n'est  pas  être 
i  la  campagne,  c'est  le  faubourg  de  Paris.  — 
Madame,  j'aime  tant  Paris,  que  je  n'en  vaudrais 
jamais  sortir.  —  Hais  cela  n'est  bon  qu'A  y  mener 
des  g...  —  Madame,  j'y  en  mèuerai.  >>  bt  il  tint 

A  peine  devenu  seigneur  de  Chaillot,  il  fut 
envoyé  de  nouveau  en  ambassade  extraordinaire 
en  Suisse,  avec  une  provision  du  roi  de  340.000 
livres;  il  s'y  montra  tout  1  fait  gentilhomme  bon 
enfant.  Il  avoue  naïvement  dans  ses  Uéinoires 
qu'il  se  rendit  plusieurs  fols  malade  par  suite  de 
dëbauclies  ;  mais  une  saignée,  suivie  d'une  bonne 
pnrgalion.  le  remettait  sur  pieds.  Le  jour  de  son 
audience  de  congé,  les  députés  des  tieiiecanlons 
lui  offrirent  un  festin  d'adieu,  puis  lui  firent  la 
conduite.  Au  moment  du  départ,  Bassompierre 
leur  propose  galmeni  do  boire  le  vin  do  c«up  de 
l'élrier.  Ils  envoient  chercher  leurs  grands  verres  : 
«  yoit,  non.  dit  ooire  ambassadeur,  le  vin  de 


ANNEXES 


255 


Vétrier  doit  te  boire  dan»  une  botte,  »  Et  il  se 
fait  retirer  une  des  siennes  qn^on  remplit  de  Tin, 
il  y  boit  treize  bonnes  gorgées  à  la  prospérité  des 
treize  cantons,  pais  la  passe  tour  à  tour  aux  treize 
dépotés,  qui  la  rident  entièrement.  Tootes  les 
excentricités  auxquelles  s'était  livré  Bassompierre 
pendant  ses  quatre  mois  d'ambassade,  et  surtout 
la  manière  originale  dont  il  avait  fait  ses  adieux, 
excitèrent  tellement  lenthousiasme  des  Suisses, 
qu'un  monument  populaire  en  consacra  longtemps 
le  souvenir  :  c'était  l'enseigne  d'un  bottier,  que 
l'on  voyait  encore  à  Berne  au  siècle  dernier,  et 
qui  portait  une  immense  botte  à  la  Louis  XIll 
avec  cette  inscription  :  A  la  botte  de  Bassom" 
pierre. 

De  retour  à  Chaillot,  Bassompierre  fit  faire  à  sa 
maison  des  embellissements  considérables  et  la 
décora  de  peintures  tant  soit  oeu  lé|;ères.  Onand, 
en  1652,  les  religieuses  de  la  Visitation  en  prirent 
possession,  ces  peintures  existaient  encore;  mais 
l'innocence  et  la  modestie  de  ces  pieuses  filles  les 
empêchèrent  d'y  voir  ce  qu'elles  avaient  de  répré- 
hensible,  et  ce  ne  fut  que  plus  tard  qu'on  se 
décida  à  les  couvrir  ou  à  les  effacer. 

Ce  fut  probablement  au  moment  de  l'acquisition 
de  son  château  et  de  sa  seigneurie  de  Chaillot, 
que,  pour  en  rendre  l'accès  plus  facile  et  plus 
agréable,  Bassompierre  fit  construire  i  ses  trais 
un  parapet  en  pierres  do  taille  tout  au  long  du 
Coors-la-Reine,  pour  le  préserver  des  crues  de 
la  Seine,  ainsi  qu'un  pont  de  pierre  sur  le  fossé 
de  la  ville. 

Le  i5  novembre  1630,  Bassompierre  pendit 
dignement  la  crémaillère  dans  sa  nouvelle  demeure, 
en  compagnie  de  son  beau-frère,  le  brave  maré- 
chal d'Ëpinay  de  Saint-Luc,  et  du  maréchal 
Charles  de  Créqui,  duc  de  Lesdiffuières,  accom- 
pagné de  son  fils  aîné  François  de  Créqui,  comte 
de  Sault.  On  aurait  pu  appeler  ce  dîner,  le  dîner 
des  maréchaux  présents  et  futurs,  car  le 
comte  de  Sault  devint  lui-même  maréchal  de 
France  en  1668. 

Bassompierre  ne  faisait  pas  assez  fi  de  la  bonne 
chère,  aussi  à  cette  époque  était-il  devenu  déjà 
quelque  peu  obèse.  M.  de  La  Rochefoucauld,  le 
rencontrant  un  jour,daas  un  certain  état  d'ébriété, 
lui  dit  :  <  Vous  voilà  gros,  gras,  gris,  —  Lt 
vouSj  lui  répondit-il,  vous  voilà  teint,  peint, 
feint,  »   La  Rochefoucaud  avait  peint  sa  oarbe. 

Ce  pauvre  maréchal  de  Bassompierre  n'était 
guère  installé  à  Chaillot  aue  depuis  un  an,  quand, 
le  âS  février  4634 ,  le  cardinal  de  Richelieu,  auquel 
il  portait  ombrage,  le  fit  arrêter  et  conduire  à  la 
Bastille  (4).  A  la  nouvelle  de  son  arrestation,  la 
princesse  de  Conti,  Louise-Marguerite  de  Lorraine, 
avec  laquelle  on  prétendait  qu'il  était  marié  se- 
crètement (2),  mourut  de  saisissement  et  de  dou- 
leur, et  un  journal  de  la  cour  affirme  que  Bas- 
sompierre fut  fort  regretté  dans  Paris,  à  cause 
de  la  candeur  de  son  bon  naturel.  C'est  à  sa 
longue  détention  que  nous  devons  ses  mémoires, 
dans  lesquels  il  nous  apprend  qu'avant  son  entrée 


(i)  11  avait  alors  i.6o(>.u)o  frnn<*s  de  ilettes. 

(2)  Bassompierre  avait  un  tils  <le  Marguerite  ^e 
Lorroîne,  veuve  du  prince  de  Conli,  et  qui  mou- 
rut peu  de  temps  après  lui. 


dans  la  forteresse,  il  avait  brûlé  6.000  lettres 
d'amour,  pour  ne  pas  compromettre  les  femmes 

3 ni  les  lui  avaient  écrites.  Pour  occuper  les  loisirs 
e  sa  captivité,  non  seulement  il  écnvait,  mais  il 
lisait  beaucoup.  Un  jour  MalleviUe,  son  secré- 
taire (4),  étonné,  le  surprend  lisant  l'Ecriture 
Sainte  :  «  Que  clierchexr-vous  donc  dans  ce 
Hure, monseigneur  ?  »  Et  Bassompierre  regardant 
la  porte  :  «  Je  cherche,  dit-il,  un  passage,.,  que 
je  voudrais  bien  trouver,  »  Plusieurs  fois  pen- 
dant sa  détention,  Bassompierre,  un  peu  malgré 
lui  sans  doute,  consentit  i  prêter  son  château  de 
Chaillot  à  Richelieu,  qui  n  en  fut  guère  recon- 
naissant, car  notre  malheureux  prisonnier  ne 
{>artit  de  la  Bastille  que  le  49  janvier  4643,  après 
a  mort  du  cardinal. 

Enfin  dans  l'arrière-saison 
La  fortune  d'Armand  (-j)  s'accorde  avec  la  mienne, 
France  !  je  sors  de  ma  prison 
Quand  son  Ame  sort  de  ta  sienne. 

Tel  est  le  quatrain  que  Pierre  Maynard  met 
dans  la  bouche  de  Bassompierre  délivré,  et  dont 
le  troisième  vers  contient  l'anagramme  de  son 
nom,  à  une  lettre  près. 

Une  des  premières  visites  de  Bassompierre  fut 
pour  Louis  aUI,  qui,  le  trouvant  vieilli,  lui  demanda 
son  âge.  €  Cinquante  ans,  sire.  — Comment,  cin- 
quante ans  !  —  Oui,  sire,  je  retianche  les  douze 
années  passées  à  U  Bastille,  puisque  je  ne  les  ai 
pas  employées  au  service  de  Votre  Majesté.  »  Ces 
douze  années  d'inaction  avaient  considérablement 
augmenté  son  embonpoint,  si  bien  que,  lorsqu'il 
reparut  à  la  cour  d'Anne  d'Autriche,  la  reine  lui 
dit  en  plaisantant  :  <  Maréchal,  ouand  donc 
accoucherez-votts  ?  —  Madame,  réponoit-il,  quand 
j'aurai  trouvé  une  sage...  femme.  »  Elle  lui  pro- 
posa d'être  gouverneur  du  jeune  Louis  XlY  ;  il 
déclina  cet  honneur,  s'en  excusant  sur  son  âge, 
mais  reprit  sa  charge  de  colonel  des  Suisses  et 
sut  bientôt  rétablir  ses  affaires,  qui  avaient  été 
un  moment  en  fort  mauvais  état. 

Il  avait  alors  soixante-quatre  ans,  était  encore 
agréable  et  de  bonne  mine,  et,  comme  on  vient 
de'  le  voir,  toujours  lanceur  de  pointes  et  de  quo- 
libets. Malgré  son  obésité,  sa  santé  était  excel- 
lente, mais  il  ne  la  ménageait  pas  assez,  aimait 
trop  le  bien  vivre  et  le  bon  vin,  même  le  clairet 
de  sa  seigneurie  de  Chaillot,  alors  assez  estimé. 
Les  melons  et  les  pêches  pavies  étaient  son  régal 
favori  ;  il  en  abusait. 

Uuand  Marie-Louise  de  Gonzague,  fille  du  duc 
de  Nevers,  épousa,  en  4646,  Ladislas  IV,  roi  de 
Pologne,  celui-ci  envoya  en  ambassade,  pour  la 
célébration  du  mariage  par  procuration,  un  cer- 
tain nombre  de  seigneurs  polonais.  Ces  riches  per- 
sonnages, logés  au  Palais-Royal,  mangeaient  le 
plus  gloutonnement  et  le  plus  malproprement  du 
monde,  ce  qui  excitait  fort  te  curiosité  des  Pari- 
siens ;  ajoutez  à  cela  que  plusieurs  d'entre  eux 
eurent  la  malencontieuse  idée  de  s'affubler  à  la 
française  et  de  se  couvrir  de  perruques  qui  ache- 
vaient de  les  rendre  grotesques.  I^ur  originalité 


(i)  Claude  de  Mallcville  devint  un  des  quarante 
do  l'Académie  rrnii(;aise. 
(2)  Prénom  du  cardinal  de  Richelieu. 


256 


HISTOIRE   DU   XVI*  ARRONDISSEMENT 


plat  natoreOement  à  Rassompierre,  qoi  tint  à  les 
recevoir  et  à  les  traiter  en  grand  seigneur  dans  son 
château  deCbaiUot.  €  Le  régal  fut  fort  honnête, 
rien  ne  mawiuait  au  festin,  on  y  bot  même 
pins  que  de  raison  :  egregie  »,  dit  Tallemant  des 
Réaox. 

Cette  réception  à  Chaillot  dat  être  une  des  der- 
nières. Bassompierre  étant  allé  voir  le  maréchal 
de  Vitry,  son  ancien  compagnon  de  détention,  à 
son  châteao  de  Goubert,  près  de  Proyins,  v  fat 
frappé  pendant  son  sommeil  d'ane  attaqae  d  apo- 
plexie, le  42  novembre  1646  (i).  Sa  mort  avait 
été  si  donce,  qa*on  le  trouva  le  matin  dans  la 
posture  où  il  avait  Thabitude  de  dormir,  une  main 
sous  le  chevet  de  son  lit  à  Tendroit  de  sa  tète,  et 
les  genoux  légèrement  relevés.  Son  corps  gros  et 
gras,  ballotté  par  les  ornières  de  la  route,  fut 
ramené  en  assez  mauvais  état  à  Chaillot,  où,  sui- 
vant son  désir,  il  fut  inhumé. 

Il  y  avait  alors  à  Chaillot,  et  depuis  fort  long- 
temps, une  chapelle  êcigneuriale,  qui  fut  agrandie 
et  érigée  en  paroisse  sous  le  vocable  de  Saint- 
Pierre,  en  i659,  quand  cette  commune  devint 
faubourg  de  Paris  (2)  ;  ce  fut  probablement  dans 
cette  chapelle  ou  dans  son  caveau  que  fut  inhumé 
Bassompierre. 

Au  résumé,  sous  un  tel  seigneur,  fastueux  mais 
généreux,  juste  et  bon  pour  les  humbles,  et  de 
plus  gai  et  bon  enfant,  ce  qui  ne  gâte  rien,  les 
habitants  de  Chaillot  ne  dorent  pas  être  trop  mal- 
heureux ni  subir  bien  rigoureusement  les  droits 
de  haute,  moyenne  et  base  justice  dévolus  à  un  tel 
seigneur  et  maître,  qui  certainement  n'en  abusa 
pas  et  dut  être  fort  regretté  de  ses  administrés. 

Léopold  Mar. 


PARIS  DEPUIS  SES  ORIGINES 

JUSQUE  NOS  JOUBS 

Notre  savant  collègue  M.  E.  de  Ménorval  vient 
de  donner  au  public  le  troisième  volume  de  son 
Hisloire  monumentale  de  Paris  depuis  ses  ori- 
gines jusqu'à  nos  jours, 
'  J*ai  déjà  eu  Thonneur  d'entretenir  la  Société 
des  deux  premiers  tomes  de  cette  publication. 

En  avançant,  à  la  suite  de  M.  de  Ménorval,  dans 
cette  étude  historique,  Tintérèt,  loin  de  diminuer, 
s'accroît,  s'il  est  possible,  de  toute  la  curiosité 
qu'éveillent  des  événements  plus  modernes  et  dont 
nous  saisissons  mieux  les  ramifications  avec  l'his- 
toire que  nous  vivons  nous-mêmes  aujourd'hui. 

Ce  volume  commence  à  l'avènement  de  Henri  IV 
et  va  jusqu'à  la  mort  de  Louis  XIV, en  17i5.C'est 
une  des  périodes  les  plus  glorieuses  de  notre  his- 
toire :  celle  où  la  monarchie  atteignit  son  apogée, 
où  la  France  devint  vraiment  la  grande  nation  ; 
celle  aussi  où  Paris,  s'embellissant  de  monuments 


(i)  Son  pÎTC  éUtit  mort  ^U'  In  niomc  façon. 
(:!j  L'éLMise  Sainl-Pîcfro-de-Clialllot  a  t^uhi  bien 
«IcM  niooificalions,  mais  n'a  pa»  changé  de  place. 


grandioses,  s'est  enrichi  de  ces  cheCs-d'œovre  qui 
font  encore  l'admiration  de  tons  les  artistes. 

Siècle  illustre  entre  tons,  où  les  hommes  d'Etat 
s'appelaient  Sully,  Richelieu,  Mazarin,  Colbert 
et  Lonvois  ;  où  deux  grands  rois,  Henri  IV  et 
Louis  XIV,  malgré  leurs  fautes  et  leurscriiiies,hono- 
raient  les  fleurs  de  lys  de  France  ;  on  lespoètesse  nom- 
maient Corneille,  Racine,  Molière  ;  où  la  chaire  des 
Eglises  résonnaitdes  tccentsdes  Bourdalone  et  des 
Bossuet  ;  où  les  arts  comptaient  une  pléiade  incom- 
parable de  peintres  et  de  sculpteurs  nés  sur  le  sol 
de  la  France  ! 

Mais,  dans  l'histoire  des  peuples  comme  dans 
la  vie  des  individus,  les  jours  heoreux  sont  pré- 
cédés et  suivis  de  deuils  et  de  misères.  Après  les 
gloires  du  içrand  siècle,  voici  les  morts  répétées 
dans  la  famille  royale,  les  défaites,  les  raines,  la 
famine. 

Avant  les  années  heureuses  du  règne  de  Henri  IV, 
il  y  avait  en  ces  longs  mois  où  le  roi  légitime  avait 
été  obligé  de  conquérir  son  royaume  sur  ces  ligueurs 
trop  souvent  unis  à  l'étranger. 

A  tous  ces  moments  de  la  vie  nationale»  Paris  a 
la  part  prépondérante  qu'il  a  toujours  eue  dans 
notre  histoire.  H  faut  lire,  dans  l'ouvrage  de  M.  do 
Ménorval,  cette  relation  du  siège  de  Paris  en 
4590  (i)où,  leroi  étant  à  Chaillot,  nous  voyons  se 
dérouler  devant  nous  un  spectacle  que  nos  yeux, 
hélas  !  ont  pu  comtempler  il  n'y  a  pas  trente  ans. 

Déjà,  on  mangeait  les  chevaux,  les  chiens,  les 
rats  ;  une  boullie  épaisse  remplaçait  le  pain.  Les 
viellards  comme  les  enfants  à  la  mamelle  mouraient 
d'inanition.  On  formait  les  projets  les  plus  extra- 
vagants ;  et,  quand  on  vit  que  la  cité  allait  se 
rendre,  il  y  eut,  à  cette  date  aussi,  des  Français 
qai  proposèrent  de  brûler  l'Hôtel  de  Ville  et  le  Par- 
lement ! 

Si  j'ai  insisté  sur  cette  partie  du  livre  de  M.  de 
Ménorval,  c'est  que,  pour  notre  génération,  die 
est  presque  encore  d'actualité  ;  c  est  aussi  parce 
qu'elle  montre  bien  ce  que  furent  des  Parisiens  à 
toutes  les  époques  de  leur  histoire. 

Tout  le  reste  n'est  pas  moins  attachant:  entrées 
solennelles  des  rois,  fêtes  populaires,  mœurs  et 
usages  de  la  bourgeoisie  et  du  clergé,  intérieurs 
des  grands  seigneurs,  toute  la  vie  de  la  Cité  pen- 
dant près  de  cent  cinquante  ans  se  déroule  ainsi 
devant  nous  dans  un  décor  mouvant  et  curieux. 

Aussi,  ce  gros  volume,  qu'on  ouvrirait  avec 
crainte,  si  l'on  n'avait  rexpérience  de  ses  atnés,se 
ferme-t-il  en  laissant  le  regret  qu'il  soit  si  tôt 
fini. 

Antoine  Guillois. 

Voici  maintenant,  textuellement  reproduits  et 
parfois  légèrement  rectifiés  dans  des  notes,  les 
passages  de  Paris  depuis  ses  onçines  jusqu'à  nos 
jours  (t.  III)  qui  intéressentl'histoirede  nos  quar- 
tiers : 


(i,  A  oc  propos,  il  réfute  cette  léjrende  d'Hen- 
ri IV,  faisant  posser  de  la  nourriture  aux  Pflri- 
siens.  La  vérité  est  que  les  oniciers  et  les  soldat» 
de  l'armée  ro^'ale  trouvaient  ainsi  un  moyen  de 
se  procuHîr  larjrent  qu'ils  ne  recevaient  pas  du 
roi,  dont  les  caisses  étaient  vi<lcs. 

<Jue  d'erreurs  sont  ainsi  relevées  et  détruites  A 
chaque  paj^e  de  ce  volume  î 


ANNEXES 


•257 


P.  7  et  8.  —  Le  U  août  1588,  poar  fêter 
di^ement  l'anniversaire  de  la  Saint-Barthélémy, 
hait  ligueurs  et  ligueuses  s'embarquèrent  sur  la 
galliote,  à  Passy  ;  on  les  vit  débarquer  au  bas  de 
Saint-Cloud,  gravir  la  cOteet,  arrivésdevantréglise, 
s'étendre  à  terre  afin  de  racler  le  sol  de  leur 
langue  sur  le  lieu  du  supplice  et  de  rapporter  avec 
eux  quelques  parcelles  des  cendresdusaintmartyr. 
A  leur  retour,  la  Seine,subitement  agitée,  se  sou- 
leva, engloutit  la  barque,  «  et  tous  furent  noyés 
près  du  couvent  des  Bonshommes  »,  sans  que  les 
reliques  Qu'ils  rapportaient  de  leur  saint  aient  eu 
la  vertu  de  sauver  un  seul  d'eux  du  naufrage. 

P.  279  et  note.  —  Le  village  de  Chaillot,  favo- 
risé par  la  présence  de  la  reined'Angleterre,Uen- 
riette,  qui  y  avait  fondé  en  1651  un  couvent  de 
filles  de  la  Visitation^  dans  l'ancienne  maison 
de  Bassompierre,  fut  érigé  en  faubourg  par  arrêt 
du  Conseil deiuiliet  1659. 

Note.  —  Cnailiot  fut  érigé  en  faubourg  sous  le 
nom  de  faubourg  de  la  Conférence,  dans  le  but 
d'augmenter  ses  revenus  par  le  changement  des 
tailles  en  droits  d'entrée.  Lesouvriers  et  marchands 
de  Chaillot  furent  déclarés  exempts  des  lettres  de 
maîtrise  malgré  les  poursuitesqu' avaient  voulu  exer- 
cer contre  eux  les  gardes-jurés  des  communauté." 
d'arts  et  métiers  de  Paris.  L'église  date  du 
xii^iécle,mai8elleaété  complètement  reconstruite 
an  xvii^,  puis  au  xvm*.  Sur  le  maltre-autel,  on 
voyait  un  saint  Pierre  délivré  de  ses  liens  par 
un  anqe. 

P.  284  et  note.  —  Abbaye  de  Sainte-Gene- 
viève, rue  de  Chaillot.  Les  cnanoinesses  de  Sainte- 
Geneviève,  établies  à  Nanterre,  furent  tranférées 
à  Chaillot  en  1659.  Elles  appartenaient  à  l'ordre 
de  Saint- Augustin. 

Note.  —  Cette  abbaye  de  la  rue  de  Chaillot 
est  très  connue  sous  le  nom  de  Sainte- Périne, 
qu'elle  doit  à  des  religieuses  de  la  Villette  qui  y 
vinrent  en  1746.  Supprimée  en  1792,elle  devint, 
en  1800  (1),  une  maison  de  sauté  payante  pour 
les  deux  sexes.  Atteinte  par  les  percements  de 
voies  nouvelles,  elle  a  été  transférée,  en  1865  (2), 
rue  Mirabeau  (3),  à  Auteuil. 

P.  285  et  note.  —  11  y  avait  au  basde  Chaillot, 
au  lieu  dit  la  Savonnerie,  un  petit  hospice  d'en- 
fants construit  par  Marie  de  Medicis  ;  la  chapelle 
était  sous  le  vocable  de  Saint-Nicolas.  Le  nom  de 
la  Savonnerie  est  resté  célèbre  par  la  manufacture 
de  tapis  de  Perse  que  Henri  IV  établit  en  cet  en- 
droit. Elle  fut  réunie  aux  Gobelinsen  1828.  La 
Manutention  militaire  occupe  aujourd'hui  l'em- 
placement de  la  Savonnerie. 

P.  308  et  309.  —  Au  mois  d'août  1651,  le 
sieur  de  Monbrun-Souscarrière  fit  voir  au  roi 
et  à  son  frère,  <  en  la  rivière  de  Seine,  au-dessous 
de  Nigeon  et  Chaillot,  une  espèce  de  ballet  de 
tritons  et  sirènes  par  des  hommes  ayant  tout 


(i)  En  1800,  sous  l'influence  «le  Joséphine  Bona- 
parte. I*arrai  len  premiers  souscripleurs  flgureiil 
•  le  Premier  Consul  »  al  m  Madame  lionaparlea. 
Nous  sommeâ  donc  avant  l'Empire. 

(2^  La  date  de  18G0  est  inscrite  au  fronton  du 
bâtiment  principal. 

(3)  L'entrée  principale  est  rue  Chardon-Laj^a- 
rhe,  n*  11  :  cette  voie,  en  1860,  s'appelait  rue  de  la 
Municipalité. 


le  bas  du  corps  dans  des  figures  de  queues  de  poisson 
soutenues  par  des  vessies,  en  sorte  que  ces  per- 
sonnages ne  montrent  que  leur  haut,  qui  est  de 
figure  humaine.  » 

Un  spectacle  plus  curîeux  avait  intéressé  «  force 
gens  de  la  Cour  »,  le  lundi  15  mai  (1651)  :  une 
course  entre  le  prince  d'Harcourt  et  le  duc  de 
Joyeuse,  €  sur  chevaux  nourris  depuis  trois  semai- 
nes au  village  de  Boulogne  ainsi  que  l'on  nourrit  les 
chevaux  de  course  en  Angleterre,  de  pain  fait 
avec  anis  et  faverolles  et,  les  deux  derniers 
jours,  de  deux  ou  trois  cents  œufs  frais.  Ils  menè- 
rent leur  course  de  la  barrière  de  la  Meute  on 
Muette  y  sur  le  chemin  de  Saint-Cloud,  en  reve- 
nant par  le  ch&teau  de  Madrid.  Le  prince  d'Har- 
court, vêtu  d'un  habit  fait  exprès  et  très  étroit, 
un  bonnet  en  tète  juste  et  ses  cheveux  dedans, 
ayant  trois  livres  de  p'omb  en  sa  poche  pour  peser 
autant  que  le  maître  d'Académie,  le  Plessts  du 
Yernet,  qui  courait  en  place  du  duc  de  Joyeuse. 
Au  tournant  de  Madrid,  le  Plessis  prit  le  devant 
et,  arrivant  cent  pas  avant  l'autre  à  la  barrière 
de  la  Meute,  gagna  le  prix  ». 

P.  479.  —  (Lors  ae  la  seconde  dispersion  de 
Port-Royal,  en  août  1664,  une  religieuse  jansé- 
niste fut  envoyée  à  (Caillot.)  La  supérieure  de 
Chaillot.  la  mère  de  La  Fayette,  combla  d'égards 
celle  qu'on  lui  imposa. 

P.  502,  note  3.  —  L'historien  Mézeray  avait 
une  maison  de  campagne  à  Chaillot. 

P.  550,  note.  —  Molière  était  à  sa  maison 
d'Auteuil,  le  W  juillet  1672,  lorsqu'il  signa  le 
bail  de  la  maison  de  la  rue  de  Hichelieu,  oti  il 
devait  mourir  six  mois  plus  tard. 

P.  5i9,  note.  —  Marie  deChampmeslé  mourut 
le  15  mai  1698,  à  Auteuil,  dans  le  voisinage  de 
Boileau,  et  fut  inhumée  le  17  mai  à  Saint-Sulpice. 

De  plus,  je  dois  signaler,  dans  le  plan  joint  à 
l'ouvrage  de  M.  de  Ménorval,  quelques  erreurs  de 
position,  relatives  :  1°  à  la  Savonnerie,  qui  était  à 

Sauche  du  ruisseau  (qui  se  jetait  près  du  pont 
e  l'Aima  actuel),  et  non  à  droite;  S"»  aux  Filles 
Sainte-Marie  et  aux  Bonshommes,  qui  étaient  aux 
pieds  de  Chaillot  et  de  Passv,  et  non  aux  pieds 
d'Auteuil  ;  et  3<>  enfin,  à  l'église  N.-I).  d'Auteml 
(n°  15  du  plan),  qui  était  beaucoup  plus  rappro- 
chée de  la  rivière  que  le  plan  nel  indique. 

Mais  ce  sont  là  des  erreurs  tout  à  fait  insi- 
gnifiantes, et  je  m'excuse  de  terminer  ainsi  par 
une  critique,  quel(|ue  minime  qu'elle  soit,  l'ana- 
Ivse  d'un  livre  qui  procurera  à  ses  lecteurs  tant 
de  moments  précieux  et  charmants. 

Antoine  Guillois. 


SOUVENIRS    ANGLAIS 

SUR   CBAILLOT   ET  LE   BOIS   DE   BOULOC.NE 


LBS  BONNES  HOMMES 
LA  FAMILLE  DES  STUARTS 

Joho  Evelyn,  Esq.,  auteur  de  plusieurs  ou- 
vrages sur  des  sujets  variés  :  La  Navigation  et 

»7 


258 


HISTOIRE   DU   XVI*   ARRONDISSEMENT 


le  Commerce;  Sylva  ;  les  Mystères  réoélés  du 
cabinet  de  toiustte  des  dames,  etc.,  grand 
Toyagear,  amateur  d^objets  d*art,  esprit  carieax 
OUI  savait  regarder  et  ne  ressemblait  pas  à  ceux 
de  ses  compatriotes  dont  soufeot  les  caravanes 
bariolées  parcourent  Paris  pour  vérifier  leur  Mnr- 
ray  on  leur  Baedeker,  consignait  dans  un  journal, 
régulièrement  tenu  durant  quatre-vingt-deux  ans 
(de  4624  à  4706),  ses  observations  et  ses  souve- 
nirs. Il  décrivait  les  monuments  visités,  les  choses 
dignes  de  remarque,  en  Angleterre,  en  Italie,  en 
France  ;  il  racontait  ses  promenades,  parlait  des 
personnes  qn*il  avait  rencontrées,  et  ((uelques-unes 
de  ses  notes  concernent  notre  arrondissement. 

REVUE  AD  BOIS 

Le  13  avril  164i,  Evelyn  prend  une  voiture 
pour  assister  à  une  revue  générale  de  tous  les 
gendarmes  de  la  ville,  au  bois  de  Boulogne, 
devant  Leurs  Majestés  et  les  grands  ;  vingt  mille 
hommes  de  troupe  et  encore  plus  de  spectateurs. 
Les  soldats  y  tirent  tous  leurs  exercices  et  étant 
mis,  cavalene  et  infanterie,  en  plusieurs  forma- 
tions et  figures,  représentèrent  une  bataille. 

Dans  sa  gazette  rimée,  Loret,  dix  ans  après 
(10  janvier  1654)  nous  décrit  une  autre  de  ces 
revues  où  les  gardes, 

La  plupart  ayant  bonne  trogne 
Allèrent  au  bois  de  Boulogne, 
Où  ce  vaillant  et  brave  corps, 
Des  plus  complets  et  des  plus  forU, 
Fit  selon  l'art  et  la  milice 
Admirablement  rezercice. 

Le  roi  parut  en  habit  riche  et  pompeux,  mieux 
paré  encore  par  cette  jeune  ardeur  guerrière 
qu*on  voyait  sortir  de  ses  yeux . 

Le  27  février  1644,  revenant  de  Saint-Germain 
à  Paris,  Evelyn  passe  par  Madrid,  puis  il  va  aux 
<  Bonnes  Hommes  »,  dontil  admire  la  chapelle 
et  la  Bibliothèque. 

MADRID 

f.e  25  avril  1650,  il  décrit  Madrid,  les  ter- 
rasses et  les  galeries,  Tune  au-dessus  de  l'autre 
jusqu'au  toit,  et  les  matériaux  qui  sont  tons  de 
terre  peinte  comme  de  la  porcelaine  de  Chine, 
dont  les  couleurs  semblent  très  fraîches  et  sont 
très  fragiles.  Il  y  a  des  statues  et  des  reliefs  de 
cette  poterie,  des  cheminées  et  des  colonnes  au 
dedans  et  an  dehors.  Sous  la  chapelle  est  une 
cheminée  au  milieu  d*une  pièce,  près  de  la  salle 
des  gardes.  La  maison  est  fortifiée  par  un  fossé 
profond  et  a  une  vue  admirable  sur  le  bois  de  Bou- 
logne et  la  rivière.  Pauvre  Madrid  !  Evelyn  ne  lo 
reconnaîtrait  aujourd'hui  aue  par  ce  réverbère 
qui  porte  rinscription  :  Château  de  Madrid, 
Appartements  meublés. 

LES  C    BONNES  HOMMES  » 

Le  23  janvier  1651,  Evelyn  va  revoir  les 
Bonnes  Hommes  qu'il  décrit  :  Un  couvent  qui  a 
un  beau  cloître  où  sont  peintes  les  vies  des  ner- 
mites  ;  le  jardin  sur  un  rocher  avec  plusieurs  des- 


centes, une  belle  vigne  et  une  gentille  vue  sur  la 
cité.  On  y  élevait  en  ce  moment  dans  la  chapelle 
un  magnifique  autel,  24  janvier. 

Le  lendemain,  journée  bien  remplie  :  après  avoir 
vu  un  dromadaire,  une  très  monstrueuse  bète  qui 
ressemble  beaucoup  au  chameau,  mais  plus  grosse, 
et  un  saltimbanque,  Evelyn  fait  une  visite  au 
frère  Nicolas,  que,  sans  lu,  nous  ne  connaîtrions 
pas,  et  ce  serait  dommage.  Il  est  le  médecin, 
Tapothicaire,  le  chimiste  du  couvent.  M.  Anatole 
France  en  pourrait  faire  un  joli  conte  de  frère 
Nicolas,  qui  a  guéri  M .  Senétan  d'une  maladie  mor- 
telle, et,  en  reconnaissance  de  celte  guérison,  M.  Se- 
nétan fait  bâtir  un  autel  monumental  qui  coûtera 
37.500  francs.  Frère  Nicolas  conduit  Evelyn  dans 
son  laboratoire,  où  il  a  une  rare  collection  de  re- 
mèdes spagyriques.  Il  est  peintre  aussi,  peintre 
sur  boites  ;  au  lien  d'y  écrire  les  noms  des 
drogues,  il  v  représente,  ainsi  que  sur  les  pots, 
les  ngnres  des  drogues  et  des  simples.  Il  monlre 
à  Evelyn  comme  grande  curiosité  un  peu  de  mer- 
cure, d'antimoine. 

Guy  Patin,  partisan  de  la  purge  et  de  la  sai- 
gnée, n'aimait  pas  les  «  moines  froquez  et  défro- 
quez,  charlatans,  chimistes,  soufdeurs,  apothi- 
caires et  ton^iiam  o^mi  atu /ton  ^<  m/^  si  mio«  » , 
qui  admettaient  l'antimoine.  €  Jamais,  dit-il, 
6  mai  1650,  tête  encapuchonnée  ne  fut  propre  à 
notre  métier.  »  Guy  Palin  se  trompait,  frère  Nico- 
las y  était  propre,  et,  grâce  à  lui,  le  couvent  avait 
son'autel. 

LA  VISIFATION  DE  SAINTE-MARIE 

Chose  étrange,  Evel)n,  qui  avait  des  sympa- 
thies pour  Charles  I*'',  qui  vit  souvent  Henriette 
de  France,  ne  dit  rien  sur  le  séjour  aue  fit  cette 
reine  à  Chaillot,  ni  sur  le  couvent  qu  elle  y  fonda, 
et  oh  vint  faire  des  retraites,  plus  tard,  cette 
autre  reine  d'Angleterre  exilée,  Marie  de  Modène, 
la  femme  de  Jacques  II.  Elle  légua  au  monastère, 
en  (ouvenir  d'elle  et  de  son  mari,  une  verge  ou 
discipline  dont  Macanlay  (Hist.,chap.  vi)  raconte 
ainsi  Thistoire  : 

A  son  avènement  au  tréne,  le  roi,  déjà  rema- 
rié, mais  resté  fidèle  à  sa  maltresse  Catherine 
Sedley,  forma  de  bonnes  résolutions,  parla  en  pu- 
blic contre  la  licence  du  temps,  annonça  à  la  reme 
qu'il  ue  verrait  plus  jamais  Mrs  Sedley.  Il  man- 
qua à  ses  promesses  et  alors  eurent  lieu  des  scènes 
curieuses.  La  reine  pleura,  et  les  courtisans,  qui 
assistaient  à  ses  repas,  virent  remporter  les  plats 
sans  qu'elle  y  eût  touché.  Les  larmes  ruisselaient 
sur  ses  joues  en  présence  des  ministres  et  des 
ambassadeurs.  Evelyn  fut  à  deux  de  ces  dîners. 
<  laissez-moi  me  cacher  dans  un  couvent,  dit- 
elle  au  roi.  Vous  êtes  prêt  à  hasarder  votre 
royaume  pour  l'amour  de  votre  salut,  et  pourtant 
vous  perdez  votre  salut  pour  l'amour  de  cette  créa- 
ture. »  La  reine,  raconte  Burnet,  assembla  dans 
son  appartement  tous  les  prêtres  qui  avaient 
l'oreille  de  Jacques.  Le  roi  fut  appelé,  et  tous  les 
Pères  se  jetèrent  à  ses  pieds  pendant  que  la  reine 
éclatait  en  plaintes  (1).  Jacques  II  pendant  quelque 

(ij  D'après  Macaulay.  le  Père  Pètre,  jésuite   se 
jela  Hcul  aux  genoux  du  roi. 


ANNEXES 


259 


temps  eontinaa  à  rirre  mal  ;  mais  soayent  il  était 
bourrelé  de  remords,  et,  dans  ses  heures  de  re- 
pentir, il  faisait  sévèrement  pénitence.  U  vengeait 
sur  ses  royales  épaules  les  injures  faites  à  la 
reine,  il  se  frappait  de  cette  discipline  que  la  reine 
garda  et  laissa  au  couvent  de  Chaillot,  dont  Ma- 
caulay  cite  les  manuscrits  parmi  ses  sources. 

LA   PRINCESSE  dVnGLCTERRE 

Par  quel  bizarre  enchantement,  écrit  Hamil- 
ton  dans  une  lettre  à  la  princesse  d'Angleterre, 
fille  de  Marie  de  Modène, 

Par  quel  bizarre  enchanlement 
La  maison  de  feu  Bassompierre, 
Cet  homme  jadis  si  jg^lant, 
Est-elle  aujourd'hui  le  couvent 
Oui  reçoit  tout  ce  que  la  terre 
A  de  plus  digne  et  de  plus  grond  (1). 

Malgré  la  piété  de  la  reine,  la  vie  n'était  pas 
austère  à  Chaillot.  Hamilton,  dans  une  épttre  en 
vers,  feint  que  les  sœurs  de  Saint- Dominique  de 
Poissy  reprochent  aux  filles  de  Sainte-Marie  de 
Chaillot  de  retenir  parmi  elles,  au  milieu  des 
plaisirs,  leurs  hôtesses  royales  (p.  340)  : 

Chez  vous  tout  conspire  à  leur  plaire, 
Amusements  et  soins  divers 
S'offrent  en  prose  comme  en  vers. 

Les  amusements  sont  des  éni^es  ;  on  com- 
pose des  devises.  Les  vers  sont  faits  par  des  cour- 
tisans rimeurs  de  vétilles,  et  aussi  par  les  reli- 
gieuses pour  la  fête  de  la  princesse,  par  sœur 
Gabrielle,  sœur  Charlotte. 

Ma  sœur  Madelcinc-Marie. 
De  qui  l'autre  nom  va  devant. 

Hamilton  veut  dire  qu'elle  s'appelait  Marie- 
Madeleine. 

Hamilton  avait  écrit  des  couplets  pour  le  même 
jour;  le  2"  finit  ainsi,  p.  418  : 

Chantons,  nymphes  de  cette  cour, 
Dans  nos  chants  célébrons  ce  jour 

Sans  cesse. 
A  ces  mots  B...  prit  son  ion 
Et  flt,  touchant  comme  Apollon 
Sa  lyre. 
Les  couplets  de  chansons 
Que  Je  vais  dire. 

Suit  la  mention  :  couplets  de  MileB...  Talnée. 
Qui  est  Mlle  B...? 

Dans  Fépltre  des  Œuvres,  de  Poissy,  citant  les 
religieuses  poètes,  Hamilton  avait  dit  : 


U 


Ma  sœur  BuUion 

Dont  je  ne  dirai  pas  le  nom, 
Fait  de  vers  une  Icyriellc 
Qui  seraient  dignes  d'Apollon. 

Pourquoi  ne  pas  dire  son  nom  ?  Serait-ce  parce 

?|n*il  la  faudrait  nommer  Mlle  Bullion  l'aînée  et  la 
aire  paraître  un  peu  plus  âgée  au  moins  que  la 
cadette,  qui  était  au  couvent  aussi  ?  Bullion  l'aince, 
autant  dire  la  vieille. 

11  faut  citer  ces  vers  dont  Tauteur  a  été,  par 
Hamilton,  deux  fois  comparée  à  Apollon,  une  fois 


(1)  Œuvres,  p.  16a,  vol.  3,  éd.  Paris,  j8o3. 


à  cause  de  la  rime,  et  la  seconde  peut-être  aussi 
(p.  419)  : 

Air  :  Climat  doux  et  paisible. 

Ornements  de  votre  âge, 
Objet  de  nos  chants, 
Recevez  l'hommage 
De  notre  humble  encens. 
Ce  jour  vous  vit  noitre 
Chaque  autre  a  vu  croître 
Vos  attraits  charmants. 

Sans  la  princesse,  Mlle  Bullion  se  déplaît  au 
couvent  : 

Sans  vous  la  tristesse 
Y  règne  sans  cesse  : 
Tout  est  ennuyeux. 

Mais  ouand  la  princesse  est  là,  Mlle  Bullion 
chante  ;  les  forêts,  les  campagnes  et  les  ruisseaux 
la  voient  dire  aux  oiseaux  : 

Hôtes  de  nos  bois,  tour  à  tour 
Célébrez  ce  jour: 
Tout  vous  répondra 
O  gai  lan  la! 

Mlle  Bullion  trouve  naturel  que  son  nom  appelle 
à  la  rime  Apollon.  Pour  elle-même  et  pour  Ha- 
milton, elle  y  met  sans  modestie  FHêlicon. 

Nous  qui  savons  la  roule 

De  l'Hélicon, 
Nous  qu'ici  l'on  écoute, 
Tendre  Hamilton, 
Chantons  vous  et  moi  tour  à  tour 
Ce  célèbre  jour; 
Tout  nous  répondra  : 
O  gai  lan  la  ! 


LE  PRÉTENDANT  ET  SES  MINISTRES  FEMELLES 

En  171:2,  la  princesse  d* Angleterre  mourut  de 
la  petite  vérole.  «  Tous  ceux  qui  connurent  cette 
jeune  dame,  dit  un  ennemi  de  la  famille  Stuart, 
l'évéque  Burnet  (Hist,  de  mon  temps,  p.  S94, 
vol.  6,  éd.  La  Haye,  173^,  la  regardaient  comme 
une  personne  accomplie.  Son  frère,  le  prétendant, 
tomba  malade  de  la  même  maladie,  dont  il 
échappa.  Ceux-là  mêmes  qui  ne  parlaient  du  frère 
qu'avec  peu  d*estime  faisait  de  la  sœur  un  cas 
singulier.  Il  perdit  en  elle  un  grand  appui  qu'elle 
lui  procurait  de  toutes  les  personnes  qui  rappro- 
chaient. »  —  L'histoire  du  frère  est,  elle  aussi, 
lice  à  celle  de  Chaillot  et  du  bois. 

En  1716,  Bolingbroke,  chancelier  du  préten- 
dant réfugié  en  Lorraine,  était  à  Paris,  chargé  de 
soUiciier  la  cour  de  France  en  faveur  de  son 
maître.  11  était  en  relations  avec  une  foule  de  Ja- 
cobites  qui  complotaient,  se  murmuraient  à  Foreille 
des  secrets  d'Etat,  se  montraient  des  lettres  en- 
courageantes de  leurs  amis. 

La  grande  roue  de  la  machine,  dit  Boling- 
broke  dans  ses  Mémoires  secrets  (Londres,  1754, 
p.  .HO,  2*  partie)  était  une  nommée  Olive  Trant. 
Klle  habitait  dans  une  petite  maison  du  bois  de 
Boulogne,  près  de  Madrid.  Elle  avait  rendu  des 
services  au  régent.  Elle  avait  ramené  d'Angleterre 
une  jeune  personne  que  Bolingbroke  n'avait  pas 
connue,  qui  sans  doute  était  fort  belle.  Elle  fit  par 
ce  moyen  la  cour  au  régent.  Le  duc  d'Ormond, 
le  Vainqueur  de  Vigo,  ancien  vice-roi  d'Irlande, 


26o 


HISTOIRE   DU   XVI*   ARRONDISSEMENT 


sortait  souvent  de  Paris  arec  un  grand  air  de 
mystère.  Bolingbroke,  afec  qui  il  demeurait,  se 
demandait  si  ces  excursions  avaient  pour  objet  les 
affaires  ou  les  plaisirs,  et  soupçonnait  qu'il  y  avait 
des  unes  et  des  autres.  Ormond  allait  au  bois  chez 
Mme  Trant.  Il  y  avait  chez  elle  une  demoiselle 
de  Chausser^  qui  Tassistait  dans  ses  démarches. 
Celle-ci  avait  été  tille  d'honneur  de  Madame.  Ces 
deux  dames,  avec  Fabbé  de  Tésu,  secrétaire  du 
régent,  avec  une  espèce  de  fou,  ancien  intendant 
de  Normandie, et  plusieurs  autres  politioues  de  bas 
ordre  formaient  ce  que  Bolingbroke  appelle  la  Junte 
du  bois  de  Boulogne,  qui  n^ociait  avec  le  régent, 
avec  Tambassadeui*  d'Angleterre,  avec  les  Hignlan- 
ders  d'Ecosse,  envahissait  en  imagination  la  Grande- 
Bretagne,  et  couronnait  dans  Westminster  Théri- 
tier  légitime  du  trône.  Mme  Trant  reçut  aussi  Bo- 
lingbroke. A  ce  grand  personnage  ^ui  s'était  mis 
sous  sa  direction,  au  comte  de  Bolingbroke,  pair 
d'Angleterre,  ancien  secrétaire  d'Etat,  ancien  mi- 
nistre des  affaires  étrangères,  signataire  du  traité 
d'Utrecht,  écrivain  distingué  et  philosophe  de  va- 
leur, cette  aventurière  remit  un  billet  signé  du 
régent,  écrit  en  apparence  à  une  dame,  mais  réel- 
lement adressé  an  comte  de  Mar,  qui  plus  tard 
leva  en  faveur  du  prétendant  l'étendard  de  la  ré- 
volte. Do  Mme  Trant  dépendit  l'expédition  du 
chevalier  de  Saint-Georges,  la  vie  de  milliers  de 
braves  gens.  De  sa  maison  du  bois  elle  tenait  les 
fils  d'une  conspiration  en  Angleterre  et  de  toutes 
les  intrigues  jacobines  en  France,  jusqu'à  ce  que 
le  régent  finit  par  trouver  qu'elle  l'excédait,  lui 
rompait  la  tète  et  l'ennuyait  à  la  mort.  11  repro- 
cha à  Bolingbroke  d'avoir  traité  avec  elle.  Il  dé- 
savoua toutes  les  cabales  et  les  coteries.  Il  n'avait 
jamais  eu  l'intention  de  soutenir  le  prétendant, 
mais  ces  intrigantes  l'avait  forcé  par  leurs  impor- 
tunités  à  paraître  s'intéresser  à  la  fortune  du 
chevalier,  pour  leur  donner  l'air  d'avoir  du  cré- 
dit. Peut-être  aussi  était-il  indécis,  voulait-il  mé- 
nager le  prétendant  et  tenir  toujours  l'Angleterre 
embarrassée.  11  aurait  pu  empêcher  la  seconde 
expédition  du  chevalier  qui,  avant  son  départ, 
était  resté  quelque  temps  à  Chaillot  dans  une  mai- 
son de  M.  de  LauzuD.  Lord  Stairs,  l'ambassadeur 
anglais  en  France,  apprit  où  il  était  et  somma  le 
gouverneur  français  Je  l'arrêter.  Mais  le  régent 
était  décidé  à  ne  pas  savoir  où  se  cachait  le  prince, 
et  la  police  avait  la  mission,  que,  dit-on,  elle  re- 
çoit parfois,  de  ne  pas  le  chercher  et  de  ne  pas 
le  trouver.  (V.  Jobez,  La  France  sous  Louis  XV , 
vol.  I,  p.  5^212,  éd.  1864.) 

Le  chevalier  se  plaisait  sans  doute  à  Chaillot. 
Thackeray  fait  dire  de  lui  par  un  de  ses  person- 
nages, dans  Henri  Esmond,  qu'il  y  avait  une  de- 
meure où  il  s'enterrait  des  semaines  entières  et 
avec  toutes  sortes  de  personnes  de  mauvaise  com- 
pagnie. 

Ceux  qui  parlaient  mal  du  prince  avaient  rai- 
son. Il  ne  valait  pas  qu'on  se  sacrifiât  pour  lui. 
Il  avoua  lui-même  à  Bolingbroke  qu'à  la  mort  de 
la  reine  Anne  il  avait  fait  quelques  mouvements 
comme  si  son  dessein  eût  été  de  s'embarquer  pour 
l'Angleterre  ;  mais  il  n'avait  pas  envie  d'y  aller 
alors.  La  cour  de  France  se  fit  un  mérite  de 
l'avoir  empêché  ;  c'était  une  farce  jouée  de  con- 
cert pour  soutenir  la  réputation  de  son  caractère. 


Il  laissa  ses  partisans  Tattendre  et  s'exposer  poor 
lui.  Le  mensonge  lui  coûtait  peu.  Qaana  il  revint 
d'Ecosse  à  Saint-Germain,  après  sa  malheureuse 
expédition,  on  le  pressa  de  retourner  en  Lorraine. 
La  France  ne  pouvait  pas  lui  donner  d'asile.  Il 
n'était  pas  pressé  ;  il  voulait  voir  le  régent.  Il 
sollicita  une  entrevue.  Elle  fut  refusée.  Alors  il 
déclara  à  Bolingbroke  ou'il  partait,  ses  malles 
étaient  faites.  Il  envoya  dire  aux  ministres  du  ré- 
gent qu'il  était  parti.  Mais,  an  lieu  de  prendre  la 
poste,  il  alla  à  la  petite  maison  du  bois  de  Boulogne 
Où  demeuraient  ses  ministres  femelles,  comme  les 
appelle  Bolingbroke.  Il  y  resta  quelque  temps  à 
se  cacher.  Il  y  vit  des  ambassadeurs,  ceux  d  Ea- 
pagne  et  de  Suède. 

Bolingbroke  recevait  pendant  ce  temps  des 
lettres  censées  écrites  par  le  prétendant  en  route 
et,  sachant  très  bien  à  quoi  s'en  tenir,  faisait 
semblant  d'être  dupe.  Il  renvoya  par  Ormond  les 
papiers  et  les  lettres  qui  lui  turent  redemandés, 
et  déclara  qu'il  ne  voulait  plus  rien  avoir  à  démê- 
ler avec  le  prince.  Il  eût  aussi  bien  fait  de  com- 
mencer nar  là.  On  l'accusa  de  négligence,  de  trahi- 
son et  d  incapacité. 

Thackeray  fait  sur  le  chevalier  de  Saint-Georges 
cette  réflexion  :  C'est  pour  des  mortels  comme 
ceux-ci  que  les  nations  souffrent,  que  les  partis 
luttent,  que  les  soldats  combattent  et  versent  leur 
sang.  Des  têtes  courageuses  tombèrent,  et  Niths- 
dale  en  fuite,  et  Derwentwater  sur  l'échafaud, 
tandis  que  riosoucieux  ingrat,  pour  qui  ils  ris- 
quaient et  perdaient  tout,  s'enivrait  en  mauvaise 
compagnie  dans  sa  petite  maison  de  Chaillot. 

Mme  Trant,  qui  avait  annoncé  souvent  qu'elle 
entrerait  aux  Carmélites,  se  reprit  au  monde  par 
la  politique  et  épousa  un  cadet  de  grande  mai- 


son. 


Edmond  Wahl. 


LE   MONASTKRE   ROYAL 

DE   LA    VISITATION    DE   CHAILLOT 
4651-1791 

EMPLACEMENT  DU  TROCADÉRO 

Monographie  lue  au  Congrès  des  Sociétés 
Savantes  le  8  avril  i896. 


Sur  le  penchant  du  coteau  qui  forme  aujour- 
d'hui le  irocadéro,  Catherine  de  Médicis  s'était 
fait  élever  une  riche  maison  de  plaisance,  qu'après 
elle  on  nomma  la  maison  de  Grammont.  En  jan- 
vier 1630,  le  maréchal  de  Bassompierre,  seieneur 
de  Chaillot,  l'acquit  de  la  fille  du  président  Jeau- 
nin  et  l'embellit  considérablement.  Cinq  ans  après 
sa  mort,  le  12  mai  1651,  les  héritiers  du  maré- 
chal la  revendirent  à  Henriette  de  France,  troi- 
sième fille  de  Henri  IV,  veuve  de  Charles  I'' 
d'Angleterre,  qui  désirait  y  établir  des  religieuses 


26l 


de  1*  VisiUtioD  de  Sainte-Marie  {i).  L'auloriaa- 
tioD  nécessaire  pour  rétablissement  de  ce  conTent 
de  fondation  royale,  donnée  le  ÎS  jnla  1651,  ne 
Tut  enregistrée 'an  Parlement  qne  le  49  janTJer 
16S2.  Henriette  de  France  lit  alors  approprier 
cette  maison  k  st  nooTelle  destination,  et  telle 
elle  resta  jnsque  ten  1700,  ipoqnt  ou  la  plopart 
des  bltiments,  ainsi  que  l'c^lise,  forent  recons- 
tniits,  celle  dernière  aar  les  dessins  de  Gabriel, 
am  frais  da  maréchal  de  larges  et  de  son  beaa- 
père.  Nicolas  de  Frémonl,  gante  du  trésor  royal. 
L'inlCrieur  de  la  noDTelle  é);lise,  de  forme  oelogo- 
Dale,  ne  fnt  terminé  qn'en  1760  :  elle  était  très 
ricbeioent  décorée,  et  l'on  admirait  fort  sa  grande 
porte.  cber-d'(FDTre  de  serrurerie  ;  mais  Germain 


l'ordre  de  la  Visitation  ne  seront  pas  inutiles  arant 
d'arriver  i  la  partie  eiclunTement  historique  de 

notre  cooTent. 

Koodè  eu  1610  i  Annecy,  par  saint  François 
de  Sales  et  M""  de  Chantai,  cet  ordre  ne  fut  k 
l'origine  qo'un  refoçe  pour  des  veuves  et  des 
femmes  maladives  qui  ne  faisaient  qne  des  vitui 
simples  et  se  dévouaient  au  soulagement  des 
pauvres  malades.  Plus  tard,  saint  trançois  de 
Sales  érigea  cette  congrégation  en  ordre  monas- 
tique et  affranchit  les  aouielles  religieuses  des 
austérités  ordinaires  du  cloître,  les  dispensant 
des  Jeûnes  rigoureux  et  des  oIRces  nocturnes. 
L'ordrose  composait  de  1  mis  sortes  de  religieuses: 
lescAt>n'ï/«,lesaM(id«M  et  les  «(rur*  convemei 


Armes  du  Marérlial  de  Lorges  el  de  Geneviève  de  Frémont,  sa  femme  (i|. 


Brire,  dans  sa  Description  de  la  Ville  de  Paris, 
n'ext  pas  tendre  pour  son  architecture  e'itérieure. 
<  1^  dessin  en  est  agréable,  dit-il,  sans  être  d'un 
goût  délicat  ni  étumè;  on  s'aperçoit  trop  que  les 
principales  parties  ont  été  copiées  sur  quelques 
édifices  de  Paris.  Le  comble  qui  le  courre  est 
pitoyable  et  choque  la  vue,  n'ayant  aucun  rap- 
port avec  le  reste.  Quelques  critiques  ont  juste- 
ment comparé  la  forme  de  celte  conatructiou  k  nn 
panier  à  mouches.  >  L'enclos  do  monastère  des- 
cendait jusqu'au  chemin  de  Versailles  et  élait,  an 
sud-ouest,  séparé  du  couvent  des  Bonshommes 
par  on  «louble  mur  de  clAtore  {i). 
Quelques  notes  snr  l'origine  et  les  règles  de 


t«ret!i'**'r.*"front  '  îilï' 
ment:ÏM/Jf«  Jei 
(î)  Lanci.Tine  ru. 


!■  lemjiH  oppelèps  popiilniie 

Tvê!  ruelle  cl  bsrrièrn  Sainti- 
aient  IpTrocQjf^ro,  timientloiir 
■t  des  Fille»  de  Snlnle-Marle  m 


OU  domestiqoes.  Les  choristes  avaient  seules  le 
droit  de  chanter  l'office  au  chœur;  les  associées 
et  les  sceurs  converses  n'étaient  pas  tennes 
d'assister  aux  ofRces,  mais,  en  compensation,  de- 
vaient dire  un  certain  nombre  de  Pater  et  d'Ace. 
Le  strurs  converses  s'occupaient,  comme  dans 
tontes  les  maisons  religieuses,  de  la  cuisine  el  des 
travaux  du  ménage.  Le  silence  devait  être  rigon- 
reusement  observé  depuis  le  premier  coup  de 
Matines  jusqu'à  Primes  du  jour  suivant,  depuis  la 
récréation  du  malin  iusqu'ï  Vêpres,  ainsi  qu'aa 
dln»  et  au  souper.  La  supérieure  était  nommée 
ponr  trois  ans,  et  son  mandat  pouvait  être  renou- 
velé. Le  costume  était  noir,  et  se  composait  d'une 
robe  en  forme  de  sac,  avec  cordelière  k  la  cein- 
ture, d'un  voile  d'étamine  noire  non  doublée,  d'un 
bandeau  noir  snr  le  front  et  d'une  barbette  de 
toile  blanche  sans  plis,  avec  une  croix  d'argent 


0)  SculptfP^ 


ledum 


kistoihe  nu  xvi"  arrondissement 


sDspCDdne  aa  cou  et  retombsnt  snr  la  poitrine. 
Les  sœurs  c^DTerses  porlaient  an  Toîle  blaoe.  Les 
armoiries  de  la  congrégation  se  composaiect  d'nn 
dcnr  percé  de  deai  Qècbes,  sur  lequel  étaient  les 
monogrammes  de  Jèsns  et  de  Marie  ;  il  était  snr- 
monté  d'une  croix,  et  le  loal  était  enfermé  dans 
nae  couronne  d'épioes.  Depuis  1665,  les  Visilaa- 
dines  fêlaient  solennellement,  au  39  janrier,  saint 
François  de  Sales  leur  fondalenr.el,  depuis  1167, 


jcstice  en  leur  nom  tenait  ses  audiences  tons  les 
samedis  à  3  heures,  dans  on  Tieui  bâtiment. 
qu'on  appelait  les  prisons  de  ChaUlot,tt  qai  èlail 
situé  sur  le  bord  de  la  Seine,  près  dn  mor  de 
clbture  dn  courent.  Il  prenait  le  titre  assez  con- 
pliqné  de  prèuûl  royal,  juge  civil,  criminel 
et  (U  police,  commitsiire  enquêteur  et  eiami- 
nalear  aux  inventaires  de  la  préTûté  de  Cbaillot, 
faubourg  de  la  Conféreoee. 


Henrictle  Je  France-,  li'nprès  Van  \>\cV. 


an  2t  août,  sainte  Jeanne  Chaclal,  leur  fonds- 

Voyons  maintenant  (|ueU  furent  les  droits  de 
oropriélé  et  les  droits  seisneuriaui  des  reli^euses 
Je  la  Visilalion  de  Cbaillot.  Kn  septembre  ISSti, 
elles  obtinrent  du  roi  l'amortissement  complet  de 
leur  propriélé,  dite  château  de  Chaillol,  de  la 
maison  du  jardinier,  dn  jardin  et  bois  clos  de 
murs,  arec  la  confinnatlon  da  droit  de  haute 
justice  (1),  sans  être  tenues,  pour  ce.  de  payer 
finances,  mais  seulement  le  prévAt,  qu'elles  dési- 
gneraient pour  exercer  en  leur  nom,  en  mai  1686. 
Elles  obtinrent  la  moyenne  justice  en  11)93.  Le 
32  aoflt  de  cette  dernière  année,  on  enregistra 
au  Parlement  des  lettres  patentes  du  roi  en  leur 
faveur,  porrant  union  da  fief,  dit  de  Longchamp. 
sis  i  Chtillot,  et  de  ses  dépendances.  &  celui  de 
Cbaillot.  Une  des  petites  Iles,  dont,  plus  tard,  fut 
formée  ej)  partie  la  grande  Ile  des  Cygnes,  leur 
appartint  paiement  (3).  Le  prévAt  exen;aot  la 


(0  Ce  droit  leur  avait  étti  aeconlê 

di-s  idSa. 

(al Ce«l  celle  Ile,  située  vi»-à-vi»  .1 
la  ViBitallon.4.ion  appelait,  jicroi!., 

l"  le  llè'unK- 

champ. 

HKNRIETTE  DE  FRANCE 

M'"  DE  U  FAYETTE 
UllISE     M     BAVlIvRE 

(l63)-)fi6!)) 


Maintenant  que  nous  connaissons  les  origines  de 
l'ordre,  son  bal,  ses  principales  règles,  tes  droits 
(le  propriété  et  de  seigneurie  du  couvent  deChail- 
lot,  arrivons  i  sa  partie  historique,  dont  le  plus 

Ïrand  intérêt  se  trouve  peut-être  an  début,  mais 
ont  la  suite  cependant  nous  laissera  encore  beau- 
coup à  glaner.  Nous  l'asons  dit,  ce  fut  Henriette 
de  France  qni  en  fut  la  fondatrice  en  16M. 
Itefogiée  en  France  en  ifilîi,  la  reine  malheu- 
reuse, ainsi  qu'elle  s'appelait  elle-mjme,  avait 
eu  i  subir  toutes  tes  vicissitudes  des  troubles  de 
la  Fronde,  et  souvent  même  s'était  vue  réduite  à 
manquer  des  choses  les  plus  nécessaires.  H""  de 
Hotleville  rapporte  dans  ses  Mémoires  que,  le 
14  juillet  iSM,  Henriette  de  France  la  recevant 
dans  une  mauvaise  chambre  du  couvrit  des  Ctr- 
mèlites.  oii  elle  s'était  retirée  pour  qQelqoet  jours, 


lui  moDtri  oDe  p«lite«iupe  d'ordmi  laquelle  elle 
liuTiit,  et  loi  jur«  qu'elle  n'iviit  d'or,  de  qoel(|iie 
manière  que  ce  pût  être,  que  celol-ll.  Elln  njonU 
qu'aossiiAt  ipr^  le  départ  da  princp  de  Galles 
(Clitrlei  II).  elle  s'était  lae  abindonnée  de  tous 
ses  gens,  qu'elle  ne  poniait  payer.  Et  le  cardinal 
de  Itetz,  conRrmaDt  cette  misère,  dît  :  <  Gnq  ou 
siiiours  deTiut qneleroi  sortit  dePari9(6jeniier 
1&«9),  j'allai  chn  la  reine  d'Angleterre  (au  Lou- 
Tre)  que  je  trouvai  dans  la  chambre  de  madame 
sa  fille,  qni  a  élé,  depuis.  Madame  d'Orléans.  Elle 
me  dit  d'abord  :  Vous  voyes,  te  vient  tenir 


ji\ai  encore  par  l'amitié  qu'elle  arait  ponr  la  mère 
l.tiDillier  et  pour  la  mère  Angélique,  qui  l'avaient 
nidée  dans  I  établissement  de  cette  maison  et  en 
furent  les  premières  supérieures.  Celte  mère  Ao- 
cèlique  n'éiait  autre  que  H"*  Louise- Angélique 
Motier  de  La  Fayette,  belle-sceor  i*  H"*  de  La 
Fayette  (si  connue  par  ses  écrits),  nièce  de  l'été- 
qiie  de  Limoges,  premier  aumAoier  d'Anne  d'An- 
triche,  et  parente  du  célèbre  père  Joseph,  ï'émi- 
neiue  griie.  Née  Tors  1630,  elle  avait  été  fille 
d'honneur  d'Anne  d'Autriche,  avait  inspiré  tu 
ffoid  Loais  XQl  une  véritable  passion  qni,  néto- 


Lc  couvent  Ues  llonshoinnies,  ' 
tCollecllon  de  M.  Ém.  Polii 


compagnie  à  Henrielle,  la  pauvre  enfant  n'a 
pu  te  lever  aujourOmi  faute  de  feu.  Le  vrai 
était  qa'il  y  aiait  sii  mois  que  Msiarin  n'avait 
fait  payer  la  reine  de  sa  pension,  que  les  mar- 
chands ne  voulaient  plus  fournir  et  qu'il  n'y  avait 
pas  un  morceau  de  bois  dans  la  maison.  >  Hen- 
lensement,  cette  détresse  ne  fut  que  passagère  ; 
le  cardinal  de  Relz.  ému,  exagéra  la  bunte  de  cet 
abandon  devant  le  Parlement,  qui  envoya  4O.OU0 
livres.  L«  ly  du  mois  taivant,  la  malheureose 
reine  recevait  l'horrible  noutelle  de  l'exécution 
de  SOD  mari,  dont  elle  porta  le  deuil  toute  sa  vie. 
Après  tant  d'épreuves  subies  avec  le  plus  grand 
courage,  la  religion  seule  pouvait  lui  offrir  quel- 
que coiuolalioa  ;  aussi  pnt-elle,  peu  de  temps 
après,  la  résolution  d'aller  ensevelir  sa  douleur 
dans  son  monastère  de  la  Visitation  de  Oiaillot. 
Ell«  y  avait  été  attirée  par  la  beauté  du  lien  et 


moins,  fut  toujours  innocente,  et  s'était  retirée  en 
1t>37  (1)  an  couvent  des  flllfa  de  la  Visitation  de 
la  lue  Saint- Antoine,  avant  de  venir  k  celui  de 
Chaillot,  oii  elle  mourut  supérieure  réélue  an  mois 
de  janvier  ICtiS.  ■  C'était,  —  dit  H"*  de  HoUe- 
ville,  ^-  ane  belle  brune,  aimable  et  fière  tout 
ensemble,  ayant  beaucoup  île  douceur  et  en  même 
temps  beaucoup  de  Berté  dans  l'esprit  (S).  > 

Henriette  de  France  1  Chaillot  sut  faire  un  saint 
usage  de  ses  maux,  donnant  i  la  communauté 

II)  Lr  cardinal  de  Richelieu,  jaloux  de  !■  bipn- 


B'-ns  Csu<><>in,  ro 
Ile  de  La  Kavel 

11)  Il  Pii«te  lin  i 


bnnpnrtmltde   Mlle  d 


de  Mlle  de  U 


^&\ 


HISTOIRE    DU   XVI*   ARRONDISSEMENT 


Texemple  de  toutes  les  vertos.  Elle  s'occupa 
d^élever  pieasement  ses  enfants  et,  surtoot,  de 
dompter  par  Thumilité  chrétienne  l'orgueil  de 
sa  jeune  fille,  Henriette  d'Angleterre  (i),  qu'elle 
obligf'a  plusieurs  fois  à  servir  les  religieuses  Pt 
les  pauvres.  Bossuet  dit  aussi  :  «  Henriette  de 
France  étant  à  Sainte-Marie  de  Chaillot,  où  elle  a 
pratiqué  beaucoup  de  vertus,  nous  Ta  vous  vue 
prendre  sans  répugnance  et  sans  chagrin  le  soin 
de  sa  dépense,  qui  a  été  en  certains  temps  fort 
petite  ;  elle  en  faisait  les  comptes  et  s'occupait  à 
cela  dans  un  esprit  de  pénitence  et  d'humilité.  » 
Kt  Tallemant  des  Réaux,  dans  ses  Hùt ariettes, 
raconte  que  faute  d'une  chaise  honnête  la  veuve 
de  Charles  I®''  ne  jjut  assister  d'une  façon  dé- 
cente aux  processions  du  Jubillé  de  iGiîh, 

Kn  4658,  elle  eut  le  bonheur  de  recevoir  au 
couvent  de  Chaillot  sa  nièce  nouvellement  con- 
vertie, la  princesse  l^uise-Marie,  palatine  de 
Bavière  (2),  fille  du  roi  de  Bohème  et  petite-fille 
de  Jacques  F'  d'Angleterre  ;  elle  l'y  traita  comme 
sa  propre  fille.  Louise  y  demeura  une  année 
entière,  et  y  édifia  par  ses  vertus  toute  la  com- 
munauté. Oubliant  le  prestige  de  son  rang,  elle 
ne  dédaignait  pas  d'aller  avec  les  simples  reli- 

§ieuses  soigntfr  les  bestiaux  et  faner  les  foins 
u  couvent  (3).  En  4659,  Henriette  de  France 
eut  une  autre  joie  :  elle  reçut  à  Chaillot  le  bref 
de  la  béatification  de  saint  François  de  Sales,  le 
fondateur  de  l'ordre,  ^ui  devait  être  canonisé  le 
19  avril  1665.  On  a  raison  de  dire  qu'un  bonheur 
ne   vient  jamais  seul,  car  après  la   mort  de 
Cromwell,  Charles  II  Stuart  ayant  pu  remonter 
sur  le  trône  de  son  père,  Henriette  rentra  triom- 
phante dans  cette   même  Angleterre,  dont  elle 
s'était  éclinppée  avec  tant  de  peine  seize  ans  aupa- 
ravant. Elle  ne  revint  en  France  qu^en  i665,  et, 
après  quatre  nouvelles  années  passées  diins  l'asile 
de  paix  qu'elle  avait  fondé,  dans  cette  humb'e 
maison  qu'elle  aima,  dit  Bossuet,  plus  que  ses 
palais,  elle  mourut  presque  subitement  le  10  sep- 
tembre 4669,  dans  une  propriété  qu'elle  avait  à 
Colombes  et  où  elle  allait  passer  les  plus  beaux 
jours  de  l'été.  Déjà  malade,  une  dose  trop  forte 
d'opium  qu'elle  prit  la  plongea  dans  un  sommeil 
dont  elle  ne  se  réveilla  pins.  Quarante  jours  après, 
le  16  novembre,  le  duc  d'Orléans,  son  gendre 
(Monsieur),   et  la  princesse  Henriette,   sa  fille 
(Madame),  lui  firent  faire  un  service  solennel  dans 
l'église  du  couvent  de  Sainte-Marie  de  Chaillot,  où 
son  cœur  et  ses  entrailles  venaient  d'être  déposés. 
Bossuet,  pour  lors  évèque  nommé  de  Condoni, 
prononça  son  oraison  funèbre  en  présence  dos 
principaux  personnages  de  la  cour,  retraçant  en 
termes  magnifiques   la  triste  destinée  de   cette 
malheureuse  princesse. 

(i)  Epousa  p1ii8  Inrd  Philippe  d'Orléans,  frère 
unique  do  Louis  XIV,  qui  fut  assez  froid  pour  elle. 
Elle  expira  en  quelques  heures  au  château  «le 
Sainl-Cloud,  le  iSjuin  1670;  elle  ne  survécut  donc 
que  neuf  mois  k  sa  mère. 

(2)  Sa  sœur  cadctlc  devint  la  seconde  femme  du 
duc  d'Orléans  et  fut  mère  du  régcnl. 

(3)  A  sa  sortie  de  Chaillot,  elle  alla  prendre  l'ha- 
bit à  l'abbaye  de  Maubuisson,  en  devint  abbcsst; 
en  1664  et  y  mourut  le  11  février  1709.  âjiféc  de 
quatre-vingt-six  ans.  Depuis  son  arrivée  on 
France,  Louis  XIV  lui  faisait  servir  une  pension  de 
12.000  écus. 


Voici  le  portrait  que  M"*  de  Motteville  a  tracé 
d'Henriette  de  France  dans  ses  Mémoires  : 

€  Quand  elle  arriva  en  France,  en  1644,  elle 
était  défigurée  par  la  grandeur  de  ses  maladies  et 
de  ses  malheurs,  et  n  avait  guère  de  marques  de 
sti  beauté  passée.  Elle  avait  de  beaux  yeux,  un 
teint  admirable  et  le  nez  bien  fait.  Il  y  avait  dans 
son  visage  quelque  chose  de  si  agréable,  qu'elle 
se  faisait  aimer  de  tout  le  monde  ;  mats  elle  était 
maigre  et  petite,  elle  avait  même  la  taille  gât^e, 
et  sa  bouche,  qui  naturellement  n'était  pas  belle, 
par  la  maigreur  de  son  visage,  était  devenue 
grande,  tomme  sa  beauté  n'avait  duré  que  Tesptce 
d'un  matin  et  l'avait  quittée  avant  son  midi,  elle 
avait  accoutumé  de  maintenir  que  les  femmes  ne 
[Meuvent  plus  être  l)ollos,  passé  vingt-deux  ans. 
kUe  avait  infiniment  d'esprit,  mais  de  cet  esprit 
brillant  et  enjoué  qui  plaît  aux  spectateurs.  Elle 
était  agi*éable  dans  la  société,  honnête,  douce  et 
facile,  vivant  sans  nulle  façon  avec  c«ux  qui  avaient 
rhonneur  de  l'approcher,  et  était  naturellement 
libérale.  » 


\A  DUCHESSE  DE  NEMOURS  ET  SES  FILLES 

(46.H2-i668) 

Les  guerres  de  la  Fronde  étant  terminées,  il  y 
eut  à  la  fin  de  juillet  1652,  entn^  François  de 
Vendôme,  duc  de  Beaufort,  le  célèbre  Roi  des 
HalleSy  et  son  beau-frère,  Charles- Amédée  de 
Savoie,  duc  de  Nemours,  une  querelle  à  propos 
du  combat  de  Jargeau.  Elle  se  renouvela  pour  une 
question  de  préséance,  au  conseil  de  Monsieur 
(Gaston  d'Orléans),  et  prit  un  caractère  tellement 
violent,  que  le  duc  de  Nemours  provo<jua  son 
l)eau-frère  en  duel,  et  malgré  les  résistances 
naturelles  de  ce  dernier,  il  fallut,  le  mardi  30  juil- 
let, aller  sur  le  terrain  choisi,  au  Marché  aux 
chevaux  (emplacement  des  rues  Louis-le-Grand, 
d'Antin  et  (vaillon). 

Le  duc  de  Nemours,  qui  n'avait  que  vingt-huit 
ans,  fut  tué  raide  d'un  coup  de  pistolet  à  la  tète, 
et,  par  contre-coup,  son  témoin,  M.  de  Villars, 
tua  celui  du  duc  de  Beaufort,  M.  d'Uéricourt,  lieu- 
tenant de  ses  gardes.  A  la  suite  de  cet  horrible 
duel,  dans  lequel  son  propre  frère  avait  tué  son 
mari,  la  duchesse  de  Nemours  (Elisabeth  de  Ven- 
dôme), petite-fille  de  Henri  IV  et  de  Gabriello 
d'Estréos,  vint,  dans  son  désespoir,  chen-her  un 
refuge  à  la  Visitation  de  Cuaillot.  Elle  y  amena 
ses  deux  filles,  qui  y  demeuivrent  pendant  de 
longues  années  et  n'en  sortirent,  l'aînée,  Marie- 
Jeanne-Baptiste,  qu'en  1665,  i)our  devenir  du- 
chesse de  Savoie,  et  la  seconde,  Louise-Marie- 
Françoise-Elisabeth,  dite  M"«  d'Aumale,  enl666, 
nour  é{)ouser  Alphonse  VI,  roi  à  demi  idiot  du 
Portugal,  puis,  en  166«,  dom  Pedro  de  Bragance, 
frère  d'Alphonse  et  roi  à  sa  place.  La  duchesse  de 
Nemours,  morte  en  4664,  avait  été  inhumée,  sui- 
vant son  désir,  dans  le  cloître  du  couvent  de  la 
Visitation  de  la  rue  Saint-Antoine. 


ANNEXES 


265 


M"«  DE  U  MOTTE-ARGENCOURT 
MARIE  MANONI 

(i657-ifi.n9) 

Cest  bien  avec  intention  que  nous  réunissons, 
un  peu  tardivement  peut-être,  les  noms  de  ces  deux 
jeunes  filles  aimées  de  Louis  XIV,  et  dont  nous 
n^avons  pas  voulu  parler  plus  tôt  pour  ne  pas 
interrompre  le  récit  du  séjour  d'Henriette  de 
France  à  Chaitlot. 

Donc,  au  commencement  de  Tannée  4657, 
Anne  d'Autriche  avait  pris  depuis  peu  comme 
tille  d'honneur  M^'*  de  La  Motte- Argencourt  M). 
Sa  beauté  n'était  pas  éclatante,  ni  son  esprit  fort 
extraordinaire,  dit  M™*  de  Motteville,  mais  elle 
était  aimable.  Ses  yeux  bleus,  surmontés  de  sour- 
cils noirs  et  de  cheveux  blonds,  lui  donnaient  en 
même  temps  un  air  de  douceur  et  de  vivacité  si 
agréable,  qu'il  était  difficile  de  se  défendre  de 
ses  charmes  ;  aussi  le  jeune  Louis  XIV  s'y  laissa- 
t-il  prendre  et  finit-il  par  lui  déclarer  sa  passion. 
W^°  de  La  Motte  repoussa  les  propositions  peu 
mesurées  du  roi;  puis,  voyant  qu'il  s'éloignait 
d'elle,  s'éprit  violemment  du  marquis  de  Riche- 
lieu, marié  à  la  fille  aînée  de  M"'*  deBeauvais  (2), 
première  femme  de  chambre  et  favorite  d'Anne 
d'Autriche.  La  marquise  de  Richelieu,  jalouse  à 
bon  droit,  incita  sa  mère  à  faire  éloigner  de  la 
cour  M'**'  de  La  Motte,  et  on  l'envoya  au  couvent 
de  la  Visitation  de  ('haillnt,  où,  quoiqu'elle  no 
s'y  fût  pas  retirée  de  son  plein  sré,  désabusée  des 
vanités  de  la  cour,  elle  resta  volontairement,  sans 
être  religieuse,  après  avoir  donné  à  celte  maison 
vingt  mille  écus  que  lui  avait  remis  le  roi,  et  s'y 
créa  une  vie  fort  tranquille  et  fort  heureuse.  Vers 
1700,  les  bâtiments  du  couvent  tombant  en  ruine, 
ce  fut  elle  qui  fit  les  plans  des  nouvelles  cons- 
tructions, à  l'exception  de  l'église,  qui  fut  confiée 
à  l'architecte  Gabriel.  M''*  de  La  Motte  mourut  à 
Chaillot  le  25  octobre  1709. 

Marie  Mancini,  la  meilleure  des  nièces  de 
Mazarin,  née  en  1639,  demeura  pendant  deux  ans 
comme  pensionnaire,  avec  sa  sœur  Hortense,  au 
couvent  des  filles  de  Sainfe-Marie  de  Chaillot,  et 

L resta  jusqu'au  commencement  de  l'année  1657. 
I  cardinal  la  fit  venir  alors  h  la  cour.  Son  esprit, 
sa  grJice,  ses  manières  enjouées  faisaient  oublier 
son  manque  de  beauté,  et  Louis  XIV,  qui  s'en- 
flammait alors  si  facilement,  en  devint  passion- 
nément amoureux,  beaucoup  plus  même  quïl  ne 
l'avait  été  déjà  de  sa  sœur  Olympe  Mancini,  de- 
venue comtesse  de  Soissons.  Marie  Mancini  répon- 
dit à  cette  passion,  espérant  toujours  que  le  roi 
l'épouserait.  Fort  jalouse,  et  craignant  de  laisser 
échapper  sa  conquête,  elle  no  quittait  pas  le  roi, 
qu'elle  suivait  partout  et  allait  jusqu'à  l'obsession. 
Mazarin,  voulant  anéantir  les  folles  espérances 
de  sa  nièce,  prit  la  résolution  de  l'éloigner  et  de 
l'envoyer  pour  quelque  temps  au  couvent  de 


(i)  Ne  pas  confondre  avec  Mlle  de  LaMotle- 
Houdancourt.  ce  qui  a  lieu  assez  souvent. 
(i)  Voir  rarticle  qui  suit. 


Brouage,  près  de  la  Rochelle.  La  séparation  des 
deux  jeunes  amants,  à  la  fin  de  1659,  fut  des 
plus  pénibles.  €  Vous  pleurez,  dit  Marie  au  roi, 
vous  êtes  le  niallrey  vous  m'ainiez..,  et  je 
pars!  »  Dix-huit  mois  après,  le  11  avril  1661, 
on  lui  fit  épouser  solennellement  par  procuration, 
dans  la  chapelle  de  la  reine,  au  Louvre,  en  pré- 
sence de  toute  la  cour,  le  prince  Colonna,  grand 
connétable  de  Naples(l),  et,  depuis,  elle  eut  une 
vie  des  plus  aventureuses,  dont  le  récit  ne  serait 
pas  ici  à  sa  place.  Ce  que  nous  tenons  à  noter 
cependant,  c'est  qu'en  1705,  s'étant  avisée  de 
quitter  l'Italie  pour  venir  voir  sa  famille,  on  no 
lui  accorda  cette  faveur  qu'à  la  condition  qu'elle 
ne  mettrait  pas  les  pieds  à  Paris  et  encore  moins 
à  la  cour.  Elle  vint  alors  s'installer  à  Passy,  dans 
une  petite  maison  appartenant  à  son  frère,  le  duc 
de  Ne  vers  ;  mais,  comme  elle  ne  connaissait  plus 
personne  en  dehoi-s  de  sa  famille,  l'ennui  la 
prit,  et  elle  s'en  retourna  peu  de  temps  après  à 
Kome. 


LES  FILLES  DE  MADAME  DE  BFAUVAIS 
ET  DE  LA  MARQUISE  DE  RICHELIEU 

(1652  à  1709) 

La  trop  célèbre  M""®  de  Beanvais,  qu'on  appelait 
aussi  familièrement  la  Beauvais,  cette  créature 
insinuante,  première  femme  de  chambre  et  favo- 
rite d'Anne  d'Autriche,  qui  ne  l'appelait  que 
Cataut  (abréviation  de  son  nom  de  Catherine); 
cette  femme  laide,  désagréable,  sans  attraits,  dont 
les  mœurs  furent  loin  d'être  pures,  avait  cru 
devoir  confier  à  notre  maison  naissante  sa  fille 
atnée,  Anne-Jeanne- Baptiste,  qui  n'avait  pas  la 
moindre  vocation  religieuse.  Aussi,  comme  les 
verrous  et  les  grilles  ne  sont  pas  un  garant 
de  la  vertu  des  filtes,  Anne  s  empressa-t-elle 
de  se  faire  enlever  par  le  marquis  de  Richelieu 
(Jean-Baptiste-Amador  Vignerot),  qui  l'épousa  à 
Saint-Eustache  le  12  novembre  1652.  Le  marquis 
avait  dix-sept  ans,  la  mariée  quinze  ans  et  treize 
jours  ;  elle  était  filleule  d'Anne  d'Autriche  et  de 
Gaston  d'Orléans  (2).  Sa  vie  fut  courte;  elle  mourut 
au  Louvre  le  29  avril  166H,  juste  un  an  après  son 
mari,  et  fut  inhumée  dans  la  chapelle  de  la  Sor- 
boone,  lieu  de  sépulture  des  Richelieu.  On  attribua 
la  mort  prématurée  des  deux  jeunes  époux  à  de 
trop  fortes  doses  de  vin  d'émétique  (ou  antimoine) 
que  leur  avait  administrées  GuénauU  (et  non  Gué- 
naud),  ce  premier  médecin  de  la  reine  Marie- 
Thérèse,  qui  ne  faisait  ses  visites  qu'à  cheval,  et 
dont  Boileau  a  dit  dans  sa  sixième  satire  : 

Guénaud  sur  son  cheval  en  passant  in'éclaboussc 

et  dans  sa  quatrième  (ce  qui  est  plus  grave)  : 

Combien  dans  un  printemps 

Guénaud  et  l'antimoine  ont  fait  mourir  de  gens  ! 


(i)  Le  roi  lui  fil  de  magnifiques  ptésents,  mais  la 
vil  partir  sans  êniolion,  ne  se  souvenant  plus  du 
feu  passager  qu*cllc  avait  autrefois  allumé  dans 
son  cœur  [Mémoireit  de  l'abbé  de  ChoLsy). 

(2)  Ni  sa  mère,  ni  les  parents  du  maVquis  de  Ri- 
cliclieu  ne  voulurent  assister  à  ce  mariage. 


266 


HISTOIRE   DU  XVI*  ARRONDISSEMENT 


Le  marquis  et  la  marquise  de  Richelieu  lais- 
saient cinq  enfants  :  Armand-Jean,  duc  de  Riche- 
lieu, qui  fut  général  des  galères  et  père  du  célèbre 
maréchal  de  Ricbeiieu  ;  Louis- Armand,  marquis 
de  Richelieu,  dont  Varticle  suit  ;  et  trois  filles, 
Marie-Françoise,  Elisabeth  et  Marie-Marthe,  qu*on 
sVmpressa,  quand  elles  furent  en  âge,  d^envoyer 
au  couvent  des  Visitandines  de  Chaillot,  pour  y 
être  élefées  sous  les  yeux  de  leur  tante,  sœur 
Claire-Angélique  de  Beauvais,  dont  nous  parierons 
plus  longuement  tout  à  Theure,  et  qui,  entraînée 
par  son  zèle,  eut  le  tort  de  contraindre  ses  nièces 
à  prendre  Thabit,  malgré  le  peu  de  désir  (jumelles 
en  avaient .  Marie-Françoise  devint  religieuse  à 
Chelles,  pui»  prieure  de  Tabbaye  deCrécy-en-Brie  ; 
Elisabeth  quitta  Thabit  et  se  maria  en  1696  avec 
un  substitut  du  procureur  général  du  Parlement 
de  Faris  ;  la  troisième,  Marie-Marthe,  devint 
abbesse  de  Saint-Rémi-des-Landes,dans  la  Manche. 

Passons  à  la  tante,  à  la  deuxième  fille  de  M™*' 
de  Beauvais,  Claire-Angélique.  Première  femme 
de  chambre  en  survivance  d'Anne  d'Autriche,  elle 
était  bien  faite,  agréable  et  de  beaucoup  d'esprit, 
eut  toujours  une  conduite  irréprochable  ;  aussi  la 
reine  la  traitait-elle  comme  sa  fille  et  son  amie, 
et  lui  accordait-elle  une  si  grande  confiance  qu'elle 
l'avait  chargée  de  la  distribution  de  ses  aumdnes. 
Le  jour  même  de  la  mort  d'Anne  d'Autriche 
(20  janvier  4666),  Claire-Angélique,  qui  depuis 
quelque  temps  aspirait  à  la  vie  religieuse,  se 
retira  à  Sainte-Marie  de  Chaillot,  on  elle  avait 
été  élevée,  prit  d'abord  le  petit  habit  des  Visi- 
tandines, c'est-à-dire  des  pensionnaires,  qu'elle 
changea  en  4668  contre  celui  des  professes,  et 
prononça  ses  vœux  le  42  août  entre  les  mains 
d'Hardouin  de  Péréfixe,  archevêque  de  Paris  (4), 
en  présence  de  la  reine  d'Angleterre  (Henriette 
de  France),  du  duc  d'Orléans  et  des  pins  grands 
personnages  de  la  cour.  O  fat  Bossuet  qui  pro- 
nonça le  sermon  de  profession,  intitulé  dans  ses 
œuvres  :  Sermon  pour  la  profession  d'une  de- 
moiselle que  la  reine  mère  avait  tendrement 
aimée  (2).  Sœur  Claire- Angélique  de  Beauvais, 
jusque-là  bienfaitrice  séculière,  deyini  le  modèle 
des  religieuses  ;  aussi  fut-elle,  en  novembre  4692, 
une  des  trois  sœurs  visitandines  choisies  par 
Louis  XIV  et  M""*  de  Maintenon  pour  organiser, 
avec  la  mère  Priolo,  supérieure  du  couvent  de 
Chaillot,  la  maison  naissante  de  Saint-Cyr.  Enfin, 
après  de  longues  résistances  inspirées  par  sa 
modestie,  elle  fut,  à  son  tour,  élue  supéneure  le 
29  mars  4695,  réélue  le  45mai  4698  et  en  4704, 
puis  le  9  novembre  4706,  et  mourut  dans  son 
couvent,  le  23  novembre  4709,  âgée  de  soixante 
et  onze  ans. 

Pour  en  finir,  ou  à  peu  près,  avec  les  enfants 
et  petits-enfants  de  M'"*^  de  Beauvais  qui  ont  eu 
quelques  attaches  à  notre  arrondissement,  disons 
qu'un  de  ses  quatre  fils,  Louis,  qui  se  faisait 
appeler  le  baron  de  Beauvais  et  qui  mourut  d'apo- 
plexie en  août  4697,  fort  regretté  de  I^uis  XIV, 
était  gouverneur  des  châteaux  et  maisons  royales 

(i)  Ancien  précepteur  de  Louis  XIV,  membre  de 
l'Académie  française,  auteur  d'une  Vie  de  Henri  IV, 
souvent  réimprimée. 

(2)  Voir  leN  Chefs-d'œurre  oratoires  de  Bossuet, 
édition  Lefèvre,  i84/«,  t.  IV.  p.  ^3  «  56i. 


de  Madrid  et  de  la  Muette,  et  capitaine  des  chasses 
du  bois  de  Boulopie.  Une  chanson  du  recueil  de 
Maurepas  le  qualifie  ironiquement  de  garde  des 
perdrix.  Le  26  août  4685,  il  avait  en  une  fille 
qui,  deux  jours  après,  fut  baptisée  à  Féglise  de 
Passv,  ce  qui  peut  faire  supposer  qu'il  habitait  la 
Muette  (4). 

RICHELIEU  (LOUIS-ARMAND  DE  VIGNEROT, 
2«  MARQUIS  DE)  ET  MARIE-CHARLOTTE 
DEMAZARIN. 

(4680?  4730) 

Ce  second  fils  du  marquis  de  Richelieu  et  de  la 
fille  aînée  de  M"**'  de  Beauvais  suivit  le  mauvais 
exemple  de  son  père,  et  enleva  du  couvent  de  la 
Visitation  de  Chaillot,  où  elle  avait  été  placée 
comme  pensionnaire,  Marie-C^ariotte  de  Mazarin, 
fille  du  duc  de  Mazarin,  grand  maître  de  l'artil- 
lerie (2),  et  d'Hortense  Mancini,  nièce  du  cardi- 
nal. Ca  deuxième  marquis  de  Richelieu  était  né  en 
4654,  et  la  fille  d'Hortense  Mancini  en  4662; 
l'enlèvement  dut  donc  avoir  lieu  vers  4680.  Louis- 
Armand,  personnajue  débauché  et  même  crapu- 
leux, fut,  en  punition  de  son  rapt,  exilé  assez 
longtemps  hors  de  France,  épousa,  toreément  sans 
doute,  Marie-(]barlotte,  et,  après  avoir  été  mestre 
de  camp  d'un  régiment  de  cavalerie,  devint  gou- 
verneur de  la  Fère  et  mourut  en  4730.  Sa  femme, 
belle  comme  le  jour,  dit  Saint-Simon,  s'est  ren- 
due célèbre  par  ses  désordres  et  les  courses  de 
sa  vie  errante.  Elle  s'enivrait  dans  la  perfec- 
tion, et  mourut  à  Dieppe  en  4729. 

M"«^  DE  LA  VALLIÈRE 
(1671-4674) 

Les  deux  retraites  de  M'^^'  de  La  Vallière  au 
couvent  de  la  Visitation  de  Chaillot  ont  été  dif- 
féremment racontées  par  M*"^  de  Sévigné  et  plus 
tard  par  Saint-Simon.  W^^  de  La  Fayette,  beau- 
coup plus  explicite,  nous  semble  devoir  être  beau- 
coup mieux  renseignée,  et  voici  ce  qu'elle  dit  : 
«Au  mois  de  février  4674,  après  une  brouille 
avec  le  roi,  M"*'  de  La  Vallière  se  croyant  perdue, 
la  tète  lui  tourna.  Elle  sortit  le  mâtin  des  Tui- 
leries et  s'en  alla  comme  une  insensée  dans  un 
petit  couvent  obscur  qui  était  à  Chaillot.  Louis  XIV, 
qui  l'aimait  passionnément,  à  la  nouvelle  de  cette 
fuite,  fut  extrêmement  troublé  et  fit  si  bien  qu*il 
finit  par  savoir  oh  était  La  Vallière  :  il  y  alla  à 
toute  bride,  lui  quatrième  ;  il  la  trouva  "dans  le 
parloir  du  dehors  de  ce  couvent,  on  n'avait  pas 
voulu  la  recevoir  au  dedans.  Elle  était  couchée  à 
terre,  éplorée  et  hors  d'elle-même.  Le  roi  demeura 
seul  avec  elle  et,  après  une  longue  conversation. 


(i)  Voir  \q  Dictionnaire  critique  de  Biographie  el 
d  Histoire,  par  A.  Jal  (article  Beaaiuiis). 

(2/  DrAle  d'oriffinal  que  ce  duc  de  Mazarin,  qui, 
trouvant  ses  filles  trop  belles,  et  craignant 
qu'elles  n'en  tirassent  vanité,  eut  un  moment  la 
velléilé  de  leur  faire  arracher  des  dents  de  devant 
pour  les  enlaidir. 


ANNEXES 


267 


Tobligea  à  revenir,  et  envova  chercher  an  car- 
rosse ponr  la  ramener.  »  Toat  fat  oablié,  et  la 
belle  à  scrupules,  qu*on  appelait  aassi  la  péche- 
resse vertueuse^  reprit  sa  position  habitaeïle  à 
la  coor.  Mais  en  1674  (elle  avait  alors  trente  ans) 
elle  prit  irrévocablement  le  parti  de  quitter  la 
coor  poar  entrer  en  religion,  et,  dans  les  pre- 
miers jours  d'avril,  elle  annonça  sa  résolution  au 
roi,  qui  la  vit  partir  d*an  œil  sec.  I^  couvent  de 
la  Visitation  de  Chaillot  la  reçut  pour  la  seconde 
fois;  elle  y  resta  jusau'an  20  avril,  jour  où,  après 
s'être  jetée  aux  pieds  de  la  reine  (1)  et  lui  avoir 
demandé  pardon  de  Tavoir  offensée,  elle  courut 
se  jeter  dans  le  carrosse  qui  la  conduisit  aa  cou- 
vent des  Carmélites  de  la  rue  Saint-Jacques  (2). 
Elle  y  prit  Thabit  sous  le  nom  de  sœur  Louise  de 
la  Misâicorde,  et  y  mourut  en  17iO,  après  trente- 
six  ans  d'une  vie  exemplaire  (3).  Au  moment  de 
son  entrée  en  religion.  M™®  de  Sévigné  avait  fait 
d'elle  ce  curieux  éloge  :  Celait  une  petite  vio- 
lette qui  se  cachait  sous  Vherhe  et  quiétait  hon- 
teuse (Têlre  maltresse,  (Tétre  mère,  d'être  du- 
chesse ;  jamais  il  n'y  en  aura  sur  ce  moule- là. 


M™^  DE  MOTTEVILLE 
(4666-1689) 

Après  la  mort  d'Anne  d'Autriche  (i666),  M">«  de 
Motteville  (Françoise  Bertaut),  sa  confidente  intime 
et  son  amie  la  plus  fidèle,  vint  se  retirer  au  cou- 
vent de  la  Visitation  de  Chaillot,  pour  lequel  elle 
avait  beaucoup  obtenu  de  la  générosité  de  la  reine 
mère  (4).  De  paissants  motifs  lui  avaient  fait 
choisir  cette  maison  ;  elle  y  retrouvait  la  reine 
d'Angleterre,  Henriette  de  France,  qui  lui  avait 
toujours  témoigné  la  confiance  la  plus  absolue  et 
i  laquelle  elle  avait  suggéré  l'établissement  du 
nouveau  monastère.  D'autre  part,  sa  sœur  ca- 
dette, Madeleine -Eugénie  Bertant,  qu'on  avait 
surnommée  Socratine.  à  cause  de  sagesse,  avait 
quitté  la  cour  le  14  août  1650  pour  entrer  au 
couvent  des  Filles  de  Sainte-Marie  de  la  rue  Saint- 
Antoine,  puis  était  venue  à  celui  de  Chaillot  dès 
sa  fondation  et  y  avait  fait  profession.  Animée 
par  l'exemple  de  sa  sœur,  M™^  de  Motteville  avait 
pris  le  parti  de  s'y  retirer  le  plus  fréquemment 
possible,  mais  néanmoins  sans  y  contracter  aucun 
engagement.  Malgré  le  titre  mérité  de  bienfai- 
Irice  séculière  que  lui  avait  donné  les  religieuses, 
ne  voulant  pas  être  à  leur  charge,  elle  leur  avait 
fait  don  d'une  certaine  somme  d'argent  et  s'était, 
en  outre,  engagée  à  leur  servir  une  pension  viagère 
qu'elle  paya  toujours  très  exactement. 

Elle  écrivit,  dans  le  calme  de  la  retraite  qu'elle 
avait  adoptée,  plusieurs  traités  sur  la  religion  et 


(ij  Marie-Thérèse  venait  souvent  in  la  Visitation 
de  Chaillot,  pour  y  pleurer,  loin  des  regards  de 
la  cour,  les  froideurs  et  les  infidélités  de 
Louis  XIV. 

(2)  Voir  les  Reinex  du  Monde^  article  La  Vallière, 
par  Arsène  Houssaye. 

(3)  La  règle  austère  qui  rèji^issait  les  Carmé- 
lites lui  avait  fait  préférer  cet  ordre  à  tout  autre. 

(4)  Anne  d'Autrirhe  s'était  retirée  de  temps  en 
temps  à  la  Visitation  de  Chaillot  pour  oublier  les 
tracas  et  les  soucis  de  la  régence. 


s'occupa  surtout  à  revoir  et  &  retoucher  ses 
Mémoires  pour  servir  à  l'histoire  dAnne 
d'Autriche,  ouvrage  certainement  inférieur  par  le 
style  aux  mémoires  du  cardinal  de  Retz,  mais 
aussi  intéressant  par  le  fond,  pour  qui  vent  bien 
connaître  l'histoire  des  troubles  de  la  Fronde  et 
de  la  jeunesse  de  Louis  XIV.  M"*^  de  Motteville 
mourat  le  29  décembre  1689,  âgée  d'environ 
soixante-huit  ans.  Sa  sœur  était  morte  supérieure 
du  monastère,  en  1673. 


MARIE  D'ESTE,  REINE  D'ANGLETERRE 

(1688-1718) 

Marie-Béatrix-Eléonore  d*Este,  fille  du  duc  de 
Modène  et  seconde  femme  du  malheureux  Jac- 
ques n,  roi  d'Angleterre,  avait  été  forcée  de  se 
réfugier  en  France  avec  son  fils  Edouard,  dit  le 
Prétendant,  dans  les  derniers  jours  de  l'année 
1688,  et  son  mari  était  venu  la  rejoindre  peu  de 
temps  après.  La  pieuse  reine  dépossédée  quittait 
régulièrement  le  château  de  Saint-Germain  pour 
venir  passer  les  jours  de  grandes  fêtes  religieuses 
au  monastère  de  Chaillot  ;  elle  y  arrivait  l'avant- 
veille,  souvent  avec  la  princesse  Louise,  sa  fille,  et 
n'en  repartait  que  quelques  jours  après  (1).  An- 
toine Hamilton,  dans  une  de  ses  lettres  moitié 
{)ro8e,  moitié  vers  familiers,  adressée  vers  1706  à 
a  jeune  princesse  d'Angleterre  qui  séjournait  alors 
avec  sa  mère  au  couvent  de  Chaillot,  lui  dit: 

Par  quel  hizarre  enchantement 

Iji  maison  de  feu  Bassompierre, 

Cet  homme  jadis  si  galant. 

Est-elle  aujourd'hui  le  couvent 

Qui  reçoit  tout  ce  que  la  terre 

A  de  plus  digne  et  de  plus  grand,  etc. 

Et  dans  une  autre  épitre  adressée  aux  religieu- 
ses à  propos  d'une  fête  qu'elles  avaient  donnée  à 
la  reine  et  à  sa  fille,  on  voit  que  quelques-unes 
d'entre  elles  tournaient  les  vers  de  circonstance 
très  a^ablement,  notamment  Anne-Séraphique 
de  Bullion  et  Marie-Thérèse  de  Bullion,  sa  sœur, 
toutes  deux  filles  du  prévôt  de  Paris  et  sœurs  de 
la  duchesse  d'Uzès:  sœur  Gabrielle,  sœur  Anne- 
Charlotte  Bochard  de  Saron, 

Sœur  Jeanne-Françoise  (a)  on  un  mot. 
De  ses  chansons,  par  l'harmonie, 
Ferait  croire  que  le  ^énie 
Ue  feu  Voiture  est  à  Chaillot. 

Pour  chanter  lesdites  chansons,  il  y  avait  alors 
les  admirables  voix  de  sœur  A.  Graphique  de 
Bullion  et  de  sœur  Marie-Madeleine.  Un  peu  plus 
loin,  Hamilton,  badinant  et  passant  en  revue  ce 
que  l'on  voyait  du  couvent,  recommande  aux 
jeunes  Visitandines  de  détourner  leurs  yeux  du 
Cours  la  Reine, 

Où  le  heau  monde  se  promène 
Et  souvent  sur  ses  pas  entraine 


(1/  Jacques  II  flt  d'assez  nombreuses  visites  aux 
Visitandines  de  Chaillot. 

(a)  Jeanne- Françoise  Le  Vayer,  fllle  d'un  maître 
des  requêtes,  intendant  du  Bourbonnais  et  savant 
écrivain  jurisconsulte. 


268 


HISTOIRE    DU   XVI*    ARRONDISSEMENT 


De  ces  vilains  peliU  amours 
<jui  séduiscnl  la  ^ent  mondaine. 
\oii8  qui  voyez  cvs  tendres  lieux. 
Nos  soMirs,  (*létourneK-en  les  yeux. 
Détournez  aussi  la  prunelle, 
D'un  certain  moulin  de  .la\elle. 
Car  bien  souvent  l'esprit  malin 
Sous  l'ombre  d'une  matelot  le 
Se  fourrant  dans  cett«  Kar^otte, 
Oui  porte  le  nom  de  Moulin, 
Mène  In  sagesse  bon  train 
El  met  la  raison  en  compote. 

Ouand  à  PhMel  des  Invalides, 

Doré  juiiques  aux  pyramide»^ 

il  leur  permet  de  le  regarder  autant  qu'elles  le 
voudront,  sans  le  moindre  inconvénient  ;  elles  n*y 
verront  pas  de 

...  blondins  perfides 
Dont  l'aspect  est  souvent  falal, 

mais  des 

GenU  ériopés,  couverts  de  rides. 
Qu'on  peut  lorgner  sans  aucun  mal. 

Laissons  Hamilton  et  ses  vers  libres,  dont  nous 
avons  peut-être  abusé,  et  revenons  sérieusement 
à  Marie  d'Esté,  qui  combla  le  couvent  de  ses 
bienfaits.  Vers  47i3,  elle  fit  faire  pour  Téglise 
trois  tableaux  importants  qui  étaient  fort  appréciés 
des  connaisseurs  :  les  deux  premiers  étaient  des 
apothéoses  de  Jacques  II,  son  mari,  et  de  la  prin- 
cesse liouise,  sa  fille  ;  le  troisième  la  représentait 
elle-même  en  prière.  Nous  ignorons  ce  que  sont 
devenues  ces  peintures  intéressantes.  A  l  époque 
dont  nous  parlons,  qui  fut  la  plus  prospère  pour 
le  couvent,  les  œuvres  d'art  n'y  manquaient  pas  ; 
la  supérieure,  dans  une  de  ses  lettres  circulaires, 
dit  qu'elles  ont  tellement  de  statues  qu'elles  sont 
forcées  d'en  orner  les  jardins  (i). 

Marie  d'Esté  mourut  à  Saint-Germain  le  7  mai 
4748  ;  le  lendemain,  la  duchesse  palatine  d'Orléans 
écrivait  dans  sa  Correspondance  :  «  La  bonne  et 
pieuse  reine  d'Angleterre  n'est  plus.  Assurément 
elle  doit  être  au  ciel.  Elle  ne  gardait  pas  un  liard 
pour  elle,  elle  donnait  tout  aux  pauvres;  elle 
n'a  jamais  tenu  un  propos  méchant  sur  qui  que 
ce  soit,  et,  si  l'on  se  mettait  à  l'entretenir  sur  le 
prochain,  elle  disait  :  Si  c'est  du  mal  de  quel- 
qu'un, je  vous  prie,  ne  le  dites  pas.  Elle  était 
polie  et  agréable  quoique  loin  d'être  belle,  et  elle 
était  toujours  gaie.  »  Saint-Simon  en  fait  égale- 
ment le  plus  grand  éloge  et  reconnaît  qu'elle  eut 
toutes  les  vertus  qui  font  les  saintes.  Le  9  mai, 
à  onze  heures  et  deiDie  du  soir,  son  corps,  sui- 
vant son  désir,  fut  apporté  et  inhumé  dans  son 
cher  couvent  deChaillot,  oji  reposait  déjà,  depuis 
4704,  le  cœur  de  son  mari  et.  depuis  4742,  celui 
de  sa  fille  Louise-Marie  d'Angleterre  (2). 


(i)  Quelques  années  plus  lard,  le  rêlèhre  Res- 
tout  leur  Ut  pour  leur  chapelle  de  Saint-Francuis 
de  Sales  un  très  beau  tableau  représentant 
Mme  de  Chantai  et  ses  religieuses  invoquant  ce 
saint. 

(2)  Les  corps  des  Sluarls,  des  deux  frères  Char- 
les Il  et  Jacques  11,  rois  d'Angleterre,  et  de  Louise- 
Marie,  flile  de  Jacques  IL  avaient  été  inhumés 
dans  la  chapelle  des  Bénédictins  anglais,  rue 
Saint-Jacques,  n*  269. 


AFFAIRE  P.  MANIS 
(1716-1748) 

Nous  voici  arrivés  à  une  époque  désastreuse  où 
tous  les  moyens  semblaient  bons  pour  pressurer 
la  bourse  des  pauvres  habitants  taillables,  et 
voici  ce  qui  arriva  à  Chaillot.  Par  un  arrêt  du 
Conseil  d'Etat  du  roi,  daté  du  44  juillet  4746,  un 
fermier  général  du  nom  de  P.  Manis  avait  été 
autorisé  à  faire  poser  des  barrières  pour  fermer 
le  bourg  de  Chaillot,  dit  alors  faubourg  de  la  Con- 
férence, et  à  y  établir  des  bureaux  d'octroi  pour 
percevoir  les  différents  droits  d'entrée.  Mais  les 
habitants,  ahuris,  et  les  religieuses  de  la  Visita- 
tion, Dames  du  Heu,  firent  opposition  aux  pré- 
tentions de  P.  Manis  et  prouvèrent  que  Chaillot, 
quoique  faubourg  de  Paris  sous  le  nom  de  fau- 
bourg de  la  Conférence  depuis  4659,  ne  devait 
payer  de  droit  que  sur  le  vin,  et  non  d'autres 
entrées  comme  les  autres  faubourgs,  parce  qu'en 
somme  cet  impôt  n'était  qu'une  commutation  de 
4.000  livres  annuelles  de  (aille  dont  on  avait  cm 
pouvoir  charger  ce  village  en  4650;  mais,  comme 
on  n'arrivait  pas  à  pouvoir  y  lever  cette  somme, 
le  Conseil,  en  4659,  avait  changé  ladite  taille  en 
impôt,  tant  sur  le  vtn  du  cru(i)  que  sur  les  vins 
venant  du  dehors,  ce  qui  avait  fort  bien  réussi, 
puisque,  dés  le  début,  il  avait  rapporté.par  année, 
au  moins  8.000  livres.  De  plus,  par  un  autre 
arrêt  de  son  Conseil  du  48  octobre  4707,  Louis 
XIV  avait  formellement  déclaré  qu'en  érigeant  le 
village  de  Chaillot  en  faubourg  de  Paris,  if  n'avait 
pas  prétendu  augmenter  les  charges  de  ses  habi- 
tants. Pour  toutes  ces  excellentes  raisons,  les 
Dames  de  la  Visitation  et  les  habitants  de  Chaillot, 
désahuris,  eurent  gain  de  cause,  et,  le  7  mai 
4748,  un  arrêt  contradictoire  du  Conseil  du  roi 
fut  rendu  contre  le  traitant  P.  Manis  (î). 


LA  PRINCESSE    RAGOTZKY 
(4747-1722) 

Vers  4747,  la  princesse  Ragotzky  (Charlotte- 
Amélie),  vint  s'établir  dans  notre  couvent,  où  elle 
mourut  le  48  février  4722,  ûgée  de  quarante-trois 
ans,  et  c'est  là  qu  elle  fut  inhumée.  Fille  du 
Ijndgravo  de  liesse  Rhinfels  Wanfried,  elle  avait 
épousé,  en  septembre  4694,  le  célèbre  Ragotzky 
(François-Léopold),  qui  s'était  mis  à  la  tête  des 
Hongrois  soulevés  contre  l'empereur  d'Allemagne, 
avait  été  enfermé  à  Neustadtau  mois  d'avril  4701, 
et  avait  pu,  grâce  à  sa  femme,  s'évader  de  prison 
le  7  novembre  suivant,  déguisé  en  dragon.  La 
princesse  Ragotzky  qui  se  trouvait  alors  à  Vienne, 
avait  été,  pour  ce  fait,  enfermée  dans  un  couvent, 
où  elle  était  restée  jusqu'à  4705.  Après  avoir 
vécu  pendant  quelque  temps  à  Varsovie,  Rajrotzky 
fut  proclamé  prince  de  Transylvanie  en  4704  et 

(i)  Le  cru  royal  de  Chaillot  fut  longtemps  es- 
time. (Voir  Sot re-lkime -de-Paris,  de  Victor  Hugo, 
1.  1,  S  3.) 

(^)  A  cette  époque,  la  population  de  Chaillot 
n'était  guère  que  de  2^5  Teux. 


ANNEXES 


269 


de  nouveau  en  4707  ;  les  Hongrois  voulurent 
même  TéUre  roi.  Proscrit  eu  4744,  après  la  paix 
de  Nagy-Caroly,  il  yint  en  4743  se  réfugier  en 
France  avec  sa  femme,  sous  le  nom  de  comte  de 
Saroz,  vécut  beaucoup  à  la  cour  de  Louis  XIV, 
qui  le  prit  en  affection,  lui  donna  600.000  livres 
sur  THôtel  de  Ville,  plus  6.000  livres  par  mois. 
Avec  30.000  livres  par  an  que  lui  assura  l'Espa- 
gne (4),  il  arrivait  à  plus  de  400.000  livres  de 
rente.  Après  la  mort  de  Louis  XIV,  il  alla  vivre 
pieusement  chez  les  Camtldules  de  Grosbois,  et 
en  4747,  éloigné  de  France  sur  la  demande  de 
Fempereur  d'Allemagne,  il  se  réfugia  à  Rodosto 
en  Turquie,  ou  il  mourut  en  4735,  âgé  d'environ 
56  ans.  Avant  sa  retraite  au  couvent  de  Chaillot, 
sa  femme  avait  eu  une  conduite  peu  régulière  ; 
Kagotzky  ne  permettait  pas,  néanmoins,  qu*on  dit 
du  mal  de  la  princesse,  rappelant  qu'elle  lui  avait 
sauvé  la  vie  et  Favait  fait  évader  de  prison,  et 
qu'après  cela  il  ne  lui  était  plus  permis,  à  lui, 
peut-être  le  plus  heureux  des  trois,  de  s'in- 
former de  ses  actions. 


LA  VEUVE  DU  KÉ(;ENr 
(1735-4749) 

En  4735,  la  veuve  du  régent  se  réfugia  cbez 
les  dames  de  la  Visitation  de  Chaillot  ;  elle  avait 
son  pavillon  particulier,  adossé  au  mur  de  clôture 
du  couvent.  Née  en  4677,  Françoise-Maiûe  de 
Bourbon,  dite  M^^^  de  Blois^étùi  fille  légitimée  de 
lx>uis  XIV  et  de  M"*"  de  Montespan.  Douée  d'infi- 
niment d'esprit,  mais  d'un  orgueil  excessif,  petite 
fille  de  France  iusijue  sur  sa  chaise  percée,  dit 
crûment  Saint-Simon,  tenace  à  l'extrême  dans  ses 
volontés,  paresseuse  à  Fexcès  et  très  supersti- 
tieuse, on  la  disait  néanmoins  vertueuse;  mais 
il  faut  reconnaître  que  sa  vertu  peu  aimable  n'avait 
pas  eu  le  don  de  retenir  son  trop  volage  mari,  uni, 
pour  cause,  Favait  surnommée  Af°**  Lucifer.  C  est 
peut-être  ici  le  cas  de  dire,  en  modifiant  légère- 
ment le  proverbe,  que,  tfuand  iV"*''  Lucifer 
deinnt  vieille,  elle  se  fit  ermite,  car  M"»*  d'Or- 
léans était  bien  proche  de  la  soixantaine  quand 
elle  rechercha  le  voisinage  de  nos  pieuses  Visitan- 
dines,  auxquelles,  malgré  son  caractère  bizarre, 
elle  fît  beaucoup  de  bien.  Elle  passa  de  vie  à 
trépas  le  4"  février  4749. 


Ici  semble  devoir  s'arrêter  la  liste  des  person- 
nages marquants,  reines,  princesses,  duchesse  et 
autres  dames  ou  filles  nobles,  qui  vinrent  se 
réfugier  au  couvent  aristocratique  de  la  Visitation 
de  Chaillot. 

Vers  le  milieu  du  règne  de  Louis  XV,  la  maison 
semble  péricliter,  et  nous  ne  trouvons  plus  rien 
de  particulièrement  intéressant  à  signaler  pour 
son  histoire.  Comme  personnel,  au  temps  de  sa 
prospérité,  elle  comptait  en  moyenne  trente  reli- 
gieuses professes,  cinq  à  six  sœurs  converses, 


deux  ou  trois  novices,  deux  aspirantes,  deux 
sœurs  tourières  et  une  vingtaine  de  pensionnaires. 
La  communauté,  qui  avait  trois  autres  maisons 
à  Paris,  fut  supprimée  en  4794,  et  une  partie  de 
ses  biens  fut  vendue.  \jes  bâtiments  du  couvent, 
devenus  propriété  particulière,  furent  démolis  en 
4840,  et  sur  leur  emplacement  ou  creusa  les  fon- 
dations du  palais  du  roi  de  Rome,  palais  destiné 
au  fils  de  l'empereur,  mais  que  les  événements 
politiques  ne  permirent  pas  de  continuer  ;  l'empla- 
cement du  palais  du  roi  de  Rome,  demeuré  à  l'état 
de  terrain  vague  et  complètement  bouleversé,  fut 
longtemps  daigné  sous  le  nom  de  rampes  de 
Chailbt,  Louis  XVIll  projeta  d'y  élever  un  monu- 
ment grandiose  en  souvenir  de  la  prise  du  fort 
du  Trocadéro  par  son  neveu  le  duc  d'Angouléme. 
La  butte  en  prit  le  nom,  mais  le  monument  ne 
s'éleva  pas.  Ce  ne  fut  qu'à  l'approche  de  l'Exposi- 
tion universelle  de  4867  qu'on  se  décida  enfin  à 
aplanir  le  sommet  du  coteau  et  à  niveler  les 
pentes,  pour  construire  l'escalier  gigantesque  <|ue 
nous  avons  vu  jusqu'à  l'approche  de  l'exposition 
de  4878,  exposition  qui  nous  a  enfin  valu  le  palais 
actuel  et  ses  verdoyants  et  pittoresques  abords. 


JOURNAL    DU    MONASTÈRE    ROYAL 
DE  LA  VISITATION  DE  CHAILLOT 

Noie.  —  Sous  cellu  rubrique,  nous  classonn  ciiro' 
nolof^iquement  les  principoui  faits,  parmi  les- 
quels on  en  trouvera  un  assez  ^rand  nombre  qui 
n'ont  pu  trouver  place  dans  nos  pa^es  précé- 
dentes (1). 

4654  (42  mai).  — Henriette  de  France  achète  le 
château  de  Chaillot  aux  héritiers  du  maréchal  de 
Bassompierre,  pour  y  établir  un  nouveau  monas- 
tère de  la  Visitation  des  Filles  Sainte-Marie. 
Quand  les  sœurs  vinrent  dans  la  maison,  elles  la 
trouvèrent  remplie  de  peintures  profanes;  mais 
leur  naïveté  et  leur  modestie  les  empêchèrent  d'y 
voir  ce  qu'elles  avaient  d'inconvenant.  Ce  ne  fut 
que  quelque  temps  après  qu'on  se  décida  à  les 
couvrir  ou  à  l^s  faire  disparaître. 

4652  (49  janvier).  —  L'autorisation  de  l'éta- 
blissement du  monastère  est  enregistrée  au  Par- 
lement de  Paris. 

4652.  —  Les  batailles  de  la  fin  de  la  Fronde 
obligent  nos  premières  visitandines  à  se  retirer 
dans  la  ville  ;  on  en  laisse  trois  pour  garder  la 
maison. 

4652.  —  La  duchesse  de  Nemours,  petite-fille 
de  Henri  IV  et  de  Gabrielle  d'Estrées,  se  retire 
avec  ses  deux  filles,  à  la  Visitation  de  Chaillot, 
après  la  mort  tragique  de  son  mari. 

4652  (fin).  —  Le  marquis  de  Richelieu  enlève 
la  fille  aînée  de  M™°  deBeauvais,  première  femme 
de  chambre  et  confidente  d'Anne  d'Autriche. 

4656  (septembre).  —  Les  visitandines  de 
Chaillot  obtiennent  du  roi  l'amortissement  com- 
plet de  leur  propriété  et  la  confinnation  du  droit 
de  haute  justice  qui  leur  avait  été  accordé  dès 
4653. 

4657  (jcnvier).  —  Marie  et  Horteuso  Manciiii, 


(1)  Ragotzky  était  depuis  lonj^temps  membre  de 
la  Toison  d'or. 


^V.p.  lai). 


270 


HISTOIRE    DU   XVI*"   ARRONDISSEMENT 


nièces  de  Mazarin,  quittent  la  Visitation  de  Qiail- 
lot,  oii  elles  aTaient  été  pensionnaires  pendant 
deux  ans,  ponr  rentrer  à  la  coor. 

i657.  —  Mort  de  Nar|aerite-Thérèse  Ranchin, 
veuve  Vanel,  qui  avait  fait  à  ses  frais  transformer 
en  chapelle  de  la  Vierge  un  pavillon  situé  au  bas 
du  jardin,  à  plus  de  cent  marches  au-dessous  des 
bâtiments  du  couvent.  La  veuve  Vanel,  qui  n'avait 
été  (^ue  novice,  reçut  le  voile  le  jour  de  sa  mort. 

i658.  —  Séjour  pendant  un  an,  au  monastère 
de  Chsillot,  de  la  princesse  Louise,  palatine  de 
Bavière,  nièce  de  Henriette  de  France. 

i659.  —  Henriette  de  France  reçoit  le  bref  de 
la  béatiBcation  de  saint  François  de  Sales. 

1659  (22  juin).  —  Mort,  à  Fâge  de  trente-six 
ans,  de  sœur  Marie-Cbristine-Emmanuelle  de 
Morlemart,  fille  de  Gabriel  de  Rochechouart,  duc 
de  Mortemart,  gouverneur  de  Paris,  et  sceur  aînée 
de  M"^"  de  Montespan,  de  M™"  de  Thianges  et  de 
la  célèbre  abbesse  générale  de  Tabbaye  et  ordre 
de  Fontevrauld. 

4661  (fin).  —  Prise  d^habit  de  Jeanne-Thé- 
rèse-Angélique de  Mesmes,  fille  d'Antoine  de 
Mesmes,  ancien  prévôt  des  marchands  et  président 
à  mortier  ;  en  présence  de  trois  reines  :  Anne 
d'Autiiche,  Henriette  de  France  et  Marie-Thérèse. 
Sœur  J.-T.-A.  de  Mesmes  mourutàChaillot,  le 
18  janvier  1709,  Agée  de  soixante-trois  ans. 

1665  (janvier).  —  Mort  de  M"«  de  La  Fayette, 
supérieure,  belle-sœur  de  la  comtesse  de  La 
Fayette,  si  connae  par  ses  écrits. 

1666  (20  janvier).  —  Le  iour  même  de  la 
mort  d'Anne  d'Autriche,  M""  Claire-Angélique  de 
Beauvais,  première  femme  de  chambre  en  survi- 
vance et  amie  de  la  reine  défunte,  se  retire  à  la 
Visitation  de  Chaillot,  où  trois  fois  elle  fut  élue 
supérieure,  et  mourut  le  23  novembre  1709,  âgée 
de  soixante  et  onze  ans. 

1666.  ^  M""»  de  Motteville,  confidente  intime 
d'Anne  d'Autriche  et  auteur  des  Mémoires  pour 
servir  à  l'histoire  de  cette  reine,  se  retire  à  la 
Visitation  de  Chjiilot,  dont  elle  est  nommée  bien- 
faitrice séculière. 

1669  (10  septembre).  —  Mort  d'Henriette  de 
France,  fondatrice  du  monastère  où  elle  avait  sou- 
vent vécu  depuis  1653  environ. 

1669  (16  novembre).  —  Rossuet  vient  pronon- 
cer la  magnifique  oraison  funèbre  d'Henriette  de 
France,  en  présence  des  principaux  personnages 
de  la  cour. 

1671  (février).  —  M"«  de  La  Vallière  se  réfu- 
gie au  monastère  de  Chaillot  ;  Louis  XIV  vient  l'y 
chercher  et  l'oblige  &  revenir  à  la  cour. 

1674  (avril).  —  M^*«  de  La  Vallière  se  retire 
pour  la  seconde  fois  à  la  Visitation  de  Chaillot, 
d'où  elle  part  le  20  avril,  pour  entrer  aux  Carmé- 
lites de  la  rue  Saint-Jacques. 

1678  (fin  février).  —  La  duchesse  de  Noailles, 
mère  du  futur  cardinal  archevêque  de  Paris  et 
ancienne  dame  d'atour  d'Anne  d'Autriche,  se  re- 
tire au  couvent  de  Chaillot,  après  la  mort  de  son 
mari,  et  y  reste  pendant  quelque  temps. 

1680  (29  janvier).  —  La  reine  Marie-Thérèse 
visite  le  monastère  et  assiste  aux  offices  de  la  fête 
de  saint  François  de  Sales. 

1680.  —  Le  second  marquis  de  Richelieu,  sui- 
vant   le  mauvais  exemple  de  son  père,  enlève 


la  fille  d'Hortense    Mancini,  nièce  de  Mazarin. 

168i  (21  novembre,  fête  de  la  Présentation). 
—  Bourdaloue  vient  prêcher. 

1686  (mai).  —  Les  visitandines  de  Chaillot 
obtiennent  le  droit  de  moyenne  justice. 

1686  (30  décembre).  —  Bourdaloue  prononce, 
en  présence  de  François  de  Harlay  de  ChampvaUbn, 
archevêque  de  Paris,  le  sermon  de  profession  de 
M'***  Marie-Gabrielle  de  Frémont,  fille  du  bienfai- 
teur du  couvent,  garde  du  trésor  royal.  Sœur 
M.  G.  de  Frémont  mourut  à  Chaillot  le  22  dé- 
cembre 1713. 

1689  (26  février).  —  Jacques  II  devant  partir 
le  surlendemain,  pour  tenter  de  reconquérir  sod 
royaume,  vient  faire  ses  adieux  aux  religieuses 
de  la  Visitation  de  Chaillot. 

1689  à  1718.  —  Marie  d'Esté,  reine  d'Angle- 
terre, femme  de  Jacques  II,  fit  dans  cet  espace  de 
temps  de  nombreuses  retraites  au  monastère  do 
Chaillot,  qu'elle  combla  de  bienfaits. 

1689.  —  Marie  d'Esté  remet  le  voile  iM"«  Ma- 
rie-Béatrice de  Lévis,  qui  mourut  à  Chaillot  le 
7  février  1720. 

1691  (20  février).  —  Bourdaloue  fait  un  ser- 
mon de  profession  pour  une  jeune  fille  noble,  à 
laquelle  Marie  d'Esté  remet  le  voile  (1). 

1692  (24  novembre).  —  La  mère  Priolo,  su- 
périeure, les  sœurs  Claire-Angélique  de  Beauvais, 
Marie-Constance  Gobert  el  Marie-Elisabeth  Le- 
moine  sont  appelées  à  Saint-Cyr  par  Louis  XIV 
et  M"^*^  de  Main  tenon  pour  organiser  cette  maison 
naissante.  M"^°  de  Maintenou  vient  elle-même  les 
prendre  en  carrosse  au  couvent  de  Chaillot.  La 
mère  Priolo,  fille  do  diplomate  et  lettré  de  ce  nom, 
resta  seize  mois  à  Saint-Cyr. 

1693  (22  août).  —  Les  visitandines  obtiennent 
le  droit  de  basse  justice  et  Tunion  du  fief  dit  de 
Longchamp  à  celui  de  Chaillot. 

lo94  (fin  mars).  — M'"**  de  Maintenou,  recon- 
naissante, ramène  elle-même  de  Saint-Cyr  la  mère 
Priolo  et  la  sœur  Claire- Angélique  de  Beauvais. 

1695.  —  La  princesse  Conti,  petite-fille  du 
grand  Coudé,  remet  le  voile  à  une  jeune  fille 
noble.  Dom  Thomas  de  Champigny,  supérieur  des 
barnabites  de  Passy,  prononce  le  sermon  de  vé- 
ture.  Il  est  bon  de  rappeler,  à  cette  occasion, 
que  les  barnabites  de  la  paroisse  de  Passy 
venaient  souvent  officier  chez  les  visitandines  de 
Chaillot. 

1696  (fin  août).  —  Bourdaloue  vient  pronon- 
cer le  sermon  de  profession  de  M'^''  Marie-Char- 
lotte Chassepot  de  Beaumont,  fille  d'un  conseiller 
à  la  Grand  Chambre  du  Parlement  de  Paris  ;  ce 
fut  encore  la  reine  d'Angleterre,  Marie  d*£ste, 
qui  remit  le  voile.  Sœur  M.-C.  de  Beaumont 
mourut  à  Chaillot  au  mois  d'août  1721. 

1698.  —  Mort  de  Louise-Antoinette  Ck)lbert, 
supérieure,  sœur  du  célèbre  ministre. 

1698.  —Il  y  eut  à  la  Visitation  de  Chaillot, 
dans  le  courant  de  cette  année,  une  cérémonie  des 
plus  touchantes.  M^*"  Gabriel  de  la  Roquette, 
cvêque  d'Autun,  y  donna  solennellement  la  con- 


(1)  On  trouve  ce  sermon  dans  les  opuvres  com- 
plèles  de  Bourdaloue,  mais  sans  le  nom  de  la 
jeune  professe. 


^mr*f 


ANNEXES 


271 


firmatioa  à  près  de  deax  cents  soldats  de  Thôtel 
royal  des  Inralides  (1). 

1700  (commencement  de  Tannée).  —  Mme  de 
Maintenon  ramène  elle-même  les  denx  religieuses, 
Marie-Constance  Gobert  et  Marie-Elisabeth  Le- 
moine,  qni  étaient  restées  plus  de  sept  ans  à 
Saint-Cyr  pour  Torganisation  de  cette  maison. 

ilOO  (15  août,  fête  de  l'Assomption).  — 
Bourdaloue  Tient  prêcher. 

1700  (20  novembre,  veille  de  la  Présentation). 
—  Massillon  vient  prêcher. 

1700.  —  Mlle  Magne  Nompar  de  Canmont  La 
Force,  la  plus  jeune  des  filles  au  duc  de  La  Force, 
rentre  an  couvent  de  Ghaiilot  ob  elle  avait  été 
élevée  et  s*y  fait  religieuse.  Ses  deux  sœurs,  Char- 
lotte et  Suzanne,  y  avaient  été  élevées  également  ; 
Charlotte  était  alors  religieuse  à  Evreux,  et  Suzanne 
à  Saint-Denis. 

1 70S  (1 9  septembre). — Service  extrasolennel  en 
musique  pour  1  anniversaire  de  la  mort  de  Jacques  II, 
célébré  par  le  cardinal  de  Noailles,  archevêque  de 
Paris,  en  présence  de  plus  de  vingt-cinq  arche- 
vêques et  evèques,  de  la  maison  de  Louis  XIV,  et 
de  celle  de  Marie  d*Ëste,  veuve  de  Jacques  U. 

1702  (17  novembre).  —  Le  corps  du  maréchal 
de  Lorges,  mort  à  Pans  le  22  octobre,  est  apporté 
des  caveaux  de  Saint-Roch  au  monastère  de  la 
Visitation  de  Chaillot  pour  y  être  inhumé.  U  avait 
été  bienfaiteur  du  couvent,  où  sa  fille  était  alors 
aspirante  religieuse,  avait  contribué  avec  son 
beau-père  Nicolas  de  Frémont,  garde  du  trésor 
royal,  à  Térection  de  la  nouvelle  ^lise  ;  aussi  les 
reusienses  firent-elles  sculpter  ses  armes  et  celles  de 
sa  femme  dans  le  fronton  du  principal  portail.  Le 
maréchal  de  Lorges  était  neveu  de  Turenne,  et 
beau-père  de  Saint-Simon  et  du  duc  de  Lauzun. 
Son  cœur  avait  été  donné  aux  Bénédictines  de 
Conflans,  près  Paris. 

1 703.  —  Des  voleurs  pénétrèrent  de  nuit  dans 
le  couvent,  mais  ne  trouvèrent  à  emporter  que 
huit  cuillers  d*argent,  oubliées  au  réfectoire.  Vo- 
leurs volés! 

1703  (1*'  mari).  —  Bourdaloue  fait  le  sermen 
de  profession  de  Mlle  Louise-Gabrielle  de  Durfort 
de  Lorges,  fille  du  maréchal  et  belle-sœur  de  Saint- 
Simon  et  du  duc  de  Lauzun.  La  reine  Marie  d*Ëste 
lui  remet  le  voile. 

1703  (il  novembre).  —  Ms*"  A.  Anselme  pro- 
nonce Toraison  funèbre  du  maréchal  de  Lorges. 

1706  (29  janvier,  fête  de  saint  François  de 
Sales).  —  On  célèbre  la  messe  pour  la  première 
fois  dans  la  nouvelle  église  à  peme  terminée.  Le 
soir,  aux  vêpres,  Massillon  vient  prêcher. 

1709  (dimanche  des  Rogations).  —  Prise  de 
voile  de  Marie-Paulede  Douglas,  fille  orpheline  de 
lord  Dumbarton,  noble  d'Ecosse,  qui  avait  suivi 
Jacques  II  en  France.  Sœur  M.  P.  de  Douglas 
mourut  à  Chaillot  le  17  octobre  1710,  à  peine 
âgée  de  vinfft  ans. 

1709  (fixi).  —  La  princesse  de  Condé,  Anne 
de  Bavière,  dite  la  princesse  Palatine^  mère  de 
la  duchesse  du  Maine,  étant  devenue  veuve,  vient 


fi)  En  1678.  l'église  de  riiôtcl  royal  des  Invalides 
n'elait  pas  terminée  et  ne  le  fui  guère  que  vers 
1706  ;  la  cérémonie  dont  nous  parlons  n'aurait 
(fooc  pu  s'y  célébrer. 


choisir  un  appartement  dans  le  couvent,  jpour  s*y 
retirer  de  temps  en  temps.  Mourut  en  17^3. 

1710  (14  juin,  veille  de  la  Sainte-Trinité).  — 
Bossuet  dit  la  messe,  en  présence  de  Marie  d'Esté 
et  de  la  princesse  Louise,  sa  fille,  pour  la  célébra- 
tion solennelle  du  centenaire  de  la  fondation  de 
rOrdre.  D'autres  cérémonies  eurent  lieu  les  jours 
suivants. 

1714  (18  avril).  —  Mort,  à  Tâge  de  70  ans, 
de  sœur  Marie-Françoise  de  Harlay,  fille  du  cé- 
lèbre premier  président  Achille  de  Harlay  et 
d*Anne  Madeleine  de  Lamoîgnon. 

1717.  —  La  princesse  Ragotzky  se  retire  au 
monastère  de  la  Visitation  de  Chaillot,  ou  elle 
meurt  le  18  février  1722. 

1718  (fin).  —  Louise-Françoise  de  Bourbon, 
fille  du  duc  du  Maine,  âgée  de  onze  ans,  entre 
comme  pensionnaire  à  la  Visitation  de  Chaillot,  où 
elle  reste  quatre  ans  et  demi.  Le  duc  et  la  du- 
chesse du  Maine  firent  beaucoup  de  bien  au  cou- 
vent. 

1721  (fin  novembre).  —  Le  fameux  Cartouche, 
mis  à  la  question,  avoue  qu'il  est  entré  dans 
réglise  du  couvent  avec  l'intention  d'y  voler  la 
lampe  du  chœur,  mais  qu'au  moment  d'accomplir 
son  sacrilège,  il  en  a  été  empêché  par  une  puis- 
sance invisible  et  s'est  senti  saisi  d'un  tremble- 
ment général. 

17â  (17  juin).  —  Mme  de  Ventadour,  gou- 
vernante des  Enfants  de  France,  vient  au  couvent 
de  la  Visitation  avec  l'infante  d'Espagne,  Marie- 
Anne-Victoire,  alors  âgée  de  cinq  ans,  et  accor- 
dée de  Louis  XV.  La  supérieure  offre  à  la  reine 
de  France  en  perspective  un  enfant  Jésus  en  cire. 
€  Marnant  dépéckons-notis,  dit  la  fillette  pres- 
sée à  Mme  de  Ventadour,  en  pensant  à  Louis  XV, 
mon  mari  m'attend  (1).  » 

1723  (9  octobre).  —  Mort  de  sœur-Thérèse- 
Séraphique  de  BuUion,  fille  de  Ch.-Denis  de  Bul- 
lion,  prévôt  de  la  ville,  prévôté  et  vicomte  de 
Paris,  et  sœur  de  la  duchesse  d'Uzès.  Elle  était 
entrée  dans  la  maison  vers  1695,  à  l'âge  de  neuf 
ans,  et  avait  pris  l'habit  vers  1704. 

1727  (9  septembre).  —  On  apporte  le  corps  de 
la  maréchale  de  Lorges,  et  on  1  inhume  auprès  de 
celui  de  son  mari. 

1728  (6  juin).  —  Mort  de  Louise-Henriette  de 
Bullion-Montlouet,  religieuse,  âgée  de  soixante- 
douze  ans  et  professe  depuis  cinquante-cinq  ans. 
Etait  fille  de  François  de  BuUion,  président  au 
Parlement  de  Paris  et  surintendant  des  finances. 

1735.  —  La  veuve  du  récent  se  retire  à  la 
Visitation  de  Chaillot,  mais  dans  un  pavillon  à 
part,  attenant  au  mur  de  clôture.  Elle  y  fait  de 
fréquents  séjours  et,  malgré  ses  bizarreries  de 
caractère,  sait  être  généreuse  pour  le  couvent. 

17J^9  (17  janvier).  —  Un  ouragan  épouvan- 
table enlève  presque  toutes  les  toitures  des  bâti- 
ments, brise  les  vitres  et  endommage  fortement 
les  murs  de  clôture.  Les  dégâts  sont  estimés  à 
plus  de  7.000  livres. 

1763  (23  décembre).  -^  Mort  de  Louise-Ga- 

(1)  Le  5  avril  1725,  sous  prétexte  d'une  trop 
(grande  diflérence  (l'âge  avec  Louis  XV,  la  jeune 
infante  fut  renvoyée  à  son  père  Philippe  v,  et, 
dans  le  courant  de  la  même  année,  le  roi  épousa 
Marie  Lcczinska. 


272 


HISTOIRE    DU   XVI®   ARRONDISSEMENT 


brielle  de  Dorfort  de  Lorges,  fille  da  maréehal  de 
Lorges.  Elle  avait  été  supérieure  pendant  vingt- 
quatre  ans. 

1767  (17  février).  —  Mort  de  Mane-Thércse 
de  Bullion,  religieuse,  fille  de  Ch.-Denis  de  Bul- 
lion,  prévôt  de  la  ville,  prévOté  et  vicomte  de 
Paris,  et  sœur  de  la  duchesse  d*llzès. 


LISTE   DES  SUPÉRIEliRES 

LVIrrlion  i'Uùi  triennale  et  renonvehible.  et  se  foi- 
bail  ^cnérulemenl  le  juur  de  Fascension. 

Hélène-Angélique  Lhuillier.  De  1(55i  au 
!25  mars  1655,  jour  de  sa  mort;  avait  été  supé- 
rieure au  couvent  de  la  rue  Saint- Antoine,  avant 
de  venir  h  Chaillot. 

Louise- Angélique  Motier  de  la  Fayette.  De  1655 
à  1661. 

Marie-Elisabeth  de  la  Sourdière.  De  1661  à  1664. 

Louise-Angélique  Motier  de  La  Fayette,  réélue 
en  1664,  mourut  en  janvier  1665. 

Anne-Marie  Bolain.  De  1665  à  1671 . 

Madeleine-Eugénie  Bertaut,  scur  de  Mme  de 
Motteville.  De  1671  à  1673,  date  de  sa  mort. 

Françoise-Angélique  Priolo.  De  1673  à  1679. 
Etait  Talnéi'des  trois  filles  du  savant  Priolo  qui 
avait  rempli  diverses  missions  et  écrit  en  latin 
une  histoire  de  France  allant  de  1644  à  1664. 

Louise-Antoinette  Colbert,  sœur  du  célèbre 
ministre.  De  1679  à  1682.  Mourut  en  1698. 

Françoise- Angélique  Priolo  (3**  fois).  De  168S 
à  1685. 

Marie-Louise  Croyset.  De  1685  à  1691. 

Françoise- Angélique  Priolo  (4*^  et  5^  fois).  De 
1691  à  1695.  Pendant  ce  temps  passa  seize  mois 
à  Saint-Cyr  pour  organiser  cette  maison  naissante, 
et  fut  alors  remplacée  par  Anne-Elisabeth  Moufle. 
La  mère  Priolo  mourut  le  31  mars  1710. 

Claire-Angélique  deBeauvais.  Du29marsl695 
à  1703. 

Marie-Constance  Gobert.  De  1703  au  27  oc- 
tobre 1706,  date  desamort. 

Claire -Angélique  de  Beauvais,  réélue  pour  la 
4^  fois  le  9  novembre  1706,  mourut  supérieure 
le  28  mars  1709. 

Anne-Elisabeth  Moufle  (2«  fois).  De  1709  à 
1715.  Mourut  le  4  novembre  1719. 

Anne-Charlotte  Bochard  de  Saron.  De  T Ascen- 
sion de  1715  an  16  mai  1718. 

Catherine- Emmanuelle  de  Kichebourg.  De  l'As- 
cension de  1718  à  1720. 

Anne-Charlotte  Bochard  de  Saron  (2"  fois).  De 
1720  à  juillet  1723. 

Jeanne- Françoise  Le  Vayer.  De  juillet  1723  au 
3  juin  1725,  date  de  sa  mort.  Née  en  1683,  elle 
était  fille  d'un  maitre  des  requêtes,  intendant  du 
Bourbonnais,  et,  de  plus,  savant  écrivain  juriscon- 
sulte. 

Anne-Charlotte  Bochard  de  Saron  (3^  fois).  De 
juin  1725  à  1728.  Mourut  le  31  juillet  1729. 

Catherine-Emmanuelle  de  Kichebourg  (2*^  fois). 
De  juin  1728  à  1731.  Mourut  le  7  juin  1738. 

Louise-Gabrielle  de  Durfort  de  Lorges,  fille  du 
maréchal.  De  1731  à  1737. 

Marie-Séraphine  Damiette.  De  1737   à  1740. 


Louise-Gabrielle  de  Durfort  de  Lorges  (î^  fois). 
De  1740  à  1746. 

Marie-Séraphine  Damiette  (2«  fois).  De  1746 
à  1749. 

Uuise-GabrieUe de  Durfort  de  Lorges (3* fois). 
De  1749  à  1755. 

Marie-Séraphioe  Damiette  (3*  fois).  De  1755 
à  1758. 

Louise-Gabrielle  de  Durfort  de  Lorges  (4*  fois). 
De  1758  an  23  décembre  1763,  jour  de  sa  mort. 
Avait  été  vingt-<iuatre  ans  supérieure. 

Marie-Séraphine  Damiette  (4«  et  ^^  fois).  De 
la  fin  de  1763  à  l'Ascension  de  1770.  Mourut  le 
8  août  1770,  Affée  de  soixante-huit  ans. 

Anne- Madeleine  Chalmette.  De  1770  à  1776. 

Marie- Gabrielle  Roslin.  Supérieure  de  1776  à 
1779,  au  moins. 


PRINCIPALES    INHUMATIONS  (1) 

hvH  cccui-s  deH  Sliiarts  étaient  déposes  sur  la  tri' 
bune  du  chirur  do  l'église,  et  le  caveau  mortuaire 
des  autres  personnages  et  des  religieuses  était 
sous  l'église. 

Noie.  —  Le  recueil  des  Letlre»  circulairex  de  la 
Visitation  de  (Ihaillot,  que  possède  In  Bibliothèque 
Nationale,  s'arrétnnl  ii  1779,  et  les  dilTéreoles  mai- 
sons de  la  Visitation  auxquelles  je  me  suis  adressé 
n'en  possédant  pas  éf^alenient  de  postérieures  à 
cette  date,  il  m'a  été  impossible  d'établir  la  liste 
des  supérieures  des  on/e  dernières  années. 

Marie-Christine-Emmanuelle  de  Mortemart,  re- 
ligieuse. 22  juin  1659.  Fille  de  Gabriel  de  Roche- 
chouart,  duc  de  Mortemart,  gouverneur  de  Paris, 
et  sœur  aînée  de  Mme  de  Montespan,  de  Mme  de 
Thianges  et  de  Tabbesse  générale  de  Fonte vrauld. 

Mme  Cognet,  première  femme  de  chambre  et 
amie  de  la  i^eine  d  Angleterre,  Henriette  de  France. 
30  juin  1659. 

Henriette  de  France,  fille  de  Henri  IV  et  veuve 
de  Charles  l*^**  d'Angleterre.  Fondatrice  du  monas- 
tère, 16  novembre  1669.  Son  cœur  et  ses  en- 
trailles. 

Charles  II,  Stuart,  roi  d'Angleterre,  fils  aîné 
de  la  précédente.  1685.  Son  cœur. 

Louise- Antoinette  Colbert,  supérieure.  Sœur 
du  célèbre  ministre.  1698. 

Jacques  II,  roi  d'Angleterre,  1701.  Son  cœur. 

Gui-Aldonce  de  Durfort,  duc  de  Lorges,  maré- 
chal de  France  et  neveu  de  Turenne.  17  no- 
vembre 1702.  —  Sa  femme,  Geneviève  de  Fré- 
mont  fut  inhumée  auprès  de  lui  le  9  septembre  1 727 . 
—  Leur  fille,  Louise-Gabrielle  de  Durfort  de 
lx)rges,  qui  avait  été  supérieure  du  couvent  pen- 
dant vingt-quatre  ans,  fut  mise  auprès  d'eux,  le 
24  décembre  1763. 

Geneviève  Durand,  femme  de  Nicolas  de  Fré- 
mont,  garde  du  trésor  royal.  19  aoilt  1763.  Son 
cœur.  Etait  la  mère  de  la  maréchale  de  larges  et 
contribua,  ainsi  que  son  mari,  à  la  reconstruction 
de  l'église.  —  Sa  seconde  fille,  Marie-Gabrielle 


II)  Nous  croyons  devoir  republier  celte  liste, 
Mins  laquelle  notre  monographie  serait  incom- 
plète. 


de  Frémont,  religieuse  da  coavent,  y  avait  êlè 
iobumée  le 3^  décembre  1713. 

JeaDiie*Thércse-Aiigéli(jue  de  Mesmes,  reli- 
gieose,  fille  d'Henri- A  atome  de  Mesmes,  iDcien 
prévnt  des  marchands  et  président  à  martier. 
18  janvier  1709. 

Louise-Marie  Sluart,  fille  de  Jacqaes  II  et  de 
Marie  d'Esté.  1712.  Son  crrur. 

Marie- t'rançoiM  de  Harlay,  religieoM.  Fille 
d'Achille  de  HirUy,  célèbre  premier  président  au 
Parlement  de  Paris.  18  avril  1714. 

Maria    d'Esté,  reine    d'Angleterre,    seconde 


XES  273 

i  laquelle  elle  luccédait.  Pendant  longtemps  il  n'j 
eut  entre  le  Cours  la  Reine  et  les  buttes  ani  se 
trouvaient  i  l'entrée  de  Paasy.  et  qui  sont  dere- 
nues  Je  Trocadéro,  que  la  manuraeture  de  la  Sa- 
vonnerie, une  verrerie  et  l'hôpital  dont  nous  par- 
lons plus  loin. 
Lorsque  Henri  IV  élaldit  à  Paris  et  dans  quel- 

Snes  autres  villes  des  manafaetores  de  tapisserie, 
anoblit  les  directeurs  étrangers  de  ces  manufac- 
tures et  les  eiempta  des  droits  d'aubaine,  eux  et 
tous  les  ouvriers  qui  viendraient  do  debors  tra- 
vaitler  sous  leurs  ordres.  Une  bonne  partie  du 


f,n  Savonnerie  au  xvn*  kIècIi'. 

(Archives  de  la  Société.) 


fenuM  de  Jacques  II.  9  mai  1718.  Son  corps,  i 
part  son  «turet  une  partie  de  ses  entrailles. 

rJtarlotte- Amélie  Ragotzky  (princesse).  16  fé- 
vrier 1722. 

Anne-Thérèse-Séraphiquede  Bnllion,  religieuse. 
fille  de  Ch.  Denis  de  nullion.  prévôt  de  la  villn, 
préviMé  et  ^icamté  de  Paris,  9  octobre  1723. 

Marie-Th'rése  de  Bullion.  religieuse,  sii-ur  de 
la  précédente.  17  février  1767. 

Loaise-Henrietle  de  Butliun-Montlouet.  reli- 
gieuse, fille  de  FrBni;ois  de  Bullion-Montlouet, 
président  an  Parlement  de  Paris  et  surintendant 
des  finances.  Mourut  le  6  juin  1728,  i  soiiante- 
doDwans,  professe  depuis  cinquante-cinq  ans. 

Lëomlo  m* a. 


LA    MARUFACTURE    01   TAPIS 
DE    LA   SAVONNERIE 


C'est  sur  l'emplacement  qu'occupe  aujourd'hui 
la  Manutention  militaire,  quai  Debilly,  que  fut 
éUblieaucomuteneemeatdaivii'  siècle,  vers  1607, 
la  célèbre  manufacture  de  tapis  appelée  la  Savon- 
Derie.  Ce  nom  lui  venait  d'une  fabrique  de  savon 


personnel  de  la  Savonnerie,  qui  fabriquait  des 
tapis  à  l'imitation  de  mux  de  Perse  et  de  Turquie, 
durent  bénéficier  de  cette  prérogative. 

La  Saronnerie  était  le  but  d'une  des  promenades 
favorites  de  Louis  Xlfl  enfant;  on  l'y  conduisait 
soit  en  carrosse,  soit  en  bateau. 

Pierre  Dupont  fut  le  premier  directeur  de  la 
manufacture  de  la  Savonnerie.  En1663,lerameui 
Colbert,  le  Mécène  de  son  siècle,  l'ami  de  tous  les 
arts,  organisa  cette  fabrique  d'une  façon  toute 
particulière  ;  par  la  suite,  elle  fut  négligée,  mais, 
sur  la  fin  de  1713.  de  PardaiUan,  dnc  d  Anlin,  en 
fit  réparer  les  bâtiments  et  lui  rendit  tonte  sa 
splendeur  et  toute  son  activité. 

Pierre  Dupont  a  écrit  dans  son  livre  de  la  Slro- 
maUmrgie  ou  de  l'Ejxeilfnce  de  la  manufac- 
ture dei  lanis  diU  de  Turi/uie  (1632)  un  récit 
complet  de  la  fondation  de  cet  éttbIissemenL 

Nous  De  pouvons  mieux  faire  que  de  laisser  k 
celui-U  même  qui  provoqua  celle  fondation  le 
soin  d'exposer,  dans  un  langage  pittoresque  et 
animé,  l'ori^oe  et  les  premiers  développements  de 
la  Savonnerie. 

<  S'étant  adonné  à  rillumioure,  feu  madame 
de  Chasieaunenf  (que  Dieu  absolve),  comme  elle 
estolt  dame  très  vertueuse  et  adonnée  du  tout  à 


la  piété  et  dévotion,  prit  le  dit  Dupont  t  son  ser- 
vice pour  loy  faire  quelques  paires  d'heures  dll- 


2^4  "•**■ 

fur  aussi  à  la  dite  itmt,  quelque  temps  tpris 
(comme  ï  la  plus  coneuse  de  Paris).  qnelôuM 
escbaotilloDs  de  toutes  sortes  d'ouvrages  de  Tur- 
quie faicta  d'or,  d'ai^ent,  de  so;e  et  laine,  les- 
quels comme  chose  non  encore  vené,  elle  présenta 
i  la  Royne  mère  qui  les  fît  roir  tout  à  l'heure  an 
feu  Ro;  :  lequel  peu  de  jours  après,  allant  voir 
les  peinturea  de  sa  gallerie  et  de  sa  sale  des  anti- 
ques que  feu  M.  Bunel  son  peiolre  faisait  alors,  et 


1   XVl'   ARHOMIISSEMENT 


des  logis  de  dessous  sa  gallerie  avec  un  attelier  1 
cosii  pour  ledit  Dupont  :  pour  estre  comme  une 
pépinière  d'ouTrien  de  la  dite  manufacture,  ce  fut 
en  l'an  1604.  Auquel  lien  il  a  loajoars  fait  u 
demeure  depuis  le  temps  et  y  a  initruit  Dlusieon 
apprentils,  suivant  le  commandement  qu'il  eu  avoît 
reteu  de  Sa  Majesté  ainsi  qn'il  fait  eacore  i  pré- 
sent. 
<  Or  le  feu  Ro;  venant  un  jour  voir  ud  em- 


Dc  Pardaillan,  duc  U'Antin. 
(D'apr«!i  iiiic  repraductluii  photographique  [aile  par  l'auteur 


entrant  en  la  maison  du  dit  Bunel.  vit  un  tonds 
de  chaise  faict  d'ouvrage  de  Turquie,  que  le  dit 
Dupont  y  avoit  laissé  et  se  resouvenant  de  ce  que 
feu  HadamedeChasteauoeur  en  avait  rapporté  à  la 
Royne  commanda  ii  feu  M.  de  Fourcy,  intendant 
de  ses  bastimens  et  manufactures,  de  faire  venir 
ledit  Dupont  en  aa  préseoce,  ce  qu'il  St  le  lende- 
main en  la  gallerie  haute. 

<  Venu  donc  ledit  Dupont,  il  présenta  1  Sa 
Majesté  un  quarreau  faict  de  soye  et  or,  avec  une 
chaire  faicte  de  laine  dudit  ouvrage  de  Turquie 
<fue  Sa  Majesté  eut  très  agréable  et  commanda  sur 
1  heure  au  dit  sieur  de  Fourcy  de  faire  bastir  uo 


meublement  qui  se  laisoit  alors  pour  son  service 
qui  e^loit  d'or  et  de  soye  et  qui  est  aujourd'hui 
dans  l'hostei  du  Luxembourg,  promisl,  en  la  pré- 
sence  de  beaucoup  de  Seigneurs,  d'eslablir  la  dif 
maiiufaciure  par  toute  la  France,  ainsi  qu'il  avut 
faict  celle  des  tapisseries  de  Flandres,  de  l'or  m 
Milau,  des  estones  de  draps  d'or  et  de  aoye  «' 
d'autres,  affin  (comme  il  diaoit)  d'emçeaeher  1* 
transport  de  l'or  et  de  l'ar|;ent  qui  se  fait  hors  da 
pays  par  le  tratfic  continuel  des  dites  estolTes  et 
par  ainsi  enrichir  la  pairie  et  faire  travailler  iK" 
intinité  de  fainéaDS  et  de  fagabonds. 
*  Mais  la  mort  Inneste  de  ce  yrand  IIIoiian{ae 


ayant  donné  fin  i  ses  braTes  et  généreux  desscâns 
airesla  par  [tej  nesme  moveo  ledit  Dupont  enses 
entreprises.  TaQlefois,  sçachani  que  les  Rojs  ne 
meurent  point,  il  s'adressa  au  Roy  i  présent  ré- 
gnant en  l'année  1t>96  venant  veoir  les  ouvraeea 
(jni  se  faisoient  pour  Sa  Majesté,  et  luy  lit  entendre 
quelle  avoit  esté  la  dèlibèralion  du  fea  Roy  pour 
l'establissement  de  ladite  manufacture  luy  en  pro- 
posant les  moyens  faciles  par  la  mètode  d'ensei- 
gner audit  ait  les  enfaas  qui  demeuraient  dans  les 
hospiiaai  et  les  tilles  pareillement  en  plusieurs 
antres  oarrages,  ce  que  ledit  Dupont  prometloit 
et  promet  encore  faire. 

<  Auquel  Sa  Majesté  commanda  d'en  adresser 
la  Requeste  à  son  Conseil,' affin  d'v  estre  mesme- 
ment  ponrven.  Ce  ifu'ayant  délibère  faire  ledit  Du- 
pont et  jugeant  qu'il  ne  pourroit  exécuter  luy  seul 
une  charge  si  onéreuse  n'ayant  encore  aucun  de 
ses  enfants  en  aage  compétent  pour  luy  ayder  : 
s'assodai  an  qui  aToît  esté  son  apprenly  nommé 
Loordel  arec  lequel  et  conjoinctement  il  présenta 
la  dite  Requesle  au  Conseil. 

c  Et  pour  parvenir  i  cest  eiïect,  ledit  Dupont 
et  Lourdet  allèrent  trouver  M.  de  Foorcy  qui  avoit 
la  charge  de  feu  son  père,  lequel  les  présenta  à 
H.  Auberg,  conseiller  d'Estat.  avec  la  dite  re- 
queste pour  en  faire  son  rapport  au  dit  Conseil. 
Ce  qu'il  fit  et  a  fait  depuis  avec  tant  de  probité  et 
d'équité  et  avec  tant  de  circonspection  au  bien 
public  de  la  patrie  qu'il  s'est  montré  un  rempart 
tellement  inexpugnable  contre  les  orages  de  l'envie 
et  de  la  mesdisance  de  quelques-uns  qu'il  en  a 
obtenu  les  articles  et  arresls  survenus  par  sa  seule 
diligence  ainsi  qu'ils  se  peuvent  icy  voir  avec  la 
suite  d'une  infinité  de  traverses  qu'ils  ont  rencon- 
trez en  quelques  endroits.  > 

Pierre  Dupont  et  Simon  Lourdet  sont,  en  effet, 
les  premiers  fondateurs  de  la  Savonnerie;  mais 
bénéllciant  de  l'antériorité  du  brevet,  Dupont  doit 
en  être  considéré  comme  le  premier  directeur. 

La  Savonnerie  était  une  de  ces  manufactures 
que  le  roi  Menri  IV  avait  fondées  pour  affranchir  le 
royaume  de  l'indoslrie  étrangère  qui  tendait  à 
l'envabir.  Hais  la  mort  du  bon  roi  la  fit  abandonner. 

Marie  de  Hédicis,  pour  utiliser  le  local  qui  avait 
été  loué  i  un  sieur  Isaac-Martin  Haunoir,  y  éta- 
blit uQ  hApital  d'orphelins  et  enfants  abandonnés, 
comme  en  témoignait  publiquement  une  plaque  de 
marbre  placée  sur  la  porte  de  la  chapelle  et  por- 
tant l'inscription  suivante  : 

La  très  ADi-.usTE  HAttiE  de  Médigs 


K  ESTABLI  CE  UEli  DE  CHARITË  l>l>i;i 

Alimentez,  eutretedus  eti 
Les  enfants  tirez  des  hôfitaux 


E  Dieu  l 


CEl6t5 

Le  brevet  de  fondation  de  l'établissement  stipule 
eo  effet  que  les  enfants  y  seront  instruits  en  la 
crainte  de  Dieu  et  i  faire  plusieurs  ouvrages  de 
toile  et  autres. 

Sons  la  direction  habile  de  Simon  l.ourdel,  les 


CBS  sy5 

ouvriers  de  la  Savonnerie  ne  lardèrent  pas  i  ac- 
quérir une  grande  habileté  i  lenra  ouvrages.  Eo 
16.S9,  Lourdet  reçut  la  commande  de  deux  tapis 
pour  la  Reine  et  en  1665  un  tapis  pour  la  galerie 
d'Apllon.  Trois  ans  après,  Philippe  Lourdet,  qui 
avait  succédé  k  aonpére,  faisait  commencer  l'exé- 
cution du  célèbre  tapis  de  la  grande  galerie  dn 
Louvre.  Ce  tapis,  qui  ne  fut  achevé  que  vers  la  fin 
du  règne  de  Louis  AlV,  se  composait  de  93  pièces 
variées,  comprenant  :  médaillons,  armoiries,  tro- 
phées, paysages,  (leurs,  de  7  aunes  et  demie  de 
longueur  sur  4  à  5  de  largeur  chacune  et  formant 
dans  l'ensemble  une  vaste  composition  générale. 
Philippe  Lourdet  mourut  en  16T1.  Sa  veuve. 


Armes  du  duc  U'Antiii. 
IDessin  de  H.  Mar.) 


Jeanne  Haffrey,  lui  succéda  avec  le  titre  de  «  Ta- 
pissier et  directeur  de  la  Manufacture  de  ta  Sa- 
vonnerie >.  Louis  Dupont,  qui  avait  bérilè  des 
privilèges  de  son  père,  s'installa  i  la  Savonnerie 
et  travailla  dans  des  ateliers  distincts  de  ceui  de 
la  veuve  Lourdet.  A  la  mort  de  la  veuve  Lourdet, 
survenue  en  iH'i,  un  nommé  Sauvain  dirigea 
pendant  un  an  son  atelier  ;  puis  Louis  Dupont 
réunit  sous  sa  main  tous  les  services  et  resta  1  nni- 
que  directeur.  En  ilH.  Jacjnes  de  Nourville 
succéda  i  Dupont.  Sous  cette  direction,  la  Savon- 
nerie reçut  de  nombreuses  commandes  et  produisit 
comme  ijcuvres  principales  no  tapis  pour  la  chambre 
du  roi  (1734),  an  tapis  pour  la  salle  du  trAuei 
Versailles  (1726),  un  tapis  pour  le  salon  de  la 
Muette  (1733),  etc. 

En  1743,  Duvivier  succéda  comme  entrepreneur 
è  de  Nourville.  La  manufacture  exécuta  à  cette 
époque  des  lapis  pour  Trianon  et  C.hoisy,  dont 
Gravelot,  Chevillar  et  Terrier  avaient  fotiroi  let 
modèles,  pour  la  marquise  de  Pompadour  un 
meuble  fort  important  composé  de  3  canapés  de 
14piedsde  long.  Sfauteuils  et  1  écran  d'après  let 
dessins  de  Chevillar. 

Il  fut  (|uestion  k  un  moment  de  transporter  la 
Savonnerie  près  des  Gobelins  ;  mais  le  directeur 
des  bâtiments  du  roi  objecta  d'une  manière  asget 
plausible  que,  changer  pour  changer,  il  vaudrait 
mieux  établir  tes  Gobelins  près  de  la  Savonnerie, 
car.  disait-il,  si  les  Gobelins  étaient  situés  dans 
an  quartier  moins  perdu,  ils  seraient  visités  par 


276 

les  gens  qualifiés  et  opulents  qui  sont  sans  cMse 
sur  la  route  de  Paris  à  Versailles. 

La  Savonnerie  resta  doue  i.  Cbaillot  comme  au- 
pararant.  Il  paraît,  cependant,  certain  quo,  dès 
1738,  elle  arait  cessé  de  s'administrer  eile-mème. 
KUe  n'eut  plus  de  directeur  propre,  et  le  direc- 
teur des  Gobelius  en  recul  la  direction. 

En  résumé,  la  Savonnerie,  depuis 
jusqu'à  la  RéroIntioD,  a  tenu  dans  l'indi 


HISTOIRE    DU    XVl'   AHRONDtâSEMENT 


culés  de  1S04  A  iSU.  Le  tapis  du  gnoA  cabiHt 

de  l'empereur,  allégorie  des  cohortes  de  la  L^ofl 
d'honneur,  dont  quelques  fragments  décorent  in- 
jourd'hui  le  paUit  de  la  grande  cbancellene.  I« 
tapis  de  lacbambre  de  l'impératrice  iSaint-Cload, 
le  lapis  de  la  salle  dite  des  Enfants  de  France, 
aux  Tuileries,  qni  tut  achevé  sous  ta  RestauratiiHi, 
le  tapis  de  la  chapelle  des  Tuileries,  fureit  an 
nombre  de  ces  ouvrages. 


Atelier  de  le  Savonnerie  à  la  Manuraclure  des  Gobclins. 
(Reproduction  pholographiqiiL-  de  l'aulour.) 


nationale  une  place  très  honorable,  mais  de  second 
ordre  an  point  de  vue  de  l'importance  de  la  pro- 
duRlion.  Grâce  aui  documents  des  Archives  na- 
tionales, on  a  pu  faire  le  compte  frénéral  da 
cette  production,  de  1743  à  17ti6;  il  s'élève  A 
1.061.274  livres. 

Le  Consulat  ramena  un  peu  d'activilé  dans  la 
manufacture,  et  l'Empire  lui  rendit  toute  sa  pros- 
périté du  xvii<  siècle  par  des  commandes  multiples 
et  par  l'oetraî  d'un  budget  régulier  et  considé- 
rable. Percier,  Ventame  et  Lagrenèe  fournirent 
les  modèles  des  grands  ouvrages  qui  y  furent  ené- 


Le  IS  février  1836,  la  manufacture  royale  d« 
la  Savonnerie  quittait  les  vieux  bâtiments  de  Chail' 
lot,  ou  elle  avait  été  établie.  Elle  avait  été  rénnie 
par  ordonnance  du  roi  en  date  du  4  mai  18^  ft 
la  manufacture  des  Gobelins,  ou  elle  devint  un 
simple  atelier  spécial  sous  une  direction  unique. 
A  partir  de  ce  moment,  l'histoire  de  la  Savonnerie 
se  confond  avec  celle  des  Gobelins  et  n'a  plus  d'in- 
térêt ponr  nous,  puisque  cette  manufacture  est 
transférée  dans  nn  autre  quartier,  le  XUl*  arron- 
dissemeal,  dont  nous  n'avons  pas  i  nous  occuper. 
Nous  ne  devons  point  pour  cela  mépriser  la  Savon- 


nerie,  qai  complète  si  henrensemeat  la  mantirac- 
ture  Dationale  de  (apissertes  et  i]ui  a  produit  tant 
de  lermeiUes.  Sa  dieptritioD.  si  jamais  elle  avait 
lieu,  serait  oa  désastre  artistique  pour  uotre  pajrs. 
La  graTorequi  précède  reproduit  l'atelier  de  la 
SaTannerie  (1889)  k  la  manufacture  des  Gobelins, 
dont  il  formt  une  division  spédale. 

C'^FuNiiiDDErÊcLisEDEFtHiitEn  deFëiji. 


LOUIS  XIII  AU  XVI"  ARRONDISSEMENT 

Jeau  Héroard,  médecin  ordinaire,  rooseillei'  et 
secrétaire  de  Henri  IV,  pais  i^emier  médecindo 
dauphin  {l>onis  XUI),  a  noté  jour  par  jour  tes 
moiodres  faits  et  gestes  de  ce  dernier  et  auguste 
clientidepnb  le  jour  de  sa  naissance, 37  septembre 
1601,  jusqu'au  mois  de  janvier  1638.  Dans  le 


Louis  Xlll  en  i6a3. 


[Porlrsil  par  Sébasli 


grand  nombre  dr  menus  détails  relatés  i  son 
Journal,  on  en  trouve  d'assez  intéressants.  On  y 
aiiprend  entre  antres  choses  —  fait  précieux  pour 
l'histoire!  —  <\ae  Dotre  petit  dauphin  u'aimait 
pas  l'ail,  contrairement  i  son  père,  qui  en  abusait; 
qu'il  était  bien  souvent  fouetté  et  refonetté,  même 

Car  le  bon  roi  Henri  ;  c'était  alors  la  correction  à 
I  mode,  correction  que  le  petit  prince,  fort  vo- 
lontaire et  fortcolére,  ne  mentait  que  trop  souvent. 
Ce  qu'on  j  apprend  surtout,  c'est  qu'u  aimait  i 
venir  se  promener  et  chasser  dans  notre  région, 
et  Toici,  classées  chronologiquement,  le  détail  des 
diverses  visites  qn'il  nous  fit. 

Lesamedi  SSaoùtiSOi,  le  dauphin  coucheï 
Saint-Cloud  ;  le  lendemain  il  est  ramené  en  litière  i 
Paris.  Le  tlls  de  Sully,  accompagné  de  soixante 


277 

chevaui, vient  au-devant  de  lutïChaillot.HenrilV, 
qui  était  alors  i  Fontaineblean,  avait  envoyé 
1  ordre  à  Sully  de  faire  traverser  Paris  i  son  ttls 
pour  satisfaire  la  curiosité  des  Parisiens. 

Mercredi  iO  septembre  1608.  —  Le  dauphin 
arrive  i  Qiaillot.  dans  la  maison  de  Mme  la  com- 
tesse de  Cuichen  (la  belle  Corisande.  ancienne 
maltresse  de  son  père,  oCi  la  reine  Marguerite 
vient  le  voir.  U  reste  dans  cette  maison  jusqu'au 
vendredi  1  "î.  Le  jeudi  1 1 ,  il  était  sorti  par  le  parc, 
avait  poussé  jusqu'au  couvent  des  Bonshommes,  y 
était  entré  par  la  grande  porte  et,  après  avoir 
visite  le  cloître  et  ta  bibiothéque,  y  avait  entendu 
la  messe.  .\u  moment  de  sortir, les  Pèreslui  avaient 
oOert  deux  plats  de  prunes  et  un  de  leur  pain. 

Mercredi  i5  mars  ifi09.—  Le  dauphin  est  mené 
an  parc  du  château  de  Madrid,  qui  appartenuit 
alors  &  la  reine  Marguerite, [vemiére  femme  de  son 
père.  11  y  godte  cbez  le  concierge,  puis  se  rend  i 
i'abhaye  de  Longchamp. 

Vendredi  11  septembre  1609.  —  Le  dauphin, 
d'après  l'ordre  du  roi,  est  mené  i  Chaitlot  pour  y 
voir  son  frère  le  duc  d'Anjou  (1  )  et  Mesdames  ses 
sœurs,  qui  y  étaient  arrivées  la  veille.  Il  goAte  avec 
eux.  Henri  IV  et  Marie  de  Uédùis  viennent  In 
rejoindre.  Mais  la  petite  fête  de  famille  ne  fut  pas 
complète,  le  jeune  duc  d'Oriéans  (4)  ayant  dû  rester 
i  Saint-Germain,  retenu  par  un  Dui  de  ventre. 

Vendredi  HO  lumembre  1609. — Ledaupbinva 
courir  un  loup  dans  la  garenne  du  chiieau  de 
Madrid. 

JfUfJt/Jjiiniûr/fiyO.— Le  danphin  va  chasser 
dans  le  parc  du  château  de  Madrid  et,  moaté  sur 
sa  petite  baquenée  baie, «ourre  deux  lièiTes.  La  ploie 
et  la  grêle  surviennent;!!  ploppe  pour  pgmr  la 
cbltean,  mais  y  arrive  tellement  trempé  qu'il  lui 
faut  changer  dechemise.  L'orage  passé,  il  remonte 
ichevat  et  goûte,  toujours  à  cheval,  d'noe  petite 
tarte  de  massepain  et  de  marrons  rAtis  dont 
il  avait  garni  ta  pochette  à  son  départ  de  Paris. 

Samedi  S4  amJfâfO.— Ledauphinestmeoé 
en  carrosse  à  la  manufacture  de  tapis  de  la  savon- 
nerie (3).  La  concierge  lui  dit  tnalaoroitement  qu'il 
n'est  pas  grand  ponr  son  Ige  et  que  son  fils  à  elle 
est  [dus  grand  que  lai.  Il  sort  tout  en  colère,  mur- 
murant longtemps  de  U  remarqne  de  cette  femme. 
De  U,  il  se  rend  i  Autenil  au  jardin  de  l'abbé  de 
:  Sainte-tieneviève,  monte  à  cheval  et  ;  court  la 
poste,  M.  de  Itissay  faisant  le  postillon.  Puis  il  y 
goûte. 

Mardi  4  mai  IfilO.  —  Va  à  cheval  chasser  dans 
le  parc  du  chdleau  de  Madrid. 

Lundi  11  mai  m  10.  —  Sans  rancune  dupropoi 
de  la  concierge,  il  retourne  ila  Savonnerie. 

Trois  jours  après.  le  limai,  son  père  est  assas- 
siné, et  le  mli  roi  (4). 

Jeudi  10  juin  IGIO.  —  Le  te:nps  étant  très 


(1)  Gnaloniic  Fmnrc  Ir 
uni  pnr  la  tiiort  île  son  Ti 
i^ila  d»  litre  ilc  iluc  cl'Oi 

(i)  DciiiiL-ine    m»  de  1! 


le  iluuil'Urléunali^- 
1  IV.  qui  mourut  ea 


lmti«rorniùv  en  tniiniirnctiiro  di-   Inpla  A  In  liirque 

il  SB  lroiivnlt^iiri'i'mplai'i'm<-nlncru<-i(le  In    Me- 

iiiiti'nli'iTi.  nu  iiiini  île  Iljllv.— V.nrlkle  préccdent. 

^'^S    I.01IU  xlll  iiiulirut  OKiiltnient    un    il    m*l 


278 


HISTOIRE    DU    XVI**   ARRONDISSEMENT 


chaud, Louis,  XIU  s^embarque  le  soir  et  va  jusqu'à 
la  Savonnerie.  A  9  heures,  il  est  également  ramené 
par  eau. 

Mardi  22  juin  iôiO,  —  Louis  XIU  se  rend  en 
carrosse  à  la  SaTonnerie  et  s*y  fait  peser.  Poids  de 
Sa  Majesté  :  53  livres. 

Jeudi  i$  juillet  iSiO*  —  Mené  en  carrosse 
au  chftteau  de  Madrid,  il  y  chasse  le  liè?re  et  Toi- 
sean. 

Dimanche  i5  août  i6i0,  fête  de  V Assomp- 
tion. —  Louis  Xlll  est  mené  en  bateau  jusqu*à 
Chailiot,  et  ramené  au  Louvre  dans  son  petit 
carrosse  découvert,  traîné  par  six  bidets. 

Samedi  iS  et  mercredi  22  septembre  iôiO. 
—  Uest  mené  en  bateau  couvert  jusqu'au  couvent 
des  Bonshommes. 

Mercredi  i5  décembre  iôiO.  —  Louis  XIÏI 
est  conduit  en  carrosse  au  bois  de  Boulogne  pour 
chasser  le  loup.  11  en  prend  deux.  Ramené  à 
cheval,  et  tout  joyeux  de  sa  capture,  il  se  met  à 
jaser  avec  toutes  les  personnes  qu'il  rencontre, 
leur  demande  qui  elles  sont,  où  elles  vont,  etc., 
comme  faisait  son  père. 

Jeudi  23  décembre  i6i0. —  Chasse  deux  loups 
au  bois  du  château  de  Madrid  et  vole  une  cor- 
neille. 

Jeudi  i*^  mai  i6i4.  —  Va  entendre  les 
vêpres  au  couvent  des  Bonshommes,  puis  se 
rend  à  Auteuil,  au  jardin  de  M.Brouay;ilypèche 
dans  son  petit  vivier  et  déniche  des  merles. 

Mercredi  28  mai  i6I4.  —  Va  entendre  la 
messe  au  couvent  des  Bonshommes,  et  de  là  se 
rend  à  Saint-Cloud;  revient  par  le  bois  de  Boulo- 
gne, où  il  chasse  à  Tarquebuse,  tue  quelques  oiseaux, 
entre  antre  un  loriot  et  une  orfraie. 

21  octobre  i6i4.  —  Louis  XIU  est  déclaré 
majeur. 

Vendredi  i9  décembre  161  i.  —  Louis  XIU 
se  rend  à  Auteuil  pour  visiter  une  maison  qu'il 
désire  acheter;  il  y  joue  longtemps,  puis  va  se 
promener  au  parc  du  château  de  Madnd. 

Mardi  21  avril  10 il.  —  A  une  heure  et  demie, 
Louis  XIU  monte  en  carrosse  et  se  rend  au  cou- 
vent des  Bonshommes,  où  il  fait  conduire  de 
petites  pièces  de  canon  pour  tirer  aux  corneilles. 
Cette  nouvelle  sorte  de  chasse  lui  réussit  un  peu  ; 
il  en  tue  une. 

Samedi  15  juillet  1611,  —  Après  avoir 
donné  audience  aux  ambassadeurs  de  Venise  et  de 
Savoie,  Louis  XIU  se  rend  au  couvent  des  Bons- 
hommes où  il  goûte,  boit  du  vin  clairet  (1)  et  de 
Teau  dans  son  chapeau,  et  fait  boire  ainsi  M.  de 
Guise  et  autres. 

Mardi  25  juillet  1611.  —  Louis  XIU  se  dirige 
vers  le  couvent  des  Bonshommes  et,  pour  la  pre- 
mière fois  depuis  qu'il  est  roi,  se  baigne  à  la 
rivière,  ce  qui  lui  réussit  assez  mal,  car  il  en  revient 
enroué. 

Jeudi  18  janvier  1618,  —  Louis  XIU  sort  de 
Paris  par  la  Porte-Neuve  (2),  va  à  pied  jusqu'à 
Chailiot,  faisant  mener  son  petit  canon  par  ses 


(1)  Ce  vin  clairot  devait  probohlomonl  provi'iiir 
des  coteaux  de  la  rue  Vineuse,  apportenant  alors 
aux  Bonshommes* 

(a)  Porte  flnnciuéc  d'une  haute  tour,  qui  séparait 
le  Louvre  des  Tuileries  A  la  hauteur  du  guichet 
du  Carrousel. 


petits  gardes  suisses.  U  se  rend  chez  M.  de  Cas- 
tille,  qui  lui  lait  faire  une  collation  et  lui  donne 
des  petits  canons  de  fer,  fabriqués  en  Suisse.  Le 
lendemain,  il  va  visiter  entièrement  le  château  de 
Madrid,  pour  y  faire  choix  d'un  logement  où  il 
vient  s'installer  le  mardi  suivant.  De  là,  le  jeudi 
!25  janvier,  il  va  se  promener  dans  le  bois  jusqu'au 
pavillon  de  la  Muette,  tenant  on  émérillon  sur  le 
poing  ;  le  lundi  S9,  reçoit  les  Notables  qu'il  avait 
fait  venir  de  Bouen,  où  ils  étaient  assemblés,  et 
leur  donne  brusquement  leur  congé,  sans  que  l'édit 
qui  devait  répondre  à  leurs  cahiers  eût  été  rendu. 
Le  mercredi  34,  il  va  visiter  la  Volerie  (i)  de 
Lonffchamp 

Mardi  23  Juin  1620,  —  U  se  rend  à  pied  des 
Tuileries  à  1  lie  qui  se  trouve  vis-à-visdu  couvent 
des  Bonshommes,  et  y  tue  à  l'arquebuse  une  grande 
quantité  de  gibier.  Mis  en  goût,  il  y  revient  deux 
jours  après,  passe  à  Grenelle,  revient  pourpasser 
l'eau,  fait  dételer  d'un  chariot  un  cheval  aveugle, 
l'attache  à  son  petit  bateau  qu'il  faisait  toujours 
porter  dans  une  charrette,  se  met  dedans,  le  fait 
tirer  par  le  cheval  en  amont  de  la  rivière;  mais 
cet  animal,  se  sentant  battu  aux  jambes,  se  met  à 
courir  et  à  s'écarter,  si  bien  que  le  bateau  se  fût 
renversé,  si  le  sieur  de  Kéaux,  lieutenant  des 
gardes  du  corps,  ne  se  fût  empressé  de  couper  la 
cordfi 

Dimanche  28  juin  1620,  —  Va  tirer  de 
l'arquebuse  dans  l'Ile  Maquerelle  (ancienne  lie  des 
Cygnes). 

Mardi  30  juin  1620,  —  Retourne  à  l'Ile 
Maquerelle  et  s  y  baigne  (cette  fois,sans  s'enrouer). 

Lundi  31  mai  l827,  —  Va  souper  à  Auteuil. 

Mercredi  16  juin  1627,—  Retourne  à  Auteuil, 
où  il  dine  chez  M.  Coquet,  commissaire  général  de 
sa  maison. 

—  Ici  s'arrête,  pour  nos  recherches  locales, 
le  journal  d'Héroard.  Ce  fidèle  serviteur  du  roi 
tomba  malade  au  camp  devant  la  Rochelle,  et  y 
mourut  le  8  février  1G28, âgé  de  soixante-dix-huit 
ans.  De  tout  ceci,  il  ressort  que  le  jeune  Louis  XUI 
avait  une  passion  réelle  pour  la  chasse  et  qu'à 
cette  époque,  les  loups,  les  orfraies,  les  lièvres,  les 
corneilles,  les  loriots  étaient  en  assez  grand 
nombre  au  boisdeBoulogne,cequi  explique  la  pré- 
dilection du  jeune  prince  pour  cette  promenade. 
Loups  et  orfraies  ont,  par  bonheur, complètement 
disparu  du  bois.  On  aurait  peut-être  quelque  peine 
à  y  rencontrer  de  vrais  lièvres;  mais  les  fameux 
coniU,  c'est-à-dire  les  lapins,  qui  osaient  s'aven- 
turer alors,  et  pour  leur  malheur  Jusqu'à  Chail- 
iot, y  sont  encore  en  assez  grand  nombre.  Le 
gibier,  comme  on  l'a  vu,  ne  manquait  pas  non 
plus  dans  l'ancienne  Ile  des  Cygnes,  ainsi  que  dans 
celle  qui  se  trouvait  vis-à-vis  du  couvent  des 
Bonshommes.  On  a  ddt  remarquer  que,  dans  le 
récit  des  pérégrinations  du  jeune  roi,  il  n'est  nulle- 
ment parlé  de  Passy  ;  c'est  qu'alors  ce  village 
n'était  qu'à  l'état  embryonnaire,  tandis  que  ses 
voisins,  Âoteuil  et  Chailiot,  avaient  déjà  une  cer- 
taine importance. 


(1)  Lieu  où  on  mettait  les  oiseaux  do  proie  dres- 
sés pour  l'espèce  de  chasse  qu'on  appelait  alors 
lii  Volerie..  Le  dur  de  Luynes.  favori  (le  Louis  Xlll, 
exct^llail  à  dresser  ces  oiseaux. 


ANNEXES 


279 


TermÎDOiis  pal*  quelques  notes  complémentaires 
snr  Lonis  XIII,  qoi  nous  le  feront  peut-être  encore 
mieux  connaître  que  les  faits  au  jour  le  jour  ra- 
contés un  peu  sèchement  par  Héroard.  Disons 
d*abord  que  la  confiance  dans  Fastrologie  judi- 
ciaire était  tellement  grande  au  moment  ae  sa 
naissance,  qu*ii  dut,  dit-on,  son  sumon  de  Juste 
au  hasard  qui  Favait  fait  naître  sous  le  signe  de  la 
Balance  —  5e  non  è  vero,  è  bene  trovato,  — 
Quant  à  nous,  nous  attribuons  plutôt  Forigine  de 
ce  surnom  à  sa  grande  déyotion.  Louis  XIII  était 
fort  adroit  de  ses  mains.  €  On  ne  saurait,  dit 
Tallemant  des  Réaux,  compter  tous  tes  beaux 
métiers  qu*U  apprit,  outre  tous  ceux  qui  con- 
cernent la  chasse  ;  car  il  tauait  faire  des  ca- 
nonsdecuir^des  lacets,des/ilets,des  arquebuses, 
de  la  monnaie.  —  Il  était  bon  confiturier, 
bon  jardinier;  il  fit  venir  des  pois  verts  de  pri- 
meur, qu'il  envoya  vendre  au  marché.  Il  rasait 
bien  et,  un  jour,  il  coupa  la  barbe  à  tous  ses 
officiers.  Il  cofiiposait  en  musique  et  peignait 
un  peu.  Son  dernier  iiétier  fut  de  faire  des 
châssis  avec  son  favori,  le  duc  de  Luynes.i^ 
A  noter  aussi  son  goût  pour  les  échecs,  {;oût  telle- 
ment prononcé  qu  il  s'était  fait,  ou  fait  faire  un 
échiquier  spécial  qui  loi  permettait  d'y  jouer,même 
en  carrosse,  sans  redouter  les  mouvements  du 
Yéhicule.  Enfin,comme  dit  une  de  ses  épitaphes  de 
fantaisie  : 

Il  eut  cent  verlii»  de  valets, 
Et  pa!4  une  de  maître. 

Léopold  Mar. 


DOCUMENTS  DÉPOSÉS  DANS  LES  ARCHIVES 

DE   LA    SOCIÉTÉ    HISTORIQUE 

D'AUTEUIL  ET  DE  PASSY 

A  la  distribution  des  prix  du  petit  lycée  Janson- 
de-Saill}r,  le  !28  juillet  1892,  M.  Perrens,  membre 
de  l'Institut,  inspecteur  général  honoraire  de  Tins- 
traction  publique,  a  prononcé,  comme  président  de 
cette  solennité,  quelques  paroles  qu'il  nous  appar- 
tient de  signaler.  Pressentant  la  voie  dans  laquelle 
la  Société  historique  s*en^age  de  plus  en  plus 
chaque  jour,  il  a  invité  ses  jeunes  auditeurs  à  lire 
avec  intelligence  les  plaques  bleues  des  rues  de 
notre  quartier  pour  y  suivre  tout  un  cours  d'his- 
toire, de  littérature  et  de  beaux-arts.  Après  avoir 
parlé  de  Passy,  il  a  célébré  Auteuil  «  peuplé  de 
grands  noms  et  de  grands  souvenirs  ».  Tout  au 
plus  me  permettrai-je  de  formuler  une  seule  ré- 
serve. M.  Perrens  approuve  trop,  à  mon  sens,  — 
et  je  ne  serai  pas  le  seul,  je  crois,  de  cet  avis,  parmi 
les  membres  de  la  Société,  —  il  excuse  trop  l'ha- 
bitude que  l'on  a  prise  de  remplacer  de  nos  jours 
tous  les  anciens  noms  par  des  appellations  nouvelles. 
Il  a  fait  avec  esprit  le  procès  du  Paris  antédilu- 
vien de  sa  jeunesse,  —  c'est  lui  qui  parle  —  mais 
j'avoue  qu'il  ne  m'a  pas  convaincu  quand  il  a  plai- 
santé ces  vieilles  dénominations  si  pittoresques  et 
si  colorées,  qui  avaient  leur  charme,  et  dont  le 


moindre  mérite  était  de  rappeler  à  tous  un  passé 
dispara. 

Prenant  Paris  dans  sa  constitution  topographique, 
M.  de  Ménorval,  dans  son  ouvrage  Paris  depuis 
ses  origines  jusqu'à  nos  jours,  est  appelé  à  par- 
ler du  raisseau  qui  prend  sa  source  au  bas  des 
hauteurs  de  Ménilmontant,  passe  au  nord  des  grands 
boulevards,  irrigue  les  cultures  maraîchères  des 
faubourgs  Saint-Martin,  Saint-Denis,  Montmartre, 
Saint-Honoré  et  vient  se  jeter  dans  la  Seine  au  bas 
de  Chaillot.  Au  xvii^'  siècle,  ce  cours  d'eau  s'ap- 
pelle le  raisseau  des  Porcherons  ;  en  1737  et  1750, 
revêtu  de  murs  et  voûté,  il  devient  le  grand  égout. 
C'est  sur  ses  bords,  aux  Porcherons,  que  Rampo- 
neau  tenait,  vers  1760,  le  cabaret  de  la  Grande- 
Pinte, 

Pour  les  temps  préhistoriques,  à  l'époque  de 
l'âge  de  pierre,  notre  savant  confrère  signale  la 
découverte,  à  l'Ile  des  Cygnes,  d'une  barque  mo- 
noxile,  c'est-à-dire  creusée  dans  un  seul  tronc 
d'arbre. 

Puis,  lorsqu'il  parle  de  l'étymologie  du  nom 
d'un  quartier  voisin,  le  Gros-Caillou,  qui,  d'après 
Jaillot,  viendrait  d'une  borae  servant  de  limite 
entre  les  seigneuries  de  Saint-Germain-des-Prés 
et  de  Sainte-Geneviève,  dont  nous  dépendions, 
M.  de  Ménorval  dit  que  cette  pierre  levée  peut 
parfaitement  avoir  été  une  borae,  après  avoir  été, 
dans  le  principe,  un  monument  mé^lithique. 

Nous  en  sommes  bientôt  à  l'histoire  de  la  Gaule 
et,  ainsi,  à  une  question  qui  a  déjà  été  soulevée 

Earmi  nous  :  je  veux  dire  la  lutte  sous  Paris  de 
abiénus  et  de  Camulogène.  Au  mois  de  mai  de 
l'année  5i2  avant  Jésus-Christ,  tandis  que  César 
était  occupé  sous  Gergovie  par  Vercingétorix,  La- 
biénus,  son  premier  lieutenant,  fut  charaé  de  s'em- 

{)arer  de  Lutèce  et  de  battre  le  chef  oes  Parisii, 
e  Gaulois  Camulogène.  Arrêté  au  bout  de  cinq 
marches,  à  son  départ  de  Sens  pour  Lutèce,  par 
la  rive  gauche  de  l'Yonne  et  de  la  Seine,  Labiénus 
dut,  le  sixième  jour,  rétrograder  jusqu'à  Melun. 
\Â,  après  un  jour  de  repos,  et  devenu  maître  d'un 
équipage  de  pont,  il  reprit  la  route  de  Paris,  par 
lu  rive  droite,  cette  fois.  Le  huitième  jour,  Labiénus 
était  campé  vers  le  Ch&telet  ;  Camulogène,  qui  avait 
brûlé  Lutèce  et  coupé  les  ponts,  était  en  face  de 
lui,  de  l'antre  côté  de  la  Seine,  vers  le  Luxembourg. 
Pressé  par  les  mauvaises  nouvelles  qui  lui  arrivent 
de  César,  Labiénus  se  décide  à  une  action  immé- 
diate ;  il  feint  de  remonter  la  Seine  vers  Juvisy 
ou  Corbeil,  tandis  que  le  gros  de  ses  troupes  des- 
cend jusqu'à  Auteul.  (V,  plus  loin  p.  49a.) 

Le  neuvième  jour,  vers  trois  heures  du  matin, 
sub  luce,  les  Romains  passent  le  fleuve  et,  au 
point  du  jour,  la  bataille  s'engage  dans  la  plaine 
de  Grenelle.  Les  Gaulois  sont  défaits  et  un  instant 
poursuivis  par  la  cavalerie  romaine.  Les  troupes 
de  I.abiénus  repassent  la  Seine  sur  le  pont  de  ba- 
teaux d' Auteuil  et  reprennent  par  la  rive  droite 
la  route  de  Sens.  Camulosène  avait  été  tué  dès  le 
début  de  l'action.  M.  de  Ménorval  voudrait  lui  voir 
élever  une  statue,  dominant  la  Seine,  à  la  pointe 
occidentale  de  l'Ile  des  Cygnes.  La  Société  pour- 
rait, lors  de  la  construction  prochaine  du  pont 
Mirabeau,  reprendre  l'idée  de  M.  de  Ménorval,  en 
demandant  que  la  statue  du  chef  gaulois  soit  éri- 
gée sur  ce  point  de  notre  territoire.  Grâce  au  do- 


28o 


HISTOIRE    DU    XVl^   ARRONDISSEMENT 


cornent  nouveau  que  nous  apporte  M.  de  Ménorval, 
Toici  un  chapitre  romain  à  ajouter  à  Thistoire 
d'Auteuil.  Puisse-t-il  tenter  un  de  nos  confrères  ! 

Nous  passons  vite  sur  l'étymolone  que  l'histo- 
rien attribue  à  Passy.  Pacciacus,  dit-il,  serait  le 
domaine  d*un  Gallo-Romain,  nommé  Paccius.  11 
nous  appartient  de  lui  signaler,  sans  prendre  parti, 
une  autre  étymologie  :  Passus  ad  aquas^  puis 
Passy-les-Ëaux,  et  aujourd'hui  encore  le  passage 
des  eaux. 

Nous  arrivons  ainsi  à  cet  aqueduc  d'Auteuil  qui 
fut  coupé  par  les  Normands,  lors  du  fameux  siège 
de  886.  «  Dès  le  milieu  du  iii°  siècle,  dit  M.  de 
Ménorval,  un  aqueduc  conduisait  les  sources  d'Au- 
teuil à  quelque  grand  établissement  thermal  situé 
dans  le  profond  déblai  qu'occupe  aujourd'hui  le 
Jardin  du  Palais-Royal,  au-dessous  des  rues  de 
Richelieu,  des  Petits-Champs  et  des  Bons-Enfants.  > 

J'aborde,  enfin,  la  question  de  l'emplacement 
de  la  Justice  des  Génovéfains,  seigneurs  d'Auteuil, 
et  c'est  ici  qu'éclate  l'importance  des  sociétés  his- 
toriques comme  la  nôtre  qui,  dès  leurs  premiers 
jours  d'existence,  peuvent  apporter  à  des  ouvrages 
aussi  consciencieux  que  celui  que  j'étudie  un  sup- 
plément d'informations.  M.  de  Ménorval  rapporte 
qu'en  i295  le  bailli  de  l'abbaye  de  Sainte-Gene- 
viève condamna  à  être  enterrée  vive  une  femme 
accusée  de  vol,  Marie  de  Romainville.  Sept  ans 
après,  Amelotte  de  Cbristeuil  subit  la  même  peine 
pour  avoir  dérobé  une  cotte  et  quelques  bijoux. 
Notre  histoire  locale  nous  apprend  qu'Auteuil  avait 
le  triste  privilège,  dû  sans  doute  à  son  éloignement 
de  Paris,  d'être  le  théâtre  de  ces  cruelles  exécu- 
tions. Les  fourches  d'Auteuil,  d'après  les  anciennnes 
cartes,  étaient  sur  la  route  de  Versailles,  et  c'est 
encore  là  qu'était  la  potence  qui  fut  détruite  lors 
de  la  Révolution.  Quant  à  la  justice  de  l'évèque 
de  Paris,  elle  était  à  Saint-Cloud,  Philippe- Au- 
guste ayant  défendu  au  prélat  par  l'accord  de 
Melun  (1^222)  de  faire  exécuter  aans  la  banlieue 
même  de  Paris. 

(Extrait  de  documents  déposés  en  i892  par 
M,  Antoine  Guillois  sur  le  bureau  de  la  So- 
ciété  historique  d*Auteuil  et  de  Passy.) 


FONDATION    DE  LA  PAROISSE  DE  PASSY 

Etablissement  des  deux  premières  écoles. 
Revenus  de  la  paroisse  en  1757. 


baptiser  la  rue  Gat ami  actuelle,  pour  reporter  ce 
nom  à  Autenil,  où  il  serait  mieux  à  sa  place,  et 
de  lui  donner  celui  de  Claude  Chahn  (i),  le 
généreux  seigneur  de  Passy  uni,  de  ses  deoiers, 
ht  élever,  en  1666,  l'église  ae  ce  lieu,  la  dota, 
fit  faire  tons  les  ornements  nécessaires  à  la  célé- 
bration du  service  divin  et  prodi{[ua  ses  efforts 
pour  la  faire  ériger  en  paroisse  indépendante, 
efforts  qui  ne  furent  couronnés  de  succès  qu'après 
sa  mort,  griice  à  la  ténacité  de  sa  veuve,  Chris- 
tine Chrestienne  de  Heurtes.  C'est  de  cette  époque, 
en  effet  (i67S),  que  datent  le  rapide  accroissement 
et  la  prospérité  de  Passy  (2),  qui,  jusque-là, 
n'était  véritablement  qu'un  village  compose,  pour 
la  plus  grande  partie,  de  laboureurs,  de  vigne- 
rons, de  tuiliers,  de  cabaretiers,  et  de  beaucoup 
de  lapins.  C'est  donc  à  juste  titre  qu'on  peut  con- 
sidérer M.  et  Mme  Chahu,  comme  les  preoiiers 
bienfaiteurs  et  presque  les  fondateurs  de  cette 
commune. 

Claude  Chahu  était  conseiller  du  roi  en  ses 
conseils,  trésorier  de  France  et  général  de  ses 
finances  en  la  généralité  de  Paris.  A  quelle  date 
devint-il  seigneur  du  lieu  ?  on  l'ignore  ;  toujours 
est-il  qu'il  1  était  sûrement  en  4664,  et  probable- 
ment auparavant.  Son  château  ou  manoir  seigneu- 
rial, dont  on  peut  lire  une  élogieuse  descnption 
dans  la  Lettre  poétique  à  M.  des  Yoeteauœ,  du 
Père  Lemoine,  de  la  Compagnie  de  Jésus,  était 
situé  sur  l'emplacement  de  la  rue  Boulainvilliers 
actuelle;  il  fut  entièrement  reconstruit  en  1678, 
et  démoli  en  48*26  (3).  Outre  ce  chftteau,  M.  et 
Mme  Chahu  avaient  hôtel  à  Paris,  rue  Saint- 
Honoré,  sur  le  territoire  de  Saint-Roch,  et  non 
loin  du  couvent  des  Jacobins,  auxquels  ils  avaient 
donné,  pour  une  certaine  fondation,  4.!£00  livres 
de  rente,  le  '22  août  4664.  Claude  Chahu 
mourut  le  S  janvier  4670.  Sa  veuve,  Christine 
Chrestienne  de  Heurles,  était  fille  de  Philippe  de 
Heurtes,  seigneur  de  Potronville,  conseiller  et 
maître  d'hôtel  ordinaire  du  roi,  et  de  dame 
Anne  de  Vassault.  Elle  conserva  encore  quelques 
années  la  jouissance  du  château  et  de  la  seigneu- 
rie, et  quand  elle  eut  bien  assuré  la  vitalité  de  la 
nouvelle  paroisse  et  des  écoles,  céda  ledit  châ- 
teau et  se  retira  définitivement,  en  4673,  en  son 
hôtel  de  Paris,  où  elle  était  encore  en  4684. 
Mme  Chahu  fut  inhumée  dans  le  chœur  de 
l'église  de  Passy  (4). 

Passons  maintenant  à  l'histoire  assez  mouve- 
mentée de  l'établissement  de  cette  église. 

Vers  la  fin  du  xyi**  siècle,  on  seigneur  de  Passy 
avait  fait  élever  une  petite  chapelle  dédiée  à 


d'après  ij^s  documents  officiels  conservi^is  aux 

ARCHIVES  DE  l'ÉGLISE  DE  PASSY,  COMMUHIQUÉS  PAR 
M.  l'abbé  DOUVAIN,  CURÉ  ACTUEL  (4). 

Récemment,  notre  confrère,  M.  Emile  Potin, 
proposait  à  notre  Société  d'émettre  le  vœu  de  dé- 


(i)  Quillct  a  fort  hien  résumé  ces  doruinents 
dana aesChronique.'i  de  Passy^  devenues  1res  rares; 
mais  j'espère  qu'on  ne  sera  pas  fâcliê  de  les 
Irouverici.  beauconu  plus  au  long,  et  d'autres  en 
plus,  tout  è  fait  inéaits. 


(i)  Claude  Chahu,  car  aucun  des  acles  notariéd 
que  j'ai  sous  les  yeux  ne  comprend  la  particule. 

(a)  La  découverte  de  ses  eaux  minéroles  ne  fut 
pas  sans  y  coniribuer  un  peu. 

^3)  Nous  donnerons  prochainement  la  liste  des 
seij;neurs  de  Passy  qui  l'occupèrent  successive- 
ment, ainsi  que  celles  des  curés  de  cette  loca- 
lité, etc. 

(/i)  Son  portrait,  peint  en  1672,  d'après  nature, 
appnrlienlà  l'c^lise  de  Passy  et  a  été  lithographie 
en  i836,  pour  être  rais  en  tète  des  Chroniques 
de  f*nssy,  de  (juillet.  —  C'est  d'après  celle  liliio- 
grjiphir  assez  mauvaise,  mais  ressemblante,  que 
nous  avons  i's»*ayédc  faire  revivi*u  la  Dame  et  fon- 
dai rire  de  Pasuy.' 


Notre-Dame  de  Grèce,  nais  celte  chapeHe  (ea 
bois,  dil-on)  élaut  deTOnne  insuffisante  sons  toDS 
les  rapports,  le  33  novembre  IStiB,  messire 
Clande  Chahu  el  Otrestienne  de  Heurtes  s'enga- 
cèrent,  par  deianl  notaire,  i  faire  élever  à  leurs 
frais  un  nouTean  sanetuiiire  et  i  le  doter  de 
166  liTres  13  sols,  4  deniers  de  rente  ao- 
nnelle,  pour  la  subsistance  da  prêtre  qni  la  des- 
Mrrirait.  Les  babilants  do  Pasay  promirent,  de 
learcAté,  150  lirres  par  an,  plus  le  logement  et 
les  meubles  nécessaires  au  desserrant  qui,  muyea- 
nsnt  CM  conditions,  devait  s'engager  i  dire  qua- 
tre messes  par  semaine,  y  compris  les  fêtes 
et  dimanches,  Â  tenir  l'école  des  garçons  et  i 
leur  enseigner  le  catécbisme.  {tuant  au  casnel  des 


Claude  Chaha  ayant  érigé  ladite  église  de 
Passy  en  soccursale  pour  le  soulagement  des  dits 
habitants,  ils  aTaient  mis  les  choses  en  tel  état 
par  leurs  soins,  que  le  service  divin  s'y  faisait 
avec  toute  la  décence  et  t'édiRcation  qu'il  se  pon- 
Tait  désirer,  de  sorte  qu'ils  avaient  lieu  d'espérer 
que  ledit  sieur  curé  de  la  paroisse  d'Anleni)  an- 
niit  sajet  d'être  satisfait  devoir  qne  Dieu  en  était 
glorilié  et  les  peuples  soii;neusemenI  assistés  du 
spirituel  ;  mais  que  la  jalousie  des  dits  habilanls 
d  Anieuil  ayant  susfilé  depuis  deux  ans  plnsiews 
troobles  et  procès  entre  eux  et  lesdits  habitants 
de  Passy  ;  et  les  demandeurs  voyant  les  pebes 
Qu'ils  avaient  d'aller  aux  fêtes  principales  en 
1  église  d'Auteail.  à  cause  du  mauvais  ctemin  et 


GhriPlinc  de  Heurleu,  dame  Cliahu. 


baptêmes,  nuriages  et  enterrements,  il  devait  re- 
venir au  curéd'Autenil,  la  nouvelle  ^liaen'étant 
qu'une  succursale  de  celle  de  ce  village.  Les  tra- 
vaux de  construction  de  l'église,  déjà  commencés 
en  iH&S,  dorèreat  pen,  sans  doute,  car  elle  ne  se 
composa  d'abord  qne  d'une  nef  et  d'une  aile  gau- 
che, conduisant  i  la  chapelle  de  la  Vierge.  Us 
choses  allèrent  ainsi  jusqu'à  la  mort  de  Claude 
Chahu;  mais  nous  voyons  qne,  six  mois  après,  il 
j  ent  instano)  entre  l^restienne  de  Heorles,  sa 
venve.  demandant  que  l'église  de  Passr,  succur- 
sale d'Aateuil,  fat  érigée  en  paroisse,  a  une  part, 
Cl  François  Loyseau.  curé  d'Autenil,  les  doyens, 
chanoines  et  chapitre  de  Sainl-Germaio-l'Auxer- 
rois,  cnrés  primitifs  et  présentateurs  de  laditecnre 
d'Auteuil.  opposants  k  ladite  érection,  d'autre 
part.  Dans  la  requête,  présentée  le  13  juillet  1670 
à  l'archevpqae  de  Paris  par  la  dame  Chahu,  les 
■nargoilUers  et  les  habitants  de  Passy,  il  est  dit 


du  débordement  des  eaox  qui  s'y  rencoDtreut 
quelquefois,  les  querelles  et  les  inimitiés  que  les 
habitante  d'Auteuil  et  ledit  curé  exerçaient  contre 
eux  t  cause  des  fonctions  qui  se  doivent  faire  en  la 
dite  église  succursale,  et  l'assujettissement  qu'ils 
avaient  d'aller  prendre  ledit  curé  à  Aoteuil  pour 
les  mariages,  baptêmes  et  enterrements  i  faire 
an  dit  Passy,  pour  lui  demander  s'il  en  voulait 
venir  faire  les  fonctions;  à  qnoi  ne  fatisfaisant 
pas  assex  ponctuellement,  les  conviés  s'en  retour- 
naient sans  rien  faire,  en  sorte  que  les  enfants 
étaient  en  danger  de  mourir  sans  baptême,  et  les 
autres  sans  être  administrés  des  sacrements. 

Sur  ce,  les  demandeurs  offrent  de  doter  la  fu- 
ture pamisse  d'un  fonds  snfUsant  pour  la  subsis- 
tance du  curé,  et  d'indemniser  le  curé  et  la  fa- 
bnque  d'Auteuil. 

(.'arthevéqne  de  Paris  fit  faire  une  enquête  de 
comnwdû  et  incommoio,  assigna  les  parties  à  s« 


282 


HISTOIRE    DU   tVl"   ARRONDISSEMENT 


réunir  le  jeudi  24  juillet,  à  9  heures  du  matin, 
dans  réalise  de  Passv,  pour  être  entendues  con* 
ti'adictoirement,  et,  le  30  octobre  suivant,  auto- 
risa rérection  de  Téglise  succursale  en  parois- 
siale,  à  la  condition  expresse  d'indemniser  le  curé 
et  les  marguilliersd*Auteuil,  ainsi  que  le  chapitre 
de  Saint-Germain-rAuxerrois.  De  plus,  le  nitur 
curé  de  Passy  et  ses  successeurs  ne  devront  pré- 
tendre en  rien  aux  dîmes  grosses  et  menues  do 
leur  village,  et  les  demandeurs  seront  tenus  d*en- 
tretenir  f  église,  chœur,  nef  et  cloches  de  toutes 
réparations,  et  des  livres,  linges,  calicots  et  or- 
nements nécessaires  an  culte. 

Mais  le  chapitre  de  Saint-Germain-l'Auxerrois, 
très  jaloux  de  ses  droits,  ne  voulut  pas  se  sou- 
mettre à  la  sentence  de  rOfBcial  de  Paris  et  en 
appela  devant  le  Parlement  comme  à*abus.  Le 
17  janvier  1671,  la  Cour  ayant  dit  qu'il  n'y  avait 
pas  abus,  condamna  les  appelants  aux  dépens  et 
à  l'amende  simple.  Enfin,  le  17  avril  suivant,  il  y 
eut  transaction  entre  eux  et  la  dame  Cfaahu. 
Par  décret  du  18  mai  1676,  l'archevêque  de  Pa- 
ris érigea  l'église  succursale  de  Passy  en  parois- 
siale, sous  le  vocable  de  Mre-Dame'de-Grdce, 
devant  être  desservie  à  perpétuité  par  les  reli- 
gieux Barnabites  du  prieuré  de  Saint-Eloi  de  Pa- 
ris, sis  devant  le  Palais  de  justice.  \j6  l***  juin 
suivant,  accord  entre  les  Barnabites  et  le  chapitre 
de  Saint-Germain-l'Auxerrois  qui  se  réserve,  en 
qualité  de  curé  primitif,  d'officier  à  Passy,  si  bon 
lui  semble,  le  ^5  mars,  jour  de  l'Annonciation, 
décrété  fête  patronale  de  la  nouvelle  paroisse  (1), 
ainsi  que  la  veille  aux  premières  vêpres,  sans 
toutefois  rien  prétendre  aux  offrandes  et  oblations. 
Le  13  avril  1672,  toutes  les  parties  se  mettent 
d*accord;  le  chapitre  de  Saint-Germain-l'Auxer- 
rois,  le  curé  d'Auteuil  et  ses  marguilliers  con- 
sentent définitivement  à  l'érection  de  l'église  suc- 
cursale de  Passy  en  paroissiale,  en  la  forme  et 
manière  que  Mgr  l'archevêque  de  Paris  jugera  la 
plus  utile  à  l'église,  à  la  charge  de  la  conserva- 
tion des  droits  du  chapitre  et  de  l'indemnité  à  la 
cure  et  fabrique  d'Auteuil.  Le  chapitre  de  Saint- 
Germain-l'Auxerrois  continuera  aonc  à  toucher 
les  dîmes  grosses  et  menues,  sans  être  obligé  à 
l'entretien  du  chœur  de  l'ôglise  de  Passy,  ni  à  four- 
nir les  ornements  et  livres  de  ladite  église,  ni  de 
contribuer,  en  aucun  cas^  à  la  portion  congrue. 
Quant  an  curé  d'Auteuil  et  à  ses  successeurs,  ils 
seront  indemnisés  par  une  somme  de  60  livres 
par  an,  et  la  fabrique,  par  15  livres,  qui  leur  se- 
ront payées  par  les  seigneurs  de  Passy,  sur  les 
fonds  et  rentes  dont  ils  ont  doté  ou  doteront  la 
cure...  Le  droit  de  nomination  du  curé  est  dé- 
volu à  Mme  Ghahu,  fondatrice  et  patronne,  et, 
perpétuellement,  aux  seigneurs  de  Passy,  ses  suc- 
cesseurs, qui  l'indiqueront  aux  doyen,  chanoines 
et  chapitre  de  Samt-Germain-l'Auxerrois,  les- 
quels seront  obligés  de  le  présenter  à  l'arche- 


vêque de  Paris,  qui,  seul,  pourra  lui  accorder  oa 
refuser  l'institution.  Le  29  avril  1672,  M.  de  la 
Brunetîère,  grand  vicaire  de  l'archevêque  de  Pa- 
ris, est  envoyé  à  Passy  pour  y  faire  une  dernière 
enquête  sur  l'utilité  de  l'érection  eo  paroisse,  il 
la  déclare,  dans  son  procès-verbal,  très  utile  et 
nécessaire  :  //  faut  même,  dit-il,  unir  ladite 
cure  à  quelque  communauté  ecclésiastique, 
afin  qu'elle  soit  mieux  desservie  (1)  et  que 
les  jn-inctpes  de  la  religion  chrétienne,  qui  y 
étaient  fort  mal  pratiqués,  à  cause  des  dé- 
bauches continuelles  qui  se  font  au  dit  lieu  de 
Passy,  y  fussent  rétablis,  etc... 

f..es  4  et  5  mai  suivant  a  lieu,  par  devant  no- 
taire, la  transaction  de  Mme  Ghahu  avec  ks 
Barnabites  ;  entre  autres  choses,  il  est  dit  dans 
Tacte  que  €  la  fondation,  construction  et  dotation 
de  l'église  paroissiale  à  Passy  a  été  faite  en  vue 
de  la  plus  grande  gloire  de  Dieu  et  pour  la  néces- 
sité du  salut  des  habitants  du  dit  villase,  composé 
d'un  grand  nombre  de  manants,  dans  Te  voisinage 
et  presque  aux  portes  de  la  ville  de  Paris,  lieu  par 
conséquent  fréquenté  et  rempli  de  beaucoup  de 
cabarets.  »  Un  peu  plus  loin,  on  ajoute  que  la 
dame  Ghahu  a  jeté  les  yeux  sur  la  communauté 
des  R.  P.  Barnabites  c  pour  la  bonne  odeur  qu'ils 
répandent,  à  cause  de  leur  grande  vertu  et  piété, 
tant  en  cette  ville  de  Paris  qu'en  tous  les  autres 
lieux  de  leur  établissement.  »  Par  cet  acte, 
Mme  Ghahn  assure  8.000  livres  pour  la  dota- 
tion de  la  cure,  et  donne  la  maison  servant  de 
presbytère  (2).  Gomme  fondatrice  et  patronne, 
elle  se  réserve,  à  l'église  de  Passy,  les  droits  ho- 
noriGques,  ainsi  quà  ses  successeurs,  les  sei- 
gneurs du  dit  lieu,  et,  en  cette  qualité,  €  ils  se- 
ront recommandés  au  prône,  à  perpétuité,  pourront 
faire  mettre  litres  et  ceintures  funèbres,  tant  de- 
dans que  dehors  l'église,  auront  séance  dans  le 
chœur  de  ladite  église,  au  lieu  qu'ils  jugeront  le 
plus  honorable,  jouiront  du  droit  de  sépulture 
dans  le  susdit  chœur,  pour  eux  et  leurs  enfants, 
du  droit  de  pain  bénit,  du  pas  à  la  proces- 
sion, etc.,  etc.  » 

Enfin,  le  16  mai,  sont  données  les  lettres  pa- 
tentes du  roi,  datées  du  château  de  Saint-Germain- 
en-Laye,  confirmant  l'établissement  définitif  de  la 
cure  de  Passy,  signées  de  la  reine  Marie-Thérèse, 
de  Golbert  pour  le  Roi, et  scellées  du  grand  sceau 
de  cire  verte  en  lacs  de  soie  rouge  et  verte.  Ges 
lettres  patentes  furent  enregistrées  au  Parlement 
de  Paris  le  21  juin  1672  et,  dès  le  lendemain,  les 
Barnabites  entrèrent  en  possession  de  la  cure. 

El  le  roinhnt  finit,  fnulc  de  combattants. 

Après  bien  des  vicissitudes,  il  avait  donc  fallu 
près  de  deux  ans  à  Ghrestienne  de  Heuries  pour 
arriver  à  l'érection  définitive  en  paroisse,  du  village 
de  Passy  ;  mais  cela  ne  suffisait  pas  à  son  zèle, 


(i)GcUeclanso  explique  le  nom  dcriKMlrr.tnnon- 
cialion^  donnée  à  la  voie  qui  mène  à  l'éj^lise.  Plus 
lard,  cette  fête  patronale,  qui  était  en  même  temps 
relie  de  la  commune,  fut  reportée  au  premier 
dimanche  de  mai.  Elle  se  tint  longtemps  autour 
du  château  seigneurial,  le  longde  la  rue  Haynounrd, 
puis  sur  les  pelouses  du  Hniiela^h,  jusqu'à  l'an- 
nexion 


(i)  Ici  M.  de  la  Brunctière  se  plaint  amèrement 
de  la  négligence  des  vicaires,  qui,  peu  instruits 
et  faihlcment  rétribués,  aliandonuaient  leurs 
fonctions,  et  contribuaient  par  leur  mauvais 
exemple,  à  la  corruption  des  mœurs. 

(a)  C'est  sur  une  partie  de  l'emplacement  de  ce 
)reniierpresbyl(*rr  cl  de  son  jardin  qu'a  été  percée 
a  rue  Jean-irolo^ne. 


ANNEXES 


a83 


elle  Toulut  encore  assurer  l'établissemeDt  des 
écoles.  Un  nommé  Savinien  Legras,  conseiller  no- 
taire et  secrétaire  dn  Roi,  avait  donné,  avant 
4667,  une  maison  avec  petit  jardin  pour  y  loger 
femme  on  fille  destinée  à  Tinstruction  des  enfants 
du  village  ;  mais  une  partie  dn  jardin  ayant  été 
prise  pour  la  construction  de  l'église,  on  affecta 
cette  maison  au  presbytère,  et,  quelques  années 
après,  par  acte  du  29  janvier  4673,  la  dame  de 
Chahu  donna  à  la  Communauté  des  manants  et 
habitants  du  dit  village,  pour  y  installer  une 
nouvelle  école  de  filles  et  garçons,  une  maison 
nouvellement  construite  entre  cour  et  jardin,  à  elle 
appatenant,  située  dans  la  vieille  rue,  plus  de  sept 
vingt  dix  livres  (sic)  de  rente  pour  aider  à  la 
subsistance  de  la  maîtresse  d'école,  sans  que  cela 
puisse  dispenser  les  parents  des  écolières  et  éco- 
liers de  payer  la  rétribution  mensuelle.  Les  filles 
occupaient  le  rez-de-chaussée,  le  logement  de  la 
maîtresse  était  au  (premier,  et  le  second  étage,  qui 
avait  une  entrée  particulière  et  distincte,  était  affecté 
aux  garçons,  dont  Técole,  comme  on  Ta  vu  plus 
haut,  devait  être  dirigée  par  un  des  prêtres  Barna- 
bites.  Enfin,  le  même  jour,  Mme  Chahu,  moyen- 
nant un  nouveau  don  de  4.200  livres  de  rente, 
fonda  à  Téglise  de  Passy  une  messe  de  Re- 
quiem (4)  : 

Pour  y  être  dite  et  célébrée  tous  les  jours  à 
perpétuité,  savoir  en  été  à  quatre  heures  du  ma- 
tin, et  en  hiver  à  six  heures,  par  le  Révérend  Père 
curé  de  ladite  église,  ou  autre  religieux  d'icelle, 
par  lui  commis,  pour  le  rrpos  de  Tàme  de  ladite 
dame  fondatrice  et  de  celle  dudit  défunt  son 
mari.  Laquelle  messe  sera  tintée  en  forme  de 
Passion,  à  trois  reprises  et  différentes  fois  pour 
en  avertir  les  habitants;  en  fin  de  chacune  des- 
quelles messes,  sera  chanté  à  haute  voix  un 
De  Profundis  à  la  même  intention  ;  et  sera 
payée  la  dite  messe  à  raison  de  20  sols  par  jour, 
faisant  36<^  livres  par  an  pour  la  rétribution  d'icelle, 
à  la  charge  de  fournir,  par  le  dit  Révérend  Père, 
le  pain,  vin  et  cire  nécessaires  pour  la  dite  célébra- 
tion, laquelle  commencera  du  jour  du  décès  de  la 
dite  dame  Chahu,  laquelle  fonde  aussi,  en  la 
dite  église  de  Passy,  deux  services  complets  de 
trois  grandes  messes  hautes,  chacune  avec  Recom- 
mandaces  (sic)  et  un  Libéra  à  la  fin,  et  Vigiles  à 
neuf  leçons,  la  veille  de  chacun  des  dits  deux  ser- 
vices, lesquels  seront  dits  et  célébrés,  Tun,  le  se- 
cond jour  de  janvier  de  chacune  année,  qui  est  le 
jour  du  décès  du  dit  sieur  Chahu,  et  Tautre  à 
pareil  jour  de  celui  du  décès  de  la  dite  dame 
Chahu,  à  perpétuité  aussi  pour  le  repos  de  leurs 
âmes.  Pour  la  célébration  desquels  deux  services, 
les  marguilliers  de  la  dite  église  fourniront  les 
ornements  nécessaires  et  huit  livres  de  cire  jaune 
neuve,  savoir  :  six  cierges  de  demi-livre  chacun 
sur  Tautel,  six  autres  cierges  de  pareil  poids  autour 
de  la  Représentation,  trois  devant  la  Vierge,  et 
deux  pour  les  acolytes.  Et  paieront  au  Père  curé 
pour  ses  droits,  assistances,  messes  de  chacun  ser- 
vice et  vigiles,  la  somme  de  six  livres,  aux  deux 


(l)  J'ai  cru  devoir  cilor  au  lon^  les  clauses  de 
celte  foiidotiun,  curieuses  comme  détails  du 
temps. 


Pères,  pour  leurs  messes  et  assistances  aussi  de 
chacun  service,  40  sols  chacun  ;  aux  deux  chapiers, 
à  chaque  service,  chacun  45  sols  ;  à  quatre  enfants 
de  chœur,  chacun  5  sols  pour  chacune  service  ;  au 
bedeau,  20  sols  pour  chaque  service.  Et  pour  le 
pain,  vin  et  offrande,  20  sols  pour  chacun  service. 
A  rissue  de  chacun  desquels  deux  services,  les  dits 
marguilliers  serontobligés  de  distribuer  aux  pauvres 
du  village  du  dit  Passy,  qui  se  trouveront  à  l'église, 
60  sols,  etc. 

Les  deux  actes  ci-dessus  furent  faits  en  pré- 
sence :  de  la  dame  Chahu  ;  de  Dom  François 
Hyacinthe  Boucheron,  curé  ;  de  Jean  Morin  et  Nico- 
las Griminv,  marguilliers  ;  de  Nicolas  Charles, 
lieutenant  de  la  prévôté  de  Passy  ;  de  Jean  Lebert, 
procureur  fiscal  de  la  terre  et  seigneurie  du  dit 
lieu  ;  de  Charles  Rozy,  greflier  et  tabellion  ; 
d'Etienne  Le  Comte,  maître  tuilier,  et  de  Pierre 
Lebert,  vigneron,  tous  manants  et  habitants  du 
dit  Passy,  et  représentant  la  plus  grande  et 
saine  partie  des  habitants  du  dit  lieu. 

Récapitulons,  et  surtout  tenons  bien  compte  de 
la  plus-value  qu'avait  le  capital  k  cette  époque. 
Nous  voyons  donc  que  Claude  Chahu  et  Chres- 
tienne  de  Heurtes,  sa  femme,  avaient  d'abord  fait 
construire,  en  4666,  l'église  de  Passy  de  leurs 
propres  deniers,  l'avaient  dotée  de  466  livres, 
43  sols,  4  deniers  de  rente  annuelle  et  donné  tous 
les  ornements  nécessaires  au  culte. 

Les  4  et  5  mai  4672,  Mme  Chahu  dote  la 
cure  de  8.000  livres  et  même  de  8.600  livres, 
somme  qu'elle  versa  aux  Bamabites,  le  46  dé- 
cembre suivant,  et  leur  fait  don  de  la  maison  ser- 
vant de  presbytère.  Le  29  janvier  4673,  elle  donne 
à  la  commune  de  Passy  une  maison  nouvellement 
construite  pour  remplacer  l'ancienne  école  de  filles 
et  garçons,  plus  une  rente  annuelle  de  sept  vingt 
dix  livres  pour  aider  à  la  subsistance  de  la  mal- 
tresse d'école  des  filles,  et,  le  même  jour,  en  exé- 
cution du  testament  de  son  man,  elle  laisse 
4.200  livres  de  rentes  à  l'Œuvre  et  Fabrique  de 
l'égÛse,  pour  la  fondation  de  messes  et  services  à 
perpétuité.  Enfin,  le  7  juin  4684,  nouveau  et  der- 
nier don  de  5.000  livres  pour  aider  les  Barnabi tes 
de  Passy  à  l'achat  d'une  maison  entre  cour  et  jar- 
din, ayant  entrée  dans  la  rue  Raynouard  actuelle, 
le  jardin  s'étendant  jusqu'à  l'église.  Ce  fut  cette 
maison,  payée  42.000  livres,  qui  remplaça  et  i 
place  encore  aujourd'hui  l'ancien  presbytère, 
était  devenu  tout  à  fait  insufRsant. 


rem- 
qui 


REVENDS  DE  l'ÉGLISE  bE  FASSY  EN  4757 

Reportons-nous  maintenant  i  près  d'un  siècle 

§lus  tard,  et  voyons  quels  étaient  alors  les  biens 
épendant  de  la  cure  royale  de  Passy.  En  voici 
le  résumé,  dressé  le  27  juin  4757,  par  Dom  Cou- 
terot,  supérieur  Bamabite  de  la  communauté  du 
lieu. 

Li\res. 
4^^  Payé  annuellement  par  la  maison  mère 
des  Bamabites  de  Paris,  pour  la  por- 
tion congrue 300 

2»  Produit  moyen  du  casuel  de  la  cure.        700 


28& 


HISTOIRE  nu  XVI*  arrondissement 


3*  500  lifres  de  rentes  an  principal  de 
20.000  Unes,  sur  l'Hôtel  de  ViUe  de 
Paris,  et  poor  laquelle  somme  la  dite 
communauté  est  chargée  de  dire  tous  les 
jours  une  messe  basse  à  perpétuité  (1). 

4"  504  livres  payées  annuellement  par  la 
fabrique  de  la  paroisse,  pour  laquelle 
somme  elle  est  tenue  de  faire  5  oro- 
cessions  et  5  senrices,  et  de  dire  6d  sa- 
ints, i6  grandes  messes  et  362  messes 
basses 

5°  i'id  livres ,  rapport  annuel  des  con- 
fréries établies  à  Passy,  pour  laquelle 
somme  la  paroisse  est  tenue  de  dire 
23  grandes  messes,  24  saluts  et  2  ser- 
vices   

6°  Produit  du  loyer  d*une  maison  occupée 
par  M.  le  curé  deSaint-Jean-en-Gréve, 
et  pour  laquelle  il  y  a  promesse  de  bail. 

7®  Produit  du  loyer  d  une  maison  occupée 
depuis  1752,  par  Mme  Vve  Caignard, 
bourgeoise  de  Paris 

8*^  120  livres,  y  compris  10  livres  payées 
par  la  fabnqne,  produit  du  loyer  de 
l'ancien  presbytère,  occupé  par  le  sieur 
Bauchet,  vitrier 


500 


504 


126 


280 


120 


120 


Total  des  revenus.     2.650 

Sur  laquelle  somme  sont  à  déduire  les  charges 
ci-après  : 

Livre  * 

1*^  53  livres  payées  annuellement  par  les 
Bamabites  de  Passy,  pour  leur  part  des 
frais  et  charçes  de  leur  province.  .  .  53 

2®  50  livres  par  an  au  maître  d'école  de 
la  paroisse 50 

3®  Entretien  annuel  de  la  lampe  de  l'église.         40 

4®  Rente  viagère  payée  à  Mlle  Marie- 
Madeleine  Faguet,  bouq^eoise  de  Paris.  70 

5®  Gaçes  de  deux  domestiques,  savoir  un 
cuisinier  et  un  jardinier,  tenant  lieu  de 
frères  lais 240 

6®  Moyenne  annuelle  de  l'entretien  et  des 
réparations  des  jardins  et  maisons  .  .        450 


Total  des  charges. 


903 


Il  restait  donc  en  tout,  poor  l'entretien  de  l'église 
et  de  quatre  Pères  Barnabites,  1.747  livres  !... 
Certes,  ce  n'était  pas  cher,  même  en  tenant  compte 
de  la  plus-value  de  l'argent  à  cette  épocjue.  Avec 
l'équivalent  de  cette  somme,  que  pourrait-on  faire 
aujourd'hui?... 

Léopold  Mab. 


(i)  Celle  renie  avnil  élê  conslituée  en  17.%  par 
la  marquise  «le  Saissac,  née  d'AIherl  de  Luyncs, 
pour  la  nourriture  et  l'entretien  d'un  quatrième 
père  Barnabite. 


LE    CHATEAU    SEIGNEURIAL    DE    PASSY 

sous  LE  RÈCNE  DE  M.  DE  LA  POUPLUICBE  (1) 

Vers  1747,  le  Tertneux  marquis  de  Boulainvil- 
tiers  avait  cédé  à  vie  à  M.  de  la  Pouplinière,  qui 
l'occupa  une  quinzaine  d'années,  son  château  sei- 
gneurial de  Passy;  et  ce  fut  l'époque  la  plus  bril- 
lante, l'âge  d'or  de  ce  joli  séjour  (2). 

Alexandre-Jean-Joseph  Le  Riche  de  la  Poupli- 
nière, né  à  Paris  en  1692,  était  fermier  général 
depuis  1718  et  encourageait  les  artistes  et  les  gens 
de  lettres  avec  une  mwiificence  vraiment  royale. 
Il  n'était  pas  lui-même  sans  prétendre  à  quelque 
talent,  écrivit  un  roman,  Daira  (3),  histoire  orien- 
tale publiée  en  1760,  fit  des  chansons  et  un  assez 
|[rand  nombre  de  comédies  pour  son  théâtre  par- 
ticulier et  sema  en  outre  une  quantité  de  Immis 
mots,  qui,  s'ils  eussent  été  recueillis,  eussent  pu 
fournir  la  matière  amusante  d'un  fortTolnme  (4). 
Sa  maison  de  Passy  devint,  suivant  une  expression 
enflée  du  temps,  le  «  Temple  des  Muses  et  des 
Plaisirs  ».  Parmi  les  célébntés  auxquelles  il  avait 
accordé  la  faveur  d'un  logement  chez  lui,  nous  rap- 
pellerons :  Rameau,  Gossec  et  Harmontel. 

Le  compositeur  Rameau,  grand,  sec  et  maigre, 
faisait,  dit  Jean-Jacques  dans  ses  Confessions^ 
la  pluie  et  le  beau  temps  dans  la  maison  de  M.  de 
la  Pouplinière.  —  C'était  dans  l'hôtel  de  ce  der- 
nier, à  Paris,  qu'avait  été  exécuté  pour  la  première 
(ois,  en  1733,  le  premier  acte  du  premier  opéra 
de  Rameau,  Hippolyte  et  Àricie,  dont  la  musique 
d'un  genre  nouveau  avait  révolutionné  Paris  et 
Versailles.  M.  de  La  Pouplinière,  qui  n'était  pas 
fâché  d'avoir  un  tel  maître  sous  la  main,  se  l'était 
attaché,  malgré  son  humeur  peu  facile.  Il  dut  venir 
à  Passy,  en  même  temps  que  son  Mécène,  et  y  était 
encore  en  1753.  Jusqu'à  l'arrivée  de  Gossec,  en 
1751,  ce  fut  Rameau  qui  dirigea  l'orchestre  com- 
posé de  musiciens  que  La  Pouplinière  entretenait 
et  lojgeait  chez  lui  pour  les  avoir  constamment  à 
sa  disposition.  Le  château  possédait  une  petite  cha- 
pelle, et,  les  jours  de  fête,  à  la  messe,  Rameau  se 
reposait  en  allant  toucher  l'orgue,  fonction  au'il 
avait  longtemps  remplie  à  Lille,  à  Clermont-r  er- 


(i)  On  écrit  aussi  Poplinière,  Popelinière  et 
Poupelinière,  mais  Pouplinière  est  plus  cor- 
rect. 

(2)  M.  de  Boulainvilliers.  dont  le  chAieou  était 
siluéau  sommet  de  la  rue  Boulainvilliers  actuelle, 
avait  conservé  son  titre  el  ses  droits  de  seigneur 
de  Passy. 

(3)  (Note  du  secrétaire.)  Nous  n'avons  pas  lu 
Daîra;M.  Mar  non  plus,  très  probablement.  Vol- 
taire, qui  s'y  connaissait,  assure  que  c'était  une 
«nuvre  exécraljle  :  •«  C'est,  je  vous  jure,  dit-il.  on 
des  plus  absurdes  ouvrages  qu'on  ait  jamais 
écrit.  Pour  peu  que  l'auteur  en  fasse  encore  un 
de  ce  goiU.  il  sera  de  l'Académie.  1» 

('4)  Exemple.  Une  femme  qui  cherchait  à  se  faire 
remarquer  s'approche  un  jour  dé  M.  de  la  Pou- 
plinière, qu'on  venait  d'annoncer,  et  lui  dit  :  •  // 
me  semble.  Monsieur,  uuus  avoir  vu  quelque  part. 
—  Cent  nossihle,  Madame  lui  répliqua-t-il./i/  vais 
quelquefois.  »  —  Ce  mot  a  été  repris  par  un  de 
nos  auteurs  comiques  dans  une  pièce  clu  Palais- 
Roval  :  Tricoche  et  Cacolel, 


ANNEXES 


285 


rand  et  même  à  Paris.  Plusieurs  de  ses  opéras 
furent  composés  an  moins  en  partie  à  Passy,  tels  : 
Zaïs^  Pugmalùm^  Naïs,  Zàroastre,  la  Guir- 
lande, Acanthe  et  Céphise,  Lisis  et  Délie  et  les 
Sybarites,  les  quatre  derniers  en  collaboration 
aTec  Marmontel,  dont  nous  parlerons  toutà  Theure. 
Gossec,  d'origine  belge,  n'ayait  que  dix-huit  ans 
qamd  il  arriva  à  Paris,  en  1751,  et  accepta  aus- 
sitôt avec  empressement  la  place  de  chef  de  mu- 
sique que  lui  offrit  chez  lui  M.  de  La  Pouplinière. 
Le  séjour  qu'il  y  fit  ne  fut  pas  de  longue  durée, 
mais  lui  fut  très  profitable  par  les  bons  conseils 
qu'il  reçut  de  Rameau,  et  ce  ne  fut  pas  sans  regret 

att'il  dut  abandonner  cette  position  agréable  pour 
e?enir  chef  d'orchestre  chez  le  prince  de  Gonti  (1  ). 
Arrivons  à  Marmontel.  Grâce  à  ses  Mémoires, 
nous  connaissons  exactement  la  date  de  son  ins- 
tallation définitive  chez  M.  de  La  Pouplinière  et 
celle  de  son  départ.  11  y  entra  après  la  première 
représentation  de  sa  tragédie  àWristamêne 
(30  avril  1749),  et  en  sortit  après  la  première 
représentation  de  son  Egyptus  (d  février  1753). 
Les  trajgédies  qu'il  y  composa,  Cléopdtre,  tes 
Héraclides  et  Egyptus  se  ressentent  de  Vobscur- 
cissement  de  ses  facultés  intellectuelles,  qu'il 
attribue  naïvement  aux  plaisirs  immodérés  de  la 
table.  Je  m'étonnais,  dit-il,  ({ue  mes  esprits  ne 
fussent  pas  aussi  purs,  aussi  libres  que  dans  la 
rue  des  Maçons  ou  dans  celle  des  Mathurins.  — 
Ah  !  c'est  que  le  travail  d'imagination  ne  peut  pas 
être  embarrassé  par  celui  des  organes.  Les  Muses, 
a-ton  dit,  sont  chastes,  il  aurait  fallu  ajouter 
qu'elles  étaient  sobres.  »  —  Si  son  séjour  de  quatre 
années  chez  M.  de  La  Pouplinière  ne  lui  fut  pas 
très  favorable  au  point  de  vue  littéraire,  au  moins 
aura-t-ii  été  utile  à  nous-mêmes  par  les  détails 

3u*il  nous  donne  sur  le  passé  et  le  présent  intinpes 
e  ses  hôtes.  Pour  le  passé,  le  voici  :  M.  de  La 
Pouplinière  vivait  depuis  douze  ans  avec  une  petite* 
fillA  de  Dancourt  (â),  l'acteur  et  l'auteur  comique 
bien  connu,  quand  le  cardinal  Fleury,  informé, 
l'obligea,  sous  menace  de  radiation  de  la  liste  des 
fermiers  généraux,  d'épouser  la  jeune  innocente 
qu'il  avait  trompée.  Cette  Mimi  Dancourt,  comme 
on  l'appelait  alors  (on  lui  avait  conservé  le  surnom 
de  sa  mère)  joignait,  à  une  grande  beauté,  une 
intelligence  rare,  une  mémoire  prodigieuse  et  un 
tact  exquis  pour  juger  les  œuvres  littéraires  et 
théâtrales.  G  était  plus  qu'il  n'en  fallait  pour  faire 
rechercher  la  maison  de  son  mari.  €  Cette  maison. 


(i)  Gossec  qui  avait  débuté  à  Passy,  vinl  en 
i8a3  se  retirer  au  n*  55  ancien  de  la  rue  de  Passy, 
et  c'est  là  qu'il  mourut  en  1839. 

(2)  Plusieurs  biographes  donnent  pour  femme  à 
M.  de  La  Pouplinière  Af imi  Dancourt,  la  seconde 
fllle  de  Dancourt  ;  c'csl  une  erreur.  —  Des  deux 
filles  de  Dancourt,  l'ainée  avail  épousé  M.  de 
Fontaine,  commissaire  et  contrôleur  de  morine, 
qui  acheta  en  1720  la  seigneurie  de  Passy,  et 
mourut  vers  17^0  ;  la  cadette,  Mimi  Dancourt,  née 
vers  1686,  et  comédienne  jusqu'à  1728,  se  maria 
avec  M.Deshaves.  gentilhomme,  flls  d'un  lieute- 
nant général  d  artillerie  et  vivait  encore  en  176.3  ; 
il  ne  peut  donc  s'asir  d'elle  comme  femme  de  La 
Pouplinière,  mais  ae  sa  fille.  Au  reste,  Marmon- 
tel, dans  ses  Mémoires^  dit  :  •  Il  avait  épousé 
Mlle  Dancourt,  fille  d'une  comédienne  >,  et  cette 
comédienne  était  bien  Mimi  Dancourt.  Mme  de 
L^  Pouplinière  avait  elle-même  rempli  des  rôles 
de  soubrette,  dans  sa  première  jeunesse. 


dit  le  baron  Grim,  était  le  réceptacle  d'une  foule 
de  gens  de  tons  les  états,  tirés  indistîncteirent  de 
la  bonne  et  mauvaise  compagnie.  Gens  de  la  cour, 
gens  du  monde,  gens  de  lettres,  artistes,  étran- 
gers, acteurs,  actrices,  filles  de  joie,  tout  y  était 
rassemblé.  »  Aussi  lui  donnait-on  le  nom  de  Ména- 
gerie, et,  au  maître,  celui  de  Sultan.  Parmi  les 
habitués  notables  de  ses  salons,  se  rencontraient 
Jean-Jacques  Rousseau,  Duclos,  Raynard,  Suard, 
La  Condamine,  Saurin,  Darcet,  Vaucanson,  le 
peintre  Carie  Vanloo  et  la  charmante  cantatrice 
Italienne,  sa  femme  ;  Chardin,  le  peintre  de  nature 
morte,  le  pastelliste  La  Tour  et  le  sculpteur  Pigalle, 
les  écrivains  anglais  David  Hume  et  Gibbon  et  la 
plupart  des  ambassadeurs  étrangers.  L'armée  était 
représentée  par  les  maréchaux  de  Saxe  et  de  Lo- 
wendal  et  surtout,  pour  le  malheur  du  ménage 
La  Pouplinière,  par  le  futur  maréchal  de  Richelieu, 
l'homme  le  plus  aimable,  le  plus  libertin  et  le  plus 
séduisant  de  son  époque. 

M.  de  La  Pouplinière  avait  été  déjà  averti  par 
des  amis  charitables  des  assiduités  récompensées 
de  Richelieu  auprès  de  sa  femme.  Depuis  lors,  la 
vie  en  commun  lui  était  devenue  insupportable . 
€  Il  fallait  voir  à  table,  dit  Marmontel,  ces  deux 
époux  vis-à-vis  l'un  de  l'antre  ;  la  morne  tacitur- 
nité  du  mari,  la  fière  et  froide  indignation  de  la 
femme,  le  soin  que  prenaient  leurs  r^ards  de 
s'éviter,  et  l'air  terrible  et  sombre  dont  ils  se  ren- 
contraient, surtout  devant  leurs  gens,  l'effort  au'ils 
faisaient  sur  eux-mêmes  pour  s  adresser  quelques 
paroles  et  le  ton  sec  et  dur  dont  ils  se  répondaient. 
On  a  de  la  peine  à  concevoir  comment  deux  êtres, 
aussi  fortement  aliénés,  pouvaient  habiter  ensemble, 
mais  elle  était  déterminée  à  ne  pas  quitter  sa  mai- 
son, et  lui,  aux  yeux  du  monde  et  en  bonne  jus- 
tice, n'avait  pas  droit  de  l'en  chasser.  »  —  La 
découverte,  à  l'automne  de  4748,  de  la  fameuse 
plaque  tournante  de  la  cheminée  qui  permettait  à 
Richelieu  de  s'introduire  de  la  maison  vacante  qu'il 
avait  louée  tout  exprès,  dans  l'hôtel  de  M.  de  La 
Pouplinière,  rue  de  Richelieu,  vis-à-vis  de  la  Biblio- 
thèque (et  non  à  Passy),  fut  enfin  un  motif  plau- 
sible de  la  séparation  qu*il  désirait  et  il  le  saisit. 
Il  faut  encore  lire,  dans  les  Mémoires  de  Marmon- 
tel, comment  cet  époux  malheureux  fit  constater, 
le  ^  novembre,  en  présence  de  sa  belle-mère,  du 
commissaire  du  quartier,  d'un  architecte  assisté 
d'un  maître  maçon,  de  son  ami  le  mécanicien  Vau- 
canson et  de  l'avocat  Balot,  sa  découverte  et  sa 
disgrâce  ;  les  détails  en  sont  fort  amusants.  La 
perfection  du  travail  de  la  plaque,  de  ses  gonds 
invisibles,  faisait  l'admiration  de  Vaucanson  qui, 
s'inquiétant  fort  peu  de  la  situation  critique  de  son 
ami  (1),  s'écriait  :  Ls  beau  travail  \  ^excellent 
ouvrier!  et  voulait  à  tout  prix  empêcher  la  des- 
truction d'un  tel  chef-d'oeuvre.  Ennn,  la  sépara- 
tion eut  lieu.  M.  de  La  Pouplinière  s'engagea  à 
verser  à  sa  femme  une  somme  de  5.000  livres, 
une  fois  donnée,  pour  son  ameublement,  et  une 
rente  annuelle  de  40.000  livres,  sa  vie  durant  (2). 

(1)  Un  mauvais  plaisant  dit  alors  que  La  Pou- 
plinière était  bien  heureux  d'être  fermier  général, 
parce  qu'on  l'aurait  fait  payer  aux  barrières, 
comme  Me  à  corner. 

(2J  Voir  les  Mémoires  de  (VArgenson.  Dans  ceux 
de  Marmontel,  il  est  parlé  d'une  façon  dubitative 
d'une  rente  approximative  de  20.006  livres. 


HI8TOIKK    DU    XVl*   ARRONDISSEMENT 


Elle  loua  alors  ud  ippatt«meDt  dans  la  rue  Ven- 
tadour.  et  c'est  là  que.  dans  l'attbli,  elle  mounit 
d'an  cancer  su  seia  en  iloi. 

M.  de  La  Poaplinière,  assez  vile  consolé  de  ses 
déboires,  avait  repris  «on  train  de  vie  babituel, 
rouvert  an  printemps  sou  salon  de  Passy,  riins- 
tallé  son  orchestre  réputé  le  meilleur  d  alors,  et 
son  théitre  sur  lequel  on  ne  jouait  que  des  comé- 
dies de  sa  fa^n.  et  où  brillait  souvent  dd  essaim 
de  jolies  danseuses  de  la  Comédie  Italienne,  sous 
la  eondnite  de  Deshayes,  eicelleot  actenr  comique, 
et  compositeur  de  liallets. 


un  peu  tardive  de  se 
e  tut  gupre  plus  beureose 
que  la  première. 

Ad  mois  de  janvier  1T6j,  nouvelle  disgrtu.  Il 
Tut  ra^é  de  la  liste  des  fermiers  ginèraoi,  et.d» 
chagrin,  moarut  ï  la  fin  de  la  même  année, le 
5  décembre  (1). 

Cinq  jours  après,  Elachaumont  écrivait  ainsi  soi 
oraison  funèbre  :  «  Les  Muses  pleurent  depoii 
qnelques  jours  la  mort  d'un  de  leors  nourrisMOs 
et  de  leurs  protecteurs  en  même  temps.  C'est  H.  de 
U  Pouplioière.  Son  nom,  h  jamais  Tameui  dans  les 


Le  lUcbe  de  J.a  l'ou|iliniËrc. 


Tons  les  ans,  le  jour  de  la  fête  de  l'Annonria- 
tion.  fête  patronale  de  Passy.  il  mariait  sii  lilles 
pauvres  de  la  localité,  les  habillait,  les  dotait  d'un 
trousseau  et  d'une  somme  de  500  livres.  Le  soir, 
il  y  avait  grand  bal  dans  son  parc,  ouvert  à  fous 
les  habitantsde  la  commune  ;  c'était  pour  lui,  tout 
compris,  une  dépense  d'environ  C.OOO  livres. 

Au  résumé,  ce  riche  linancicr,  de  bonne  mine 
et  de  manières  aimables,  Ht  beaucoup  de  bien  dans 
sa  vie.  Mme  de  Genlis  (1),  qui  avait  demeuré  chei 
lui.  avec  sa  mère,  pendant  toute  la  belle  saison  de 
1759,  fait  de  lai  le  plus  grand  éloge.  Kn  1760, 


par  M.  W'olilup.  mW). 


l,ioHmpbic 


fastes  littéraires,  ^ 

l'impression  de  Si-  „    .  , 

nombre  (â).  On  ne  doit  jamais  oublier  sa  muDÎ6- 

cence  envers  les  ai  listes.  Un  orchestre  entier  se 

trouve  dispersé  par  L  perte  de  cet  Apollon.  >  Et, 

trois  semaines  plus  tai'd,  il  lui  composait  celle 

épilaphe  : 


(!)  Il  cxi-lc  lin  po 

rtniil  do   M.  lie  La  Poiipli- 

!•.  a  mi-corps,  eirciilllant  de» 

Z"-^  suï'.mr'lab'Sr 

Celte  pitct,  trt-s  rare  et  de 

fort   likn  grnvte  par  Dalc- 

clioii.  dai.ri-H  Vigcr 

rl  c'i-»l  d'après  elle  qu'a  ëlë 

.lcs^i...'i!  In  irpriidiic 

inii  qiie  nous  en  donnons. 

(ï)  l.'csniiir  ]i]u!>  0 
nu  H-  l'iallsu  pas. 

moins  réel  dt  Qachaumont 

ANNEXES 


287 


Sous  ce  tc^mbeaii.  repose  un  financier; 
11  fut  de  son  êtnl  1  honneur  et  la  crili({ue  ; 
Généreux,  bienfaisant,  mais  toujourfi  singulier, 

11  soulaji^ea  la  misère  publiaue. 
Passant,  priez  pour  lui,  car  il  rut  le  premier. 

Un  mois  après  sa  mort,  sa  veave  accoucha  d*an 
fils  dont  on  lai  disputa  la  paternité,  ce  aoi  donna 
lieu  à  an  procès  fameux  et  à  cette  nouvelle  et  très 
méchante  épitapbe  : 

Pour  être  auteur,  ci-git  qui  paya  bien  : 

C'est  la  coutume, 
L'ouvraee  seul  qui  ne  lui  coûta  rien 

C'est  son  posthume. 

Mais,  malgré  tout,  les  droits  de  l'enfant  furent 
enfin  reconnus  juridiquement.  Tout  est  bien,  dit-on, 
qui  finit  bien  (1). 

Léopold  M.\r. 


LA  TOUR  A  PASSY  ET  A  AUTEUIL 

Supposez-vous  un  instant  en  1759.  Vous  de- 
meurez aux  galeries  du  Louvre,  logement  n^'  8. 
Comment  vous  yprendriez-vous  pour  vous  rendre 
au  château  seigneurial  de  Passy,  sans  monter  en 
voiture  d'aucun  genre,  ni  en  bateau  d'aucune 
espèce,  ni  à  cheval,  ni  sur  un  âne  ou  un  mulet, 
sans  marcher  ni  nager?  —  Telle  était  l'amusante 
énigme  que  posait  un  jour  le  célèbre  peintre  pas- 
telliste 1^  tour,  aux  nombreux  habitués  des  sa- 
lons de  M.  de  La  Pouplinière,  dont  il  était  l'un 
des  hôtes  les  plus  assidus,  et  qu'il  disait  avoir  ré- 
solue. Et  chacun  de  chercher,  de  se  creuser  la 
tète  inutilement,  et  de  donner  enfin,  comme  on 
dit  vulgairement,  sa  langue  au  chat.  «  Rien  de 
plus  simple  cependant,  dit  La  Tour  :  en  quit- 
tant le  Louvre,  ne  sachant  pas  nager,  je  me 
suis  accroché  à  un  bateau  qui  partait  du  port 
Saint-Nicolas,  il  m'a*  remorqué,  et..,  me 
voici  ! 

Cette  gaminerie  d'un  jeune  homme  de  cin- 
quante-cinq ans  pourrait  paraître  invraisemblable 
si  elle  n'était  racontée  sérieusement  par  Mme  de 
Genlis  (qui  en  fut  témoin  auriculaire),  au  tome 
premier  de  ses  volumineux  Mémoires,  et  si  nous 
ne  connaissions  maint  autre  trait  d'originalité  du 
grand  artiste  <  tantôt  bon,  tantôt  irritable  et 
fantasque  —  disent  les  frères  de  Concourt  dans 
l  Art  du  xviii^  siècle,  —  plein  de  manies  et  ne 
taisant  rien  comme  tout  le  monde  ».  Cette  ap- 
préciation  de  son  caractère  est  bien  confirmée  par 
un  fait  que  cite  VAlmanach  littéraire  de  1792, 
et,  d*après  lui,  les  frères  de  Concourt.  —  En 
1752,  Mme  de  Pompadour  fait  appeler  La  Tour  à 
Versailles  pour  faire  son  portrait.  «  Dites  à  Ma- 
dame que  je  ne  vais  pas  peindre  en  ville.  » 
Pourtant,  cédant  à  de  nouvelles  instances,  il  se 
décide  à  s'y  rendre,  mais  il  pose  ses  conditions  : 
les  séances  ne  devront  être  interrompues  par  per- 


(1)  Principaux  ouvrages  c<msnlli''s  :  Mémoires  de 
Aiarmontel.  Mémoires  secret»  de  Havhaumonl.  Mé- 
moires du  marquis  dWrgensnn.  Journal  historique 
de  Barbier.  Mémoires  de  Mme  de  Genlis. 


sonne,  et  il  aura  toute  liberté  de  se  mettre  à  son 
aise.  Accordé!  Il  arrive,  et,  avec  un  sans-gène 
incroyable,  le  voilà  détachant  les  boucles  de  ses 
escarpins,  ses  jarretières,  son  col,  sa  perruque 
qu'il  remplace  par  un  petit  bonnet  de  taffetas; 
puis  il  se  met  à  l'œuvre.  —  A  peine  est-il  ins- 
tallé en  face  de  son  modèle,  que  Louis  XV  entre. 
€  Vous  m'aviez  promis.  Madame,  dit  La  Tour 
en  ôtant  son  bonnet,  que  voire  porte  serait  fer- 
mée. »  Sur  ce.  le  roi  se  met  à  rire  et  l'engaée  à 
continuer.  «  Impossible  d'obéir  à  Votre  Ma- 
jesté, réplique-t-il.  je  reviendrai  quand  Ma- 
dame sera  seule.  »  Il  se  lève,  emporte  sa  perruque 
et  ses  jarretières  et  va  reconstituer  sa  toilette 
dans  une  pièce  voisine,  en  murmurant  plusieurs 
fois  :  €  Je  n'aime  pas  à  être  interrompu.  » 

Avec  La  Tour  et  ses  fontaisies,  on  est  tout  dis- 
posé à  faire  l'école  buissonnière  et  à  s'écarter 
tant  soit  peu  de  son  sujet,  car  ici  il  ne  nous  appar- 
tient guère  que  comme  hôte  de  Passv  et  habitant 
d'Auteuil.  Notre  peintre  connaissait  bien  le  che- 
min de  Passy,  il  était  venu  souvent  au  château 
seigneurial  quand  le  président  Bernard  de  Rieux 
en  était  possesseur  ;  il  avait  fait  de  lui  un  superbe 
portrait  en  pied  qui  fit  sensation  au  Salon  de  1741 , 
et  dont  les  badauds  admiraient  surtout  le  cadre  et  la 
glace,  oui  n'avaient  pas  coûté  moins  de  1 .200  livres  : 
le  fils  ae  Samuel  Bernard  pouvait  se  payer  pareille 
fantaisie.  En  1742,  ce  fut  au  tour  de  Mme  la  pré- 
sidente de  Rieux  à  poser;  le  portrait,  en  costume 
de  bal,  tenant  un  masque  à  la  main,  eut  aussi 
les  honneurs  du  Salon.  J'aime  à  penser  que  le 
cadre  fit  dignement  pendant  à  celui  de  son  mari. 
Quand  Bernard  de  Rieux  mourut,  en  1745,   le 
château,  comme  on  le  sait,  passa  à  son  fils,  le 
marquis  de  Boulainvilliers,  qui  le  céda  à  vie  au 
fermier  général  Le  Riche  de  La  Pouplinière.  La 
Tour,  nous  l'avons  dit  au  début,  était  un  des  hôtes 
habituels  de  M.  de  la  Pouplinière  et  fit  plusieurs 
beaux  portraits  du  maître  et  de  la  maîtresse  de 
la  maison,  personnages  qui  nous  sont  déjà  connus 
et  sur  lesquels  nous  n'avons  pas  à  revenir,  en 
ayant  parlé    longuement  à   l'article   précédent, 
intitulé  :    Château  seigneurial  de  Passy.  \jd 
maître  pastelliste,  qui  affectionnait  nos  parages, 
avait  loué,  vers  1750,  une  maison  de  campagne 
donnant  sur  l'emplacement  du  n°  59  actuel  de  la 
rue  d'Auteuil,  et  suivie  d'un  parc  de  deux  arpents 
au  fond  duquel  s'élevait  un  petit  pavillon  dont  la 
pièce  principale,  éclairée  par  un  dôme,  lui  servait 
probablement  d'atelier.  Cette  maison,  dont  il  de- 
vint acquéreur  en  1770,  avait  été  construite  au 
commencement  du  rèçne  de  Louis  XV,  sur  des 
terrains  qui  dépendaient  de    la   seigneurie   de 
Passy  (1).  La  Tour  y  reçut,  dit-on,  le  maréchal 
de  Saxe,  dont  il  avait  fait  le  beau  portrait  qui  se 
voit  actuellement  au  musée  du  Louvre,  et  Louis  XV 
(un  de  ses  modèles  sans  rancune)  ne  passait  ja- 
mais dans  le  village  sans  envoyer  demander  des 
nouvelles  de  son  peintre.  Son  peintre  en  titre, 
non  seulement,  en  effet,  il  l'était  depuis  1750, 


(i)  Voir  l'article  :  Auteuil  au  dixhuilit'me  siècle. 
l.  I,  p.  1»)  du  Bulletin,  et  le  livre  :  le  Salon  de 
Mme  lielvétius;  Cabanis  et  les  Idéologues,  pjir 
M.  Ant.  Guillois.  p.  sfj.  auxquels  nous  empruntons 
les  (iêlails  sur  la  maison  de  Ln  Tour,  et  sur  sa 
cessi<)n  ù  Mnu'  Ile|vclius,  en  1772. 


288 


HISTOIRE    DU   XVI"   ARRONDISSEMENT 


mais  il  était  encore  celai  de  toute  la  famille 
royale  :  la  reine,  le  dauphin,  la  dauphine  et  leurs 
enfants,  tous  avaient  posé  devant  lui.  Et  n*avait 
pas  cet  honneur  qui  voulait  !  Ouelq[ue  offre  de  ré- 
munération ^u*on  lui  fît,  la  célébnté  du  person- 
nage ou  le  titre  d'ami  pesait  avant  tout  dans  le 
choix  de  ses  modèles.  Cest  ainsi  que  les  maré- 
chaux de  Belle-Isle,  de  Lowendal  et  de  Saxe  pour 
l'armée  ;  Voltaire,  Rousseau,  Fontenelle,  Crébillon 
père,  d*Alembert,  Diderot,  Helvétius,  Duclos, 
Bachaumont,  La  Gondamine,  Buffon,  pour  les 
lettres  ;  les  actrices  Clairon,  Favart,  Adrienne 
Lecouvreur  et  Sophie  Arnould;  les  danseuses 
Mlle  Salie  et  la  Camargo,  à  ne  citer  que  les  plus 
célèbres,  eurent  leurs  portraits  de  la  main  de  ce 
machiniste  merveilleux,  de  ce  grand  mapicien, 
comme  l'appelle  Diderot;  aussi,  un  sixain  à  la 
mode  du  temps  put-il  dire,  sans  trop  de  flatterie  : 

Cher!  de»  héros  et  des  belle». 
De  La  Tour,  tes  touches  fldèh*s 
Les  reproduisent  traits  pour  traits; 
Et  par  une  aimable  imposture 
Tu  séduis  même  la  Nature 
Qui  s'admire  dans  tes  portraits. 

S'il  avait  longtemps  séduit  la  nature,  la  na- 
ture en  1772  commençait  sans  doute  à  ne  plus  le 
séduire,  car,  le  30  avril  de  cette  année,  il  se  dé- 
cidait, moyennant  30.000  livres,  à  vendre  sa 
propriété  dAuteuil  à  Mme  Helvétius,  et  ce  fut  son 
ami,  le  notaire  Laiguedive,  dont  il  avait  fait  un 
excellent  portrait  en  4761,  qui  fit  le  contrat  de 
vente. 

Né  en  1704,  La  Tour  commençait  à  se  faire 
vieux  ;  néanmoins,  jusou'à  1784,  occupa  son 
logement  des  galeries  au  Louvre,  ne  voulut  pas 
le  quitter  sans  avoir  assuré  la  fondation  de  trois 
prix  pour  les  jeunes  artistes,  et  se  retira  alors  à 
Saint-Quentin,  sa  ville  natale,  où  il  mourut  quatre 
ans  après,  à  demi  tombé  en  enfance  (1  ) ,  après  y  avoir 
laissé  de  nombreuses  donations  :  en  faveur  d'une 
école  gratuite  de  dessin  qu'il  avait  fondée  pour 
soixante-dix  élèves,  d'un  Bureau  de  charité  pour 
les  artisans  infirmes  et  pour  les  femmes  pauvres 
également  infirmes  ou  en  couches.  11  laissait  en 
usufruit,  au  seul  frère  qui  lui  restait,  les  pastels, 
tableaux  et  objets  d'art  qui  garnissaient  sa  mai- 
son et  forment  aujourd'hui  la  belle  collection  La 
Tour  du  musée  de  Saint-Quentin  (i). 

Bénis  soient,  quand  même,  les  bourrus  bien- 
faisants! 

Léopolu  Mar. 


(i)  Dès  ijCu.  Diderot  lui  iirt-dit  celle  fln  :  •  Je 
sortait  du  gafon^  dil-ll.  Je  muia  entré  chez  La  Jour, 
cet  homme  si  singulier  qui  apprend  le  latin  à  soixante- 
cinq  ans  et  qui  abandonne  l'art  dans  lequel  il 
excelle  f)our  s'enfoncer  dans  les  profondeurs  de  la 
métaphysique,  qui  achèvera  de  lui  déranger  la  tête.  ■ 

(2)  Ce  musée,  pour  ce  qui  nous  intéresse  parti- 
culièrement, possède  les  portrnilsde  la  présidente 
de  Rieux  et  ceux  de  M.  et  de  Mme  de  La  Poupli- 
nière,  cbâlelain  et  châtelaines  de  Fassy. 


JEAN-JACQUES  A  LA   FÊTE   DE  PASST 

Jean-Jacçjues  Rousseau,  invité  par  M.  et  Mme  de 
La  Pouplinière  à  venir  dfner  au  château  seigoeorial 
de  Passy,  s'y  rendit.  <i*était  le  jour  de  FAnoon- 
ciation,  fête  patronale  de  la  commune.  Après  dîner, 
on  alla  se  promener  à  la  ftte,  qui  se  tenait  alors 
dans  les  jardins  du  chûtean  et  vers  le  milieu  de  la 
rue  Raynouard;  M.  de  La  Pouplinière  s*amuiait  à 
jeter  de  Targent  aux  paysans  et  riait  beaucoup 
de  les  voir  se  ruer  les  uns  sur  les  autres  pour  le 
ramasser.  Jean-Jacques  profita  du  moment  où  tonte 
la  compagnie  était  occupée  de  ce  spectacle,  pour 
se  dérooer  à  la  foule  et  chercher,  suivant  sa  cou- 
tume, un  lieu  plus  solitaire.  Arrivé  près  de  Tave- 
nue  qui,  du  château,  conduisait  à  la  route  deVer- 
sailleis,  il  voit  une  petite  fille  qui  portait  des 
pommes  sur  un  éventaire  et  n'avait  pas  d'acheteur: 
<  Combien  vos  pommes  ?  lui  dit-il.  —  Six  sons 
pour  vous  servir,  mon  bon  monsieur.  —  Ehbien, 
ma  chère  enfant,  je  vous  les  achète  toutes,  A 
condition  que  vous  irez  les  porter  à  ces  petits 
savoyards  me  vous  vouez  à  deux  pas  de 
nous.  »  —  La  jeune  marchande  ne  demanda  pas 
mieux  et  les  petits  garçons,  jui  ne  s'attendaient 
pas  à  pareille  aubaine,  se  mirent  à  croquer  les 
pommes,  en  sautant  de  joie.  Cette  manière  de 
taire  des  heureux  valait  bien  celle  du  riche  finan- 
cier auquel  Piron  dit  un  jour  :  Allez  cuver  votre 
or. 

(Extrait  en  partie  des  Chroniques  de  Passy, 
deQuillet,  t.  I,  p.  425  et  i 26.) 


MADAME     DE     GENLIS 
1746-4830  (i) 

Mme  de  Genlis  intéresse  la  Société  historique 
pour  les  rapports  qu'elle  eut  avec  plusieurs  per- 
sonnages qui  ont  vécu  dans  notre  domaine,  avec 
Miranda  qui  la  protégea  dans  sa  fuite,  quand  elle 
émigra  pour  la  seconde  fois,  avec  la  comtesse  de 
la  Motte,  la  célèbre  héroïne  du  Collier  de  la  Heine, 
qu'elle  vit  chez  Mme  de  Boulainvilliers  et  dont  elle 
fit  nommer  le  frère  commissaire  de  la  marine,  et 
surtout  par  différents  séjours  qu'elle  fit  à  Passy  (2). 
Elle  habita  aussi  Ghaillot.  Elle  fut  enterrée  au 
mont  Valérien. 

(1)  Sources  phincipalks.  —  Mémoires  inédits  de 
Mme  la  comtesse  de  Genlis  sur  le  xviii»  siècle  et  sur 
la  liévolution  française^  depuis  1766  jusqu'à  nos 
jours,  8  vol.  in-8,  Paris,  iSaS  —  Leçons  dT une goa- 
vernante  à  ses  élèves  ou  fragments  d'an  journalqui 
a  été  fait  pour  F  éducation  des  enfants  de  M.  le  aue 
d'Orléans,  1791,  2  vol.  in-12.  —  Les  Souvenirs  de  Fé- 
licité L...,  1807,  in-12.  —  Sainte-Beuve,  Causeries 
du  lundi,  t.  111,  pp.  i9  à  37.  —  Mme  de  Genlis,  sa 
vie,  son  œuvre,  sa  mort,  1746-1830,  d'après  des  do- 
cuments inédits,  par  Honoré  Bonhomme.  Paris, 
iK85,  librairie  des  Bibliophiles,  Jouaust.  in-12.  — 
Miss  Kavanagh.  Frenchwomenofletien.  Tauchnilz, 
i863.  —  M.-L.  de  Sévelinges,  Mme  la  comtesse  de 
Genlis  en  miniature.  Paris,  Denlu,  1826.  ln-8.  — 
Cousin  d'Avallon,  Genlisiana,  1820,  publié  à  la 
littérature  politique,  t.  111.  pp.  16  ss.,  avec  cette 
devise  :  Mulierem  quis  fortis  inveniet,  etc. 

(2)  HAtel  de  Genlis,  n*  58  de  la  rue  de  Passy. 
Renseignement  dû  à  M.  Mar. 


ANNEXES 


289 


Il  faut  dire  qu'elle  intéresse  aussi  la  plupart  des 
autres  Sociétés  d'histoire  parisienne  nées  et  à 
naître,  car  elle  passa  dans  beaucoup  de  quartiers 
et  on  lui  demandait  un  jour  très  sérieusement  : 
«Où  logez-yous  cette  semaine,  Madame  (4)?  » 

Suivons-la  maintenant  dans  sa  carrière  aventu- 
reuse. Etudions  son  caractère  par  sa  vie,  par  les 
sentiments  qu'elle  inspire  aux  autres  et  par  ce 
qu'elle  nous  en  dit  elle-même.  Malgré  les  docu- 
ments, les  jugements  de  ses  contemporains  et  ses 
bavardages  indiscrets,  il  restera  un  certain 
nombre  de  points  obscurs. 

LA   MUSE  ERRANTE  (/ULR.>  JAKIfl) 

Elle  s'appelait  Félicité-Stéphanie  Ducrest  de 
Saint-Aubin.  Mais  on  l'appela  aussi  comtesse  de 
Bourbon-Lancy,  Mme  la  chanoinesse  à  l'âge  de 
sept  ans,  puis  comtesse  de  Genlis,  marquise  de 
Sillerv,  puis  citoyenne  Genlis,  Mme  Bruslart.  Elle 
eut  plusieurs  autres  allas. 

Elle  naît  à  Champceri,  près  d'Autun.  Elle  ré- 
side à  Cosne,  à  Saint- Aubin,  dont  son  père  est 
seigneur.  Il  se  ruine,  part  pour  Saint-Domingue. 
Mme  Ducrest  et  sa  fille,  alors  à  Parts,  rue  Traver- 
sière,  se  réfugient  chez  M.  de  Chevilly,  homme 
de  robe.  Mme  Ducrest,  sans  domicile,  recourt  à 
celui  de  ses  amis.  Il  le  fallait  bien.  Les  amis  com- 
prenaient cette  nécessité.  M:  de  Chevilly  ayant  été 
saisi  par  ses  créanciers,  nous  trouvons  la  mère  et 
la  fille  à  Passy,  chez  La  Pouplinière.  Puis  au  cou- 
vent de  Saint-Joseph,  qu'habite  Mme  Dudeffand, 
leur  parente,  puis  par-ci  par- là  dans  Paris.  M.  le 
comte  de  Bruslart  de  Genlis,  depuis  marquis  de 
Sillery,  épouse  Mlle  Ducrest.  1^  mari  rejoint  son 
régiment,  la  femme  entre  dans  un  couvent.  Elle  le 
quitte,  habite  la  Picardie,  le  château  de  Sillery  ; 
elle  entre  au  Palais- Koy al  comme  dame  pour 
accompagner  la  duchesse  de  Chartres,  en  4770  ; 
elle  devient  à  trente  et  un  ans  gouvernante  do 
Mlle  de  Valois,  en  4784  gouverneur  des  princes  ; 
elle  s'établit  avec  ses  enfants  et  ses  élèves  au  cou- 
vent de  la  rue  de  Bellechasse,  réside  de  temps  en 
temps  à  Saiot-Leu,  voyage  en  France,  en  Angle- 
terre. Au  début  de  la  Révolution,  elle  demeure  à 
Passy,  émigré  en  Angleterre  par-ci  par-là,  revient 
à  Paris,  part  pour  Tournai,  Saint- Amand,  pour  la 
Suisse,  à  droite,  à  gauche,  pour  l'Allemagne,  de 
cOté  et  d'autre,  rentre  à  Pans.  Domiciles  variés  : 
rue  d'Enfer,  l'Arsenal,  rue  de  Berri,  passim  dans 
Paris,  puis  Mantes,  Chaillot,  etc.  Elle  mourut  près 
de  Saint-Philippe-du-Roule,  faubourg  du  Houle, 
ii«24. 


INCIDEirrS  ET  ACCIDENTS 

De  la  naissance  à  la  mort,  que  d'événements 
relatés  par  les  Mémoires!  Que  Mme  de  Genlis  se 
rend  intéressante  !  Ln  gros  bailli  manque  s'asseoir 
sur  l'oreiller  oii  elle  est  emmaillotée  :  c'était  l'as- 
phyxie certaine.  A  dix-huit  mois  on  la  repêche 
dans  un  étang;  elle  s'assied  dans  une  cheminée  et 


(l)  Giraull  de  Sainl-Fargenii,  Quartiers  de  Parië^ 
p.  Wi. 


garde  deux  marques  de  brûlure.  Le  grand  prieur 
qui  la  reçoit  à  sept  ans  chanoinesse,  en  lui  cou- 
pant une  mèche  de  cheveux  lui  enlève  un  bout 
d'oreille.  Plus  tard,  elle  est  bien  près  d'être  tuée 
d'une  balle  à  ricochet  par  le  duc  d  Orléans  qui,  lui 
tournant  le  dos,  s'exerce  au  pistolet.  A  Reggio,  une 
folle,  dont  elle  se  débarrasse  d'un  coup  de  poing, 
veut  l'étoufler.  Elle  a  la  vie  dure,  dit  Carlyle^  Ta 
vie  d'un  chat,  de  neuf  chats  ;  elle  échappe  à  la 
strangulation,  à  l'immersion,  à  la  combustion,  à 
l'eau,  au  feu,  au  fer,  au  plomb.  Un  jour,  dans  sa 
chambre,  rue  de  Vangirard,  elle  voulut  à  tâtons 
prendre  un  petit  meuble,  elle  se  heurta  contre  une 
malle,  fit  la  culbute,  se  cassa  deux  dents,  se 
pocha  un  œil,  se  bossua  le  front,  se  débossua  le 
nez.  <  J'avais,  dit-elle,  le  nez  légèrement  re- 
troussé ;  comme  tous  les  nez  de  ce  genre,  il  était 
joli,  délicat,  il  a  été  très  célébré  eu  vers  et  en 
prose.  Je  l'avais  conservé  dans  toute  sa  délica- 
tesse. La  petite  bosse  est  maintenant  enfoncée.  » 


L  AMOUR,    CE  ROM   ME   RESTA 

• 

Mme  de  Genlis  fut-elle  jolie  ?  Peu  importe  au- 
jourd'hui, dira-t-on.  Il  importe  beaucoup.  Ces 
charmes  du  nez,  du  visage  et  de  la  taille,  ces 
agréments,  dont  elle  nous  entretient  beaucoup, 
expliquent  sa  fatuité.  Les  vêtements,  les  attife- 
ments, les  falbalas,  les  paillettes,  les  déguise- 
ments qu'on  lui  fit  porter,  préparent  son  naturel 
fardé,  grimé,  les  attitudes  et  les  poses  qu'elle  prit 
dans  la  mascarade  de  son  existence. 

Toule  petite,  il  ne  suffit  pas  qu'on  lui  dise  : 
tenez- vous  droite,  mademoiselle  ;  ne  louchez  pas, 
mademoiselle;  fi!  que  c'est  vilain.  On  lui  empri- 
sonne la  taille  dans  une  cuirasse  lacée  au  crochet, 
les  pieds  dans  des  souliers  de  petite  Chinoise,  le 
cou  dans  un  carcan  de  fer,  on  lui  couvre  la  tête 
de  trois  ou  quatre  mille  papillottes,  les  yeux  de 
besicles.  Elle  porte  une  aune  et  demie  de  paniers 
et  sa  largeur  devient  le  double  de  sa  hauteur. 

Elle  apparaît  ensuite  sous  les  traits  de  Cupidon 
dans  un  opéra-comique  de  sa  mère.  On  la  trouve 
si  gentille  qu'elle  garde  comme  toilette  ordinaire 
son  attirail  d'Amour,  ses  ailes  bleues,  son  habit 
rose,  son  carquois,  son  arc  pour  aller  à  la  messe 
le  jour  de  la  Fête-Dieu  :  Cupidon  par  de  légers 
changements  se  métamorphose  en  ange. 

Dans  une  fête  de  famille,  elle  représente  l'Amitié 
en  costume  de  Savoyarde  ?  Pourquoi  Savoyarde  ? 
Plus  tard,  elle  personnifie  Iphigénie  en  robe  de 
lampas  cerise  et  areent,  fourrée  de  martre.  Ado- 
lescente, vêtue  en  nomme,  elle  saute  les  fossés. 
Jeune  femme,  elle  joue  la  comédie  chez  M.  deCa- 
raman,  en  vestale,  en  sultane  favorite.  La  sultane 
a  quelque  reproche  à  faire  au  maître  de  la  maison  ; 
elle  le  pince,  l'égratigne,  lui  donne  des  coups  de 
pied  dans  les  janibes,  après  quoi  on  se  réconcilie. 

MOINS  JOLIE  qu'elle  NE  SK  ChOIf 
(opinion    DKi   AUTRl^lS    FEMMES) 

Sans  travesti,  comment  la  voient  réellement  ses 
contemporaines  ? 

(1)  Abrégô  (!e8  Mémoire»  (é<l.  OllendorlT,  p.  11) 

»9 


ZgO  IIISTOIKK    UL'   XVI'  A RHOM>l SERMENT 

«  El'e  auDe  gaietéde  jolies  deats,  «dit  Mme  Je  troussé.  Elle  était  mime  et  ponrait  preodre  de* 

Cambi.  phïsioDomies  variées  (1).  » 

Mme  de  Bourders  ;  «  Elle  fait  mentir  le  pro-  Ecoulens  Mme  Vigée  Lebrao  (2)  : 

ferbe  qui  dit  que  lea  visages  ronds  o'oal  pas  de  *  Mme  de  Gentis  était  assez  grande  el  très  tnea 

physionomie.  >  faite;  ellen'ajamaiidd  jlre  précisément  jolie;  elle 


Mailainu  de  Gentis  vcrr^  la  lin  de  90  \ip. 
:»'»pris  k  poKraH  de  M"  Clitraiifline.  —  Cillerlion  de  M.  Emile  Potin.) 

d'AbraDtès  trouve  <  qu'elle  a  une  taille  .  avait  beaucoup  de  ph;rsionomie.  Je  pense  qoe  sa 

ite.  aisée,  ronde  et  même  souple  el  gra-  physionomie  aorait  pris  difficilement  l'eiprosaon 

v»u«,  mais  l'air  méchant,  agile.  Ses  yeux  taillés 

en  amande  racontaient  tont  autre  chose  que  ce  qui 

derrail  animer  un  visage  de  jolie  femme.  Son  nez  [i  '  Mme  d'AbrsaU-s.  («  Suloat  loat  tEmplrt  el 

ne  se  sauvait  de  la  réputation  de  ctos  nez  que  '-i  i>f'l<'araiion.—  i',utim. 

parce  qu'il  pouvait  prétendre  1  celle  de  nez  ro-  ji^mJ)?;;™'  îi'.'        '''"""'  ^-  '"'  "  "  '""^  ''" 


ANNEXES 


291 


de  la  boolé  ;  mais  elle  prenait  toute  autre  expres- 
sion avec  une  mobilité  prodigieuse.  » 

Mme  de  Genlis  tient  à  passer  pour  petite.  «  J'ai 
couché,  dit-elle,  dans  un  berceau  d'enfant  trop 
petit  pour  que  mademoiselle  (de  Chartres)  y  pût 
dormir.  »  (12  juillet  1787.) 

Mme  d'Oberkirsh  {Métnoires,  t.  H,  p.  61)  ac- 
corde i  Mme  de  Genlis  du  charme,  mais  peu  de 
naturel.  «  Elle  pose  sans  cesse  poui*  son  portrait 

esique  et  moral.  Un  ridicule  immense  de  cette 
me  masculine,  c'est  sa  harpe,  elle  la  porte 
partout  avec  elle  ;  elle  en  parle  lorsqu'elle  ne  l'a 
point,  elle  joue  sur  une  croûte  de  pain,  et  elle 
s'exerce  avec  une  ficelle.  Quand  on  la  regarde, 
elle  arrondit  les  bras,  pince  la  bouche,  prend  un  air 
sentimental,  un  regard  analogue  et  remue  les  doigts. 
Mon  Dieu  !  que  le  naturel  est  une  belle  chose .  » 
A  la  fin  de  sa  vie,  Mme  de  Genlis  fit  faire  son 
portrait  par  Mme  Chéradame  :  «  Je  suis  représen- 
tée jusqu'aux  genoux,  écrivant  pendant  la  nuit, 
ayant  à  côté  de  moi  une  lumière  prèle  à  s'éteindre, 
et  m'arrètant  en  voyant  naître  le  jour.  Je  fis 
mettre  sur  la  table,  à  côté  de  la  lumière,  un  vase 
de  fleurs  et  enfi  1  un  seul  livre  sur  le  revers  du- 
quel ce  mot  est  écrit  :  Evangile.  Il  y  a  derrière 
moi  une  harpe  dans  l'ombre  (I).  » 

CONQUÊTES   ET  TRIOMPHES 

Nous  abrégerons  le  long  cortège  de  ceux  qui 
ont  succombé  aux  charmes  de  Mme  de  Genlis.  Il 
faudrait  avoir  recours  à  des  classifications  do 
soupirants,  todt  un  numérotage  par  chiflres  et 
lettres  de  l'alphabet.  Ce  sont  des  hommes  de 
lettres,  des  professeurs,  des  roturiers,  des  nobles, 
des  étrangers  qui  tombent  à  ses  pieds,  s'engagent 
de  désespoir,  l'insultent  après  l  avoir  adorée,  en 
prennent  la  jaunisse.  Elle  eût  pu  épouser  le  baron 
d'Âudlau  (qui  intéresse  Auteuil),  qui  lui  envoya 
son  arbre  généalogique.  11  se  rejeta  sur  Mme  Du- 
crest  et  fit  sa  femme  de  celle  qui  eût  pu  être  sa 
belle-mrre.  Mme  de  Genlis  dit  avoir  dédaigné  La 
Harpe,  la  fleur  des  pédants,  qui  l'aima  pédante- 
ment,  Marie- Joseph  Chénier,  Dernardin  de  Saint- 
Pierre.  On  lui  attribue  comme  amants  :  Brissot, 
Pétion,  Mirabeau  cité  par  Sévelinges,  conte  à 
Sophie  Monnier,  lettre  au  2  fév.  1780,  ses  rela- 
tions avec  Mme  de  Genlis  et  une  longue  entrevue 
en  voiture. 

Il  convient  d'insister  sur  trois  soupirants,  qui 
appartiennent  à  notre  domaine. 


LA   POUPUNIKRE 

Parmi  les  personnes  qui  donnèrent  l'hospitalité 
à  Mme  Ducrest  et  à  sa  fille,  fut  I^  Pouplinière. 
Elles  arrivèrent  à  Passy  le  jour  qu'on  mariait  six 

Kuvres  jeunes  filles  dotées  par  le  financier, 
le  Ducrest  prit  part  aux  danses,  aux  galas,  aux 
concerts  et  aux  fêtes,  ioua  de  la  harpe  ;  elle  ob* 
serva  aussi  ceux  qu*elle  voyait  et  les  jugea.  Da* 
lembert  a  une  figure  ignoble,  Sainte-Foix  res- 
semble au  crime,  le  poète  Bertin  au  remords. 


(1)  Mémoires^  p.  392.  — Ollcndorff,  iSyd. 


La  Pouplinière  lui  donna  des  professeurs  de 
musique,  de  danse,  de  déclamation  ;  il  soupire  à 
la  pensée  au'il  a  soixante-six  ans  et  que  cette  jolie 
créature  nen  a  que  treize  (1759).  On  l'entend 
murmurer  en  la  regardant  et  même  dire  tout 
haut  :  quel  dommage  ! 

Stéphanie  Félicité,  reconnaissante  de  cet  hom- 
mage à  ses  yeux  noirs,  à  son  nez  à  la  Roxelane, 
à  ses  talents,  se  disait  aussi  :  quel  dommage  ! 
<  Je  compris  fort  bien  à  la  fin  ce  mot  si  souvent 
répété  et  je  fus  fâchée  moi-même  de  n'avoir  pas 
trois  ou  quatre  ans  de  plus,  car  je  l'admirais 
tant  que  j  aurais  été  charmée  de  l'épouser  (1).  » 

Plus  tard,  Mme  de  Genlis  se  montra  ingrate, 
elle  trouva  que  Voltaire  se  trompait  en  appelant 
un  peu  Irop  légèrement  La  Pouplinière  :  Mécène 
et  protecteur  des  arts  (2). 

Le  palais  de  Mécène  était  peuplé  de  filles  de 
spectacle,  de  nymphes,  de  grâces  et  de  bacchantes. 
C'était  l'époque  oii  Dubois-Crancé  voyait  La  Pou- 
plinière entouré  de  jolies  duchesses.  <  Lui  était 
seul  dans  son  magnifique  fauteuil  et  se  plaignait 
d'avoir  été  changé  en  nourrice  parce  que,  disait- 
il,  il  était  fait  pour  être  roi  (3).  »  Marmontel 
dans  ses  Mémoires  U)  laisse  deviner,  en  termes 
trop  clairs  pour  quil  soit  facile  de  les  citer, 
quelques-unes  des  scènes  dont  la  maison  était  le 
théâtre  et  cette  soif  de  Tantale  qu'avait  le  vieux 
La  Pouplinière  pour  tous  les  plaisirs.  On  lit  dans 
un  livre  de  notre  collègue,  M.  Lhomme  (5)  : 
€  Mme  de  Genlis  était  pauvre,  mais  le  financier 
La  Pouplinière  lui  fit  donner  une  excellente  éduca- 
tion. » 

3°    CONTE    DES    MILLE    EF    UNE   NUITS 
LE  MARIAGE  DE  Mlle  DuCREST 

11  y  avait  un  jour  un  aga  des  janissaires  très 
noble,  très  beau,  très  brave,  qui  s'appelait  le 
comte  de  Genlis.  Il  était  le  prisonnier  d'une  fée 
malfaisante  qui  avait  nom  la  perfide  Albiun.  Il 
rencontra  un  autre  captif  qui  regardait  en  sou- 
pirant un  couvercle  de  botte  sur  lequel  était 
peinte  une  ravissante  odalisque  qui  jouait  de  la 
harpe.  Le  comte  admira  le  portrait,  apprit  qu'il 
était  inférieur  à  l'original.  11  crut  ce  que  disait 
un  père  qui  ne  voyait  à  sa  fille  nul  défaut.  Il 
tomba  amoureux  du  portrait  sur  la  boite  ;  il  lut 
des  lettres  élogieuses  pour  le  modèle  ;  une  mère 
les  avait  écrites  ;  un  père  y  ajoutait  ses  commen- 
taires. Le  captif  était  M.  Ducrest,  qui  revenait 
de  Saint-Domingue. 

L'officier  fut  rendu  à  la  liberté  par  l'interven- 
tion d'un  génie,  qui  était  son  oncle  le  marquis  de 
Puisieux,  ministre  des  affaires  étrangères.  11 
porta  à  Mme  Ducrest  les  messages  de  son  mari, 
à  Mademoiselle  son  cœur  à  lui  et  sa  main.  Le 
mariage  eut  lieu.  Il  demeura  secret,  puis  se  dé- 
couvrit. Ici  ce  n'est  plus  un  conte  d'Arabie,  mais 


(1)  Pp.  i3,  li.  Mémoires  (OUcndorfr). 
hi)  Souvenirs  de  Félicité  L...,  p.  70. 

(3)  Disc,    de     Dubois-Crancc.   Jung,    vol.  III, 
p.  ii5. 

(4)  P.  114,  liv.  IV,  éd.  1819. 

(5)  Les  Femmes  écrirains^  Bibl.  lit.  delà  Fumille* 
Lioi'jiric  de  l'Art,  Paris. 


292 


HISTOIRE    DU   XVI*   ARRONDISSEMENT 


un  roman  moderne.  La  riche  et  paissante  famille 
fiit  au  comble  de  la  fureur  jusqu'à  ce  que,  n'ayant 
rien  de  mieux  à  faire,  elle  se  résigna. 

PHILIPPE-ÉGALITÉ 
PROMENADE  A  BAGATELLE 

Mme  d'Âbrantès  nous  apprend  que  Mme  de 
Geolis  fit  impression  sur  le  duc  de  Chartres  à 
rOpéra,  où  elle  dansait  un  quadrille.  Chaque 
couple  formait  un  proverbe.  Le  duc  de  Chartres 
et  quelques-uns  de  ses  amis  mirent  sous  la  peau 
d'un  gros  chat  un  petit  Savoyard  qui  vint  miauler 
au  milieu  des  danseurs  et  fut  écarté  à  coups  de 
pied.  Les  miaulements  se  changèrent  en  pleurs. 
Les  spectateurs  s'élevèrent  contre  la  cabale.  C'est 
ce  soir-là  que  le  duc  tomba  amoureux  de  la  com- 
tesse. Elle  était  en  paysanne,  avec  une  robe  de 
taffetas  broché  rose  sur  rose,  le  corset  semblait  à 
peine  retenir  une  chemise  de  batiste.  La  tète  était 
coiffée  d'une  rose  au  milieu  d'une  touffe  de  gaze 
d'argent  et  de  petites  plumes  (i|. 

Quelles  furent  ensuite  leurs  relations  ?  Dans  ses 
Mthnoires,  le  comte  de  Clermont-Gallerande, 
cité  par  de  Sévelinges  (p.  198),  affirme  que 
Mme  de  Genlis  fut  la  maltresse  du  duc.  Miss  Bur- 
ney,  la  romancière  anglaise  sur  qui  peut-être 
nous  reviendrons,  car  elle  aussi  appartint  à  Passy, 
a  des  doutes.  Elle  trouve  en  Mme  de  Genlis  la 
plus  délicieuse  et  la  plus  accomplie  Française 
qu'elle  ait  jamais  rencontrée.  Mais  peut-on  se  lier 
avec  elle? 

<  Hélas  !  dit  miss  Buroey,  que  faire  ?on  s'élève 
contre  elle  avec  tant  d'universelle  violence  et 
j'ai  si  peu  de  preuves  de  son  innocence,  j'en  suis 
intérieurement  si  peu  convaincue  par  ce  que 
j'observe  de  sa  conduite,  de  ses  manières  et  de  sa 
conversation,  que  je  n'ose  me  risquer  à  une  corres- 
pondance avec  elle.  Mais  si  elle  est  l'amante  du 
duc  de  Chartres,  que  de  points  obscurs  !  Pourquoi 
ne  reste-t-elle  pas  au  Palais-Royal  ?  Le  prince 
est  jeune,  il  n'est  pas  fidèle,  elle  Tabandoune  et 
s'enferme  à  faire  des  éducations  (2).  » 

Mrs  PÎlkington  (Memoirs  ofcelebrated  female 
characters,  Londres,  4804)  dit:  «  Il  n'est  pas 
aisé  de  supposer  qu'une  femme  qui  a  peint  la 
vertu  sous  des  couleurs  si  aimables  puisse  en  même 
temps  marcher  dans  la  voie  du  vice.  » 

iMme  d'Oberkirsh  se  prononce  :  «  Les  intimités 
du  duc  de  Uiarlres  avec  Mme  de  Genlis  ne  sont 
un  secret  pour  personne  et  il  ne  s'en  tient  pas  à 
elle  seule.  »  —  Mme  d'Oberkirsh  se  souvientd'avoir 
dérangé  à  la  Folie-Sainte- James,  près  de  Baga- 
telle, un  couple  amoureux  :  c'étaient  le  duc  d'Or- 
léans et  Mme  de  Genlis.  «  Ils  étaient  censés  brouil- 
lés, par  respect  pour  Mme  la  duchesse  d'Orléans, 
qui  1  avait  obtenu  à  force  de  larmes,  et  ils  furent 
bien  contrariés  de  nous  voir  là.  Son  Altesse  Séré- 
nissine  avait  demandé  le  huisclos  du  jardin.  M.  de 
Sainte-James  le  lui  avait  promis.  Le  concierge 
laissa  entrer  par  erreur.  Le  prince  nous  salua 
assez  platement  ;  la  dame  prit  un  air  superbe  et 

(i)  D'Abrantès.  Snlons,  p.  44'«- 
(a)  Cité  par  miss  Kavanagh,  Englhh  women  of 
lellers,  p.  48  (Tauchnilz). 


releva  la  tète  en  nous  regardant  fixement  comme 
une  impératrice.  Je  la  revis  le  soir,  je  ne  sais 
plus  où,  avec  son  éternelle  harpe,  qu'elle  traî- 
nait partout  à  sa  suite.  Elle  sembla  ne  point  me 
reconnaître  et  sa  hauteur  ne  s'abaissa  pas  devant 
ce  sonvenir  (1).  » 

IJS  ENNEMIS  DE  MADAME  DE  GENLIS 

Comment  l'apprécièrent  ceux  de  ses  contempo- 
rains qui  ne  furent  pas  amoureux  d'elle  ? 

En  général,  ils  la  détestèrent.  Elle  eut  pour 
ennemis,  tour  à  tour  ou  ensemble,  les  aristocrates, 
les  républicains  ;  les  jolies  femmes,  dont  elle  disait 
du  mal  ;  les  laides,  qui  n'aiment  pas  les  jolies 
femmes  ;  les  coquettes,  qui  l'appelaient  prude  ;  les 
vertueuses,  qui  l'accusaient  Je  lé|[èreté.  Elle  eut 
aussi,  parmi  ses  ennemis,  ses  anciens  amis. 

Sa  tante,  Mme  de  Montesson,  ne  l'aimait  pas. 
Est-ce  étonnant  ?  elle  l'appelait  sa  tantâtre. 
Mme  de  Barbantane,  comme  elle  dame  du  Palais- 
Royal,  lui  voulait  mal  de  mort.  Rien  de  surpre- 
nant ;  elle  disait  :  <  Mme  de  Barbantane  a  un  nez 
d'un  rouge  éclatant.  »  —  Comment  l'abbé  Raynal 
lui  eût-il  voulu  du  bien  ?  elle  le  qualifiait  de  «  vieux 
libertin  apostat  ».  Elle  insultait,  on  l'injuriait. 

Il  courut  sur  elle,  dans  les  salons,  des  énigmes 
en  vers  qu'on  ne  peut  trop  citer  en  entier. 

Au  physique  je  suis  du  genre  féminin. 
Mais  au  moral  je  suis  du  genre  masculin. 

<  Les  œuvres  de  Genlis  se  vendent  plus  qu'elle 
ne  vaut...,  »  etc. 

Aujourd'liui  prude,  hier  galanlr, 
Tour  h  tour  loUe  et  docteur, 
Genlis,  douce  gouvernante, 
Deviendra  dur  gouverneur, 
Et,  toujours  femme  charmante, 
Saura  remplir  son  destin  : 
On  peut  bien  ôtre  pédante 
Sans  cesser 

Mme  d'Oberkirsh  (2)  l'appelle  «  une  manière 
de  vaniteuse,  femme  à  sentences,  femme  qui  quitte 
son  grand  habit  pour  les  culottes  d'un  pédagogue  ». 
Elle  ajoute  (3)  :  «  Décidément  ces  jeunes  princes 
d'Orléans  ont  un  gouverneur  un  peu  singulier.  U 
tient  trop  de  la  gouvernante  et  il  n'oublie  ses 
jupons  que  lorsqu'il  devrait  s'en  souvenir.  » 

Quand  elle  entre  dans  certains  salons,  les  hommes 
causent  d'elle  presque  tout  haut  avec  des  rires 
malveillants  (4).  On  la  représente,  en  caricature, 
armée  d'un  sucre  d'orge  et  d'une  férule.  Laclos, 
familier  du  Palais -Royal,  écrit  sur  elle  : 

Change  donc,  ma  fille, 
Ta  plume  en  aiguille, 
Brme  ton  papier; 
Il  faut  te  résoudre 
A  filer,  à  coudre; 
C'est  là  ton  métier. 

Mme  de  Staël  s'étonne  que  le  vin  de  Sillery  soit 
bon,  portant  le  nom  de  la  marquise.  H  vaut  mieux 


3l2. 


(i)Mém.A-  II. p.  î 

(2)  Mémoires  y  t.  II, 

(3)  Id..  p.  260. 
(/,)  Mme  d'Abrantès.  Salons, 


p.  61. 


ANNEXES 


293 


ne  faire  ane  meotionDer  les  outrages  da  comte 
de  Tilly  dans  ses  Mémùires.  Rivarol  lui  fit  nne 
gnerre  acharnée  :  «  Il  n*aimait,  disait-il,  ane  les 
sexes  prononcés.  »  Louis  XVIH  dira  d'elle  :  Si 
Mme  de  Staël  en  politique  est  beaucoup  trop  homme, 
Mme  de  Genlis  est  un  peu  trop  femme.  »  Sir  Ch. 
Morgan  Tappelle  :  <  une  vieille  sorcière  menteuse 
qui  a  l'air  démarcher  sur  des  ressorts...  »  etc.,  etc. 

SES  RARES  AMIS 

Dans  ce  concert  de  yitupérations,  il  y  a  quelques 
témoignages  farorables.  Grimm  (i)  trouve  en  elle 
Tespnt  de  Locke,  le  génie  de  Rousseau,  Tâme  de 
Fénelon  et  la  naïveté  de  Gessner.  BufTon  loi  écri- 
vait en  janvier  i780  :  €  Je  ne  suis  plus  amant  de 
la  nature  ;  je  la  quitte  pour  vous.  Madame.  Elle 
ne  sait  que  former  des  corps  et  vous  faites  des 
âmes.  Que  la  mienne  n'est-elle  de  cette  heureuse 
création...  Pardonnez-moi,  Madame,  ce  moment 
de  délire  et  d'amour.  »  Le  ii  mars  4787,  il  l'ap- 
pelle «  son  adorable  et  noble  fille  ». 

Fontanes  la  compare  à  Fénelon,  la  préfère  à 
Mmes  de  Sévigné  et  de  La  Fayette.  Un  M.  Anatole 
de  Montoublon  lui  dédie  en  nmes  un  roman  :  la 
Bergère  du  Rhône,  iSU. 

O  vous  dont  la  plume  éloq^uente, 
Genlis,  qu'on  admire  et  qu  on  vante 
Aux  champs,  à  la  ville,  à  ta  cour, 
Nous  peint  l'innocence  et  l'amour... 

LA  POSTÉRITÉ 

Que  pense-t-on  d'elle  depuis? 

Concourt  lui  reproche  d'avoir  écrit  en  bavarde 
sur  la  morale,  ce  qui  prouve  toute  son  imagina- 
tion et  sa  facilité  à  suppléer  à  l'expérience  par  le 
style  et  à  disserter  sur  oui-dire. 

Essays  from  the  limes  {i^l)  :  «  Elle  semble 
avoir  réparé  sa  mauvaise  conduite  par  un  grand 
soin  à  donner  à  ses  élèves  les  meilleurs  principes.  » 

Liste  d'épithètes  qu'on  trouve  accolées  à  son 
nom  :  coquette,  prude,  pédante,  vaniteuse,  dévote, 
impie,  brouillonne,  fantasque,  évaporée,  écervelée, 
futile,  bavarde,  querelleuse,  hypocrite,  intrigante, 
équivoaue,  énigmatique,  et,  pour  tout  dire  :  fin 
de  siècle. 

Voici  sur  elle  un  sonnet  joli,  et  doublement 
intéressant  pour  nous,  puisqu'il  fait  passer  devant 
nos  yeux  Mme  de  Lamballe,  vision  plus  gracieuse  : 

Sur  la  neige,  dans  un  traîneau  dont  une  rêne 
Est  d'or,  et  dont  Taulre  est  d'argent,  montrant 

[son  clair 
Sourire  et  le  salin  duveté  de  sa  chair. 
Passe  Lamballe,  assise  à  cAté  de  la  reine. 

On  dirait  que  le  vent  furieux  les  entraîne 
En  fourreau  de  velours  épais,  garni  de  vair  ; 
Elles  volent  dans  la  blancheur  de  l'âpre  hiver, 
Au  galop  des  petits  chevaux  noirs  de  l'Ukraine. 

Tout  est  orgueil,  amour,  fête,  éblouissement 
Dans    ce  groupe   de  sœurs,  glorieux  et  char- 

/mant. 
Elles  beaux  grenadiers  du  régiment  de  Flandre 

Admirent  cet  éclair  de  jeunesse  el  de  lys, 
El  ces  regards  d'enfant  el  cet  accord  si  tendre  ; 
O  télés  folles  !...  dit  Mme  de  Genlis  (?.). 


(i)  Corresp.  ////.,  janvier  1780, 

(2)  Théodore  de  Banville,  les  Exilée. 


RÔLE  LITTÉRAIRE,  POLITIQUE,  ET  VIEILLESSE 
DE  MADAME  DE  GENLIS 

Nous  n*insîsterons  pas  sur  l'éducation  des  princes 
d'Orléans.  Sainte-Beuve  a  fait  sur  Mme  de  Genlis 
inslituirice  l'article  définitif.  La  part  qu'eut  la 
faction  d'Orléans  à  la  Révolution  française  appar- 
tient à  la  grande  histoire.  Mais  le  journal  de 
Mme  de  Genlis  donne  quelques  détails  datés  de 
Chaillot,  des  filles  Sainte-Mane  ou  de  Passy  (1  ^''sep- 
tembre 1789),  sur  la  vie  des  princes  pendant  qu*ils 
habitaient  le  château  de  Boiilainvilliers. 

Passy,  5  octobre.  —  I^  lundi  5  octobre,  le  doc 
d'Orléans  fait  dire  à  ses  fils  de  quitter  Versailles 
sur-le-champ  et  de  passer  par  la  route  de  Saint- 
Clood  à  cause  de  la  roule.  «  Nous  sommes  arrivés 
à  Passy,  écrit  M.  Le  Brun,  vers  trois  heures  et 
quart.  Les  princes  sont  aussitôt  montés  chez  leur 
amie,  qui  les  attendait  pour  dtner,  car  on  a  servi 
tout  de  suite.  »  Mme  de  Genlis  insère  cet  article 
dans  le  Journal  de  réducatian,  parce  ^e,  dit- 
elle  en  note,  dans  les  dépositions  calomnieuses  du 
Chàtelet  contre  Mp  d'Orléans,  il  était  dit  que  ce 
jour-là  elle  conduisait  à  la  séiance  les  enfants  de 
Mgr  d'Orléans.  Or,  elle  était  restée  à  Passy,  dit- 
elle,  et  cela  doit  être  vrai. 

Passy,  journées  des  5  et  6  octobre.  —  Mme  de 
Sillery  était  avec  ses  élèves  sur  la  terrasse  de  la 
maison  de  Passy  qu'ils  occupaient,  pour  voir  pas- 
ser les  brigands  qui  allaient  à  Versailles  le  5  oc- 
tobre. Elle  y  était  le  jour  oh  le  malheureux 
Louis  XVI  se  rendit  à  l'Hôtel  de  Ville.  Il  se  tenait 
sur  cette  terrasse  les  propos  les  plus  offensants 
pour  la  reine  et  pour  Mme  la  princesse  de  Lam- 
balle. Ces  propos  forent  entendus  par  plusieurs 
personnes  ^i).  I^s  Mémoires  de  Rivarol  (2)  parlent 
des  émissaires  du  duc  d'Orléans,  qui  les  envoyait 
de  Passy,  où  Mme  de  Genlis  partageait  en  ce  mo- 
ment sa  sollicitude  et  ses  alarmes.  Des  courriers 
lui  rapportaient  de  minute  en  minute  les  nouvelles 
du  château.  On  prétendit  l'avoir  vu  à  Versailles 
sur  l'escalier  de  marbre. 

D'AllonviUe  n'est  pas  d'accord  avec  Rivarol  (3). 
<  Le  due  était,  dit-il,  chez  Mme  de  Buffon,  à  Passy  ; 
l'alibi  suffit  pour  annihiler  l'accusation.  »  Mais  ce 
qui  gâte  l'alibi,  c'est  qu'il  y  en  a  plusieurs.  Le 
duc  a  l'air  d'avoir  été,  ce  jour-là,  un  peu  partout 
à  la  fois  :  à  Paris,  dit-il  lui-même,  retenu  par  on 
travail.  Mais  quelqu'un  l'a  vu  au  bois.  UnM.Cos- 
nier  l'a  aper^'u  du  côté  de  Neuilly,  vêtu  de  gris  et 
suivi  de  deux  jockeys  en  rouge.  Il  l'a  d'abord  pris 
pour  un  boucher.  Il  est  sûr  de  l'avoir  reconnu  (4). 
Weber  (5)  rapporte  que  les  roués  du  Palais-Royal, 
les  Laclos,  les  Sillery,  les  Ducrest  et  plusieurs 
antres  personnages  subalternes,  la  Genlis,  sœur 
de  Ducrest,  forent  sur  pied  toute  la  nuit  au  milieu 


(1)  Mémoires  du  marciiiin  de  Clermonl-Galle- 
lerande,  cités  par  Sévelinjjes.  -  I>«'iilu,3  vol.in-8. 

{•a)  Colleclion  des  Mém.  relatifs  à  l'Hist.  de 
France. 

(3)  Mém  ,  vol.  III.  p.  59.  .   . 

(\)  Voir  la  fin  de  l'appel  au  trihunal  de  l'opinion 
publique  du  rapport  de   Chahroml.  —   Genève, 

(5)  hfém..  vol.  I,  p.  ^^3.  Colleci.  des»  Mém.  rela- 
tifs ù  la  Révolution  fran(,*aise. 


294 


HISTOIRE   DU  XVI''  ARRONDISSEMENT 


de  la  canaille,  qa*il8  enivraient  de  toutes  les  ma- 
nières (5  oct.  1789).  Dans  une  note  du  Journal 
de  V éducation^  Mme  de  Genlis  écrit  :  «  Dans  cette 
procédure  (du  Châtelet),  des  témoins  prétendaient 
avoir  entendu  affirmer  que  je  tenais  à  Passy  des 
assemblées  de  députés,  etc.,  tandis  qu*il  est  de  fait, 
et  que  des  gens  de  M.  de  Bonlainnlliers,  restés 
dans  cette  maison,  le  concierge,  sa  femme,  les 
fjrotteors,  ont  déposé  cette  Tenté,  qui  est  que, 
pendant  tout  le  temps  que  j'ai  passé  à  Passv,  ie 
n*ai  reçu  de  dépotés  que  M.  d'Orléans  et  M.  de 
Siltery,  qui  n*y  est  venu  que  trois  ou  quatre  fois, 
et  M.  de  la  Touche,  chancelier  de  M.  d'Orléans.  » 
Mme  de  Genlis  chargea  les  journaux  de  désavouer 
les  propos  attribués  au  duc  de  Chartres,  qui  aurait 
dit  à  M.  de  Barbantane  à  Versailles  :  «  Il  faut 
mettre  les  aristocrates  à  lu  lanterne.  »  Elle  invoqua 
le  témoignage  de  M.  de  Barbantane,  qui  dit  n'avoir 
rien  entendu,  et  de  M.  Le  Brun,  qui  ne  rougit  pas 
de  répondre  qu'il  ne  voulait  pas  se  faire  imprimer. 


sous  L  EMPIRE  ET  LES  RESTAURATIONS 
FIDÉLITÉ  AUX  PRINCIPES 

Quels  qu'aient  été  l'influence  et  le  rôle  de  Mme  de 
Genlis,  elle  ne  semble  pas  avoir  eu  des  principes 
politiques  bien  solides.  Elle  se  lit  faire  un  médail- 
lon d'une  pierre  de  la  Bastille,  elle  dansa  de  joie 
dans  les  jardins  do  Palais-Royal  pour  célébrer  la 
liberté  conquise,  elle  envoya  en  don  patriotique  à 
Mme  Pajou  une  toilette  d'argent.  Elle  abhorra 
ensuite  la  Révolution  et  admira  l'empereur,  qui 
lui  donna  une  pension  et  un  logement  à  l'Arsenal. 
A  la  Restauration,  elle  offrit  ses  services  à 
Louis  XVIU,  qui  les  refusa.  De  Sévelinges  dit 
qu'elle  se  tourna  du  côté  du  doc  d'Orléans  et  de 
la  princesse  Adélaïd-e,  qui  lui  firent  une  pension 
et  allèrent  la  voir  ou  la  reçurent  de  temps  en  temps  ; 
mais  Sévelinges  est  égaré  par  la  haine.  Mme  de 
Genlis  se  loue  beaucoup  de  ses  anciens  élèves, 
envoie  à  Mme  Adélaïde  une  descente  de  lit  en 
plumes  de  paon  (i)  ;  le  duc  d'Orléans  lui  présente 
la  duchesse.  €  Cette  princesse  s'avança,  elle  me  fit 
l'honneur  de  m'embrasser.  Il  y  a  deux  choses, 
dit-elle,  que  j'aime  passionnément  :  vos  élèves  et 
vos  ouvrages.  > 

Mme  de  Genlis  donne  le  nom  des  personnes  qui 
viennent  la  voir.  C'est,  avec  Mme  Récamier,  la 
maréchale  Moreau,  M.  de  Courchamp,  M.  Valéry, 
le  chevalier  d'Harmensen,  Anatole  de  Montesquiou 
qui  lui  envoie*des  vers  ;  presque  tous  ont  des  places 
auprès  du  duc  et  de  la  duchesse  d'Orléans,  et 
Mme  de  Genlis  ne  parle  pas  d'eux  pour  se  faire 
valoir.  Elle  ne  mentionne  pas  leurs  titres. 


CHAII.LOT 

Le  duc  d'Orléans  lui-même  lui  fait  des  politesses 
aimables,  lui  envoie  do  pain  d'épices  de  Reims, 
une  énorme  provision.  «  Malgré  ma  tempérance 
naturelle,  je  n'ai  pu  résister  à  ce  doux  souvenir 


(i)  •  J'aimoi»  û  penser,  dit-elle,  qu'elle  foulerait 
aux  pieds  chaque  jour  le  symbole  et  l'attribut  de 
l'orgueil.  > 


de  ma  jeunesse  ;  j'avais  dlni  et  j'ai  mangé  deux 
on  trois  pains  d'épice  qui  m*ont  donné  pendant 
plusieurs  jours  d'assez  vives  coliques  ;  mais  je  n'en 
suis  pas  moins  reconnaissante  —  c'est  gentil, 
cela  —  d'un  envoi  charmant  qui  m'a  fait  tant  de 
plaisir.  » 

Mme  de  Genlis  eut  cette  petite  indisposition, 
iO,  nie  de  Chaillot,  dons  la  maison  duD**  Canuet, 
que  Ladvocat,  le  libraire,  loi  avait  indiquée.  Elle 
y  passa  quatre  mois.  Mme  de  Genlis  décrit  la  mai- 
son. De  Sévelinges  lui  fait  un  grief  de  ses  détails 
inutiles  ;  nous  ne  l'imiterons  pas.  €  La  maison  est 
dans  l'enceinte  de  Paris,  mais  tellement  à  nnede 
ses  extrémités  qu'on  peut  se  croire  ft  la  campagne. 
Elle  est  agréablement  située  et  composée  de  deux 
pavillons  réparés  par  une  jolie  cour  ombra|[ée  par 
des  tilleuls.  De  là  quelques  marches  conduisent  à 
un  jardin  ravissant  tout  en  arbres  verts  formant 
des  allées  découvertes  et  des  berceaux...  Mme  de 
Choiseul  se  charge  de  mes  promenades  et  vient 
me  conduire  au  rois  de  Boulogne,  à  Passy  et  dans 
certains  lieux  déserts  que  je  ne  reconnais  pas, 
parce  que,  depuis  que  je  les  ai  parcourus,  tout  y 
est  changé  ;  oes  grands  arbres  abattus,  laissant  à 
nu  un  terrain  immense,  permettent  de  découvrir 
le  plus  ravissant  point  de  vue...  Mme  de  Choiseul 
faisait  arrêter  la  voiture  et  nous  causions  avec 
délices  pendant  plus  de  quatre  heures  (i).  > 

Mme  de  Genlis  dit  que  la  maison  de  santé  est 
celle  du  D*"  Canuet  (avec  un  t).  Mais  l'Almanacli 
des  25.000  adresses  porte  :  Canuel,  maison  de 
santé,  rue  de  Chaillot,  iO.  —  Pour  Canuet  il 
donne  :  Canuet,  Victor,  médecin  attaché  à  la  mai- 
son de  retraite  de  Sainte-Périne,  etc.,  etc.  — 
Mme  de  Genlis  a  dA  confondre  la  fin  des  deux 
noms.  Elle  pouvait  connaître  le  médecin  de  Sainte* 
Périne,  où  elle  pensa  un  instant  entrer  avec  son 
gendre  Valence.  De  Sévelinges  dit  qu'elle  renonça 
à  ce  projet  parce  qu'elle  ne  crut  pas  pouvoir  ren- 
contrer, parmi  les  vieillards  galants  de  l'asile,  un 
soupirant  digne  d'elle. 

DERNIERS  JOURS  ET  MORT  DE  MADAME  DE  GEMUS 

Miss  Opie,  qui  passe  à  Paris,  nous  donne  quelques 
détails  sur  les  derniers  jours  de  Mme  de  Genlis  (\\  : 
<  Nous  allâmes  voir  la  comtesse  de  Genlis;  elle 
nous  reçut  amicalement.  C'est  vraiment  une  jolie 
vieille  femme  de  87  ans  (2),  très  simple.  Pas  de 
smartness  ni  d'affectation.  Elle  reçoit  beaucoup 
de  monde...  » 

Quelques  semaines  après,  le  journal  de  Miss  Opie 
porte  (34  décembre)  :  «  M.  Moreau  vint  m'annon- 
cer  que  la  pauvre  Mme  de  Genlis  fut  le  matin 
trouvée  morte  dans  son  lit.  »  —  2  janvier  : 
€  J'allai  voir  la  pauvre  Mme  de  Genlis  dans  son 
oercueil,  par  bonheur  j'arrivai  trop  Urd.  Je  fns 
présentée  à  quelques-uns  de  ses  amis...  Je  promis 
d'aller  à  son  enterrement.  »  Il  eut  lieu  le  4  janvier. 
*  J'allai  avec  les  personnes  en  deuil  assemblées 

{lour  les  funérailles  de  la  pauvre  Mme  de  Genlis- 
^  maréchal  («érard  me  fut  présenté.  Le  soir  j'allai 
chez  La  Fayette  comme  d'habitude  et  fus  présentée 
à  beaucoup  de  monde.  » 

(1)  P.  333  et  siiiv.  Mém,,  Ollendorff,  1898, 


ANNEXES 


295 


ORAISON  rCNÈBRE 

Dans  un  article  nécrologique  qui  eût  pu  attendre 
quelques  années,  celui  qu*on  nomme  souvent  le 
bon  Jules  Janin  appelle  Mme  de  Genlis  :  femme 
errante,  muse  à  pied,  amphibie,  tricoteuse  de  ro- 
mans,qu*on  croyait  morte  depuis  cent  ans,  mais  qui 
râlait  encore  dans  la  boutique  de  Ladrocat.  Il  la 
nomme  aussi  :  paradoxe  en  jupons,  vieille  femme 
prolixe,  sempiternelle,  vieille  barbouillée  de  tabac, 
fantôme  en  robe  feuille  morte,  pédante  au  doigt 
taché  d'encre,  etc.  ;  et,  dans  un  élan  :  «  Fi  ! 
s'écria-t-il,  Tabominable  odeur  de  vieille  encre  etde 
musc...  Elle  rendit  dans  un  asthme  suprême  une 
Ame  éventée  et  un  esprit  de  bois  blani*.  » 

MONT  VALÉRIEN 

Mme  de  Genlis  fut  enterrée  au  Mont  Valérien, 
«  cimetière  de  luxe  et  de  rencontre,  dit  J.  Janin, 
à  cùté  de  La  Contemporaine^  femme  d'un  autre 
temps,  sa  contemporame  ». 

On  lit  dans  le  Journal  de  Raikes(183i-i847, 
London,  1856)  :  <  L'une  des  tombes  les  plus  né- 
gligées parmi  les  tombes  ouvertes  au  Mont  Valérien, 
3nand  on  fit  les  fortifications  de  Paris,  était  celle 
e  Mme  de  Genlis.  » 

Elle  a  écrit  quatre-vingts  ouvrages  ;  des  his- 
toires de  la  littérature  française,  qui  se  disent 
complètes,  ne  mentionnent  pas  son  nom,  — oubli 
mérité.  Elle  avait,  en  un  style  indifférent  et  pâle, 
mis  la  civilité  non  puérile,  mais  honnête,  en  pro- 
verbes, dialogues,  comédies,  drames,  la  piété  en 
devises,  Thistoire  en  roman,  le  roman  en  sermon, 
et  la  morale  h  toutes  sauces  bien  fades. 

Edmond  Waiil. 


LE  CHATEAU  DE  LA  MUETTE 

On  a  donné  plusieurs  étymologies  sur  ce  nom 
de  Muette.  Certains  auteurs  prétendent  que  c» 
nom  vient  de  mente  de  chasse,  parce  que  c'était 
un  endroit  où  Ton  réunissait  tous  les  chiens  de 
chasse  que  le  roi  avait  à  sa  disposition  quand  il 
voulait  chasser  dans  le  bois  de  Boulogne.  Il  exis- 
tait, en  effet,  autrefois,  dans  les  forêts  destinées 
aux  chasses  royales,  des  bâtiments  que  la  tradition 
dit  avoir  servi  à  cet  usage  et  que  Ton  appelait  des 
muettes.  D'autres  prétendent  que  l'on  avait  donné 
ce  nom  à  cette  résidence  parce  que  c'est  là  que 
nos  rois  venaient  abriter  leurs  amours,  le  nom  de 
Muette  signifiant,  dans  ce  cas  :  lieu  discret,  en- 
droit oîi  l'on  n'est  troublé  par  personne. 

On  a  donné  une  explication  plus  récente  et  qui 
semble  aussi  vraisemblable  que  les  deux  premières  : 
ce  château  n'était  autrefois  (ju'une  simple  maison 
que  les  souverains  avaient  fait  élever  au  milieu  du 
bois  de  Boulogne  pour  y  garder  les  mues  des  cerfs, 
c'est-à-dire  les  bois  qu'ils  perdent  à  l'automne. 


et  pour  y  mettre  les  faucons  servant  à  la  chasse 
lorsqu'ils  étaient  en  mue.  Or,  on  sait  qu'en  terme 
de  fauconnerie  on  appelle  ces  sortes  d'abris  des 
muettes.  De  là  le  nom  qui  resta  au  petit  château, 
d'abord  simple  rendez-vous  de  chasse,  qui  fut  cons- 
truit au  xvii^  siècle  et  qui  devint  une  résidence 
royale  au  commencement  du  xviu*  siècle  par  les 
soins  de  Philippe  d'Orléans. 

Nous  n'avons  pas  la  prétention  d'imposer  l'une 
ou  l'autre  de  ces  étymologies  ;  nous  laissons  à  de 
plus  autorisés  que  nous  le  soin  de  faire  un  choix 
entre  ces  différentes  définitions. 

Quoi  qu'il  en  soit,  le  château  qui  nous  occupe 
est  situé  sur  le  territoire  de  Passy,  à  l'entrée  même 
du  bois  do  Boulogne,  sur  l'emplacement  d'un  an- 
cien rendez-vous  de  chasse. 

La  Muette  fit  partie  du  domaine  de  Marguerite 
de  Valois  (i),  reine  de  Navarre.  Toutes  les  chro- 
niques de  l'époaue  ont  parlé  de  la  galanterie  de 
cette  princesse.  Il  est  inutile  de  la  rappeler  ici  ; 
nous  nous  contenterons  seulement  de  citer  un  pas- 
sage de  Tallemant  des  Héaux  concernant  l'origi- 
nalité de  ses  costumes,  dont  il  dit  : 

«  Elle  faisait  faire  ses  quarrures  et  ses  corps 
de  Juppé  beaucoup  plus  larges  qu'il  ne  falloit,  et 
les  manches  à  proportion. 

«  Pour  se  rendre  plus  belle  de  taille,  elle  fai- 
soit  mettre  du  fer  blanc  aux  deux  côtés  de  son 
corps  pour  élargir  la  quarrnre.  Il  y  avoit  bien  des 
portes  ou  elle  ne  pouvoit  passer.  Elle  avoit  un 
moule  un  demi-pié  plus  haut  que  les  autres  et 
estoit  coiffée  de  cheveux  blonds,  d'un  blond  de 
filasse  blanchie  sur  l'herbe.  Elle  avoit  été  chauve 
de  bonne  heure.  Pour  cela  elle  avoit  de  grands 
valets  de  pié  blonde  que  l'on  tondait  de  temps  en 
temps.  » 

Malgré  toutes  ses  excentricités,  elle  ne  dépas- 
sait jamais  la  mesure  des  convenances.  Elle  aimait 
s'entourer  de  savants  et  de  lettrés,  et  rien  ne  lui 
était  plus  agréable  à  table  que  de  les  entendre 
discourir. 

Lorsque  le  roi  voulut  dissoudre  son  mariage 
pour  les  beaux  yeux  de  Mme  de  Beau  fort,  elle  re- 
fusa toujours  énergiquement,  pensant  que,  si  elle 
y  consentait,  ce  serait  porter  atteinte  à  sa  propre 
dignité  et  à  l'honneur  de  la  couronne  ;  mais  elle 
avait  assez  de  tact  et  de  sens  politique  pour  se 
plier  aux  nécessités  d'Etat.  Sa  tendresse  pour  le 
jeune  Dauphin,  fils  de  Henri  IV  et  de  Marie  de 
Médecis,  le  démontra  bien.  «  Ah  !  qu'il  est  beau  I  » 
s'écria- t-elle,  en  le  voyant  lorsque  Souvré,  son 
gouverneur,  et  Pluvinel,  premier  écuyer,  le  lui 
présentèrent  pour  la  première  fois.  «  Ah  !  ou'il 
est  bien  fait  !  que  le  Chiron  est  heureux  qui  élève 
cet  Achille  !  » 

A  la  mort  de  Henri  IV,  elle  fit  au  jeune  roi 
donation  en  règle  de  tous  ses  biens  ;  c  est  ainsi 
que  le  27  mars  1615,  après  la  mort  de  cette  prin- 
cesse, le  roi  Louis  XllI  se  trouva  possesseur  du 
rendez-vous  de  chasse  de  la  Muette. 

Catelan  fut  investi  par  le  roi  Louis  XIV  de  la 
dignité  de  capitaine  de  la  garenne  du  bois  de  Bou- 
logne, et  ce  tut  lui  qui  fit  faire  des  constructions 


(1)  Il  existe  encore  aujourd'hui  une  allée  du  bois 
do  Boulogne  qui  porte  le  nom  d'Allée  de  la  Reine 
Marguerite. 


296 


HISTOIKE    Dl*   XVI*   ARRONDISSEMENT 


importantes  ;  mais  il  vendit  en  d702  sa  charge  au 
directeur  des  finances  Fleuriau  d'ArmenonTille.  Il 
n'est  pas  sans  intérêt  de  rappeler  ici  ce  qu'en  dit 
Saint-Simon  : 

«  C'étoit  un  homme  léger,  gracieux,  respec- 
tueux quoique  familier,  toujours  ouvert,  toujours 
accessible,  qu'on  voyait  peiné  d'être  obligé  de 
refuser  et  ravi  de  pouvoir  accorder,  aimant  le 
monde,  la  dépense  et  surtout  la  bonne  compagnie, 
qui  étoit  toujours  nombreuse  chez  lui.  Il  étoit  frère 
très  disproportionné  d'âge  de  la  femme  de  Pelle* 
ticr,  le  ministre  d'Etat,  qui  l'avoit  fait  intendant 
des  finances  pendant  qu'il  étoit  contrôleor  général. 

«  Outre  cet  accès  à  la  faveur  publique,  Saint- 
Sulpice  le  portoit  auprès  de  Mme  de  Maintenon  à 
cause  du  supérieur  de  tous  ses  séminaires,  qui 
étoit  fils  de  Pelletier  le  ministre,  et  il  avoit  auprès 
du  roi  le  crédit  des  Jésuites  à  cause  du  Père  Fleu- 
riau son  père,  qui  l'étoit.  > 

Voici  ce  que  dit  Dangeau  de  la  grande  fête  qui 
fut  donnée  à  la  Muette,  le  lundi  5  septembre  1707  : 
€  Mgr  le  duc  de  Bourgogne  et  Mme  la  duchesse 
de  Bourgogne  allèrent  se  promener  l'après-dlnée 
au  bois  de  Boulogne,  à  cheval,  avec  beaucoup  de 
dames.  Il  y  vint  un  nombre  infini  de  carrosses  de 
Paris  pour  voir  la  cavalcade.  Dès  que  la  nuit  fut 
venue,  ils  entrèrent  à  la  Meute  chez  M.  d'Arme- 
nonville,  où  il  y  eut  un  souper  magnifique,  pen- 
dant lequel  Mme  d'Armenonville  servit  toujours 
Mme  la  duchesse  de  Bourgogne.il  y  eut  des  haut- 
bois, on  dansa  fort.  Il  y  eut  une  illumination  dans 
la  cour  et  dans  les  jardins  et  beaucoup  de  belles 
fusées  ;  la  fête  fut  fort  agréable  et  ils  ne  revinrent 
ici  (i)  qu'à  deux  heures  du  matin.  » 

Le  roi  érigea  pour  M.  d'Armenonville  une  nou- 
velle capitainerie,  car  la  première  avait  été  sup- 
primée an  moment  de  la  rentrée  en  grâce  de  M.  Dcs- 
marets  et  de  sa  nomination  au  contrôle  général  des 
finances.  Cette  nouvelle  érection  donnait  à  M.  d'Ar- 
menonville la  jouissance  du  château  de  la  Muette 
et  d'une  pension  de  42.000  livres,  plus  la  survi- 
vance pour  son  fils.  Il  lui  conserva  en  outre  son 
logement  an  palais  de  Versailles,  mais  sans  autre 
fonction  que  celle  de  conseiller  d'Etat. 

Mme  d'Armenonville  mourut  le  ^6  novembre 
i7d6,  à  l'âge  de  cinquante-six  ans,  victime  de 
l'épidémie  de  petite  vérole  qui  sévissait  cette  année- 
là,  et  qui  fit  tant  de  ravages  à  Paris  et  aux  envi- 
rons. 

Après  la  mort  de  Louis  XIV,  la  duchesse  de 
Bernr,  fille  du  régent,  venait  habiter  la  Muette, 
qu'elle  souilla  de  ses  scandaleuses  débauches.  Cette 
princesse  mourut  subitement  à  Passy  en  il\9. 
Sa  devise,  qu'elle  mit  si  bien  en  pratique,  était  : 
Courte  et  bonne.  La  vie  et  la  mort  l'ont  prise  au 
mot. 

On  n'a  de  la  duchesse  de  Berry  qu'un  mauvais 
portrait  gravé  pendant  sa  vie  par  Desrochers,  et 
un  dessin  du  Cabinet  de  Fontette  qui  est  mainte- 
nant à  la  Bibliothèque  Nationale. 

Après  la  mort  de  sa  fille,  le  régent  donna  la 
Muette  à  Louis  XV,  son  pupille,  âgé  de  neuf  ans. 
I>e  comte  de  Rion.  qui  était  alors  gouverneur  du 
château,  fut  remplacé  par  le  marquis  deCourtavel 


(I)  A  Versailles. 


de  Pezé  (i),  qui  eut  la  capitainerie  des  chasses 
du  bois  de  Boulog[ne.  Le  château  subit  alors  une 
grande  transformation  :  on  l'augmenta  d'un  étage, 
les  jardins  s'agrandirent  aux  dépens  du  bois  de 
Boulogne  et  furent  ornés  de  statues,  les  apparte- 
ments reçurent  une  décoration  plusluxueuseqn'au- 
fiaravant  :  on  y  plaça  des  (jeuvres  de  Van  &»  Mea- 
en  qui  ne  contribuèrent  pas  peu  à  son  embellis- 
sement. Sous  Louis  XV,  le  château  de  la  Muette 
fut  encore  le  théâtre  de  l'inconduite  de  ce  monarque 
efféminé.  Le  duc  de  Richelieu  se  chargea  d'attirer 
l'attention  du  roi  sur  une  dame  du  palais  de  la 
reine,  la  comtesse  de  Mailly,  fille  de  Louis  de  Mailly, 
marquis  de  Nesle  (2)  et  d'Armande-Félieie  de  la 
Porte-Mazarin.  Louis  XV  avait  alors  vingt-deux 
ans  :  tout  fier  de  sa  conquête,  ce  fut  dans  un  diner 
à  la  Muette  qu'il  osa  en  parler  pour  la  première 
fois  ;  il  but  à  la  santé  de  l'inconniie,  puis  après 
plusieurs  discours,  il  cassa  son  verre  et  invita  tous 
les  convives  à  en  faire  autant.  Le  roi  envoya  en- 
suite M.  le  duc  de  Retz  pour  dire  à  la  seconde  table 
de  boire  également  à  la  santé  de  la  belle  ;  chacun 
chercha  à  deviner  quelle  pouvait  être  cette  incon- 
nue. Les  uns  pensèrent  que  c'était  Mme  la  duchesse, 
d'autres  Mlle  de  Beaujolais  ;  le  surplus  se  déclara 
pour  Mme  de  Laura^is,  belle-fille  du  duc  de 
Villars-Brancas  (3).  Enfin  on  apprit  que  le  roi 
aimait  secrètement  la  comtesse  de  Mailly  ;  mais 
cette  passion  ne  devait  pas  durer  longtemps.  En 
effet,  Mme  de  Vintimille  remplaça  bientôt  Mme  de 
Mailly,  et  elle  réussit  à  dominer  complètement 
Louis  XV  par  son  caractère  altier,  envieux,  vin- 
dicatif, entreprenant,  affamé  de  domination  ;  elle 
eût  pris  même  un  empire  considérable  sur  le  roi, 
si  la  mort  ne  l'eût  arrêtée  au  début.  Elle  mourut 
en  couches  le  10  septembre  4744,  non  sans  soup- 
çon de  poison,  laissant  un  fils,  le  comte  du  Luc, 
qui  ressemblait  tellement  au  roi  qu'on  l'appela 
plus  tard  à  la  cour  le  demi-Louis.  Le  roi  fat  très 
affligé  de  cette  perte  ;  mais  son  émotion  ne  tarda 
pas  à  se  calmer  et  l'ancienne  favorite  reprit  tous 
ses  droits.  C'est  à  cette  époque  que  le  château  de 
la  Muette  fut  complètement  restauré  par  Louis  XV. 
Après  Mme  de  Mailly,  ce  fut  Mme  de  Pompa- 
dour  qui  la  remplaça,  et  se  décida  à  quitter  sa 
délicieuse  résidence  de  Bellevue  pour  venir  à  la 
Muette.  Chacune  de  ses  visites  était  marquée  par 
une  libéralité  artistique  :  c'est  elle  qui  fit  acheter 


(1)  iVv.»{  Cour/a rt;c/ (d'après  despapicr$<defnmille 
appartenant  à  rautour).  et  non  Courlavel,  comme 
l'ont  appelé  c<;rlains  historiens. 

(•;!)On  snilqucle  titre  de  mari|uiR  de  Nesle  valait 
à  In  ramille  celui  de  :  premier  marunis  de  France. 

(3)  Cette  famille  de  Brancasesl  issue  de  l'illus- 
Ire  maison  des  Branraccio  de  Naples.  Le  premîpr 
qui  vint  se  fixer  en  France  est  Rufile  de  Brancas, 
chevalier  comte  d'Agnano  au  royaume  de  Na[^les. 
seifi^ncur  d'Oise  et  de  Villoscès,  diocèse  de  Digne 
et  de  Sisteron.  Cette  famille  se  partagea  en  pin- 
sieurs  branches,  celle  des  marquis  dé  Comhons, 
comtes  de  Rochcfort,  des  barons  de  Villeneuve, 
des  seigneurs  d'Oise,  ducs  de  Villars-Brancas, 
pairs  de  France.  Elle  a  fourni  h  la  France  plu- 
sieurs personnages  dislinçués,  entre  autres  André, 
connu  sous  le  nom  d'amtral  de  Villars  :  Louis  de 
Brancus,  marquis  de  Céreste,  qui  fut  nomme  ma- 
réchal de  France  en  1740;  Louis-Léon,  duc  de 
Brancas-Laurngais,  pair  de  France.  Celle  famille 
est  éteinte  aujourd'hui,  et  son  nom,  ses  lilres  ont 
été  transmis  à  la  famille  Hibon  de  Frohen  (papiers 
de  famille  appartenant  à  l'auteur). 


ANNEXES 


297 


par  le  roi  le  Ubieaa  de  la  Sainte  Famille,  par 
Raphaël,  qui  fut  aussitôt  placé  dans  la  chapelle 
du  château  et  qui  ne  Ta  quittée  que  poor  aller  au 
Musée  da  Louvre. 

Quatre  dessus  de  portes  commandés  à  Oudry 
pour  la  salle  à  manger  de  la  Muette  figuraient  à 
Texposition  de  1750.  L*un  d*enx,  qui  représente 
un  combat  de  coqs,  appartient  également  au  Musée 
du  Louvre. 

Laissons  à  un  écrivain  du  temps  le  soin  de  nous 
décrire  le  château  de  la  Moette  tel  qu*il  était  en 
4762: 

«  Le  vestibule  est  orné  de  deux  tableaux  de 
Van  der  Meulen  qui  représentent  les  sièges  d*Orsoy 
et  de  Rees,  et  deux  autres  copies  d'après  lui  : 
M&ns  assiégé  en  i69i,  et  Namur  assiégé  en 
i692. 

«  On  entre  ensuite  dans  Tantichambre  des  sei- 
gneurs. Les  dessus  de  porte,  par  Dumont,  repré- 
sentent la  Générosité,  TAbondance,  la  Paix,  la 
Victoire. 

€  La  salle  à  manger  est  à  droite.  On  y  voit  dix 
tableaux  d'Oudry,  dont  quatre  dessus  de  porte. 
Le  premier  représente  deux  coqs  qui  se  battent  ; 
le  second,  un  chien  qui  se  jette  sur  des  canards 
dans  des  roseaux  ;  le  troisième,  une  buse  qui  cul- 
bute un  lièvre,  et  le  quatrième  est  un  renard  sur 
un  faisan.  Dans  deux  autres,  qui  sont  beaucoup 

{ilus  grands,  on  voit  deux  chasses  :  Tune  au  loup, 
*autre  au  sanglier.  La  chapelle  termine  de  ce  côté- 
là  ;  à  gauche  est  le  salon. 

«  En  sortant,  un  parterre  de  broderies  se  pré- 
sente d'abord,  suivi  de  deux  boulingrins  ornés  de 
plates-bandes  et  de  fleurs.  Plus  loin  sont  deux 
étoiles  de  gazon,  dans  le  centre  desquelles  on  voit 
deux  figures  de  marbre  ;  Tune  d'une  chasseresse, 
et  l'autre  d*une  nymphe,  par  Flamen.  Ces  deux 
pièces  sont  séparées  par  une  allée  d'arbres  taillés 
en  boules  sortant  de  caisses  de  charmilles,  et  sont 
terminées  par  un  grand  tapis  vert  orné  d'un  groupe 
de  pierre  représentant  Pluton  qui  enlève  Proser- 
pine  lorsqu'elle  va  puiser  de  l'eau  à  la  fontaine 
d'Aréthuse  en  Sicile.  Une  terrasse  de  forme  circu- 
laire qui  donne  sur  la  campagne  fait  la  clôture  du 
jardin. 

€  La  gauche  est  occupée  par  la  faisanderie  (1) 
et  le  potager,  et  la  droite  par  le  parterre  dit  de 
l'Escarpolette,  qui  est  renfermé  et  oh  se  trouvent 
différents  jeux  ;  au-dessus  est  un  petit  bois,  suivi 
du  jeu  de  l'anneau  tournant,  et  de  l'orangerie, 
du  côté  de  laquelle  on  a  fait  un  bâtiment  assez 
considérable. 

€  Les  deux  statues  de  marbre  placées  contre  les 
palissades  du  parterre  sont  :  une  Chasseresse 
essayant  une  flèche^  par  Poirier,  et  Diane,  par 
Lemoyne.  Cette  dernière  est  près  d'un  joli  bosquet 
décoré  de  deux  figures  de  marbre  :  Clytie  changée 
en  tournesol,  et  une  femme  tenant  un  arrosoir, 
comme  pour  répandre  de  l'eau  sur  des  fleurs  que 
lui  présente  un  Amour.  » 

Mme  de  Pompadour  ne  put  résister  au  mal  dont 
elle  était  atteinte;  elle  mourut  à  Versailles  le 
15  avril  4764.  Cette  perte  ne  fit  pas  grand  cha- 


(1)  La  rue  de  la  FaÏHanderie  acluellt;  est  ainsi 
appelée  parce  qu'elle  occupe  remplacement  de  la 
faisanderie  du  château. 


grin  au  roi,  qui  se  contenta  de  dire,  en  voyant  la 
voiture  qui  emportait  par  une  pluie  battante  cette 
reine  de  la  mode  :  <  La  marquise  s'en  va  par  un 
bien  vilain  temps  >,  et  ce  fut  tout.  Ce  trait  seul  suf- 
firait à  donner  une  idée  du  caractère  de  Louis  XV. 
Dès  lors,  le  roi  ne  fit  que  de  très  ra^s  apparitions 
à  la  Muette.  Ce  château,  oui  n'avait  servi  que  de 
retraite  aux  débauches  des  différents  rois  qui 
l'habitèrent,  devint  sous  Louis  XVI  la  demeure 
familiale  par  excellence  dans  laquelle  le  roi  et  sa 
famille  se  retirèrent  de  temps  à  autre,  afin  d'être 
k  l'abri  de  l'étiquette  fatigante  de  la  cour  et  des 
sollicitations  des  courtisans.  C'est  à  la  Muette  qu'il 
fit  remise  entière  à  ses  sujets  du  don  de  joyeux 
avènement.  Notre  Bulletin  a  déjà  donné  les  termes 
de  cet  acte  mémorable. 

C'est  à  la  Muette  également  que  Louis  XVI  reçut 
la  corporation  des  marchands  et  des  dames  de  la 
Halle.  C'est  encore  dans  le  parc  de  la  Muette  que 
Pilâtre  de  Rozier  fit  sa  première  ascension  aéros- 
tatiaue  en  présence  de  la  famille  royale.  C*est  de 
la  Muette  que  Marie-Antoinette  écrivait,  à  propos 
de  la  banqueroute  du  prince  de  Rohan-Guéménée, 
les  deux  lettres  qui  suivent  (4)  : 

Mercredi  i  octobre  (2).  —  «  Ce  jour,  tout  le 
monde  ne  parlait  que  de  l'énorme  banqueroute  que 
venait  d'ouvrir  le  prince  de  Rohan-GuéméDée, 
grand  chambellan  de  France,  gendre  du  prince 
de  Soubise  et  frère  du  cardinal  de  Rohan-Guémé- 
née, évèque  de  Strasbourg  et  grand  aumônier  de 
France,  banqueroute  dans  laquelle  se  trouvaient 
compris  nombre  de  pauvres  et  de  malheureux, 
qu'on  faisait  monter  jusqu'à  vingt,  vingt-quatre 
millions  ou  plus,  et  à  l'occasion  de  laquelle  le  roi 
venait  d'accorder,  quoique  avec  une  sorte  de  ré- 
pugnance (3),  à  ce  prince,  des  lettres  de  surséance, 
en  lui  enjoignant  toutefois,  disait-on,  de  se  défaire 
de  sa  charge,  comme  de  son  superbe  équipage  de 
chasse.  Depuis  un  certain  nombre  d'années,  M.  de 
Rohan,  qui  avait  fait  des  acquisitions  considérables 
en  fonds  de  terres,  avait  été  autorisé  par  Sa  Majesté 
à  emprunter  de  fortes  sommes,  tant  en  rentes  per- 
pétuelles que  viagères,  à  quoi  il  avait  aisément 
réussi  par  l'entremise  de  plusieurs  notaires  et  d'un 
sieur  Marchand,  son  intendant,  qui  ne  cessait  de 
prôner  le  crédit  immense  et  le  bon  état  des  affaires 
de  son  maître.  On  rapportait  même  que,  tout  nou- 
vellement encore,  le  8  septembre  précédent,  un 
sieur  abbé  de  Vinoy  avait  prêté  une  somme  de 
trente  mille  livres,  et  ce  dernier  trait,  en  compro- 
mettant furieusement  le  prince  de  Gueménée, 
déshonorait  complètement  celui  à  qui  il  avait 
accordé  sa  confiance.  » 

Cette  lettre  prouve  combien  la  reine  était  encore 
attachée  à  la  princesse  de  Gueménée,  car  elle  inter- 
vint activement  pour  tirer  son  amie  de  l'embarras 
oh  la  mettait  cette  banqueroute,  dont  l'importance 
fit  scandale. 


(i)  Ces  deux  inléressanl«*  documents  sont  ex- 
traits du  Bulletin  de  la  Société  de  V Histoire  de  la 
Révolution  française. 

(•A)    1783. 

(3)  Ce  bruit,  controuv*»  par  le  billet  «le  la  reine, 
avait  été  sans  doute  mis  en  circulation  par  lu  po- 
lice sur  l'ordre  du  niinislére.  afin  «l'éviler  que  le 
roi  ne  soit  alleinl  par  celle  a  (Tu  ire  {Bulletin  de 
r Histoire  de  la  Révolution. 


«98 


HISTOIRE   DU  XVI*  ARRONDISSEMENT 


La  reine  écrivit  ensuite  an  contr61ear  général 
Joly  de  Fieory,  poar  le  déterminer  à  yenir  an 
secours  de  la  princesse.  Cela  résulte  de  la  lettre 
snirante  : 

Dimanche,  39  septembre  178a. 

«  Le  voyage  de  Marly  est  décidé,  ma  princesse, 

Sonr  le  9  on  le  iO  (1).  Jouberthout  et  Latsame 
isent  que  ma  fille  a  en  la  petite  vérole  trop  forte 
pour  la  pouvoir  mener  dans  le  même  air  ^ue  son 
irére  avant  les  six  semaines;  aussi  elle  ira  tont 
droit  à  Marlj,  où  elle  restera  tout  le  voyage,  et, 
à  la  Toussaint,  nous  reviendrons  tous  (â)  ;  cela 
n*empèchera  pas  qn*une  fois  à  Mariy  vous  ne  ve- 
niez la  voir  ouand  vous  le  voudrez,  comme  je 
verrai  mon  fils,  et  alors  les  sons-gonvernantes 
changeront  par  semaine  comme  à  Versailles. 

«  Je  crois  que  Mme  de  Soncy,  la  mère,  aura 
besoin  de  repos.  Je  ne  peux  trop  vous  eu  dire  du 
bien  ;  elle  a  été  parfaite,  tant  pour  les  attentions 
que  pour  la  raison,  auprès  de  ma  fille.  Pour  la 
jeune  Soucy,  elle  a  été  aussi  fort  bien  (3). 

«  Ces  deux  premières  (4)  sont  des  sujets  rares 
à  avoir  près  des  enfants.  Enfin,  je  ne  finirais  pas, 
si  je  voulais  vous  parler  de  tout  le  monde  ;  oui, 
chacun  en  particulier  mérite  son  éloge. 

«  On  m*a  dit  hier  que  vous  aviez  la  fièvre,  ma 
princesse  ;  je  craius  bien  que  Thumidité  de  Tria- 
non,  jointe  aux  chagrins,  n*en  soit  la  cause.  Je 
verrai,  si  il  est  possible,  M.  de  Fleury  aujourd'hui 
et  vous  devez  bien  compter  que  je  saisirai  avec 
plaisir  tous  les  moyens  et  possibilités  qu'il  me 
donnera  pour  vous  rendre  service. 

€  Comme  nous  n'allons  pas  à  Versailles,  vous 
êtes  la  maîtresse  d*y  revenir  quand  vous  voudrez. 
Je  serai  bien  aise  d*y  trouver  mon  6Is  le  9  ;  car 
je  compte  y  faire  une  course  ce  jour-là,  et  l'humi- 
dité pourra  bien  vons  ramener  plus  têt. 

«  Adieu,  ma  princesse  ;  j'espère  que  vous  aurez 
eu  des  nouvelles  de  M.  de  Montbazon  encore  hier. 
Je  vous  embrasse  de  tont  mon  cœur. 

«  Je  suis  charmée  que  Mme  d'Aumale  soit  bien  ; 
je  l'aurais  bien  regrettée,  et  c'aurait  été  nne  vé- 
ritable perte  pour  mes  enfants.  » 

Malgré  tout  ce  ({ue  fit  la  reine  Marie- Antoinette 
pour  sauver  le  prince  et  la  princesse  de  Gnémé- 
née,  elle  dut  les  abandonner  au  moins  publique- 
ment et  se  séparer  d'eux.  Le  5  novembre,  la 
Gazette  de  France  annonça  que,  sur  la  démission 
de  Mme  de  Guéménée,  le  roi  avait  disposé  de  sa 
charge  en  faveur  de  Mme  de  Polignac,  qui  lui  en 


(1)  Ce  voyage  n'eut  pas  lieu  ;  la  cour  resta  h  la 
Muette  iusàu'ù  la  fin  d'octobre  {Bulletin  de  la  So- 
ciété de  i histoire  de  la  Hévolntion). 

(!i)  La  cour  rentra  à  Versailles  le  3o  octobre 
{if}id.). 

;3)  Dans  les  célèbres  instructions  données  le 
^  juilet  1789  à  Mme  de  Tourzel,  In  reine  portail 
sur  les  deux  sous-KOuvernnnIes  de  ses  enfants  ce 
jugement  :  «  Mme  de  Soucy.  la  mère,  fort  bonne 
femme,  très  instruite,  exacte,  mais  de  mauvais 
ton.  Lit  belle-fille,  môme  ton.  point  d'esprit.  Il  y  a 
déjà  quelques  années  qu'elle  n'est  plus  avec  ma 
lllle  ;  avec  un  petit  garçon,  elle  n'a  point  d'incon- 
vénients ;  du  reste,  elle  est  très  fidèle  et  même  un 
peu  sévère  avec  l'enfant.  *  {Ibid.) 

(\)  Les  deux  premières  femmes  de  chambre  de 
Madame,   lllle  du  roi.  étaient,  en  1782,  Mmes  Le- 
moine  et  de  Freminville.  (Almanach  de  Versailles 
Versailles,  Blaizot,  17H2,  in-32.  p.  l'^H. 


avait  fait  ses  remerciements  le  jour  de  la  Tous- 
saint. 

Le  chAtean  de  la  Muette  pendant  la  crise  révo- 
lutionnaire snbit  de  graves  mutilations.  Le  eorps 
principal  succomba  sons  le  marteau  des  dénoKs- 
senrs,  et  ses  matériaux  furent  vendus  à  vil  prix; 
mais  la  réprobation  publique  mit  nn  terme  à  cette 
curée,  et  ce  qui  restait,  c*est-4-dire  deux  gros 
pavillons  et  les  bâtiments  de  service,  furent  lonés 
par  le  fisc  à  des  entrepreneurs  de  guinguettes  et 
de  bals  publics. 

Vers  1818,  cette  magnifique  propriété  fut  ache- 
tée, an  prix  de  375.000  francs,  par  le  célèbre 
fabricant  de  pianos  Sébastien  Erard,  et  aujourd'hui 
elle  appartient  à  M.  Franquel,  comte  ne  Fran- 
queville,  membre  de  l'Institut,  qui  a  épousé  une 
nièce  de  Mme  Erard,  Mlle  Schœffer.  Son  salon 
est  le  rendez-vous  de  tout  ce  que  Paris  compte 
de  notabilités  politiques,  littéraires  et  artistiques. 

Pendant  le  siège  de  Paris,  la  Muette  devint  le 
quartier  général  de  l'amiral  Fleuriot  de  Langle, 
qui  commandait  le  XI*  secteur,  porte  DaupUne 
au  Point-du-Jour.  L'amiral,  entouré  de  ses  offi- 
ciers d'ordonnance  :  MM.  Esnault-Pelterie,  Des- 
chars, le  comte  de  Roys  de  Ledignan  de  Saint- 
Michel  ;  Dembrée,capitaine  des  mobiles  d'Auvergne  ; 
de  Yauvray,  lieutenant  au  corps  d'état-major  ; 
Clérel,  de  Torsiac  de  Boinel,etc.,  était  an  château 
de  la  Muette  comme  il  eût  été  dans  son  manoir 
breton,  et  au  milieu  de  son  état-major  comme  an 
milieu  de  sa  famille.  Mais  à  Thenre  du  combat, 
une  transfiguration  s'opérait.  Le  marin  succédait 
à  l'homme  du  monde  et  la  bonté  faisait  place  à 
une  indomptable  énergie.  M.  de  Langle  n'existait 
plus,  il  ne  restait  que  l'amiral  et  son  navire.  Ce 
navire,  c'était  Paris  (4). 

Pendant  les  tristesses  du  siège  de  Paris,  la 
Muette  faillit  recevoir  le  coup  de  grâce.  En  effet, 
le  lundi  28  novembre  1870,  à  dix  heures  du  soir, 
un  incendie  se  déclara  dans  l'observatoire  en 
planches  qu'on  avait  construit  au-dessus  du  châ- 
teau pour  observer  les  mouvements  de  l'ennemi  ; 
mais  les  secours  arrivèrent  promptement,  et  en 
moins  d'une  heure  on  fut  maître  des  flammes. 

Après  la  guerre,  Mme  Erard  rouvrit  ses  salons 
de  la  Muette  qu'elle  devait  bientôt  fermer  par  suite 
de  deuils  successifs. 

Au  mois  d'octobre  1876,  Mlle  Schœffer  perdait 
son  beau-père  ;  le  i"^  octobre  4878,  la  sœnr 
d'Erard,  la  comtesse  Spontini  de  San  Andréa, 
veuve  du  célèbre  compositeur,  décédait  également 
à  la  Muette,  dans  sa  quatre-vingt-troisième  année. 
Enfin  Mme  Erard,  dont  la  charité  était  inépuisable, 
y  mourut  le  43  octobre  4889.  Cette  remarquable 
demeure  avait  été  léguée  par  elle  à  sa  nièce, 
qu'elle  avait  adoptée. 

L'ancien  château  royal,  les  bâtiments  plus  mo- 
dernes et  l'immense  parc  constituent  toujours  une 
splendide  propriété,  où  les  hôtes  actuels  de  la 
Muette  peuvent  encore  emprunter  au  poète  latin 
ses  doux  accents  de  grâce  : 

Deus  nobis  hirc  otla  fecit. 

Comte  F.  de  L*Église. 


(1)  Le  Chàleau  de  la  Muette^  par  le  baron  de  L. 


ANNEXES 


299 


MORT    DE    LA    DUCHESSE    DE    BERRY 
A  LA  MUETTE 

Mme  la  duchesse  de  Berry  était  à  Meadon  du 
lendemain  de  Piques  10  avril  d'où  elle  s'étoit  fait 
transporter  à  la  Muette  le  14  mai,  couchée  dans 
un  carrosse  entre  deux  draps.  Elle  ne  s'y  trouva 
point  soulagée.  Le  mal  eut  son  cours,  les  acci- 
dents et  les  douleurs  augmentèrent  avec  des  inter- 
valles courts  et  légers  et  la  fièvre  le  plus  ordinai- 
rement marquée  et  souvent  forte.  Des  irrégularités 
de  crainte  et  d'espérance  se  soutinrent  jusqu'au 
commencement  de  juillet.  Cet  état  où  les  temps 
de  soulagement  passoient  si  promptement  et  où 
la  souffrance  étoit  si  durable  donna  des  trêves  à 
Tardeur  [de]  déclarer  le  mariage  de  Rion  et 
engagea,  outre  la  proximité  du  lieu,  M.  le  duc 
d^Oriéans  à  rapprocher  ses  visites  et  même  Mme  la 
duchesse  d'Orléans  et  Madame  aussi,  laquelle 
passoit  Tété  à  Saint-Cloud.  1^  mois  de  juillet 
devint  plus  menaçant  par  la  suite  continuelle  des 
accidents  et  des  douleurs  et  par  beaucoup  de 
fièvre.Ces  maux  augmentèrent  tellement  le  14  juil- 
let qu'on  commença  tout  de  bon  à  tout  craindre. 

lia  nuit  fut  si  orageuse  qu'on  envoya  éveiller 
M.  le  doc  d'Orléans  au  Palais-Royal.  En  même 
temps,  Mme  de  Pons  écrivit  à  Mme  de  Saint-Simon 
et  la  pressa  d'aller  s'établir  à  la  Muette.  On  a  vu 
qu'elle  ne  voyait  Mme  la  duchesse  de  Bf  rry  que 
pour  des  cérémonies,  et  les  soirs  pour  l'heure  de 
sa  cour,  où  elle  ne  soupoit  presque  jamais,  et 
retenoit  seulement  les  dames  qui  étoient  choisies 
pour  y  souper,  entre  celles  qui  s'y  trouvoient  ou 
au  jeu  ou  à  voir  jouer,  ce  qui  étoit  le  temps  de  sa 
cour  publique.  Elle  ne  la  suivoit  guère  que  chez 
le  roi,  ce  qui  était  rare,  et  quoiqu'elle  eût  un 
logement  à  la  Muette  et  n'y  alloit  point:  c'étoit 
excès  de  complaisance  si  elle  y  couchoit  une  nuit, 
quoique  la  princesse  et  sa  maison  n'y  tussent 
occupées  que  d'elle,  et  que  ce  fût  une  fête  et 
toutes  sortes  de  soins  quand  elle  faisoit  tant  que 
d'y  aller  une  fois,  et  rarement  deux  pendant  tout 
le  séjour  qu'on  y  faisoit.  Elle  se  rendit  à  l'avis  de 
Mme  de  Pons  et  s'y  en  alla  sur-le-champ  pour  y 
demeurer. 

Elle  trouva  le  danger  ^rand.  11  y  eut  une  saignée 
fjite  au  bras,  puis  au  pied,  ce  même  jour  15  juil- 
let, et  on  envoya  chercher  un  cordelier  son  con- 
fesseur. Mme  la  duchesse  de  Berry  reçut  ses 
sacrements  à  portes  ouvertes  et  parla  aux  assis- 
tants sur  sa  vie  et  sur  son  état,  mais  en  reine  de 
l'une  et  de  l'autre.  Après  que  ce  spectacle  fut  fini 
et  qu'elle  se  fat  renfermée  avec  ses  familiers,  elle 
s'applaudit  avec  eux  de  la  fermeté  qu'elle  avoit 
montrée,  et  leur  demanda  si  elle  n'avoit  pas  bien 
parlé,  et  si  ce  n'ctoit  pas  mourir  avec  grandeur 
et  avec  courage. 

Ln  peu  après,  elle  ne  retint  que  Mme  de  Mou- 
chy,  lui  indiqua  clef  et  cassette  et  lui  dit  de  lui 
apporter  son  bagnier;  il  fut  apporté  et  ouvert. 
Mme  la  duchesse  de  Berry  lui  en  fit  un  présent 
après  quantité  d'antres  ;  car  outre  ce  qu'elle  avoit 
eu  souvent,  il  n'y  avoit  guère  de  jours  depuis 


qu'elle  étoit  malade  qu'elle  n'en  tirdt  tout  ce  qu'elle 
poavoit,  souvent  de  l'argent  et  des  pierreries;  le 
moins  étoit  des  bijoux.  Ce  baguier  valoit  seul 
plus  deSOO.OOO  écus.La  Mouchy, tout  avide  qa*elle 
étoit,  ne  laissa  pas  d'en  être  étourdie. Elle  sortit  et 
le  montra  à  son  mari.  C'étoit  le  soir,  M. [le  duc]  et 
Mme  la  duchesse  d'Orléans  étoient  partis.  Le  mari 
et  la  femme  eurent  peur  d'être  accusés  de  vol, 
tant  leur  réputation  étoit  bonne.  Ils  crurent  donc 
en  devoir  dire  quelque  chose  à  ce  qui  leur  étoit  le 
moins  opposé  dans  la  maison,  où  ils  étoient  géné- 
ralement haTs  et  méprisés. 

De  l'on  à  l'autre  la  chose  fut  bientôt  sue  et 
vint  à  Mme  de  Saint-Simon.  Elle  connaissoit  ce 
bajpier  et  en  fut  si  étonnée,  qu'elle  crut  en  devoir 
informer  M.  le  duc  d'Orléans,  à  qui  elle  le  manda 
sur-le-champ.  L'état  où  étoit  Mme  la  duchesse  de 
Berry  faisoit  qu'on  ne  se  couchoit  guère  à  la  Muette, 
'  où  on  se  tenoit  dans  un  salon.  Mme  de  Mouchy 
voyant  (jue  l'affaire  du  baguier  devenait  publique 
et  réussissait  mal,  s'approcha  fort  embarrassée  de 
Mme  de  Saint-Simon,  lui  conta  comment  cela 
s'étoit  passé,  tira  le  ba|pier  de  sa  poche  et  le  loi 
montra.  Mme  de  Saint-Simon  appela  les  dames  les 
plus  proches  d'où  elle  étoit  pour  le  voir  aussi,  et 
devant  elle  (car  elle  ne  les  avoit  appelées  que  dans 
ce  dessein)  elle  dit  à  Mme  de  Mouchy  que  c'étoit 
là  un  beau  présent,  mais  qu'il  étoit  si  beau  qu'elle 
lui  conseillait  d'en  aller  rendre  compte  au  plus 
tôt  à  M.  le  duc  d'Orléans,  et  [de]  le  lui  porter. 
Ce  conseil,  et  donné  en  présence  de  témoins,  em- 
barrassa étrangement  Mme  de  Mouchy,  elle  répon- 
dit néanmoins  qu'elle  le  feroit  et  alla  retrouver 
son  mari  avec  qui  elle  monta  dans  sa  chambre. 

Le  lendemain  matin,  ils  furent  ensemble  au 
Palais-Royal  et  demandèrent  à  parler  à  M.  le 
duc  d'Orléans,  qui,  averti  par  Mme  de  Saint- 
Simon,  les  fit  aussitôt  entrer  et  sortir  le  peu  qui 
étoit  dans  son  cabinet,  car  il  étoit  fort  matin, 
Mme  de  Mouchv,  son  mari  présent,  fit  son  compli- 
ment comme  elle  put.  M.  le  duc  d'Orléans,  pour 
toute  réponse,  lui  demanda  ou  étoit  le  baguier. 
Elle  le  tu>a  de  sa  poche  et  le  lui  présenta.  M.  le 
duc  d'Orléans  le  prit,  l'ouvrit,  considéra  bien  si 
rien  n'y  manquoit,  car  il  le  connoissoit  parfaite- 
ment, le  referma,  tira  une  clef  de  sa  poche,  l'en- 
ferma dans  un  tiroir  de  son  bureau,  puis  les  con- 
gédia par  un  signe  de  tète,  sans  dire  un  mot,  ni 
eux  non  plus.  Ils  firent  la  révérence  et  se  reti- 
rèrent également  outrés  et  confus  ;  oncques  depuis 
ils  ne  reparurent  à  la  Muette. 

Je  ne  sais  si  l'absence  de  la  Mouchy  fit  quel- 
que impression  heureuse  sur  Mme  la  duchesse  de 
Berry  ;  mais  elle  n'en  parla  jamais  et,  peu  après, 
elle  parut  fort  rentrée  en  elle-même  et  souhaita 
de  recevoir  encore  une  fois  Notre-Seigneur.  Elle 
le  reçut,  à  ce  qu'il  parut,  avec  beaucoup  de  piété 
et  tout  différemment  de  la  première  fois.  Ce  fut 
l'abbé  de  Castries,  son  premier  aumônier,  nommé 
à  l'archevêché  de  Tours,  qui  le  fut  après  d'Albi, 
et  enfin  commandeur  de  l'ordre,  qui  le  lui  admi- 
nistra et  qui  le  fut  chercher  à  la  paroisse  de  Passy 
et  l'y  reporta  suivi  de  M.  le  duc  d'Orléans  et  de 
M.  le  duc  de  Chartres.  Cet  abbé  fit  une  exhorta- 
tion courte,  belle,  touchante  et  tellement  conve- 
nable qu'elle  fut  admirée  de  tout  ce  qui  l'enten- 
dit. 


302 


HISTOIRE   BU   XVI*   ARRONDISSEMENT 


Iulie,  le  33  norembra  1734,  dei  blessorag  qu'il 
■Tait  reçues  i  le  bataille  de  Gaastalla.  en  com- 
battanl  brafemeal  contre  les  Autnchiena.  —  Ss 
DomiaatJoa  de  chevalier  de  l'Ordre  da  Saint-Es- 
prit Tenait  de  lui  être  enroyée  en  récompense  de 
u  belle  conduite,  et  nul  doute  qu'il  ne  fat  rapi- 
dement irriTé  an  commandement  en  cbef  des 
armées,  nul  plus  que  loi  n'en  ayant  été  reconnu 
digne.  —  Le  marquis  de  Pezé  aTait  obtenu 
beaucoup  de  U  muniËcence  royale  pour  l'église  de 
Passy,  qui,  en  reconnaissance,  lui  tii  faire  on  ser- 
TÎce  solennel  le  S  jauTier  ITS.*). 

A  la  mort  du  marqois  de  Peié.  ce  Tut  MU 
beau-frère,  Henri-Camille,  marquis  de  Béringhen, 
de  Chlleeuneuf  et  d'UielIes  comte  du  Plestis- 
Bertr*nd,  etc.,  qui  obtint  le  ^ouTernement  de 
il  Muette,  de  Madrid  et  du  bob  de  Boulogne. 
On  a  dit  :  Heureux  les  peuple»  qui  tt'mU  pat 
d'hùtoire!  S'il  en  était  ainsi  desbommes,  le  mar- 
quis de  fiéringhen  serait  un  faToriEé  ;  aussi  a-l-on 
quelque  peine  ï  trouter  sur  lai  des  reoaeipements 
que  l'on  Toudrait  plus  Inléressants.  Dans  ses  Hé- 
moiret,  d'Argenson  le  traite  de  sot  et  de  dépensier, 
tandis  qu'au  bas  d'un  assez  ioli  portrait  de  lui, 
graTé  en  1789  par  Hoille  d'après  la  Porte,  on  Ml 
cet  Ters  : 


Zclâ  sujcl,  an 
nientulsaiil  »' 


lailles,  car  b  principale  particularité  de  ce  do- 
maine consistait  et  consisie  encore  en  une  canir- 
diére  ntnée  à  l'eilrémité  d'oa  étang  de  iil 
hectares,  s'élerant  de  plus  de  3  mètres  an- 
dessus  da  chllean  et  dans  laquelle  les  canaMs 
fiauTigra,  attirés  par  les  priTés,  s'abattaient  alors 
en  telle  quantité  que  la  chasse  s'en  faisait  deux 
fois  par  jour,  malin  et  soir,  du  i"'  mars  an  15 
août.  Notre  troisième  goureroenr  iTait  en  entre 
un  château  k  Irry- sur- Seine  près  Paris.  qu'ilsTait 
orné  des  meilleurs  tableaux  de  Lancret.  Il  mou- 
rut en  1710,  après  iToir  régi  la  Muette  peadaul 
treote-sii  ans,  et  fut  inhumé  k  Saint-Germain 
l'Aaierfois. 
Si  BérJDghen  eut  peu  d'histoire,  son  successeur 


Hais  quelle  valeur  ont  les  quatrains  flatteurs 
mis  au  bas  des  portraits  des  grands  ?  L'image  le 
représente  assez  bel  homme,  d'une  corpulence 
moyenne;  mais  l'expression  du  visage,  des  pins 
ortfinaires,  semble  un  peu  coujirmer  la  première 
partie  dujngemenlded'Argenson.  Faute  de  mieui, 
rattrapons-nous  donc  par  quelques  détails  de  fa- 
mille. Depuis  Louis  Xlll,  le  titre  de  premier 
écuyer  du  roi  s'était  transmis  ch»  les  de  Bénnghea, 
et  notre  nouveau  goureraeur  le  possédait  depuis 
I*  Gn  de  1733,  apnée  de  la  mari  de  son  père  et 
de  son  frère  alaé.  Le  i  février  1731,  il  avait  été 
promu  chevalier  de  l'Ordre  du  Saint- ICspril.  Au 
mois  de  mars  1743,  c'esl-ii-dire  neuf  ans  après 
sou  installation  à  la  Muette,  il  se  décida  enlin  k 
prendre  femme,  en  la  personne  d'Angélique  So- 
phie d'Hiuiefort,  veuve  de  H.  de  Lauziéres, baron 
de  Thémines  et  de  Cardaillac.  Mariage  de  raison 
probablement.  K.-C.  de  Bérioghen  eut  un  frère, 
tvèque  du  Puy,  et  deux  sirurs  successivement 
abbesses  de  Faremoutiers,  au  diocèse  de  Meaui. 
Son  bAtel  i  Paris  était  situé  rue  Saint  Nicaise.  à 
la  placeduCarrou!iel.Sonpère,qui  avait  été  membre 
dnconseilde  R^ence.directeur  des  Ponts  el  Chaus- 
sées et  membre  honoraire  de  l'Académie  des  ins- 
criptions, grand  amateur  d'estampes  et  d'ifuvres 
d'art,  en  avait  fait  on  Tèritable  musée  ;  mais,  i 
u  mort,  ces  collections  avaient  éièdispersées(l). 
Le  chlteau  d'Armainviltiers,  près  de  Tournan 
(SeiDe-et-Mame),  fut  aussi  la  propriété  dn  père 
et  du  fils  (3),  sans  doute  grands  amateurs  de  vo- 


ArmeH  <lu  Murtjuiri      Armeii  du  Maréchal 


en  eut  peut-être  trop.  Ce  Inl  le  fameai  prince  de 
Soubi se  (Charles  de  Hoban-Koban  etdeVentadoor). 
Né  le  16  juillet  1715.  la  protection  del.ouis  XV, 
dont  il  était  l'ami  de  rirur,  et  surtout  celle  de 
Mme  de  Pompadour,  k  laquelle  il  se  permettait 
d'offrir  des  bagues  enrichies  de  diamints,  l'avaient 
fuit,  pins  que  son  mérite  qui  cependant  était  loin 
d'être  nul,  arriver  aux  plus  hauts  emplois.  Duc  et 
pair,  aTec  le  titre  d'Altes  ■  ■    ■    -    l--.-•- 


dcpuis  1751 ,  il,ful  fait  maréchal  de 
France  le  19  octobre  1758,  puis  ministre  de  la 
guerre.  Ses  qualités  militaires  laissaient  cependant 
k  désirer;  mauvais  tacticien,  le  soldat  u'aTailpas 
conliance  en  Ini,  surtout  depuis  ses  mésaventures 
au  début  de  la  guerre  de  Sept  Ans.  Le  13  octo- 
bre 1T57,  il  était  entré  à  (;olba  avec  8.000  bom- 
mes  :  le  général  prussien  Scidliti,  I  la  téie  de 
1.500  hommes  seulement.le  surprend  au  moment 
eb  il  allait  se  mettre  k  une  table  splendidement 
servie,  dans  le  château  princier  ;  Sonbise  s'enfuit 
à  la  hâte,  laissant  les  Prussiens  manger  son  sou- 
per. Le  5  novembre  snÎTant,  il  essuyait  l'ignomi- 
nieuse défaite  de  Hosbach,  son  armée  prenait 
lâchement  la  fuite,  laissant  7.000  prisonniers 
entre  les  mains  de  Frédéric  II,  qui, de  plus,  trouva 
dans  les  bagages  de  Soubisc  des  Talels  de  cham- 


IdsnjuiH  liu    BiiriiiKhen  iv 


siiitïuii  iliic  de  HTnllii'évrf.  H  est  aclueffëmcnt  ta 
propriùlù  du  bnran  Bdinunrl  <lv  Rulhschiltl,  qti<  J'a 

lilk  Oïfc  le  priiicK  du  "condé,  ce  ^ul  yè\^ti  l  In 
rniiiiite  Mj'ole. 


ANNEXES 


3o3 


bre,  des  cais'miors,  des  acteurs,  des  perruquiers, 
des  marchands  de  modes,des  sioges,etdes  perro- 
quetSydes  parasols,  des  nécessaires  de  toilette, des 
manchettes  brodée  et  jusqu^à  des  caisses  d'eau  de 
lavande  et  autres  parfums.  Une  caricature  d'alors 
le  réprésente  une  lanterne  à  la  main,  baissé  vers 
la  terre,  comme  s'il  cherchait  un  objet  perdu.  Au 
bas,  ces  vers  : 

«  Soiibise  (lit,  la  lanterne  ù  la  main  : 

«  J'ai  beau  chercher;  où  diable  est  mon  armée  1 

«  Elle  était  là  pourtant  hier  matin  !  » 

Cependant,  Tannée  suivante,  mis  à  la  tète  d'une 
nouvelle  armée,  il  obtint  quelques  succès  à  Son- 
dersbausen,  à  la  bataille  de  Lutzelberg,  qui  lui 
valut  son  bâton  de  maréchal,  et  dans  le  landgra- 
viat  de  Hesse.  En  4762,  il  vainquit  encore  à  Jo- 
hannisberg,  mais  grâce  surtout  aux  conseils  du 
maréchal  d'EsIrées.  de  fut  quelques  années  après 
la  guerre  de  Sept  Ans,  en  1770,  qu'il  fut  nommé 
gouverneur  de  la  Muette,  de  Madrid  et  du  bois  de 
Boulogne.  Le  30  décembre  1734,  il  avait  épousé 
la  fille  du  grand  chambellan  de  France,  Anne* 
Marie-Louise  de  Bouillon,  qui  n'avait  guère  que 
douze  ans  et  mourut  à  Paris  le  i9  septembre 
1739.  Le  U  décembre  1745,  il  s'était  remarié 
au  château  de  Saverne  avec  Anne-Victoire-Marie- 
Christine  de  Hesse-Rheinfels,  fille  du  prince  héré- 
ditaire de  Hesse-Rheinfels.  Je  crois  que  c'est  entre 
ces  deux  dates  de  mariage  qu'il  faut  placer  le 
duel  bizarre  qui  eut  lieu  au  bois  de  Boulogne  pour 
ce  grand  veau  de  Soubise  (1)  entre  la  marquise 
de  Nesles  et  la  comtesse  de  Polignac  et  dans 
lequel  cette  dernière  enleva  un  petit  bout  de  l'o- 
reille de  son  adversaire.  Soubise  passait  pour  être 
un  des  plus  riches  seigneurs  de  la  noblesse  fran- 
çaise. En  1753,  il  avait  donné  eu  dot  à  sa  fille 
5  millions,  rien  qu'en  biens  fonds,  sans  com|)ter 
ses  nombreux  bijoux.  On  connaît  ses  générosités 
pour  la  Guimard,  première  danseuse  de  l'Opéra, 
qu'ilgratifia  pendant  longtemps  de  7!2. 000  livres  de 
rentes.  Son  hôtel  de  Paris,  rue  de  Paradis  au 
Marais  (actuellement  palais  des  Archives),  était 
un  des  plus  somptueux  de  la  capitale  ;  son  grand- 
père,  vers  170d,  avait  consacré  des  sommes 
immenses  à  son  embellissement,  fait  aménager 
la  cour  et  construire  le  grand  portique  qui 
subsistent  encore.  Les  appartements  répondaient 
à  la  beauté  du  dehors,  garnis  qu'ils  étaient 
de  nombreuses  statues  et  de  peintures  de 
Lemoine,  Restout,  Hyacinthe  Rigaud,  Parrocel, 
Boucher,  Carie  Vanloo,  etc.  Vers  1773,  Soubise 
s'était  aussi  rendu  acquéreur  du  château  de  Saint- 
Ouen,  près  Paris. 

11  serait  injuste,  en  terminant  cet  article,  de  ne 
pas  reconnaître  les  qualités  de  Soubise  qui  cou- 
tre-balançaient  ses  défauts  :  il  était  affable, 
obligeant,  aénéreux  et  inaccessible  à  la  cupidité. 
A  la  mort  de  Louis  XV,  il  fut  le  seul  courtisan 
qui  accompagna  le  corps  de  son  protecteur  à  Saint- 
Denis  ;  aussi,  touché  ae  cette  marque  de  recon- 
naissance, Louis  XVI  lui  conserva- l*il  sa  place  au 
conseil  et  tous  ses  gouvernements.   Le  prince  de 


(i)  C'est  à  propos  de  ce  duel  que;  la  duchesse  pa- 
latine d'Orléans,  dans  ses  Mémoires,  lui  applique 
ce  joli  surnom. 


Soubise  mourut  à  Paris,  le  4  juillet  1787,  en  sa 
petite  maison  de  la  rue  de  l'Arcade,  n®  22,  et  dut 
être  inhumé  dans  la  chapelle  des  reliffieux  de  la 
Merci,  rue  des  Archives,  au  coin  de  la  rue  de 
Braque,  où  était  la  sépulture  des  membres  de  sa 
famille.  U  avait  eu  le  gouvernement  de  la  Muette 
pendant  dix-sept  ans  et  ne  fut  pas  remplacé  ;  la 
famille  royale  ne  venait  plus  au  château,  ou  fort 
rarement,  et  la  fonction  de  gouverneur  n'était 
plus  qu'une  sinécure  dispendieuse  qu'on  jugea 
utile  de  supprimer.  Les  temps  devenaient  mauvais, 
les  économies  s'impos;iient,  et,  par  un  édit  daté 
de  1788,  Louis  XVI  ordonna  la  démolition  ou  la 
vente  des  châteaux  de  la  Muette  et  de  Madrid.  On 
sait  ce  qu'il  advint  de  ce  dernier  sous  la  Ré- 
volution :  il  fut,  hélas  !  entièrement  rasé.  Quant  à 
la  Muette,  plus  heureuse,  elle  ne  le  fut  qu'en  par- 
tie et  a  pu  conserver  jusqu'à  nous  son  corps  de 
bâtiment  principal,  remis  intelligemment  en  état, 
dans  ces  dernières  années,  par  son  possesseur  ac- 
tuel, M.  de  Franqueville. 

L.  Mar. 


CHAUSSÉE  DE  LA  MUETTE  A  PASSY 


Personnages  qui  y  ont  résidé  : 

N®  8.  —  Jenny-Verthré  (Mme  Carmouche),  cé- 
lèbre actrice  du  Gymnase,  habita  longtemps  à  ce 
numéro,  avant  1857. 

N"  16.  — Talleyhand-Péricord,  célèbre  diplo- 
mate, habita  sous  le  Directoire  le  château  de  la 
Petite -Muette, 

N^'  16.  —  Sand  (Maurice),  fils  de  George  Sand, 
dessinateur  et  écrivain,  mort  en  1889,  eut  long- 
temps villa  au  n®  16  de  la  Petite-Muette,  l'habita 
jusqu'à  sa  mort,  mais  mourut  à  Nohant.  (Len®f6 
de  la  Petite-Muette  est  devenu  le  n^'  3  de  l'ave- 
nue de  la  Petite-Muette.) 

N«  20.  —  ARMk:N0NviLLE  (  Flcuriau  d'),  inten- 
dant des  finances  et  garde  des  sceaux,  acheta  le 
château  de  la  Muette  en  1705,  le  céda  onze  ans 
après  au  régent  Piiiuppk  II,  duc  d'Orléans,  qui 
le  fit  reconstruire  et  le  donna  à  sa  fille  la  duches- 
se DE  Berry,  qui  y  mourut  en  1749. 

N°  20.  —  Chateauroux  (La  duchesse  de),  maî- 
tresse de  I^uis  XV,  mourut,  dit-on,  au  château 
de  la  Muette,  en  1744. 

N®20.  —  PoMPADouR  (Mme  de),  maîtresse  de 
Louis  XV,  habita  quelquefois  le  château  de  la 
Muette. 

N^  20.  —  Soubise  (C.  de  Rohan-Rohan,  prince 
de),  maréchal  de  France  et  minisire  d'Etat,  eut 
logement  au  château  de  la  Muelte,  comme  gouver- 
neur, de  1770  jusqu'à  1787,  date  de  sa  mort. 

N<*  20.  -^  C'est  au  château  de  la  Muette  que 
descendit  MahieAntoinette,  à  son  arrivée  en 
France,  en  1770. 

N«  20.  —  Polignac  (La  duchesse  de),  gouver- 
nante des  enfants  de  Louis  XVI,  passa  souvent  ses 
étés  au  château  de  la  Muette,  où  séjournait  quel- 
quefois Marie- Antoinette» 


3o4 


HISTOIRE    DU   XVI*   ARRONDISSEMENT 


N°  20.  —  Rochon  (L*abbé),  astronome  et  navi- 
gateur, membre  de  TAcadémie  des  Sciences,  puis 
de  riostitut,  eut  logement  au  château  delà  Muette, 
de  n74  à  i79i  ou  1792. 

N^  20.  —  Leroy  (Jean-Baptiste),  physicien, 
meoibre  de  l'Académie  des  Sciences,  eut  logement 
au  château  de  la  Muette  vers  la  fin  du  règne  de 
Louis  XVI,  comme  garde  du  Cabinet  de  physique 
du  roi,  qui  était  au  n"^  84  actuel  de  la  rue  de 
Passy. 

N<*  20.  —  CoRTETTo  (L.-E.,  comte),  ministre 
d*Ëtat,  eut  la  jouissance  de  la  Muette  de  1818  à 
1822,  date  de  sa  mort. 

^0  20.  —  Éhard  (Sébastien),  célèbre  facteur 
d'instruments  de  musique,  acheta  le  château  de  la 
Muette  en  1820,  et  y  mourut  en  1831.  Ce  châ- 
teau n'a  pas  cessé,  depuis,  d'appartenir  à  sa  fa- 
mille. 

N"  20.  —  Sponfini  (G.-L.-P.), célèbre  compo- 
siteur de  musique  et  gendre  de  Sébastien-Ërard, 
habita  souvent  le  château  de  la  Muette  sous  la 
Restauration,  et  jusqu'à  1840.  Sa  >euve  y  mou- 
rut en  1878. 

N.  B.  —  Le  château  de  la  Muette  avait  aussi 
appartenu  au  roi  Ctiarles  IX,  qui  en  fut  le  fon- 
dateur, à  Marguerite,  reine  de  Navarre,  première 
femme  de  Henri  IV  (La  reine  Margot),  qui  ToHrit 
au  dauphin  (Louis  XIII),  et  enfin  â  Louis  XV  et  à 
Louis  XVI. 


LA  BICHE  DU  ROI 

A  douze  ans,  Louis  XV  avait  déjà  des  goûts 
prononcés  pour  la  chasse,  eoûts  que  nous  nous 
permettrons  d'appeler  cruels,  d'après  l'anecdote 
suivante  que  raconte  Barbier  en  son  Journal,  à 
la  date  d'avril  1722: 

«  Le  roi  avait  une  biche  blanche  qu'il  avait 
«  nourrie  et  élevée,  laquelle  ne  mangeait  une  de 
«  sa  main  et  qui  aimait  fort  le  roi  ;  il  la  lait 
€  mener  à  la  Muette,  et  il  a  dit  qu'il  voulait  tuer 
«  sa  biche.  11  l'a  fait  éloigner,  et  il  l'a  tirée  et 
«  blessée.  La  biche  est  accourue  sur  le  roi  et  l'a 
«  caressé,  il  l'a  fait  remettre  au  loin  et  l'a  tirée 
«  une  seconde  fois  et  tuée.  On  a  trouvé  cela  bien 
«  dur.  On  conte  de  lui  quelques  histoires  pareilles, 
«  sur  des  oiseaux  qu'il  a  à  Passy.  > 


PROJET  DE  RECONSTRUCTION  DU  CHATEAU 
DE  LA  MUETTE 

De  1741  à  1747  environ,  Louis  XV  avait  con- 
sidérablement agrandi  le  château  de  la  Muette  ; 
mais,  au  mois  delfévrier  1753,  il  résolut,  dit 
d'Argenson  dans  ses  Mémoires,  de  le  faire  com- 
plètement abattre  pour  le  réédifier  plus  grand  et 
Élus  symétrique,  avec  façade  regardant  celui  de 
ellevue,  qu'habitait  Mme  de  Pompadour.  Le  roi 


voulait  pouvoir  y  loger  tonte  sa  famille  quand  il 
y  séjournerait.  Les  devis  furent  dressés;  cela 
devait  coûter  la  bagatelle  de  deux  millions.  Mais, 
où  trouver  l'argent  à  cette  époque  malheureuse  ? 
Le  contrôleur  général  des  finances,  Machault 
d'Arnouville,  fit  observer  au  roi  qu'il  était  à  bout 
d'expédients  et  ne  savait  plus  ou  prendre  de 
l'argent;  mais  I^ouis  XV  irrité  lui  dit  qu'il  lallait 
en  trouver  quand  même,  et...  lui  tourna  le  dos. 
Peu  de  temps  après,  commença  la  fameuse 
guerre  de  Sept  ans,  si  désastreuse  pour  la  France, 
et  le  projet  de  reconstruction  du  château  de  h 
Muette  fut  abandonné. 

L.  M. 


CÉRÉMONIE   DES   RÉVÉRENCES   DE  DEUIL 

A  LA  MUETTE 

1774  (1) 

Louis  XVI,  à  l'époque  de  la  mort  de  son  aïeul (2) 
commençait  à  être  fort  attaché  à  la  reine  (3).  Les 
premiers  temps  d'un  deuil  si  imposant  ne  permet- 
tant pas  de  prendre  le  délassement  de  la  chasse, 
il  lui  proposa  des  promenades  dans  les  jardins  de 
Choisy  :  ils  sortirent  maritalement,  le  jeune  mo- 
narque donnant  le  bras  à  la  reine,  accompagnés 
d'une  suite  nombreuse.  L'influence  de  l'exemple 
sur  l'esprit  des  courtisans  produisit  un  si  grand 
efi'et,  qu'on  eut  le  plaisir  de  voir,  dès  le  lendemain, 
plusieurs  époux  très  anciennement  désunis,  et  pour 
de  bonnes  raisons,  se  promener  sur  la  terrasse 
avec  cette  même  intimité  conjugale.  Ils  passaient 
ainsi  des  heures  entières,  bravant  par  flatterie 
l'insupportable  ennui  de  leurs  longs  tête-à-tête. 

Le  dévouement  de  Mesdames  (4)  pour  le  roi 
leur  père,  pendant  son  afi'reuse  maladie,  avait 
produit  sur  leur  santé  l'effet  généralement  redouté. 
liO  quatrième  jour  de  leur  arrivée  à  Choisy,  les 
trois  princesses  furent  saisies  d'un  violent  mal  de 
tète  et  d'un  mal  de  cœur  qui  ne  laissait  aucun 
doute  sur  leur  état.  11  fallut  faire  promptement 
partir  la  jeune  famille  royale  («^) ,  et  le  château 
de  la  Muette,  dans  le  bois  de  Boulogne,  fut  choisi 
pour  la  recevoir.  Cette  habitation,  fort  rapprochée 
de  Paris,  attira  dans  les  environs  une  affluence  de 
monde  si  considérable,  que  dès  la  pointe  du  jour  la 
foule  était  déjà  établie  aux  grilles  du  château.  Les 
cris  de  Vive  le  Hoi!  qui  commençaient  à  six  heures 
du  matin,  n'étaient  presque  point  interrompus 
jusqu'après  le  coucher  du  soleil.  L'espérance  qui 
naît  d'un  règne  nouveau,  la  défaveur  que  le  feu 
roi  s'était  attirée  pendant  les  dernières  années  du 
sien,  occasionnaient  ces  transports.  Un  bijoutier  à 
la  mode  fit  une  grande  fortune,  en  vendant  des 


(i)  Extrait  dos  Mémoires  île  Mme  Ciirapan. 

{■a)  Louis  XV  iiioiirul  de  la  petite  vérole,  le  lomai 
1774.  è  Versailles. 

[',i)  Cette  iiilimité  ne  dura  pas;  ce  ne  fut  que 
quelques  années  plus  tard  que  Louis  XVI  devint 
moins  indifTérent  aux  charmes  de  la  reine. 

{/i)  Mmcs  Adélaïde,  Sophie  et  Victoire. 

(5)  Elle  quitta  Choisy  le  18  mai. 


ANNEXES 


3o5 


tabatières  de  deuil  oâ  le  portrait  de  la  jeune  reine, 
placé  dans  une  boite  noire  faite  de  chagrin,  ame- 
nait le  calemboor  suivant  :  la  consolation  dans 
le  chagrin. 

Jamais  commencement  de  règne  n*excita  des 
témoignages  d*amonr  et  d*attachement  plus  una- 
nimes. Il  est  à  remarquer  pourtant  qu*au  milieu 
de  cette  irresse  le  parti  antiautrichien  ne  perdait 
pas  la  jeune  reine  de  vue,  et  guettait,  avec  la 
malicieuse  envie  de  lui  nuire,  les  fSutes  qui  pour- 
raient échapper  à  sa  jeunesse  et  à  son  inexpé- 
rience. 

On  eut  à  recevoir  (1)  à  la  Muette  les  révérences 
de  deuil  de  tontes  les  dames  présentées  à  la  cour; 
aucune  d'elles  ne  crut  pouvoir  se  dispenser  de 
rendre  hommage  aux  nouveaux  souverams. 

Les  plus  vieilles  comme  les  plus  jeunes  dames 
accoururent  pour  se  présenter  dans  ce  jour  de  ré- 
ception générale  ;  les  petits  bonnets  noirs  à 
grands  papillons,  les  vieilles  têtes  chancelantes, 
tes  révérences  profondes  et  répondant  au  mouve- 
ment de  la  tète,  rendirent,  à  la  vérité,  quel(}ue8 
vénérables  douairières  un  peu  grotesques  ;  mais  la 
reine,  qui  avait  beaucoup  de  cUgnité  et  de  respect 
pour  les  convenances,  ne  commit  pas  la  faute 
grave  de  perdre  le  maintien  qu'elle  aevait  obser- 
ver. 

Une  plaisanterie  indiscrète  d'une  des  dames  du 
palais  lui  en  donna  cependant  le  tort  apparent. 
Mme  la  marquise  de  Clermont-Tonnerre,  fatiguée 
de  la  longueur  de  cette  séance,  et  forcée  par  les 
fonctions  de  sa  charge  de  se  tenir  debout  derrière 
la  reine,  trouva  plus  commodedes*asseoir  à  terre  sur 
le  parquet,en  se  cachant  derrière  l'espèce  de  muraille 
ue  formaient  les  paniers  de  la  reine  et  des  dames 
u  palais.  Là,  voulant  fixer  l'attention  et  contre- 
faire la  gaieté,  elle  tirait  les  jupes  de  ces  dames, 
et  faisait  mille  espiègleries.  Le  contraste  de  ces 
enfantillages  avec  le  sérieux  de  la  représentation 
qui  régnait  dans  toute  la  chambre  de  la  reine  dé- 
concerta Sa  Majesté  plusieurs  fois  :  elle  porta  son 
éventail  devant  son  visage  pour  cacher  un  sourire 
involontaire,  et  l'aréopage  sévère  des  vieilles 
dames  prononça  que  la  jeune  reine  s'était  moc^née 
de  toutes  les  personnes  respectables  qui  s'étaient 
empressées  de  lui  rendre  leurs  devoirs;  qu'elle  n'ai- 
mait que  la  jeunesse,  au'elle  avait  manqué  à  toutes 
les  bienséances;  et  qu aucune  d'elles  ne  se  pré- 
senterait plus  à  sa  cour.  Le  titre  de  moqueuse  lui 
fut  généralement  donné,  et  il  n'en  est  point  qui 
soit  plus  défavorablement  accueilli  dans  le 
monde. 

Le  lendemain,  il  circula  une  chanson  fort  mé- . 


(i)  Mme  Campan  ne  nous  donne  aucune  date, 
mais  Poucet  de  la  Grave  nous  apprend  <]ue  cva 
K'ceptions  eurent  lieu  dans  les  premiers  jours  de 
juin  : 

•  Le  5 juin.  la  Chambre  des  Comptes  et  la  Cour 
des  Monnaies  eurent  l'honneur  de  faire  à  Leurs 
Majestés  leurs  compliments  de  condoléance,  sur 
la  mort  du  roi  Louis  XV,  etde  félicilalion  sur  leur 
avènement  au  trône. 

«  L'Université  de  Paris  s'acquitta  du  même  de- 
voir, ainsi  qu»*  l'Académie  irantjaise;  le  sieur 
Gresset,  directeur  de  l'Acudémic,  porta  la  pa- 
role. 

«  Les  7,  8  et  9,  louU*s  les  personnes  présenlées 
l'urent  l'Iionneur  de  faii*e  leurs  révéreucfsàLeurs 
Majestés  et  à  la  famille  royale.  • 


l 


chante,  et  où  le  cachet  du  parti  auquel  on  pouvait 
l'attribuer  se  faisait  aisément  remarquer.  Je  ne  me 
rappelle  que  le  refrain  suivant  : 

Petite  reine  de  vingt  ans. 
Vous  qui  traitez  si  mal  les  gens, 
Vous  repasserez  la  barrière 
Lairc,  laire,  laire,  lanlaire,  laire,  lanla. 

Les  fautes  des  grands,  ou  celles  que  la  méchan- 
ceté leur  attribue,  circulent  avec  la  plus  grande 
rapidité  dans  le  monde,  et  s'y  conservent  comme 
une  espèce  de  tradition  historique  que  le  provin- 
cial le  plus  obscur  af me  à  répéter.  Plus  de  quinze 
ans  après  cet  événement,  j'entendais  raconter  à 
de  vieilles  dames,  au  fond  de  l'Auvergne,  tous  les 
détails  du  jour  des  révérences  pour  le  deuil  du  feu 
roi,  où,  disait-on,  la  reine  avait  indécemment 
éclaté  de  rire  au  nez  des  duchesses  et  des  prin- 
cesses sexagénaires  qui  avaient  cru  devoir  paraître 
pour  cette  cérémonie. 


L'ÉDIT  DE  LA  MUETTE 

ET  LES  DirrKAENTS  SÉJOURS  DE  LÀ  COUR  DE  LOUIS  XV| 
AU  CHATEAU  DE  CE  NOM 

Un  journal  très  répandu,  tout  en  rendant  hom- 
mage, il  y  a  quelque  temps,  aux  efforts  et  aux 
travaux  historiques  de  notre  Société,  s'étonnait 
que  nous  n'eussions  pas  encore  parié  du  château 
de  la  Muette.  Ou  le  critique  bienveillant  n'était 
pas  en  possession  de  tous  nos  bulletins,  ou  peut^ 
être  les  anra-t-il  parcourus  un  peu  trop  vivement; 
sinon  il  y  aurait  trouvé  d'abord  l'étymologie  du 
nom  de  la  Muette,  à  la  page  26  du  tome  I*'',  et 
un  court  résumé  de  son  histoire  à  la  page  iii, 
puis  la  relation  détaillée  du  premier  voyage 
aérien,  à  la  page  153,  et  ennn  l'histoire  des 
quatre  principaux  gouverneurs  de  ce  ch&teau,  à  la 
page  189...  La  période  historique  la  plus  intéres- 
sante, il  est  vrai,  mais  aussi  la  plus  délicate  à 
raconter,  serait  celle  des  nombreux  et  scandaleux 
séjours  qu'y  fit  Ixmis  XV,  sous  le  nom  de  baron 
de  Gonesse,  qu'il  prenait  alors  par  un  reste  de 
pudeur  pour  la  majesté  royale  ;  nous  ne  voulons 
pas  l'entreprendre.  Tout  autres,  heureusement, 
sont  les  souvenirs  qu'y  laissèrent  Louis  XVI  et 
Marie-Antoinette,  et  c'est  de  leurs  trop  rares  sé- 
jours au  ch&teau  de  la  Muette  que  nous  aurons 
le  plaisir  de  parler  aujourd'hui. 

On  sait  que  c'est  là  que  descendit  la  jeune  dau- 
phlne  Marie-Antoinette,  à  son  arrivée  en  France, 
en  attendant  la  célébration  officielle  de  son  mariage, 
qui  eut  lieu  dans  la  chapelle  du  ch&teau  de  Versailles 
le  16  mai  1770.  Quatre  ans  après,  le  10  mai  1774, 
Louis  XV  mourait  de  la  petite  vérole,  également 
an  château  de  Versailles.  Aussitôt  la  cour,  voulant 
fuir  l'air  malsain  de  cette  ville,  partit  pourChoisy. 
Trois  des  filles  du  feu  roi,  M"'^*  Adélaïde,  Vic- 
toire et  Sophie,  avaient  soigné  leur  père  sans 
crainte'  de  la  contagion,  avec  un  dévouement  vé- 
ritablement admirable;  mais  deux  d'entre  elles, 
M'»^  Adélaïde  et  Sophie,  ayant  gagné  la  maladie 


'20 


3o6 


HISTOIRE   DU   XVI^   ARRONDISSEMENT 


~-  qai  heureusement  n'eut  pas  de  suites  fâcheuses 
—  on  crut  prudent  de  les  installer  dans  un  pavil- 
lon isolé  du  chAteau.  Quelques  jours  après,  le  mal 
empira.  Louis  XVI  prit  alors  la  résolution  de 
Tenir  s'installer  avec  la  coor  au  château  de  la 
Muette,  et  c'est  de  là  que  furent  datés  les  pre- 
miers actes  de  son  règne. 

Le  48  mai,  Marie-Antoinette  écrit  à  sa  sœur 
Marie-Christine,  femme  du  gouTerneur  des  Pays- 
Bas  autrichiens  :  <  Le  ro}r  a  donné  Tordre  de 
dresser  <  un  Edit  par  lequel  il  fait  remise  do  droit 
«  de  joyeux  avènement,  et  je  renonce  pour  ma 
€  part  au  droit  de  ceinture  de  la  reine;  voilà, 

<  j'espère,  de  quoi  nous  faire  aimer;  il  est  im- 
€  possible  d*ètre  animé  de  meilleures  intentions 
«  que  mon  mari,  il  tâche  de  faire  pour  le  mieux  ; 
«  il  est  préoccapé,  à  faire  peur,  étudie  sans  cesse 
«  ce  qu  il  doit  faire  pour  être  digne  de  sa  tâche  et 
«  améliorer,  il  travaille  tant,  qu'à  peine  si  je  le 
«  vois.  »  Le  3i  mai,  elle  lui  éa>it  de  nouveau  : 
«  L'Editqui  fait  remise  du  droit  de  joyeux  avène- 

<  ment,  paroit  ;  le  roy  a  voulu  se  donner  le  plai- 
«  sir  d*en  rédiger  lui-même  le  préambule,  je 
«  vous  l'envoyé.  > 

11  n'est  pas  sans  intérêt  pour  nous  de  rappeler 
les  termes  mêmes  de  cet  acte,  qui,  médité  dans 
nos  murs  et  baptisé  de  nom  A* Rail  de  la  Muette, 
eut,  lors  de  son  apparition,  un  retentissement 
considérable  (i). 

€  Louis,  par  la  grâce  de  Dieu,  roi  de  France  et 
de  Navarre,  à  tous  présents  et  à  venir,  salut. 

€  Assis  sur  le  trône  ob  il  a  plu  à  Dieu  de  nous 
élever,  nous  espérons  que  sa  bonté  soutiendra 
notre  jeunesse  et  nous  guidera  dans  les  moyens 
qui  pourront  rendre  nos  peuples  heureux  ;  c'est 
notre  premier  désir,  et,  connaissant  que  cette 
félicité  déoend  principalement  d'une  sage  admi- 
nistration des  finances,  parce  que  c'est  elle  qui 
détermine  un  des  rapports  les  plus  essentiels 
entre  le  souverain  et  ses  sujets,  c'est  vers  cette 
administration  que  se  tourneront  nos  premiers 
soins  et  notre  première  étude.  Nous  étant  fait 
rendre  compte  ae  l'état  actuel  des  recettes  et  des 
dépenses,  nous  avons  vu  avec  plaisir  qu'il  y  avait 
des  fonds  certains  pour  le  paiement  des  arrérages 
et  intérêts  promis  et  des  remboursements  annon- 
cés ;  et,  considérant  ces  engagements  comme  une 
dette  de  l'Etat,  et  les  créances  qui  les  représentent 
comme  une  propriété  au  rang  de  toutes  celles  qui 
sont  confiées  à  notre  protection,  nous  croyons  de 
notre  premier  devoir  d'en  assurer  le  paiement 
exact.  Après  avoir  ainsi  pourvu  à  la  sûreté  des 
créanciers  de  l'Etat  et  consacré  les  principes  de 
justice  qui  feront  la  base  de  notre  règne,  nous 
devons  nous  occuper  de  soulager  nos  peuples  du 
poids  des  impositions,  mais  nous  ne  pouvons  y 
parvenir  que  par  Tordre  et  l'économie.  Les  fruits 
qui  doivent  en  résulter  ne  sont  pas  l'ouvrage  d'un 
moment,  et  nous  aimons  mieux  jouir  plus  tard  de 
la  satisfaction  de  nos  sujets  que  de  les  éblouir 
par  des  soulagements  dont  nous  n'aurions  pas 
assuré  la  stabilité.  11  est  des  dépenses  nécessaires 
qu'il  faut  concilier  avec  la  sûreté  de  nos  Etats;  il 
en  est  qui  dérivent  de   libéralités  susceptibles 


(1)  Cet  Edil  fut  enregistré  le  3o  mai    au  Parle- 
ment de  Paris. 


peut-être  de  modération,  mais  qui  ont  acquis  des 
droits  dans  Tordre  de  la  justice,  par  une  longue 
possession,  et  qui  dès  lors  ne  présentant  que  des 
économies  graduelles.  Il  est  des  dépenses  qui 
tiennent  à  notre  personne  et  au  faste  de  notn 
cour,  sur  celles-là  nous  pourrons  suivre  le  plus 
promptement  les  mouvements  de  notre  cœur, 
et  nous  nous  occupons  déjà  des  moyens  de  les 
réduire  aux  bornes  convenables*.  De  tels  sacrifices 
ne  nous  coûteront  rien,  dès  qu'ils  pourront  tour- 
ner au  soulagement  de  nos  sujets  ;  leur  bonheur 
sera  notre  gloire,  et  le  bien  que  nous  pourrons 
leur  faire  sera  la  plus  douce  récompense  de  nos 
soins  et  de  nos  travaux. 

«  Voulant  que  cet  Edit,  le  premier  émané  de 
notre  autorité,  porte  l'empreinte  de  ces  disposi- 
tions et  soit  comme  le  gage  de  nos  intentions, 
nous  nous  proposons  de  dispenser  nos  sujets  du 
droit  qui  nous  est  dû  à  cause  de  notre  avènement 
à  la  couronne;  c'est  assez  pour  eux  d'avoir  à  re- 
gretter un  roi  plein  de  bonté,  éclairé  par  l'expé- 
rience d'un  long  règne,  respecté  dans  l'Europe 
par  sa  modération,  son  amour  pour  la  paix  et  sa 
fidélité  dans  les  traités.  A  ces  causes,  etc. 
€  Donné  à  la  Muette,  7  mai  4774.  » 
L'Edit  de. la  Muette  n'était  que  le  prélude 
d'autres  mesures  nombreuses  qui  furent  également 
datées  du  même  lien.  D'après  !e  Mercure  histo- 
rique, t.  GLXXVI,  D.  Gii,  les  extraordinaires, 
les  menus,  le  grand  commun,  les  gouverneurs 
des  maisons  royales,  les  spectacles  de  la  cour, 
devaient  être  supprimés  ;  également  la  chasse  du 
daim  et  du  faucon.  On  se  proposait  aussi  de  faire 
une  réforme  importante  aux  grandes  et  aux  petites 
Ecuries.  Le  roi  ordonna  qu'à  l'avenir  on  ne  servit 
qu'une  seule  table  qui  serait  commune  à  Sa  Ma- 

testé  et  à  la  reine,  au  comte  et  à  la  comtesse  de 
^rovence,  an  comte  et  à  la  comtesse  d'Artois  (1  ). 
Toutes  ces  réformes  ou  projets  de  réforme  furent 
accueillis  aux  acclamations  unanimes  du  royaume, 
et,  par  une  sanglante  épigramme  contre  son  pré- 
décesseur, peu  regretté  malgré  le  dire  final  de 
TEdit  de  la  Muette,  on  surnomma,  contre  son  gré, 
le  nouveau  roi  Louis  le  Désiré  :  il  eût  voulu 
qu'on  l'appelât  Louis  le  Grave  (2).  L'Edit  de  la 
Muette  fut  répandu  partout,  on  en  fit  même  des 
exemplaires  illustrés  (3).  Cependant,  tout  en 
approuvant  la  remise  du  droit  de  joyeux  avène- 
ment et  du  droit  de  ceinture  de  la  reine  (qui 
était  sous-entendu),  on  blâmait  le  langage  de 
l'ordonnance,  qui  semblait  consacrer  ces  droits, 
tout  en  s'abstenant  de  les  appliquer  ;  ces  préten- 
dus droits,  qui  remontaient  aux  temps  de  la  féo- 
dalité, n'étaient  pas  légaux,  puisqu  ils  n'avaient 
jamais  été  reconnus  par  les  Parlements.  Qnant 
aux  gens  intéressés  et  mécontents  de  la  cour,  ils 


(1)  Ces  repas  de  famille  en  commun  existaient 
depuis  la  (in  de  i7^3^  et  c'était  Marie-Antoinette 
qui  en  avait  pris  l'initiative. 

(2)  Leducciela  Vauguyon,  gouverneur  des  pe- 
tits-fiia  de  Louis  XV,  avait  appelé  ses  élèves  les 
quatre  F:  le  Fin  (le  duc  de  Bourgogne);  le  Faible 
(Louis  XVI)  ;  le  Faux  (Louis  XVIÎI)  ;  Le  Franc 
(Ciiarles  X). 

(3)  Voir  la  pièce  in-4"  fçravée  par  Beaublé  d'après 
Voysard,  et  intitulée  :  Edil  du  Uoy  donné  a  la 
Muette  en  1774. 


ANNEXES 


3o7 


disaient  ironiquement  que  Louis  XVI  agissait  en 
bourgeois. 

Mais,  qa*était-€e  qne  le  droit  de  joyenx  avène- 
ment ?  <pi*était-ce  que  le  droit  de  ceinture  de  la 
reine  ?  Deux  impôts  qui  se  percevaient  à  Tavène- 
ment  an  trône  de  tout  nouveau  roi.  Le  premier 
consistait  à  confirmer,  moyennant  finance,  les 
privilèges  des  villes,  des  communautés,  des  cor- 
porations de  marchands  et  artisans,  des  anoblis, 
des  lé^tifflés  et  des  naturalisés,  en  un  mot,  les 
immunités  de  tout  genre.  Avant  Louis  XVI, 
Louis  Xn  avait  été  le  seul  qui  eût  renoncé  à  ce 
droit,  ce  qui  lui  valut  peut-être  un  peu  son  sur- 
nom de  Père  du  peuple.  A  Tavènement  de 
Louis  XV,  en  4723,  ce  droit,  affermées  millions, 
avait  rapporté  41  millions  à  la  compagnie  qui 
avait  fait  cette  fructueuse,  mais  peu  honnête 
spéculation,  et  avait  ainsi  gagné  près  de  iOO 
pour  100  (4).  Le  droit  de  ceinture  de  la  reine, 
fort  ancien  également,  se  levait  à  Paris  pour 
l'entretien  de  la  maison  de  la  reine;  il  fut,  k 
VoinçD»,  de  3  deniers  prélevés  par  chaque  muid 
de  vin,  puis  étendu  à  d'autres  denrées  sous  le 
nom  de  taille  du  pain  et  du  vin.  L'analogie 
qui  exista  au  moyen  A^e  entre  une  bourse  et  les 
premières  ceintures  qui  en  tinrent  lieu,  détermina 
sans  doute,  sans  que  nous  puissions  Taffirmer, 
h  première  appellation  de  cet  impôt. 

Ne  quittons  pas  cette  première  installation  de 
Lriuis  XVI  à  la  Muette  sans  noter  que,  le  jour  de 
la  Fête-Dieu,  il  tint  à  assister  aux  cérémonies 
qui  se  faisaient  à  la  paroisse,  et  qu'à  cette  occa- 
sion Dom  Noguères,  curé  de  Passy,  vint  lui  pré- 
senter ses  hommages  et  lui  adressa  dans  l'église 
même  un  charmant  discours  de  bienvenue. 

C'est  aussi,  je  crois,  à  ce  premier  séjour  chez 
nous,  qu'il  faut  rapporter  l'anecdote  suivante.  Un 
jour,  Louis  XVI  témoigna  le  désir  d'aller  faire  une 
promenade  du  côté  du  couvent  des  Bonshommes  ; 
vite  les  courtisans  firent  prévenir  une  très  jolie 
marchande  de  se  trouver  sur  le  passa^  du  roi, 
l'assurant  (|ue  sa  fortune  serait  faite  si  elle  par- 
venait à  lui  plaire.  En  passant,  on  fit  remarquer 
à  Louis  XVI  la  beauté  de  cette  femme.  €  En  effet, 
dit-il,  elle  est  assez  jolie  ;  quelle  profession 
exerce-t-^lle  f  »  On  lai  répondit  que  c'était  une 
marchande  de  Paris.  €  En  ce  cas,  reprit  le  jeune 
monarque,  elle  ferait  mieux  de  rester  à  sa  bou- 
tique aue  de  venir  perdre  son  temps  à  la  pro- 
menade* >  Attérés  par  cette  réponse,  les  courti- 
sans n'osèrent  plus  tenter  d'autres  scènes  de 
corruption  (2). 

Rappelons  encore  que  pendant  les  séjours  de 
Louis  XV  à  la  Muette,  les  portes  du  bois  étaient 
fermées;  Louis  XVI  décida  qu'à  l'avenir  elles 
resteraient  toujours  ouvertes,  pour  que  chacun  pAt 
librement  s'y  promener.  Marie-Antoinette  s'y 
rendait  sans  garde,  à  pied  ou  à  cheval  ;  elle  s'y 
laissait  famihèrement  approcher,  parlait  à  tous 
avec  beaucoup  d'aflabilité  et  recevait  elle-même 
les  placets  qu'on  lui  présentait  ;  aussi  le  désir  et 
la  facilité  de  voir  le  nouveau  roi  et  la  nouvelle 

f  i)  Il  est  iusle  de  dire  que  la  perception  n'ea 
fut  flxée  qu'en  174A  et  venait  à  peine  d  èlre  ache- 
vée à  la  mort  de  Louis  XV. 

(S)  Tiré  de  la  Vie  publiqut  it  privée  de  Louis  XVl^ 
par  M.  A... 


reine  attiraient-ils  la  foule  de  ce  côté,  il  y  avait 
procession  contuiuelle  de  voitures.  Après  un  séjour 
de  cinq  semaines,  la  cour  s'en  fut  à  Marl^,  puis  à 
Compi^^e,  résidence  de  prédilection  du  roi.  Elle  ne 
revint  qu'assez  rarement  au  château  de  la  Muette  ; 
cependant  Louis  XVI  y  descendait  régulièrement 
tous  les  ans  au  mois  de  mai,  pour  aller  de  là  passer 
la  revue  des  gardes  françaises  et  des  gardes  suisses 
à  la  plaine  des  Sablons. 

Marie-Antoinette  affectionnait  le  séjour  de  la 
Muette,  et  quand  Morisan  (1),  le  23  juillet  1774, 
ouvrit  le  Ranelagh,  elle  se  mit  en  tête  des  dames 
patronnesses  sous  les  auspices  desquelles  l'établis- 
sement s'était  fondé.  Quelques  années  après,  elle 
y  reçut  un  jour  un  pauvre  luthier  de  Strasbourg, 
qui,  plus  tard,  enrichi  par  son  génie,  devait  de- 
venir, vers  1818;  le  propriétaire  des  restes  du 
château.  C'était  Sébastien  Erard,  le  célèbre  fac- 
teur dMnstruments  de  musique  qui,  le  premier, 
avec  la  collaboration  de  son  frère  Jean-Baptiste 
avait  fabriqué  des  pianos  en  France  (2). 

A  l'occasion  de  la  naissance  de  la  dauphine 
Louis  XVI  avait  donné  cent  mille  livres  pour  ma- 
rier cent  jeunes  filles  pauvres  ;  la  cérémonie  des 
cent  mariages  eut  lieu  à  Notre-Dame  le  8  fé- 
vrier 1779,  en  présence  du  roi,  de  la  reine  et  de 
la  cour,  qui  étaient  descendus  à  la  Muette.  La 
reine  rentra  au  château  de  fort  mauvaise  humeur, 
froissée  de  l'accueil  peu  chaleureux  qu'on  lui  avait 
fait  sur  son  passage.  Quant  au  pauvre  comte 
d'Artois,  à  force  de  regarder  à  droite  et  à  gauche 
la  foule  immense  qui  bordait  les  rues  et  les  quais, 
il  avait  attrapé  un  torticolis  des  mieux  condi- 
tionnés. 

Vers  le  commencement  du  mois  de  mai  4780,  la 
cour  vint  encore  s'installer  à  la  Muette,  sur  le 
désir  de  la  reine,  qui  voulait  avoir  la  facilité 
d'aller  prendre  elle-même  des  nouvelles  de  son 
amie  la  plus  intime,  M">®  Jules  de  Polignac,  future 
gouvernante  des  enfants  de  France,  et  qui,  pour 
faire  ses  couches,  s'était  établie  à  Passy.  L'année 
suivante,  an  mois  de  septembre,  et  pour  le  même 
motif,  nouveau  séjour  à  la  Muette.  Pour  ce  der- 
nier voyage,  trente-deux  dames  et  vingt-six  sei- 
gneurs avaient  été  choisis  pour  accompagner  la 
cour,  sans  compter  les  polissons^  c'est-à-£re  les 
courtisans  désignés  qui  pouvaient  venir  rendre 
leurs  devoirs  à  Sa  Majesté.  M"^*  de  Polignac, 
la  cause  de  tout  ce  remue-ménage,était  descendue, 

Sour  faire  ses  secondes  couches,  dans  la  maison 
e  M.  Le  Ray  de  Chaumont,  ancien  directeur  et 
intendant  de  l'hôtel  des  Invalides,  rue  de  l'Annon- 
ciation, n^  9,  à  rhôtel  de  Valentinois,  où  Marie- 
Antoinette  la  visita  souvent.  Le  21  novembre  1783, 
le  château  de  la  Muette  reçut  encore  de  nobles 
visiteurs,  curieux  d'assister  au  premier  voyage 
aérien  de  Pilâtre  de  Roûer  et  du  marquis  d  Ar- 
landes.  La  duchesse  de  Polignac  y  avait  amené 
Mgr  le  Dauphin.  Etaient  présents  :  le  duc  de 
Chartres  (Philippe-Egalité),  le  duc  de  Poli|;nac,  le 
comte  de  Polastron,  le  duc  de  Guines,  l'ranklin 
et  quelques  membres  de  l'Académie  des  Sciences. 


(1)  Morisan  était  peintre  décorateur  et  artificier 
du  roi. 

(2)  11  mourut  au  château  de  la  Muette,  le  5  août 
1831. 


;   XV l'   ARRONDISSEMENT 


EnSn,  301  mois  d'iTril  et  mai  1786,  dods  relron- 

Toas  encore  Marie- Antoinette  ao  château  de  la 
Muette;  elle  y  fait  Tenir  Sicardi.  le  célèbre  minia- 
tariste,  pour  faire  faire  son  portrait  d«stiné  i  sa 
sœur  la  ducLesse  de  Parme,  et  lui  consacre  quatre 
séances.  Elle  écrit  i  son  autre  «eur,  Harie-Chris- 
line,  qu'elle  peuse  qoe  ce  portrait  sera  le  dernier 
pour  lequel  elle  posera  véritablement.  Pauvre 
reine  !  le  dernier  fut  fait,  de  souvenir,  par  dd  ar- 
tiste qui  atait  pu  la  voir  1  la  Concieiferie,  an 


sphériqae,  ce  qui  leur  avait  anasi  tait  donner  le 
nom  de  globes  aérostatiques.  A  la  partie  infé- 
rieure était  une  large  ouverture  sons  laquelle  se 
trouvait  un  réchaud  à  paille  qui  introduisait  dans 
l'enveloppe  de  l'air  raréfié  par  la  chaleor  «I,  par 
eonsèqoent,  beaucoap  plus  l^er  que  l'air  envi- 
ronnanl. 

Après  quelques  expériences  conroDoéee  de  soC' 
ces,  le  15  octobre  1783,  PiUtre  de  Roiier,  sa- 
vaDt  chimiste'  et  physicien  (1),  et  le  marqnii 


l'ilAtrc  de  ROïier. 


moisd'aoAt  1793  (I).  Deux  mois  après,  elle  était 
conduite  au  supplice,  dans  un  misérable  tombereau , 
sur  la  place  de  la  Rérolulion. 


LE    PREMIER    V0TA6E    AÉRIEN 

(^1  NOTUBRE  1183) 

De  tons  les  faits  historiques  se  rattachant  au 
chlteau  de  la  Muette,  il  n'en  est  guère  de  plus 
intéressant  au  point  de  vue  scientifique  et  qui  ait 
produit  une  plus  grande  sensation  à  son  époque, 
que  celui  du  premier  voyage  tenté  dans  les  airs 
an  moyen  d'un  aérostat,  dont  l'invention  toute 
récente  était  due  aux  frères  Honlgolfier. 

Les  premiers  ballons,  auxquels  on  avait  donné 
le  nom  féminisé  des  inventeurs,  consistaient 
simplement  eo  une  enveloppe  de  toile,  doublée  de 
papier  (2),  ayant  la  forme  d'un  globe  presque 


(3)'lj!s  rrirua  MuiiLgollIcr 
que  importante  à  Aiiuona; 
rctnitivu  souvent  leur  IlLiai 
excellents  jinpiers  ilecelti; 


I   il'urlis 


d'Arlandes,  gentilhomme  lai^uedocien,  montèrent 
intrépidement,  poor  la  première  fois  dans  une 
nacelle  suspendue  au-dessous  d'un  ballon  captif 
et  s'élevèrent  i  plusieurs  reprises  ï  100  mètres 
de  hauteur.  La  réussite  de  cette  tentative  engagea 
d'Arlandes  4  essayer  une  épreuve  beaucoup  plus 
périlleuse,  qui  eut  lieu  le  31  novembre  suivant,  1 
Passy,  dans  le  jardin  du  cbAlean  de  la  Muette,  en 

Erésence  du  dauphin  et  du  savant  Franklin,  alors 
abilant  de  Passy,  et  voici,  d'après  nne  lettre 
qu'il  adressa  à  son  ami  Fanjas  de  Saint-Fond, 
les  détails,  fort  intéressants  pour  nous,  de  ce 
premier  voyaee  aérien. 

L'aérostat  (2),  construit  sous  les  yeux  d'Etienne 
MoDtgolBer,  chez  son  ami  Réveillon,  fabricant  de 
pB[Hers  peints  du  faubourg  Saint-Antoine  (3),  fui 

rO  PilAlrc  Ile  Razier  avait  ouvert  un  cours  de 
plivsi<iuc,  ou  Ltjcif,  trÈs  suivi,  au  Mnrais.  vcrï 
I77fl,  et  Établi  un  inuaéï  spécial  à  la  tin  de  1781, 
clan*)  sa  demeure  de  lu  rue  Sainte-Avoie. 

(:))  Avait  aim.TScent,  de  hauteur;  14  m.  focent. 
npadté  de  3o5  m.  c.  6^7  decini. 

e  deux  L  entre- 


cnioiire  einclc  élall  rue  Saint-Maur.  3i, 
liAlel  de  Tilon  du  TMIet.  Première  vie- 
RiJvDlulioD,  sun  étsbliaeenirnl  fut  pillé 


ANNEXES 


3o9 


apporté  le  49  octobre  dans  le  jardin  de  la  Muette. 
D^Arlandes  choisit  TeAplacemeot  qai  Ini  parut  le 
plus  convenable,  j  mit  immédiatement  les  ourriers, 
et  le  surlendemain  tout  était  prêt.  Etienne  Mont- 
golfier,  n*ayant  pas  jugé  pruaent  de  laisser  partir 
seul  le  marquis  d'Arlandes,  lui  avait  proposé  la 
veille  de  prendre  Pilâtre  de  Rozier  comme  compa* 
gnon,  ce  qa*il  avait  accepté  avec  empressement. 

Il  est  i  heore  54  minutes;  tout  est  prêt;  le 
ballon  s'élève  majestueusement  au  milieu  du  si> 
lence  anxieux  du  public  et,  quand  il  a  dépassé  les 
charmilles^  fait  un  demi-tour  sur  lui-même, 
poussé  par  un  vent  nord-ouest. 

<  rétais  surpris,  dit  d*Arlandes,  du  silence  et  du 
peu  de  mouvement  que  notre  départ  avait  occa- 
sionné sur  les  spectateurs  ;  je  crus  qu*étonnés  et 
peut-être  effrayés  de  ce  nouveau  spectacle,  ils 
avaient  besoin  ii'étre  rassurés.  Je  saluai  du  bras 
avec  assez  peu  de  succès  ;  mais,  ayant  tiré  mon 
mouchoir,  je  Tagitai,  et  je  m'aperçus  alors  d'un 
grand  mouvement  dans  le  jardin  de  la  Muette.  Il 
m*a  semblé  que  tous  les  spectateurs  qui  étaient 
épars  dans  cette  enceinte  se  réunissaient  en  une 
seule  masse  et  que.  par  un  mouvement  involon- 
taire, elle  se  portait,  pour  nous  suivre,  vers  le 
mur,  qu'elle  semblait  regarder  comme  le  seul 
obrtacle  qui  pôt  nous  séparer.  C'est  dans  ce  mo- 
ment que  M.  PiUtre  me  dit  :  Vous  ne  faites  rien 
et  nous  ne  montons  guère.  —  Pardon,  lui  répon- 
dis-je.  Je  mis  une  botte  de  paille,  je  remuai  un 
peu  le  fea,  et  je  me  retournai  bien  vite  ;  mais  je 
ne  pus  retrouver  la  Muette.  —  Etonné,  je  jette 
un  regard  sur  le  cours  de  la  rivière,  je  la  suis  de 
Tœil  ;  enfin  j'aperçois  (au  loin)  le  confluent  de 
rOise.  Voilà  donc  Conflans  !  Et,  nommant  les 
autres  principaux  coudes  de  la  rivière  par  les 
noms  des  lieux  les  plus  voisins,  je  dis  :  Poissy, 
Saint-Germain,  Saint-Denis,  Sèvres  !  Donc  je 
suis  encore  à  Passer  ou  à  Chaillot.  —  En  efiet,  je 
regardai  par  l'intérieur  de  la  machine  et  j'aperçus 
sons  mot  la  Visitation  de  Chaillot  (emplacement 
du  Trocadéro).  —  M.  Pilâtre  me  dit  dans  ce  mo- 
ment :  Voilà  la  ririère,  et  nous  baissons.  —  Eh 
bien,  mon  cher  ami,  du  feu  !  —  Et  nous  travail- 
lâmes. Mais,  au  lieu  de  traverser  la  rivière, 
comme  semblait  l'indiquer  notre  direction,  qui 
nous  portait  sur  les  Invalides,  nous  lonj^eàmes 
nie  des  Cygnes,  rentrâmes  sur  le  lit  principal  de 
la  rivière,  et  nous  la  remontâmes  jusqu'au-dessus 
de  la  barrière  de  la  Conférence.» 


Ils  montent,  puis  tout  à  coup  se  sentent  secoués, 
la  direction  du  mouvement  est  alors  de  haut  en 
bas,  c'est  un  nouveau  courant  qui  heureusement 
les  éloigne  de  la  Seine;  les  voici  entre  l'Ecole 
militaire  et  les  Invalides,  qu'ils  avaient  déjà  dé- 
passés d'environ  800  mètres,  puis  au-dessus  du 
couvent  des  Missions  étrangères  ;  de  là,  ils  se 
dirigent  vers  les  tours  de  Saiot-Sulpice.  Un  nou- 
veau courant  leur  fait  quitter  cette  direction  pour 
les  porter  plus  au  sud,  près  du  Luxembourg  ;  ils 
traversent  l'ancien  boulevard  extérieur  et.  voyant 
enfin  des  terrains  vides,  s'écrient  :  «  Pour  le 
coup,  pied  à  terre  !  >  Ils  cessent  leur  feu  et  des- 
cendent à  la  Butte-aux-Cailles,  près  de  la  route 


de  Fontainebleau,  entre  le  Moulin-des-Merveilles 
et  le  Moulin-Vieux. 

Le  voyaee  avait,  en  tout,  duré  47  minutes. 
Nos  intrépiaes  voyageurs  s'étaient  élevés  à  la  hau- 
teur de  9o0  mètres,  avaient  traversé  tout  Paris 
et  étaient  descendus  à  8  kilomètres  environ  de 
leur  point  de  départ. 

Dans  l'ardeur  des  dernières  mamiîuvres,  Pilâtre 
avait  retiré  sa  redingote  et  l'avait  mise  dans  la 
nacelle.  La  populace  était  accourue,  s'en  était 
avidement  saisie  et  se  l'était  partagée.  I^  |;arde 
survint  peur  éviter  au  ballon  le  sort  de  la  redin- 
gote ;  en  dix  i^inutes  il  fut  mis  en  sûreté,  et,  une 
heure  après,  remisé  chez  Réveillon. 

Mais  Pilâtre  de  Rozier  était  toujours  là,  en 
chemise  et  en  culotte  cpurte  !  D'Arlandes,  crai- 
gnant pour  lui  un  refroidissement  dangereux,  le 
força  à  se  retirer  dans  la  première  maison,  es- 
corté par  le  sergent  de  garde  qui  éloignait  la 
foule.  C'est  alors  qu'il  rencontra  Je  duc  de 
Chartres  (i).  Celui-ci,  depuis  la  Muette,  avait 
suivi  la  Montgolfière  dans  son  carrosse.  Le  jour 
baissait  ;  il  se  faisait  tard  ;  enfin  des  voitures 
arrivèrent  ;  mais  Pilâtre,  affublé  d'une  affreuse, 
redingote  qu'on  lui  avait  prêtée,  se  trouvait  en 
trop  piteux  état  pour  rentrer  à  la  Muette.  D'Ar- 
landes revint  seul,  désolé  de  quitter  ainsi  son 
brave  compagnon  (2).  Ainsi  finit  cette  journée 
mémorable,  et  la  réussite  de  cette  première  expé- 
rience mit  le  sceau  à  la  renommée  des  Montgol- 
lier. 

Quant  à  ce  pauvre  Pilâtre  de  Rozier,  on  sait 

Sue,  moins  de  deux  ans  après,  il  voulut  tenter 
e  franchir  la  Manche  en  ballon.  Le  feu  prit  à  son 
aérostat,  et  il  périt  à  5  kilomètres  de  Roulogne- 
sur-Mer,  son  point  de  départ,  en  face  de  la  tour 
de  Croy,  près  du  village  de  Wimille,  où  il  fut 
inhumé. 

Lf^OPOLD  Màr. 


VENTE   DES  BIENS  NATIONAUX 
DE  NOTRE  RÉGION  SOUS  LA  RÉVOLUTION 

Eu  1788.  les  économies  s'imposant,  Louis  XVI 
ordonna,  par  un  édit,  la  vente  ou  la  démolition 
des  châteaux  de  la  Muette  et  de  Madrid,  dont 
l'entretien  et  la  garde  étaient  fort  coûteux.  Ni  la 
vente  ni  la  démolition  n'eurent  lieu,  peut-être 
faute  d'acquéreurs  acceptables  ;  seule  une  partie 
du  parc  de  la  Muette  fut  vendue  en  4791,  défri- 
chée et  convertie  en  carrière.  Le  48  janvier  4793, 
une  affiche  in-folio,  placardée  en  divers  endroits 
et  notamment  dans  notre  région,  pour  l'adjudica- 
tion définitive  des  biens  nationaux,  annonçait  la 
vente  de  la  maison  possédée  par  les  Minimes 
des  Bonshommes  de  Passy,  et  des  maisons  de 
la  Cure  et  de  la  Muette.  Le  couvent  des  Bons- 


Ci  )  Louis-Philippe-Joscph  d'OrK-ons,  dit  Phi- 
lippe-Egalité, père  du  roi  Louis-Pliilippe. 

(a)  L'a  lettre  du  marquis  d'Arlandes  à  Faujas 
de  Saint-Fond  a  été  donnc^e  en  entier  dans  le 
Magasin  pilloresque,  t.  XV  (it^7).  PP-  >58  et  25^. 


\ 


3io 


HISTOIRE   DU  XVI*  ARRONDISSEMENT 


/ 


/ 


hommes  et  ses  dépendances,  le  font  d*ane  conte- 
nance de  neuf  arpents,  ne  furent  tendus  que 
6.000  livres.  De  la  Muette,  on  fit  deux  lots;  l'un, 
comprenant  le  pavillon  de  gauche  et  les  communs 
y  attenant,  fut  adjugé  à  un  particulier,  et,  faute 
aacquéreur,  le  reste  de  l'habitation  royale  et  une 
grande  partie  du  parc  restèrent  propriété  de 
TEtat,  qui,  sous  le  Directoire,  les  loua  à  Tal- 
leyrand.  Le  27  mars  suivant,  on  mit  en  vente  le 
domaine  de  Madrid,  qui  fut  adjugé  pour  648^201 
litres  en  assignats,  représentant  2Ô0,00(Hrancs 
en  argent.  Le  château  seul  avait  cqm  plus  de 
sept  millions  de  francs  !  Vers  cetfCi  époque  on 
démolit  aussi  Tabbaye  de  Loogchamp;  mais  la 
ferme,  d'une  contenance  àe  174  arpents,  et  son 
moulin  à  vent  furent  céd^  pour  90.000  livres. 

Par  contre,  un  d^ret  de  la  Convention  du 
46  floréal  an  II  (iHûdi  5  mai  1794,  vieux  style) 
le  citoyen  ùipi^t  présidant  —  décida  que  les 
châteaux  eU^frdins  ci-devant  royaux  ou  princiers 
de  VeracÂles,  Beilevue,  Saint-Cloud,  Monceau,  le 
Rain^  Sceaux,  TIle-Adam,  Vanves,  ainsi  que 
le  Bagatelle  au  bois  de  Boulogne ,  ne  seraient 
jas  vendus,  mais  conservés  et  entretenus  aux 
irais  de  la  République,  pour  servir  aux  jouissan- 
ces du  peuple,  ou  former  des  établissements  utiles 
à  Tagriculture  ou  aux  arts.  Un  peu  plus  tard, 
malgré  ce  décret.  Bagatelle  fut  vendu  comme 
domaine  national,  et  ne  rentra  dans  les  posses- 
sions de  la  Couronne  que  sous  Napoléon,  qui 
Tacheta  peu  de  temps  avant  la  campagne  de 
Russie. 

LtopoLD  Mar. 


JEAN -JACQUES    ROUSSEAU    A    PASSY 
ET  AU  BOIS  DE  BOULOGNE 

Des  relations  existèrent  entre  J.-J.  Rousseau  et 
la  famille  Etienne  Delessert,  dont  les  descendants 
habitent  encore  à  Passy. 

Jean*Jacques,  lorsau'il  venait  à  Passy,  descen- 
dait chez  ses  amis,  dans  un  pavillon  qui  existe 
encore  aujourd'hui.  Ce  n'était  pas  seulement 
l'amitié  qui  l'attirait  sur  les  bords  ae  la  Seine  ;  ce 
n'était  pas  toujours  non  plus  la  botanique,  bien 
qu'il  ne  put  trouver  qu  à  Autenil  la  Cameline 
amplexicaule  (Myagrum  sativum  de  Linné)  ; 
c'étaient  aussi  et  surtout  les  préoccupations  de  sa 
santé  qui  l'amenèrent  dans  notre  cher  quartier. 

Dans  l'été  de  1750,  Rousseau  fut  envoyé  par 
son  médecin  aux  eaux  de  Passy.  €  Le  matin,  dit- 
il  dans  ses  Confessions,  en  me  promenant  et  en 
prenant  les  eaux,  je  fis  quelques  manières  de  vers, 
à  la  hftte,  et  j'y  adaptai  des  chants  qui  me  vinrent. 
Je  barbouillai  le  tout  dans  une  espèce  de  salon 
voûté  qui  était  au  haut  du  jardin.  Les  trois  mor- 
ceaux que  j'avais  esquisse  étaient  le  premier 
monologue  :  J'ai  perdu  mon  serviteur  ;  l'air  du 
Devin  :  V amour  croit  s'il  sHnquiète  et  le  der- 
nier duo  :  A  jamais.  Colin,  je  Vengage.  » 

Longtemps  après,  au  cours  d'une  de  ses  pro- 
menades d  berborisntion  dans  le  bois  do    Bou- 


logne (1  ),  Jean-Jacques  fut  le  héros  d'une  ateih 
ture  charmante  que  je  ne  résiste  pas  au  désir  de 
raconter  d'après  lui,  bien  que  ses  Confessions 
soient  dans  toutes  les  mains. 

<  Un  dimanche,  dit-il,  nous  étions  allés,  bm 
femme  et  moi,  dîner  à  la  porte  Maillot.  Après  le 
dîner,  nous  traversâmes  le  bois  de  Boulogne  jus- 
qu'à la  Muette.  Là,  nous  nous  assîmes  sur  l'herbe, 
à  l'ombre,  en  attendant  que  le  soleil  fût  baissé 
pour  nous  en  retourner  ensuite  tout  doueement 
par  Passy.  Une  vingtaine  de  petites  fiUes,  con- 
duites par  une  manière  de  religieuse,  vinrent  les 
unes  s'asseoir,  les  autres  folâtrer  autour  de  nous. 
Durant  leurs  jeux,  vint  à  passer  un  oublieur  avec 
son  tambour  et  son  tourniquet,  qui  cherchait  pra< 
tique.  »  Jean-Jacques  déâda  <|ue  chacune  des 
fillettes  tirerait  à  son  tour,  ce  qui  répandit  dans  h 
jeune  troupe  «  une  joie  qui,  seule,  eût  plus  que 
payé  sa  bourse,  quand  il  ne  l'aurait  tonte  em< 
ployée  qu'à  cela  ». 

Bien  plus,  il  Toulut  corriger  les  cruautés  du 
sort  et  il  dit  «  en  secret,  à  1  oublieur,  d'user  de 
son  adresse  ordinaire,  en  sens  contraire,  en  fai- 
sant tomber  autant  de  bons  lots  qu'il  pourrait. 
Au  moyen  de  cette  prévoyance,  ily  eut  près  d'une 
centaine  d'oubliés  distribuées,  quoique  les  jeunes 
filles  ne  tirassent  chacune  qu'une  seule  fois,  car, 
là-dessus,  je  fus  inexorable,  ne  voulant  ni  favoriser 
des  abus,  ni  marquer  des  préférences,  qui  produi- 
raient les  mécontentements  ».  Ne  vous  semble- 
t-il  pas.  Messieurs,  (pe  tout  Jean-Jaoquesest  là, 
avec  sa  bonté  et  sa  générosité  instinctives  et  aussi 
avec  son  amour  de  la  déclamation  jusque  dans  les 
plus  petites  choses? 

La  religieuse  fut  invitée  à  tirer  à  son  tour,  puis 
l'on  se  sépara  très  contents  les  uns  et  les  autres 
et  €  cet  après-midi  fut,  dit  Jean-Jacoues,  un  de 
ceux  de  ma  vie  dont  je  me  rappelle  le  souvenir 
avec  le  plus  de  satisfaction.  La  tète,  au  reste,  ne 
fut  pas  ruineuse...  Je  suis  revenu  plusieurs  autres 
fois  à  la  même  place,  à  la  même  heure,  espérant 
y  rencontrer  encore  la  petite  troupe,  mais  cela 
n'est  pas  arrivé.  » 


LE  BAL  DU  RANELAGH 

On  vous  a  entretenus  aussi.  Messieurs,  à  la 
séance  du  9  juin  189^,  du  bal  du  Cours,  à 
Passy.  J'ai  eu  la  bonne  fortune  de  retrouver 
quelques  documents  relatifs  à  ce  bal  et,  parmi 
ceux-ci,  le  premier  registre  de  ses  recettes. 

Morisan,  qui,  comme  on  vous  l'a  dit,  en  fut  le 
premier  fondateur,  était  garde  de  la  porte  de 
Passy,  au  bois  de  Boulogne.  R  obtint  du  maréchal 

S  rince  de  Soubise,  gouverneur  du  château  de  la 
luette  et  grand  écuyer  du  bois  de  Boulogne,  la 
permission  de  faire  enclore  le  terrain  de  danse. 
Une  estampe  de  l'époque,  de  la  série  dite  des 


(i)  Rousseau  écrivait  un  jour  à  M.  de  Malcshcr- 
bes  : 

«  .l'ai  fait  cet  hiver  une  herborisation  au  bois  de 
Boulogne  elj'en  ai  rapporté  quelques  mousse^.  « 


ANNEXES 


3ii 


Vues  (Taptûnie,  représente  le  bal  da  Ranelagh  (4). 

A  droite  ae  la  grande  allée,  éclairée  par  des 
lanternes  accrochées  an  tronc  même  des  arbres,  se 
trouTaient  des  petits  salons  à  manger,  couverts  et 
fermés  de  trois  côtés.  A  gauche,  an  milieu  des 
statues,  une  rotonde  reposant  sur  des  colonnes 
de  pierre.  Les  musiciens  étaient  au  premier  étage 
de  la  rotonde  ;  on  circulait  an-dessous.  Des  guir- 
UinJes  de  fleurs  reliaient  les  colonnes  entre  elles. 

L*ouTerture  eut  lieu  le  lundi  25  juillet  1774  ; 
rentrée  coûtait  24  sous.  La  recette,  dans  les  pre- 
miers temps,  ne  fut  pas  brillante  ;  certains  soirs, 
elle  descendit  à  30  livres,  à  7  livres  iO  sous  et 
même  à  3  livres  iS  sons.  Mais  lorsque  Marie- 
Antoinette,  qui  affectionnait  particulièrement  la 
Muette,  eut  pris  Thabitude  de  Tenir  se  mêler  aux 
danses  avec  les  dames  de  la  Cour,  la  vogue  du 
Ranelagh  devint  immense.  Toutefois  la  reine, 
assez  délicate  de  santé,  n*osait  pas  toujours  s'ar- 
rêter ainsi,  le  soir,  dans  un  endroit  découvert. 
Aussi  Morisan  fut-il  autorisé  à  élever  un  comble 
couvert  en  ardoises  au-dessus  de  Taire  du  bal. 
De  ce  jour  date  la  véritable  prospérité  du  Rane- 
lagh ;  la  reine  vint  plus  souvent  encore  que  par 
le  passé.  Le  registre  en  fait  foi  :  €  21  avril  1780, 
jour  que  la  reine  est  venue  avec  la  famille  royale: 
5  musiciens,  627  livres  de  recette  et  10  louis  de 
présence.  » 

En  1 789,  la  Cour,  bien  entendu,  abandonna 
les  pelouses.  Elle  y  fut  remplacée,  comme  Ta  dit 
M.  Léo  Claretîe,  par  une  société  ob  l'on  n'admet- 
tait que  les  gens  distingués. 

Puis,  en  1792  et  1793,  les  habitués  se  recru- 
tèrent dans  le  personnel  ordinaire  des  clubs  révo- 
lutionnaires. On  chantait  au  Ranelagh  le  ça  ira 
et  Ton  y  dansait  la  carmapole. 

En  1794,  on  dut  fermer  le  bal,  faute  de  dan- 
seurs. 

Sous  le  Directoire,  les  Muscadins  y  établirent 
leur  quartier  général  ;  ils  y  conspiraient,  parait- 
il,  car,  un  soir,  la  garde  directoriale  vint  les  assié- 
ger dans  le  lieu  même  du  bal.  c  Ce  fut,  dit  un 
auteur  anonyme,  un  sauve-qui-peut  général.  Les 
uns  sautèrent  par-dessus  lesnaies,  d'autres  mon- 
tèrent dans  les  arbres  ;  ceux-ci  se  réfugièrent 
dans  les  caves  ;  ceux-là  furent  faits  prisonniers. 
Puis,  on  ramassa  les  blessés  ;  on  emmena  les  va- 
lides et  les  vaincus  eurent  à  subir,  pour  leur  peine, 
quelques  mois  de  prison.  »  L'établissement  fut  ra- 
vagé par  les  vainqueurs  et  fermé  jusqu'au  Consulat. 

Musset  a  commis  un  léger  anachronisme  quand 
il  parle  de  la  valse  : 

...  aux  jours  de  Thermidor, 
Lorsqu'au  bruit  des  canons  dansait  la  République 
Et  que  la  Tallien,  soulevant  sa  tunique, 
Faisait  de  ses  pieds  nus  craquer  les  anneaux  d'or. 

La  valse  n'était  pasconnue  aux  temps  héroïques. 
Elle  l'était  à  peine  sous  le  Consulat,  et  Trénitz,  le 
héros  du  Ranelagh  en  1800,  ne  valsait  pas  en- 
core. C'est  à  Passyque  le  brillant  danseur  adressa 
à  l'un  des  assistants,  qui  se  félicitait  d'avoir  pu 


(i)  C'est  le  nom  d'un  lord  qui  avait  fait  bâtir  à 
Cheisea  (Londres),  près  do  l'endroit  où  est  au- 
jourd'hui Comorne-Garden,  une  rotonde  où  l'on 
donnait  des  concerts.  Plus  tard,  il  y  eut  des  bols 
publics  sur  ce  terraia. 


l'admirer,  ce  mot  resté  célèbre  :  €  Etiez-vous 
bien  placé  ?  » 

En  1814  et  i815,  le  Ranela(;h  fut  occupé  par 
les  Russes  et  servit  alternativement  d'écurie, 
d'hôpital  et  de  salle  de  correction. 

Au  début  de  la  Restauration,  la  duchesse  de 
Berry  reprit  la  tradition  de  Marie-Antoinette,  et 
le  bal  redevint  le  rendez-vous  de  la  bonne  société. 
Le  règlement  de  18!20  montre  quelles  étaient  les 
(Nrécaùtions  prises  pour  assurer  la  bonne  compo- 
sition des  danseurs.  «  Les  abonnements,  dit  l'ar- 
ticle premier,  ne  seront  délivrés  à  des  dames, 
qu'après  l'information  qui  aura  été  faite  par  les 
commissaires.  » 

Par  l'article  3,  il  était  établi  un  comité  de  six 
commissaires  représentant  les  dames  abonnées, 
faisant  les  honneurs  du  bal,  présidant  au  bon 
ordre,  etc. 

L'article  4  se  préoccupait  de  l'expulsion  possible 
(et  elle  eut  lieu  plusieurs  fois)  des  €  personnes  qui 
pourraient  déplaire  à  la  société  ». 

Les  hommes  ne  pouvaient  pas  garder  leur 
chapeau  sur  la  tête  ;  ils  devaient  porter  l'habit 
noir  et  la  cravate  blanche. 

Enfin,  près  du  bal,  était  un  petit  théâtre  sur 
lequel  jouaient  de  jeunes  élèves. 

Dans  ces  conditions  particulières  de  distinction 
et  de  décence,  le  bal  jouissait  d'un  succès  honnête 
et  tranquille  ;  les  dames  de  Passy  se  faisaient  un 
plaisir  de  s'y  abonner  et  je  ne  crois  pas  me  trom- 
per en  disant  que  les  grand'mères  de  beaucoup 
d'entre  nous  s'y  amusèrent  souvent. 

En  1818,  un  ouragan  d'une  violence  inouïe 
s'abattit  sur  Passy  et  sur  les  pelouses.  La  toiture 
fut  enlevée,  les  pavillons  renversés,  cette  année-là 
les  recettes  baissèrent. 

Depuis  1825  jusqu'en  1870,  le  bal  de  Passy 
perdit  son  caractère  aristocratique;  les  héroïnes 
de  Musset  et  les  <  dames  de  la  nouvelle  Athènes  » 
remplacèrent  les  marquises  et  les  bourgeoises  de 
Passy.  Les  mercredis  et  samedis,  les  coupés,  les 
fiacres  et  les  paresseuses^  partis  des  rues  Bréda, 
de  Notre-Dame-de-Lorette  et  de  h  Rochefoucauld, 
venaient  amener  aux  fêtes  de  nuit  du  Ranelagh 
les  habitants  de  ces  quartiers  éloignés. 

Maintenant,  et  depuis  1870,  on  ne  danse  plus 
sur  les  pelouses  de  Passy,  on  ne  danse  plus  à  Au- 
teuil  qui  ne  le  cédait  en  rien  à  Passy,  puisque, 
pour  bien  affirmer  les  goûts  chorégraphiées  des 
nabitants,  le  conseil  municipal  de  ce  joli  village 
avait  choisi  pour  maire,  ayant  l'annexion,  l'illustre 
Musard. 

VI 

DOCUMENTS  INÉDITS  RELATirS  A  JEAN  RACINE 
ET  A  SA  FAMILLE 

Jean  Racine  nous  appartient  doublement,  puis- 
que nous  avons  le  plaisir  de  posséder  parmi 
nous  M.  Louis  Mirleau  d'Uliers,  son  arrière<pe- 
tit-fils.  C'est  à  ce  titre  que  j'ai  voulu  vous  don- 
ner la  primeur  d'une  notice  publiée,  il  n'y  a 
que  quelques  jours,  par  M.  le  vicomte  de  Grou- 
chy,  ancien  ministre  plénipotentiaire  (i),  quia  eu 

(i)  Paris.  Téçbener,  ap  juin  i8^ 


3l2 


HISTOIRE   DU   XVI*  ARRONDISSEMENT 


la  bonne  fortune  de  retrooTer,  dans  les  minntiera 
de  quelques  notaires  parisiens,  certains  docnments 
du  plus  haiit  intérêt  pour  Thistoire  intime  de 
Jean  Racine  et  de  ses  descendants. 

Mais,  auparavant,  ie  dirai  un  mot  d*une  pièce, 
donnée  le  18  juin  dernier,  dans  le  journal  la 
Paix;  c*est  un  extrait  du  registre  des  sépultures 
de  Port-Royal-des-Champs  qui  relate  renseyelis- 
sement  du  poète.  Gedoeument,  reproduit  par  dirers 
journaux  de  Paris  et  donné  comme  inédit,  se  trouve 
m  extenso  dans  le  Dictionnaire  critique  de  Jal 
(Paris,  Pion,  4867). 

La  notice  de  M.  le  vicomte  de  Grauchy  com- 
prend les  docnments  suivants  pour  lesquels  il  n*a 
pas  dressé  de  table  récapitulative  : 

—  Contrat  de  mariage  de  Racine  suivi  de  Tétat 
des  biens  des  futurs  («SO  mai  4677); 

—  Vente  du  1<2  août  4684  ; 

—  Bail  de  la  maison  de  la  rue  de  la  Friperie 
(même  date)  ; 

—  Dot  d'Anne  Racine  (45  décembre  4698); 

—  Contrat  de  mariage  de  Marie-Catherine  Ra- 
cine (5  janvier  4699)  ; 

—  InventairedesbiensdeRacine(44mai  4699)  ; 

—  Etat  (ou  catalogue)  des  livres  après  le  décès 
de  Racine; 

—  Vente,  par  sa  venve,  deTofiSce  de  secrétaire 
du  roi  rS  juin  4699)  ; 

—  Vente,  par  sa  veuve,  de  TofRce  de  trésorier 
de  France  (46  juillet  4699)  ; 

*-  Tution  et  avis  de  Racme  ; 

—  Liquidation  et  partage  (dernier  juillet  4699)  ; 

—  0>ntrat  de  mariage  de  Marguerite  Vitard  ; 

—  Constitution  de  rentes  ; 

—  Contrat  de  mariage  de  Louis  Racine 
(!•'  avril  4728)  ; 

—  Testament  olographe  de  J.-B.  Racine. 

Pour  ces  deux  dernières  pièces,  M.  le  vicomte 
de  Grouchy  déclare  en  devoir  la  communication 
à  M.  Louis  Mirlean  dlUiers. 

Négligeant  le  détail  des  stipulations  financièrei 
portées  an  contrat  de  mariage  de  Racine  avec 
Catherine  de  Romanet,  nous  remarquerons,  dans 
cet  acte,  les  signatures  du  grand  Condé  et  de 
Louis  de  Bourbon  ;  celles  du  premier  président  de 
Lamoignon,  du  ministre  (}olbert,  du  marquis  de 
Sei^nelay,  du  duc  d'Albert,  et  celle  plus  modeste, 
mais  plus  intéressante  pour  nous,  de  Nicolas  Vi- 
tard, seigneur  de  Passy,  avocat  au  parlement, 
cousin  germain  de  Racine. 

Le  mariage  (mai-juin  4677,  Tannée  même  oii 
Phèdre  fut  représentée)  coûta  6.000  livres. 

Racine  apportait  son  office  de  trésorier  de 
France  aux  gages  de  2.400 1. 1.  (capital 36.0001.)  ; 
400 1.  de  rentes  (8.000  1.  en  principal)  dues  par 
Nicolas  Vitard  ;  666  1.  de  rentes  sur  THôtel  de 
Ville.  <  Le  S*"  Racine  jouit  en  plus  de  4 .500  1.  de 
pension  qu  il  plait  au  Roi  luy  donner  et,  pour  le 
surplus,  il  est  couché  sur  Tétat  de  S.  M.  » 

Il  apportait  aussi  de  Targenterie,  des  tapisseries 
des  Flandres  et  de  Bergame,  etc.,  un  grand  mi- 
roir et  plusieurs  tableaux  valant  500  livres. 

La  fortune  de  (ktherine  de  Romanet  était  sen- 
siblement plus  élevée  que  celle  de  son  futur  mari. 

Le  42  août  4684,  quatre  ans  après  son  ma- 
riage. Racine  achetait  à  la  veuve  du  conseiller  Le 


Mazier  une  maison  sise  rue  de  la  Friperie,  moyen- 
nant la  somme  de  48.400  livres. 

En  4688,  il  avait  prêté  22.000  fr.  à  Honoré 
d*Albert,  duc  de  Chevreuse,  et  43.000  1.  à  Boi- 
leau  en  4689  et  4695. 

A  sa  mort  (2fl  avril  4699),  Racine  avait  donc 
augmenté  notablement  sa  fortune  (4).  Il  avait 
maintenant  un  carrosse  doublé  de  velours  ronge, 
et  une  petite  chaise  roulante  à  4  roues,  et,  pour 
traîner  ces  deux  voitures,  estimées  275  I.,  deux 
chevaux  hongres,  sous  poil  blanc,  à  courtes 
queues,  vieux  et  caducs,  prisés,  avec  leurs  harnais, 
36  livres! 

Je  passe  sur  le  linse,  les  vêtements  et  Targente- 
rie  pour  arriver  à  la  bibliothèque,  on,  parmi  les 
auteurs  anciens  ou  modernes,  un  seul  manquait  : 
Racine  lui-même. 

Les  prix  des  ouvraees  sont  instructifs  ;  car  tan- 
dis une  les  œuvres  d  Andilly  sont  estimées  50  l. 
et  celles  de  Tillemont  40  I.,  Molière  atteint  péni- 
blement 7  1.  et  les  44  volumes  de  Corneille  ar- 
rivent tout  juste  à  3  livres  ! 

Il  y  a,  on  le  voit,  dans  cette  brochure  de 
78  pages,  bien  des  détails  intéressants  sur  la  vie 
et  les  habitudes  de  Racine  ;  et  Ton  ne  saurait 
assez  remercier  ces  travailleurs  désintéressés  qui 
consacrent,  à  des  œuvres  en  apparence  aussi 
arides,  les  loisirs  d*une  retraite  studieuse  et  ho* 
norée. 


vn 


RAaNE  ET  SA  PAMILLE  A  AUTEDII. 

A  Toccasion  des  lettres  de  Racine,  adressées  à 
son  fils  et  dont  quelques-unes  sont  datées  d*Au- 
teuil,  il  a  été  rappelé  à  la  dernière  séance  que 
Louis  Racine  n*avait  que  sept  ans  à  la  mort  de 
son  père  et  qu'il  était,  dès  lors,  invraisemblable 
qu'une  telle  correspondance  ait  pu  avoir  lieu. 

Ainsi  présenté,  le  fait  est  indiscutable  ;  mais 
il  ne  s*agit  pas  des  lettres  adressées  à  Lonis  Ra- 
cine. L*auteur  d'Andromaque  avait  un  fils  aîné, 
Jean-Baptiste,  né  en  4679,  qui  fut  employé  dans 
la  diplomatie  en  Hollande  du  vivant  même  de  son 
père  et  qui,  à  la  mort  de  celui-ci,  avait  déjà  vingt 
ans.  Deux  de  ces  lettres  (4698),  où  il  est  aues- 
tion  des  derniers  moments  et  de  la  mort  de  la 
Champmeslé,  sont  particulièrement  intéressantes 
pour  nous  :  «  Je  dois,  dit  Racine  à  son  fils  Jean- 
Baptiste,  réparation  à  la  mémoire  de  la  Champ- 
meslé qui  mourut  avec  d'assez  bons  sentiments^ 
après  avoir  renoncé  à  la  comédie,  très  repentante  de 
sa  vie  passée,  mais  surtout  fort  affligée  de  mourir  ; 
du  moins,  M.  Despréaux  me  Ta  dit  ainsi,  l'ayant 
appris  du  curé  d'Auteoil  c|ui  l'assista  à  sa  mort, 
car  elle  est  morte  à  Auteuil,  dans  la  maison  d'un 
maître  à  danser  ob  elle  était  venue  prendre 
l'air.  » 

Sainte-Beuve  s'étonne,  à  juste  titre,  du  ton  de 
sécheresse  de  cette  lettre.  €  On  a  besoin,  dit-il, 
pour  l'excuser,  de  croire  que  Racine  voulait  faire 
indirectement  la  leçon  à  son  fils  et  condamner  ses 


(i)  Suivant  Mesnard,  Mme  Racine  perdit  sa  for- 
tune lors  du  système  de  Law. 


ANNEXES 


3l3 


propres  erreurs  dans  la  personne  de  celle  qoi  en 
arait  été  Tobjet.  » 

La  famille  de  Racine,  après  la  mort  de  celui-ci 
et  après  le  départ  même  de  Boilean,  conser?a  à 
Autenil  de  nombreuses  relations.  Louis  Racine, 
parvenu  à  Fâge  d'homme,  venait  faire  de  fré- 
quents séjours  chez  d*Agnesseau.  Le  chancelier 
aimait  le  poète,  mais  il  n^avait  pas  grande  estime 
pour  son  esprit. 

Ant.  GuiLLOis. 


VIII 


ASPECT  GÉNÉRAL,  EN  4717,  DE  LA  BOUCLE  DE  LA  SEINE 
QUI  RENFERME  AUTEUIL  ET  PASSY 

Notre  premier  Bulletin  contient  une  note  fort 
intéressante  sur  la  Muette  et  sur  Pacy  (ou  Passy). 
On  y  a  annexé  un  plan  du  bois  de  Roulogne  en 
4705,  par  N.  de  Fer. 

J*extrais  d*un  original  que  je  possède  du  même 
géographe,  d*un  plan  qni  donne  toute  la  banlieue 
de  Pans,  de  Bourg  la  Reyne  an  Drancy  et  de 
Colombes  à  Champigny,  ce  oui  concerne  Âuteuil, 
Passy,  Chaillot  et  le  bois  de  Boulogne. 

Ce  plan  est  daté  de  4747  :  il  est  donc  plus  ré- 
cent de  douze  ans  que  celui  qni  a  été  communi- 
Sué  par  M.  Saint-Lanne.  (Une  erreur  dans  la  copie 
ie  la  gravure  a  fait  clicher  47:27.  C'est  bien  4747 
qu'il  faut  lire.  Ob  plan  a  été  reproduit  p.  44.) 

Comment  se  rendait-on,  en  4747,  de  Paris  à 
Âutûein.,. 

On  pouvait,  comme  on  le  voit  par  le  plan,  sor- 
tir par  le  faubourg  du  Roule  et  êagner  immédia- 
tement la  grande  Avenue  Royale  des  Tuilleries,  en 
laissant  à  gauche  les  Champs  EUzées.  Ou  bien  on 
continuait  ie  faubourg  jusqu'au  Roule  même.  De 
ce  point,  on  obliquait  à  gauche  par  Chaillot  (4),  en 
passant  au-dessus  de  Tanbaye  des  Bons  Hommes, 
pour  arriver  à  Passy.  Du  Roule,  on  pouvait 
encore  gagner  la  grande  étoile  (S),  le  grand  car- 
refour à  huit  branches  de  VA  venue  Royale  et  sans 
doute  tomber  par  un  chemin  de  champs  sur  Passy. 

1^  voie  la  plus  courte  paraissait  être  la  sui- 
vante : 

Partir  du  Pont  Royal,  sur  le  quai,  non  loin  de 
l'ancien  emplacement  de  la  Porte-Neuve,  longer 
les  Tuilleries  sur  un  quai  qui  commençait  à  se 
construire  an-dessus  de  la  berge,  sortir  par  la 
Porte  de  la  Conférence  et  le  pont  du  fossé  des 
Tuilleries,  et  prendre  le  Cours  de  la  Reyne. 
Après  avoir  dépassé  la  Savonerie  (3)  et  franchi 
le  ruisseau  venu  d'au  delà  des  Porcherons  (4),  on 
avait  le  choix,  ou  de  monter  par  les  Bons  Hommes 
à  Passy,  ou  de  suivre  la  Biviere  de  Seine  et  de 
monter  directement  à  Auteuil.  Ces  deux  localités 
communiquaient  sans  doute  entre  elles  au  moins 


(i)  Une  partie  ét^it  faubourg  de  Paris  depuis 
i659  environ,  sous  le  nom  de  faubourg  de  la  Con- 
férence. Mais  le  nom  primitif  a  prévalu. 

(a)  Rond-point  de  I  Etoile  actuel,  emplacement 
de  1  Arc  de  Triomphe. 

(3)  La  fameuse faorique de  tapis,  prèsde  laquelle 
il  y  avait  encore  un  hôpital  en  1672. 

('^)  C'est  ranligue  ruisseau  de  Ménilmontant. 
Dejiuis  Charles  V;  il  recueillait,  portie  à  ciel  ou- 


par  un  chemin  de  champs  au  bord  du  coteau  :  le 
plan  ne  montre  rien  à  cet  égard. 

Sur  la  rive  gauche,  Paris  s'arrêtait  bien  avant 
le  bac  indiqué  au  plan.  Ce  bac,  situé  au  bas  de 
Tesplanade  des  Invalides,  établissait  la  communi- 
cation du  faubourg  du  Gros-Caillou  avec  la  rive 
droite.  On  peut  reconnaître  qu'il  faisait  face  au 
rond-point  et  à  la  grande  allée  des  Champs  Klizées 
qui  forment  aujourd'hui  l'avenue  d'Antin,  en 
amont  de  Vlsle  du  Mas  ou  de  Querelle  (4). 

Le  piéton  qui  continuait  à  se  promener  sur  la 
rive  gauche  devait  dépasser  la  plaine  et  le  château 
de  Grenelle,  ainsi  que  quelques  «  lieux  dits»,  en 
laissant  à  sa  droite  un  Ilot  qui  n'existe  plus  dans 
le  lit  du  fleuve,  pour  retrouver  un  passage  un 
peu  au-dessus  du  moulin  de  Javelle,  entre  le 
pont  Mirabeau  et  le  viaduc  actuel.  S'il  poussait 
plus  loin  encore  sa  promenade,  dépassant  une 
branche  de  la  route  de  Vaugirard,  traversant  le 
ruisseau  de  Clamar  et  celui  de  Chalais-Medon, 
il  lui  fallait  gagner  le  Pont  de  Sève  pour  com- 
muniquer de  nouveau  avec  la  rive  droite.  On  peut 
s'en  assurer  sur  la  carte. 

Mais  nous  voici  arrivés  k  Passy  par  le  Cours  de  la 
Reyne,  et  tout  de  suite  le  bois  de  Boulope  nous 
attire.  Nous  passons  devant  la  Muete,  dont  l'or- 
thographe, qui  n'est  point  conforme  à  celle  que 
donnait  l'autre  jour  M.  Claretie,  appelle  notre 
attention.  J'ai  recherché  la  raison  de  cette  bizar- 
rerie apparente,  et  voici  une  explication  qui  peut 
paraître  suffisante. 

Delort,  en  4824,  après  avoir  parlé  du  château 
de  Madrid,  ajoute  : 

€  11  existe  encore  un  autre  petit  château  dans 
l'intérieur  du  bois  de  Boulogne.  C'est  celui  de  la 
Muette  ou  de  la  Meute,  situé  à  l'entrée  du  bois  du 
c6té  de  Passy. 

«  Comme  la  première  intention  fut  d'établir  un 
simple  rendez-vous  de  chasse  (2),  il  est  plus  vrai- 
semblable de  croire  qu'il  faut  dire  meute,  lieu  où 
l'on  renferme  les  chiens  en  attendant  les  chas- 
seurs, que  muette,  qui  désigne  un  lieu  secret, 
fermé  de  bois  de  tous  c<^tés.  » 

Les  deux  orthographes  successives  peuvent  donc 
s'expliquer  assez  naturellement.  De  Meute^  la 
corruption  de  l'usage  et  de  mauvaises  habitudes 
de  langage  ont  insensiblement  fait  Muete,  par  la 
simple  interversion  d'une  lettre.  Ce  dernier  nom  a 
paru  dIus  gracieux  :  peut-être  a-t-on  fait  quelque 
légende  pour  le  justifier  —  légende  que  nous  dé- 
couvrirons un  jour  —  et  on  a  fini  par  lui  donner 
un  t  de  plus,  sans  doute  une  lettre  de  grande 
naturalisation. 

Je  n'insisterai  pas  davantage,  afin  de  ne  pas 
allonger  cette  communication.  La  comparaison, 
facile  à  faire,  entre  les  deux  plans  de  4705  et  de 
4747,  montrera  combien  noms,  lieux,  terrains  su- 


vert,  partie  en  souterrain,  les  é^outs  de  Paris.  11 
est  à  sec  depuis .  longtemps,  et  son  lit  forme  au- 
jourd'hui la  branche  qui  a  une  issue  grillée  au 
pont  de  l'Aima. 

(1)  Sur  une  carte  de  1731,  celte  lie  ne  s'appelle 
plus  qu'Ile  M  aque  relie  ;  mais  apparaît  ce  sous-titre  : 
ou  des  Cignes.  On  y  met  des  dépôts  de  bois.  Elle 
communique  par  le  Pont-Roaae  (en  bois),  jeté  en 
travers  du  petit  bras,  avec  le  Gros-Caillou. 

(2)  La  proximité  du  vaste  château  de  Madrid 
justifie  celle  opinion. 


3i4 


HISTOIRE    DU  XVI*  ARRONDISSEMENT 


bissent  d'hésitations,  de  perturbations,  de  trans- 
formations en  très  peu  d'années.  On  doit  s'estimer 
heureux  de  s'y  reconnaître  après  plus  d'un  siècle 
écoulé. 

Emile  Potin. 


AUDIKOT  AU  RANELA6H 

Audinot  (Nicolas-Médard),  oui  avait  été  successi- 
vement perruquier,  acteur  delà  Comédie  Italienne, 
auteur  (paroles  et  musique)  du  joli  opéra-oomiqne 
le  Tonnelier,  créateur  d'un  théâtre  de  marion- 
nettes appelé  le  Théâtre  des  petits  comédiens 
die  bois,  auxquels  succédèrent  de  véritables  enfants, 
vint  en  4784  s'installer  avec  ses  jeunes  artistes 
près  de  l'établissement  du  Ranelagh.  Il  y  donnait 
de  petites  pièces  et  d'intéressantes  pantomimes 
dans  sa  salle  des  Petits  Comédiens  de  bois  et 
avait  eu  soin  de  conserver  sur  son  rideau  l'ins- 
cription Sicut  enfantes  audi  nos,  dont  la  fin  était 
un  assez  mauvais  rébus  ou  jeu  de  mots  dont  il 
était  fier.  En  4785,  le  privilège  qu'il  avait  obtenu 
pour  le  Ranelagh  lui  fut  retiré,  et  il  rentra  à 
son  théâtre  de  l* Ambigu-Comique,  au  boulevard 
du  Temple. 


PASSY  ET  CHAILLOT  SOUTERRAINS 

On  sait  qu'une  assez  grande  partie  du  sol  de 
Passv,  et  surtout  du  Trocadéro  et  de  la  partie  de 
Chaillot  qui  l'avoisine  au  nord,  a  été  minée,  prin- 
cipalement aux  xvu*  et  xviii®  siècles,  par  des 
exploitations  de  calcaire  grossier  ou  pierre  à  bâtir, 
qui  ne  furent  interdites  qu'en  4843  par  un  arrêté, 
renouvelé  en  4860  pour  la  zone  annexée  à  Paris. 
Une  autre  formation,  parmi  celles  qui  constituent 
le  terrain  tertiaire,  avait  aussi  été  l'objet  des 
exploitations  souterraines  de  notre  région,  Vargile 
plastique  ou  glaise,  qui  fut  exploitée  de  temps 
immémorial  k  Passy.  Piganiol  de  la  Force,  dans 
sa  Description  historique  de  la  ville  de  Paris, 
rapporte  que  les  carriers  de  Passy  vendaient  au- 
trefois en  grande  quantité,  €  à  des  apothicaires 
célèbres  de  Paris,  qui  en  faisaient  une  espèce  de 
vitriol  pour  guérir  les  fièvres  intermittentes,  »  les 
pyrites  qu'on  trouve  dans  la  glaise.  Quant  à  la 
qualité  de  cette  glaise  elle-même,  dépouillée  de 
ses  fameux  pyrites,  ni  maîtres  tuiliers  (4)  ni  sculp- 
teurs ne  nous  ont  laissé  de  renseignements  précis 
sur  elle. 

(0  La  principale  tuilerie  de  Passy  cHait  ù  peu 
près  siliiée  sur  l'emplarement  des  numéros  .'«o  à 
DU  de  la  rue  de  l'Assomplion,  derrière  le  nouveau 
lycée  de  jeune»  fliles  :  aussi  le  château  qui  l'a  voi- 
sinait (actuellement  couvent  de  l'Assomption) 
portait-il  le  nom  de  cbAlefiu  de  )a  Tuilerie. 


Le  groupe  de  Passy-Chaillot  (4),  formé  d'on 
grand  nombre  d'exploitations  séparées,  comprend 
environ  6.600  mètres  de  galeries  d'inspection.  Os 
galeries  sont  subdivisées  en  galeries  principales, 
complètement  consolidées,  et  en  galeries  secon- 
daires, dans  lesquelles  on  n'a  exécuté  que  des  tra- 
vaux de  faible  importance.  Les  galeries  principales 
da  groupe  de  Pany-Chaillot  ont  3.782  mètres  de 
développement.  Le  palais  du  Trocadéro  repose  en 
partie  sur  une  ancienne  carrière  de  pierre  à  bâtir, 
exploitée  au  commencement  du  xviii*  siècle.  La 
consolidation  de  cette  carrière  a  exigé  des  dépenses 
considérables  oui  ont  dû  s'élever  certainement  à 
plus  de  300.000  francs.  Sous  chacun  des  points 
de  la  carrière  correspondant  aux  points  d'appui  de 
l'édifice,  on  a  éleré  des  maçonneries  en  moellons, 
hourdés  de  mortier  de  chaux  hydraulique,  de 
section  Tariant  suivant  l'importance  du  point  d'ap- 
pui à  consolider.  En  raison  de  la  hauteur  de  l'exploi- 
tation, qui  atteignait  parfois  4  mètres,  on  a  été 
conduit  à  donner  à  ces  sections  horizontales  des 
dimensions  considérables,  dont  la  plus  faible  dé- 

{tasse  3  mètres.  Les  quatre  piliers  qui  supportent 
a  tour  de  droite  du  palais  ont  un  cube  total  de 
800  mètres  !  Par  le  fait  du  peu  d'épaisseur  du 
terrain  de  recouvrement,  en  certains  endroits,  on 
a  été  amené  à  asseoir  les  murs  de  fondation  sur 
le  sol  même  de  la  carrière.  Les  grosses  conduites 
et  le  siphon  de  la  cascade  passent  dans  un  grand 
tunnel,  maçonné  en  briques  et  ciment,  qui  part 
de  la  façade  du  palais  central  et  descend  jusqu'au 
collecteur  du  pont  de  l'Aima,  en  traversant  les 
remblais  d'une  ancienne  carrière  à  ciel  ouvert  et 
l'emplacement  des  fouilles  faites  sous  Napoléon  I'', 
pour  la  construction  du  palais  du  roi  de  Rome. 
Ce  tunnel  communique  avec  les  vides  qui,  après 
l'exécution  des  piliers  de  soutènement,  n'ont  pas 
été  comblés.  Deux  escaliers,  dont  l'un  est  situé 
sous  la  salle  des  fêtes  et  l'antre  dans  le  jardin, 
permettent  l'accès  des  galeries.  En  raison  de  la 
déclivité  du  sol  du  Trocadéro,  l'épaisseur  des  ter- 
rains de  recouvrement  est  très  variable.  Elle  est 
de  42  mètres  environ  près  de  l'avenue  du  Troca- 
déro, de  9  mètres  sous  la  salle  des  Fêtes  et  de 
6  mètres  sous  le  jardin,  près  de  l'escalier. 

PUtNCIPAUX    ESCÀUERS    DÉTRUITS    QUI    CONDUISAIENT 

AUX  CARRIÈRES 

4°  Ancienne  rue  des  Batailles,  à  l'angle  de  la 
rue  de  Gasté  (actuellement  avenue  du  Trocadéro, 
devant  la  rue  de  la  Manutention).  —  Entrée  de 

f»lain-pied,  avec  descente  en  pente  douce,  dans 
es  cavages  de  la  place  d'Iéna,  construite  en  4797 
par  l'inspection  des  carrières,  et  détruite  lors  du 
percement  de  l'avenue  du  Trocadéro. 

2°  Rue  de  Lubeck,  24.  —  Escalier  droit,  très 
ancien,  situé  dans  les  dépendances  d'une  propriété 
privée  ;  comblé  vers  4840.  Il  donnait  accès  dans 

(i)  Tous  les  renseignements  techniques  qui  sui- 
vent sont  empruntés  textuellement  au  livre  publié 
l'année  dernière  sur  les  Calacombe»  de  Paris^  par 
M.  Kmile  Gérard,  conducteur  de  l'inspection  géné- 
rale des  carrières  de  la  Seine.  —  M.  Chamuel,  édi- 
teur de  1  ouvraj^e.  rue  de  Trévise  ag,  a  bien  voulu 
autoriser  la  publication  de  ces  extraits  dans  notre 


ANNEXES 


3i5 


es  magnifiques  carrières,  presque  entièremeot 
remblayées  maintenant,  qui  s'étendent  an  nord  de 
la  roe  de  Lubeck.  Ces  carrières  ont  7  mètres  de 
hauteur  en  certains  endroits. 

Il  y  avait,  en  outre,  un  grand  nombre  de  bouches 
de  cavage  et  d*escaliers  de  carnères-cayes  sur  les 
pentes  du  Trocadéro,  dans  la  rue  des  Batailles 
(avenue  dléna),  dans  la  partie  de  la  rue  de  Chaillot 
démolie  pour  le  percement  de  la  me  Pierre-Char- 
ron, rue  de  Longchamp  dans  la  partie  supprimée 
par  le  percement  de  la  place  dléna,  rue  de  la 
Tour,  iSO,  et  rue  Pergolèse  38.  Elles  ont  toutes 
été  remblayées. 

ESCAUERS  ACTUELS  DESSERVANT   LES  RÉSEAUX 
DE  l'inspection   GÉNÉRALE 

i^  Hue  de  Freycinet,  —  Escalier  circulaire 
SOUS  trottoir,  construit  en  1784  dans  Tenceinte 
des  réservoirs  de  la  pompe  à  feu  de  ChaUlot.  Pro- 
fondeur i4™,55;  63  marches. 

2®  Avenue  Kléber,  sur  le  trottoir,  devant  le 
n®  73.  —  Escalier  circulaire  construit  en  1786 
dans  les  dépendances  de  l'ancienne  barrière  de 
I^nechamp  et  recouvert  actuellement  d'un  kiosque 
en  fer.  Profondeur  17"^,50;  84  marches. 

3°  Rue  de  la  Tour,  1.  —  Escalier  circulaire 
construit  en  1804.  Profondeur  5°*, 82  ;  32  marches. 

ESCAUERS  NE  DESSERVANT  QUE  DBS  RÉSEAUX  ISOLÉS 
sous  LES  PROPRIÉTÉS  DE  LA  VILLE  ET  DE  l'ÉTAT 

1^  Au  Dépôt  de  V Ecole  des  Ponts  et  Chaus- 
sées^ avenues  du  Trocadéro  et  d'Iéna.  —  Deux 
escaliers,  l'un  droit  et  l'autre  circulaire,  donnent 
accès  dans  un  petit  réseau  de  vides,  se  ramiâant 
autrefois  avec  les  carrières  de  Chaillot,  mais  isolé 
maintenant  par  des  murs  et  des  remblais  qui  le 
limitent  au  périmètre  de  la  propriété. 

2*  Jardin  du  Trocadéro,  près  de  TAquarium. 
—  Escalier  circulaire  de  9°^, 65  de  profondeur, 
construit  en  1877,  au  moment  de  rédi6cation  des 
bâtiments  et  du  palais  de  l'Exposition  universelle 
de  1878  :  50  marches. 

3^  Palais  du  Trocadéro,  dans  le  sous-sol  de 
la  salle  des  Fêtes.  —  Escalier  circulaire  construit 
k  la  même  époque  que  le  précédent.  Profondeur 
11™,30;  59  marches.  Les  carrières  situées  sous 
le  Trocadéro  communiquaient  autrefois  avec  celles 
de  Chaillot;  depuis  1878,  elles  forment  un  ré- 
seau isolé. 


ESCAUERS  CONSTRUITS  PAR  DES  ADMINISTRATIONS  PRI- 
VÉES, OU  PAR  DES  PARTICULIERS,  POUR  L*UT1USA- 
TION  INDUSTRIELLE  DES  CARRIÈRES  OU  POUR  LEUR 
SURVEILLANCE,  ET  NE  DONNANT  PAS  ACCÈS  DANS 
LES  RÉSEAUX  DE  l'iNSPECTION. 

Rue  de  Chailbt,  —  Escalier  droit,  desservant 
une  carrière-cave  près  de  la  me  de  Freycinet. 

Boulevard  Delessert.  —  Entre  les  jardins  du 
Trocadéro  et  rentrée  de  Passy,  dans  le  mur  de 
soutènement  qui  forme  TaUffnement  nord  du  bou- 
levard, exisie  une  entrée  de  carrière,  de  plain- 
pied  avec  la  chaussée,  Cette  carrière  fut  aménagée 


pendant  l'Exposition  universelle  de  1878,  par  un 
limonadier  qui  avait  mis  comme  enseigne  à  son 
établissement:  Café  des  Catacombes  de  Chaillot. 

Rue  de  la  Tour,  —  Trois  escaliers  de  carrières- 
caves  près  du  carrefour  de  Passy,  du  côté  des 
numéros  pairs. 

Rue  de  Passy.  —  Trente-deux  propriétés  si- 
tuées dans  toute  retendue  de  la  me,  ont  chacune 
un  escalier  desservant  des  carrières-caves. 

Passage  des  Eaux,  près  de  la  me  Ravnouard. 

—  Communication  de  plain-pied  entre  les  caves 
d'une  propriété  particulière  et  d'une  carrière  isolée, 
ouverte  autrefois  à  flanc  de  coteau. 

Rue  Raynouard.  —  Dix-neuf  propriétés  situées 
entre  le  commencement  de  cette  rue  et  de  la  rue 
Singer  ont  chacune  leur  carrière-cave  desservie 
par  un  escalier. 

Rue  de  V Annonciation.  —  Entre  la  rue  Ray- 
nouard et  la  rue  Duban,  quatorze  propriétés  ont 
chacune  un  escalier  droit,  donnant  accès  dans  des 
carrières  isolées  servant  de  caves  aux  maisons. 

£^/t5e  Notre-Dame-de-Grâce,  me  de  l'Annon- 
ciation. —  Escalier  donnant  accès  dans  une  car- 
rière isolée,  située  sous  l'église. 

Rue  Lekain,  près  de  la  me  de  l'Annonciation. 

—  Escalier  de  carrière-cave  ordinaire. 
Chaussée  de  la  Muette,  près  de  la  me  de  la 

Pompe.  —  Deux  escaliers  de  carrières-caves. 

Rue  de  la  Pompe,  entre  la  chaussée  de  la 
Muette  et  la  rue  de  la  Tour.  —  Quatre  propriétés 
ont  des  escaliers  de  carrières-caves. 

Rue  Decamps,  près  la  me  de  la  Tour.  —  Esca- 
lier droit,  donnant  accès  dans  une  carrière  où 
habitait,  il  y  a  une  trentaine  d'années,  une  vieille 
dame,  la  mère  Bontemps,  surnommée  la  mère  aux 

chèvres. 

Pour  extraits  conformes  : 

Léopold  Mar. 


LES  CARRIÈRES  ET  LE  SOUS-SOL 

DU   XVI"  ARRONDISSEMENT 

Le  département  de  la  Seine  renferme  beaucoup 
de  matériaux  de  construction  ;  on  y  trouve,  à  une 
faible  profondeur,  la  pierre  à  bâtir,  le  sable  et  les 
substances  minérales  avec  lesquelles  on  fabrique 
la  chaux,  le  plâtre,  les  briques  et  les  tuiles.  Les 

Sisements  étant  à  proximité,  leur  exploitation  a 
û  se  développer  en  même  temps  que  la  constrac- 
tion  des  divers  quartiers  ;  l'exploitation  des  pre- 
mières carrières  sous  le  centre  de  la  ville  date  de 
l'époque  gallo-romaine  ;  toutes  les  pierres  qui  ont 
été  employées  à  Paris  jusqu'au  xvii"  siècle  pro- 
viennent in  sol  sur  lequel  la  ville  s'étend  actuel- 
lement. Cette  proximité  et  cette  abondance  des 
matériaux  de  construction  sont  de  nature  à  facili- 
ter l'accroissement  d'un  centre  de  population  ; 
elles  ont  donc  favorisé  autrefois  ragrandissement  de 
Paris.  Beaucoup  de  carrières  de  pierres  à  bâtir  se 
sont  épuisées  ;  il  est  maintenant  interdit  d'exploi- 
ter les  autres  à  l'intérieur  de  Tenceinte  des  forti* 


3i6 


HISTOIRE   DU   XVI*   ARRONDISSEMENT 


fications,  et  beaucoup  d'excavations  sont  restées 
yides  après  Tabandon  des  cbantiers,  ce  qui  peat 
occasionner  des  accidents. 

On  parait  n^avoir  pas  eu  sujet  de  s'inquiéter, 
antérieurement  à  1774,  des  inconvénients  que 
peuvent  présenter  ces  souterrains  ;  l'existence  de 
beaucoup  de  carrières  avait  même  été  perdue 
de  vue  et  on  n'avait  de  connaissances  précises  que 
sur  celles  qui  étaient  restées  accessibles,  c'est-à- 
dire  sur  la  moindre  partie  des  anciennes  exploita- 
tions qui,  pendant  plusieurs  siècles,  avaient  été 
livrées,  sans  aucune  surveillance,  à  l'activité  plus 
ou  moins  grande  des  extracteurs.  Mais  un  grand 
effondrement  survint  le  17  décembre  4774,  et 
renversa  une  partie  du  pavé  et  des  alentours  de 
la  route  d'Orléans  (aujourd'hui  rue  Denfert-Ro- 
chereau)  ;  l'attention  fut  ainsi  appelée  sur  les 
périls  résultant  de  la  situation  des  anciennes 
carrières  et  sur  la  nécessité  de  prendre  des 
mesures  efficaces  pour  sauvegarder  la  sécurité 
publique. 

Il  fut  procédé  en  4776  à  une  visite  générale  et 
au  lever  des  plans  des  excavations  alors  acces- 
sibles ;  on  reconnut  qu'une  grande  partie  du  sol 
des  quartiers  méridionaux  de  Paris  était  presaue 
entièrement  sous-minée  et  que  la  stabilité  des 
rues  et  celle  des  constructions  publiques  et  pri- 
vées de  ces  quartiers  était  compromise.  1^4  avril 
4777,  le  jour  même  où  une  maison,  voisine  de 
l'endroit  oii  s'était  produit  l'accident  du  47  dé- 
cembre 4774,  était  engloutie  par  suite  d'un 
effondrement  dans  une  excavation  de  20  mètres 
de  profondeur,  le  Conseil  d'État  institua  une 
commission  spéciale,  chargée  d'ordonner  et  de 
faire  exécuter  toutes  les  opérations  que  pouvait 
exiger  l'état  plus  ou  moins  menaçant  des  an- 
ciennes exploitations.  C'est  sur  la  proposition  de 
cette  commission  (composée  de  M.  I^noir,  lieute- 
nant général  de  police,  et  du  comte  d'Angiviller, 
directeur  des  bâtiments  royaux)  que  fut  créée 
l'inspection  générale  des  carrières.  Le  décret  du 
48  novembre  4840  assura  le  recrutement  parmi 
les  ingénieurs  au  corps  des  mines  des  inspecteurs 
des  carrières  du  département  de  la  Seine;  c'est 
sous  la  direction  de  ces  inspecteurs  (4)  qu'ont  été 
exécutés  les  travaux  de  consolidation  sous  les 
rues  et  sous  les  établissements  publics. 

L'étude  des  carrières  est  subordonnée  à  celle  de 
la  nature  géologique  du  sous- sol  et  de  la  série  des 
divers  terrains  superposés,  parmi  lesquels  figu- 
rent notamment  ceux  d'où  l'on  a  extrait  la  pierre 
à  bâtir.  On  dit  qu'une  couche  géologique  affleure 
lorsqu'elle  se  montre  immédiatement  au-dessous 
du  sol  superficiel  composé  de  terre  végétale  et  de 
terrains  de  transport  qui  sont  d'origine  naturelle, 


(i)  Voici  la  liste  de  ce»  inspocU'urs  :  MM.Giiil' 
lauinol,  de  177;^  à  1807  ;  Hérirart  de  Tiiiiry,  de 
1K09  à  i83o;  Trémery,  de  i83o  à  iK^i  ;  Junckêr,  de 
iH/«i  à  i85i  ;  Lorieux*  de  i85i  11  i856  ;  Blavier,  de 
1856  à  1808;  de  llennczel,  de  ]858  à  i8G5  ;  du 
Souich,  de  i8(i5  ù  1866;  de  Fourcy,  de  18GG  h 
1870  ;  Jacquet,  de  1870  h  i8p;  Descottes,  de  187'^ 
à  1875;  Tournaire,  de  1875  a  1878;  Gentil,  de  i878 
à  1879;  Roger,  de  1879  à  1880  ;  Kellcr,  de  188Ô  à 
1896  ;  Wickrrsheimer,  à  partir  de  189G.  M.  Guil- 
laumot  était  rarchileclo  du  palais  de  Versailles  ; 
ses  successeurs  ont  été  des  ingénieurs  en  chef 
des  mines. 


.comme  les  anciennes  alluvions,  on  d'origine  artifi- 
cielle, comme  les  remblais. 

La  craie  blanche,  qui  s'étend  sons  de  vastes 
étendues  de  pays,  constitue  le  fond  du  bassin  de 
Parin,  où  son  épaisseur  dépasse  400  mètres  ;  elle 
règne  à  la  base  des  coteaux  d'Issy  et  de  H^oo 
et  sur  une  partie  des  territoires  de  Boulogne  et 
de  Billancourt  ;  à  Bercy,  la  craie  se  trouve  i 
^Q  mètres  au-dessous  du  lit  de  la  Seine  ;  dans 
Paris,  elle  n'affleure  qu'à  l'extrémité  sud-ouest  de 
la  ville,  à  Grenelle  et  au  Point-dn-Jour,  vers 
l'altitude  de  30  mètres  au-dessus  du  niveau  de 
la  mer,  c'est-à-dire  à  3  mètres  au-dessus  du 
niveau  normal  des  eaux  de  la  Seine.  Sur  le 
XVI^  arrondissement,  elle  se  trouve  au-dessous 
des  terrains  de  transport,  entre  la  fortification  et 
la  Seine,  jusqu'aux  abords  du  chemin  de  fer  de 
ceinture.  L'épaisseur  des  terrains  de  transport 
est  variable;  elle  s'élève  à  40  mètres  dans  le 
fond  de  la  vallée,  à  Grenelle  près  de  la  Seine  ;  à 
mesure  qu'on  s'éloigne  du  fleuve,  elle  diminue 
dans  les  quartiere  dont  le  niveau  s'élève  graduel- 
lement. La  différence  de  niveau  entre  le  sol  et  la 
face  supérieure  de  la  craie  est  d'environ  7  mètres 
auprès  du  bastion  67  Ins,  placé  entre  la  porte  du 
Point'du-Jour  et  la  porte  Billancourt,  et  elle  n'est 
que  de  4  "^,40  au  point  du  boulevard  Suchet  situé 
entre  les  bastions  63  et  64,  vis-à-vis  la  rue  de 
Civry.  La  surface  de  la  craie  n'est  pas  horizontale; 
elle  est  inclinée  du  sud-ouest  au  nord-est  et  pré- 
sente une  différence  de  niveau  de  433  mètres 
entre  le  Point-du-Jour  et  les  Buttes-Chanmont, 
où  sa  face  supérieure  est  à  103  mètres  au-dessous 
du  niveau  de  la  mer. 

Les  diverses  couches  superposées  au-dessus 
de  la  craie  (1  )  ont  beaucoup  moins  d'épaisseur  ; 
celle  qui  recouvre  immédiatement  la  craie  est 
composée  d'argile  plastique  renfermant  des  py- 
rites qui  ont  été  exploitées  autrefois,  comme  l'in- 
dique M.  Léopold  Mar,  dans  sa  note  sur  Passy  et 
Chaillot  souterrains  (2).  C^ette  argile  plastique 
constitue  le  sous-sol  d'une  grande  partie  d'Auteuil, 
entre  le  chemin  de  fer  de  ceinture,  la  rue  du 
Docteur-Blanche,  la  rue  de  l'Assomption  et  la 
Seine.  La  différence  de  niveau  entre  le  sol  et  la 
face  supérieure  du  banc  d'argile  est  d'environ 
42  mètres  vis-à-vis  de  la  maison  de  retraite  C3iar- 
don-Lagache  (3),  4  mètres  à  la  rue  de  l'Assomp- 
tion, vis-à-vis  du  lycée  de  jeunes  filles,  et  44 
mètres  à  la  rue  Duban.  Sur  les  territoires  d'Au- 
teuil et  de  Passy,  où  l'altitude  ne  dépasse  pas 
70  mètres,  celle  de  la  face  supérieure  de  l'argile 

(1)  ÏJi  craie  appartient  aux  terrains  f^econdai- 
res  ;  les  couches  qui  se  trouvent  placées  au- 
dessus  de  la  craie  appartiennent  aux  terrains 
tertiaires;  enfin,  les  terrains  de  transport  d'ori- 
gine naturelle  appartiennent  aux  terrains  qua- 
ternaires. 

(2)  Voir  p.  l'ii  du  !••■  volume  du  Bulletin  de  notre 
Société,  et  l'extrait  qui  précède. 

(3)  Pour  ce  travail  beaucoup  d'emprunts  ont  été 
faits  à  l'ouvrage  fort  intéressant  sur  la  topogra- 
phie et  la  consolidation  des  carrières  sous  Paris, 
publié  en  i885  (librairie  Des  Possez,  i3,  rue  Bo- 
naparte, par  M.  Dunliel,  chef  de  bureau  de  l'ins- 
pection i^énérale  des  carrières  de  la  Seine,  ainsi 
qu'à  la  note  rédieée  en  décembre  1890  par  M.  Kel- 
lcr, alors  inspecteur  général  de  ce  service,  pour 
servir  d'introduction  a  la  nomenclature  des  voies 
publiques  sous-minées. 


s  î    5 
.i  I    I 


3i8 


HISTOIRE    DU   XVI®  ARRONDISSEMENT 


plastiqae,    dont  l'inclinaison  s^abaisse   vers   la 
Seine,  yarie  entre  29  et  44  mètres  (i). 

Les  eaux  pluriales  sHnfîltrant  dans  le  sol  per- 
méable, qai  s'étend  aa-dessus  da  banc  d'argile 
plastique,  imbibent  ce  sol  et  y  descendent  peu  à 
peu,  jusqu'à  ce  qu'elles  rencontrent  l'argile,  dont 
rimperméabilité  s'oppose  à  ce  qu'elles  pénètrent  plus 
profondément  dans  la  terre.  C'est  ainsi  que  se 
crée,  dans  l'espace  limité  au  nord  par  la  rue 
Leroux  et  au  sud  par  les  rues  Poussin  et  La  Fon- 
taine, une  nappe  d'eau  souterraine  qui  alimente 
des  puits  et  des  sources  (2). 

C'est  au-dessus  de  l  argile  plastique  qu'on 
trouve  le  calcaire  grossier  dont  les  carrières  de 
rive  gauche  et  de  nve  droite  ont  fourni  la  pres- 
que totalité  des  pierres  de  taille  et  des  moellons 
mis  en  œuvre  dans  les  anciennes  constructions 
de  Paris,  où  ils  ont  été  employés  à  peu  près 
exclusivement  jusqu'à  l'époque  où  l'amélioration 
des  voies  de  communication  a  permis  d'utiliser 
des  carrières  plus  éloignées  de  la  capitale.  Au 
XVI^  arrondissement,  le  calcaire  erossier  affleure 
sur  les  flancs  des  coteaux  de  Chaiîiot  et  de  Passy 
et  sous  la  majeure  partie  du  bois  de  Boulogne. 
Cet  affleurement  borde  le  chemin  de  fer  de  cein- 
ture entre  la  porte  d'Âuteuil  et  la  Muette;  il 
n'occupe  ensuite,  sur  les  cartes  géologiques, 
qu'une  bande  étroite  qui  s'étend  d'abord  à  droite 
et  à  gauche  de  la  rue  du  Ranelagh,  et  qui  se 
retourne  ensuite  parallèlement  à  la  Seine.  Il  plonge 
du  sud-ouest  vers  le  nord-est,  comme  la  craie  et 
l'argile  plastique  qui  le  supportent  ;  dans  les  par- 
ties oh  il  est  recouvert  par  les  nappes  d'eau  d'in- 
filtration de  la  Seine,  il  ne  (râuvait  pas  être 
exploité  ;  sa  face  supérieure  ne  se  trouve  qu'à 
2  mètres  au-dessous  du  sol,  près  de  l'intersec- 
tion de  l'avenue  de  la  Grande-Armée  avec  la 
ligne  des  fortifications.  L'épaisseur  du  calcaire 
grossier  atteint  quelquefois  2O  mètres  ;  mais  elle 
est  généralement  beaucoup  plus  faible. 

La  couche  des  marnes  blanches  ou  caillasses, 
formée  par  un  mélange  intime  de  calcaires  et 
d'argiles,   repose  directement  sur    le    calcaire 

Srossier  ;  elle  affleure  sur  la  partie  centrale 
u  XVI"  arrondissement  et  constitue  la  plus 
grande  partie  du  sous-sol  de  Passy.  Ces  marnes 
ne  seront  susceptibles  d'être  utilisées  que  comme 
amendement;  mais  elles  ne  fournissent  pas  de 
matériaux  de  construction  ;  aussi,  elles  n'ont  pas 
été  exploitées  à  Paris.  Leur  épaisseur  dépasse 
i2  mètres  sous  le  parc  des  Buttes-Cbaumont  ; 
elle  est  plus  faible  et  variable  sous  le  XYl"  arron- 
dissement. 

Pour  réaliser  le  doublement  des  voies  entre  la 
station  de  Courcelles  et  celle  du  Trocadéro,  la 


(i)  La  face  supérieure  du  banc  d'argile  se  trouve 
à  40  m.  7  au-dessus  du  niveau  de  la  raer  sous  la 
me  Duban  et  à  Iq  mètres  au-dessous  de  ce 
niveau  sous  les  ButtcsChaumont,  au  point  où 
raltitude  du  sol  s'élève  n  83  mètres.  L'&paisseur 
(le  lo  couche  d'argile  est  d'environ  '•io  mètres 
nu  puits  artésien  de  Grenelle,  G  mètres  à  celui 
de  Passy  et  5o  mètres  sous  le  parc  des  Butles- 
Chaumohl. 

(?.)  ^uand  la  nappe  aquifère  affleure  à  flanc 
de  coteau,  elle  donne  naissance  à  une  source.  Les 
puits  sont  convenablement  alimentés  lorsqu'ils 
aboutissent  ù  cette  nappe,  au-dessus  d'une  partie 
concave  du  terrain  imperméable. 


Compagnie  de  TOuest  a  supprimé  les  talus  en 
terre  qui  se  trouvaient  en  bordure  du  chemin  de 
fer  de  ceinture,  en  vue  de  les  remplacer  par  des 
murs  de  soutènement,  ce  qui  permettra  de  gagner 
un  espace  suffisant  pour  établir  de  chaque  côté 
une  voie  de  plus.  Les  terrains  traversés  sont 
marqués  sur  les  cartes  géologiques  comme  appar 
tenant  à  la  formation  des  marnes  blanches  ;  mais 
sous  ces  marnes  et  à  une  faible  profondeur  se 
trouve  le  calcaire  grossier  :  aussi,  quand  on 
regardait  de  son  vagon  les  travaux  exécutés  en 
1897  par  la  Compagnie,  auprès  de  It  station  du 
Trocadéro,  on  voyait  que  les  déblais,  quoique  peu 
profonds,  entament  fréquemment  le  calcaire,  et 
il  est  résulté  de  cette  circonstance  Tavanta^  que 
les  fouilles  ont  procuré  une  forte  quantité  de 
moellons. 

Les  sables  dits  sables  moyens  de  Beauchamp(4) 
reposent  sur  les  marnes  blanches;  cette  formation 
se  compose  d'épaisses  couches  de  sable  alternant 
avec  des  assises  calcaires  et  des  lits  de  marnes  et 
contenant  des  rognons  de  grès.  Ces  sables,  qui  ont 
été  exploités,  sont  l'origine  de  plusieurs  dénomi- 
nations: la  rue  des  Sablons,  la  plaine  des  Sablons, 
où  le  roi  passait  des  revues  au  xvni*  siècle,  le 

Quartier  de  Neuilly  appelé  Sablon ville.  Les  sables 
e  Beauchamp  affleurent,  au  nord,  la  partie  cen- 
trale de  la  rue  de  la  Tour,  dans  l'espace  compris 
entre  l'aboutissement  de  la  me  Scheffer  sur  l'ave- 
nue Henri-Martin  et  les  abords  de  la  place  du 
Trocadéro,  au  nord  de  laquelle  ils  se  divisent  en 
deux  branches,  dont  l'une  passe  sous  la  place 
Yictor-Uugo  et  se  prolonge  au  delà  de  l'avenue 
de  la  Grande^Armée  ;  l'autre  passe  sous  la  place 
des  États-Unis  et  se  prolonge  au  delà  de  l'avenue 
des  Champs-Elysées. 

Entre  ces  deux  branches,  on  rencontre  un  Ilot 
oh  le  sous-sol  est  occupé  par  le  travertin  de 
Saint-Ouen,  qui  s'étend  au-dessus  de  l'origine  de 
l'avenue  Henri-Martin  et  sous  le  cimetière  de 
Passy.  Le  travertin,  dont  on  retrouve  un  banc 
dans  la  région  avoisinant  la  rue  de  Lubeck,  se 
compose  d  alternances  calcaires  et  marneuses, 
d'origine  lacustre,  qui  ne  contiennent  pas  de 
matériaux  de  construction  ;  l'épaisseur  de  ces 
bancs  ne  dépasse  pas  7  mètres  dans  le  XYl"  ar- 
rondissement et  s'élève  à  29  mètres  sous  le  parc 
des  Buttes-Chaumont. 

L'épaisseur  des  couches  géologiques  varie  beau- 
coup d'un  lieu  à  l'autre  ;  elles  présentent  même 
assez  fréquemment  des  lacunes,  c'est-à-dire  qu'on 
ne  retrouve  pas  partout  le  terrain  qui,  au  point 
de  vue  géologique,  succède  immédiatement  au 
précédent;  mais  l'ordre  de  superposition  des 
couches  reste  toujours  le  même.  On  ne  peut  être 
parfaitement  renseigné  sur  l'épaisseur  et  même 
sur  l'existence  de  ces  couches,  en  un  point  déter- 
miné, qu'en  y  opérant  des  fouilles,  ou  des  puits, 
ou  des  sondages. 

Les  vides  existant  au-dessous  des  voies  pu* 
bliques  et  des  propriétés  privées,  dans  une  partie 
des  quartiers  de  Chai  Ilot  et  de  Passy,  proviennent 
exclusivement  de  l'exploitation  de  la  pierre  à 


(1)    Localité  située  pfès    d'Herblay  (Seine-et^ 
Oise). 


320 


HISTOIRE    DU    XVr   ARRONDISSEMENT 


bâtir  dans  les  carrières  souterraines  du  calcaire 
grossier. 

Comme  ces  vides,  qai  sont  très  considérables 
sons  certains  quartiers  de  la  rive  ganche  de  Tan- 
cien  Paris,  peuvent  occasionner  des  accidents 
graves,  Fexploitation  de  carrières  souterraines  a 
été  interdite,  à  Tintérieur  de  Paris,  par  le  décret 
du  ^22  mai  1813.  La  même  mesure  a  été  appli- 
quée en  1860  à  la  zone  annexée  ;  mais  au  delà 
des  fortifications,  on  continue  à  exploiter  les  car- 
rières souterraines  (1). 

On  pénétrait  dans  ces  carrières  par  des  puits, 
ou  par  des  escaliers,  ou  par  des  boucbes  de  ca- 
vage  s'ouvrant  de  plein-pied  à  flanc  de  coteau  ; 
on  no  peut  plus  y  accéder  aujourd'hui  que  par 
des  escaliers.  On  laissait  généralement  à  la  partie 
supérieure  des  galeries,  ou  ciels,  un  banc  de  roche 
intact,  pour  diminuer  les  risques  d'éboulement. 
L'état  dans  lequel  se  trouvent  les  carrières  au- 
jourd'hui abandonnées  varie  suivant  qu'on  y  a 
fait  ou  non  des  travaux  de  consolidation  et  sui- 
vant qu'elles  ont  été  exploitées  par  la  méthode 
des  piliers  tournés  ou  par  la  méthode  des  hagues 
et  bourrages. 

Dans  la  méthode  par  piliers  tournés,  qui  était 
autrefois  la  plus  usitée,  on  laissait  en  place  une 
partie  de  la  masse  exploitable,  pour  soutenir  le 
ciel  de  la  carrière  et  les  terres  de  recouvrement  : 
les  galeries  étaient  ouvertes  successivement  dans 
deux  sens  perpendiculaires  l'un  à  l'autre,  de  telle 
sorte  que  ces  recoupes  laissaient  en  place  des  pi- 
liers tranchés  sur  leurs  faces  verticales.  A  Pass 
et  à  Qiaillot,  la  roehe  qui  forme  le  toit  des  ex- 
ploitations est  généralement  assez  dure,  et  il  n'est 
pas  rare  que  son  épaisseur,  qui  est  généralement 
de  0'",60  à  0»,80,  s'élève  à  l'^.SO.  Si  les  bancs 
formant  le  ciel  de  la  carrière  sont  solides  ainsi 
que  les  piliers,  et  si  la  largeur  des  galeries  n'est 
pas  exagérée,  les  vides  laissés  par  ce  sptème 
d'exploitation  peuvent  se  conserver  indéfiniment. 
Mais  les  inconvénients  sont  très  sérieux  lorsque 
le  ciel  est  en  mauvais  état  ou  les  piliers  insuffi- 
sants, car  ils  se  dégradent  de  plus  en  plus  ;  la 
chute  du  ciel  de  la  carrière  entraîne  la  formation 
d'excavations  en  forme  de  dôme  ou  de  cloche  ; 
la  cavité  de  cette  cloche,  dont  les  bords  affectent 
une  forme  circulaire  ou  elliptique,  s'agrandit  et 
s'élève  graduellement  ;  si  son  sommet  s'approche 
assez  de  la  surface  du  sol  pour  que  la  cohésion 
des  terres  ne  suffise  plus  à  les  maintenir  suspen- 
dues au-dessus  du  vide,  il  se  forme  un  éboule- 
ment;  c'est  aux  accidents  de  ce  genre  qu'on 
donne  le  nom  de  foniis  ;  quand  le  sol  s'écroule, 
on  dit  que  le  fontis  vient  à  jour. 

Dans  l'autre  méthode  d'exploitation,  on  se 
proposait  d'extraire  la  presque  totalité  des  bancs 
de  pierre.  A  cet  effet,  les  déchets  de  l'exploitation, 
consistant  dans  les  lits,  déblais  inutilisables  et 
recoupes  de  blocs,  étaient  rassemblés  en  arrière 
des  ouvriers,  à  une  faible  distance  du  front  de 
taille;  ils  servaient  à  former  des  remblais  qu'on 

(i)  Le  calcaire  grossier  ou  pierre  à  bâtir,  utilisé 
anlrerois  par  les  carriers  de  l'assy  et  «le  l^liail- 
lut,  esl  exploité,  sur  i  a  2  uiëlres  de  hauleur,  à 
Arcueil,  Genlilly,  Bagueux,  Châllllon,  Clamart, 
Issv,  Vanvea,  Ivry,  Vilry.  Nanlerre,  Champigny, 
Cofombes,  Créleil,  Saiut-Maur  et  Villejuif. 


élevait  jusqu'au  ciel  des  chantiers,  pour  le  sup- 
porter. La  quantité  de  ces  déchets  étant  insuffi- 
sante pour  qu'on  pût  remblayer  toute  la  canrière, 
où  d'ailleurs  des  galeries  de  circulation  devaient 
être  en  tout  cas  conservées,  pour  permettre  le 
transport  souterrain  des  pierres  extraites;  on 
laissait  des  espaces  vides  à  l'intérieur  des  rem- 
blais. Les  parois  de  ces  galeries  étaient  généra- 
lement soutenues  par  des  murs  à  pierre  sèche 
appelés  hagues;  des  piliers  formés  de  moellons  et 
nommés  bourrages  étaient  disséminés  dans  les 
hagues  et  dans  les  remblais. 

Les  vides  résultant  du  mode  d'exploitation  par 
hagues  et  bourrages  peuvent  amener  des  fontis  ; 
car  les  remblais  sont  iné|;aleoent  répartis  et  su- 
bissent des  tassements  inégaux  ;  il  arrive  assez 
fréquemment  que  le  ciel  de  la  carrière  s'infléchisse 
ou  se  fissure,  ce  qui  oeut  déterminer  un  effondre- 
ment. Toutefois,  les  fontis  qui  viennent  à  se  pro- 
duire au-dessus  des  espaces  laissés  vides  an  milieu 
des  remblais  ne  constituent  généralement  que  des 
accidents  isolés  et  ayant  un  développement  res- 
treint, tandis  que,  dans  une  carrière  à  piliers 
tournés,  l'affaissement  d'un  pilier  est  souvent 
accompagné  ou  suivi  de  l'écrasement  des  piliers 
voisins,  ce  qui  occasionne  un  écroulement  général 
du  sol  sous-miné. 

Les  infiltrations  d'eau  aggravent  la  situation  : 
aussi,  on  a  observé  que  les  fontis  sont  plus  fré- 
quents après  les  grands  orages,  ou  pendant  les 
dégels,  ou  lorsque  d'anciens  égouts  se  sont  dislo- 

3ués  et  que  l'eau  qui  s'en  échappe  a  fait  couler 
es  terres  rapportées. 

La  Ville  de  Paris  a  dépensé,  depuis  1777,  des 
sommes  importantes  (1)  en  vue  de  consolider  le 
sol  des  rues,  de  manière  qu'il  ne  soit  plus  exposé 
à  s'effondrer  et  à  ce  que  les  conduites  et  les 
égouts  ne  subissent  plus  les  avaries  qui  pouvaient 
autrefois  résulter  de  l'éboulement  des  vides  sou- 
terrains. Ces  travaux,  dirigés  par  le  service  de 
l'inspection  générale  des  carrières  de  la  Seine, 
consistent  prmcipalement  à  rechercher  les  fontis, 
à  combler  les  vides  avec  des  remblais  bourrés  et 
pilonnés  et  à  ajouter  au  besoin  des  supports  addi- 
tionnels en  maçonnerie,  tels  que  murs,  piliers  ou 
voûtes,  pour  maintenir  les  portions  du  ciel  de  la 
carrière  qui  menacent  de  s'affaisser. 

Pour  prévenir  tout  risque  d'effondrement  pro- 
venant des  vides  des  anciennes  carrières  sous 
Paris,  il  faudrait  exécuter  des  travaux  appropriés 
sur  tous  les  points  où  les  ciels  et  piliers  sont  en 
mauvais  état,  ou  insuffisants  ou  fissurés  :  mais  il 
est,  en  réalité,  très  difficile  de  faire  des  répara- 
tions sur  la  totalité  des  points  qui  auraient 
besoin  d'être  consolidés,  parce  que  ces  anciennes 
carrières  sont  peu  accessibles.  Leur  ouverture  est 
souvent  fort  ancienne  ;  celles  de  Ghaillot  et  Passy 
figurent  sur  des  plans  de  Paris  datant  du  xvii« 
siècle.  Les  ordonnances  de  police  relatives  aux 
carrières  sont  toutes  postérieures  an  xvi*  siècle  ; 

(i)  Les  sommes  dépensées  choque  année  par  la 
Ville  pour  ces  travaux  de  consolidation  ont 
varié,  suivant  len  éno(|ues,  entre  70.000  et  400.000 
franc».  Le  réseau  des  galeries  souterraines  dins- 
oeclion  se  <Iévelo|»pe  à  Paris  sur  environ  idg  Ici- 
lonièlres,  dont  oT)  sous  les  voies  publiques  el  44 
sous  les  propriétés  de  l'Elat  et  de  la  Ville. 


ANNEXES 


321 


les  contraventions  n'étaient  pas  poorsuivies,  parce 
([Ocelles  étaient  ignorées.  Antérieurement  à  Tins- 
titution  de  Tinspection  générale  des  carrières  de  la 
Seine,  elles  n'étaient  Tobjet  d'aucune  surveillance. 
Les  exploitants  pouvaient  enlever  la  pierre  souter- 
rainement  comme  ils  l'entendaient.  Les  carrières 
étaient  ainsi  exploitées  sans  aucune  responsabilité, 
sans  aucun  lever  de  plan  ni  aucun  contrôle  admi- 
nistratif, ni  aucune  préoccupation  des  limites  de 
propriété  et  à  ane  époque  oii  on  ne  prévoyait  pas 
que  des  quartiers  de  Paris  seraient  bâtis  au-dessus 
de  ces  exca>ations.  Depuis  leur  abandon,  elles 
ont  quelquefois  servi  de  décharges  publiques,  ce 
qui  a  entraîné  le  remblai  d'une  partie  des  vides  ; 
les  chemins  de  service  ont  été  masqués  on  rendus 
impraticables  par  suite  des  éboulements  survenus 
depuis  cet  abandon,  et  c'est  avec  la  pioche  qu'il 
faut  s'ouvrir  dans  ces  ruines  une  voie  permet- 
tant d'aller  à  la  découverte  des  vides  inconnus  et 
qui  ont  déterminé  un  accident. 

La  superâcie  des  régions  de  Paris  qui  ont  été 
reconnues  sous-minées,  est  de  771  hectares  (i); 
mais  la  superficie  où  des  carrières  ont  pu  être 
exploitées  à  l'intérieur  des  fortifications  s'élève 
à  o.i40  hectares  (soit  environ  les  deux  cinquièmes 
de  la  superficie  totale  de  Paris),  et  on  possède  peu 
de  renseignements  sur  les  anciennes  carrières 
situées  sous  des  propriétés  privées  ;  car  celles  ou 
le  sous-sol  a  été  exploré  expressément  en  vue 
des  constructions  à  y  élever  sont  peu  nombreuses, 
et  ce  n'est  que  sous  les  rues  et  sous  les  établisse- 
ments publics  que  le  service  de  l'inspection  des 
carrières  a  pu  prendre  l'initiative  des  travaux  de 
consolidation  à  exécuter  aux  frais  de  la  Ville. 

Les  édifices  publics  et  particuliers  construits 
à  Paris  avec  les  pierres  extraites  du  calcaire 
grossier  ont  consommé  une  énorme  quantité  de 
moellons  remplacée  par  des  cavités  dont  quelques- 
unes  constituaient  un  péril  imminent  pour  les 
voies  publiques  situées  au-dessus.  Pour  parer  à 
ce  danger,  en  ce  qui  concerne  les  rues,  le  service 
de  l'inspection  générale  des  carrières  lève  un  plan 
aussi  exact  que  possible  des  excavations  ;  il 
recherche,  par  des  galeries  percées  à  travers  les 
remblais  ou  la  masse  de  pierre,  les  anciennes 
exploitations  inconnues  dont  les  éboulements  ou 
d'autres  causes  interdisent  l'accès  ;  enfin,  il  con- 
solide les  vides  de  la  manière  suivante. 

On  construit  des  galeries  muraillées  dans  le 
sens  longitudinal  des  rues  (2)  ;  les  vides  qui 
existent  à  droite  et  à  gauche  de  ces  galeries  sont 
bourrés,  c'est-à-dire  remplis  de  terres  pilonnées  ; 
ceux  qu'on  laisse  subsister,  pour  permettre  la 
circulation,  sont  soutenus  de  place  en  place  au 
moyen  de  piliers  en  maçonnerie.  Les  voies  les 
plus  importantes  ont  généralement  deux  galeries 
muraillées,  une  sur  chaque  côté  ;  les  voies  étroites 
n'en  ont  qu'une.  Dans  la  traversée  des  fontis,  on 
soutient  les  murailles  au  moyen  de  colonnes  en 
béton. 


fi)  Dont  707  dnns  le  calcaire  jrrossier  (pierre  à 
bâlir^  cl  64  dans  le  jfvpse  (pierre  à  plâtre). 

(a)  Voir,  pour  iilus  de  détails,  l'onvrage  de 
M.  Gérard,  intitulé  :  Les  Calaannhts  </c  Paris,  et 
édité  en  1H92  par  la  maison  Clianiuel,  rue  de 
Trévisc,  29. 


On  assure  la  stabilité  des  égouts  en  les  soute- 
nant par  une  galerie  maçonnée. 

Les  piliers  de  maçonnerie  ont  reçu  une  inscrip- 
tion comprenant  un  numéro  d'ordre,  l'initiale  de 
l'inspecteur  général  et  l'année  de  la  construction: 
c'est  ainsi  que  l'indication  4.  G.  1783  montre 
que  le  pilier  sur  lequel  elle  se  trouve  inscrite  est 
le  quatrième  d'une  série  exécutée  par  ordre  de 
M.  Guillaumot,  en  1783. 

En  ce  qui  concerne  les  propriétés  privées,  c'est 
aux  propriétaires  qu'il  appartient  d'exécuter  à 
leurs  frais  les  travaux  de  consolidation  indispen- 
sables pour  assurer  la  stabilité.  Car  la  propriété 
de  la  surface  implique  celle  du  sous-sol,  et  les 
propriétaires  sont  tenus  d'accepter  la  charge  de 
ces  travaux,  tant  à  cause  de  l'intérêt  direct  qu'ils 
y  ont  pour  la  conservation  de  leurs  maisons  qu'à 
cause  de  la  responsabilité  qu'ils  encourraient  si, 
par  le  fait  d'un  affaissement  du  sol  qu'ils  auraient 
négligé  de  conjurer,  des  personnes  étaient  Tictimes 
d'accidents  compromettant  leur  existence  ou  leurs 
biens. 

En  1876  et  1877,  six  maisons  do  la  me  de  la 
Santé  furent  détériorées  par  des  effondrements  ; 
en  maill$79,  trois  maisons  furent  gravement  mena- 
cées dans  le  passage  Gourdon  et,  en  avril  1880,  un 
accident  du  même  genre  faillit  engloutir  les  maisons 
portant  les  n^  79  et 81  du  boulevard  Saint-Michel. 

A  la  suite  de  ces  événements,  il  a  été  décidé 
que  l'administration  municipale,  qui,  jusqu'en 
1881,  ne  s'était  pas  immiscée  directement  dans 
la  consolidation  des  maisons  particulières,  ferait 
exécuter  d'ofiice  les  travaux  commandés  par  la 
sécurité  publique  toutes  les  fois  que  le  proprié- 
taire, ayant  reçu  l'injonction  de  réaliser  ces  con- 
solidations, ne  les  aurait  pas  effectuées  dans  le 
délai  prescrit,  les  dépenses  devant  être  ensuite 
recouvrées  sur  les  parties  responsables.  .4ux 
termes  de  l'arrêté  préfectoral  du  18  janvier  1881, 
toute  demande  de  construction  on  de  suréléva- 
tion de  bâtiment,  sur  des  terrains  situés  dans  la 
zone  des  anciennes  carrières  de  Paris,  doit  faire 
l'objet  d'un  examen  spécial  de  la  part  du  service 
des  carrières  de  la  Seine,  chargé  d'indiquer  les 
mesures  à  prendre  ou  les  travaux  à  exécuter 
pour  assurer  la  solidité  des  fondations  des  cons- 
tructions. 

JusQu'ici  la  Ville  de  Paris  a  supporté  tous  les 
frais  de  construction  des  piliers  situés  mi-partie 
sous  les  rues  et  mi-partie  sous  les  murs  de  face 
dos  maisons.  En  assurant  la  stabilité  des  voies 
publiques,  elle  atténue  les  dangers  pouvant  résul- 
ter, pour  les  immeubles  riverains,  des  vides  qui 
existent  dans  les  anciennes  carrières;  mais  ce 
danger  n'est  pas  entièrement  supprimé.  On  espère 
que  les  maisons  ne  sont  plus  exposées  à  s'effon- 
drer ;  si  cependant  les  fondations  n'étaient  pas 
solides,  il  pourrait  se  produire  des  tassements 
inégaux  et  des  lézardes  dangereuses  dans  les 
maçonneries.  Pour  les  hautes  maisons,  ainsi  que 
les  grands  égouts  dont  la  rupture  aurait  des  con- 
séquences désastreuses,  il  convient  généralement 
de  faire  descendre  les  fondations  jusqu'au  sol  des 
anciennes  carrières  ;  quand  il  faut  satisfaire  à 
cette  condition  avant  de  construire  une  maison 
neuve,  on  creuse  généralement  des  puits  qui  sont 
remplis  de  béton  et  reliés  à  leur  partie  supérieure 


31 


322 


HISTOIRE    DU   XVr   ARRONDISSEMENT 


par  des  arcs  en  maçonnerie  supportant  les  princi- 
paux murs. 

S'il  s'agit  de  consolider  des  maisons  existantes, 
on  creuse  un  puits  d'environ  i"^30  de  diamètre, 
pour  pénétrer  dans  les  excaTations  et  en  dresser 
te  plan  qui  doit  être  levé  avec  une  grande  exac- 
titude, afin  de  ne  pas  s'exposer  à  consolider  à 
ses  frais  les  propriétés  voisines,  pour  faciliter  les 
frèglements  de  comptes  de  mitoyenneté,  qui  se 
ont  en  général  de  la  même  façon  que  ceux  des 
constructions  de  la  surface,  et  pour  arrêter  les 
dispositions  à  adopter  en  vue  de  la  consolidation. 
Elles  consistent  le  plus  souvent  à  établir  dés  pi- 
liers de  soutènement  en  maçonnerie,  placés  sous 
les  murs  principaux  ou  à  l'aplomb  des  points  de 
charge  du  bâtiment  et  à  remblayer  les  vides.  La 
dépense  à  faire  est  très  variable  suivant  les  cir- 
constances ;  elle  est  par  mètre  carré  et  en  moyenne 
de  25  francs,  chiffre  très  inférieur  à  celui  de  la 
valeur  qu'ont  actuellement  les  terrains  dans  le 
XVP  arrondissement. 

Le  réseau  des  galeries  souterraines  d'inspection 
se  développait,  en  4896,  sur  6.449  mètres  dans 
le  XYI«  arrondissement  ;  la  longueur  des  voies 
publiques  sous-minées  v  était  de  5.353  mètres 
dont  5.064  (i]  consolidés.  Ces  chiffres  ne  com- 
prennent pas  les  galeries  existant  sous  les  pro- 
priétés privées.  En  outre,  on  doit  observer  que 
d'anciennes  carrières  peuvent  exister  au-dessous 
des  voies  publiques  sous  lesquelles  on  n'en  a  pas 
encore  constaté  l'existence.  Plus  tard,  il  pourra 
être  reconnu  indispensable  d'ajouter  de  nouveaux 
travaux  de  consolidation  à  ceux  qui  ont  déjà  été 
réalisés.  Le  nombre  des  rues  du  XVP  arrondisse- 
ment désignées  comme  ayant  leur  sol  sous-miné 
est  de  M . 

Le  service  de  l'inspection  des  carrières  (2) 
avait  achevé  en  1859  l'atlas  des  carrières  souter- 
raines, situées  à  l'intérieur  de  l'ancienne  enceinte 
de  Paris  ;  mais  l'annexion  des  communes  subur- 
baines, jusqu'aux  fortifications,  a  nécessité  l'addi- 
tion d'une  étendue  considérable  de  régions  sous- 
minées  ;  d'ailleurs,  les  recherches  opérées  chaque 
année  augmentent  le  nombre  des  carrières  ancien- 
nement reconnues.  Le   travail  à  faire  est  très 


(i)  M.  Doniol  a  indiqué,  en  parlant  des  mes 
de  Passy,  la  distance  du  sol  au  ciel  de  la  carrière 
ainsi  que  la  hauteur  des  galeries  d'exploitation, 
sur  les  points  où  ces  dimensions  ont  éle  relevées, 
et  l'époqtie  à  laquelle  les  travaux  de  consoli- 
dation ont  clé  exécutés. 

(2)  Les  principales  altributions  du  service  de 
l'inspection  générale  des  carrières  de  la  Seine, 
en  ce  qui  concerne  les  anciennes  carrières  sous 
Paris,  sont  les  suivantes  : 

Consolidation  de  ces  anciennes  carrières  sous 
le  sol  des  voies  publiaues  el  des  élablisseinenls 
publics,  appartenant  ù  l'Etat  ou  à  la  Ville—  eulre- 
Iretien  des  anciens  travaux  de  consolidation  exé- 
cutés par  le  service  —  détermination  des  précau- 
tions a  observer  dans  la  zone  des  anciennes  car- 
rières, lors  du  percement  des  nouvelles  mes  ou 
de  l'établissement  des  nouveaux  égouts.  ou  de  In 
construction  des  maisons  —  contrôle  des  travaux 
de  consolidation  imposés^  aux  propriétaires  par 
l'arrêté  préfectoral  les  autorisant  à  bâtir  dans 
cette  zone  —  exécution  d'office,  le  cas  échéant, 
des  travaux  à  la  charge  des  particuliers,  dans  les 
cas  de  péril  imminent  où  la  sécurité  publique  se 
trouve  engagée  —  levés  de  plan  et  confection  de 
l'atlas  des  carrières  souterraines. 


important  pour  terminer  et  compléter  cet  atlas  ^1), 
qui  est  en  cours  de  publication  et  oii  une  temte 
spéciale  indique  les  carrières  à  plusieurs  étages  : 
ces  dernières,  qui  sont  les  plus  dangereuses,  sont 
assez  nombreuses  sur  la  rive  gauche  de  la  Semé  ; 
on  n'en  rencontre  pas  dans  le  XYI"  arrondisse- 
ment, oU  l'exploitation  de  la  pierre  à  bâtir  ne 
parait  avoir  pris  une  grande  extension  qu'à  dater 
du  xviu^  siècle. 

Pour  la  construction  du  Trocadéro,  en  1877  et 
4878,  il  a  fallu  consolider  une  superficie  de  près 
de  deux  hectares  (47.800  mètres  carrés)  par 
massifs  de  maçonnerie  sous  le  palais  et  par  rem- 
blais bourrés  sous  les  jardins.  La  partie  centrale 
de  ce  palais  se  trouve  au-dessus  d'anciennes  car- 
rières, ainsi  que  l'extrémité  de  l'aile  située  du 
côté  de  l'avenue  du  Trocadéro.  Ces  carrières 
avaient  été  exploitées  par  piliers  tournés  ;  leur 
ciel  était  soutenu  par  des  piliers  en  calcaire,  pro- 
venant de  la  partie  de  la  masse  exploitable  que 
les  carriers  avaient  laissée  en  place  ;  l'intervalle 
entre  les  piliers  était  vide  ;  la  nauteur  des  gale- 
ries d'exploitation  est,  sous  la  salle  des  fêtes,  de 
2™, 4 5.  Afin  d'augmenter  la  stabilité,  on  avait 
fait  construire  des  piliers  maçonnés  par  les  ate- 
liers nationaux  de  4848;  mais  cela  ne  saflisait 
pas  pour  supporter  le  poids  du  palais  du  Troca- 
déro. Pour  toutes  les  parties  pleines  de  la  partie 
centrale  de  ce  palais,  où  a  descendu  les  fondations 
jusqu'au  sol  de  la  carrière.  ;  la  distribution 
adoptée  pour  le  palais  se  trouve  ainsi  reproduite 
souterrainement  et  on  peut  circuler  dans  les 
vides  qui  subsistent  entre  toutes  ces  maçonne- 
ries (2).  On  a  parlé  d'y  établbr,  pendant  l'Eiposi- 
sition  universelle  de  4900,  un  musée  des  mines. 
On  y  descend,  par  un  escalier,  jusqu'au  sol  de  la 
carrière,  placé  à  9°',45  au-dessous  du  sol  ;  la 
température  est  à  peu  près  constante  dans  ces 
souterrains,  dont  le  ciel  laisse  assez  fré<{uemment 
tomber  des  gouttes  provenant  de  l'eau  qui  s'infiltre 
dans  le  terrain. 

Les  travaux  de  consolidation  exécutés  sous 
d'autres  établissements  publics,  dans  le  XVI*  ar- 
rondissement, sont  beaucoup  moins  importants 
que  ceux  du  Trocadéro  :  la  superficie  consolidée 
est  de  440  mètres  carrés  sous  la  chapelle  annexe 
de  l'église  Saint-Pierre  de  Chaillol  (avenue  Mar- 
ceau, ouvrage  exécuté  en  4887),  de  4.700  mètres 
sous  le  dépôt  des  Phares  (avenue  du  Trocadéro) 
et  de  450  mètres  sous  le  presbytère  de  l'église 
de  Notre-Dame-de-Grâce  de  Passy,  rue  de  l'An- 


(i)  Comme  l'indique  M.  Wickersheimer,  actuel- 
lement inspecteur  général  des  carrières  de  la 
Seine,  dans  sa  note  du  1*'  juillet  i8g6,  cet  atlas 
servira  h  compléter  la  nomenclature  des  voies 
publiques  sous-minées,  qui  a  été  publiée  par 
rirapnmeric  Paul  Dupont  et  qui  indique,  pour  les 
rues  et  pour  les  établissements  publics  :  l'année 
pendant  laquelle  les  travaux  de  consolidation  ont 
été  exécutés,  les  longueurs  des  parties  sous-minées 
et  des  parties  consolidées,  celles  des  ^leries 
(l'inspection,  diverses  observations  sur  Tetat  des 
carrières,  la  distance  du  sol  au  ciel  de  la  carrière 
et  la  bauteiir  des  galeries  d'exploitation. 

(*.î)  La  note  de  M.  Léopold  Mar  sur  Passy  et 
Cbaillot  souterrains,  qui  précède,  donne  des 
détails  sur  les  travaux  de  consolidation  du 
Trocadéro  et  sur  la  situation  en  189a  des  escaliers 
conduisant  aux  carrières. 


V 


^ 


324 


HISTOIRE    nu   XVI"   ARRONDISSEMENT 


nonciatioii  (1).  Ces    consolidations  onl  élé  faites 
par  piliers  muçonnés  et  remblais  bourrés. 

Auguste  Doniol. 


NOS  ANCIENNES  BARRIÈRES 


Avant  1783,  Paris  n*élait  enclos  que  de  mu- 
railles informes  ou  de  mauvaises  cloisons  de 
planches  mal  jointes,  et  les  cinquante-quatre  bu- 
reaux des  commis  de  barrières  n*étaient  que  de 
simples  échoppes  en  bois  auxquelles  on  avait 
donné  le  nom  de  roulettes,  supportées  qu'elles 
étaient  par  de  petites  roues  qui  en  facilitaient  le 
transport.  Dans  ces  conditions  primitives,  la  con- 
trebande était  vraiment  par  trop  facile,  et  le 
commerce,  qui  ne  pouvait  lutter  contre  elle,  s*en 
plaignait  fort  ;  aussi,  pour  cette  cause  et  d'autres 
encore,  Louis  XYI,  par  une  ordonnance  du  13 
janvier  1783,  décida-t-il  la  construction  d'un 
nouveau  mur  d'enceinte,  infranchissable.  En  1784, 
les  fermiers  généraux,  dont  le  bail  venait  d'être 
augmenté  de  120.000  francs,  voulant  arrêter  les 
progrès  toujours  croissants  de  la  contrebande  et 
soumettre  aux  droits  d'entrée  un  plus  grand  nom- 
bre de  consommateurs,  obtinrent  de  M.  de  Galonné 
l'autorisation  définitive  d'enfermer  les  faubourgs 
dans  le  nouveau  mur  d'enceinte.  Plusieurs  archi- 
tectes dressèrent  des  plans,  fournirent  des  devis  ; 
ce  furent  ceux  du  célèbre  Ledoux  qui  furent  ac- 
ceptés. Au  mois  de  mai  de  la  même  année,  les 
travaux  furent  commencés  du  côté  de  la  Salpé- 
trière;  deux  ans  après,  l'enceinte  méridionale  était 
achevée.  L'on  entreprit  alors  celle  de  la  rive  droite  ; 
Passy  restait  naturellement  indemne,  mais  il  n'était 
pas  de  même  de  Chaillot,  qui  devenait  définitive- 
ment, bien  malgré  lui,  partie  intégrante  de  Paris. 

L'architecte  Ledoux,  après  avoir  terminé  son 
mur  d'enceinte,  eut  à  élever  soixante  monuments 
pour  servir  d'entrées  à  la  capitale,  et,  comme  il 
avait  horreur  de  la  banalité  et  de  l'uniformité,  il 
donna  carrière  à  toute  l'originalité  de  son  talent, 
en  élevant  ses  propylées,  comme  il  les  appelait 
pompeusement,  variés  de  forme  et  d'aspect.  Au 
dire  de  ses  admirateurs  —  ils  étaient  nombreux 
alors  —  rien  d'aussi  beau  n'avait  été  fait  depuis 
le  grand  ^siècle  de  Louis  XIV;  cela  rappelait  même, 
disaient-ils,  les  ouvrages  des  plus  beaux  jours 
d'Athènes.  Il  faut  bien  en  rabattre,  car,  malgré 
leur  prétendue  magnificence,  à  part  quelques- 
unes  de  ces  barrières  auxquelles  on  ne  pouvait 
contester  un  mérite  d'art  peu  commun  —  telle  la 
rotonde  de  la  Yillette.qui  existe  encore  —  la  plu- 
part avaient  un  aspect  assez  triste,  froid  et  pur 


(0  I^  ilislaiicc  <lii  sol  an  ciel  «le  la  ranièrc  est 
do  12  m.  Tu)  sous  la  chapelle  «le  Sainl-Pierre  de 
Chaillot,  rie  8  m.  u8  sous  le  dépôl  des  Phares  et 
de  5  m.  45  sous  le  orcsbytere  de  Pass^y;  la  hau- 
teur des  galeries  (rex()lôitalion  est  iU'  5  mètres 
sous  la  chapelle  de  Saint-Pierre  de  Chaillot.  de 
I  m.  70  sous  le  dépiM  <los  Phares  et  de  3  m.  3o 
sous  le  presbytère. 


trop  solennel.  Et  puis,  n'était-il  pas  déplacé,  à 
une  époque  où  les  finances  de  l'Etat  se  trouvaient 
dans  une  situation  si  déplorable,  d'élever  de  tels 
édifices  pour  de  simples  bureaux  d'octroi  et  de 
commis  de  barrières  ?  Aussi  ce  luxe  devenait-il 
insultant  pour  le  peuple,  qui  se  voyait,  outre  ses 
nouvelles  charges,  forcé  de  payer  les  frais  des 
instruments  de  son  supplice  et  s'en  vengeait  par 
des  jeux  de  mots,  tels  que  ceux-ci  : 

Le  mur  murant  Paris^  rend  Paru  murmurant... 

ou  par  des  épigrammes  de  cette  force  : 

Pour  augmenter  gon  numéraire^ 
Et  raccourcir  notre  horizon, 
La  Ferme  a  ju(fê  néceimaire 
De  mettre  Parts  en  prison. 

Ouand  Loménie  de  Brienne,  qui  avait  succédé  à 
M.  de  Galonné,  vint,  le  8  novembre  1787,  visiter 
les  nouvelles  barrières,  il  s'indigna  plus  ou  moins 
sincèrement  de  la  prodigalité  avec  laquelle  on 
avait  exécuté  ces  travaux,  dont  la  dépense  s'éle- 
vait déjà  à  plus  de  25  millions,  en  ordonna  la 
suspension  et  voulut  môme,  dans  les  premiers 
moments  de  sa  feinte  colère,  faire  abattre  ce  qui 
était  fait  et  en  vendre  les  matériaux  ;  mais  l'œu- 
vre était  trop  avancée,  on  dut  se  contenter  de 
prescrire  de  nouvelles  dispositions  avant  leur  con- 
tinuation et  nommer  d'autres  architectes  et  de 
nouveaux  inspecteurs.  Cependant,  déjà,  on  avait 
commencé  à  tronquer  les  colonnes  et  à  détruire 
les  couronnements,  on  avait  même  été  jusqu'à 
gratter  les  bas-reliefs  que  Moitte  y  avait  sculp- 
tés. 

Ce  ne  fut  guère  qu'en  1789  que  le  mur  d'en- 
ceinte et  ses  hmeux propylées  furent  achevés;  le 
tout  avait  coûté  50  millions  ! 

Au  début,  Passy  eut  cina  barrières.  La  première, 
appelée  d'abord  barrière  de  la  Conférence,  parce 
qu  elle  n'était  qu'un  reculement  de  la  barrière  de 
ce  nom,  située  précédemment  près  de  la  pompe  à 
feu  de  Chaillot,  traversait  le  quai  de  la  Seine,  au 
bas  de  la  rue  Beethoven  ;  on  la  nommait  aussi 
barrière  de  Versailles,  parce  qu'elle  était  sur  la 
route  qui  conduit  à  cette  ville,  ou  barrière  des 
Bonshommes,  à  cause  du  voisinage  du  couvent  do 
ce  nom  ;  en  dernier  lieu,  elle  prit  définitivement 
le  nom  de  barrière  de  Passy.  Le  mur  d'enceinte 
rentrait  sur  le  quai,  suivait  à  peu  près  l'aligne- 
ment de  la  rue  Le  Nôtre  actuelle,  isolant  ainsi  le 
couvent  des  Bonshommes  de  celui  de  la  Visitation 
Sainte-Marie,  et  longeait  la  rampe  ouest  du  Tro- 
cadéro  pour  arriver  à  la  barrière  Sainte-Marie, 
ainsi  nommée  de  sa  proximité  du  couvent  des  filles 
de  la  Visitation  Sainte-Marie.  Elle  était  distante 
de  910  mètres  de  celle  de  Passy.  Depuis  la  bar- 
rière Sainte-Marie,  le  mur  d'enceinte  suivait 
l'alignement  de  l'avenue  Kléber.  A  500  mètres, 
on  trouvait  la  barrière  de  Longchamp,  à  cheval 
sur  la  nouvelle  rue  de  ce  nom,  qui,  alors,  n'allait 
pas  plus  loin  ;  à  700  mètres  plus  haut,  était  la 
barrière  des  Bassins  ou  des  Réservoirs,  qui  prit 
son  nom  du  voisinage  des  réservoirs  de  la  pompe 
à  feu  de  Chaillot.  On  l'appelait  aussi,  quelquefois, 
barrière  de  la  Pompe  à  feu,  et,  après  la  révolu- 
tion de  1848,  elle  porta,  pendant  quelque  temps. 


ANNKXKS  ?25 

te  Dom  à»  barrière  du  Binquet  (1).  Arrivé  il  la  le  nom    de  bnrrière  dr^  ChaiDps-Elïséts,  parce 

barrière  des  Bassina,  c'est-i-dire  à  la  hauieur  de  qu'elle  n'était  qa'un  reculement  de  la  harri^e 

la  rae  Hamelin,  le  mur  d'enceinle  rentrait  en  arc  primitiTedecenoin.qni  se  Irouvaitilabauleurdes 

de  cercle  et  saivail  l'emplacrmentaclDel  de  la  nie  rues  de  Cbaillot  et  de  Rerr;.  Plus  lard,  sous  le 

Dumont-d'UrrilIfl  jusqu'i  la  barrière  de  l'Ktoile,  premier  Empire,  quand  on  entreprit   la   eens- 

ainsi  dénommée  de  la  [dace  circulaire,  sa  roisine,  traction  de  I  Are  de  Iriomplie,  elle  joignit  le  nom 


1  S 


traTersée  en  forme  d'étoile  par  les  diflerenlesvoies      de  barrière  deNeuillyà  celui  de  barrière  de  l'É- 
qui  y  aboutissaient.  Au  dêwil,  on  lui  arail  donné      -"- 


1}  Nom  rionn^  en  si 


m  bnnuuot  qui  de-       |.i  petite  harricre  Franklin,  qui   fut  ouverte  son» 
«'i'îi"nî"rl!cii'î!'.T".1c       '*  ?■*'"''■'■  '■-■npi'^  "  ,'"  ■«•.""ait  *  Tangle  des 


',  puis  la  barrière  d'Iéna, 


3i6                                                HISTOIRE   DV    XVl'^  AKItONUlSSKMKNT 

placée   derrière  le  palais  aciuel  du  Trocadéro,  menU  élevés  sur  plan  carré,  orDés  chacno,  d«u 

entré  les  deux  loun,  et,  enSn,  la  barrière  des  leur  pourtour,  de  vingt  cobnues  colossales,  d'iuie 

Batailles,  qui  oe  fut  ouverlequ'aprèsla  percéedu  corniche  et  de  quatre  frootons;  un  couronnenieDl 

boulevard  Delesseri,  vers  1851),  Par  contre,  nous  circulaire  (eruiinail  ces  édifices.  Celle  de  Piav 

TofoDS  que  la  barrière  des  Bassins  et  la  barrière  se  composai!  d'un  seul  bâtiment  orné  de  douté 

Sainle-Harie.devenues  inaiiles.  turentferinées.  colonnes,  de  deux  arcs  et  de  quatre  froutons; 


I>e  nos  ci»]  barriires  primitives,  les  deux  plus  oxpuMiloii  «Hro«inTiivi>t,  une  inivrt'SMinic 
importantes  étaient  celles  de  l'Kloile  el  de  Passv.  iïosJiiic  r'"''^FiM'r^'i;"fi"''!iirir!!^^llourc'?'l''' 
Celle  de  l'Etoile  (1)  était  décorée  de   deux  batî-      {tir  la  iNirrli'u-  Ac  lÉloiri-.  On  optrivoit  ir» 

llnrlemiTit  Ira  juin  piivilliHiB  iIg  Lt-doui  « 
Huit  lu  iniir   d'Bnci'liilc  sur  une  a^-nti  xrandt 
11)    On  n  pu  voir,  l<  rEipo^ilion  univur-fllc.  île        KUtiir.  Ctiat  Hudc.  jicv  uuinldc  vue   surloi 
igou,  duuïlt-puviUuiidi;  la  >'ille  du  Paris  (i"  l'ia^ji'  :       prfcit'ux  duuumuat. 


ANNEXES 


827 


deux  stataes  colossales,  représentant  la  Bretagne 
et  la  Normandie,  raccompagnaient.  Nos  trois  autres 
barrières  n^avaient  rien  de  bien  remarciuable.  La 
barrière  Sainte-Marie  consistait  en  deux  bâti- 
ments dont  les  façades  étaient  ornées  d'un  cintre. 
La  barrière  de  Longchamp  était  accostée  d*un  bâ- 
timent à  quatre  frontons  et  à  quatre  arcades,  et 
enfin  celle  des  Bassins  consistait  en  un  bâtiment  à 
quatre  frontons  surmontés  d*un  tambour.  Pour  éviter 
toute  solution  de  continuité  au  milieu  de  la  largear  de 
la  Seine  étaient  fixés  deux  bateaux  dits  Patacbes, 
munis  le  bureaux  pour  la  perception  des  droits 
d'entrée  de  la  navigation. 

Une  ordonnance  du  46  janvier  4789  fixa  la 
laideur  des  chemins  de  ronde  à  établir  à  Tinté- 
rieur  et  à  Textérieur  de  la  nouvelle  enceinte,  les 
premiers  à  6  toises,  soit  44"^,  69,  et  les  seconds 
à  50  toises,  soit  97*^,45.  Cette  ordonnance  fut  de 
nouveau  confirmée  par  une  décision  ministérielle 
du  7  juillet  4804. 

Arrivons  maintenant  à  Thistoire  de  nos  bar- 
rières. En  4789  se  passèrent  à  celle  de  Pass)r  des 
faits  d'une  certaine  gravité.  Au  mois  de  juillet, 
TeServescence  populaire  était  au  comble,  par 
suite  de  Tattitude  de  la  cour  et  peut-être  aussi  de 
rinfluence  des  instigateurs  qui  excitaient  la  mul- 
titude à  la  révolte.  Le  44,  Necker  était  renvoyé, 
ainsi  que  MM.  de  Montmorin  et  de  la  Luzerne.  Le 
peu  de  confiance  qu'inspiraient  ceux  qui  étaient 
appelés  à  les  remplacer  répand  Talarme  dans 
Paris.  Le  lendemain,  au  Palais-Royal,  Camille 
Desmoulins  fait  un  appel  aux  armes,  le  prince  de 
Lambesc  fait  charger  le  peuple  au  jardin  des 
Tuileries,  et  les  troupes  qui  environnaient  Paris 
se  concentrent  sur  le  Champ  de  Mars  et  la  place 
Lonis-XV.  La  fureur  du  peuple  est  au  comble,  il 
pille  les  boutiques  des  armuriers,  et,  dans  la 
nuit  du  dimanche  4t2  au  lundi  43,  force  et  incen- 
die les  barrières,  en  chasse  les  commis  et  rend 
provisoirement  les  entrées  libres  (4).  La  barrière 
de  Passy  fut  la  plus  maltraitée  de  notre  région. — 
Le  lendemain,  la  maison  de  Saint-Lazare  est 
pillée,  le  garde-meuble  forcé  ;  le  tocsin  sonne,  on 
court  aux  Invalides,  d'où  l'on  enlève  30.000  fu- 
sils et  6  pièces  de  canon,  et,  le  44,  la  Bastille  est 
prise.Le  45,Bailly  est  nommé  maire  de  Paris,etLa- 
fayette  commandant  de  la  milice  parisienne,  qu'on 
vient  d'organiser.  «  Quelle  émeute!  »  s'écrie 
Louis  XVI  en  apprenant  ce  qui  s'était  passé.  <  Sire^ 
reprend  le  duc  de  Liancourt,  dites:  Révolution,^ 
Enfin  le  46,  reconnaissant  la  nécessité  d'apaiser  lui- 
même  la  capitale,  le  roi  fait  annoncer  qu'il  rap- 
pellera Necker,  renverra  les  nouveaux  ministres, 
et  se  rendra  le  lendemain  à  Paris.  Le  vendredi  47 
en  effet,  Bailly  et  Lafayelte,  à  la  tète  de  la  mu- 
nicipalité, viennent  le  recevoir  à  la  barrière  de 
Passy  (2).  <  Sire,  lui  dit  le  premier,  en  lui  pré- 
sentant respectueusement  les  clefs  de  la  ville,  of- 
fertes jadis  à  Henry  IV^ce  bon  roi  avait  conquis 
son  peuple^  c*est  aujourd'hui  le  peuple  qui  a 


(1)  Par  un  décrel  du  11  avril  1790,  lu  pcrcepUon 
dcH  octrois  fui  rétablie. 

(a)  Avant  de  partir  pour  Paris.  Louis  XVI  avait 
communié  et  pris  ses  dispositions  en  prévision 
d'un  assassinai.  Il  s'était  fait  accompagner  du  ma- 
réchal de  Beauveau.  du  duc  de  Villequier  et  de 
l'amiral  comte  d'Estaing. 


recomiuis  son  roi,  »  Et  le  cortège,  accompagné 
d'und  députation  de  l'Assemblée  Nationale,  à 
pied,  et  prot|||é  par  une  haie  de  450.000  hom- 
mes, se  rendit  à  l'Hôtel  de  Ville,  où  Ton  fit  au- 
dessus  de  la  tète  du  roi,  en  signe  d'honneur,  une 
voûte  d'épées  croisées,  ce  que  l'on  appelait  la  voûte 
d'acier. 

Le  5  octobre  suivant,  le  refus  de  Louis  XVI  de 
donner  son  assentiment  complet  à  la  Déclaration 
des  droits  de  l'homme  et  aux  dix-neuf  articles 
constitutionnels  présentés  à  son  acceptation,  le 
bruit  plus  ou  moins  fondé  d'un  projet  d'enlève- 
ment pour  le  conduire  à  Metz,  et  plus  que  tout 
cela,  l'affreuse  disette  qui  sévissait  alors,  font 
éclater  une  formidable  insurrection  dans  Paris. 
Sous  la  direction  du  citoyen  Maillard,  des  bandes 
de  femmes  du  peuple,  longeant  les  quais  et  tra- 
versant notre  barrière,  se  rendent  à  Versailles  par 
une  pluie  battante.  Le  soir  du  même  jour,  sur  un 
ordre  formel  de  la  municipalité,  Lafayette,  à  la 
tète  de  la  garde  nationale  qu'accompagnent  de 
nombreux  canons,  part  pour  Versailles  par  le 
même  chemin,  afin  de  réprimer,  au  besoin,  l'in- 
surrection et  protéger  la  tamille  royale.  Louis  XVI 
se  décide  à  donner  l'acceptation  qui  lui  avait  été 
demandée,  cède  au  désir  aue  le  peuple  lui  témoi- 
gne de  le  voir  quitter  Versailles  pour  venir  se 
nxer  à  Paris,  et  le  lendemain  6  octobre,  au  soir, 
les  voitures  où  sont  réunis  le  roi,  la  reine,  le 
dauphin  et  la  famille  rovale, accompagnées  de  cent 
députés  et  suivies  de  la  multitude  qui,  partie 
furieuse,  revenait  pleine  de  joie,  font  leur  der- 
nière entrée  dans  Paris  par  notre  barrière  du 
quai  (4).  Nous  amenons  le  boulanger,  la  bou-^ 
langère  et  le  petit  mitron^  criaient  les  femmes 
au  peuple  f\p\  venait  au-devant  du  roi,  persuadées 
qu'elles  étaient  que  la  famine  allait  cesser  par  sa 
présence.  La  famille  royale  se  rendit  à  l'Hôtel  de 
Ville  avant  d'aller  s'installer  aux  Tuileries.  On 
sait  le  reste  :  Louis  XVI  faisait  ses  premiers  pas 
dans  la  voie  douloureuse  qui  devait  le  mener  au  ud- 
vaire. 

L'établissement  des  nouveaux  octrois  était  tou- 
jours resté  fort  impopulaire.  Dès  4789  on  avait 
publié  en  gravures  :  Les  Recettes  des  ckats  pour 
faire  périr  les  rats  de  cave,  des  caricatures  sur 
le  même  sujet  contre  les  fermiers  généraux  ;  d'autres 
pièces  furent  intitulées  :  Des  barrières,  délivrez- 
nous.  Seigneur  !  De  la  insite  des  commis  dt 
barrières,  délivrez-nous ^  Seigneur  !  ou  d'autres 
litanies.  Enfin,  obsédée  des  plaintes  continuelles 
de  la  population,  le  49  février  4791,  l'Assemblée 
Nationale  se  décida  à  décréter  la  suppression  des 
droits  d'entrée  à  partir  du  premier  mai  suivant 
(2),  et  offrit  une  grande  fête  aux  habitants  de 
Paris  à  cette  occasion.  Le  premier  jour  de  l'appli- 
cation du  nouveau  décret,  les  canons  des  Invalides 
et  du  Pont-Neuf  tonnèrent  comme  pour  une  victoire  ; 


(1)  II  existe,  dans  nos  Archives  et  dans  les 
collections  de  plusieurs  de  nos  collègues, 
une  gravure,  avec  texte  français  et  allemand,  qui 
représente  cet  événement.  Au  fond,  on  aperçoit 
le  couvent  des  Bonshommes. 

(2)  Un  grand  nombre  de  caricatures  furent  faites 
h  ce  sujet  ;  l'une  d'elles  était  intitulée  :  Convoi 
d'un  fermier  général  mort  de  chagrin  de  la  cala*- 
Irophe  du  /"/mm  11791.  et  la  désolation  de  ses  con- 
frères et  des  rais  de  cave. 


IIISTOIRK   nu   XVr  ARnONIlISPEMKNT 


girde  Dïtioualt  fit  le  loor  d«  Tfatcinle  rn      l.e  cftniléde  Salul  pablk  étaiUDloriséipreDdre 

,  'Dinl  des  «ira  patriotiquM  ;  le  soir,  on  illamini  ;      toutes  l«s  mrsurps  nècfsgiirps  pour  la  promple 
îoQle   II  nuit,  on  bot;  la  k«riiiet|e  fot  générale       éiérution  de  cf.  dtcret,  en  invitant  les  gens  de 


la  barrjrre  de  l'Eloile.  Li  bi^re  était  1  trois  sons      et  i  l'eiiéctilioii  des  inscriptions. 

le  pot,  le  Tin  k  m  sons  la  pinle,  c'était  l'iTre^ee  l.e  1^  septembre  4798,  le  temps  des  efferres- 


■3  "- 


—  dit  H.  de  Concourt  —  i  la  portée  de  toas  les  renées  étant  passé,  l'ordre  rèlabli.  le  Utta^l  itt 

gosiers.  £l  l'orgie  dura  plusieurs  jours  !  Cinq-Ceols  adopta  un  projet  hypocrite  d'Auberl. 

Voilà  donc  les  propylées  de  Ledoui  i  peine  commeocaDl  ainsi  :  Usera  jterçu  par  la  Coiit~ 

achevés,  derenus  inutiles  !  Pour  en  tirer  parti,  la  mune  de  Paris  wn  octroi  municipal  et   de 

Contention  décréta  pompeusement,  le  4"  juillet  bienfaisance  sp/'cialement  et  uniquement  det- 

4791,qD'ilsseraLeDtérigésenmonnnientspublics,  tiné  à  iacquitde  ses  d^penies  locales  et  de 

que  les  diverses  époi/uet  delà  Hévolutionel  les  préférence  ii  celles  de  ses  hospicetetdes  secours 

victoires  remportées  par  les  armées:  de  la  à  domicile,  etc.,  et  ainsi  présenté,  le  rélablisse- 

Itépubligue  sur  les  tyrans  y  seraient  gravées  ment  de  l'octroi  passa  sans  encombre.  Enfin,  le  40 

inceuamment  en  caractères  de  brome  (su-).  mars  \Htii.  une  loi  autorisa  le    mioistra  des 


KinaQMS  ï  concéder  à  la  Ville  de  Paris  les  barriè-  son  histoire, surtout  depuis  son  voisiDag«»«e  l'Arc 

tts  et  mars  d'enceinte  formant  la  cliviure  de  ladite  de  iriomphe, 

ville  et  de  ses  faubourgs.  l!n  pen  plus  tard,  on  1^  mariage  civil  de  Napoléon  avec  Marie-Louise 

consolida  les  murailles  et  on  perfectionna  —  dit  avaiteu  lieule  1'>'avriM810,3uchïtean  de  Saint- 


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Dolaure  —  la  perception  des  droits  d'entrée  aui 
barrières  de  Paris.  ]jt  mot  perleetionna  nons 
semble  dd  adroit  euphémisme. 

Nous  avons  noté  les  principaux  faits  qui  se  sont 
passés  i  la  barrière  de  l'assy  ;  la  barrière  de  l'K- 
toile,  la  plos  belle  des  entrées  de  Paris,  eut  aussi 


Cloud  ;  le  mariage  religieux  (levait  avoir  lieu  le  leU' 
demain  an   palais   des  Toileries,  et  tout,  sur  l( 
parcours  que  devait  suivre  le  cortège,  avait  été  pré- 
préparé pour  recevinr  avec  éclat  les  illustres  épor 
La  consiniclioD  de  l'Arc  de  triomphe  ne  s'élevi 
alors  qo'i  la  corniche  du   piédestal,   l'architecte 


33o 


HISTOIRE    DU   XVl"   ARRONDISSEMENT 


ChalgriD  avait  fail  exéculcr  habilemenl  en  char- 
peDte.  recoaTert  de  toile,  le  simulacre  de  l'ensemble 
de  l'édifice.  La  place  de  TKtoile.  les  deux  bâti- 
ments de  la  barrière  et  lesChamps-ElyséeséUienl 
oroèsde  somptueuses  déconlioDs.  1^  'i  avril,  le 
cort^e  impérial  partît  de  Saint-Cloud,  traversa 
le  bois  de  Boulogne  et  acheva  de  se  former  dans 
l'avenue  de  Neuillv.  Précédé  de  sa  garde,  entooré 
de  ses  maréchaui  à  cheval.  Napoléon  passa  sous 
lavoûtedel'arcdetriomphe.dansuvoituredasacre, 
dont  les  glaces  permettaient  de  le  voir  aisément 
assis  BoprésdelanOQvelleimpératrir^.SDivaieDtcent 
iDagQiii(|ues  voitures  qui  contenaient  les  membres 
de  sa  famille  et  les  personnages  de  la  cour.  Sor 
loul  le  parcours,  l'enthousiasme  élait  immense  : 


au  mois  de  mal  1806,  avaient  coûté  près  de  )0 
millions.  Dans  une  de  ses  odes,  Victor  Huei  In 
assure,  ainsi  qu'i  Notre-Dame  et  k  la  c«loant 
Vendéme,  le  privilège  d'une  éternelle  durée  : 

Quand    de»  loila.   Jus  clochent,  des  rucbea  lor* 

Des  parclics,  des  Iroalons,  ilc>i  diurnes  pleins  d'ur- 

ffllsoienl  celti- ville,  nui  vnix  (umul tueuses. 


auredearanit.feilcsiiarl') 
Hier  d'ilrsiii  Init  pnr  Nap< 
inplèteras  lu  trianglB  «uBii 

soit  le  plus  lard  possible  I 


on  croyait  voir  dans  ce  mariage  un  gage  assuré  de 
la  paix.  Ln  superbe  feu  d'arLtice  tiré  i  l'Arc  de 
triomphe  termina  la  féle  pupulaire.  V.n  18'24, 
nouvelle  (éle  k  la  barrière  de  l'étoile,  quand  le 
dnc  d'Angoulème,  le  vainqueur  du  Trocadéro, 
rentra  d'ii^agne  i  la  téle  de  ses  troupes. 

A  la  suite  des  trois  journées  de  juillet  1S30. 
Charles  X  s'était  retiré  au  chileau  de  Hambouil- 
let.  De  là,  le  i  août,  il  avait  envoyé  son  abdica- 
tion, mais  ne  paraissait  pu  vouloir  quitter  sa 
retraite  avant  qne  son  petil-lils,  le  comte  de 
Cliambord,  eût  été  proclamé  roi.  Le  lendemain,  à 
celle  nouvelle.  Paris furiem  se  lève,  ^Oà30.000 
hommes  viennent  se  réunir  i  la  barrière  de  l'K- 
toile,  et,  de  li,  cette  armée  patriote,  sous  le 
commandement  du  général  l'ajol.  se  dirige  sur 
Rambouillet  pour  contraindre  Charles  X  k  s'é- 
loigner. 

Le  'J9  juillet  1K3d.  on  inaugure  solennellement 
l'Arc  de  triomphe,  dont  les  travaux,  commencés 


Ce  fut  aussi  par  la  barrière  de  l'Etoile  que  U 
princesse  Hélène  de  Mecklemboure,  mariée  audnc 
d'Orléans,  fît  son  entrée  dans  Paris,  le  4  juin 
18^7.  I.es  nouveaux  époux  furent  refus  avec  en- 
Plus  de  trois  années  se  sont  écoulées.  Par  celle 
bise  glaciale,  que  va-l-il  se  passer  i  la  barrière 
de  l'hloile.  dont  les  grilles  ont  été  enlevées?  L'Arc 
de  triomphe  est  surmonté  d'une  apothéose,  et  de 
son  sommet  an  bas  des  socles,  retombent  de  lon- 
gues guirlandes  de  lauriers  et  de  llears.  Aux  an- 
gles du  monament,  d'énormes  trépieds  antiques 
brûlent  en  Qammes  de  couleurs  ;  aux  coins  de 
l'attique,  deux  Renommées  i  cheval  représentent 
la  Gloire  et  ta  Grandeur,  Autour  de  l'arc,  doiue 
mats  pavoises  sont  ornés  de  boucliers,  de  trophées 
d'armes  et  de  bannières  tricolores,  et  sur  la  place 
même  stationnent  deui  batteries  d'artillerie.   De 

(i)yucloniicliroi.isiw; 


33i 


U  barrière  de  l'Etoile  à  la  place  de  li  Conuorde, 
on  oe  voit  que  coloones  triomphales  el  stataesde 
VictOLres.UanslesChamps'El.vsées.plus  de  400.000 
speclaUara  attrndeai  avec  aaxieté.  dans  un  si- 
lence religieui,  maintenus  par  une  haie  de  gardes 
X  el  de  Iroupesde  ligne.  Il  est  11  heu- 


certainemenl  comme  nne  des  plus  mémor^les  et 
des  plus  émouTaoles  de  notre  histoire. 

Moins  de  deui  ans  après,  le  3  août  1843,  db 
autre  charfunèbrepassaitsousrArc  de  triomphe  de 
rtitoile  venant  également  de  Neuilly;  c'était  celui 
derhèrilierdelacouroDDe,  dubieu-aimèducd'Or- 


res  et  demie  ;  le  soleil  brille,  le  canon  tonne  ;  sur 
la  route  de  Neuilly  s'avance,  traîné  par  seize 
chevaux  noirs,  caparaçonnés  de  drap  d'or,  on 
splendide  char  fuiicbre  sur  lequel  sont  placées 
quaione  cariatides  supportant  un  cercueil  ;  le 
coriège  fait  halte  sous  1  Arc  de  triomphe  de  l'E- 
toile. I.'n  cri  spontané  de  l'i'ce  l'Empereur .'  sort 
de  toutes  les  (wîtrines  :  ce  sont  les  cendres  du 
héros,  qui.  de  Sain  te- Hélène,  rentrent  triompha- 
lement î  Paris,  ramenées  par  le  prince  de  Joinville. 
Cette  journée  du  mardi  15  décembre  1840  restera 


léaos.  mort  d'une  fa;on  si  tragique  i  SablouTille. 
Enlio,  le  W  avril  1848.  la  barrière  de  l'Etoile 
ïoyait  une  cérémonie  d'un  tout  autre  genre.  Pla- 
cés au  pied  de  l'Arc  de  triomphe,  les  membres  du 
Souvernemeut  véritablement  pravîsoiro,  assistés 
es  représentants  du  peuple,  remettaient  solennel- 
lement les  nouveaux  drapeaux  i  l'armée  et  à  la 
garde  naiionale  venues  pour  prêter  serment  i  la 
nouvcIleltépubliqae(<).  El.  le 31  décemhrel859 


IimTOIRR    nr    XVr   AnROXmSSEMRNT 


t  minait  sonnant,  nos  anciennes  barrières  a}*ant 
Iprminè  Uur  rAle,  l'abaDdoonai^nt  anx  boreani 
d'ociroi  de  renteiotedrs  fonilicalions  de  Paris. 
Après  avoir  été  successivemrnt  hamcan:!,  «illngfs 


Une  ilpfl  »lnlu(^ii  de  II»  llar^i^^p  iIp  l'a 

(iN3.jt. 
{Arrhivc<(  de  In  Sotl^i*.) 


EXTENSION    DES   LIMITES   DE   PARIS 


<  Loi  sur  l'extension  des  limites  de  Paris,  du 
16  juin  185!)  (promulguée  le  3  novembre  1859, 
—  Huit,  lies  loù,  n"  fm,  XI'  série,  n"  7072). 

«  Napoléon,  par  la  grâce  de  Oîen.  etc. 
•:  Avons  sanctionné  et  sanctionnons,  ele. 

■  ].oi.  —  Extrait  du  procès-ferbal  du  corps 
législatif. 

<  Le  corps  lé^slatif  a  adopté  le  projet  de  loi 
dont  la  teneur  snil  : 

«  Aar.  1".  —  l^s  limites  de  Paris  sont  por- 
tées josqu'au  pied  du  glacis  de  l'enceinte  fortiliée. 

■  Bn  conséquence,  les  communes  de  Passy, 
Anteuil,  Batigriollcs-Hanceaux ,  Montmartre,  la 
Cbapelle,  la  Villetic.  Beileville,  Cbaronne,  Bercy, 
Vauîgirard  et  Grenfile  sont  supprimées. 

<  Les  portions  des  territoires  d'Autenii.Passy... 
qui  restent  au  delà  de  ces  limites,  sont  réunies  à 
la  commune  de  Boologne. . .  » 

<  Art.  2.  —  1^  nouvelle  commune  de  Paris 
est  divisée  en  vingt  arrondissements  municipaux 
formant  anlaot  do  cantons  de  justice  de  paix...  > 

•  Abt.  3  —  Le  conseil  municipal  de  Paris  se 
composera  désormais  de  soixante  membres,  qui 
seront  nommés  par  l'Fjnperciir,  conformément  i 
la  loi  du  5  mai  1855. 

<  Deux  membres,  au  moins,  seront  pris  dans 


chacun  des  arrondissements;  ils  devront  j  être 
domiciliés  ou  y  posséder  an  établissement. 

<  Cbaquo  arrondissement  municipal  aura  m 
maire  et  deux  adjoints.  ■ 

—  1^  loi  a  onie  articles.  Les  derniers  articles 
traitent  des  entrepAts,  octrois,  usines,  gai,  c«o- 
irihutions  directes.  Les  communes  anneiéfs  w 
voyaient  pas  leurs  contributions  modiflées  pendant 
cinq  ans  i  compter  do  t"  janvier  1860.  A  partir 
du  1"  janvier  1865,  <  l'augmentation  <|ue  devront 
subir  tes  droits  Ries  de  patentes  pour  être  pwtù 
au  niveau  de  ceux  de  Paris  n'aura  lieu  que  poar 
moitié,  et  ne  sera  complétée  qu'après  une  seconde 
période  de  cinq  années  *. 

Le  projet  de  loi  avait  été  signé  le  36  mai  par 
MM.  le  comte  de  MoaitT,  président:  le  conte 
|j>uis  AE  CiiMRACtÏRts,  io  comte  Léopold  Le  Hou. 
le  comte  Henri  ne  Kf.hsaint,  le  comte  Joachia 
Mu  RAT,  tem't  aires. 

Le  Sénat  avait  déclaré  le  G  juin  ne  pas  s'op- 
'galioD  de  la  loi  ;  et  avaient  signé: 
pr^iident  ;  Ferdinand  Barioi, 
',  baron  T.  de  Lacrosse,  serré- 
iaires. 

t  Mandons  et  ordonnons,  etc.  > 

c  Fait  en  Conseil  des  Ministres,  au  palais  de 
SaintUoud.  le  t6  juin  1859.  > 

Pour  l'Empereur. 
El  en  vertu  des  pouvoirs  qu'il  nous  a  confiés  : 

Signé  :  EvcËniE. 

Vu  et  scellé  du  grand  sceau  : 

U  Garde  des  sceaux,  ministre  teerêtaire 

d'Etat  av  département  de  la  Juilite, 

SigTié  :  Deunole. 

Par  l'impératrice  régente  : 

le  Ministre  iCEtal, 
Signé:  Achillc  Fodi.o. 


1.0  décret  impérial  du  1"  novembre  1859 
(B.  des  lois  n"  738,  XI'  série,  n"  7073)  fixait 
les  dénominations  des  vinRl  arrondissements  mn- 
nicipaox  de  Paris.  Le  XV!"  arrondissement  était 
dénommé  :  arrondissement  de  Passy.  Le  dfrret 
était  contresigné  de  H.  Houlaxd,  ministre  de 
rinstniction  publique  et  des  Cultes,  faisant  l'in- 
térim de  l'Intérieur. 

Le  3  novembre,  G.-E.  Haussiaun.  sénateur, 
préfet  de  la  .Seine,  grand  officier  de  la  Lé^on 
d'honneur,  prenait  un  arrêté  lîxant  le  tableau  des 
circonscriptions  nouvelles  : 

■  Iti'.  de  Passy.  Délimitations.  —  IJne  ligiie 
partant  du  milieu  de  la  Seine,  au  droit  de  la  limite 
des  terrains  militaires,  suivant  le  pied  dn  glacis 
jusqu'à  l'avenue  de  la  Porte-Maillot  —  suivant 
l'axe  de  ladite  avenue,  de  la  place  de  l'Eloile  — 
du  boulevard  projeté  entre  cetle  place  et  le  pont  de 
l'Aima,  tel  (qu'il  est  indiqué  il  la  délimitation  du 
XVI°  arrondissement,  l'aie  du  pont  de  l'Aima  — 
el  le  milieu  du  grand  bras  de  la  Seine  jusqu'au 
point  de  départ.  > 

<  Quartiers  ;  61,  d'AulenlI.  —  l'ne  lipe  par- 
lant du  milieu  de  la  Seine,  au  droit  de  la  limite 


ANNEXES 


333 


des  terrains  militaires  et  suivant  le  pied  du  glacis 
jusqu'à  Tavenue  conduisant  à  la  porte  de  Passy  ; 

—  Taxe  de  ladite  avenue,  celui  de  la  route  mili- 
taire jusqu'au  prolongement  de  Taxe  de  la  rue  de 
l'Assomption ,  Taxe  de  ladite  rue  et  celui  de 
l'avenue  de  Boulainvilliers  et  du  pont  de  Grenelle 

—  et  le  milieu  de  la  Seine  jusqu  au  point  de  dé- 
part. » 

<  6*2,  de  la  Muette.  —  Une  ligne  partant  delà 
limite  des  terrains  militaires,  au  milieu  de  l'avenue 
conduisant  à  la  porte  de  Passy  et  suivant  le  pied 
du  glacis  jusqu'à  la  porte  de  la  Muette  ;  —  1  axe 
de  1  avenue  de  Saint-Cloud,  des  rues  de  la  Tour 
prolongée,  de  la  Croix  (sic),  des  Moulins,  Vineuse, 
le  côté  ouest  du  mur  d'octroi  et  son  prolongement 

Jusqu'au  milieu  de  la  Seine  —  le  milieu  du  grand 
»ras  jusqu'au  pont  de  Grenelle  —  l'axe  dudit 
pont,  de  l'avenue  de  Boulainvilliers,  de  la  rue  de 
l'Assomption  et  de  son  prolongement  jusqu'à  la 
route  militaire,  celui  de  la  route  militaire  et  de 
l'avenue  en  face  de  la  porte  de  Passy  jusqu'au 
point  de  départ.  » 

€  63,  de  la  Porte-Danphine.  —  Une  ligne  par- 
tant de  la  porte  de  la  Muette  et  suivant  le  pied  du 
glacis  jusqu'à  l'avenue  delà  Porte-Maillot;  —  l'axe 
de  la  dite  avenue,  celui  de  l'avenue  de  Saint- Denis, 
du  boulevard  de  l^ngchamp,  des  rues  Vineuse, 
des  Moulins,  de  la  Croix,  de  la  Tour  proloncrée,  et 
de  l'avenue  de  Saint-Cloud  jusqu'au  point  de  dé- 
part. » 

«  64,  des  Bassins.  —  Une  ligne  partant  du  milieu 
de  la  Seine,  en  face  du  prolongement  de  la  face 
ouest  du  mur  d'octroi,  la  face  dudit  mur  ;  — 
l'axe  du  boulevard  de  Lonffchamp,  des  avenues  de 
Saint-Denis,  de  la  Porte-Maillot,  de  la  place  de 
l'Étoile  et  du  boulevard  projeté  entre  cette  place 
et  le  pont  de  l'Aima,  l'axe  dudit  pont,  le  milieu  de 
la  Seine  jusqu'au  point  de  départ.  » 

Le  16  novembre,  un  décret  impérial,  contre- 
signé de  M.  Deungle  et  de  M.  P.  Magne,  ministre 
des  Finances,  comprenait  le  XVI«  arrondissement 
dans  la  circonscription  du  2*^  bureau  des  hypo- 
thèques. 

Le  i9  novembre,  un  arrêté  du  ministre  des 
Finances  divisait  l'arrondissement  en  deux  percep- 
tions : 

i*^  division  :  quartiers  d'Auteuil  et  de  la  Muette. 

2*  division  :  Porte  Dauphine.  Bassins. 

Et  le  4*^' janvier  i  860,  Auteuil  et  Passy  n'étaient 
plus  qu'une  partie  de  Paris. 

Emile  Potin. 


DÉNOMINATION  DU  QUARTIER  DE  CHAILLOT 

RAPPORT  AU  PRÉSIDENT 
DE  LA  RÉPUBLIQUE  FRANÇAISE  (1) 

Monsieur  le  Pkésident, 

Dani  sa  séance  du  4  mars  i895,  le  Conseil 
municipal  de  Paris  a  pris  une  délibération  ten- 

^i)  Journal  officiel,  iiieirreili  2«|  avril  i8yC. 


dant  à  changer  la  dénomination  du  64^  quartier, 
situé  dans  le  16°  arrondissement,  qui  s'appellerait 
«  quartier  de  Chaillot  »,  au  lieu  de  «  quartier  des 
bassins  ». 

En  réalité,  le  64"  quartier  n'occupe  par  la  tota- 
lité du  territoire  appartenant  autrefois  à  l'ancien 
village  de  Chaillot,  qui  était  situé  à  la  fois  dans 
le  64°  quartier,  dépendant  du  16°  arrondisse- 
ment, et  dans  la  partie  du  8°  arrondissement  qui 
forme  aujourd'hui  le  !29°  quartier, dit  des  «  Champs- 
Elysées  ».  (Vest  sans  doute  pour  cette  raison  que 
le  nom  de  Chaillot  n  a  été  donné  à  aucun  de  ces 
quartiers.  La  dénomination  du  quartier  des  Bas- 
sins tire  son  origine  des  bassins  qui  existaient 
autrefois  sur  remplacement  occupé  aujourd'hui 
par  la  place  des  Etats-Unis  et  qui  servaient  à 
recueillir  l'eau  élevée  par  la  pompe  à  feu  de 
Chaillot. 

\jd  changement  de  nom  demandé  par  le  Conseil 
municipal  parait  justifié,  aujourd'hui  surtout  que 
les  bassins  mentionnés  plus  haut  n'existent  plus. 
La  nouvelle  dénomination  de  Chaillot  aurait  même 
l'avantage  de  rappeler  le  souvenir  d'une  localité 
importante  des  environs  de  Tancien  Paris. 

I^  ville  de  Paris  n'étant  pas  soumise  à  la  loi 
du  5  avril  1884  sur  l'organisation  municipale,  il 
n'y  a  pas  lieu  de  faire,  dans  l'espèce,  application 
de  l'article  2  de  ladite  loi,  qui  exige  Imterven- 
tion  d'un  décret  en  Conseil  d'Etat  pour  modifier 
le  nom  des  communes.  Mais  la  dénomination  des 
quartiers  de  Paris  avant  été  arrêtée  dans  le  plan 
annexé  au  décret  du  1°'  novembre  1859,  qui  a 
déterminé  les  noms  des  vingt  arrondissements,  il 
y  a  lieu,  semble-t-il,  de  rendre  également  un 
décret  pour  opérer  la  modification  réclamée  par 
l'assemblée  municipale. 

J'ai,  en  conséquence,  l'honneur.  Monsieur  le 
Président,  de  vous  prier  de  vouloir  bien,  si  vous 
partagez  ma  manière  de  voir,  revêtir  de  votre 
signature  le  projet  de  décret  ci-joint,  conçu  dans 
le  sens  des  observations  qui  précèdent. 

Veuillez  agréer.  Monsieur  le  Président,  l'hom- 
mage de  mon  respectueux  dévouement. 

Le  Ministre  de  VlnUhrieur, 
F.  Sarrien. 

Le  Président  de  la  République  française, 
Sur  le  rapport  du  Ministre  de  l'Intérieur, 
Vu  le  décret  du  l^'**  novembre  1859, 
Vu  la  délibération  du  Conseil  luuiiicipal  de  Paris 
du  4  mars  1895, 
Décrète: 
AK.  l°^  —  Le  64°  quartier  administratif  de  la 
ville  de  Paris,  dépendant  du  16"  arrondissement, 
prendra  désormais  le  nom  de  €  quartier  de  Chail- 
lot ». 

Art.  â.  —  Le  Ministre  de  l'Intérieur  est  chargé 
de  l'exécution  du  présent  décret. 

Fait  à  Paris,  le  20  avril  1896. 

Ftux  Fai'ue. 

Par  le  Président  de  la  République  : 

Le  Ministre  de  V Intérieur, 
F.  Sarhien. 


334 


HISTOIRE    DU   XVI*'   ARRONDISSEMENT 


UNE  ÉMEUTE 
A    SAINT- PIERRE- DE. CHAILLOT 

Le  rendredi,  premier  jour  de  Tan  de  grâce 
1790,  il  y  eut  do  bruit  dans  Landerneau...  par- 
don !  à  l'ancien  village  de  Chaillot. 

Le  prêtre  chargé  de  prêcher  en  ce  joar  de 
double  fête  à  réglise  Samt-Pierre ,  avait  eu  la 
malencontreuse  idée,  par  ce  temps  d*eflervescence 
populaire,  de  prendre  pour  sujet  de  son  sermon  : 
De  l'obéissance  aveugle  et  passive  que  tout  bon 
citoyen  doit  au  Roi  et  à  ceux  à  qui  il  a  confié 
sa  puissance. 

Sur  ce,  rassemblée  se  mit  à  murmurer  forte- 
ment et  interrompit  Toratenr  ;  le  bon  et  vieux 
curé  Jacques-Michel  Benière,  invoquant  alors  le 
respect  dû  au  saint  lieu,  finit  par  rétablir  Tordre  ; 
mais  le  prédicateur  réactionnaire  insistant  et  ren- 
chérissant sur  son  sujet,  les  murmures  des  assis- 
tants se  changèrent  en  véritables  cris,  si  bien  que, 
le  tumulte  augmentant,  on  se  vit  forcé  d*Bllcr 
chercher  la  garde. 

A  sa  vue,  notre  ap<^tre  s'empressa  de  quitter  la 
chaire  et  s*enfuit  vers  la  sacristie  où,  suspecté 
d*iocivisme,  on  Tarréta.  Conduit  au  bureau  de 
police  de  Thôtel  de  la  Mairie,  il  put  heureusement 
se  disculper  de  toute  préméditation  malveillante, 
en  faisant  voir,  par  la  date  de  son  manuscrit,  qu*il 
y  avait  dix-huit  ans  que  son  sermon  avait  été  com- 
posé, c'est-à-dire  sous  le  bienheureux  règne  du 
roi  Louis  XV,  et  on  le  relâcha. 

Le  Moniteur  qui  relate  ce  fait  dans  son  numéro 
du  jeudi  7  janvier  1790,  dit  gravement,  en  ter- 
minant son  article  : 

€  C'est  la  première  fois  peut-être  que 'des  hommes 
c  assemblés  dans  un  temple  aient  senti  que  celui 
€  oui  leur  parle  au  nom  de  Dieu  n'a  pas  le  droit 
€  a  abuser  de  sa  mission  pour  les  entretenir  de 
c  sujets  étrangers  au  culte;  on  doit  être  bien 
€  rassuré  sur  le  succès  de  la  Révolution,  quand 

<  des  préjugés  aussi  anciens,  liés  à  de  vieilles 

<  habitudes  et  à  tant  d'intérêts,  s'effacent  ainsi 
€  de  l'esprit  des  hommes.  » 

L.  N. 


L'HOTEL 
DE  LA  PRÉSIDENTE  DE  BANOEVILLE  (1) 

La  Grande-Rue  de  Passy,  an  xviii*  siècle* 
possédait  un  certain  nombre  d'hôteb  particuliers, 
devenus  historiques  par  le  séjour  qu'y  firent  cer* 
tains  personnages  plus  ou  moins  célèbres.  A  l'ancien 
n°  3,  n**  7  actuel)  demeura  le  général  Moreau;  au 
n°  16  était  l'ancien  hôtel  de  la  Folie,  qu'habita 
la  jolie  Mlle  de  Romans,    dont    nous  racontons 


(i)   Dit    ensuite   à  tort   rilôtcl    Bnrras.  rue  de 
Passy,  n»  8o. 


plus  loin  les  aventures,  et  plus  tard  Jules  Jasin. 
Au  n**  58  ancien,  l'hôtel  de  Mme  de  Geofis; 
au  n**  58  actuel  (correspond-il  au  58  ancien  ?j 
existe  encore  une  ancienne  petite  maison  qui 
n'a  pas  changé  d'aspect,  remarquable  par  sa 
jolie  porte  cintrée  à  aenx  battants,  encore  manie 
do  son  heurtoir,  et  au  sommet  de  laquelle  se 
déroulent  de  gracieux  ornements  en  bois  sculpté 
et  fer  forgé  du  temps  de  Louis  XV.  Un  peu  plus 
haut  que  la  rue  Vital,  sur  l'emplacement  de 
l'ancien  parc  Guichard,  l'amiral  comte  d'Estaiog, 
la  terreur  des  Anglais  dans  la  guerre  de  Tindè- 
pendance  américaine,  eut  un  très  bel  hôtel  de 
plaisance;  et  enfin,  non  loin  de  là,  au  n**  80 
actuel  (ancien  62),  le  passant  tant  soit  peu  curieox 
est  arrêté  à  la  vue  d'un  ancien  hôtel  d'assez  belle 
apparence,  composé  d'un  grand  corps  de  logis 
principal  situé  entre  cour  et  jardin,  et  de  deax 
pavillons  latéraux  reliés  par  une  belle  grille  en 
fer  forgé,  de  style  Louis  XV,  donnant  sur  la  rue. 
(^tte  propriété,  qui  depuis  sa  naissance  a  subi  de 
nombreuses  modiâcations,  a  subi  également  des 
fortunes  diverses,  que  nous  allons  tenter 
d'esquisser. 

CiOmmençons  d'abord  par  rectifier  une  erreur 
commise  par  la  majorité,  sinon  la  totalité  des 
chroniqueurs  de  Passy,  qui  l'appellent  Hôtel  de  la 
présidente  de  Boud'eviUcy  au  lieu  de  de  Bande- 
ville.  La  présidente  de  Bandeville  (Marie-Anne- 
Catherine  Bigot  de  Graveron),  veuve  depuis  1761 
de  Pierre-François  Doublet,  marquis  de  Bandeville, 
conseiller  du  roi,  et  ancien  présidents  la  troisième 
chambre  des  enquêtes  du  parlement  de  Paris, 
acheta  le  !24  octobre  1163,  moyennant  36.000 
livres,ladite  propriété  à  Georges  Du  Burt,  écuyer, 
commandant  d'un  bataillon  d'infanterie,  et  Taçran- 
dit  en  octobre  1774  par  une  nouvelle  acquisition 
do  terrains  et  de  masures  à  demi  démolies,  appar- 
tenant aux  deux  frères  Girand,  l'un  expert 
entrepreneur  juré  des  bâtiments,  et  l'autre  avocat. 
Les  jardins  étaient  alors  bordés  par  des  carrières. 
Détail  qui  n'est  pas  sans  intérêt,  la  présidente  de 
Bandeville  avait  à  payer  à  Passy,  tous  les  ans,  aux 
octaves  de  la  Saint-benis,  un  sol  quatre  deniers 
de  cens  et  droits  seigneuriaux.  La  présidente  de 
Bandeville  était  une  femme  des  plus  distinguées  et 
une  collectionneuse  ardente;  son  hôtel  de  Paris, 
situé  sur  le  quai  Malaquais,  au  coin  de  la  rue  des 
Saints-Pères,  renfermait  une  belle  suite  de  tableaux 
de  maîtres, un  très  beau  cabinet  d'objets  d'histoire 
naturelle  dans  lequel  on  remarquait  une  nombreuse 
réunion  d*oiseaux  de  toute  sorte  et  surtout  une 
collection  de  coquillaees,  réputés  la  plus  belle  de 
l'Europe.  La  plupart  des  anciens  ^ides  du  voya- 
geur à  Paris  et  les  ouvrages  relatifs  aux  curieux 
de  cette  époque  mentionnent  cette  collection.  H 
est  à  présumer  que  l'hôtel  de  Passy  dut  bénéficier 
des  goûts  de  sa  propriétaire  et  contenait  aussi  bon 
nombre  d'objets  de  curiosité. 

La  présidente  de  Bandeville  mourut  en  son 
hôtel  du  quai  Mulaquais,  le  3  juillet  1787.  N'ayant 
pas  d'enfants )  mais  un  assez  grand  nombre  d'héri- 
tiers plus  ou  moins  éloignés,  elle  avait  laissé  l'usu- 
fruit de  son  hôtel  de  Passy  à  l'abbé  Gruel,  son 
ami  certainement,  son  directeur  peut-être,  sur 
lequel  nous  n'avons  pu  trouver  aucun  renseigne- 
ment, et  qui  y  mourut  le  33  janvier  1811. 


ANNEXES 


335 


Après  Tabbé  Gniel,l'faôtel  deyint,le  2  mai  1821 , 
la  propriété  d*un  M.  Lavaissière,  marchaDd  de 
métaux,  qui  ne  Teut  que  fort  peu  de  temps  et  cous 
intéresse  peu.  Après  lui,  le  1^'  octobre  1841 , 
Mme  Rarra,  simple  marchande  de  meubles,  en  fit 
Tacquisîtion  et,  voulant  la  faire  fructifier  le  plus 
possible,  dénatura  le  corps  principal  du  bâtiment 
en  le  faisant  surélever,  ainsi  que  les  deux  pavillons 
latéraux,  et  divisa  le  tout  en  appartements  garnis 
qu'elle  louait  aux  étran|;ers  pendant  la  belle  sai- 
son. Drôle  de  propriétaire  aue  cette  Mme  Barra, 
qui,  ayant  la  monomanie  au  vol,  enlevât  à  son 
profit  les  côtelettes  et  les  biftecks  de  ses  locataires 
et  alla  même  un  jour  jusan'à  dérober  une  nappe 
qu*on  finit  par  découvrir  cnez  elle,  transformée  en 
couvre-pied  !  Elle  conserva  Thôtel  une  trentaine 
d'années  ;  aussi  avait-on  pris  l'habitude  d'appeler 
alors  cette  propriété  Yliôtel  Barrai  dont  les 
chroniqueurs  ont  fait  V Hôtel  Barras,  disant  qu'il 
avait  appartenu  à  ce  fameux  membre  du  Direc- 
toire,qui  Tavait  habité,  erreur  qui  s'est  propagée 
jusqu'à  nos  jours. 

Le  8  août  1844,  l'hôtel  fut  acquis  par  M.  Bor- 
nait-Leguenle,  dont  la  veuve  en  est  encore  ac- 
tuellement propriétaire.  Vers  les  premières  années 
du  règne  de  Louis-Phillippe,  le  savant  docteur  et 
chimiste  Orfila  était  venu  s'installer  au  premier 
étage  du  bâtiment  principal.  Tous  les  mercredis  et 
tous  les  dimanches,  il  y  donnait  des  soirées  artis- 
tiques auxijuelles  affluait  le  mondé  dilettante  de 
Paris.  Aussi  habile  chanteur  que  célèbre  toxico- 
logue,!/ avait,  dit  le  Dictionnaire  de  la  Conver- 
sation, une  voix  puissante  et  vibrante  comme 
celle  de  Duprez^  un  gosier  à  défier  les  plus 
grands  artistes,  urie  mimique  à  jouter  contre 
Elleviou,  Sa  femme,  fille  du  statuaire  Lesueur, 
membre  de  l'Institut,  était  également  excellente 
musicienne,  et  en  plus,  ce  qui  ne  gâte  rien,  femme 
de  beaucoup  d'esprit  et  de  cœur.  Ils  eurent  l'hon- 
neur de  recevoir,  un  de  leurs  mercredis,  le  dieu 
de  la  musique,  Rossini  lui-même,  et,  ce  soir-là, 
le  général  Mellinet,  prévenu,  se  hâta  d'eovoyer 
gracieusement  la  musique  de  la  garde,  qui,  mas- 

3uée  dans  les  jardins,  fit  au  maestro  la  surprise 
'aubades  répétées.  Pendant  son  séjour  dans  l'hôtel, 
Orfila  y  rencontra  assez  souvent  Raspail  qui  n'était 
pas  locataire,  mais  venait  soit  en  visite,  soit,  peut- 
être,  en  villégiature  chez  un  ami.  Orfila,  comme 
tout  homme  bien  élevé,  ne  manquait  jamais  de 
saluer  Raspail  quand  il  le  rencontrait  ;  mais  ce 
dernier,  trop  préoccupé  sans  doute,  ou  gardant 
peut-être  rancune  au  savant  docteur  de  son  appré- 
ciation contraire  à  la  sienne  dans  le  procès  de 
Mme  Lafarge,  oubliait  toujours  de  rendre  le  sa- 
lut (1). 

€  Le  11  juillet  1835  (2),  dans  un  appartement 
<  voisin  de  celui  qu'occupait  le  docteur  Orfila, 
«  s'était  accompli  un  drame  ^ui  avait  alors  ému 
«  tout  Paris.  Un  homme  avait  été  trouvé  étran- 


(i)  En  i84o,  Raspail,  apnclo  par  les  défonscuis 
de  Mme  Lafarj^c  à  contrôler  l'experlise  dOrfila, 
qni,  contrairement  aux  premiers  experts,  avait 
trouvé  des  trace»  d'arsenic  dans  les  restes  de  La- 
Targe,  prélendit  que  les  taches  obtenues  pouvaient 
provenir  de  l'arsenic  contenu  dans  le  réactif  em- 
ployé IDiclionnaire  de  la  Conversation), 

(a)  D  après  le  journal  Passy-Paris, 


auprès  de  sa  jeune  femme,  qui  se  lamen- 
«  tait  sans  pouvoir  répondre  aux  questions  qu'on 
«  lui  adressait  Mais  enfin,  après  enquête,  le  mys- 
«  tère  s'éclaircit.  Ils'agissait  tout  simplement  d  un 
«  joueur  décavé  qui,  ne  pouvant  obtenir  de  sa 
«  femme  une  signature  qui  lui  eût  livTé  la  fortune 
«  de  cette  dernière,  n'avait  trouvé  d'autre  moven 
«  de  la  punir  que  de  se  suicider  devant  elle  (1).» 

Le  docteur  Orfila  mourut  le  12  mars  1853,  non 
à  Passy,  mais  dans  son  appartement  de  la  rue 
Saint-Andréydes-Arts,  n»  45,  léguant  120.000 
francs  à  diverses  fondations  et  récompenses. 
Mme  Orfila,  dont  la  bienfaisance  pour  les 
pauvres  de  Passy  était  inépuisable,  continua  d'ha- 
biter notre  hôtel,  où  elle  mourut  en  1864,  entou- 
rée de  l'estime  générale. 

C'est  encore  dans  cette  maison  que,  sous  la 
Restauration  ou  vers  le  commencement  du  règne 
de  Louis-Philippe,  s'était  retirée  la  fille  de  Cailhava, 
le  célèbre  auteur  dramatique.  On  sait  que,  nou- 
velle Antigène,  elle  s'était  dévouée  avec  une 
admirable  constance  à  adoucir  les  derniers  jours 
de  son  père,  devenu  vieux,  infirme  et  presque 
pauvre,  et  que  c^est  dans  ses  bras  qu'il  s'était  dou- 
cement éteint  à  Sceaux,  le  26  juin  1813.  La  pitié 
filiale  de  Mlle  Cailhava  n'avait  pu  se  résigner  à 
cette  perte,  et  sa  douleur  avait  fini  par  déterminer 
chez  elle  une  monomanie  bien  cuneuse  qui  con- 
sistait à  quitter  son  lit  le  moins  possible,  et  c'est 
ainsi  qu'elle  vécut  dans  notre  hôtel. 

Mentionnons  encore,  pour  simple  mémoire,  le 
séjour  de  la  princesse  Galitzine,  de  Lacoma,  pre- 
mier peintre  du  roi  d'Espape  Ferdinand  VU  et  de 
la  reine  Christine,  et  ami  dévoué  de  Mlle  Cailhava; 
enfin  celui  des  dames  Morris,  mère  et  femme  du 
général  de  ce  nom.  Terminons  en  remerciant 
l'obligeante  propriétaire  actuelle  et  son  fils,  qui 
ont  bien  voulu  nous  communiquer  les  anciens  titres 
de  propriété  et  nous  aider  de  leurs  souvenirs,  ce 
qui  nous  a  permis  de  rectifier  les  anciennes  erreurs 
et  d'apporter  des  documents  entièrement  nou- 
veaux. 

Léopold  M.\n. 


LE  CABINET  DE  PHYSIQUE  DU  ROI 

Au  n®  84  de  la  rue  de  Passy,  à  l'angle  de  la 
rue  de  la  Pompe,  se  voit  un  ancien  hôtel  Louis  X  Y, 
à  hautes  et  larges  fenêtres,  auquel  on  accède  par 
une  grande  porte  cochère  donnant  sur  la  rue  de 
Passy.  Un  grand  jardin  accompagne  le  bâtiment 
principal,  qui  se  trouve  à  gauche  de  l'entrée  et  a 
conservé  de  ce  côté,  mais  de  ce  côté  seulement, 
son  intégrité  et  son  bel  aspect  originel. 

La  percée  de  la  rue  Mozart  étant  actuellement 
complète,  cet  hôtel  nous  semble  appelé  à  dispa- 
raître forcément  à  une  époque  relativement  rappro- 
chée, pour  mettre  la  rue  Mozart  en  rapport  direct 
avec  le  Trocadéro,  par  la  continuation  de  la  voie 


(i)  Pour  plus    amples  «létails  voir  les  Chronh 
ques  de  Passy,  p.  19I  ù  194  du  t.  l'^ 


33» 


IfISTOIItb    IHJ   XVI"   ARIIUM>lâsi;Mi:\T 


projetée  i 
droils.  et 


>.e  depuis  longtemps,  amorcée  en  divers  en- 
droils.  et  baptisée  d'araoce  du  nom  i'aveniie  de 
la  Muette  |t).  Avant  de  prononcer  l'oraison  fu- 
Dcbre  déHnilive  de  cet  immeuble,  que  nous  regret- 
terons, disons  ce  qu'il  fut. 

On  sait  que  le  borou  deGonesse  —  pardon  \... 
soyons  respectueui  pour  éviter  la  Bastille  —  on 
sait,  dtsons-DODs.  que  te  roi  Ixiuis  XV.  le  bien- 
aimé  et  le  bien  aimant,  en  dehors  de  ses  occu- 
pations plus  ou  moins  sérieuses,  prenait  grand 
plaisir  à  s'occuper  des  sciences  et  surtout  de  phy- 
sique et  d'astronomie,  et  qu'assez  souvent  il  allait 
assister,  acc«mput!ijé  de  la  cour,  aui  expériences 
de  physique  expérimeatalo  que  faisaitrablié  Noilel 
aux  Enfauts  de  Frauce  ;  aussi,  vers  1754).    se 


Arts  et  frère  de  Mme  de  Pompadour.  Btchaumont 

en  parle  dans  ses  Mémoires  secreti  et  te  Ulercure 
det'rance  raildemème;<  troisreprisesdifférKitts: 
c'était  un  curieux  tableau  d'Amedée  Vanloo,  daté 
de  janvier  1763  et  représentant  bon  nombre  de  ver- 
tus allégoriques,  la  Magnimiié.  la  Justice,  la  Valeur 
miJitaire,i'lDtrépidité,UVertuhéroique,kVertn  pa- 
cifique, la  G  éDcrosi  té,  etc.,eotouthaitfîgurcs,  uns 
compter  les  animaux  qui  les  accompagnaient.  — 
Vues  d'une  certaine  distance  au  travers  d'un  verre 
à  facettes,  toutes  ces  figures  se  réduisaient  en  une 
seule  et  udraient  aux  yeux  émerveillés  le  portrait 
du  roi  très  distinct  et  très  ressemblant  (I).  L'abbé 
Aubert.  le  spirituel  fabuliste.  Et  les  vers  courti- 
sanesques  suivants  sur  ce  singulier  ouvrage  : 


Vue  extérieure  de  U 


8S,  rue  de  l'awsy,  et  i,r 
(Clichc  du  M.  VaillanL.) 


:  (le  1,1  Po:u|)c,  étal  actuel. 


décida-t'il.  pour  satisfaire  ses  ^oMs. à  transformer 
en  cabinet  de  physique  un  biliment  situe  dans  les 
jardins  de  la  Muette. 

Il  en  confia  la  garde  au  savant  béuédictio  dum 
Nurt,  plus  connu  sous  le  nom  de  père  Noi'l,  qui 
déjà  avait  fait  des  microscopes  et  des  télescopes 
pour  Sa  Majesté.  —  Dès  celte  époque,  le  brave 
père  Noël  espérait  peut-être  arriver  k  faire  voir 
à  Louis  XV  la  lune  à  un  mètre  et  bien  d'autres 
merveilles,  car  il  avait  construit  un  télescope 
gigantesque  de  près  de  6  mètres  de  longueur  ; 
mais  malheureusement  l'elTet  ne  répondit  pas  à  la 
grandeur  des  dimensions,  et  le  roi  fut  un  |)eu 
désappointé.  Parmi  les  curiosités  d'optiauc  placées 
à  la  Mnette  sous  la  garde  du  père  Nwi.  il  eu  est 
une  que  nous  ne  pouvons  passer  sous  silence  :  elle 
avait  fait  courir  tout  Paris  avant  d'être  offerte  au 
'intendant  des  Bcaun- 


roi  par  M.  de  Marigny,  i 


ti)  Il  L'Bt  question  ilo  lui  lionnur  le  nui 


liv  Lijui^  i^urv'iil  lu  UliicBu. 

Siilans  une  iiitrc  perspective 
On  iiviuiuiil  !>■!>  r^iirs  des  Fmncol». 
!>.■  <■««  ci-iin.  n-uiiis,  la  peinture  nalvu 
IIl'  l'Amour  ulTrirait  le«  [raitii. 

Le  nombre  des  appareils,  des  tnachines,  allait 
s'auementant  de  jour  en  jour,  et  le  petit  bltimenl 
qui  les  contenait  devenait  insuffisant  ;  c'est  alors 
que  le  roi  fit  acheter,  pour  les  placer  plus  convc' 
uablement,  l'hôtel  du  n"  Hi  de  la  rue  de  Passy. 
qui  était  i  proumiié  du  chSteau  de  la  Muette  et 
n'était  sépare  de  ses  communs,  c'est-à-dire  de  la 
l'etite -Muette,  que  par  U  grille  du  bois  de  Bou- 
logne, barrant  alors  l'entrée  de  la  chaussée  de  la 
MuetU. 

Uuand.au  commencement  du  règne  de  Louis  XVI, 
au  mois  de  juin  1774,  le  père  .Noël  se  relira,  la 


:•- Jeu  d'aptùiiic  n'clsll  pns  nniivrnii.  Il  v  l'n 
■'11  .lùjA.li.'S  c.-iuii>|>]i's  clii.'z  le»  MinîmpB  île 


ftrdedniioaTMDubimtd 

fat  coii6ée  coDJoinlMiMiit  t  drax  mMobrês  de 

l'Acidéaie  des  âciaDcet,  i  Huie-Aleiii  de  Ho- 


;xE9  337 

k  placer  tilleora  les  objets  drait  il  m  composait, 
et,  le  3  septembre  ITW,  ils  furent  traDSportéi 
i  l'Obseirstoire  de  Psris,  oti  probablemenl  on  en 


Vue  intérieure  do  la  maiHOn  1,  rue  tic  le  Pompe. 
(Clicb6  de  M.  Vaillant.) 


cbon,  dit  l'abbé  Rocbon  (1),  astronome  qui  aiait 
fait  onelqueB  ToyiK««  scientifiques  importants,  et 
in  physicien  Jeân-Baptisle  Leroy,  serand  lîla  du 
eilèW  horloger  du  roi.  Tous  deui  dsTinrent  plus 
tardmembresde  rinstitat.  Rorbon  dirifcea  sesre- 
cherehHSDrlesinstnimentsd'optique.eiJ.-B.Lerov 
s'occupa  beauconp  d'électricilé  ;  ions  deux  forent 

Gissamment  secondés  par  Franklin,  alors  notre 
le.  RochMi,  qui  arait  son  logement  habituel  à 
l'ObsemtMre,  et  L««y.  toi  galeries  du  LouTre. 
eurent  en  pins  on  pied-à-terre  an  chlleau  de  lu 
Muette,  et  on  leur  parta)[ea  le  traitement  de 
6.000  livres  qui  avait  été  alloué  au  père  Norl. 

Le  nonveau  cabinet  de  physique  et  d'astrono- 
mie, grlce  iD  lèle  de  nos  aeux  savants  et  i  l'in- 
térêt réel  que  lui  portait  Louis  XVI,  continna  à 
s'enrichir  de  pièces  fort  curieuses  ;  mais  lorsque, 
en  ITSS,  nn  édit  du  roi  eut  prescrit,  pour  cause 
d'économie,  Is  venle  ou  la  démolitioa  des  châ- 
teni  de  Madrid  et  de  la  Maetio,  il  fallot  songer 


censerre  encore  une  bonne  partie  i  titre  de  en- 
riosités  rétrospecliies  (1). 


C8SUS  d«  l'cnlrfp  du  grand 

escalier. 
béduM.  Vaillant.) 


:icn  Ft  opticien  . 


338 


HISTOIRE    DU    XVI*   ABR0NI>I8SEMENT 


Rappelons.en  terminant,  que  cet  hMel  fat  acquis 
et  longtemps  habité- par  le  lieutenant  ^néral  de 
la  Moriière;  ce  sont- ses  héritiers  qui  ont  fait 
élever  le  vilain  corps  de  logis  qui  donne  sur  la 
rue  de  Passy.  Le -célèbre  naturaliste  Laurent  de 
Jussieu,  mort  en  1836,  l'habita  vers  la  fin  de  sa 
yie.  Vers  1850,  Jenny  Vertpré,  la  célèbre  actrice 
du  Gymnase,  femme  du  Taudeyilliste  Carmonche, 
y  avait  sa  demeure.  De  là  elle  vint  habiter  au  n<*  15 
de  la  rue  Nicolo,  ob  elle  mourut  en  1866. 

L.  Mar. 


LE  CABINET  DE  PHYSIQUE  DU  ROI  (i) 

Caroches,  mécanicien  et  opticien  du  ca- 
binet du  Roi,  à  Passy,  près  le  château  de 
la  Muette  à... 


Passy,  le  22  novembre  ilSi, 


Monsieur, 


Je  vous  supplie  de  recevoir  mes  très  humbles 
respects  et  vous  fais  mes  excuses  si  je  prends  la 
liberté  de  vous  interrompre  n^ayant  pas  le  bon- 
heur d*ètre  connu  de  vous. 

Comme  je  viens  d^apprendre  la  mort  de  M.  Blon- 
deau  et  que  je  sais  oue  vous  étiez  lié  avec  lui,  je 
vous  prierai  d*avoir  la  bonté  de  vous  informer  si 
l'Académie  de  Brest  lui  a  remis  dix  louis  pour  le 
paiement  du  baromètre  nautique  en  fer  que  j*ai 
fait  par  Tordre  de  M.  Blondeau  pour  l'Académie. 
Si  M.  Blondeau  en  a  reçu  le  montant,  je  vous 
prierais  de  "m'indiquer  à  qui  il  faudrait  que  je 
m'adresse  à  Brest,  soit  à  sa  famille  ou  autrement. 

J'ai  entre  mes  mains  une  lettre  du  26  mai  1781 

Sar  laquelle  M.  Blondeau  me  fait  la  commande 
*un  baromètre  nautique  en  fer  par  ordre  de  l'Aca- 
démie et  que  l'Académie  me  comptera  120  francs 
dès  que  l'instrument  lui  sera  parvenu  parfait  de 
ma  part  et  en  état  d'être  achevé  par  M.  Blondeau 
en  ce  qui  le  concerne,  et  la  plupart  des  lettres  et 

I taquets  et  modèles  ont  été  adressés  chez  M.  Kéra- 
io  (2),  cour  des  Fontaines,  au  Luxembourg,  à 
Paris. 

line  autre  lettre  du  30  avril  1782,  de  M.  Blon- 
deau, par  laquelle  il  m'écrit  que  le  ministre  a 
commandé  100  tubes  à  la  manufacture  de  Tulle. 
C'est  cette  lettre  qui  m'a  engagé  à  en  exécuter 
deux  parce  quej'avais  écrit  que  cela  me  paraissait 
à  trop  bon  marché  et  que  ie  m'en  trouverais  mieux 
à  en  exécuter  deux  à  la  fois  qu'un  seul  et  que  je 
lui  en  finirais  un  totalement,  afin  qu'il  me  fasse 
les  observations  nécessaires  pour  corriger  les  de- 


(i)  D'oprèsi  l'uriKinnl  cominuniniit'  par  M.  An- 
toine Giiillois.  Le  cabinet  de  plivsiiiue  du  Hoi 
était  installé  dans  la  maison  qui  fait  actuellement 
l'angle  de  la  rue  delà  Pompe  et  de  la  rue  de 
Pussy.  La  partie  qui  est  sur  la  rue  de  la  Pompe 
n'a  subi  aucune  modiflcalion  depuis  un  siècle. 

(vl)  Ins]»ecleur  j^ênérnl  «les  Ecob*s  royales  mili- 
taires, c'est  M.  de  Kéralio  qui  a\ait  fait  cetU*  pré- 
diction que  le  jeune  Bonaparte,  alors  h  Brienne, 
ferait  un  excelfeul  oflicier  de  Marine. 

A.  G. 


fauts  du  premier  sur  le  second,  ce  qui  a  été  fait. 

Une  autre  lettre  du  2  aoAt  1782  de  M.  Blon- 
deau en  réponse  à  une  lettre  que  je  lui  avais 
écrite  pour  lui  demander  certaines  mesures,  il  me 
dit  de  m'adresser  ch(z  M.  Keralio,  que  je  trou- 
verais dans  les  cahiers  imprimés  de  son  Journal 
de  la  Marine  les  dessins  gravés  et  que  je  tâche 
de  lui  finir  au  moins  un  des  deux  baromètres. 

Il  m'écrit  :  <  Nous  venons  de  recevoir  de  Tulle 
49  tubes  et  49  bouts  propres  .à  en  faire  autant; 
si  TAcadémie  était  contente  de  votre  travail,  Ton 
écrirait  de  vous  envoyer  une  partie  des  51  que 
nous  attendons  encore  afin  d'éviter  les  dépenses 
du  transport  et  la  perte  du  temps.  » 

Enfin» la  dernière  lettre  que  j*ai  reçue  de  M. Blon- 
deau, du  25  aoiU  1783,  ob  il  me  marque  qu^il  a 
reçu  depuis  peu  de  jours  le  second  baromètre  en 
fer,  «  et  il  a  fallu,  m'écrit-il,  le  faire  recevoir  à 
l'Académie  et  me  faire  autoriser  à  en  solliciter  le 
paiement  ainsi  que  du  premier ,ce  que  je  fais,mais 
cela  entraînera  plusieurs  formalités  :  je  vous  satis- 
ferai le  plutôt  possible  ». 

Vous  voyez,  xVonsieur,  par  cet  exposé,  que  ma 
dette  est  légitime  ;  de  plus,  on  a  dA  trouTer  des 
lettres  de  moi  depuis  cette  dernière  époque  dans 
les  papiers  de  M.  Blondeau,  où  je  lui  marquais 
que  les  baromètres  me  coûtaient  beaucoup  plus 
que  j'en  devais  recoToir,  que  je  le  priais  de  me 
faire  réponse  sur  le  parti  que  j'avais  i  prendre 
pour  demander  le  paiement  à  l'Académie,  au'ayant 
quitté  mon  commerce,  étant  attaché  au  cabinet  du 
roi  à  Passy,  que  je  ne  pouvais  plus  lui  en  cons- 
truire, mais  que  je  donnerais  un  ouvrier  à  Paris 
qui  les  exécuterait  bien,  puisqu'il  avait  travaillé 
à  ceux  de  l'Académie  et  que  je  les  suivrais  pour  le 
bien  de  la  marine  puisque,  suivant  M.  Blondeau, 
cet  instrument  était  très  précieux. 

Je  n'ai  eu  depuis  ce  temps  aucune  réponse. 
Cependant  la' famille  a  dû  recevoir  mes  lettres. 

J'espère,  Monsieur,  que  vous  voudrez  bien  avoir 
la  bonté  de  vous  employer  pour  moi  et  de  m'ho- 
norer  d'un  mot  de  vos  intentions,  et  je  suis,  etc. 

CiiROCHEr. 


L'ANCIEN  HOTEL  DE  LA  FOLIE 

Jusqu'en  1 890,  date  de  sa  regrettable  démolition , 
la  vue  était  attirée,  ^  l'angle  de  la  rue  Gavamî, 
sur  l'emplacement  s'étendant  jusqu'au  n^  10 
actuel  de  la  rue  de  Passy,  par  un  ancien  h6tel 
du  temps  de  Louis  XV,  place  un  peu  obliquement 
entre  cour  et  jardin,  et  ayant  conservé,  malgré 
sa  simplicité  qui  n'était  pas  sans  grandeur,le  gra- 
cieux cachet  de  son  époque.  Longtemps  il  avait 
porté  le  nom  à'Hôtel  de  la  Folie,  probablement 
parce  qu'il  avait  été  construit  sur  remplacement 
d'une  ancienne  propriété,dite  ia  Folie,  qui  appar- 
tenait déjà,  versl680,à  laseigneuric  de  Passy  etne 
devait  avoir  que  peu  d*importance,  puisqu'elle  ne 
rapportait  alors  que  quinze  sols  par  an,  ainsi  qu'on 
a  pu  le  voir  par  les  comptes  de  Christine  de  Heorles, 
châtelaine  de  Passy.  A  cet  hAtel  se  rattachait  un 


ANNEXES 


339 


BOOTenir  historique,  peu  édifiant,  il  est  vrai,  mais 
que  -nos  annales,  au  risque  de  paraître  incom- 
plètes, ne  pouvaient  cependant  passer  sous  silence, 
barbier,  oans  son  Journal,  Lacretelle  dans  son 
Histoire  de  France  pendant  le  xfin^  siècle. 
Mine'  du  Hausset,  femme  de  chambre  de  filme  de 
Pomoadour,  et  Mme  Campan  dans  leurs  Mémoires, 
ainsi  que  Uainet,d*après  eux,  dans  ses  Chroniques 
de  Passy,  racontent  plus  on  moins  fidèlement  les 
aventures  de  notre  héroïne  (si  héroïne  il  y  a), 
mais  ne  sont  pas  souvent  d'accord  sur  les  détails  ; 
aussi  croyons-nous  que  le  mieux  est  de  ne  pas 
nous  y  appesantir  et  de  nous  en  tenir  plutôt  aux 
généralités  et  surtout  au  dire  de  Tavocat  Barbier, 
qui  a  composé  son  Journal  avec  des  notes  prises 
ad  uiimm,  au  jour  le  jour,  notes  qui  n^avaient 
pas  encore  été  consultées  pour  l'histoire  de  BUle  de 
Romans. 

Donc,  le  21  juillet  4764,  Louis  XV  éuit  venu 
à  Paris  pour  tenir  un  lit  de  justice.  S'en  retournant 
à  Versailles,  il  remarqua,  sur  le  parapet  de  la 
terrasse  des  Tuileries  qui  longe  la  Seine,une  jeune 
fille  qui  lut  parut  d'une  grande  beauté.  Elle  était 
accompagnée  de  sa  mère,  femme  d'une  tournure 
assez  élégante,  et  de  son  père,  chevalier  de  Saint- 
Louis.  Arrivé  à  Versailles,  il  ordonna  i  son  confi- 
dent Lebel  de  faire  rechercher  et  de  lui  amener  la 
jeune  fille,  dont  il  lui  donna  le  signalement.  Lebel, 
toujours  fort  adroit  pour  ces  sortes  de  missions, 
découvrit  bientôt  la  demeure  de  la  belle,  et,  de 
concert  avec  ses  parents,  qu'il  trouva  dans  une 
situation  des  plus  précaires,  la  conduisit  avec  sa 
mère  à  Versailles  (dit  Quillet),  ou  à  Marly  (selon 
Barbier),  sous  le  prétexte  de  visiter  le  parc  et  le 
château.  Toujours  est-il  que,  peu  de  temps  après, 
Mlle  de  Romans,  qui  n'avait  pas  voulu  consentir 
à  aller  loj^er  an  Parc-aux-Cerfs,  à  Versailles,  où 
se  trouvaient  des  filles  de  basse  condition,  était 
installée  confortablement  à  Passy  dans  l'hôtel  de  la 
Folie,  que  Louis  XV  avait  acheté  ou  plutôt  loué 
pour  elle,  et  que  de  là  elle  se  rendait  à  Versailles 
dans  un  carrosse  à  six  chevaux,  quand  le  roi  ne 
séjournait  pas  à  la  Muette.«  Mlle  de  Romans  (ajoute 
€  Barbier)  était  d'une  famille  du  Dauphiné,  avait 
«  alors  vingt  et  un  ans,  était  bien  faite,  ti  es  jolie 
€  sans  être  positivement  belle  (on  citait  surtout 
«  la  beauté  de  ses  cheveux  noirs),  bien  élevée  et 
€  ayant  beaucoup  d'esprit.  »  Sur  le  point  d'être 
mère,  elle  obtint  du  roi  l'autorisation  de  faire  porter 
le  nom  de  Bourbon  au  fils  qu'elle  attendait,  et,  au 
moment  de  sa  délivrance,  elle  reçut  un  billet  de 
la  main  de  Louis  XV,  ainsi  conçu  :  <  Monsieur  le 
curé  de  Passy, en  baptisant  ^enfant  de  Mlle  de 
fiofnansjui  donnera  les  noms  suivants:  Louis 
N.  de  Bourbon.  »  Folle  de  joie,  elle  déclara  au 
roi  que  ce  fils,  qu'il  s'était  engagé  à  reconnaître 
défifiitivement  en  temps  et  lieu,  lui  était  trop  cher 
pour  le  laisser  aller  en  nourrice  et  qu'elle  tenait 
à  le  nourrir  elle-même.  Accompagnée  d'une  ber- 
ceuse, et  richement  parée  de  dentelles  et  de  dia- 
mants, elle  conduisait  tous  les  jours  Monseigneur , 
dont  les  langes  étaient  ornés  des  armes  royales, 
respirer  l'air  pur  du  bois  de  Boulogne.  On  prétend 
même  que  Mme  de  Pompadour,  inquiète,  voulant 
voir  Mlle  de  Romans  incognito,  fit  exprès   le 
voyage  de  Versailles  ou  de  Bellevue  au  bois  de  Bou- 
logne à  l'heure  oh  la  jolie  nourrice  s'y  rendait 


habituellement.  Néanmoins^  à  part  son  orgneil 
maternel,  «  Mlle  de  Romans  (disent  les  Fastes  de 
Louis  XK)  vivait  dans  la  retraite,  montrait  beau- 
€  coup  de  modestie,  édifiait  même,  autant  que  le 
€  permettait  son  état,  ses  voisins  et  son  curé,  se 
«  faisait  aimer  par  sa  bienfaisance  et  ses  charités  et 
«  avait  le  bon  esprit  de  ne  pas  se  mêler  des  affaires 
€  publiques»,  liais,  quelques  années  après,  un 
certain  abbé  de  Lustrac,  fort  intrigant,  gagna 
Mlle  de  Romans  et  s'impatronisa  chez  elle,  sous 
le  prétexte  de  concourir  à  l'éducation  de  son  fils. 
La  prenant  par  son  côté  faible,  il  lui  fit  sentir  la 
nécessité  de  presser  le  roi  de  remplir  sa  promesse  à 
l'égard  de  l'enfant,  ajoutant  que  cette  reconnais- 
sance ne  pourrait  manquer  de  consolider  sa  situation 
à  elle-même.  Suivant  ces  dangereux  conseils,  allant 
même  jusqu'à  se  flatter  de  faire  légitimer  son  fils(4  ), 
elle   fatigua   tellement  le  roi  par  tes  insistances 

?iu'un  beau  matin  il  fit  enlever  orosquement  Ten- 
ant, qu'il  fit  placer  incognito  dans  un  collège. 
Mlle  de  Romans  n'osa  réclamer  contre  cette  violence 
qu'après  la  mort  de  Louis  XV.  Louis  XVI  lui  fit 
rendre  son  fils,  qu'il  protégea,  fit  entrer  dans  les 
ordres,  et  qui  fut  connu  sous  le  nom  de  l'abbé  de 
Bourbon.  C'était  un  fort  joli  garçon,  ressemblant 
extraordinairement  à  Louis  XV.  En  4783,  il  fut 
nommé  chanoine  honoraire  de  Téglise  de  Paris  et. 
Tannée  suivante,  grand  vicaire  de  l'archevêché.  On 
lui  destinait  l'abbaye  de  Saint-Germain-des-Prés, 
Tévèché  de  Bayeux  et  le  chapeau  de  cardinal, 
lorsqu'il  mourut  à  Rome  d'une  petite  vérole  con- 
fluente,probablementen  4 787, car, passé  cette  date, 
son  nom  ne  figure  plus  aux  almanachs  royaux. ..  Sa 
mère  avait  fini  par  épouser  un  gentilhomme  du 
nom  de  Séro/i-Cavanac,  dont  elle  eut  plusieurs 
enfants  (S). 

Nous  avons  dit  plus  haut  que  nous  supposions 
l'hôtel  plutôt  loué  qu'acheté  par  Louis  XV,  et  voici 
pourvoi.  D'abord  Barbier,  dans  son  Journal,  dit 
positivement  :  <  Le  roi  lui  a  loué  un  hôtel  à 
Passy.  »  Or,  vers  cette  époque,  la  propriété 
appartenait  à  Abraham- Jacques Silvestre,  conseiller 
du  roi,  notaire  au  Chàtelet  de  Paris,  qui  mourut 
jeune,  eu  4765,  laissant  trois  fils  aux  noms  bibli- 
ques: Abraham,  Isaac  et  Jacob.  Le  cadet,  Isaac, 
qui  tourmenta  son  prénom  pour  en  faire  Sacy  (Sil- 
vestre Sacy,puis  de  Sacy),  fut  le  célèbre  et  savant 
orientaliste  que  Ton  sait,devint  membre  de  l'Aca- 
démie des  Inscriptions  et  Belles-Lettres,  puis  de 
Tlnstitutet  baron  de  l'Empire  (3). La  veuve  du  no- 


(0  Si  Loais  XV  eût  reconnu  et  légitimé  tous  «m 
bâtards,  c'eût  été  une  charge  trop  lourde  pour  VElal, 
dil  ironiquement  Mme  .Campan  dans  ses  Mémoires, 
à  propos  du  fils  de  MUe~dé*Romans. 

(2)  On  trouve  aux  olmanochs  royaux  un  M.  de 
Romans,  brigadier  d'infanterie  depuis  le  !22  jan- 
vier 1769,  et  maréclial  de  camp  depuis  le  1*'  mars 
17^  ;  je  le  soupçonne  fort  d'èlre  le  frère  de  notre 
héroïne. 

(3)  D'une  note  due  à  l'obligeance  d'un  des  repré- 
sentants actuels  de  la  famille  Silvestre  de  Sacy, 
il'résulte  que  celle-ci,'  bien  qu'affiliée  au  jansé- 
nisme, —  à  ce' point;- qu'Antoine  Isaac  Silvestre 
aurait  peut-être  prisson  nom  •  de  Sacy  «par  ana- 
logie avec  celui  au  grand  janséniste  Lemaltre,  qui 
avoit  inter\'erti  les  lettres  de  son  prénom  Isaac 
pour  en  faire  Sacy,  —  n'était  h  aucun  degré  lié  de 
parenté  avec  la  famille  Lemattre. 

D'ailleurs,  le  nom  de  Sacy  ajouté  à  celui  de  Sil- 
vestre   ne   devint   réellement   légal   qu'en    1818, 


34o                                                 HISTOIRE   Dr   XVI'  ARHONDISSEMEVT 

Uin  AbraluB-J»eaiies  SîInMrc,  Itle  «Ile-stac  sOBnil  qn'co  1849.  l|ie4e<pMli«-Tiiigt-*iiiii, 

do  DOtiin  Judde,  lenne  «Im  ploa  rcKarqiublM  ctcomcrT*  toii)oDn  rb«lel  da  b  Polie,  qa'm  Gnil 

par  n  piété  «t  n  efatrilé  tann  les  piurres,  ae  p*r  appeler l'biMelSilTettre.ApréiHBart.naBM- 


laac  Sllveslra  tul  cri-è  baron  île  blefatacqobpoDraiMGiiiqiuulluoedeinillefrailcs. 

I  élalt  le  rieuilème   flis  il  Abm-  Dtns  KS  Ch/vniqMt  de  Patta,  Quillel  dit  qo'oo 

iï"j»".°Erl.'XtXi:~,S  To,.il»»r,«48S6   J.Difb.biUli«,.l.mo- 

Mnay  rien  ajouter:  la  IroïKlème  buter  qui  ttlil  Mm  i  Mlle  de  Ronans,  et  que  le 

SUvpBlre    rié    Chanleloiip     cnmme    la  riche    propriétaire    d'alon.  H.   Nicolas    Deyeoi, 

^-w-  M   narairétabn^ut  reîlMrna'janïïis  hn^  Vticita   pharmacien    de    l'Empereor,  membre  de 

bile  Paisy.  l'Académie  des  Sciences  (section  de  chimie),  se 


l°EDiplre!'l 
■u  Chlt^" 


deuiiéme   branche    était   d«T 


ANNEXES 


341 


faisait  an  plaisir  d^entendre  et  de  conserver.  Les 
jardins,  déjà  fort  beaux  du  temps  de  BUie  de  Romans 
avaient  été  bien  agrandis  et  embellis  depuis, 
nrice  à  Facqnisition  a*an  terrain  voisin,  ayant  servi 
de  carrière.  Nicolas  Deyenx  avait  su  très  henrea- 
sement  tirer  parti  des  accidents  de  terrain  de 
cette  ancienne  carrière,  qn'il  avait  fait  recouvrir 
de  terre  végétale,  et  était  arrivé  à  en  faire  une 
vallée  en  miniature.  Il  mourut  estimé  de  tous,  le 
24  mai  1837,  en  son  hôtel  de  Passy,  qu'il  habitait 
ré^lièrement  depuis  longtemps,  dans  la  belle 
saison. 

A  partir  de  cette  époque,  Tbôtel  eut  desdestinées 
diverses,  et  le  fils  de  M.  Deyeux,  qui  en  avait 
hérité,  ne  lenrda  pas  longtemps.  Qui  le  croirait? 
Ce  fut  Jules  Janin,  le  prince  des  critiques,  oui 
en  devint  acquéreur,  au  prix  de  80.000  ou  90.000 
francs;  mais  comme  cette  acauisition  était  un  peu 
lourde  pour  lui,  ce  fut  son  beau-jpère,  M.  Huet, 
qui  en  devint  le  propriétaire  défimtif.  Jules  Janin 
se  plaisait  beaucoup  dans  cette  demeure,  et,  des 
maisons  voisines,  on  le  voyait  souvent  se  promener 
dans  son  jardin,  emmitouflé  d'une  large  robe  de 
chambre  en  molleton  blanc,  coiffé  d*un  simili  bonnet 
de  coton, et  toujours  accompa|^éd*un  |[ros  mouton, 
blanc  comme  son  maître,  qui  ne  le  quittait  jamais. 
Vers  1845,M.Huet  loua  l'hôtel, qui  devint  alors  éta- 
blissement orthopédique  sous  la  direction  du  docteur 
Tavemier.  Ce  dernier  mourut  en  1855.  Vers  1868, 
la  propriété  fut  acquise  par  le  prince  Paul  de  Dé- 
miaofl,  (|ui  se  proposait  de  la  restaurer  entièrement 
et  rêvait  d^en  faire  un  séjour,  disons  plutôt  un  nid 
enchanteur,  garni  d'objets  d'art  de  tonte  sorte, 
quand  la  mort  de  sa  jeune  femme  bien-aimée 
vint  arrêter  tous  ces  beaux  projets.  Les  pauvres 
de  Passyse  souviennent  encore  avec  reconnaissance 
de  l'immense  calorifère  aue  le  prince  avait  fait 
établir  à  leur  intention,  à  l'entrée  de  sou  hôtel,  et 
ob,  librement,  à  toute  heure,  ils  pouvaient  venir 
se  chauffer  l'hiver,  quand  les  froids  étaient  trop 
rigoureux.  Enfin,  peu  de  temps  après,  l'hôtel  rede- 
vint maison  de  santé,  puis  rut  pension  de  jeunes 
Î^ens,  dirigée  en  dernier  lieu  par  des  prêtres,  sous 
e  vocable  de  Saint-Cbarles.  11  disparut  définitive- 
ment pour  faire  place  à  des  maisons  de  rapport  et, 
tout  récemment,  à  une  nouvelle  petite  rue  qui  a 
pris  le  nom  de  Claude  Chahu,  époux  de  Christine 
de  Heurles,  fondateurs  tous  deux  de  la  paroisse 
de  Passy  et  bienfaiteurs  de  l'Hôtel-Dieude  Paris. 

Qu'il  me  soit  permis,  eu  terminant,  de  remer- 
cier les  personnes  qui  m'ont  fourni  de  nouveaux 
détails  sur  l'histoire  de  cet  hôtel:  Mme  Tavemier; 
M.  Talamon,  son  dernier  propriétaire,  qui  a  bien 
voulu  me  confier  la  seule  photographie  qui  existe, 
pour  en  faire  un  dessin,  ainsi  que  M.  Château, 
membre  de  notre  Société,  qui  m'a  communiqué  les 
notes  qu'il  avait  sur  la  famille  Silvestre. 

L.  Mar. 

P.-S.  ~  En  réponse  à  une  demande  que  nous 
lui  avions  adressée,  notre  éminent  collègue,  M. 
Arsène  Houssaye,  nous  a  adressé  la  charmante 
lettre  que  voici  : 

Mon  cher  confrère,"^  car  je  suis  moi-même 
peintre  à  mes  heures  perdues,  —  oui,  fai 
habile  r hôtel  de  Mlle  de  Romans,  le  jour  même 


de  mes  noces,  en  avril  i84S.  Après  un  gai 
déjeuner  chez  ma  tante  de  Brucy,wms  allâmes 
à  Passy  où  nous  attendaient  M.  et  Mme  Jtdes 
Janin,  qui  ont  habité  r  hôtel  en  question  et  qui 
étaient  alors  en  villégiature»  —  Nous 
dînâfnes  tous  les  quatre  ensemble,  après  quoi 
ils  nous  donnèrent  leur  bénédiction  et  retour- 
nèrent à  Paris.  —  Notre  lune  de  miel  dura 
toute  une  belle  semaine  dans  cette  poétique 
demeure  que  tout  le  monde  admirait  au  pas- 
sage.Les  vieux  arbres  nous  firent  bon  visage  et 
nous  oablidnies  sous  leur  ombrage  les  vanités 
de  ce  monde.  On  nous  croyait  à  Venise,  où  nous 
n*alldmes  que  plus  tard.  Uhôlel  de  Mlle  de 
Romans  fut  pour  nous  une  des  plus  belles 
stations  de  notre  vie  ;  le  souvenir  m'en  est 
donc  sacré.  —  Agréez,  etc. 


l 


UN  COIN  DU  VIEUX  PASSY 

La  rue  de  la  Montagne  (actuellement  rue  Bee- 
thoven), à  l'exception  de  la  partie  qui  va  du  quai 
delà  Seine  au  grand  escalier,  est  maintenant  une 
des  moins  fréquentées  de  Passy  ;  d'ailleurs,  bou- 
chée sur  deux  côtés  dans  sa  partie  la  plus  élevée, 
elle  n'est  plus  guère  qu'une  impasse. 

11  n'en  était  pas  de  même  autrefois.  Longtemps 
elle  fut  la  rue  la  plus  animée  du  village,  parce 
"u'elle  était  à  peu  près  la  seule  voie,  en  venant 
le  Paris,  qui  conduisit  —  par  une  montée  com- 
bien rapide  !  —  au  centre  du  pays. 

De  la  Seine  à  la  partie  faisant  angle,  elle  était 
bordée  à  droite  par  un  mur  de  clôture  qui,  paral- 
lèle aux  bâtiments  conventuds  des  Bonshommes, 
était  terminé  par  deux  portes  d'entrée,  une  petite 
pour  le  service  ordinaire  des  religieux,  et,  à  quel- 
ques pas  plus  haut,  une  porte  cintrée  assez  monu- 
mentale, faisant  face  à  la  partie  de  la  rue  la  plus 
élevée.  Cette  porte  était  flanquée  de  deux  pilas- 
tres cannelés  à  tambours,  soutenant  un  fronton 
triangulaire  surmonté  d'un  buste,  sans  doute 
celui  de  saint  François  de  Paule,  de  chaque  côté 
duquel  était  agenouillé  de  façon  bien  bizarre  un 
religieux  qui  semblait  l'implorer.  La  clef  de  voûte 
reliant  le  cintre  de  la  porte  à  la  base  du  fronton 
était  ornée  d'une  croix  simple  sculptée. 

Cette  porte  avait  dû  être  élevée  vers  la  fin  de 
la  Renaissance,à  l'époque  où  eut  lien  la  dédicace  de 
l'église  (1),  ou,  au  plus  tard,  dans  les  premières 
années  du  xvu*  siècle,  et  c'est  elle  que  franchissait 
solennellement,  à  différentes  époques  de  l'année, 
le  clergé  de  la  paroisse  de  Pas^r,  4|uand  il  venait 
processionnellement  officier  à  l'éghse  du  couvent. 

Vis-à-vis  des  bâtiments  conventuels  était  la 
maison  dont  nous  donnons  le  dessin,  et  (|ui,  à  en 
juger  par  sa  haute  toiture  et  par  l'ancienne  fe- 
nêtre à  meneaux  qui  en  est  le  plus  bel  ornement, 
doit  être  la  plus  ancienne  de  Passy  et  contempo- 
raine de  la  porte  du  couvent  que  nous  venons  de 
décrire.  Elle  porte  le  n?  9  de  la  rue  Beethoven. 

(i)  Vuir  le  lomv  I**^  de  notf  DalMinn^  pp.  180  &  18a. 


3(2  HISTOIRE   DU   XVI»  ARRONDISSEMENT 

Cette  maison,  depuis  lon|^ps  dàutnrée  pir  C'était  là  qn'iTaot  U  RèvotalioD  l««  hibitaili 

les  «Msiniclion*  et  destructions  de  toutes  sortes      de  Passy  alUieutptiuoo  '       ' 

qa'oo  ;  ■  failes,  eit,  en  raison  des  irrégnlaritéi      ter  du  cens,  sor-cens  oi 


Maison,  g,  rue  Beelhovcn. 

qu'elles  ont  causées,  Traîment  pittoresque,  et  nous  seigneur  et  mallre. 

lions  pensé  qu'il  était  bon  de  la  sauver  dcl'oulili,  Aojourd'hm  cette  antique  et  biurre  constrnc- 

cir  elle  est  certainement  appelée  à  disparaître  lion  n'est  certes  pas  habitée  par  des  millionDairei 

dans  nu  temps  plus  ou  moins  rapproché.  (ne  l'est  pas  qui  veut)  ;  il  surêl  d'aller  dans  sa 


ANNEXES 


343 


coor,  aux  coins  et  recoins  plus  ou  moins  rustiques, 
au  Tieux  puits  à  margelle,  pour  se  convaincre  que 
ce  n*est  pas  de  ià  que  yient  la  dépopulation  de  U 
France  :  les  enfants  semblent  y  sortir  de  terre  et 
pullulent  de  tous  côtés  ;  des  hommes,  des  femmes 
de  tout  âge,  valides  ou  malingres,  des  chiens,des 
chats,  des  rats,  s*y  côtoient  et  semblent  vivre  en 
commun,  je  ne  d»  pas  en  parfaite  harmonie. 

On  l'ap^lait  autrefois  Cour  baiaoe;  on  rap- 
pelle îroniqttemeDt  aujourd'hui  Cour  des  mira- 
cles ;  mais,  malgré  tout,  ce  n^est  pas  une  vraie 
cour  des  miracles,  en  dépit  du  non  impoli  qu*on  lui 
donne;  elle  n*a.  Dieu  merci  !  ni  truands  ni  Glopins 
Trouillefou  ;  néauDoins  quel  étrange  caphamaum 
humain! 

Pour  être  complet,notons  qu'une  maison  près- 

Îjue  voisine  de  celle  que  nous  reproduisons  et  qui 
ormait  Tautre  angle  de  la  rue,  du  côté  des  nu- 
méros pairs,  fut  longtemps  affectée  à  un  poste  de 
gendarmerie,  composé  en  moyenne  d*on  maréchal 
des  logis,  d'un  bngadier  et  de  dix  gendarmes  (4). 
0  Pandores,  que  vous  dûtes  couler  d'heureux 
jours  au  milieu  de  notre  calme  et  honnête  popu- 
lation!  Brigadiers,  vous  aviez  raison. 

L.  Mar. 


LAUZUN  A  PASSY 

Le  duc  de  Lauzun,  si  célèbre  par  ses  aventures 
avec  la  grande  Mademoiselle,  aventures  dont  les 
suites  lui  valurent  un  internement  de  dix  ans 
dans  la  forteresse  de  Pignerol,  avait  fini  par  recon- 
quérir une  certaine  faveur  à  la  cour,  après  sa  belle 
conduite  en  Angleterre,  d'où,  en  1688,  il  avait  pu 
ramener  sains  et  saufe  à  Calais  la  reine  et  le  prince 
de  Galles,  que  Jacques  II  lui  avait  confiés.  Deux 
ans  après  la  mort  de  Mile  de  Montpensier,  c'est-à- 
dire  en  i695,  alors  qu'il  était  plus  que  sexagé- 
naire, il  avait  épousé  une  jeune  fille  de  quatorze 
ans,  Geneviève  de  Dufort  de  Lorges,  fille  du  maré- 
chal et  belle-sœur  de  Saint-Simon.  Ce  fut  proba- 
blement vers  cette  époque,  ou  peu  de  tempsaprès, 
qu'il  acheta  ou  se  fit  construire  à  Passy  une  fort 
belle  maison  qu'il  garda  jusqu'à  sa  mort,  et  dont 
on  voit,  dit-on,  encore  les  soubassements  dans  la 
propriéét  Delessert.  Indépendamment  de  la  jolie 
situation  de  cette  maison,  un  autre  motif  avait  pu 
l'attirer,  le  voisinage  du  couvent  de  la  Visitation 
de  Chaillot,  où  sa  femme  avait  une  sœur  pen- 
sionnaire qui  devint  religieuse,  et  où  séjournaient 
souvent  ses  beaux-parents,  le  maréchal  et  la  maré- 
chale de  Lorges,  bienfaiteurs  de  ce  monastère,  où 
ils  voulurent  être  inhumés. 

Extraordinaire  en  tout  par  nature,  Lauzun  se 
plaisait  encore  à  outrer  son  origanalité  :  il  allait 
parfois  jusqu'à  contrefaire  le  sourd  et  l'aveugle, 
pour  mieux  entendre  et  voir,  sans  qu'on  se  deiUt 
de  lui  ;  mais,  en  résumé,  malgré  toutes  sesbizar- 


(1]  Ce  poste  (le  ^ondnrmeric  fui  roporlô  i)Uis 
lani.  pour  la  comuioHiU'  de  tous,  nu  somuiel  de  la 
rue  de  la  MoilUi^ue  (Beelhoven). 


reries,  il  était  bon  et  serviable.  Sous  une  apparence 
trompeuse,  il  avait  une  santé  de  fer.  «  Peu  de 
<  mois  avant  sa  dernière  maladie,  dit  Saint-Simon, 
«  c'est-à-dire  à  plus  de  quatre-vingt-dix  ans,  il 
«  dressait  encore  des  chevaux,  et  fit  cent  passades 
«  au  bois  de  Boulogne,  devant  le  roi  aoi  allait  à 
«  la  Muette,  sur  un  poulain  qu'il  venait  de  dresser, 
«  mais  qui  l'était  à  peine,  et  surprit  les  specta- 
«  teurs  par  son  adresse,  sa  fermeté  et  sa  bonne 
«  grâce.  » 

Lauzun  mourut,  en  i7!23,  d'un  cancer  à  la  bou- 
che, au  couvent  des  Petits-Augustios  (actuellement 
Ecole  nationale  des  Beaux -Arts).  U  y  avait  loué, 
pour  mourir  en  paix,  un  petit  appartement 
communiquant  à  sa  maison,  et  c'est  au  couvent 
même  qu'il  fut  inhumé. 


SAINT-SIMON  A  PASSY 

Vers  le  milieu  de  juillet  1749,  Saint-Simon  et 
sa  femme  s'établirent  à  Passy,  à  l'hôtel  du  duc  et 
de  la  duchesse  de  Lauzun  (propriété  Delessert) 
pour  se  rapprocher  du  château  de  la  Muette,  où 
résidait  alors  le  Régent,  qui  se  tenait  auprès  de 
sa  fille  mourante,  la  duchesse  de  Berry.  Quelques 
jours  après  la  mort  de  cette  princesse,  qui  eut 
lieu  le  1i  juillet,  Mme  de  Saint-Simon,  par  suite 
de  la  fatigue  extrême  que  lui  avaient  occasionnée 
les  soins  qu'elle  avait  donnés  à  la  duchesse  de 
Berry,  dont  elle  était  dame  d'honneur,  fut  atteinte 
d'une  fièvre  maligne  oui,  pendant  six  semaines,  la 
mit  à  toute  extrémité.  M.  de  Fontanieu,  garde- 
meuble  du  Régent,  offrit  alors  sa  maison  de  cam- 
pagne de  Passy  à  Saint-Simon,  pour  que  sa  femme 
pôt  y  respirer  un  air  pur  et  s'y  reposer.  Il  lui 
fallut  deux  mois  pour  se  remettre.  4  Cet  accident, 
dit  Saint-Simon  dans  ses  Mémoires,  me  pensa 
tourner  la  tête,  me  séquestra  du  tout  pendant 
deux  mois  sans  sortir  de  cette  maison  et  pres- 
que de  la  chambre  de  ma  femme,  sans  ouïr 
parler  de  rien,  et  sans  voir  le  peu  de  proches 
ou  d'amis  indispensables.  »  Quand  sa  femme 
fut  à  peu  près  rétablie,  Saint-Simon  obtint  du 
Régent  l'autorisation  d'aller  l'installer  dans  un 
appartement  du  château  de  Meudon  pour  y  ache- 
ver sa  convalescence. 


LES  DELESSERT  (1) 

Parmi  les  hommes  qui  ont  acquis  des  droits  à  la 
reconnaissance  publique  par  des  fondations  philan-* 


(i)  La  première  orthographe  de  ce  nom  était  en 
deux  mots:  De  Lexsert.  Les  Delessert  avaient 
pour  armes  un  écusson  d'azur  charj^c  d'une  fleur 
de  li<4  d*or  en  chef  et  d'un  croissant  d'argent  en 
pointe,  ^rcompasnés  de  deux  étoiles  de  même; 
supports  :  deux  lévriers  A  la  lèle  contournée  ;  de- 
vise :  Toat  vient  de  Dira.  Jamais  ils  ne  se  pK'va- 


3(4  HISTOIRE    DU   XVI* 

thrapiques.  des  tniaDx,  d«s  d«Mav<ri«i  miles 
k  l'bumaDÎIé  ou  par  d'admirablM  tniti  da  bien- 
biiince,  parmi  mux  qui  ont  acquis  d«s  droite  i  la 
reeonaaissaDce  spÂciale  des  habitaote  de  Passy  par 
toDS  les  bienfaits  tonnas  ou  inconnos  qu'ils  y  ont 
répandus,  il  n'en  est  guère  qui  les  aieot  autant 
merilésque  les  membres  de  cette  admirable  bmille 
des  Delessert,  établie  i  Passy  depuis  plus  d'un 
siècle,  et  dont  il  convient  de  noter,  an nt  tout,  les 
trois  Trères  Benjamin,  Gabriel  et  François,  dont 
l'intime  union  ne  se  démentit  jamais.  Cor  unum 
et  anima  una. 

Leur  père.  Etienne,  né  i  Lyon  le  30  arril  ITS-t, 
était  le  lib  d'un  honomble  commerçant  de  cette 
Title,  originaire  de  Suisse  et  issu  d'ooe  famille 


I  des  soies  dont  s'occupait  ilon 
spécialement  Etienne  Delessert,  il  avait  de  nom- 
breuses relstions  i  Paria;  désirant  étendre  le 
oorcle  et  la  nature  de  ses  affairts,  dés  1175  il  avait 
tooroé  les  yeai  vers  la  capitale,  et  vint  s'y  ftier 
déRnitivement  en  1777. 

Sons  la  raison  sociale  Delestert  etC'.ilj  fonda 
une  maison  de  banque,  établie  d'abord  nw  Hau- 
conseil,  puis  rue  Coq-Héron  q°3,  i  l'ancien  hMel 
Cbamillard  (1).  Peu  de  temps  après,  comprenant 
la  nécessité  de  fouroir  des  noywis  de  créait  con- 
venables au  commerce  de  Paris,  qui  s'aïq^meatait  de 
jour  en  jonr,  il  communiqua  à  qnelqnea-nD*  des 
linanciers  les  plus  habiles  de  cette  èpoone,  avec 
Icsqueb  il  était  lié,  ses  idé«s  sur  rétablissemest 


Portrait  île  E  lennc  Delessert. 

(Collcclion  .le  M.  Emile  l'olin.) 


r testante  qui  avait  dd  quitter  la  France  lors  de 
révocation  de  l'Édit  de  Nantes.  S'éiant  fait 
remarquer  de  bonne  benre  par  son  activité  et  ses 
talents,  il  fut  mis  dès  l'âge  de  vingt  ans  i  la  tète 
des  affaires  de  son  père,  et  pea  de  temps  après  il 
unissait  son  sorti  celui  d'nne  femme  aussi  remar- 
quable par  l'élévaLon  de  son  caractère  que  par  ses 
vertus,  Mlle  Madeleine  Boy  de  la  Tonr,  de  Neuf- 
cbâtel  (Voyez  Bulletin,  t.  I,  pp.  7  et  8).  dont  la 
préoccupation  coostaote  fut  de  diriger  elle-même 
l'éducaliOD  des  sept  enfants  qui  lui  restaient,  deux 
filles  et  cinq  gardons  (1). 

lureut  de  Iciim  litres  ilt  noblesse,  c'psi  par  lin^nnl 

tx  libri-  qiic  B't'iiill  mit  KruverEtit'nnc  Deli-s^orl, 
nvniil  In    lliivululioii,  et  dans    les  Aimiiitt    nobi- 
HuirM  .le  TIsspmn. 
(Il  Mme   Ëlii-niie   Ui-lessvil  avait  eu   huit  en- 


miers  fondateurs.  Cette  caisse  fut  le  germe  A 
Banque  de  Krance.  L'assemblée  des  actioanairM, 
pour  perpétuer  le  souvenir  des  services  qu'Blienoe 
Delessert  avait  rendus,  lui  Ht  frapper  nue  médaille 
d'or  en  témoignage  de  gratitude. 

Vers  1785,  Klienne  Delessert  reçut  do  gouver- 
nement une  preuve  de  baule  confiance.  La  fabrica- 
tion des  tissus  de  soie  s'élanl  fortement  ralentie  à 
Paris,  le  gonvemement,  inquiet  pour  la  sûreté 
publique  de  voir  des  milliers  d'ouvriers  sans  on- 


ANNEXES 


345 


vrage,  chargea  le  lieutenant  général  de  police, 
Thiroux  de  Crosne,  de  remettre  une  somme  très 
considérable  entre  les  mains  d*£tienne  Delessart, 
pour  être  distribuée  en  secours  aux  ouvriers  (4). 
Comprenant  Timportance  d»  cette  mission,  au  lien 
de  donner  de  l'argent  à  ces  malheureux,  il  obtint 
par  des  avances  et  des  secours  accordés  avec  in- 
telligence aux  fabricants,  qu'ils  rouvrissent  leurs 
ateliers;  tous  les  ouvriers  reprirent  leurs  travaux, 
la  tranquillité  ne  fut  pas  troublée,  et  même,  une 
partie  seulement  de  la  somme  allouée  par  le  gou- 
vernement fut  employée,  car  les  chefs  d*atelier 
purent  rendre  l'avance  .qui  leur  avait  été  faite. 
Aussi,  au  nom  du  roi,  Etienne  Delessert  reçut-il 
une  lettre  de  remerciements  des  plus  flatteuses, 
pour  la  façon  intelligente  dont  il  s'était  acquitté 
de  la  mission  qui  lui  avait  été  conâée. 

Etienne  Delessert  coopéra  puissamment  à  la  créa- 
tion de  plusieurs  établissements  importants,  entre 
autres  à  la  formation  des  premières  assurances 
contre  l'incendie,  des  associations  tontinières  et 
de  la  Caisse  patriotiaue,  institutions  que  la  Révo- 
lution vint  bientôt  aétruire.  Dévoué  aux  intérêts 
d'une  sage  liberté,  Etienne  Delessert  s'était  montré 
favorable  aux  principes  de  89  ;  mais  quand  il  les 
vit  dévier  et  glisser  dans  l'anarchie  oui  amena  les 
crimes  de  la  Terreur,  il  manifesta  hautement  et 
courageusement  contre  ces  crimes  ;  aussi  ne  tarda-t- 
il  pas  a  éprouver  la  haine  des  révolutionnaires. 
Arrêté  à  la  fin  de  4792,  il  resta  emprisonné  pen- 
dant plus  de  dix-huit  mob  et  fut  porté  sur  les 
listes  de  proscription.  Heureusement,  grâce  à 
une  maladie  qui  le  fit  transférer  à  l'infirmerie  de 
la  Conciergerie,  il  échappa  au  couteau  de  la  guil- 
lotine et  fut  oublié;  le  9  thermidor  et  la  chute  de 
Rob^pierre  le  sauvèrent. 

Apres  un  repos  nécessaire  an  rétablissement  de 
sa  santé,  fort  éprouvée  par  sa  longue  détention  et 
la  perte  de  son  fils  aîné,  il  reprit  la  direction  de 
sa  maison,  tout  en  se  livrant  à  d'autres  travaux 
utiles  à  son  pays.  C'est  ainsi  ou'il  trouva  le  moyen 
d'améliorer  les  assolements  des  fermes  des  envi- 
rons de  Paris,  et  les  machines  agricoles,  de  faire 
entrer  en  France  la  plus  grande  partie  des  six  mille 
moutons  mérinos  que,  par  le  traité  de  Bile  de  i  795, 
l'Espagne  s'était  engagée  à  nous  céder  dans  l'es- 
pace de  dix  ans,  aflaire  que  le  gouvernement  d'alors, 
faute  de  fonds,  et  détourné  par  des  intérêts  qui 
lui  semblaient  plus  pressants,  avait  i  peu  près 
délaissée.  C'est  à  l'introduction  de  cette  race  pré- 
cieuse qu'une  partie  des. meilleurs  troupeaux  de 
races  pures  de  nos  départements  doit  son  origine 
plus  ou  moins  directe. 

Mais  le  bien-être  matériel  des  masses  n'était  pas 
seul  à  préoccuper  Etienne  Delessert;  il  pensait 
avec  raison  que  de  bons  principes  de  religion  et 
de  morale,  qu'une  instruction  éclairée  sont  des 
conditions  essentielles  de  réussite  dans  toutes  les 
carrières.  Aussi,  frappé  de  tout  ce  qui  manquait  à 
Paris  à  cet  égard,  pour  les  enfants  des  classes  ou- 
vrières, et  voulant  prêcher  d'exemple,  acheta-t-il 


(1]  Les  biographes  d'Etienne  Delessert  placent 
ce  fait  à  la  rlaie  de  1782,  ce  qui  est  impossible, 
Thiroux  de  Crosne  n'ayonl  été  nomme  lieulenant 
général  de  police  qu'en  i7K>(Voir  les  almanachs 
royaux). 


3 


en  i8i5  et  fit-il  disposer  à  ses  frais  une  maison 
consacrée  à  l'établissement  des  deux  écoles  gra- 
tuites pour  les  enfants  de  la  population  protes- 
tante. 

En  dehorsdes  occupations  souvent  arides  de  sa 
profession,  Etienne  Delessert  avait  toujours  con- 
servé un  ^oût  très  vif  pour  la  littérature  et  les 
arts  ;  sa  bibliothèque  était  bien  garnie,  et,  grand 
amateur  de  tableaux,  il  s'était  formé  une  belle 
collection  de  chefs-d'œuvre  des  maîtres  des  écoles 
flamande  et  hollandaise,  collection  qui  fut  con- 
servée et  augmentée  par  ses  enfants. 

Un  fait  intéressant  que  nous  empruntons  tex- 
tuellement à  M.  Jarry  de  Mancy,  l'un  de  ses  bio- 
nhes  (1)  achèvera  de  nous  dépeindre  l'homme 
ien  dont  nous  venons  de  résumer  la  vie. 
€  La  simplicité  des  mœurs  d'Etienne  Delessert, 
dit-il,  son  éloignement  pour  les  habitudes  de  cour, 
l'indépendance  de  son  caractère,  lui  firent  toujoura 
refuser  du  pouvoir  les  faveura  auxquelles  sa  longue 
expérience,  sa  grande  réputation,  ses  talents  et 
l'élévation  de  son  caractère  lui  donnaient  des 
droits.  Content  d'être  utile  à  ses  amis,  heureux  de 
vivre  entouré  de  sa  femme  et  de  ses  enfants,  son 
ambition  était  satisfaite.  Il  i-ejela  plusieura  offres 
ui  lui  furent  adressées  successivement  de  la  part 
u  premier  consul  et  de  l'empereur.  Celui-ci  en  prit 
de  l'humeur,  et  s'exprima  une  fois  devant  ses  mi- 
nistres avec  beaucoup ,  d'aigreur  sur  son  compte 
et  sur  l'opposition  qu'Etienne  Delessert  faisait  à 
son  gouvernement.  Personne  n'osait   contredbre 
l'empereur  ni  prendre  la  défense  de  Delessert. 
Crétet,  ministre  de  l'Intérieur,  qui  avait  été  lié  avec 
lui,  et  qui  savait  apprécier  tout  ce  qu'il  y  avait 
d'honorable  dans  son  caractère  et  dans  la  franchise 
de  ses  opinions,  osa  seul  parler  en  sa  faveur.  U 
rappela  à  l'empereur  que,  le  19  brumaire  au  ma- 
tin, le  jour  où,  comme  premier  consul,  il  s'occu- 
pait d'organiser  le  gouvernement,  les  caisses  du 
trésor  public  étaient  vides,  le  crédit  ne  pouvait 
exister  pour  un  gouvernement  qui  n'était  pasencore 
constitué  ;  Etienne  Delessert,  plein  de  .confiance 
dans  le  génie  du  général  Bonaparte,  dans  sa  ferme 
volonté  d'étouffer  l'hydre   révolutionnaire  et  de 
fonder  un  gouvernement  régulier,  vint  lui  offrir  de 
mettre  immédiatement  à  sa  disposition  une  somme 
très  considérable  (2),  qui  prouvait  toute  sa  sym- 
pathie pour  celui  qui  prenait  dans  ses  mains  les 
rênes  de  l'État.  L'empiâreur,  frappé  de  ce  souvenir, 
remereia  Crétet  de  le  lui  avoir  rappelé,  et  excusa 
depuis  la  franchisse  avec  laquelle  Etienne  Deles- 
sert continua  à  manifester  ses  opinions.  » 

Après  avoir  complètement  abandonné  sa  maison 
de  commerce  à  ses  fils,  Etienne  Delessert  consacra 
ses  dernières  années  à  sa  famille  et  à  ses  amis.  Le 
23  mars  4816,  il  perdit  celle  qui  avait  été  le 
charme  et  la  consolation  de  sa  vie,  et  moins  de 
trois  mois  après,  le  18  juin,  il  allait  la  rejoindre  (3). 


(1)  Bioffrnphie  lias  hommei  utile»  (Sociêlê  Mon- 
thyon  et  Ft*nnklin,  année  1887,  Klienne  Drhssert)^ 
plaquette  in-i*,  à  laquelle  nous  avons  Tait  de  nom  - 
Lreux  emprunts. 

(2)  La  maison  Deles*«orl  et  O*  fil  alors  une  pre- 
mière avance  de  12  millions. 

(3)  Mme  Etienne  Delessert  esl  inhumée  rue 
Lekain.  n*  3,  Hin^i  que  sa  fille  ainéu,  Mme  veuve 
J.-A.  Gautier.  Mme  Gautier  avait  fondé  une  salle 
(1  asile  à  Pa^sy,  auprès  des  écoles  communales. 


346 


HISTOIRE    DU   XVI*   ARRONDISSEMENT 


Etienne  Delessert  mourut  dans  son  hôtel  de  la 
rue  Coq-Héron,  n*'  3,  âgé  de  quatre-ringt-nn  ans, 
et  fut  inhumé  à  Passy,  rue  I^kain,  n**  3,  au  cime- 
tière de  famille. 

Nous  avons  pensé  qu'il  était  utile  de  résumer 
d'abord  la  vie  d  Etienne  Delessert,  parce  que,  pres- 
que autant  que  ses  trois  fils,  il  nous  appartient 
comme  habitant  de  Passy  ;  il  était  venu  s'y  ins- 
taller dès  la  fin  du  règne  de  Louis  XVI  ;  nous 
savons  par  de  charmantes  lettres  de  Mme  Etienne 
Delessert,  que  Franklin,  qui  fut  notre  hôte  jusqu'à 
i78â,  venait  souvent  passer  ses  soirées  dans  la 
famille  d'Etienne  Delessert,  son  voisin. 

Voici,  pour  rendre  notre  travail  plus  clair,  la 
liste  exacte  des  enfants  d'Etienne  Delessert  : 

i^  Marguerite-Madeleine,  née  à  Lyon  le  26  août 
4767,  mariée  à  Jean- Antoine  Gantier,  banquier  à 
Paris.  Morte  dans  cette  ville  le  30  avril  i838  ; 

â^  Jules-Jean-Jacques,  né  à  Lyon  le  30  mai 
1769.  Mort  en  bas  âge; 

3**  Jacques-François-Cf  abri ol- Etienne,  né  à  Lyon 
le  5  mars  1771.  Mort  à  New- York,  de  la  fièvre 
jaune,  en  1794; 

4°  Jules-Paul- fi^yatnm  (dont  l'article  suit),  né 
à  Lyon  le  14  février  1773.  Mortà  Paris,  le  l'^'mars 
1847; 

5°  Anne-Pierre-Alexandre,  né  à  Lyon  en  1776. 
Mort  sans  alliance  le  27  novembre  1833; 

6^  Jeanne-Emilie,  née  à  Paris  le  22  février  1778, 
mariée  à  son  cousin  Baptiste-Jean-Marie  Delessert 
de  Cossonay.  Morte  à  Lausanne  le  21  janvier  1830  ; 

7<*  Franf.'oû-Marie  (dont  l'article  suit),  ne  à 
Paris  le  2  avril  1780.  Mort  à  Passy  le  15  octobre 
1868; 

S""  (jlo^ri^/- Abraham-Marguerite  (dont  l'article 
suit),  né  à  Paris  le  17  mars  1786.  Mort  à  Passy 
le  31  janvier  1858. 


BENJAMIN  DELESSERT 

Jules-Paul-Benjamin  Delessert,  troisième  fils  du 
précédent,  naquit  à  Lyon  le  14  février  1773.  Tout 
enfant,  il  avait  été  remarqué  par  Berquin,  l'ami 
et  l'habitué  de  la  maison  ;  sa  naïveté  gracieuse, 
sa  bonté,  sa  sincérité  avaient  tout  spécialement 
attiré  vers  lui  notre  fabuliste,  qui  ne  l'appelait 
que  son  j>etit  Benjamin,  Dès  1784,  il  fit,  sous 
la  direction  de  son  frère  aîné  (1  )  —  au'il  devait 
perdre  dix  ans  plus  tard  —  un  voyage  d'études  en 
i!iCosse,  ou  il  suivit  les  cours  d'économie  politique 
d'Adam  Smith  et  de  philosophie  de  Dugald  Stewart, 
puis  en  Angleterre,  oh  il  se  lia  avec  le  célèbre 
mécanicien  Watt.  Il  puisa  dans  les  leçons  et  les 
conseils  de  ces  hommes  éminents  des  connaissances 
solides,  non  seulement  en  philosophie  et  en  éco- 
nomie politique,  mais  encore  en  science  physique 
et  en  industrie. 

Comme  il  rentrait  en  France,  la  Révolution  écla- 
tait. En  1793,  entré  comme  volontaire  à  l'école 
d'artillerie  de  Meulan,  il  en  sortit  l'année  suivante 
avec  le  grade  de  capitaine,  fit  la  campagne  de  Bel- 
gique sous  Pichegru,  se  trouva  aux  sièges  d'Ypres, 
de  Maubeuge  et  d'Anvers,  où  il  se  distingua  par 


f  I'  J{M'«nu'>-Krnn(;Mis-(ialn'U'l-Elit'iino.  cilr  plus 
Jiaiil  sruiî*  U"  3*. 


son  courage.  On  raconte  qae,  chargé  par  intérim 
du  commandement  de  la  citadelle  d'Anvers,  ud 
violent  incendie  se  déclara  dans  an  bâtiment  voisin 
de  la  poudrière  ;  anssitôt  l'épouvante  se  mit  dans 
la  garnison,  mais  le  jeune  capitaine  fit  redresser 
les  ponts-levis  et  fermer  toutes  les  portes;  la  re-> 
traite  étant  devenue  impossible,  les  plus  effrayés 
devinrent  les  plus  braves  et  l'incendie,  fut  arrêté. 
C'est  à  la  suite  de  ce  bel  acte  de  san^-firoid  qu'il 
devint  aide  de  camp  du  général  Kilmame. 

Avant  d'aller  plus  loin,  il  nous  semble  bon  de 
rappeler  ici  un  fait  cité  par  M.  Cap  (1)  et  qui  eut 
lieu  avant  le  départ  de  Benjamin  Delessert  pour 
l'armée  du  Nord.  «  Lorsqu'on  admire  —  dit-il  *- 
la  belle  avenue  qui  fait  face,  du  côté  de  Paris,  ai 
château  de  Versailles,  on  ne  se  doute  ^ère  que 
c'est  à  la  présence  d'esprit  de  M.  Benjamin  Deles- 
sert qu'on  en  doit  la  conservation.  On  allait  abattre 
ces  beaux  arbres,  sous  le  plus  vain  prétexte,  quand 
il  prouva  aue  le  bois  n'en  valait  rien  pour  faire 
des  affûts  de  canon,  et  qu'ils  pouvaient  au  besoin 
servir  à  la  défense  de  la  ville.  »  Ainsi  fut  sauvé 
un  de  ses  plus  beaux  ornements. 

Rappelé  en  1795  près  de  son  père.  Benjamin 
Delessert  prit  la  direction  de  sa  maison.  €  C'est 
alors  —  a  dit  très  justement  le  secrétaire  perpé- 
tuel de  l'Académie  des  Sciences  (2)  —  qu'il  com- 
mença cette  carrière  commerciale  et  industrielle 
que  le  génie  des  affaires  et  le  secours  des  sciences 
ont  entourée  de  tant  d'éclat,  et  à  laquelle  la  vertu 
a  donné  une  véritable  grandeur.  » 

£n  1801,  il  fonde  la  Société  philanthropique, 
est  nommé  membre  du  Conseil  général  des  hospices 

—  fonction  ^u'il  remplit  pendant  quarante-six  ans 

—  et  organise  la  comptabilité  de  ces  établisse- 
ments. La  même  année  il  établit  à  Passy,  dans  les 
terrains  de  sa  propriété  donnant  sur  le  quai,  n*>*  14 
et  16,  une  raffinerie  de  sucre,  oh,  par  des  pro- 
cédés nouveaux,  il  réussit  le  premier,  quelques 
années  après,  à  fabri(|uer  en  grand  un  sucre  de 
betterave  bien  cristallisé  (3). 

Le  2  janvier  1812,  il  fait  part  de  son  succès  à 
Chaptal,  qui  l'annonce  aussitôt  à  l'empereur.  L'em- 
pereur, ravi,  s'écrie  :  €  Il  faut  aller  roir  cela, 
partons.  »  En  effet,  il  part.  M.  Benjamin  Deles- 
sert n'a  que  le  temps  de  courir  à  Passy,  et  quand 
il  arrive,  il  trouve  déjà  la  porte  de  sa  raffinerie  oc- 
cupée par  les  chasseurs  de  la  garde  impériale,  qui 
lui  ferment  le  passage.  Il  se  fait  connaître,  il 
entre.  L'empereur  avait  tout  vu,  tout  admiré  ;  il 
était  entouré  des  ouvriers  de  la  fabrique,  fiers  de 
cette  grande  visite;  l'émotion  était  au  comble. 
L'empereur  s'approche  de  M.  Delessen,  et,  déta- 
chant la  croix  d  honneur  qu'il  portait  sur  sa  poi- 
trine, il  la  lui  remet  (4)  »  et  fait  donner  une 
semaine  de  paye  en  gratification  aux  ouvriers. 

De  retour  aux  Tufleries,  il  y  trouve  M.  de  Tal- 
leyrand,  alors  son  ministre  des  Affaires  étrangères. 


(\)  Klogc  de  lienjamin  IteléKSfft,  par  Paul  An- 
toine' Cap.  l'{ir!>;,  IMon,  frères,  i85o. 

{'A  et  L)  Eloge  historique  de  Benjamin  Delesxeri^ 
par  M.  Floiiroiis,  st'crt'taîrc  pcrpéluel  de  TAca- 
itrmiedcs  Scicnrrs  (lu  dans  la  soancc  publique  du 
.'i  mars  iSTn)),  fuissim. 

(:{^  On  roiis<Tv«'  rrli^^iciiscinent  dans  la  famîllo. 
If  jin'uiirr  i>ain  de  sucre  ile  I»eU«^rave  sorti  d«;  In 
ralliih'rie  «le  Iteiijaniin  Delessert. 


et  lient  t  Ini  fure  goater  imnédiaUment  ud  échan- 
tillon dn  Doaveaa  sncre  (jn'il  STait  rapporté.  Celui- 
ci  le  goûte  m  eflet.  mais  quel  n'est  pas  le  dmp 
pointenent  de  l'empereur  quand  il  voit  Talleyrand 
donner  une  cbiquenande  sur  l'échantilloa  en 
s'écriiot  :  Va  te  Taire...  «icre  (1)  ! 


M.  BenjamiD  Ilelessert  était  créé  baron  de  l'em- 
pire (1). 

En  480*2,  Benjamin  Delessert  est  an  nombre 
des  principaui  fcndateors  de  la  Société  d'encou- 
ragement poor  l'industrie  nalieaile;  il  est  nommé 
régent  de  la  Bauque  de  France,  fonctioD  qu'il 


ail  Uc  Itcnjamiii  DeltrHScrL, 
(Dbssin  de  M.  Mor.) 


Le  tait  était  drûle,  mais  il  n'était  pas  juste, 
paiiqne  ce  sucre  suppléa  au  sucre  colonial  pendant 
toute  U  dorée  du  blocus  continental,  et  qu'il  était 
■sseï  difficile  d'en  préciser  la  différence  avec  ce 
demiv.  Peut-être,  ce  jour-li,  Tallevrand  axait- 
il  let  dents  agacées,  ou  était-il  contrarié  d'être 
déraiwé  dans  ses  occupations.  Tonjoars  est-il  que, 
le  lenMmùn.  te  Moniteur  ;inoonfait  qu'une  grande 
réTohitioD  dans  le  commerce  français  était  cod- 
■ommée.  Et,  le  19  septembre  de  la  même  année, 

(0  Voir  If.t   Chraniqiin    -Ir  P't^n.  pnr  O'iiH'"' 


remplit  pendant  prés  de  cinquante  ans.  Il  n'irait 
alors  que  TÎogt-nenf  ans  !  En  1S03,  il  fonde  i 
Passy  une  filature  de  coton  qui  affranchit  la  France 
de  la  nécessité  de  tirer  de  rAnglelerre  les  61s  de 
colon  pour  nos  tissus  communs,  et  de  l'Inde  tons 


les  ti 


a  fins. 


En  1816.  l'Académie  des  Sciences  se  radjoint 
comme  membre  libre  dans  la  section  de  botanique. 


n  iNij,  n«nJAmin  ^eiff«^: 


i  MonlarcU.  dnns  k- 
iroiM  <ieT>aK!i.  etc. 


348 


HISTOIRE    DV   XVI*  ARRONDISSEMENT 


Passionné  pour  cette  science,  Benjamin  Delessert, 
après  avoir  acquis  les  petits  herbiers  de  Linné  et 
de  Jean-Jacques  Rousseau,  ceux  plus  importants 
de  Lemonnier,  de  Burmann,  de  Ventenat,  de  Pa- 
lisot  de  Beauvois,  etc.,  parvint  à  posséder  l'herbier 
le  plus  complet  —  plus  de  86.000  espèces  de 
plantes,  dont  3.000  inédites  et  250.000  échan- 
tillons —  et  la  bibliothèque  botaniaue  la  dIus 
riche  que  Ton  connût,  renfermant  plus  de  6. 000  vo- 
lumes écrits  dans  toutes  les  langues,  le  tout  classé 
avec  uu  soin  et  un  ordre  parfaits,  et  mis  gracieu- 
sement pour  Tétude  à  la  disposition  des  natura- 
listes de  tous  pays. 

En  1840,  ce  fut  lui  qui  sut  conserver  à  la  France 
la  précieuse  collection  de  coquilles  de  Lamarck, 
qui  allait  passer  en  Angleterre  ;  il  en  fit  le  noyau 
a  un  nouveau  musée  conchyliologique  digne  de 
rivaliser  avec  Tancien.  A  sa  mort,  cette  collection 
se  composait  d*au  moins  150.000  coquilles  repré- 
sentant 25.000  espèces,  dont  1.200  coquilles  non 
décrites  alors. 

Si  Benjamin  Delessert  aimait  les  sciences,  il 
savait  aussi  se  passionner  pour  les  arts,  et  sa  ga- 
lerie de  la  rue  Montmartre,  à  Tancien  hôtel 
d*Uzès  (1),  renfermait,  outre  les  anciens  tableaux 
hollandais  et  flamands  qui  lui  venaient  de  son  père, 
des  œuvres  d'autres  Ecoles,  ou  d'artistes  vivants, 
qu'il  avait  su  choisir  avec  le  discernement  le  plus 
exquis  (2). 

Deux  ans  après  sa  nomination  à  l'Académie  des 
Sciences,  Benjamin  Delessert  mit  le  couronnement 
à  ses  œuvres  philanthropiques  par  la  fondation  de 
la  plus  belle  et  de  la  plus  moralisatrice  des  insti- 
tutions populaires  des  temps  modernes.  Aidé  du 
duc  de  la  Rochefoucauld-Liancourt,  qui,  comme 
lui,  se  servait  de  l'influence  d'une  grande  fortune 
pour  propager  toutes  les  idées  utiles  à  son  pays, 
il  présida  à  la  création  de  la  Caisse  d'épargne,  qui 
fut  établie  à  l'instar  de  celles  qui  depuis  deux  ans 
existaient  en  Angleterre,  et  inaugurée  oflScielle- 
ment  le  15  novembre  1818. 

L'exemple,  même  le  bon,  est  contagieux  ;  celui- 
ci  fut  bientôt  suivi  de  la  fondation  d'établissements 
analogues  dans  les  principales  villes  de  France. 
Propagateur  infatigable  des  Caisses  d'éparpe, 
dont  il  fut  pendant  vingt  ans  président,  Benjamin 
Delessert  leur  lé^a  150.000  francs,  à  la  charge 
pour  elles  de  délivrer  3.000  livrets  de  50  francs 
aux  travailleurs  les  plus  méritants  qui  prendraient 
l'engagement  de  n'accepter  ce  «don  que  comme 
un  premier  fonds  qu'ils  auraient  à  augmenter. 
N'avaient-ils  pas  eu  raison  de  le  surnommer  le 
père  des  ouvriers  (3)  ? 


(i)  La  rue  d'UzèM occupe  une  partie  de  son  em- 
placement. 

(2)  En  i835,  Benjamin  Delessert,  se  souvenant 
sans  doute  des  douze  gravures  qu'avait  pul)liées 
en  Angleterre,  vers  1747,  W.  Hof^orth,  suite  inli- 
iuiée  :  Industrie  et  Paresxe,  proJ30sa  im  prix  de 
2.000  francs  pour  une  série  de  litliographies  ana- 
logues reprêsentonl  les  suites  du  vice  et  de  la  vertu 
de  manière  à  produire  une  impression  salutaire  sur 
les  jeunes  gens  de  la  classe  lattorieuse.  Ce  fut  le 
dessinateur  Jules  David  qui  obtint  le  prix  et  exé- 
cuta les  vingt-quatre  sujets  de  celle  suite,  qui  pa- 
rurent en  album  chez  l'éditeur  Joannin,  en  i836. 
Douze  sujets  étaient  consacrés  aux  hommes,  et 
douze  aux  femmes. 

(3)  Et  cependant  Benjamin  Delessert  leur  avait 


Oue  dire  encore  de  la  vie  publique  de  cet  homme 
de  bien,  successivement  magistrat  consulaire,  co- 
lonel de  la  garde  nationale  en  1814,  et  membre 
de  la  Chambredes  députés  pendant  plusde  vingt  ans? 
Il  prit  rang  an  centre  gauche  sous  la  Restaura- 
tion, et  parmi  les  conservateurs  sons  le  règne  de 
Louis-Philippe. 

Le  4  janvier  1819,  c'est  lui  qui  signala  le  duc 
de  Richelieu  à  la  reconnaissance  publique  après 
la  libération  du  territoire,  et  fit  voter  en  sa  faveur 
50.000  francs  de  rente,  dont  le  duc,  quoique  sans 
fortune,  s'empressa  de  faire  donation  aux  hos- 
pices de  Bordeaux,  sa  ville  natale.  En  1835,  Ben- 
jamin Delessert  fit  abolir  la  loterie  et  les  maisons 
de  jeu,  dont  il  avait  demandé  la  suppression  dès 
18l0  et  en  1828. 

A  rénumération  de  tous  ces  titres,  on  serait 
heureux  de  pouvoir  ajouter  celle  de  ses  bienfaits 
privés  ;  mais  ils  sont  si  nombreux,  et  la  plupart 
entourés  d'un  si  généreux  mystère,  que  latftcbe  est 
bien  difficile.  €  Le  plus  grand  plaisir  que  l'on 
puisse  f^oùter  —  disait-il  —  et  le  seul  qui  soit 
sans  mélange,  est  celui  que  l'on  éprouve  dans 
l'accomplissement  d'une  bonne  action.  Depuis  le 
verre  (Peau  apporté  aux  malades  jusqu'aux  plus 
ma^ifiques  donations,  tout  devient  une  source  de 
jouissances.  Après  une  bonne  action,  on  éprouve 
un  sentiment  de  bonheur  qui  est  au-dessus  de 
toute  idée,  on  dort  d'un  sommeil  paisible,  et  tous 
les  songes  sont  agréables.  »  —  €  Un  riche  sans 
libéralité  —  dit-il  plus  loin  —  est  un  arbre  sans 
fruits  (1).  »  Et  Flourens,  dans  son  éloge  de  Ben- 
jamin Delessert,  ajoutait  eeci  :  <  Fontenelle  non 
raconte  du  grand  ministre  Colbert  qu'il  avait  des 
espions  pour  lui  chercher  et  lui  découvrir  partout 
le  mérite  caché  et  naissant.  Benjamin  Delessert 
était  doué  d'une  ingénieuse  sagacité  qui  lui  a  fait 
faire  beaucoup  de  ses  découvertes.  » 

Nous  ne  pouvons  résister  au  plaisir  de  citer, 
entre  mille  —  toujours  d'après  M.  Flourens  —  le 
trait  suivant  ^u'il  n'a  pu  cacher.  C'était  an  1*'  jan- 
vier. Benjamin  Delessert  avait  cru  ne  pouvoir 
mieux  commencer  l'année  qu'en  consacrant  cette 
journée  aux  Enfants  malades  et  aux  Enfants 
trouvés.  Il  revenait,  s'acheminant  à  pied.  Partout 
sur  son  passage,  des  groupes  d'enfants  joyeux 


sévèrement  interdit  le  triste  chômage  du  lundi. 
Tout  ouvrier  qui  osait  se  débaucher  un  seul  lundi 
ne  pouvait  plus  remettre  les  pieds  dans  ses  fa- 
briques. 

(1)  Fondations  qu'il  serait  utile  défaire.  1^46.  Pla- 
quette in-8  de  16  pages. 

Le  Guide  du  Itonheur,  ou  recueil  de  pensée!^, 
maximes  et  prières  ;  1  vol.  in-8,  i839;  a*  édition, 
Paris,  Imprimerie  Grutiot,  iS^s;  a*  édition,  ia-ia, 
1855. 

Benjamin  Delessert  a  encore  écrit  :  Des  avan- 
tages de  la  Caisse  d'épargne  et  de  prévoyance.  Paris. 
i835,  in-18.  —  Almanach  de  la  Caisse  tf  épargne  et  de 
prévoyance.  Paris,  iSSy,  in-18.  Nous  ne  parlons  pas 
ici  des  nombreux  discours  qu'il  prononça  i  la 
Chambre  des  députés,  de  i8i5  à  iSio  ;  de  ses  rap- 
ports sur  les  Caisses  d'épargne  de  1827  à  i845,  el 
de  quelques  opuscules  se  rattachant  à  ses  collec- 
tions de  plantes  et  de  coauilles. 

En  1795,  Benjamin  Delesseil  avait  établi  dans 
sa  maison  une  petite  imprimerie.  11  traduisit 
alors  et  imprima  la  Morale  des  échecs^  de  Fran- 
klin, et  imprima,  la  même  année,  le  poème  sur 
les  Dispults,  de  Rulhières,  etc. 


ANNEXES 


349 


pliaient  soos  le  poicb  des  cadeaux  dont  on  les  avait 
comblés. 

A  cette  Tae,  le  cœor  de  Fexcellent  homme  se 
serre,  il  songe  aax  panvres  petits  abandonnés  qu'il 
Tient  de  quitter  et  qui  ne  connaîtront  jamais  ces 
joies.  Il  ne  pent  supporter  cette  idée,  et  ne  rentre 
chez  lui  qn*apr^  avoir  expédié  aux  deux  hospices 
nne  cargaison  bien  capable  d*v  apporter  un  bon- 
heur aussi  Tif  qu'inattendu.  Depuis  ce  joue,  les 
Enfants  malades  et  les  Enfants  trouvés  eurent 
à  chaane  i***  janyier  leurs  petits  cadeaux  et,  par- 
tant, leurs  joies  du  premier  de  Tan. 

A  cette  bonté  touchante ,  Benjamin  Delessert 
unissait  de  vifs  sentiments  patriotiques,  qui  plus 
d'une  fois  Tinspirèrent  heureusement.  Ce  fut  lut 
qui,  le  premier  en  1800,  proposa  d'élever  un  mo- 
nument au  brave  général  Desaix,  tué  à  Marengo. 
Annoncée  dans  le  Moniteur,  la  souscription  fut 
aussitôt  couverte.  Toute  Tannée  d'Egjpte  y  prit 
part,  et  le  monument-fontaine  exécuté  de  ioOi  à 
4803  d'après  les  iessins  de  Percier,  dans  le  goût 
de  Tépoque,  et  représentant  sur  un  piédestal  le 
buste  de  Desaix  couronné  par  la  Victoire,  fut  ériffé 
sur  la  place  Dauphine,  oh  il  se  voyait  encore  à  la 
fin  du  second  Empire.  Au  point  de  vue  artistique, 
Desaix  méritait  mieux;  mais,  circonstance  atté- 
nuante, c'était  la  première  œuvre  de  Percier  et 
Fontaine. 

De  cette  biographie  trop  écourtée  de  Benjamin 
Delessert,  nous  avons  réservé  pour  la  fin  ce  qui 
nous  intéreœe  tout  particulièrement,  les  créations, 
les  bienfaits  qu'il  répandit  à  Passy,  cette  com- 
mune ou'il  affectionnait  tant,  et  où  il  passa  les 
plus  belles  heures  de  sa  vie,  entouré  de  ses  deux 
rrères,  qui  étaient  venus  s'installer  auprès  de  lui, 
dans  le  plus  beau  site  de  la  rue  Raynouard.  De 
ces  créations,  de  ces  bienfaits,  on  ne  trouve  guère 
rénumération  —  et  trop  rapide  encore  —  ({ue 
dans  un  Annuaire  de  la  ville  de  Passy,  fort  in- 
téressant, qui,  paru  seulement  en  1858,  est  au- 
jourd'hui devenu  des  plus  rares.  Force  nous  est 
donc  de  recourir  à  ce  livre  de  M.  Al.  Lefeuvre,  où 
nous  relevons  presque  textuellement  ce  qui  suit  : 
€  En  4829,  M.  Benjamin  Delessert,  qui  avait 
toujours  été,  comme  son  père,  un  fervent  propa- 

Steur  de  Tinstruction  primaire  et  des  salles  d'asile, 
ida  à  Passv,  au  centre  d'alors  de  la  commune, 
deux  écoles  dfestinées  aux  enfants  de  chaque  sexe, 
et  dont  la  construction  et  l'entretien,  tant  au  ma- 
tériel qu'au  personnel,  furent  complètement  à  sa 
charge.  Indépendamment  des  prix  et  encourage- 
ments ^ue,  chaoue  année,  il  délivrait  aux  élèves, 
M.  Benjamin  Delessert  leur  partageait  huit  livrets 
de  la  Caisse  d'épargne  de  30  francs  chacun,  quatre 
aux  garçons  et  quatre  aux  jeunes  filles.  Par  son 
testament.  Benjamin  Delessert  légua  30.000  francs 
à  ces  écoles. 

lorsque  la  mairie  de  la  place  de  Passy  n'*  1  fut 
achetée,  on  fit  à  l'aide  d'une  souscription  une  ap- 
propriation dans  le  bâtiment  réservé  aux  bureaux, 
à  la  salle  des  élections  et  au  corps  de  garde  ; 
M.  Benjamin  Delessert  y  concourut  pour  une 
somme  de  2.500  francs. 

Préoccupé  sans  cesse  de  l'idée  d'être  utile  à 
Passy,  M.  Benjamin  Delessert  comprit  qu'un  des 
graves  obstacles  au  développement  de  cette  com- 
mune provenait  de  la  diflBculté  des  abords  du  cété 


de  la  rivière.  En  effet,  pour  venir  par  cette  voie, 
il  fallait  gravir  une  côte  ayant  sur  plusieurs  points 
une  pente  de  9  à  iO  centimètres  par  mètre,  ce  qui 
rendait  impossible  l'arrivée  à  Passy  par  la  route 
la  plus  directe.  M.  Benjamin  Delessert  voulut  y 
remédier.  Dans  ce  but,  il  fit  étudier  un  projet  qu'il 
soumit  aux  autorités  compétentes  ;  mais,  pendant 
son  examen,  il  apprit  que  l'on  avait  mis  en  vente 
les  premiers  terrains  sur  lesquels  il  fallait  faire 
passer  la  nouvelle  route.  Or,  un  changement  de 
destination  sur  ces  terrains  pouvant  augmenter  la 
dépense  générale  et  contribuer  ainsi  à  annihiler 
Topération,  M.  Benjamin  Delessert  dut  se  rendre 
acquéreur,  et  il  n'hésita  point  :  il  engagea  pour 
cet  objet  une  somme  de  80.000  francs. 

L'affaire  suivit  son  cours  sous  le  rapport  admi- 
nistratif, mais  le  résultat  ne  fut  pas  favorable  :  on 
rejeta  le  projet  à  cause  des  dépenses  considérables 
auxquelles  il  entraînait. 

Cette  fâcheuse  détermination  ne  découragea  point 
M.  Benjamin  Delessert;  avec  ce  coupd'œil  sûr  qu'il 
apportait  dans  tous  ses  actes,  il  jugea  que  ce  devait 
être  un  ajournement  et  non  un  refus.  En  consé- 

auence,  il  se  remit  à  l'œuvre  et  indiqua  un  mode 
e  parcours  à  la  fois  praticable  et  économique.  Pour 
parvenir  plus  sûrement  à  son  but,  il  persista  à  ne 
point  aliéner  les  terrains  et  constructions  qu'il 
avait  achetés,  et  refusa  de  contracter  des  baux  à 
des  conditions  très  avantageuses. 

Lorsqu'on  l'interrogeait  à  cet  é{;ard,  il  se  con- 
tentait de  dire  :  c  Une  nouvelle  voie  de  communi- 
cation doit  être  ouverte  sur  ce  point,  et  comme  il 
en  résultera  un  grand  avantage  pour  Passy,  je  ne 
veux,  en  quoi  que  ce  soit,  entraver  l'administra- 
tion ni  augmenter  ses  charges.  » 

Une  telle  persévérance,  si  dignement  motivée, 
devait  produire  une  solution  :  de  nouvelles  négo- 
ciations eurent  lieu,  et  la  commune  de  Passy  offrit 
au  département  un  concours  de  80.000  francs. 
Pour  obtenir  ce  chiffre  élevé,  l'autorité  locale  avait 
fait  appel  à  la  bourse  de  M.  Benjamin  Delessert 
et  avait  obtenu  de  lui  une  subvention  de  40.000  fr. 

C'est  sur  ces  bases  que  l'affaire  fut  soumise  au 
Conseil  général  de  la  Seine.  Après  un  examen  sé- 
rieux et  approfondi,  ce  Conseil  approuva  les  plans 
et  devis,  mais  il  éleva  à  i 00. 000  francs  le  con- 
cours communal. 

La  situation  financière  de  la  commune  ne  per- 
mettait pas  de  satisfaire  à  l'allocation  supplémen- 
taire de  20.000  francs.  On  dut  recourir  de  nou- 
veau k  la  générosité  de  H.  Benjamin  Delessert,  il 
s'exécuta  de  très  bonne  grâce  et  ajouta  10.000  fr., 
cequi  portait  sa  subvention  personnelleà  50.000  fr. 
Une  aussi  belle  action  n'a  pas  besoin  de  commen- 
taires. 

A  l'occasion  des  terrains  qu'il  avait  achetés  et 
sur  lesauels  devait  passer  la  nouvelle  route,  il 
offrit  à  l'administration  supérieure  d'en  disposer 
comme  elle  le  voudrait,  et,  au  besoin,  de  commencer 
les  travaux  avant  l'expropriation.  Il  fit  plus,  il  dé- 
clara par  écrit  accepter  d'avance  et  sans  examen 
le  prix  déterminé  ultérieurement  parles  in||[énieurs, 
soit  pour  acquisition,  soit  pour  indemnité  de  dé- 
molition, etc.  On  ne  pouvait  pas  être,  à  la  fois,  et 
plus  facile  et  plus  bienveilliant. 

L'achèvement  de  ce  grand  et  beau  boulevard  est 
complet  depuis  longtemps  :  ce  fut  un  acte  de  jus- 


tiee  et  de  reeonnaisuDce  d'en  atlribafr  l'epliêre      joar.  unsinl  stc 
initiative  à  H.  Etenjamin  Deirssert  tt  de  lui  a^oir      oinl  parlui  qa'il 


d'tbord  donné  son  nom  ;  depuis,  il  a  pris  le  nom  cution,  il  s'kria  :  <  Si  je  pooTiis  Torver  ma  rtrn. 

collectir  de  bouleTurd  beiessert.  Je  demanderais  i  Dieu  la  permisson  de  paner  idc 

Dans  II  cruelle  maladie  qui  l'a  raii  aux  scienres.  seule  fois  sur  celle  ronle  aTant  de  moarir,  noa 

aai  arts,  aai  indigents,  i  sa  famille  el  à  ses  amis,  pas  —  ajouta-i-jl  —  pour  prolonger  nea  foan 

il  songeait  sans  cesse  ï  celle  affaire  el  s'ioformail  au  delà  du  terme  prescrit,  mail  pour  aroir  an 

très  exactement  de  la  situation  des  iriTanx.  In  moins  la  crrtitude  que  la  coamnoe  sera  en  pua- 


ANNEXES 


35! 


session  de  cette  nourelle  voie  de  communication.  > 

Digne  et  excellent  homme,  il  s'oubliait  toujours 
au  profit  de  ses  semblables  et  pratiquait  cette 
maxime  :  Rien  pour  sot,  tout  pour  autrui. 
C'était  bien  le  résumé  de  toute  son  existence,  de 
cette  yie  si  noblement  et  si  utilement  remplie. 

Atteint  d'une  maladie  organique  du  cœur,  Ben- 
jamin Delessert  mourut  le  i'^'mars  4847,  en  son 
hôtel  de  la  rue  Montmartre,  âgé  de  soixante-qua- 
torze ans,  et  fut  inhumé  à  Passy,  rue  Lekain,  n®  3. 

Cigit  fun  des  fondateurs  des  Causes  d'épar- 
gne, telle  fut  l'inscription  qu'on  mit  sur  son  tom- 
beau. Il  avait  stipulé  que  le  jour  de  son  enterre- 
ment, qui  devait  se  faire  aussi  simplement  que 
possible,  on  remit  42.000  francs  aux  pauvres  de 
Paris,  4.500  francs  à  ceux  de  Passy  et  2.000  fr. 
aux  pauvres  de  TËgliso  réformée  à  laquelle  il  ap- 
partenait (4). 

Benjamin  Delessert  avait  épousé,  le  22  août 
4807,  une  de  ses  cousines,  Laure-RenéeLi  vie- Jac- 
queline de  Cossonay,  <|n*il  perdit  le  48  mai  4823. 
Comme  elle  ne  lui  avait  pas  laissé  d'enfants,  toute 
sa  fortune  passa  h  sa  famille.  Il  était  grand  offi- 
cier de  la  Légion  d'honneur  depuis  4837. 

Son  hôtel  de  Passy,  habité  actuellement  par  sa 
nièce,  Mme  la  baronne  Bartholdi,  était  situé  au 
n^  24  actuel  de  la  rue  Raynouard.  C'est  là,  chez 
les  frères  Paulian,  qu'avait  habité  La  Tour  d'Au- 
vergne, de  4796  à  4800.  Ainsi  cet  hôtel  aurait 
droit  à  une  plaque  doublement  commémorative, 
et  du  séjour  du  premier  grenadier  des  armées  de 
la  République,  et  de  celui  de  l'homme  de  bien 
éminent  dont  nous  venons  de  retracer  la  vie.  Espé^ 
rons  qu'un  jour  notre  vœu  sera  réalisé  (2)  ! 


FRANÇOIS  DELESSERT 

Delessert  (François -Marie),  cinquième  fih 
d'Etienne  Delessert  (3),  naquit  à  Paris  le  2  avril 
1 780,  fut  élevé  à  Genève  jusqu'à  l'âgede  quinze  ans, 
puis  entra  dans  la  banque  de  son  pore,  dont  il  prit 
la  direction  quelques  années  après,  avec  son  frère 
Benjamin. 

Nommé  membre  de  la  Chumhre  de  commerce  en 
4844,  six  fois  il  en  fut  élu  président. 

Député  de  la  Seine  en  4834  et  4834,  et  du  Pas- 
de-Calais  de  4  838  à  4 848,  il  prit  part,  à  la  Cham- 


(i)  Par  son  testament,  M.  Benjamin  Delessert 
laissa  encore  une  somme  de  iS.ooo  francs  aux 
liauvres  de  Passy. 

(2)  Le  portrait  que  nous  donnons  de  Benjamin 
Delessert  est  in  cooie  d'une  lithogrnpliic  faite 
vers  18^0,  par  Léon  Nofd,  d'après  une  peinture 
de  P.-A.  Labouclière.  Benjamin  Delessert  avait 
nlors  67  ans  environ.  Si  nous  avions  à  transcrire 
son  signalement,  nous  dirions  :  visage  ovale,  le 
front  haut,  et  les  yeux  scrutateurs,  profondément 
enchâssés  sous  les  arcades  sourcil  ièrès,  annoncent 
une  belle  et  ferme  intellin:ence;  nez  moyen  et  rê- 
içulier  j  enfln  la  bouche,  gracieuse  et  fine,  aux  ex- 
trémités relevées,  dénote  une  extrême  bienveil- 
lance, qui  se  lit  dans  tout  l'ensemble  des  traits. 
La  lithoj^raphie  ne  portant  pas  de  nom  d'éditeur 
nous  pensons  qu'elle  n'a  été  tirée  que  pour  les 
amis. 

(3)  Le  quatrième  flls  d'Etienne  Delessert  fut 
Anne-Pierre- Alexandre  (V.  plus  haut,  au  5*). 
11  fit  partie  de  la  maison  de  banque  fondée  par 
son  père,  puis  se  retira  en  sa  propriété  de  Ville- 
neuve-le-Roi. 


bre,  à  toutes  les  discussions  relatives  aux  caisses 
d'épargne,  au  travail  des  enfants  dans  les  manu- 
factures, et  aux  salles  d'asile,  sujets  qui  le  préoc- 
cupaient sans  cesse. 

Après  la  mort  de  son  frère  Benjamin,  il  devint 
président  de  la  Caisse  d'épargne  de  Paris,  tout  en 
s*occupant  des  antres  caisses  d'épargne  de  la 
France  et  de  Tétranger. 

En  4852,  l'Académie  des  Sciences  le  choisit 
comme  membre  libre,  en  remplacement  du  baron 
Maurice.  Sa  biographie,  on  le  voit,  ressemble  en 
bien  des  points  à  celle  de  son  frère  Benjamin.  Tel 
frère  tel  frère;  les  deux  doigts  de  la  main. 
Même  préoccupation  du  bien  public,  mêmes  goûts 
pour  les  sciences  et  les  arts.  Héritier  avec  son 
rrère  Gabriel  des  précieuses  collections  botaniques 
et  conchyliologiaues  de  Benjamin  Delessert,  et  de 
la  riche  bibliothèque  qui  s'y  rattachait,  non  seule- 
ment  il  en  continua  l'entretien  à  l'ancien  hôtel 
d'Uzès  de  la  rue  Montmartre,  mais  il  sut  les  aug- 
menter par  les  soins  qu'il  y  donna.  Comme  par  le 
passé,  toutes  ces  richesses  restèrent  non  seulement 
à  la  disposition  des  savants  qui  voulaient  les  étu- 
dier, mais  des  simples  curieux  qui  désiraient  les 
voir.  Il  en  fut  à  peu  près  de  même  pour  la  galerie 
de  tableaux. 

François  Delessert  eut  aussi,  comme  son  frère, 
une  raffinerie  de  sucre  considérable  (4),  il  y  intro- 
duisit toutes  les  innovations  ayant  rapport  à  cette 
industrie;  cet  établissement  était  situé  aux  n*"  44 
et  46  du  quai  de  Passy.  Jaloux  également  d'en- 
courager l'œuvre  si  généreuse  des  écoles  établies 
par  son  atné,  il  continua  de  donner,  tous  les  ans, 
huit  livrets  de  la  caisse  d'épargne  aux  élèves  les 
plus  méritants,  et  fonda  rue  Lekain,  n^  3,  un 
asile  qui  fut  édifié  en  4872  et  existe  encore.  Cet 
homme  de  bien  mourut  entouré  de  tous  les  siens, 
le  45  octobre  4868,  en  son  hôtel  de  Passy,  rue 
Raynouard,  n"*  27.  11  était  officier  de  la  Légion 
d'honneur  depuis  4828.  Suivant  ses  dernières 
volontés,  aucune  invitation  ne  fut  envoyée  à  l'oc- 
casion de  ses  funérailles.  Il  fut  inhumé  rue  Le- 
kain, n®  3. 

François  Delessert  avait  épousé,  à  Paris,  Julie- 
Elisabeth-Sophie  Gautier,  dont  il  eut,  outre 
d'autres  enfants  morts  jeunes  :  4^  Stéphanie-Ma- 
deleine-Carolîno  Delessert,  née  le  7  mai  4844, 
mariée  au  baron  J.-H.  llottingucr,  régent  de  la 
Banque  de  France  ;  2°  François- Z^^/amm-Marie 
Delessert,  dont  nous  parlerons  plus  loin  :  3^  Made- 
leine Delessert,  née  à  Paris  en  février  4830,  mariée 
au  baron  Frédéric  Bartholdi,  conseiller  à  la  Cour 
des  Cximptes,  chevalier  de  la  légion  d'honneur. 

Après  la  mort  de  François  Delessert,  qui  fut  le 
dernier  survivant  des  trois  frères  dont  nous  nous 
occupons  spécialement,  les  collections  botaniques 
et  conchyliologiaues  furent  données  à  la  ville  de 
Genève,  et  les  livres  qui  s'y  rattachaient  légués  à 
la  bibliothèque  de  Tlnstitut. 

Fn  mars  4869,1a  galerie  de  tableaux  fut  vendue 
aux  enchères.  La  perle  de  cette  riche  collection 
était,  sans  conteste,  la  célèbre  Vierge  de  Raphaël, 
dite  de  la  maison  d'Orléans  ou  la  Madttne  à 
VEnfant  mutin.  Ce  tableautin,  qui  ne  mesure  pas 

i\)   C'était    l'ancienne    rofflnerie    de    son   frère 
Benjamin,  tlont  il  continua  l'exploitation.   . 


352 


HISTOIRE    DU    XVI*'   ARRONDISSEMENT 


plus  de  29  centimètres  de  haat  sur  3i  de  large, 
avait  été  acheté  27.250  francs  en  4843,  à  la  rente 
Aguado  ;  ce  fat  le  duc  d*ÂnmaIe  qui  s* en  rendit 
acquéreur  à  la  yente  de  la  collection  Delessert, 
moyennant  450.000  francs.  Dans  tous  ses  voyages, 
le  prince  se  faisait  accompagner  de  ce  chef-d'œuvre, 

3u'on  retrouvera  au  musée  Gondé,  à  Chantilly, 
ans  le  Santuario. 

La  galerie  Delessert  se  composait  surtout  d'ex- 
cellents tableaux  des  anciens  maîtres  hollandais  et 
flamands,  parmi  lesquels  on  remarquait  :  une 
Sainte  Famille  et  un  Portrait  d'Iiomme  par 
Rubens,  le  Mariage  de  Sainte  CatiieHne  et  un 
Portrait  par  Van  Dyck,  une  YieilUi  temme  par 
Gérard  Dow,  deux  Pieter  de  Hooch  extraordinaires 
et  un  Bois  superbe  d'Hobbéma.  Mais,  très  éclec- 
tiques, les  frères  Delessert  avaient  aussi  réuni  des 
chefs-d'œuvre  d'autres  écoles,  entre  autres  deux 
belles  Vues  de  Venise  de  Canaletti,  et  une  Sainte 
Famille  de  Murillo.  Dans  rj!iCole  française,  l'at- 
tention était  surtout  attirée  par  un  Port  de  mer 
au  soleil  couchant  de  Oande  Lorrain,  une  Sainte 
Cécile  de  Mignard,  un  superbe  portrait  au  pastel 
de  Jean-Jacques  Rotisseau  yar  Latour,  quatre 
tableaux  de  Grenze,  dont  la  Lecture  de  la  Bible 
et  le  beau  portrait  du  graveur  Georges  Wille, 
cinq  marines  de  Joseph  Yemet,  deux  tableaux  de 
son  fils  Carie  et  un  de  son  petits-fils  Horace  repré- 
sentant r Apothéose  de  Napoléon,  un  Bélisaire 
du  baron  Gérard,  François  I*^  et  Marguerite  de 
NaiHirre  par  Bonnington,  le  Cloître  de  Saint- 
Êtienne-du-Mont  y  par  Granet,  deux  toiles  de 
Paul  Delaroche,  les  neuf  dessins  de  C Histoire  de 
Samson  par  Decamps,  la  Partie  d'échecs  et  les 
Amateurs  de  peinture  par  Meissonnier,  et  enfin 
un  Pâturage  de  Rosa  Bonheur. 

iVous  n'avons  signalé  que  quelques  œuvres  prin- 
cipales de  cette  belle  collection;  à  côté  d'elles 
s'en  trouvaient  beaucoup  d'autres  des  plus  inté- 
ressantes et  d'un  réel  mérite,  don^  on  |>ourra 
trouver  l'énumération  dans  le  catalogue  qui  en  a 
été  publié  au  moment  de  la  vente  (4). 

François  Delessert  eut  un  fils,  François-Marie- 
Benjamin  Delessert  II,  qui  naquit  à  Paris  le  4  7  no- 
vembre 4847,  et  s'occupa,  comme  tous  les  mem- 
bres de  sa  famille,  de  ce  qui  avait  rapport  aux 
questions  financières,  ainsi  qu'aux  lettres,  aux 
sciences  et  aux  arts.  Il  avait  réuni  chez  lui  quel- 
ques bons  tableaux  modernes,  entre  autres  une  ré- 
pétition de  r  Odalisque  par  Ingres,  les  neuf  grands 
dessins  de  VHistoire  de  Samson  par  Decamps, 
et  une  belle  collection  de  dessins  d'anciens  maîtres. 
Benjamin  Delessert  II  s'intéressa  surtout  ardem- 
ment aux  premiers  essais  de  photographie,  et  pu- 
blia à  Pans,  chez  Goupil,  de  4853  à  4855,  une 
Notice  sur  la  vie  de  Marc-Antoine  Raimondi, 
le  célèbre  graveur  bolonais,  accompagnée  de  repro- 
ductions photographiques  des  pièces  de  ce  maître 


(i)  On  trouvera  aux  Archives  do  la  Société  ce 
calalo^ue.  ainsi  (]ue  quatre  petites  «rravures  (don 
de  M.  Mnr)^  représentant  :  a)  vue  de  l'hôtel  De- 
lessert, côte  du  jardin  ;  b)  vue  de  l'intérieur  de  la 
f galerie  de  M.  Delessert  ;  c.)  Greu/e  :  la  Lecture  de 
a  Bible  (ce  tableau,  donne  par  M.  Delessert  à  sa 
fille.  Mme  Bartholdi,  n'a  pas  figuré  ù  la  vente);  r) 
LucKx:  intérieur  d'an  estaminet  villageois.  (N.  D. 
L.  R.) 


et  exécutées  à  ses  frais,  sous  ses  yenx  (4).  A  l'Ex- 
position universelle  de  4855,  oii  on  les  exposa  en 
regard  des  originaux,  elles  furent  fort  remarquées, 
la  similitude  était  complète.  II  est  bon  de  se  rap- 
peler qu'on  n'était  encore,  à  cette  époque,  qu'au 
début  de  cette  découverte,  qui  a  tant  progressé 
depuis. 

Benjamin  Delessert  avait  été  envoyé  en  4849  à 
l'Assemblée  léjpsiative  par  le  département  de  U 
Seine  (i),  puis  nommé  chef  de  bataillon  de  la 
garde  nationale,  et  chevalier  de  la  Lésion  d'hon- 
neur. Il  avait  épousé  Mlle  Blanche  de  Triqueti, 
fille  de  Henri,  baron  de  Triqueti,  dont  il  n'eut  pas 
d'enfants,  et  mourut  subitement  à  Passy,  le  35  jan- 
vier 4868. 


GABRIEL  DELESSERT  (5) 

Delessert  (Gabriel- Abraham-Marguerite),  frère 
de  Benjamin  et  de  François,  naquit  à  Paris,  rue 
Coq-Heron,  n°  3,  le  47  mars  4786.  Jusqu'à  4830, 
il  fit  partie  de  la  maison  de  banaue  Delessert  etC'*, 
dont  il  fut  un  des  agents  les  plus  actifs. 

En  janvier  4814,  il  avait  été  nommé  capitaine- 
adjudant  de  la  garde  nationale  de  Paris,  puis  ad- 
judant-commandant; ce  fut  en  cette  quahté  qu'il 
se  fit  remarquer,  le  30  mars  de  la  même  année,  à 
la  bataille  de  Paris,  sous  les  ordres  des  maréchaux 
Moncey  et  Masséna  et  du  général  Durosnel.  Sa  belle 
conduite  lui  valut  alors  la  croix  de  la  Légion  d'hon- 
neur. L'année  suivante,  il  se  distingua  de  nouveau 
d'une  manière  toute  particulière  au  parc  de  Saint- 
Qoud  et  à  l'Ile  Sé^in.  En  4830,  après  la  révo- 
lution de  juillet,  il  fut  nommé  colonel  d'état- 
major,  et  en  4834  général  de  brigade  de  la  garde 
nationale,  grades  qu'il  avait  bien  mérités  par  ses 
antécédents.  C'est  avec  raison  que  le  général  Jac- 
queminot  a  pu  dire  de  lui  qu'il  était  né  militaire. 

Maire  de  Passy,  du  4«'  août  1830  au  42  fé- 
vrier 1834,  puis  préfet  de  l'Aude,  Gabriel  Deles- 
sert, après  avoir  vu  Carcassonne  pendant  sept 
mois,  abandonna  cette  préfecture,  le  27  septembre, 
pour  celle  d'Eure-et-Loir,  dont  il  se  démit  en 
4836,  au  grand  regret  de  ses  administrés,  qui  ne 
pouvaient  oublier  la  belle  conduite  qu'il  avait  tenue, 
lors  de  l'incendie  de  la  cathédrale  de  Chartres  des 
4  et  5  juin  4836. 

Le  marquis  Henri  de  la  Rochejaquelein,  témoin 
oculaire  de  cette  catastrophe,  en  a  donné  une 
relation  très  détaillée  (4)  dont  nous  croyons  devoir 
extraire  le  passage  suivant  :  c  Le  feu,  que  Ton  attri- 
bue à  l'imprudence  de  deux  ouvriers  qui  étaient 
employés  à  la  réparation  de  la  toiture,  se  déclara 
subitement  avec  une  violence  telle,  que  Ton  put 
juger  de  suite  des  conséquences  affreuses  que  I  on 
avait  à  redouter  ;  il  commença  dans  la  charpente. 


(i)  Cette  belle  publication,  qui  avait  eu  pour 
but  de  venir  en  aide  aux  artistes  oui  ne  pouvaient 
ocheter  les  pièces  originales,  paraissait  par  livrai- 
sons contenant  chacune  quatre  reproductions. 

(2)  Nos  Archives  possèdent  In  belle  et  simple 
profession  de  foi  que  F.-M.-B.  Delessert  fit 
alors. 

(3)  Le  portrait  qui  accompagne  la  notice  sur 
Gabriel  Delessert  a  été  communiqué  par  M.  Cb. 
Chandebois. 

(4)  Voir  la  Gazette  de  France  du  7  juin  i836. 


353 


i  UjoDclion  d'oD  des  bras  de  la  croix  formée  par 
Us  eÔlésdelsDef.  Le  tocsin  sonne  immédialement; 
il  était  sii  heures  et  demie  dn  soir.  A  l'instant 
toDle  la  population  fat  sur  pied.  Od  essajx  de 
faire  agir  les  pompes,  mais  la  toiture  ètanl  en 
plomb,  tous  les  efforts  fnrent  iantiles.  Le  feu  se 
communiqua  avec  une  telle  rapidlIA,  qu'il  fallut 
renoncer  i  occuper  la  galerie  eitérieure  da  haut 
de  la  nef.  Dans  cet  instant  critique,  il  se  pissa 


la  foule  qui  contemplait  cette  scène  de  dévouement 
et  de  courage,  les  cris  mille  fois  répétés  V'Sauties- 
vmt!  tauvez-vous!  tout  eosemble  était  d'un 
effet  que  rien  ne  peut  rendre.  *  Ëofio.  grdce  aux 
ordres  habilement  donnés  par  le  préfet  et  le  général 
Fleui7.  t'incendie  pat  être  circonscrit  ;  la  couTer- 
lure  en  plomb,  la  charpente  du  grand  combl«  et 
des  deux  clochers,  ainsi  que  les  dochefi  furent 
détruites,  le  reste  fut  sanié. 


^"^^^^^^^^ 


une  dea  scènes  des  plus  honorables  que  l'on  puisse 
citer  i  l'honneur  d'nn  administrateur.  M.  Gabriel 
Delessert,  préfet  d'Ilure-et-Loir,  avait  été  un  des 
premiers  i  s' exposer  aui  pins  grands  dangers;  il 
donne  l'ordre  d'évacuer  la  galerje  ;  plusieurs  per- 
sonnes qui  l'entourent  veulent,  par  un  7èle  louable, 
l'arracher  avant  elles  à  une  mort  inévitable  ;  mais 
il  ne  veut  se  retirer  que  le  dernier  ;  alors  on  cherche 
i  l'entraîner,  il  se  débarrasse  atec  peine  des  per- 
sonnes qui  le  tenaient  embrassé  ;  enlin  il  est  obligé 
de  mettre,  avec  la  plus  vire  énergie,  la  main  sur 
la  sarde  de  son  épée,  poar  qu'on  soit  forcé  de 
le  Uisser  le  dernier  i  son  poste.  Cette  noble  lutte 
se  passait  sons  des  toits  enflammés,  le  plomb  cou- 
lant sur  ceux  qui  en  élaient  acteurs.  L'effroi  de 


ede  l'intrépide  dévouement  dB 

son  premier  magistrat,  la  ville  de  Chartres  Kt 
frapper  avec  le  métal  des  cloches  fondues  par  l'in- 
cendie, une  des  plus  belles  médailles  qu'on  doive 
au  talent  de  .H.  Barre,  le  grand-père  d'un  de  nos 
membres  les  plus  généreux.  Au  recto,  la  cathé- 
drale de  Chartres  avec  ces  mots  :  Incendie  des  4 
el  5  juin  1836.  Ao  verso  :  A  Galiriel  Detetiert, 
pré/et,  la  lille  de  Oiarlres  reconnaissante  (1  ). 


...  .  le  nabriei  Delessert 
a  Yocntion  des  eilinctions  d'in- 
jvait  toujours  avant  qu'ils  fussent 


354 


HISTOIRE    DU   XVI*  ARHOWDISSEMENT 


La  façon  dont  il  avait  admioistré  la  préfecture 
d'Eure-et-Loir  fit  songer  à  lui  pour  ]a  place  émi- 
nente  et  périlleuse  de  préfet  de  police,  qu'il  n'ac- 
cepta qu'après  bien  ahonorables  hésitations.  Il 
l'occupa  du  10  septembre  i836  an  S4  février  4848, 
et,  grâce  à  lui,  la  capitale  tranquillisée  put  jouir 
d'un  long  repos,  c  N'y  a-t-il  pas  —  disait  Jacques 
Arago  —  un  noble  dévouement  dans  la  vie  de  celui 
qui,  pouvant  se  reposer  heureux  dans  les  loisirs 
de  la  vie  domestique,  aime  mieux  consacrer  son 
infatigable  intelligence  à  la  répression  des  délits 
et  des  crimes  qui  attristent  son  pays?  M.  Gabriel 
Delessert  a  bien  mérité  de  ses  concitoyens,  et  de 
légitimes  regrets  le  suivront  dans  sa  retraite.  » 

<  La  population  parisienne  —  a  dit  encore 
M.  Ducoux,  un  de  ses  successeurs  —  conserve  avec 
reconnaissance  le  souvenir  de  ce  magistrat  dont 
les  vertus  privées  égalaient  l'intelligence  et  le  dé- 
vouement à  la  chose  publique.  M.  Gabriel  Deles- 
sert sut  toujours  atténuer  les  nécessités  quelquefois 
terribles  de  sa  charge,  par  l'esprit  de  tolérance 
et  de  bonté  avec  lequel  il  remplit  ses  devoirs  (i)  ». 

N'y  a-t-il  pas  lieu  de  rappeler  ici,  à  ce  propos, 

Îiue  deux  fois  pendant  l'exercice  de  ses  délicates 
onctions,  il  eut  à  recevoir  comme  prisonnier  de 
Sassage  à  la  prélecture  de  police  le  prince  Louis- 
fapoléon  Bonaparte  (Napoléon  111).  i^  première 
fois,  ce  fut  le  11  décembre  1836,  à  2  heures  du 
matin,  après  la  malheureuse  tentative  de  Stras- 
bourg. 

On  conduisait  le  prince  de  Strasbourg  à  Lorient, 
oii  il  devait  s'embarquer  pour  les  Etats-Unis. 
«  M.  Gabriel  Delessert  l'attendait  (2),  et  la  récep- 
tion, quoique  froide,  fut  bienveillante,  mais  dou- 
loureuse ;  il  lui  était  pénible  d'exercer  ses  sévères 
fonctions  contre  le  neveu  de  l'Empereur,  de  revoir 
dans  la  condition  extrême  de  prisonnier  le  fils  d'une 
reine  qui  l'avait  accueilli  autrefois  dans  ses  voyages 
avec  une  exquise  et  rare  bienveillance,  ce  fils  qu'il 
avait  connu  tout  enfant  et  pour  lequel  il  avait  eu 
de  si  douces  et  de  si  gracieuses  paroles,  de  si 
tendres  et  de  si  bons  sentiments.  Une  collation 
avait  été  servie  pour  le  prince  dans  la  grande  salle 
à  manger  de  la  préfecture,  dans  cette  même  salle 
oti,  presque  tous  les  matins,  Mlle  Cécile  et  M.  Edouard 
Delessert,  jeunes  enfants  du  préfet,  venaient 
s'ébattre  et  prendre  avec  Mlle  de  Montijo,  leur 
amie,  des  leçons  de  gymnastique  sous  l'habile 
direction  de  M.  Delestre,  alors  sous-officier  des 
sapeurs-pompiers  de  Paris.  Le  prince  ne  voulut 
point  accepter  cette  collation.  Il  ne  prit  que  quel- 
ques biscuits  et  un  verre  de  Champagne  dans  le 
salon  rouge  de  la  préfecture,  où  il  attendit  patiem- 
ment le  moment  de  son  départ,  qui  eut  lieu  deux 
heures  après.  » 

M.  Gabriel  Delessert  n'en  était  qu'à  la  première 
épreuve. 

La  seconde  eut  lieu  après  la  fâcheuse  échauf- 
fourée  du  prince  à  Boulogne-sur-Mer,  le  6  août 
1840.  Conduit  d'abord  à  la  citadelle  de  Ham,  il 
fut  amené,  dans  la  nuit  du  12,  à  la  Conciergerie 


(i)  Paris  Gn'uh,  18C7,  t.  II.  p.  1700. 

{•à)  m.  Gabriel  Lklesserl,  par  Tripirr  le  Franc  ; 
Pans,  Dentu,  1809.  Un  fort  volume  in-4,  aui|uel 
nous  allons  enipruiiler  hon  nonihru  de  pansages. 
PasMim. 


de  Paris.  Comme  la  première  fois,  H.  Gabriel 
Delessert  l'attendait,  et  après  avoir  reçu  du  prince 
des  félicitations  du  maintien  en  exercice  de  l'ami 
de  sa  mère,  du  fonctionnaire  bienveillant  qai 
l'avait  si  délicatement  reçu  dans  les  mêmes  con- 
ditions quatre  ans  auparavant,  il  le  fit  conduire 
dans  le  logement  le  plus  salcbre  et  le  plus  conve- 
nable de  la  prison,  où  il  resta  jusqu'au  26  sep- 
tembre suivant  ;  puis  le  prisonnier  comparât  devant 
la  Chambre  des  Pairs,  qui  devait  le  renvoyer  à 
Ham. 

Après  la  révolution  du  24  février  1848,  Gabriel 
Delessert  voulut  partager  l'exil  de  son  roi,  et  alla 
le  retrouver  à  Uaremont,  où  il  reçnt  de  Louis- 
Philippe  un  accueil  plein  d'effusion,  de  reconnais- 
sance et  de  bonté.  Six  mois  après,  sollicité  par 
sa  famille  et  ses  amis  de  rentrer  en  France,  voyant 
que  le  pouvoir  républicain  fonctionnait  tranquille- 
ment et  que  sa  vie  n'avait  rien  k  craindre  de  ce 
parti,  il  sollicita  de  Louis-Philippe  la  permission 
de  s'éloigner  de  Claremont,  quitta  le  sol  hospita- 
lier de  l'Angleterre  et  vint  se  retirer  dans  sa  char- 
mante villa  de  Passy. 

Trois  ans  après,  un  événement  douloureux  vint 
troubler  la  sérénité  de  sa  nouvelle  existence.  Sa 
fille  Cécile,  linguiste  habile  et  peintre  amateur 
distingué,  mariée  depuis  1847  au  vicomte  Alexis 
de  Valon,  jeune  homme  aussi  charmant  que  mo- 
deste, connu  par  des  articles  de  revues  et  Quelques 
bons  ouvrages,  avait  organisé  le  20  août  1 851  nne 
partie  de  natation  dans  l'étang  de  sa  belle  pro- 
priété de  Saint-Priest,  près  de  Limoges.  Nageurs 
et  nageuses  se  jettent  gaiement  à  l'eau  et  gagnent 
le  large.  Mme  de  Valon,  se  sentant  fatiguée,  ap- 
pelle à  son  aide;  son  mari  mfe  vers  elle,  l'aborde, 
la  soutient  et  cherche  à  la  diriger  vers  le  rivage, 

3uand  tout  à  coup  il  s'embarrasse  les  jambes  dans 
e  hautes  herbes.  Le  comte  de  Nadaillac  (Sigis- 
mond  du  Pouget),  habitué  de  la  maison,  qui  voit 
ce  qui  se  passe,  ramène  vivement  à  terre  Mme  de 
Valon,  puis  s'élance  au  secours  de  son  ami.  Dé- 
vouement inutile  !  il  est  trop  tard,  M.  de  Valon  a 
disparu  sous  les  eaux,  il  meurt  victime  de  la  plus 
cruelle  fatalité.  Le  désespoir  de  sa  femme  et  de 
M.  Gabriel  Delessert,  qui  assistaient  à  cette  scène, 
est  indescriptible. 

Seize  mois  après,  Mme  de  Valon,  qui  avait  trouvé 
dans  son  sauveur  nne  âme  aussi  généreuse  ^e 
sympathique,  touchée  des  soins  dévoués  et  sio- 
cères  que  M.  de  Nadaillac  n'avait  cessé  de  lui 
témoigner  dans  la  cruelle  épreuve  qu'elle  avait 
eue  à  subir,  et,  de  plus,  encouragée  par  son  père 
et  sa  mère  (1),  unissait  son  sort  à  cet  homme  de 
bien. 

En  dépit  de  son  âge,  Gabriel  Delessert  —  qui, 
du  reste,  n'avait  guère  connu  la  maladie  —  ne 
laissait  pas  s'écouler  un  seul  jour  sans  faire  une 
promenade  à  cheval,  au  bois  de  Boulogne  on  du 
Vésinct,  ou  ailleurs.  Le  16  juillet  1856.  étant  dans 
la  forêt  de  Saint-Germain,  son  cheval  s'effraye 


(1)  Mlle  Marie  CharloUe  de  Labordc,  née  en 
iHoG,  était  fille  de  la  comtesse  de  Labordo,  an- 
cienne dame  d'honneur  de  l'impératrice  Joséphine, 
v{  avait  épousé  M.  Gabriel  Delessert,  le  i"  juin 
iB-.'/i.  Elle  mourut  en  mai  i894-  Mme  de  Nadaillac, 
sji  lillo,  née  à  Passy,  ley  octobre  1825.  mourut  éga- 
lement à  Passy.  le  a6  mars  1887. 


ANNEXES 


355 


d*iine  pierre  placée  sur  le  chemin,  se  cabre,  tombe 
des  quatre  pieds  k  la  fois,  jette  sous  son  corps  le 
corps  de  son  habile  monteur  et  pose  ses  pieds  sur 
sa  nuque.  M.  Delessert  a  la  colonne  vertébrale 
presque  brisée,  on  le  ramène  à  demi  mourant  à 
Passy  ;  mais,  gr&ce  aux  soins  des  docteurs  Chenu  et 
Lenoir,  médecins  de  la  famille,  aidés  du  chirurgien 
Velpeaa,  le  blessé  se  rétablit  promptement  et  con- 
tinua à  remonter  à  cheval  tout  comme  auparavant. 

Six  jours  seulement  avant  sa  mort,  Gabriel  De- 
lessert chassait  avec  quelques  amis  dans  une  partie 
de  la  forêt  de  Chantilly  qu'il  avait  affermée.  Il 
faisait  froid.  L*étang  de  la  reine  Blanche  parais- 
sait fortement  glacé  ;  un  chien  poursuit  une  pièce 
de  gibier  sur  la  glace,  qui  se  rompt  ;  Tanimal 
tombe  à  Feau  et  va  se  noyer.  Un  brave  paysan 
voit  le  danger  que  court  le  pauvre  animal,  tente 
de  le  sauver  ;  mais  la  glace  se  brise  également  sous 
ses  pieds,  et  il  est  lui-même  sur  le  point  de  dis- 
paraître. Alors  M.  Gabriel  Delessert,  oubliant  ses 
années,  jette  son  habit  à  terre  pour  s'élancer  an 
secours  de  cet  homme  ;  on  lui  barre  le  passage, 
on  le  retient,  en  lui  montrant  qu'une  personne 
plus  rapprochée  que  lui  du  lieu  de  l'accident  s'est 
précipitée  an  secours  du  paysan  et  du  chien,  qui 
sont  tous  les  deux  sains  et  saufs.  C'est  dans  ce 
tragique  incident  que  M.  Gabriel  Delessert,  qui 
avait  été  saisi  par  le  froid,  prit  le  germe  de  la 
maladie  dont  il  ne  devait  pas  se  relever. 

Néanmoins,  ayant  appris  le  lendemain  que  l'Em- 
pereur et  l'Impératrice  devaient  se  rendre  le  jour 
suivant  à  un  bal  que  donnait  l'ambassadeur  d'An- 
gleterre, il  résolut,  quoique  très  souffrant,  de  s'y 
rendre,  aûn  d'y  rencontrer  l'Impératrice,  qu'd 
connaissait  depuis  son  enfance  et  à  laauelle  il  avait 
voué  une  vive  affection,  afin  surtout  de  pouvoir  la 
féliciter,  ainsi  que  l'Empereur,  sur  la  manière 
miraculeuse  dont  tons  deux  venaient  d'échapper  à 
l'attentat  criminel  du  U  janvier  (i). 

Il  rentra  chez  lui  vers  minuit,  à  Passy,  et,  quoi- 
que bien  enveloppé,  il  eut  froid  en  route.  C'en 
était  fait  de  lui  ;  le  lendemain  matin  une  fluxion 
de  poitrine  se  déclarait  et  fit  en  peu  de  temps 
d'effrayants  progrès. 

L'Impératrice  avait  envoyé  prendre  de  ses  nou- 
velles. Ayant  appris  qu'on  désespérait  de  le  sauver, 
elle  monta  brusquement  dans  une  voiture  de  ser- 
vice et  se  rendit  à  Passy.  Arrivée  dans  la  chambre 
du  vieillard  mourant,  les  yeux  pleins  de  larmes, 
elle  se  jette  éperdue  sur  son  lit  et  l'embrasse  avec 
effusion.  M.  Gabriel  Delessert  la  reconnaît,  tend 
sa  main  défaillante  vers  Sa  Majesté  et  lui  dit  : 
Soyez  bMiel  merci!...  merci!,,. 

Le  lendemain  matin,  3i  janvier  4858,  il  expi- 
rait, âgé  de  soixante  et  onze  ans,  avant  gardé  jus- 
qu'au dernier  moment  la  sérénité  de  sa  belle  Ame, 
la  dignité  et  la  noblesse  de  son  beau  visage. 

Suivant  son  désir,  qui  fut  ponctuellement  res- 
pecté, son  convoi  et  son  inhumation  au  cimetière 
de  Passy  se  firent  avec  la  plus  grande  simplicité. 
Sa  femme  et  son  fils  reposent  auprès  de  lui. 

Gabriel  Delessert  avait  été  promu  oflScier  de  la 


Légion  d'honneur  en  i832,  commandeur  en  1839 
et  grand  oflicier  en  1845.  U  était  pair  de  France 
depuis  le  24  mars  1844. 

La  propriété  au'il  habitait  au  n®  19  actuel  de 
la  rue  Raynouard  avait  été  construite  sur  l'empla- 
cement de  la  demeure  du  doc  de  Lauzun,  qui  y 
avait  donné  quelquefois  l'hospitalité  à  Saint-Simon, 
son  beau-frère.  A  propos  de  cette  demeure,  Amé- 
dée  Achard  disait  en  1867  (1)  : 

€  Là  est  une  maison  fameuse,  où  la  plus  aimable 
hospitalité  a  fait  accueil  à  tous  les  hommes  qui 
ont  un  nom  dans  la  politioue  et  les  lettres.  M.  Cou- 
sin, M.  de  Rémnsat,  M.  Mérimée,  M.  Tbiers,  M.  le 
prince  de  Broglie,  M.  Sainte-Beuve  en  savent  le 
chemin.  C'est  une  des  gloires  et  des  élégances  de 
Passy  que  d'avoir  conservé  le  salon,  ouvert  autre- 
fois par  M.  Gabriel  Delessert,  qui  fut  le  plus  hon- 
nête homme  de  son  temps.  » 

Nous  ne  pouvions  finir  cet  article  par  un  plus 
bel  éloge. 


DELESSERT  (Alexandre-Henri-Édonard),  fils 
du  précédent,  naquit  à  Paris  le  15  décembre  i  828. 
A  vingt-deux  ans,  il  accompagna  le  savant  M.  de 
Sauley  dans  son  voyage  à  la  mer  Morte,  et  visita 
successivement  la  Palestine,  la  Syrie,  la  Turquie, 
la  Grèce,  la  Sardai^e,  l'Italie,  l'Allemagne  et 
l'Angleterre.  Il  publia  k  Paris  en  1853  :  Voyage 
aux  Villes  maudites.  Un  an  après,  il  fit  paraître 
Une  Nuit  dans  la  cité  de  Londres;  en  1855, 
Six  Semaines  dans  Vile  de  Sardaigne;  en  1860, 
un  livre  fantaisiste  intitulé  le  Chemin  de  Rome, 
s'il  vous  plait  ?  et,  en  1862,  Toujours  tout  droit, 
réponse  au  livre  précédent.  U  avait  été  en  1851 
un  des  fondateurs  de  VAlhéneum  français,  au- 
quel il  ne  cessa  de  collaborer  jusqu'à  sa  fusion 
avec  la  Reloue  contemporaine  en  1856  (2). 

Comme  son  cousin  Benjamin  Delessert  II,  il 
s'intéressa  vivement  aux  débuts  de  la  photographie, 
et  fut  le  premier  l'auteur  de  pièces  de  dimensions 
considérables.  Au  mois  de  septembre  1860,  il 
exposa  les  épreuves  d'un  cheval  de  pandeur  natu- 
relle et  de  personnages  de  même  dimension,  qu'il 
avait  obtenues  à  l'aide  d'un  appareil  de  son  inven- 
tion qu'il  fit  breveter  sous  le  nom  de  Porte^ 
lumière  Edouard  Delessert  et  Bianctû. 

Enfin  Edouard  Delessert  s'occupa  longtemps 
d'affaires  financières,  devint  vice-président  du 
conseil  d'administration  de  la  Compagnie  des  che- 
mins de  fer  de  l'Ouest  et  administrateur  de  la 
Banque  de  I  Indo-Chine.  Il  était,  en  plus,  membre 
du  Jockey-Club  et  du  cercle  de  l'Union  artistiaue. 
En  1855,  il  avait  été  nommé  chevalier  de  la  Lé- 
gion d'honneur;  il  fut  promu  officier  quelques 
années  après. 

11  mourut  à  Paris  le  28  mars  1898  et  fut  inhumé 
au  cimetière  de  Passy. 

Il  avait  prouvé  tout  l'intérêt  qu'il  portait  à  nos 
travaux,  en  se  faisant  inscrire  un  des  premiers 
sur  la  liste  de  nos  sociétaires.  Depuis,  deux  autres 


(0  On  se  rappelle  que  lo  îaoir  dft  ce  joiir-là, 
Orsini  cl  ses  trois  complici'S  loricèronl,  nir  Le 
Pelellcr,  trois  bomlws  sur  la  voitiiri;  de  rKmperciir 
et  de  rinipcratrico,  qui  sr  rendaient  à  l'Opéra. 


(n  Par'm-Gmde,  1H67.  l.îî,  pp.  i23h.  lafll. 

(iiOulre  les  ouvrages  énoncés.  Edouard  Deles- 
sert putdiaenrort' une  dizaine  d  opuHCult's  sur  dos 
sujets  difTércnts. 


356 


HISTOIRE   DU    XVI*   ARROiNDISSEMENT 


membres  de  la  famille  noas  ont  honorés  de  lear 
adhésion  :  le  très  regretté  baron  Bartholdi  et 
Mme  Odier,  dont  nous  souhaitons  TÎYement  voir 
le  nom  figurer  bien  longtemps  encore  sur  la  liste 
de  nos  acmérents. 


*  • 


Ici  s*arréte  notre  monographie  des  Ûelessert, 
que  nous  avons  longtemps  hésité  à  écrire.  Ce  n'est 
guère  par  les  membres  de  la  famille,  on  le  sait, 
qu'il  eût  été  possible  d'obtenir  des  renseignements 
plus  nombreux,  et  surtout  plus  intimes  :  leur 
amour  du  silence  pour  tout  ce  qui  les  concernait, 
leur  modestie,  excessive  peut-être,  mais  qu'on  ne 
saurait  blâmer,  leur  inspiraient  l'horreur  de  tout 
ce  qui  aurait  pu  ressembler  à  de  la  réclame.  Force 
a  donc  été  pour  nous  d'avoir  recours  à  tout  ce 
qui  a  été  écrit  sur  eux  par  des  contemporains  qui 
les  avaient  fréquentés,  et  à  leur  faire  de  nombreux 
emprunts.  Aussi  notre  travail  s'estil,  en  partie, 
simplement  borné  à  réunir  des  documents  épars, 
à  les  coUationner  et  à  les  mettre  en  ordre. 

Ces  documents,  nous  aurions  hésité  aies  publier 
du  vivant  des  frères  Delessert,  dans  la  crainte  de 
blesser  ce  sentiment  de  modestie  qui,  chez  eux, 
était  une  véritable  passion  ;  mais  aujourd'hui  que, 
hélas  !  ils  ne  sont  plus,  nous  regardons  comme  un 
deroir  de  reconnaissance  de  les  insérer  dans  nos 
Archives,  pour  perpétuer  le  souvenir  de  ces  hommes 
de  bien  dont  la  vie  peut  servir  de  modèle  à  tous. 

Ah  !  s'il  nous  eût  été  donné  de  connaître  tous 
les  actes  de  bonté  et  de  bienfaisance  qu'ils  répan- 
dirent  chaque  jour  si  discrètement  sur  Passy  et 
ailleurs,  pendant  une  grande  partie  de  notre  siècle, 
bien  des  pages  ne  suffiraient  pas  à  les  divulguer. 
C'est  d'eux  qu'on  peut  dire  que  leur  main  gauche 
ignorait  le  bien  que  prodiguait  leur  main 
droite,  et  nous  ne  saurions  mieux  finir  qu'en  réé- 
ditant ces  mots  bien  connus  : 

Oh!  les  braves  gens  !  les  braves  cœurs  ! 

Léopjld  Mar. 


OUVRAGÉS  CONSJLTÉS  : 

biographie  des  hommes  utiles  {Socictc  Monlhyon 
et  Franklin),  année  i^  :  Etienne  Delessert,  par 
Jorry  de  Mancy. 

Eloge  historique  de  Benjamin  Delessert,  académi- 
cien libre,  par  M.  Flourcns,  secrélaire  perpétuel  de 
l'Académie  des  Sciences  (lu  dans  la  Hcauce  pu- 
blique du  4  niars>  iBôo). 

Nolice  sur  la  vie  de  Benjamin  Delessert. par  le 
comte  d*Argout  (lue  à  l'assemblée  jçénéraie  des 
Caisses  d'épargne,  le  8  mai  i847);  Paris,  Pion  frères, 

i847,  pièce  in-?. 
Notice  sur  Benjamin  Delessert,  par  Alphonse  de 

Candolle. 

Travaux  et  Bienfaits  de  M.  le  baron  Benjamin  De- 
lessert, par  le  baron  Ch.  Dupin;  Paris,  F.  Didot 
frères,  iSfy],  pièce  in-32.  .... 

Eloge  de  Benjamin  Delessert,  par  Paul-Anlolne 
Cap  (de  Paris),  couronné  par  l'Académie  de  Lyon; 
Paris,  Pion  frères,  i85o,  in-8.  „     .      . 

Notice  chonoloaique  sur  M.  le  baron  Benjamin 
Delessert,  par  Tisseron  et  C.  V.,  Paris,  imp.  de 
Mme  de  Lacombe,  i847'  P»<'Ce  in-8,  extraite  des 
Archives  des  hommes  du  jour, 
•  Biographie  Michaud,  long  article  sur  Benjamin 
Delessert. 


Magasin  pittoresque,  articles  sur  Benjamin  Deles» 
sert,  années  1847,  P*  ^'y  ^^^i  P*  ^t  >^ 
p.  103. 

Notice  biographique  sur  la  oie  et  les  travaux  politi- 

?mes  de  M.  François  Delessert  ;  Paris,  à  t  Administra- 
ion  générale,  i845,  pièce  in-8,  extraite  des  Contem- 
porains. 

M.  Gabriel  Delessert,  par  Tripier  le  Franc  ;  Paris, 
Dentu,  1^,  1  fort  volume  grand  in-S. 

Edouard  Delessert,  par  Henry  Lauzac,  extrait  du 
3*  vol.  de  la  Galerie  historique  et  critique  du 
XIX*  siècle  ;  Paris,  Bureau  de  ta  Galerie,  1861,  pièce 

in-8. 

Annales  historiques  nobiliaires  et  biographiques, par 
Tisseron.  —  Voir  l'article  sur  les  Delessert. 

Notice  sur  la  collection  de  tableaux  de  MM.  Deles' 
sert  ;  Paris,  i846,  in-8. 

Catalogue  des  tableaux  de  M.  François  Delessert  ; 
Paris  (s.  d.),  in-8  (contenant  a36  numéros). 

Galerie  Delessert,  par  Ch.  Blanc  {Gazette  des 
Beaux-Arts);  Paris,  Claye,  1869,  S^-  ^°^  ^^'^^ 
8  eaux-fortes. 


LA  TOUR  D'AUVERGNE  A  PASSY 

S'il  est  on  hi)te  dont  Passy  puisse  yèritable- 
ment  être  fier,  c'est  à  coup  sûr  Théophile  Maio- 
Corret  de  La  Tour  d'Auvergne,  surnommé  le 
premier  grenadier  de  la  République^  si  grand 
par  sa  bravoure,  son  ardent  amour  de  la  patrie, 
sa  candeur,  la  sensibilité  de  son  ftme,  son  indé- 
pendance de  caractère  et  son  désintéressement.  Sa 
biographie  est  dans  toutes  les  mains  ;  nous  nous 
contenterons  de  la  résumer  brièvement  jusqu'à 
l'époque  de  sa  retraite  défioitiTe,  sur  laquelle 
nous  nous  appesantirons  davantage,  parce  qu'elle 
appartient  essentiellement  à  notre  histoire  locale. 

Né,  le  23  décembre  1743,  à  Carhaix,  dans  le 
Finistère,  voué  au  métier  des  armes,  il  entra,  le 
3  avril  1767,  en  qualité  de  sous-lieutenant,  dans 
la  deuxième  compagnie  des  Mousquetaires  noirs, 
se  distingua  particulièrement  en  Espagne,  surtout 
au  siège  de  Port-Mahon,  à  la  fin  de  1781 ,  et  revint 
en  France  le  23  janvier  1782.  Il  fut  enfin  nommé 
capitaine  à  l'ancienneté  ^le  29  octobre  1784,  et 
chevalier  de  Saint-Louis  le  6  octobre  1791,  après 
vingt-quatre  ans  de  service.  La  Tour  d'Auvergne 
fut  toujours  favorable  aux  principes  de  la  Révo- 
lution, fit  la  campagne  de  1792  à  l'armée  des 
Alpes,  puis  commanda  en  1793  et  1794,  à  l'ar- 
mée des  Pyrénées  occidentales,  les  compagnies  de 
grenadiers  qui  s'immortalisèrent  sous  le  nom  de 
colonne  infernale.  Autorisé  à  prendre  sa  re- 
traite définitive  le  7  janvier  1795,  il  s'était 
embarqué  le  5  février  suivant,  à  Bayonne  (1), 
sur  on  navire  breton  qui  devait  le  ramener  dans 
son  pays  natal,  quand  il  fut  fait  prisonnier  par 
les  Anglais  et  emprisonné  à  Bodmin  dans  le 
comté  de  Cornouailles.  Au  début  de  sa  captivité, 
ses  geôliers  voulant  le  forcer  à  quitter  sa  cocarde, 
il  la  perça  de  son  épée  jusqu'à  la  garde,  déclarant 
fièrement  qu'il  se  laisserait  plutôt  tuer  que  de  la 
rendre.  Enfin,  libéré  le  7  janvier  1796  à  la  suite 
d'un  échange  de  prisonniers,  il  débarqua  au  Havre 


(1)  Quelques  bio^raphefi  disent:  à  Bordeaux: 
La  Tour  a'Auvergnc,  dans  une  do  ses  lettres, 
dit  :  à  Bayonne. 


ANNEXES 


357 


le  42,  passa  deax  on  trois  mois  à  Paris,  pais,  sa 
santé  étant  fortement  ébranlée  (i),  il  se  résolut  à 
demander  à  nne  campagne  qni  ne  Féloi^nàt  pas  de 
ses  amis  Tair  et  le  repos  qui  lai  étaient  néces- 
saires, et  choisit  Passy,  où  il  vint  an  printemps 
de  1796  se  fixer  chez  ses  amis  Pierre  et  Joseph 
Paullian. 

Avant  d*installer  La  Toar  d*Aavergne  parmi 
noos,  il  nons  semble  intéressant  de  donner 
qoelqaes  détails  sar  la  propriété  qn*il  habita. 

Située  vers  l'entrée  de  la  me  Basse  (Raynouard), 
à  gauche  en  venant  dn  coavent  des  Bonshommes, 
et  après  le  passage  des  Eaux,  elle  avait  été  achetée 
en  1769,  moyennant  39.950  livres,  par  Pierre- 
Louis  Dhiesme  (ou  Dhieme)  de  Paullian,  ancien 
officier,  et  se  composant  de  deux  maisons  conti- 

G€8  communiquant  par  leurs  cours  et  terrasses, 
première,  dite  la  petite  maison,  avait  entrée 
par  une  petite  porte  au-dessus  de  kqaelle  était 
alors  rinscription  suivante  :  Nouvelles  Eaux 
minérales,  vitrioliques,  ferrugineuses  et  astrin- 
gentes. Sur  une  des  terrasses  dn  jardin,  et  adossé 
au  corps  de  logis,  était  le  puits  de  la  fameuse 
source  découverte  en  1754  par  M.  de  Calsabigi 
(ou  Calzabigy),  et  dont  le  docteur  Raymond  a  ra- 
conté Thistoire  à  la  page  54  de  notre  premier 
volume.  La  deuxième,  dite  la  grande  maison, 
consistait  en  trois  petits  bâtiments  donnant  sur  la 
rue  Basse,  et  sur  la  terrasse  était  une  grande 
maison  éclairée  par  cinq  fenêtres  de  face  regar- 
dant la  Seine.  Il  y  avait,  en  pins,  écuries,  serres, 
celliers,  etc.  Ces  deux  maisons  avaient  été  saisies 
sur  M.  Antoine  de  Calsabigi  et  sur  la  succession 
vacante  de  sa  femme,  Simonne  Dorset,  veuve 
d*Antoine  du  Rn  de  La  Mothe,  major  général  au 
service  du  roi  de  Pologne  (Stanislas?),  et  étaient 
dites  ensemble  :  maison  de  la  générale  de  La 
Mothe  (2).  Elle  porUit  à  la  fin  du  xvni«  siècle, 
suivant  la  numération  de  Tépoque,  le  numéro  66, 
correspondant  au  numéro  21  actuel,  faisant  partie 
des  propriétés  de  la  famille  Delessert  et  actuelle- 
ment habité  par  la  Mme  la  baronne  Bartholdi. 

€  La  raison,  la  seule  raison  qui  m*a  fait  quitter 
«  Paris,  disait  La  Tour  d*Auvergne  à  son  arrivée 
€  chez  nous,  c^est  que  la  vie  qu'on  y  mène  a 
«  quelque  chose  de  trop  agité  pour  satisfaire 
«  les  goûts  d*ua  homme  simple,  qui  a  besoin 
€  aujourd'hui  de  faire  succéder  un  peu  de  repos 
<  à  de  longues  fatigues  et  à  de  pénibles  travaux. 
«  A  la  campagne,  ou  dans  les  petites  villes,  on  se 
«  trouve  dans  sa  situation  naturelle;  et,  étant 
«  placé  entre  la  société  et  la  retraite,  aussi  bien 
€  qu'entre  lereposetd'agréab*es  occupations,  Ton 


(1)  La  Tour  d'Auvergne,  outre  les  fatiiarucs  de 
ses  nombreuses  campagnes,  se  rcssenlail  tou- 
jours d'un  terrible  coup  d'épée  au'il  avait  reçu 
dans  un  duel,  le  9o  août  1778  ;  de  plus,  sa  vue 
était  fort  affaiblie,  ses  dents  supérieures  étaient 
tombées,  et  les  inférieures,  comme  il  le  dit  lui 
même,  ne  tenaient  plus  qu'à  un  fil. 

(a)  Voir  aux  Archives  nationales,  section  admi- 
nistrative, le  registre  des  ensaisinements  d'héri- 
tages à  Auteuil  et  au  Bas-Pass^,  en  la  seigneurie 
de  l'ahbave  de  Sainte-Geneviève.  Le  legs  de 
M.  Parent  de  Rosan  doit  en  contenir  une  copie 
qu'il  avait  communiquée  à  la  librairie  du  Moniteur 
universel  quand  elle  publia  en  1874  une  seconde 
édition  de  Y  histoire  de  la  Tour  a  Auvergne  par 
M.  F.-V.  Maisonneufve. 


€  se  tire  de  la  dépendance  en  cherchant  les  scn- 
€  tiers  qui  nons  dérobent  à  la  foule,  et  Ton  jouit 
«  enfin  de  cette  précieuse  liberté  sans  laquelle  on 
€  ne  peut  être  véritablement  heureux.  C*est  dans 
€  ces  sentiments  que  f ai  quitté  avec  joie  Paris  et 
€  la  grande  scène  des  événements,  pour  chercher 
€  Toubli  et  Tobscurité.  » 

La  Tour  d*Auvergae  n*avait  alors  que  800  livres 
de  retraite  (i)  et  1.000  livres  environ  de  revenu 
patrimonial;  c'était  plus  qu'il  ne  lui  en  fallait 
pour  satisfaire  ses  goûts  modestes  ;  aussi  consa- 
crait-il la  majeure  partie  de  ce  revenu  à  des 
œuvres  charitables,  et  l'on  peut  dire  que  jamais 
pauvre  ne  frappa  vainement  à  sa  porte.  Jusqu'à  sa 
mort  il  servit  une  pension  de  600  livres  à  la 
veuve  d'un  de  ses  amis,  pauvre  mère  de  famille 
devenue  subitement  folie  à  la  suite  de  revers  de 
fortune,  et  qu'il  avait  fait  placer  dans  une  mai- 
son de  santé. 

€  Quoique  je  ne  reçoive  que  25  livres  par 
€  mois  en  numéraire  et  le  reste  en  mandats  — 

<  écrivait-il  à  un  de  ses  amis,  peu  de  temps 
€  après  son  arrivée  dans  notre  commune  —  j'en 

<  ai  assez  pour  aller  doucement  dans  la  vie.  Je 
c  me  prosterne  bien  plus  volontiers  devant  la 
c  Providence  pour  la  remercier,  que  pour  lui  rien 
€  demander.  Du  pain,  du  lait  —  cet  aliment 
€  était  alors  à  peu  près  le  seul  qu'il  pût  suppor- 
«  ter  —  la  liberté  et  un  cœur  qui  ne  puisse 
€  jamais  sentir  l'ambition  :  voilà  l  objet  de  tous 
€  mes  désira.  » 

Ne  croyez  pas  que  son  temps  fût  entièrement 
consacré  au  repos.  La  Tour  d  Auvergne  était  un 
érudit  quelque  peu  numismate  et  un  polyglotte. 
Il  reprit  son  travail  sur  les  Origines  gauloises, 
dont  il  fit  paraître  en  1797  une  troisième  édition, 
beaucoup  plus  complète  que  les  deux  premières, 
et  continua  ses  recherehes  sur  l'origine  des 
langues.  L'épigraphe  qu'il  avait  mise  en  tête  de 
ses  Origines  gauloises,  et  qu'il  avait  emprun- 
tée à  La  Végèce,  peint  bien  l'homme  :  €  Les 
c  choses  accomplies  avec  courage  ne  sont  que 
«  d'un  temps,  mais  celles  qui  sont  écrites  pour 
€  la  patrie  sont  éternelles.  »  Son  manuscrit  des 
Oriatnes  gauloises,  lès  Commentaires  de  César ^ 
la  rie  de  Turenne,  de  la  famille  duquel  il  des- 
cendait indirectement  (2)  et  qu'il  avait  pris  pour 
modèle,  ne  l'avaient  jamais  quitté  dans  ses  cam- 
pagnes. 

A  Passy,  que  vovait-on  comme  ornement  dans 
son  modeste  lo|ps?...  Toujours  ses  manuscrits, 
les  livres  qui  lui  étaient  nécessaires,  ses  médailles 
antiques,  ses  vêtements  militaires,  ses  armes  et  sa 
pipe,  et...  c'était  tout! 

La  Tour  d'Auvergne  n'était  guère  notre  hôte 
que  depuis  un  an,  ^and,  au  mois  d*avril  1797, 
il  apprend  que  la  réquisition  militaire  a  enlevé  à 
son  vieil  ami  Térudit  Le  Brigant  le  seul  fils  qui 

(1)  Il  avait  demandé  que  son  traitement  de  re- 
traite fût  appliqué  aux  pauvre»  de  sa  ville  natale, 
mais  le  Comité  de  salut  public  n'adhéra  pas  h 
cette  proposition . 

(2)  Henri  Corrtd,  son  bisaïeul,  était  frère  naturel 
de  Turenne  et  du  second  duc  de  Bouillon.  La 
Tour  d'Auvergne  avait  été  autorisé,  le  a3  octobre 
iy77,  k  porter  les  armes  de  la  maison  de  La  Tour 
d  Auvergne,  en  y  ajoutant  la  barre  de  bâtar- 
dise. 


HISTOIRE    Dt'   XVI'   ARDONIXSSEMtNT 


loi  restait.  l'noitiDe  Malien  de  m»  TieaxioDn(l). 
(^e  fait-il  ?  N'koutint  que  son  cceur,  il  sollicite 
aTecinstanc^diiDireclairelapermisiioi]  derempla- 
Mrcejeane  hommeïl' armée,  l'obtient  et  part (9). 
Point  n'est  besoin  de  louer  un  tel  acte,  il  suffit  de 
le  raconter.  La  Tonr  d'Auvergne  ikait  alors  cin- 
qnante-cinq  ans  ;  la  campagne  fut  de  courte  du- 
rée et,  le  Iraiti  de  Campo-ïonnio  ijant  été  signé 
le  il  octobre  1797,  il  revint  en  France  au  mois 
de  norembre,  demeura  an  moment  il  Paris,  rue 
Croix-des-Petits- Champs,  1  l'hâtel  de  la  Marine, 
et  rentra  i  Passy,  ch«i  les  frères  Paallian,  où  il 


d'Auvergne  cbartnait  ses  amîs  par  son  éi 

MU  bon  sens  etl'éléTntion  de  son  caractère. 

Ad  mois  d'avril  1799,  il  part  nue  seconde  fois 
pour  remplacer  le  jeune  Le  Brigant,  et,  dans  les 
mois  qui  suivent,  on  le  troare  en  Suisse,  sous  les 
ordres  de  Hassena.  Pea  de  tempe  aprët,  il  est  de 
retour  dans  notre  commnne,  rapportant  an  lot 
d'inscriptions  et  de  médailles  romaines  qu'il  avait 
trouvées  dans  les  mines  de  l'antiiiDe  \indonissa 
(Windish),  et  dont  il  envoya  une  bonne  partie  i 
son  vieil  ami  Le  Brigant. 

Après  le  coup  d'titat   du   18  brumaire,   élu 


^:t]i^ai,a' 


Portrait  de  La  Tour  d'.^uvergne. 
(DesïiQ  de  M.  Mar.) 


te  remit  avec  ardeur  i  ses  travaux  de  linguistique 
et  d'archéologie.  C'est  vers  celle  époque  que  se 
rencontraient  soavent  chez  lai  les  généraux 
Desaii,  Lecoorbe,  Kléber,  Horeau  et  Uessoles  ; 
Lamarqne,  qoi  n'était  alors  qu'adjudant  général  ; 
RespèroD,  de  ta  l':OQr  de  cassation  ;  Guezno,  re- 
présentant du  Finistère  au  Conseil  des  Cinq-Cents  ; 
Le^onidec,  Toulgoi't,  et  son  ami  le  plus  intime. 
Eloi  Johanneau,  président  de  l'Académie  celtiqne. 
On  y  causait  des  affaires  publiques,  des  armées  et 
parfois  des  belles-lettres.    'loojoars    La    Tour 


2:  On  adroit   le  remplaçant,  mais   On  garda   l< 


membre  du  Corps  législatif  pour  le  département 
du  Finistère,  il  refuse  cette  dignité,  qui  lui  aurait 
valu  une  dotation  annuelle  de  TO.OOO  francs.  «Je 
«  ne  sais  pas  faire  de  lois,  dit-Il,  Je  sais  senle- 

*  ment  les  défendre;  envoyei-mOi  aux  armées. 
«  Si  la  France  jouissait  de  la  paix,  j«  n'aurais  pas 

<  hésité  t  servir  mon  pays  dans  le  sein  du  Corps 

<  législatif  ou  du  Sénat,  mais  l'instant  n'est  pas 

*  encore  arrivé.  >  Le  35  décembre  1799,  il  écrit 
à  son  ami  Le  Brigant  :  ■  Hou  Age  et  mes  in&r- 

<  mités  m'ayant  mis  hors  la  lice,  je  vis  mainte- 

■  nant  dans  la  plus  profonde  retraite  avec   ma 

■  pension  de  réforme,  celle  d'un  simple  capitaine. 

<  Je  ne  vais  plus  i  Paris  et  D'approche  d  aucune 

<  personne  en  place;  je  ne  lis  plus  aucoos  jour- 
t  naui,  me  trouvant  Maucoap  plus  beorenx  par 
(  ce  qn'on  pourrait  me  laisser  ignorer  que  par  ce 
«  qu'on  pourrait  m'apprendre.  > 


ANNEXES 


359 


A  ce  moment,  La  Tour  d*Aurergne  espérait 
UDe  paix  glorieuse  et  définitive  pour  la  France, 
qui  loi  permit  d*aller  finir  ses  jours  dans  son  pays 
natal.  Le  2  féfrier  1800,  dans  une  lettre  adres- 
sée au  citoyen  Girard,  propriétaire  à  Auch,  il  lui 
dit  :  <  J'attends  le  moment  où  le  vhouannage^ 
«  qui  infeste  encore  ma  malheureuse  patrie,  me 
€  permettra,  lorsqu^il  sera  entièrement  détruit, 

<  de  revoir  mes  foyers,  d'habiter  la  chaumière 
«  qui  m'est  restée,  et  d'aller  choisir  mon  tom- 
c  beau  à  c6té  de  mon  berceau.  Voilà  quelle  est 

<  aujourd'hui  mon  unique  rmbition,  après  celle 

<  de  voir  ma  patrie  libre,  heureuse  et  en  paix.  Si 
€  je  recouvre  une  partie  de  la  bienveillante  santé 
«  que  j'ai  perdue,  j'emploierai  à  écrire  pour  le 
«  pays  qui  m'a  vu  naître  le  temps  où  ie  me  verrai 
€  réduit  à  ne  pouvoir  plus  me  servir  de  mon  épée. 

<  Cette  douce  occupation,  à  laquelle  se  mêlera 
«  souvent  le  souvenir  de  mes  amis,  fera  le  princi- 
er pal  bonheur  du  soir  de  ma  vie.  » 

Peu  de  temi>s  après,  nouveaux  bruits  de  guerre, 
qui  lui  font  écrire  à  son  ami  Oberlin,  professeur  et 
bibliothécaire  à  l'Académie  de  Strasbourg  :  €  Je 
«  vis  à  Passy  dans  la  retraite  et  dans  l'obscurité 
€  la  plus  profonde.  Cette  manière  d'être  est  la 
c  plus  conforme  à  mes  goûts,  mais  je  ne  sais  si 
«  l'on  ne  m'en  arrachera  pas  au  printemps,  ce 

<  oui  me  dérangerait  un  peu,  avant  besoin  encore 
«  ae  cinq  on  six  mois  pour  achever  mon  travail 
«  sur  le  rapprochement  des  langues  de  l'Europe 
«  et  de  l'Asie,  comparées  au  bas-breton.  Votre 
€  maître,  le  véritable  dépositaire  de  la  langue 
«  celtique,  notre  ami  Le  Brigant,  vit  toujours 
€  dans  llndigence.  Il  se  trouve  hors  d'état  de 
€  faire  jouir  ses  ouvrages  de  la  liberté  typogra- 
«  phique,  et  le  gouvernement  s'obstine  à  ne  rien 
c  faire  pour  lui...  » 

Le  pressentiment  de  La  Tour  d'Auvergne  se 
réalisa.  Au  printemps  de  l'année  1800,  une  nou- 
velle coalition  s'étant  formée  contre  la  France,  le 
jeune  Le  Brigant  fut  rappelé  sous  les  drapeaux, 
etnotra  héros  n'hésita  pas  à  s'offrir  une  troisième 
fois  pour  le  remplacer. 

Tant  de  dévouement,  ajouté  aux  actions  d'éclat 
qui  l'avaient  rendu  populaire,  devait  trouver  enfin 
sa  récompense  :  le  26  avril,  sur  un  rapport  de 
Camot,  alors  ministre  de  la  Guerre,  le  premier 
consul  lui  décernait  le  titre  glorieux  de  premier 
grenadier  de  la  République,  et  lui  faisait  re- 
mettre une  épée  d'honneur.  La  Tour  d'Auvergne 
se  montra  sincèrement  affligé  du  titre  et  le  déclara 
hautement.  <  Tout  me  fait  un  devoir,  écrivait-il, 
«  de  m'excuser  d'accepter  un  titre  qui,  à  mes 
«  yeux,  ne  parait  applicable  à  aucun  soldat  fran- 
«  çais,  et  surtout  à  un  soldat  attaché  à  un  corps 
«  où  l'on  ne  connut  jamais  ni  premier  ni  der- 

<  nier.  »  Quant  à  l'épée  d'honneur,  il  l'accepta 
avec  reconnaissaQce(l),  et  voici  ce  qu'il  écrivait  à 

(1)  Après  la  mort  de  La  Tour  d'Auvergne,  celle 
épée  d  honneur,  par  arrêté  des  trois  consuls,  fut 
suspendue  dans  réalise  des  Invalides.  En  1816, 
on  la  déposa  au  palais  de  la  Légion  d'iionneur,  en 
attendant  qu'elle  fAl  restituée  à  la  famille.  Sous  le 
rc^ne  de  Louis-Philippe,  elle  fut  remise  aucapi- 
taine  de  Kersausic,neveu  de  la  Tour  d'Auvergne, 
qui.  le  1*'  janvier  1861,  en  fit  don  à  Garibaldi, 
alors  retiré  à  l'Ile  de  Caprcra.  Enfin,  en  i883,  les 
héritiers  de  Clanbaldi   lonl   offerte  à  la  Ville  de 


son  ami  Roujoux,  au  moment  de  son  dernier  dé- 
part :  «  Je  pars  comblé  des  faveurs  du  gouverne* 
«  ment.  Il  croit  que  je  vaux  encore  un  coup  de 
«  fusil.  Il  m'a  jeté  le  gant;  en  bon  Breton,  je  l'ai 
«  relevé,  je  vais  rejoindre  l'armée  de  Moreau, 
«  mon  ami,  mon  compatriote.  Je  retrouverai  là 
«  mes  anciens  camarades,  les  grenadiers  de  la  46*. 
«  A  cinquante-sept  ans,  la  mort  la  plus  dési- 
re rable  est  celle  d  un  grenadier  sur  le  champ  de 
«bataille,   et...  j'espère  que  je  retrouverai.  » 

Au  général  Moncev,  son  plus  ancien  compagnon 
d'armes,  il  dit  :  «  Mon  destin  est  de  finir  sur  les 
«  champs  de  bataille  ;  mon  titre  de  premier  gre- 
«  nadier  de  France  est  mon  brevet  de  mort.  » 

Dans  cette  disposition  d'esprit,  La  Tour  d'Au- 
vergne mit  ordre  à  ses  afi'aires,  distribua  le  peu 
de  meubles  qu'il  possédait,  ses  livres,  ses  manus- 
crits et  ses  médailles  entre  ses  amis,  fit  acquitter 
d'avance  une  année  de  pension  qu'il  servait  à  la 
mère  de  famille  devenue  folle,  fit  son  testament 
et  le  remit,  cacheté  de  noir,  à  son  ami  Eloi 
Johanneau.  Le  7  juin,  jour  fixé  pour  son  départ, 
les  frères  PauUian,  craignant  qu'il  ne  s'éveillât 
trop  tard,  entraient  dans  sa  chambre  à  quatre 
heures  du  matin  ;  éveillé  déjà,  notre  héros  était  à 
genoux,  prosterné  près  de  son  lit,  et...  et  priait. 
Résigné,  il  adressait  à  Dieu  son  FiatvolurUas  tua, 
et  lui  demandait  de  répandre  ses  bénédictions  sur 
cette  maison  qui,  pendant  quatre  ans,  lui  avait 
donné  l'hospitalité  et  quelque  repos  (1).  A  cinq 
heures,  il  serrait  une  dernière  fois  ses  amis  dans 
ses  bras  et  partait 

Six  jours  après  son  arrivée  à  l'armée  du  Rhin, 
le  27  juin  1800,  vers  dix  heures  du  soir,  la  lance 
d'un  uhlan  autrichien  le  frappait  mortellement  au 
cœur,  à  Oberhausen,  prèsde  Neubourg  (Bavière). 
Il  fut  inhumé  au  lieu  même  oîi  il  était  tombé, 
face  à  l'ennemi  (2). 

On  sait  que  son  cœur,  renfermé  dans  une  urne 
d'argent,  suivit  longtemps  la  46*  demi-brigade, 
et  que  tous  les  jours,  à  l'appel  de  son  nom  con- 
servé sur  le  registre  matricule,  le  plus  ancien 
caporal  de  l'escouade  dont  il  faisait  partie  répon- 
dait :  Mort  au  champ  à*  honneur  !  Cet  appel 
eut  lieu  jusqu'en  1809,  fut  repris  au  46*  régi- 
ment d'infanterie  après  la  guerre  de  1870  et  cessa 
quelque  temps  après.  Au  mois  de  juin  1887, 
Alessandri,  le  nouveau  colonel  du  46*,  prescrivit 
la  reprise  nouvelle  de  cet  appel,  mais  sevdement  à 


Paris,  qui  l'a  fait  déposer  au  musée  Carnavalet. 
Elle  est  en  vermeil,  avec  ceinturon  brodé  en  or, 
draj;onne  de  capitaine,  êji>;alement  en  or,  et 
plaque  ornée  d'une  tôle  de  Victoire  et  de  gre- 
nades. 

(1)  La  Tour  d'Auverjjne  était  toujours  resté  fi- 
dèle à  la  foi  de  ses  pères.  Toujours,  même  dans 
ses  campaf^nes.  il  portait  sur  lui  une  ima^^e  du 
Christ.  «  Oui,  mon  ami  —  disait-il  un  jour  à  M^rLe 
Coz.  évèque  de  Rennes  —  je  crois  h  la  religion 
chrélienne,  à  une  religion  révélée,  à  la  religion 
calholique.  Ses  dojijme s  éclairent  mon  esprit  et  sa 
morale  charme  mon  cœur.  C'est  à  elle  que  je  crois 
devoir  mes  faibles  vertus;  c'est  à  elle  surtout  que, 
dans  tous  les  temps,  j'ai  dûmes  plus  belles  espé- 
rances et  mes  plus  douces  consolations...  Je  me 
sens  plus  fort,  plus  grnnd,  plus  libre.  jjIus  indépen- 
dant sous  lœil  d'un  Dieu  oui  voit  toutes  mes  ac- 
tions et  dont  la  voix  semble  m'animer  sans  cesse 
aux  combats  de  la  vertu.  «• 

(•i)  Ses  restes  ont  été  solennellement  déposés  au 
l*anlhéon.  le  4"^'''t  i*H>. 


36o 


HISTOIRE   DU    XV1«   ARRONDISSEMENT 


la  sortie  du  drapeau.  Cette  cérémonie  a  toujours 
lieu  au  46^  régiment,  ainsi  qu'une  fête  militaire 
dite  la  Saint-La-Tourd'Auvergne^m  jour  anni- 
versaire de  sa  mort. 

L'urne  qui  contenait  son  cœur  fut  déposée  en 
1815  aux  Invalides,  remise  par  erreur,  en  i8i7, 
à  Mme  de  La  Tour  d'Auvergne  Lauragaais,  et 
en6n,  au  mois  de  mars  4841,  à  Mme  de  Pontavice 
de  Heussey,  petite-nièce  et  véritable  héritière  de 
La  Tour  d  Auvergne. 

Quand  les  habitants  de  Passy  apprirent  la  nou- 
velle de  la  mort  du  ffremier  grenadier  de 
France,  leur  hôte,  consternés,  ils  décidèrent 
spontanément  de  rendre  un  dernier  hommage  à  la 
mémoire  de  ce  brave  des  braves,  et  le  i^  juillet 
suivant,  à  la  suite  d'un  service  funèbre  célébré 
solennellement  dans  notre  église,  le  citoyen  Legard, 
ancien  membre  du  tribunal  de  cassation,  pronon- 
çait Véloge  de  La  Tour  d'Auvergne,  qn*il  termi- 
nait ainsi  :  «  Et  vous,  patriotes  de  Passy,  qui 
«  avez  élevé  ce  mausolée  aux  mânes  de  La  Tour 
€  d'Auvergne,  recevez  le  tribut  de  reconnaissance 
«  que  vous  doivent  les  Bretons,  mes  compatriotes, 
«  dont  je  suis  Torgane.  Il  choisit  votre  commune 
«  pour  sa  retraite,  parce  que  la  beauté  de  son 
«  site  l'enchantait  et  parce  que  l'aménité  de  vos 
«  mœurs  convenait  à  son  caractère.  Tous  les 
«  amis,  tous  les  défenseurs  de  la  liberté  applaudi- 

<  ront  aux  honneurs  funèbres  que  vous  décernez 

<  au  premier  grenadier  de  la  République,  et  leur 
«  estime  rendra  votre  commune  célèbre  dans  les 
«  armées.  » 

Ne  pourrions-nous  pas,  à  notre  tour,  rendre  un 
nouvel  hommage  à  celui  que  nousavons  eu  l'honneur 
de  posséder  pendant  quatre  ans,  et  ^ui,  de  la  re- 
traite que  deux  des  nôtres  lui  avaient  oflferte,  a 
écrit  ces  lettres  dont  nous  n'avons  donné  que  des 
fragments,  suffisants  cependant  pour  faire  appré- 
cier la  belle  âme  qui  les  avait  inspirées?  Ne 
pourrions-nous  pas,  sur  l'emplacement  de  la  mai- 
son qu'il  habita,  encastrer  un  médaillon  qui  nous 
rappelât  ses  traits  et  nous  fttsouj^er  à  ses  vertus  ? 
Nul  autre  que  lui  ne  l'a  plus  mérité  (i). 

Léopold  Mar. 


LES  DEMEURES  DE  BALZAC 

A  propos  du  centenaire  de  l'auteur  de  la  Comé- 
die humaine,  on  s'est  beaucoup  occupé  de  ses 


(i)  Rien  h  Paris  no  rappelle  le  séjour  qu'y  fil 
La  Tour  d'Auvergne.  A  Carhaix,  une  plaque  com- 
niémoralivc  a  été  placée  en  i832sur  sa  maison  na- 
tale, et  une  statue  en  bronze,  due  au  ciseau  de 
Marochetti,  lui  a  été  élevée  en  i84i.  Quelques 
souvenirs  de  lui  sont  à  La  Flèche,  où  il  Ht  ses  pn;- 
mières  études  militaires  de  1765  à  1767.  Le  musée 
de  Versailles  ne  possède,  sous  le  n»  53i  de  son 
catalogue,  qu'un  moulage  du  buste  qui  avait 
été  sculpté  par  Corbet,  et  dont  l'original,  qui  or- 
nait la  salle  des  maréchaux  au  palais  des  Tuile- 
ries, a  été  détruit  dans  l'incendie  de  1871.  Le  nom 
de  La  Tour  d'Auvergne,  que  porte  une  rue  de  Pa- 
ris se  rattache  à  une  abbesscdu  couvent  de  Mont- 
martre, mais  ne  gloriflc  nullement  la  mémoire  du 
héros.  Seul,  son  nom  est  inscrit  sur  l'Arc  de 
Triomphe  ;...  ce  n'est  pas  assez  ! 


différentes  demeures.  Gomme  Balzac  nous  a  tant 
soit  peu  honorés  de  sa  présence,  puisqu'il  habita 
rue  des  Batailles  (avenue  d'Iéna),  près  du  Troea- 
déro,  vers  1835,  et  au  n<*  47  actuel  de  la  rue 
Raynouard.de  1844  à  1847,  nous  pensons  qu'il 
ne  sera  pas  déplacé,  comme  complément  à  Parti- 
cle  de  notre  collègue  M.  de  Montagnac,  de  doniier 
ici  la  liste  de  ses  demeures  successives,  beaueoup 
plus*  )mplète,  croyons-nous,  que  celles  qui  ont 
pac'i  jusqu'à  présent. 

Honoré  de  Balzac  naquit  à  Tours  le  20  mai 
1799  (1),  rue  de  l'Armée-d'Italie,  actuellement 
rue  Nationale,  n<^  45.  Il  avait  huit  ans  quand,  en 
1807,  il  fut  envoyé  au  collège  des  Oratoriens  de 
Vendôme,  ob  il  resta  jusqu'à  1813.  En  1814,  ses 
parents  vinrent  s'installer  à  Paris,  rue  de  Thori- 
gny,  au  Marais,  puis  rue  du  Temple  jusqu'au 
commencement  de  l'année  1819,  et  le  jeune  Bal- 
zac fut  mis  en  pension,  d'abord  chez  M.  Lepitre, 
rue  de  Turenne,  puis  chez  MM.  Sganzer  et  Beu- 
zelin,  rue  de  Thorigny. 

Au  commencement  de  1819,  resté  seul  à  Paris, 
il  occupe,  à  raison  de  trois  sous  par  jour,  une 
mansarde  située  rue  de  Lesdiguières,  n«  9,  près 
de  l'Arsenal,  et  la  quitte  à  la  6n  d'avril  1820. 
pour  aller  rue  du  Roi-Doré,  aa  Marais  ;  puis  il 
rejoint  ses  parents  à  Tours,  où  il  séjourne  jusque 
vers  1825.  De  retour  à  Paris,  il  fonde,  au  n*  17 
de  la  rue  Visconti,  une  imprimerie  qu'il  conserve 
jusqu'à  la  fin  de  1827.  C'est  alors  que  criblé  de 
dettes  et  ne  sachant  oii  se  loj^er,  il  rejoint  me  de 
Tournon,  n^  2,  son  vieil  ami,  le  romancier  Henri 
de  Latouche,  dans  la  maison  duquel  il  était  encore 
en  octobre  1830. 

De  là,  Balzac  vint  habiter  rueCassini,  n<^l,près 
de  l'Observatoire,  puis,  traversant  la  Seine,  s'en 
alla  rue  Saint-Honoré.  De  1832  à  1835,  û  fut 
souvent  en  voyage,  et  c'est  vers  cette  époque  qu'il 
eut  domicile,  rue  des  Batailles,  n^  12  (avenue 
d'Iéna),  près  du  Trocadéro,  où  il  était  sûrement 
en  1834  (2). 

En  1835,  il  acheta  un  terrain  abrupt  auprès  de 
Ville-d'Avray,  et  y  fit  construire  sa  maison  des 
JardieSy  maison  acquise  et  habitée  de  nos  jours 
par  Gambetta,  qui  y  mourut.  Pendant  son  séjour 
à  Ville-d'Avray,  Balzac  eut  pied  à  terre  me  de 
Richelieu,  104,  au  coin  du  boulevard.  Cest  à  ce 
moment  qu'il  eut  l'idée  de  louer  un  magasin  de 
vente  sur  le  boulevard  Montmartre,  pour  les  cent 
mille  pieds  d'ananas  qu'il  rêvait  de  faire  venir 
dans  son  jardin  des  Jardies,et  qui  de  valent  lui  rap-> 
porter  un  demi-million  de  revenu.  On  l'engagea 
prudemment  à  différer  la  location  jusqu'à  la  ré- 
colte qui  n'eut  jamais  lieu. 

C'est  après  avoir  vendu  sa  maison  des  Jardies, 
fantaisie  ruineuse,  qu'il  vint,  en  septembre  1841 , 
se  fixer  à  Passy,  au  n°  47  actuel  de  la  rae  Ray- 
nouard,  à  l'ancien  hôtel  de  Mlle  Contât  ;  de  là. 


(1)  D  après  Théophile  Gautier,  Balzac  serait  né 
le  16  mai  1799.  jour  de  la  Saint-Honoré,  dont  il 
reçut  le  nom,  comme  de  bon  augure,  e»,  le  jour 
même  de  la  naissance  de  son  fils.  Mme  de  Balzac 
lit  planter  un  acacia,  qui  se  voyait  encore,  il  y  a 
quclcnies  années,  dans  la  cour  delà  maison. 

(2)  L'hôtel  du  prince  Roland  Bonaparte  nous 
semble  devoir  occuper  l'emplacement  de  l'ancien 
n"  la  de  la  rue  des  Batailles. 


36i 


Fortaaée.  14  fiajoQrd'hai  me  Baluc,  33).  daoa 
Diie  petite  maison  <m\  aTaJl  jadis  appirlena  an 
financier  Beaajoa.  Cesi  la  qu'il  moarat,  le  16 
■adt  4650.  Il  fat  iobamé  an  cimetière  da  Père- 
Laehaise.  près  de  C.baiiei  Nodier  e(  de  Caàmir 
Delarigne. 

Outre  tontes  lesdemenres  qne  nous  venons  d'u- 
diqner,  Baluc  eut  encore  nne  maison  de  campa- 
gne dite  :  la  Grenadiire.  près  de  Tonrs,  maison 
qui,  en  1838  et  1839,  fat  habitée  par  Bèranger.et 


<  Cett«  demenre  était  euclem»Bt  l'antipode  de 
l'antre.  Ani  Jardies,  il  (allait  tonjoura  monter  ;  i 
Passy,  il  fallait  tonjoars  descendre.  La  première 
arait  manqnè  onelqne  temps  d'escalier,  la  seconda 
en  atait  trois  étages.  On  se  présenlaiti  nne  petite 
porte  de  la  me  qui  câtoie  les  faantenrs  de  Passy, 
donnant  de  loin  sor  la  plaine  de  Grenelle.  l'Iledes 
Cygnes  et  le  Champ  de  Uars.  Pas  de  maison  de- 
Tant  soi.  Un  mnr,  nne  porte  Terte  et  nne  Mn- 
nette.  Le  concierge  onTrait,  et  l'onsetronTaitsar 
le  palier  du  premier  étage  en  descendant  du 


Portrait  ilr  Ratzac  (d'aprtfl  une  eau-forte  avantjn  Irtlrej. 
(Cullecllon  de  H.  Emile  PdIIq.) 


la  propnétê  de  Beauregard,  près  de  VillenenTe- 
Saint-Gearges. 

Balzac  a  décrit  son  séjonr  an  collège  de  Ven- 
«tOme,  dans  Louis  Lambert  ;  sa  mansarde  de  la 
me  Lndignières  dans  Faeino  Cane.  et.  dans  an 
antre  ouvrage  dont  noas  avons  onblié  le  nom. son 
appartement  de  la  rue  Cassini.  Daas  la  Fille  aux 
yeux  d'or,  on  tronvera  la  description  de  son  sa- 
perbe  salon  do  la  roe  des  Batailles,  tout  tendu  de 
satin  cerise.  Théophile  Gautier  nous  a  détaillé  les 
cariosités  de  sa  maison  de  la  rue  Fortunée. 

Ouant  à  son  logement  de  la  rue  Raynouard,  i 
Passy.  VMci  ce  qn'endit  Gérard  de  Nerval  : 


ciel  (1).  Ad  dernier  étage  on  se  trouTaîl  dans  nne 
conr.  Deni  bnstes  en  terre  cnite  indiquaient,  an 
fond,  ta  demeure  dn  romancier.  Une  fois  la  porte 
ûDverte,  nne  odenr  délicieuse  flattait  l'odorat  de 
l'homme  de  goilt.  C'était  son  office,  oii,  snr  des 
tablettes  soiçuensement  dressées,  on  admirait 
tantes  les  variétés  des  poires  de  Saint-Germain 
qu'il  était  possible  de  se  procurer.  > 
Comment  expliquer  maintenant  les  fréquents 


I)  Ici.  Gfrnrfi  ilc  Nerval  fnit  uqp  petite  e 
»l  :  «ur  If  pnlif.r  ilii  teeond  flagf  en  dt'CI 
ciW,  qu'il  aurait  fallu  maître 


36â 


HISTOIRE   OU   XVI*  AltRONDlSSEMENT 


chaD^ements  de  demeure   de  Balzac?  Théophile 
Gantier  va  nous  l'apprendre. 

«  On  se  ferait  difficilement  —  dit-il  ~  nne  idée 
du  soin  avec  lequel  Balzac  cherchait  à  se  rendre 
invisible  à  ses  créanciers,  et  quelquefois  bien  cer- 
tainement avec  des  terreurs  imaginaires.  Pendant 
une  période  de  sa  vie,  on  n'entrait  chez  lui  qu'a- 
vec un  mot  d'ordre  ;  si  vous  ne  disiez  pas 
en  enirtaii:  f  apporte  des  dentelles  de  Belgique, 
ou  :  La  saison  des  prunes  est  airivée,  vous 
étiez  rigoureusement  éconduit.  Il  se  créait  ainsi  la 
solitude  complète  aue  réclamait  sa  manière  per- 
sonnelle de  travailler.  » 

Si  le  comité  des  Inscriptions  parisiennes  tient  à 
rappeler  les  dillérents  séjours  de  Balzac,  c'est  donc 
une  douzaine  de  plaques  qu'il  lui  faudra  comman- 
der. La  rue  des  Batailles  n'existant  plus,  la  Socié- 
té historique  d'Auteuil  et  de  Passy  n'en  réclamera 
qu'une  pour  le  n°  47  de  la  rue  Raynouard,  et 
elle  est  bien  capable  de  la  poser  elle-même. 

L.  Mar. 


UNE  VISITE  A  LA  MAISON  DE  BALZAC 

RUE   RAYNOUARD,    47,   A  PASSY 

Le  19  août  1900,  le  lendemain  du  centenaire 
de  Balzac  et  du  banquet  donné  en  son  honneur  au 
pavillon  Rodin,  au  Cours-la-Reine,  un  certain 
nombre  de  Balzaciens  fidèles  se  sont  rend  us  en  pè- 
lerinage à  Passy  dans  la  maison  de  la  rue  Raynouard 
n®  47,  ob  demeura  le  romancier.  Ils  y  furent  re- 
çus par  la  fille  et  la  petite-fille  de  l'ancienne 
propriétaire,  Mme  Barbier,  qui  leur  firent  visiter 
le  nid  de  verdure  ob  furent  écrits  plusieurs  chefs- 
d'œuvre  du  maître  ;  elles  racontèrent  sur  la 
personne  et  les  habitudes  de  Balzac  quelles  anec- 
dotes caractéristiques.  Parmi  ces  visiteurs  se 
trouvaient  le  statuaire  Rodin,  le  critique  balza- 
cien Léon  Maillard,  M.  Olivier  de  Gourcuff  et 
aussi  quelques-uns  des  passionnés  admirateurs 
étrangers  de  Bakac,  parmi  lesquels  M.  Eudofilo  de 
Alvarez.  C'est  un  souvenir  f((]u'il  appartient  à  la 
Société  historique  de  recueillir  en  passant. 

Ëug.  Manuel. 


C'est  sur  son  emplacement  que  de  nos  jours  a 
été  percée  une  partie  de  la  rue  Jean-Bologne. 

C'est  alors  que  pour  remplacer  l'école  désaffec- 
tée, Mme  Claude  Chahu  acheta  dans  la  rue  Vieille 
(Raynouard)  une  maison  nouvellement  construite 
entre  oour  et  jardin  s'étendant  jusqu'à  l'église. 
Cette  maison,  peu  après,  devint  le  presb}tère  et 
l'est  encore  amourd'nui. 

D'après  la  tradition,  Mme  Chahu  aurait  eu  cette 
propriété  à  très  bon  compte,  et  voici  pourquoi  : 
elle  appartenait  alors  à  un  honnête  procureur, 
bourgeois  de  Paris,  qui  l'avait  fait  bâtir  depub 
peu  et  comptait  bien  y  finir  doucement  ses  jours. 
Rapporteur  d'une  affaire  dans  laquelle  il  avait 
fait  manger  beaucoup  d'argent  à  son  client,  il  eut 
la  maladresse  de  la  perdre.  Furieux  de  la  perte  de 
son  procès  et  surtout  de  son  argent,  notre  client 
jura  de  se  venger  du  bon  procureur.  Il  apprend 
que  celui-ci  vient  de  faire  bâtir  à  grands  frais, 
au  village  de  Passy,  une  maison  qu'il  affectionne 
beaucoup  et  dont  surtout  il  ne  se  lasse  pas  d'admi- 
rer la  vue.  Aussitôt  il  court  à  Pas^,  achète  le 
terrain  qui  se  trouve  de  l'autre  côté  de  la  rue, 
vis-à-vis  la  maison  du  procureur  et  s'empresse 
d'y  faire  élever  nne  haute  maison  oui  masque 
entièrement  la  belle  vue  qui  faisait  le  bonheur  du 
suppôt  de  Thémis  (1).  De  dépit,  celui-ci,  pour  ne 
plus  avoir  devant  les  yeux  cette  maison  construite 
avant  tout  pour  le  faire  enrager,  se  hftta  de  ven- 
dre la  sienne  à  Mme  Chahu,  oui  l'eut  presque 
pour  rien,  et  qui  par  acte  du  29  janvier  1673, 
en  fit  don  à  la  Communauté  des  manants  et 
habitants  du  village  de  Passy, 

Quelques  années  après,  les  Bamabites  durent 
racheter  cette  maison  d'école  à  la  commune,  pour 
y  établir  leur  nouveau  presbytère,  l'ancien  étant 
devenu  tout  à  fait  insuffisant  ;  nous  voyons,  en 
effet,  d'après  les  actes  conservés  aux  archives  de 
la  paroisse,  que  le  7  juin  1681,  Mme  Chahu  fit 
un  nouveau  et  dernier  don  de  5.000  livres  pour 
aider  au  rachat  de  cette  maison,  qui  ne  fut  payée 
que  12.000  livres.  Et  la  jolie  vue  qu'on  pourrait 
avoir  du  presbytère  est  toujours  cachée  par  la 
maison  d'en  face,  au  rez-de-chaussée  de  laquelle 
les  bons  contribuables  allaient  récemment  encore 
s'acquitter  de  leur  impôts,  avant  que  le  percep- 
teur nouveau  les  invitât  à  le  faire  rue  Ribéra. 

L.  Mar. 


POURQUOI  LE  PRESBYTÈRE  DE  NOTRE- 
DAME-DE-6RACE  FUT  ACQUIS  A  BON 
COMPTE. 


Avant  1667,  Savinien  Le^as,  conseiller  notai- 
re et  secrétaire  du  roi,  avait  donné  à  Passy,  pour 
y  fonder  une  école,  une  maison  avec  petit  jardin 
lui  appartenant  ;  mais  la  plus  grande  partie  de  ce 
jardin  ayant  été  prise  pour  la  construction  de 
l'église,  on  affecta  cette  maison  au  presbytère. 


L'ARRESTATION  D'ANDRÉ  CHÉNIER  A  PASSY 


C'était  dans  la  soirée  du  7  mars  1794.  Gennot, 
agent  du  comité  de  sûreté  générale,  se  rendit  à 
Passy  avec  l'ordre  d'arrêter  M.  Pastoret,  ex-lé- 
gislateur et  administrateur  du  département  de 
Paris,  demeurant  à  la  porte  du  bois  de  Boulogne, 


(i)  Voir  :  Didionnaire  des  environs  de  Paris,  par 
Peyre,i8i6,  pp.  496,496.  D'autres  ouvrages  anté- 
rieurs sur  les  Environs  de  Paris,  dont  nous  ne 
nous  rappelons  pas  exactement  les  titres,  avaient 
ëgaleincul  raconlé  cç  fait, 


TJB-à-Tis  de  la  Moett»,  »ecH.etMnie  Piuslory. 
Mme  Pisotory  était  la  belle-mère  de  M.  Paaloret. 
GeuDot  Mail  eu  outre  autorisé  à  airèler  tout  indi- 
TJda  trauré  sa  domicile  de  M.  Pastoral  et  parais- 
sant suspect.  Accompagné  de  deux  membres  du 
comité  de  surveillance  de  Pass;  qui  devait  l'asaia- 
ter.et,  au  besoio,  requérir  la  force  armée,  il  ge 
rendit  au  domicile  indiqué,  mais  d';  tronra  que 
Mme  Putoret  et  Mme  Piscalor?,  pins  Audré  Ché- 
nier,  qui  dut  justifier  sa  présence  et  l'épondil  qu'il 
accompagnait  une  dame  de  Versailles  qu'il  devait 
reconduire  en  cette  tille,  en  prenani  une  voiture 
au  bureau  du  coche.  Il  était  dix  heures  moins  nn 
quart.  Geunot  et  les  deux  commissaires  de  Passy. 
peu  satisfaits  de  l'explication,  mireul  André  Ché- 


(  ironvi  un  puticolier  i  qui  nous  avons  mandé 

I  qui  il  était  et  le  sujest  qai  l'avait  conduit  dans 
t  celle  maison  il  nous  a  eiibèe  sa  carte  de  U  sec- 
I  tion  de  Brutus  (1)  en  noua  disant  qu'il  retour- 
(  nabi  apparis,  et  qn'il  étoit  Bon  citoyen  et  que 
(  cotait  la  première  foy  qu'il  venoit  dans  cette 

■  maison,  qu'il  étoita  eompagnier  d'une  citoyenne 
I  de  Versaille  dont  il  devoit  la  conduire  audit 
(  Versaille  apprest  avoir  pris  une  voiture  an  ba- 
[  reaux  du  cauche  il  nous  a  fait  celte  déclaration 
I  ï  dix  heures  moins  ua  quard  du  soir  i  U  porte 
I  du  bois  de  Boulogne  en  face  du  d-devant  chl- 
(  teaui  de  Lamuelte  et  appresi  lui  avoir  fait  la 

■  demande  de  sa  démarche  nous  ayant  pas  répon- 

■  du  positivement  nous  avons  décidé  qu'il  seroit 


Maison  oii  Tut  arriïté  André  Cbénier,  chei  Mme  Renouord,  à  Passy, 

(Elirait  de  CAImanach  du  M'igaiin  pitloruque.) 


nier  en  état  d'arrestation  dans  la  maison  même 
où  ils  l'avaient  trouvé,  revinrent  le  lendemain 
procéder  i  son  interrogatoire  et  en  dressèrent 
procès-verbal. 

On  possède  ce  curieux  procès-verbal  publié  par 
StÎDte-Beuve,  au  tome  IV  des  Causeries  du  Lundi, 
k  la  date  du  19  mail851.En  voici  le  préambule, 
dont  nous  respectons  scrupuleusement  l'ortho- 
graphe : 

<  Le  dix-huit  vantos  l'an  second  de  URépnbli- 

<  que  française  une  et  indivisible. 

<  En  vertu  d'une  ordre  du  comité  du  sQreté 

<  générale  du  quatorze  vantose  qu'il  nous  a  pré- 
c  sente  le  dix-sept  de  la  même  anée  dnnt  le 

<  citoyen  Guéaot  est   portenr  de  laditie  ordre, 

<  apprest  avoir  requis  le  membre  du  comité  ré- 

■  volnlion  et  de  surveillance  de  ladîtte  commune 

■  de  Passy  les  Paris  nous  ayant  donné  eonnais- 

■  sauce  dndit  ordre  dont  les  ci-dessus  étoit  |>or- 

<  teors,  nous  nous  sommes  transportés,  maison 

<  qnaucupe  la  citoyenne  Piscatory  ou  nous  avons 


*  en  arrestation  dans  laditte  maison  jusqui  que 
t  ledit  ordre  qui  nous  a  été  commaniqniè  par  le 

<  citoyent  Genot  ne  soit  remplie  mais  ne  trouvant 

<  pas  la  personne  denomé  par  ledit  ordre,  nous 

*  l'avons  giTÛi  jusqu'il  ce  jourdhuy  dix-huit.  Et 

<  appresl  les  réponses  des  citoyene  Pastonrel  et 

<  Piscatory  nous  avons  présumé  que  le  citoyout 
«  devoit  estre  interrogés  et  apprest  son  iaterro- 

<  gatioD  estre  conduit  apparis  pour  y  estre  déte- 

<  nue  par  mesure  de  snretté  générale  et  de  suitte 
«  avons  interpellé  le  citoyen  Chenier  de  nous  dire 
€  cest  Domd  et  snroomd  âges  et  payi  de  naissance 

<  demeure  qualité  et  moyen  de  sabssiltè.  > 

Suit  l'inepte  interrogatoire  (2).  André  Chénier 
fut  conduit  au  Luxemboui^,  mais  le  coociei^e  de 


rue  lie  Cléry.  k  rnngle  do  la 
(a)  Signé:  Gennot,  Çrnniot! 


..,*,. 


HISTOIRE   DU   XVI"  ARRONDISSEKENT 


364 

cette  prûoD  D'tjtDt  pa  le  receTwr,  il  Tôt  uené  te 
9  mtn  t  Siint-Laiare,  d'où  il  ne  sortit  que  le 
jeudi  34  juillet  «aÎTint.  pour  être  écrooé  ï  la 
Conciergerie,  jugé  (?)  le  leudemaiD  matin  par  le 
Iribimal  réiolatianiiure  et  gaillolioë  le  mf  me  jour 
1  la  barrière  do  TrAm  renverté  (1). 


pas  qn'il  semble  appelé  i  disparaître  araot  loK- 
temps  ;  bod  utilité  poar  mettre  les  habitants  mt 
propriétés  qai  le  bordent  en  rapport  soit  avec  lei 
qaaiB,  soit  avec  U  rne  Raynonard,  doit  suffire  i 
sa  conservation ,  sans  pouvoir  ce^daiitenij)ècber 
les  modifications  que  peuvent  lui  &ire  sobir  d'aa 
jonr  i  l'autre  des  eonstruetioDsriTeraiaes,  etDieo 


.e  l'.issR);!!  des  E^ux.  rue  Itaynouord,  ■ 

La  Voûte  et  l'Escalier  en  iSSs, 

(Dessin  île  M.  L.  Har,  <l  nprèa  AlolBva.) 


LE  PASSA6E  DES  EAUX 


Encore  no  coin  pittoresque  dn  vieux  Passy  dont 
le  souvenir  iconographique  est  i  conserver  !  Non 


(i)  On  peut  éKftlenient  voir   1m  fiflalli 
*  cette  orrcstnlion  et   le  ttxle  du  i-rocft-i:  .... 
Geonot  dans   l'étude  biographique   et  litl*ri 
Irè*  complète  que  notro  ancien  el  ^^-^^ha  ^ 
sidenl.  if.  Eugène  Manuel,  a  placée 
édition  des  poésies  d'André  Chénfer  dnns 
(Jolltctioii  dei  Bibliophila,  publiée  par  Joub».--.. 
(N.  D.  S.  G.) 


n  el  regretté  pré- 
belle 


sait  û  depuis  peu  le  nombre  en  est  grand,  surtout 
dans  ces  parages... 

Ainù,  l'aspect  actuel  de  sou  entrée  ou  de  son 
débouché  dans  U  rue  Raynouard,  entre  les  n"  9 
et  41,  n'est  déji  pins  ce  qu'il  était  il  y  a  quelques 
années  ;  la  voQte  qui  Ini  donnsit  un  aspect  si  pit- 
toresque a  été  supprimée.  Ausd  avons-nous  été 
heureux  de  découvrir,  pour  notre  reproduction, 
nu  petitdessin  fait  d'après  nature,  avant  cette  sop- 

Session,  par  l'babile  pùntre  Atalaya,  qui  habite 
ssy  depuis  prés  de  vingt  ans  et  l'a  exploré  dans 
bien  des  sens. 

Ce  passage,  dont  la  partie  haute  estsi acciden- 
tée avec  ses  cent  quatone  marches  irrégolièrec. 


ANNEXES 


365 


bordées  de  vieilles  moraUles  aax  lierres  retom* 
bants,  surmontés  d'abondantes  et  folles  frondai- 
sons, ne  doit  gnère  remonter  —  croyons-nons  — 
qa*aux  premières  années  du  xviii* siècle,  à  l'époque 
où  Fabbé  Le  Ragois  décooTrit  dans  son  jardin  ses 
fameuses  sources  d'eaux  minérales  ferrugineuses, 
Yitrioliqnes,  sulfureuses  et...laxatiTes,etyjoignit 
celles  de  son  voisin  Guichon  (i). 

Quand,  en  4754,  M.  de  Caisabigi  chercha  à  dé- 
tourner la  vogue  sur  la  nouvelle  source  qu'il  venait 
de  découvrir  dans  le  voisinage  des  anciennes,  et 
qu'il  avait  baptisée  du  nom  &  Nouvelles  Eaux, 
on  crut  devoir,  pouréviter  toute  confusion,  donner 
à  notre  ruelle  la  dénomination  de  passage  des 
Anciennes-Eaux,  qu'elle  garda  longtemps. 

Vérité  digne  de  La  Palisse,  son  nom  indiquait 
bien  son  but  :  passage  conduisant  des  hauteurs  de 
Passy  an  premier  âablissement  en  vogue,  mais 
non  sans  quelque  danger  pour  les  valétudinaires 
peu  ingambes,  surtout  par  un  temps  de  verglas. 

Arrivé  sans  encombre  —  si  possible  —  au  bas 
des  marches,  et  tournant  forcément  à  gauche, 
Texpluratenr  tant  soit  peu  curieux  était  fortement 
surpris,  il  n'y  a  pas  plus  d'un  an  ou  deux,  à  la 
vue  du  dernier  survivant  des  réverbères  à  huile  de 
notre  commune,  suspendu  au  milieu  de  la  voie  par 
d^antîques  cordages  i^).  Peut-être  eùt-il  fallu  aller 
bien  loin  pour  lui  découvrir  un  frère  aussi  rétros- 
pectif. Le  malheureux,  honteux  de  son  peu  d'éclat 
dans  notre  siècle  des  lumières,  aura-t-il  été  se  ré- 
fugier au  musée  Carnavalet,  dont  il  se  croyait 
digne  au  point  de  vue  de  la  curiosité,  ou  chez 
quelque  collectionneur  d'anciens  lumignons  ? 

Mais,  à  défaut  de  la  vue  du  fameux  réverbère, 
le  voyageur  qui  s'aventure  encore  dans  ces  paraees 
ne  peut  échapper  à  la  lecture  d'un  avis  peint  de- 
puis un  temps  semi-immémorial,  en  gros  carac- 
tères, au  bas  des  escaliers,  et  relatif  à  la  propreté 
du  passage  ;  cet  avis,  peut-être  utile  pour  les  mon- 
tants, est  certainement  un  peu  tardif  pour  ceux 
(|ui  descendent.  Quant  à  la  voûte  qui  devait  rester 
immaculée,  ainsi  que  nous  venons  de  le  dire,  eue 
n'existe  plus. 

Somme  toute,  comme  un  peuple  heureux,  notre 
passage  a  peu  d'histoire  ;  cependant,  nous  devons 
mentionner  au  n*7  la  demeure  du  docteur  Chenu, 
l'ami  dévoué  des  Delessert,  qui  s'est  beaucoup  occupé 
d*histoire  naturelle,  a  écrit  de  fort  bons  traités  de 
botanione,  d'entomologie  et  de  conchyliologie,  et 
analysé  sérieusement  les  qualités  des  cinq  sources 
d'eaux  ferrugineuses  do  Passy,  dont  il  a  donné  une 
bibliogra|)hie  complète.  Un  de  nos  anciens  conseil- 
lers municipaux  d'avant  Tanoexion,  M.  Delpla, 
chef  de  bataillon  de  Tex-garde  nationale,  habita 
longtemps  le  n^  4  ;  enfin,  un  artiste  d'un  certain 
talent,  A.-J.  Lorentz,  vécut  assez  misérablement 
ses  dernières  années  dans  cette  même  maison,  où 
il  mourut  le  40  juillet  1889.  lléuit  l'auteur  d'un 
pamphlet  illustré  fort  connu,  écrit  en  4848  contre 


(i)  D'après  une  vue  du  bas  Possy,  faites  vers 
1G75.  la  partie  du  passage  des  Enux  allant  de  lu 
Seine  au  n«  4  semble  exister  déjn  et  aboutissait 
alors  en  ligne  directe  à  deux  maisons  assez  im- 
portantes. 

(a)  Comme  on  le  voit  par  notre  dessin,  fait  en 
i88a,  il  y  en. avait  un  autre,  mais  moins  arriéré, 
cherchant  à  éclairer  le  milieu  de  l'escalier. 


L)uis-Philippe  et  son  gouvernement,  et  intitulé  : 
Polichinel,  ex-roi  des  Marionnettes,  devenu 
philosophe, 

L.  Mar. 


LA  SEINE 

ENTRE   LE  POIIT  d'iÉNA  ET  LE  VIADUC  D*AUTEUIL  (i) 

La  Seine  offre  des  perspectives  très  belles  et 
très  variées  dans  la  traversée  de  Paris;  le  mouve- 
ment des  bateaux,  qui  contribue  à  l'animation,  y 
existe  depuis  bien  longtemps,  puisqu'il  date  d'au 
moins  deux  mille  ans.  Les  premiers  accroissements 
de  notre  grande  ville  sont  probablement  dus  à  sa 
situation  sur  les  lies  de  la  Seine,  placées  entre 
les  confluents  de  la  Marne  et  de  l'Oise  :  car  cette 
position  était  éminemment  favorable  au  dévelop- 
pement des  communications  avec  les  pays  traversés 
par  la  Seine,  l'Yonne,  l'Aube,  la  Marne,  l'Oise  et 
l'Aisne  ;  dans  ces  temps  reculés,  les  rivières  cons- 
tituaient le  meilleur  et  souvent  même  le  seul  dé- 
bouché pour  les  échanges.  Paris  s'est  souvenu  de 
ces  origines  quand  il  a  mis  dans  ses  armoiries  un 
vaisseau,  avec  la  célèbre  devise  :  Fluctuai  née 
mergitur,  qui  conviendrait  i  tous  les  naviga- 
teurs. 

Si  on  en  juge  par  une  inscription  du  temps  de 
l'empereur  romain  Tibère,  qui  a  été  trouvée  dans 
l'emplacement  du  chœur  de  Notre-Dame  de  Paris 
et  qui  fait  mention  des  Nautœ  Parisiaci,  l'im- 
portance de  la  navigation  de  la  Seine  était  assez 
grande,  dès  le  commencement  de  notre  ère,  pour 
justifier  la  formation  de  corporations  des  bate- 
liers. 

Des  documents  fort  anciens  montrent  que  cette 
navigation  parisienne  s'est  toujours  maintenue 
pendant  le  moyen  âge,  malgré  l'insécurité  qui 
était  malheureusement  si  fréquente  i  cette  époque. 
Le  roi  Dagobert*  bienfaiteur  de  l'abbaye  de  Saint- 
Denis,  lui  attribua  les  péages  à  percevoir  sur  cette 
navigation,  ainsi  que  divers  droits  de  port,  etc., à 
payer  par  les  marchands  fréquentant  la  foire  an- 
nuelle qui  se  tenait  dans  un  lieu  peu  éloigné  de 
celui  oii  se  trouve  actuellement  la  porte  Saint- 
Martin. 

Un  capitulaire  de  l'empereur  Charlemagne  sévit 
contre  des  péages  irrégulièrement  établis  sur  la 
Seine.  Un  diplôme  du  roi  Louis  VU,  datant  de 
1170,  qualifie  d'antique  la  corporation  des  mar- 
chands de  l'Eau  de  Paris,  en  confirme  les  privi- 
lèges et  porte  que  nul  ne  pourra  faire  transporter 
par  eau  de  marchandises  entre  Paris  et  le  pont  de 

(1)  Les  coteaux  de  Passvet  d'Auteuil  s'étendent 
jusqu'à  la  rive  droite  de  lu  Seine  ;  j'ai  donc  pensé 
que  quelques  détails  sur  le  port  fluvial  de  Paris  et 
une  notice  historique  et  descriptive  des  ouvrages 
compris  entre  le  pontd'Iéna  et  le  viaduc  d'Auteuil 
pouvaient  être  considérés  comme  rentrant  dans  le 
cadre  des  éludes  de  notre  Société  ;  je  désire  que 
cette  courte  monoj^rnpliie  aide  h  conserver  les 
noms  de  ceux  qui  ont  travaillé  à  la  oonstructioo 
de  ces  ponts. 


366 


tItStOtRË    DU   XVl^    ARRONDISSEMENt 


Mantes  s'il  n'est  marchand  appartenant  à  cette 
corporation,  ou  associé  à  un  marchand  de 
Teau. 

La  perception  de  nombreux  droits  seigneorianx 
de  péage,  l'insuffisance  du  tirant  d*eau  pendant  la 
saison  sèche,  l'existence  de  ponts  à  arches  trop 
étroites  qui  se  trouvaient  en  partie  fermées  par 
des  moulins,  les  pêcheries  fixes  ont  entravé  pen- 
dant bien  des  siècles  ce  mouvement  commercial. 
Quoique  de  nombreux  èdits  du  Parlement  eussent 
ordonné  la  suppression  de  taxes  perçues  irrégn- 
Ûèrement,  il  y  avait  encore,  au  commencement  du 
xYiu^  siècle,  dix-neuf  péages  grevant  la  naviga- 
tion de  la  Seine  entre  Paris  et  la  Roche-Guyon, 
c'est-à-dire  sur  on  parcours  de  133  kilomè- 
tres. 

L'abolition  des  droits  seigneuriaux  permit  à  la 
batellerie  de  prendre  un  nouvel  essor  ;  mais  elle 
se  trouvait  encore  gêné  par  beaucoup  d'obstacles  : 
le  chenal  abandonné  à  lui-même  était  u*régulier ,  fort 
sinueux,  peu  profond  dans  les  rapides,  oU  le  cou- 
rant était  violent  ;  le  mouillage  s'abaissait,  sur 
certains  points,  à  60  centimètres  en  basses  eaux. 
Les  travaux  d'amélioration  de  la  navigabilité  de 
la  Seine  ne  datent  que  du  xix*^  siècle. 

Notre  fleuve  est  actuellement  bordé  de  quais 
sur  presque  toute  la  longueur  de  la  traversée  de 
Paris  ;  on  n'y  trouve  plus  de  chemin  de  halage 
que  sur  la  banquette  p«rreyée  d*Auteuil,et  le  ha- 
laee  ne  s'y  exerce  plus  depuis  l'époque  à  laquelle 
a  été  organisé  le  service  des  bateaux-toueurs. 

Comme  les  routes  étaient  devenues  très  mau- 
vaises dans  les  dernières  années  du  xviii^  siècle, 
le  coche  d'eau  était  fréquenté  pour  les  relations 
entre  Paris,  Auxerre,  Meaux,  l'royes  et  Rouen  ; 
ces  services  ont  été  délaissés  lorsque  les  dili- 
gences ont  procuré  un  moyen  de  transport  plus 
rapide. 

£n  1834,  l'ingénieur  en  chef  des  ponts  et  chaus- 
sées Poirée  parvint  à  résoudre  le  problème  diffi- 
cile de  la  construction,  en  rivière,  de  barrages 
entièrement  mobiles,  ce  qui  permit  d'entreprendre 
efficacement  la  canalisation  de  la  Seine  (4)  ;  on 
se  bornait  alors  à  obtenir  un  tirant  d'eau  mini- 
mum de  2  mètres  et  c'est  dans  ce  but  que  fut 
construit  le  premier  barrage  de  Suresnes  (i),dont 
le  fonctionnement  permit  d'établir  le  service  des 
bateaux  à  vapeur  omnibus  en  1867,  juste  à 
temps  pour  conduire  les  risiteurs  à  l'Exposition 
internationale  du  Champ  de  Mars.  Avant  k  cons- 
truction de  ce  premier  barrage  de  Suresnes,  au 'il 
a  fallu  refaire  ensuite  pour  porter  le  tirant  d  eau 
de  2  mètres  à  3'", 20,  les  bateaux  à  vapeur  au- 
raient été  exposés  à  ne  pas  avoir  une  profondeur 
suffisante  pour  naviguer  pendant  Tété. 

Il  fut  décidé  par  la  loi  du  6  avril  1878  qu'on 
remanierait  les  ouvrages  de  la  Seine,  pour  main- 
tenir en  tout  temps  un  mouillage  minimum  de 
S^'jâO,  comme  l'avait  proposé  précédemment  l'ins- 


(1)  A  Bezons,  M.  PoiiV'o  rr'mplfl(;A  l'oncien  ncr- 
tuis  par  un  barrage  ù  fernieltes  cl  à  aiguilles, 
semblable  aux  ouvrages  qu'il  venait  d'clablir  sur 
rY'onnc;il  construisit  le  barrage  de  Dongivnl, 
L'invention  de  M.  Foirée  a  reçu  de  nombreuses 
applications  en  France  et  à  l'étranger. 

(:•)  Le  premier  barrage,  autorisé  par  décret  du 
11  décembre  iHG'i,  a  été  exécutépar  les  ingénieurs 
Beaulieu  et  Savarin,  qui  le  lerminèrenl  en  iK66. 


pecteur  général  des  ponts  etchansséesBelgrand(l), 
I>uis  M.  Krantz,  ingénieur  en  chef  de  la  naviga- 
tion de  la  Seine  et  actuellement  sénateur  (2).  Cette 
œuvre  a  été  complétée,  sous  l'inspiration  d'un 
membre  de  notre  Société,  l'honorable  sénateor 
M.  de  Freycinet,  par  la  loi  du  Si  juillet  1880, 
prescrivant  de  réaliser  le  mouillage  de  S^'.iO  non 
seulement  jusqu'à  l'écluse  de  la  Monnaie,  mais 
dans  toute  la  traversée  de  Paris. 

La  canalisation  de  la  Seine,  <^ui  a  été  terminée 
en  1878,  a  coûté  environ  61  millions  :  le  prix  de 
transport  par  terre  et  par  kilomètre,  qui  était  de 
8  à  10  centimes  en  1830  et  de  5  centimes  en 
1859,  est  descendu  à  moins  de  2  centimes.  La 
navigation  n'est  plus  interdite  d'une  manière  ab- 
solue qu'en  temps  de  glaces  :  il  est  vrai  que  les 
bateaux  se  trouvent,  en  outre,  arrêtés  pendant  les 
fortes  crues  par  divers  ponts,  à  cause  de  la  faible 
hauteur  des  arches,  et  qu'ils  ne  peuvent  plus  faire 
leurs  opérations  d'embarquement  et  de  débarque- 
ment lors<]ue  ces  crues  submergent  les  bas  quais, 
({ui  se  divisent  en  deux  catégories  :  les  ports  de 
tirage,  qui  descendent  avec  une  pente  transrer- 
sale  assez  considérable  jusqu'auniveau  de  l'ancienne 
retenue  de  Suresnes  (3),  et  les  ports  droits,  qui 
se  terminent,  du  côté  de  la  rivière,  par  un  mur 
vertical.  Les  ports  de  tirage  tendent  à  être  pro- 
gressivement remplacés  par  des  ports  droits. 

La  traversée  de  Paris,  dont  la  longueur  est  de 
12  kilomètres,  fait  partie  du  bief  de  Suresnes, 
dont  la  longueur  totale  est  de  i5  kilomètres  et 
demi  et  dont  la  retenue  se  trouve  k  27  mètres  au* 
dessus  du  niveau  de  la  mer.  GrAce  à  l'établisse- 
ment du  nouveau  barrage  de  Suresnes,  commencé 
en  1880  et  terminé  en  1885,  la  Seine  forme  à 
Paris  un  vaste  bassin  pour  lequel,  dans  l'état 
normal  et  sauf  les  variations  provenant  des  crues, 
le  niveau  de  l'eau  est  maintenu  à  peu  près  constam- 
ment à  cette  altitude  (4).  On  manœuvre  le  barra- 
ge  de  Suresnes,  qui  est  relié  au  bureau  télégraphi- 
quedu  quai  Mala(iuai8,de  maniérée  réaliser,penaant 
les  eaux  ordinaires  et  autant  que  possible,  un  ni- 
veau constant  au  pont  Royal.  Les  écluses  et  bar- 
rages mobiles  de  Suresnes  sont  séparés  par  deux 
lies  (5). 

Les  grandes  routes  d'abord,  ensuite  et  surtout 
les  chemins  de  fer  avaient  réalisé  pour  la  circu- 
lation publique  de  tels  progrès  que  la  navigation 
de  la  Seine  avait  paru,  aux  yeux  du  public,  aroir 

fi}  Dans  un  projet  pris  en  considération  parla 
décision  minislénelle  du  28  juin  i855. 

{•a)  l*ar  diverses  publications  en  1869  et  par  dea 
rapports  présentés  à  l'Assemblée  nationale. 

(3j  C'est-à-dire  à  i  m.  ao  au'dessous  de  la  retenue 
d'eau  actuelle. 

[fi)  La  penle  totale  de  la  nnppc  d'eau,  entre  le 
pont  National  et  le  viaduc  «l'Auleuil,  séparés  par 
une  distance  de  ii.6ao  mètres,  n'est,  pendant  les 
eaux  ordinaires,  que  de  30  centimètres;  elle  dé- 
pend de  l'importance  du  débit,  qui  varie  entre 
Oc)  el  2.(xx)  mètres  cubes  par  seconde,  quoique  la 
Se'ine  soit  un  fleuve  relativement  tranquille  ;  la 
pente  descend  au-dessous  de  3o  centimètres, 
quand  le  débit  est  très  faible  ;  elle  s'est  élevée  à 
2  mètres  pendant  la  grande  crue  du  17  mars  1876. 

(5)  La  nauteur  de  chute  du  barraf^e  de  Suresnes 
est  de  3  m.  27  ;  la  loniïueur  utile  du  sas  est  de 
lOc)  m.5o,  et  largeur  niinima  de  12  mètres.  Cet  ou- 
vrage a  été  construit  par  l'inspecteur  général  des 
ponts  et  chaussées  Boulé,  alors  ingénieur  en  chef 
de    la    navigation     de    la    Seine,  les    ingénieurs 


ANNEXES 


367 


perdu  une  grande  partie  de  son  ancienne  impor- 
tance.Getteapprécutionest  juste  pour  ce  qui  con- 
cerne les  voyageurs  et  les  transports  à  grande  Ti- 
tesse;  mais  il  est  incontestable  que  les  travaux  qui  ont 
été  exécutés,  dans  ces  dernières  années,  par  le 
service  des  ponts  et  chaussées  et  qui  pourront 
recevoir  ultérieurement  une  plus  grande  extension 
ont  déjà  permis  à  la  batellerie  de  la  Seine  de 
prendre  un  déyeloppement  énormément  supérieur 
à  celui  qui  a  pu  être  constaté  pendant  les  siècles 
précédents. 

La  réalisation  d*un  mouillage  minimum  de 
3*^,20  entre  Paris  et  la  mer  et  Tamélioration  des 
Toies  navigables  communiquant  avec  notre  fleuve 
y  ont  considérablement  augmenté  le  mouvement 
commercial  ;  la  batellerie  a  enlevé  au  chemin  de 
fer  de  TOuest  une  grande  partie  du  trafic  des  ma- 
tières pondéreuses.  Paris  se  trouve  actuellement 
relié  dans  de  bonnes  conditions  avec  les  principa- 
les voies  navigables  de  la  France,  de  la  Belgioue 
et  du  bassin  du  Rhin  (i);  Le  trafic  totad  des 
marchandises  du  port  fluvial  de  Paris,  consistant 
principalement  en  importation  de  combustibles, 
maténaux  de  construction,  vins  et  autres  pro- 
duits agricoles,  est  supérieur  à  celui  du  port  de 
Marseille  :  on  peut  en  conclure  que  Paru  est  de- 
venu le  port  le  plus  important  de  France  (2)  au 
5 oint  de  vue  du  tonnage  en  poids  des  marchan- 
ises  embarquées  ou  débarquées. 

Sauf  quelques  yachts  de  plaisance  et  des  ca- 
boteurs à  vapeur  qui  portent  de  Paris  à  Londres 
des  chargements  de  300  à  400  tonnes,  consistant 
principalement  en  sucres,  tous  les  bateaux  à  mar- 
chandises sont  des  chalands  qui  ne  se  prêtent  qu*à 
la  navigation  fluviale  ;  leur  tonnaee  est  générale- 
ment de  300  à  500  tonnaux  ;  il  descend  quelque- 
fois à  25  et  s^élève  exceptionnellement  jusqu'à 
i.OOO  tonnes,  soit  un  million  de  kilogrammes, 
en  pleine  charge.  Pour  un  tiers  de  ces  bateaux, 
la  traction  se  fait  par  un  touase  sur  une  chaîne 
noyée  ;  les  autres  sont  remorques  par  des  vapeurs 


Nicoud  el  Luneau,  les  conducteurs  Bosselet  et 
Lerooine,  dans  un  système  analogue  à  celui  des 
fermettes  mobiles  inventé  en  i834*  par  M.  Poirée, 
mais  avec  une  liauteur  beaucoup  plus  considérable 
pour  les  fermettes.  Les  ouvrages  métalliques 
permettant  d'ouvrir  et  de  fermer  les  trois  passes 
ont  été  exécutées  par  l'usine  Joly,  à  Argenteuil. 
Il  était  très  important  d'exécuter  le  barrage  de 
Suresnesde  manière  à  assurer  une  stabilité  suffi- 
sante pour  ne  pas  être  exposé  à  un  accident  de 
nature  à  imposer  l'ouverture  de  cet  ouvrage  pen- 
dant les  basses  eaux  ;  car,  si  cette  éventualité 
venait  à  se  produire,  la  navigation  serait  inter- 
rompue à  Paris  pendant  les  basses  eaux,  et  le  lit 
de  la  Seine,  qui  est  encore  actuellement  couvert 
de  vases  provenant  des  égouts,  se  trouverait  en 
partie  mis  à  nu,  à  l'air  libre,  sur  de  grandes  sur- 
inces. 

(1)  Les  relations  par  eau  avec  Lyon  ont  déjà  été 
améliorées  sur  le  canal  de  Bourgogne;  les  com- 
munications avec  le  Bourbonnais  sont  devenues 
très  faciles  par  Briare. 

(a)  Navier  dans  son  rapport  présenté  le  i*'  mai 
l8a6  à  l'Académie  des  Sciences,  rapporte  que  la 
durée  du  trajet  d'un  bateau  du  llavre  a  Paris  était 
alors  de  3o  à  35  jours  et  que  le  traflcdcs  marchan- 
dises entre  ces  villes  ne  dépassait  pas  160.000  tonnes. 
Le  tonnage  du  port  de  Paris  s'est  élevé,  en  189.^ 
à  tt.Gl6o.wfi  tonnes  pour  In  Seine  seule  et  à 
6.937.714  tonnes,  si  l'on  y  njoulo  le  trafic  des  ca- 
naux Saint-Martin,  Sninl-Denisel  de  i'Ourcq. 


dont  la  longueur  varie  de  32  à  30  mètres  et  la 
force  de  300  à  300  chevaux. 

Le  transport  en  commun  des  voyaseurs  par  ba- 
teaux à  vapeur  omnibus,  tant  dans  la  traversée 
de  Paris  que  dans  la  banlieue  est  assurée  par  107 
bateaux  à  hélice,  comprenant  30  hirimdelles 
numérotées  de  1  à  30,  et  87  bateaux  parisiens, 
portant  les  numéros  suivants  ;  chaque  bateau  a 
30  mètres  de  longueur  et  peut  porter,  suivant  sa 
largeur,  de  335  à  400  voyageurs.  L'embarque- 
ment et  le  débarquement  s*opèrent  au  moyen  de 
pontons  ayant  une  largeur  uniforme  de  5  mètres 
et  une  longueur  variant  de  15  à  30  mètres.  Le 
nombre  des  voyageurs  transportés  en  1895  a  dé- 
passé 35  millions. 

Les  ponts  reliant  Passy  et  Auteuil  aux  quartiers 
de  la  rive  gauche  ont  tous  été  construits  pendant 
le  xii?  siècle. 


PONT  D*1É1«A 

Le  pont  d*Iéna,  dont  le  projet  a  été  dressé  en 

1806,  devait  d'abord s*appeleru  pont  du  Champ-de- 
Mars  »,  parce  qu*il  se  trouve  placé  dans  Taxe  de 
cette  grande  esplanade.  Le  nom  qu*il  porte  ac- 
tuellement lui  a  été  donné  par  un  décret  de  Tem- 
pereur  Napoléon  l^'  daté  de  Varsovie,  13  janvier 

1807,  en  mémoire  de  la  bataille  gasnée  sur  les 
armées  prussiennes,  le  14  octobre  1806  ^1).  Les 
travaux  du  pont  dléna,  y  compris  rétabhssement 
des  quais  de  l'une  et  l'autre  rive,  sur  environ  1 
kilomètre  de  longueur,  ont  été  évalués  à  6.156.000 
francs  ;  on  n'a  pas  la  trace  de  la  dépense  exacte  du 
pont  proprement  dit  et  il  ne  sera  plus  possible  de 
connaître  ce  chiffre,  les  archives  du  service  des 
ponts  de  Paris  ayant  été  brûlées  en  1871.  La  Com- 
mune avait  désigné  un  successeur  à  M.  Vaudrey, 
alors  ingénieur  en  chef  de  la  navigation  de  la  Seine, 
qui  avait  quitté  son  domicile  de  la  rue  de  la  Boëtie. 
Ce  successeur  se  présenta  au  bureau  de  M.  Vau- 
drey, ce  qui  détermina  tous  les  agents  à  déguerpir; 
il  déclara  qu'il  ne  pouvait  pas  faire  le  service 
sans  employés  et  donna  ordre  à  des  voitures  de 
déménagement  de  transporter  tous  les  papiers  de 
service  à  l'Hôtel  de  Ville  ;  ils  ont  été  consumés 
dans  l'incendie  de  ce  monument. 

Le  pont  d'Iéna  a  été  construit  par  l'ingénieur 
en  chef  Lamandé.  Commencé  en  1806,  il  était  à 
peine  terminé  en  1814,  quand  des  troupes  prus- 
siennes firent,  sans  succès,  quelques  tentatives 
pour  le  faire  sauter.  Le  roi  Louis  XVIII  s'opposa 
à  cet  acte  de  vandalisme  et  déclara  au'il  irait  se 

S  lacer  sur  le  pont  dans  le  cas  oii  le  feld-maréchal 
iliicher,  qui  commandait  l'armée  prussienne,  en 
ordonnerait  la  destruction.  On  dit  que  l'interven- 
tion de  l'empereur  de  Russie  Alexandre  I^'' contri- 
bua à  sauver  le  pont;  on  convint  qu'il  serait 
conservé,  mais  qu'il  changerait  de  nom  :  en  effet, 
une  ordonnance  royale  de  juillet  1814  lui  donna 
le  nom  de  «  pont  des  Invalides  » ,  qu'il  conserva 


(1)  Le  pont  d'Iéna,  dont  la  longueur  est  de 
158  mètres,  est  composé  de  cinq  arches  ayant 
chacune  28  mètres  de  corde  et  3  m.  42  de  flèche  ; 
chaque  pile  a  3  mètres  d'épaisseur;  la  largeur  entre 
parapets  est  de  i3  m.  7o. 


368 


HISTOIRE    DU   XVI*  ARRONDISSEMENT 


jasqu'en  i830  (1)  ;  depuis  lors,  il  a  repris  son 
nom  primitif  de  pont  diéna. 

Des  aigles  scaiptés  par  Lemot  ornaient  les  tym- 
pans du  pont  ;  ils  ont  été  enlevés  en  1815  et  ré- 
tablis en  1851  :  c'est  le  sculpteur  Barye  qui  est 
Fautenr  de  ces  derniers. 

Les  piédestaux  qui  terminent  les  parapets  ont 
été  ornés,  en  1853,  de  quatre  (;roupes  équestres 
réprésentant  des  guerriers  de  diverses  nations  : 
les  deux  groupes  de  la  rive  droite  sont  de  Devaux 
etFruchére  ;  ceux  de  la  rive  gauche  deDaumaset 
Préault. 

Le  pont  dléna  aboutit,  sur  la  rive  droite 
(Passy),  à  Tancienne  route  de  Versailles,  qui  se 
nommait  autrefois,  sur  ce  point,  le  €  quai  de 
Chaiilot  »  ;  ce  quai  reçut,  par  décret  du  10  jan- 
vier 1807,  le  nom  du  général  Debilly,  tué  à  la 
bataille  d*Iéna. 


PASSERELLE  DE  PASSY 


La  passerelle  de  Passy  est  située  à  une  distance 
de  553  métrés  du  pont  dlénaet  de  821  métrés  du 
pont  de  Grenelle  ;  elle  ne  sert  qu'au  passage  des 
piétons  et  a  été  construite  pour  rétablir,  entre  le 
quartier  du  Trocadéro  et  celui  du  Champ-de-Mars» 
la  communication  temporairement  interdite  au  pu- 
blic, sur  le  pont  dléna,  pendant  la  durée  de  l'ex- 
position universelle  de  1878.  Cet  ouvrage,  qui 
devait  être  provisoire,  a  été  conservé  en  raison 
des  services  qu'il  rend  à  la  circulation  publique. 
Il  a  lO^'.^O  de  largeur  entre  garde-corps  et  se 
compose  de  deux  parties,  séparées  par  File  des 
Cygnes,  ayant  respectivement  pour  longueur  entre 
les  culées,sur  le  grand  bras  delà  Seine  (rive  droite) 
120  mètres,  et  sur  le  petit  bras  {rÎYB  gauche)  90 
mètres  (i). 


PONT  DE  GRENELLE 


Une  Compagnie  a  été  autorisée,  en  1825,  à 
construire  à  ses  frais  sur  la  Seine,  en  face  de 
Grenelle,  qui  était  alors  une  commune  industrielle 
située  en  dehors  du  mur  d'enceinte  de  Paris,  un 


(i)  En  i8i^,  il  n'existait  aucun  pont  sur  i'cmpla* 
ccinent  du  pont  actuel  des  Invalides  ;  le  ponl  sus- 
pendu qui  a  été  établi  sur  ce  point  en  1829  et 
était  dénommé  «  pont  de  l'avenue  d'Antin  »  a  été 
remplacé,  en  i855  à  l'occasion  de  la  première  Ex- 
position universelle  de  Paris,  par  un  pont  en  ma- 
Sonnerie,  qui  a  reçu  et  conservé  le  nom  de  <  pont 
es  Invalides  ». 

(a)  Chaque  partie  est  composée  d'un  arc  central 
avec  une  articulation  au  sommet,  et  de  deux  demi- 
arcs  joignant  les  piles  aux  culées.  On  voit  au 
milieu  de  l'arclic  marinière  le  boulon  d'orticula- 
tion  qui  relie  les  deux  moitiés  de  l'arc  central  ; 
chacune  de  ces  moitiés  est  ainsi  tenue  à  peu  près 
en  équilibre  par  le  demi-arc  de  rive  ;  on  pourrait 
assimiler  cette  disposition  h  celle  d'un  fléau  de 
balance  ;  les  deux  moitiés  de  l'arche  marinière 
s'appuient  l'une  sur  lautre.  Les  piles  sont  for- 
mées chacune  de  deux  tubes  en  fonte  remplis  de 
béton.  Les  travaux  ont  été  exécutés  par  la  maison 
Cail,  sous  la  direction  de  MM.  Huel  et  Bartet,  in- 

Sénieurs  de  la  Ville  de  Paris,  et  sous  le  contrôle 
e  MM.  Bernard  et  Pérouse,  ingénieurs  de  la  na- 
vigation de  la  Seine.  Us  ont  coOté  /|20.ooo  francs 
auxquels  la  Ville  de  Paris  a  participé  pour 
310.000  francs,  l'Ktat  el  le  sen  ice  de  l'ExpoMtion 
chacun  pour  iu5.ouu  francs. 


pont  en  même  temps  qu*an  poK  et  nne  gare, 
moyennant  le  droit  de  percevoir  pendant  47  ans 
un  péage  pour  le  passage  du  pont,  le  stationne- 
ment des  iMLteaux  dans  la  gare  d'eau  de  Grenelle 
(rive  gauche)  et  le  dépôt  des  marchandises  sur 
le  port.  Cette  Compagnie  exhaussa  l'Ile  des  Cvgnes, 
qui  auparavant  était  submersible.  Le  pont  de  Gre- 
nelle comprenait  six  arches  en  char|»ente,  de  25 
métrés  d'ouverture,  reposant  sur  des  piles  et  calées 
en  maçonnerie.  Il  est  devenu,  en  1866»  la  proprié- 
té de  la  Ville  de  Paris, qui  y  a  supprimé  le  péage. 
On  se  décida,  en  1875,  à  remplacer  les  arches  en 
bois  par  des  arches  en  fonte,  ce  qui  occasionna 
une  dépense  de  37.000  francs  pour  le  renforce* 
ment  des  culées  et  de  334.000  francs  pour  la 
substitution  de  la  fonte  an  bois  (1). 

Le  pont  de  Grenelle  est  divisé  par  l'Ile  des  Cy- 
gnes en  deux  parties  entre  lesquelles  se  trouve,  i 
l'extrémité  aval  de  cette  Ile,  la  €  Liberté  éclairant 
le  monde  >,  réduction  de  la  statue  colossale  qui  est 
l'œuvre  du  sculpteur  Bartholdi  et  qui  orne  lapasse 
d'entrée  du  port  de  New-York. 

Pour  alléger  ce  pont,  on  y  a  établi  un  pavage  en 
bois. 


PONT  MIRABEAU 

Le  pont  Mirabeau,  qui  se  trouve  à  une  distance 
de  530  métrés  du  pont  de  Grenelle  et  994  mètres 
du  viaduc  d'Auteuil,  a  été  établi  pour  faciliter  l«i 
relations  d'Auteuil  avec  le  quartier  de  Javel  ;  il 
dessert,sttr  la  rive  droite,les  rues  Benjamin-Godard, 
Mirabeau  et  de  Rémusat.  U  a  une  longueur  de 
173  inètres  et  une  largeur  entre  garde-corps  de 
20  mètres  (2). 

Les  données  imposées  pour  la  construction  de 
cet  ouvrage  étaient  difficiles  à  concilier  :  d'une 

{lart,  l'intérêt  de  la  batellerie  exigeait  une  hauteur 
ibre,  sons  l'arc,  suffisante  pour  le  passage  des  ba- 
teaux, même  en  temps  de  crue  moyenne  ;  d'autre 
part,  le  niveau  supérieur  de  la  chaussée  devait 
être  placé  très  bas,  en  raison  de  la  nécessité  de 
raccorder,  au  moyen  de  pentes  douces,  les  abords 
du  pont  avec  les  rues  voisines  sans  modifier  les 
niveaux  des  chaussées  de  ces  rues  ;  enfin,  du  cété 
de  Javel,  il  fallait  franchir  le  chemin  de  fer  des 
Moulineaux  aux  Invalides,  en  laissant  au-dessas 
du  rail  une  hauteur  libre  de  4  m.  80,  pour  le  pas- 
sage des  trains.  Comme  il  n'était  pas  admissible 
de  couper  la  perspective  de  la  Seine    par  des 

{^outres  régnant  au-dessus  de  la  chaussée  du  pont, 
a  seule  solution  possible  était  un  grand  arc  très 
sur  baissé.  C'est  ainsi  qu'on  a  été  conduit  à  laisser  un 
intervalle  de  100  mètres  entre  les  axes  des  deux 
piles,  à  réduire  la  flèche  à  5  m.  50  et  à  adopter 
pour  cet  ouvrage  métallique,  projeté  par  M.  Résal, 
ingénieur  en  chef  des  ponts  et  chaussées,  des  dis- 
positions nouvelles  qui  présentent  une  certaine 


(1)  Les  trovaux  ont  été  faits  par  la  moison  Cail, 
sous  la  direction  de  MM.  Vauarey,  ingénieur  en 
chef.  Pesson,  ingénieur,  et  Warcst,  conducteur 
des  ponts  et  chaussées. 

{■i)  Le  ponl  Miraheau  comporte  une  chaussée 
de  12  inètres  pavée  en  bois  et  deux  trottoirs  de 
L  mètres  ;  il  se  compose  d'un  grand  arc  central 
ne  9l{  m.  20  et  de  deux  travées  latérales  de  Sa  m.  4o 
d'ouverture. 


ANNEXES 


3b9 


analogie  avec  celles  usitées  depuis  quelques  an- 
nées aux  Etats-Unis  d'Amérique  ;  elles  ont  excité 
Tattention  des  ingénieurs  français  et  étrangers  et 
ont  fait  Tobjet  d*une  étude  détaillée  et  très  élo- 
ffieuse  dans  V trigineering  des  12  et  19  juin 
1896.  Elles  consistent  principalement  dans  Fadop- 
tien  d'un  système  articulé  (1),  susceptible  de  lé- 
gers mouvements  par  rotation,  tandis  que  les  ponts 
métalliques  construits  en  Europe  sont  générale- 
ment rigides  et  d*une  forme  invariable.  La  vue  de 
cet  ouvrage  ne  permet  pas  de  bien  se  rendre 
compte  de  son  système  de  construction  ;  car  toutes 
les  articulations  sont  cachées. 

Les  garde-corps  sont  supportés  par  une  cor- 
niche en  fonte  moulurée,  qui  fait  une  saillie  très 
prononcée  sur  les  parois  de  Tare,  continue  le  cou- 
ronnement en  pierre  de  taille  des  culées  et  est 
ornée  de  consoles.  Us  sont  intei  rompus  à  la  clef, 
au  droit  de  Tarticulation  ;  mais  la  solution  de 
continuité  est  masquée  par  un  écosson  en  bronze. 

Les  deux  piles-culées  ont  été  fondées  à  Tair 
comprimé,  sur  la  craie  compacte  située  à  environ 
16  mètres  au-dessous  de  leur  couronnement  ;  elles 
sont  ornées  de  statues  en  bronze  dues  an  ciseau 
du  sculpteur  Injalbert  et  fondues  dans  les  ateliers 
de  MM.  Thiébault  frères.  Les  deux  culées  sont 
fondées  sur  pilotis  ;  les  parements  vus  des  deux 


(i)  Le  pont  Mirabi'ou  est  iin  ouvrage  à  trois  ar- 
ticulations en  acier:  une  sur  chaque  pile  et  la 
troisième  au  sommet  de  l'arche  centrale  C'est  par 
rinlerraêdiaire  de  celte  dernière  articulation  que 
s'arcboutent  les  demi-ossatures  symétriques  qui 
constituent  l'ouvrage.  Chaque  demi-ossature  se 
compose  de  sept  poutres  équilibrées  en  acier  dont 
la  partie  supérieure  est  rccttliKne  ;  la  partie  infé- 
rieure afTecte,  à  l'iutrados,  la  forme  de  deux 
demi-paraboles.    Ces     poutres    reposent    sur   la 

Sile  par  l'intermédiaire  d'une  rotule,  à  la  manière 
un  fléau  de  balance.  Toutefois,  la  volée  (nu  bras 
correspondant  h  la  demi-partie  placée  au-dessus 
du  milieu  de  la  rivière)  est  h  la  rois  plus  longue 
et  plus  pesante  que  la  culasse  (ou  bras  de  ri\e), 
de  telle  sorte  que  l'excès  de  charge,  à  l'articula- 
tion du  sommet  de  larche  centrale,  développe 
une  poussée  vers  la  rive  sur  la  pile-culée,  clont 
les  dimensions  ont  été  calculées  en  conséquence . 

Pour  les  culasse»,  la  chaussée  repose  sur  dc^ 
voûtes  en  briques,  tandis  que  pour  la  travée  cen- 
trale, elle  est  portée  sur  des  tôles  beaucoup  moins 
lounles  que  ces  votUes.  En  augmentant  ainsi  le 
poids  permanent  de  la  culasse,  on  se  rapproche  de 
l'équilibre,  ce  qui  diminue  considérablement  les 
poussées  et  permet  d'admettre  un  très  grand  sur- 
Saissement  du  pont,  sans  que  les  réactions  hori- 
zontales, transmises  toujours  dans  le  même  sens 
aux  maçonneries,  dépassent  les  limites  accep- 
tables. 

Si  l'extrémité  de  la  culasse  était  libre,  une  élé- 
vation quelque  peu  imporljinte  de  la  température 
se  traduirait  par  une  montée  veilicale  de  la  clef, 
tandis  que  l'extrémité  opposée  de  la  clef  s'abais- 
serait d'une  quantité  correspondante,  la  ferme 
tournant  légèrement  sur  sa  rotule  ;  ce  mouvement 
occasionnerait  la  nipture  de  la  chaussée.  On  y  a 
paré  en  faisant  porter  l'extrémité  de  la  culasse  sur 
une  tige  articulée  et  ancrée  dans  la  maçonnerie  de 
la  culée. Grâce  à  ce  dispositif.quand  la  température 
s'élève,  chaque  poutre  peut  prendre  l'allongement 
c^ue  lui  impose  la  dilatation,  en  inclinant  cette 
tige  vers  l'arrière,  mais  sans  changement  notable 
du  niveau  de  la  culasse.  Les  teiupératiires  ex- 
trêmes admises  pour  le  calcul  de  ces  liges  ou 
bielles  sont  —  i6»  et  +  ;)6».  La  charge  perma- 
nente de  la  culasse  est  réglée  tU'  manière  que.  le 
thermomètre  marquant  la  tempérât uie  mo\enne 
de  io«,  le  pont  soit  en  éijuilibre,  comme  si  fa  liri- 
son  avec  les  culées  n'existait  pas. 


piles  sont  en  granit  de  Cherbourg  et  ceux  des  culées 
en  jpierre  calcaire. 

On  a  terminé  en  1896  le  pont  Mirabeau,  qui 
constitue  une  oeuvre  hardie  en  raison  de  la  grairae 
ouverture  de  Tare  central  et  de  son  surbaissement 
d*un  seixième.  C*est  dans  notre  arrondissement 
qu'on  a  fait  la  première  application  en  France  de 
grands  arcs  équilibrés,  à  trois  articulations  et  à 
culasses  compensatrices,  ancrées  dans  les  cu- 
lées (1).  La  dépense  du  pont  Mirabeau  s'est  éle- 
vée à  2.090.495  francs;  on  y  a  établi  un  pavage 
en  bois. 


VIADUC  D  AUTEUIL 

La  construction  du  viaduc  d'Auteuil  fut  décidée 
en  1861,  afin  de  permettre  l'achèvement  du  che- 
min de  fer  de  petite  ceinture,  qui  n'avait  d'abord 
été  établi  que  sur  la  rive  droite  de  la  Seine,  jus- 
qu'à la  station  d'Auteuil.  Cet  ouvrage  met  en 
communication  le  chemin  de  fer  de  ceinture  de  la 
rive  droite  de  Paris  avec  celui  de  la  rive  gauche. 
Il  a  son  orieine  près  de  la  station  d'Auteuil,pas8e 
au-dessus  du  quai  de  la  rive  droite  par  une  arche 
de  20  mètres,  franchit  la  Seine  au  moyen  d*un 
pont-route  qui  se  compose  de  cinq  arches  ellipti- 
ques égales  et  dont  il  occupe  l'axe  longitudinal  et 
se  raccorde,  sur  la  rive  gauche,  avec  un  viaduc 
semblable  à  celui  delà  rive  droite,  au  moyen  d'une 
arche  de  20  mètres  établie  au-dessus  du  quai  de 
Javel.  Pour  alléger  le  liaduc  d'Auteuil,  on  a  per- 
cé dans  les  piédroits  des  arcades  continues,  ce  qui 
a  pour  résultat  de  permettre  la  circulation  à  cou- 
vert dans  le  sens  de  la  longueur. 

La  partie  de  l'ouvrage  qui  se  trouve  au-dessus 
de  la  Seine  est  généralement  dénommée  €  viaduc 
du  Point-du-Jour».  Elle  devait  servir  à  la  fois 
de  passage  aux  piétons,  aux  voitures  et  aux  trains 
de  chemin  de  fer  ;  d'ailleurs  la  voie  ferrée  devait 
être  maintenue  à  un  niveau  beaucoup  plus  élevé  que 
celui  des  quais  :  les  ingénieurs  ont  ainsi  été  con- 
duits à  placer  le  >iaduc  supérieur  portant  les  rails 
à  10  mètres  au-dessus  de  la  chaussée  du  pont- 
route.  Il  résulte  de  ces  dispositions  que  le  viaduc 
du  Point-du-Jour  est  à  deux  étages  :  cette  super- 
position d'arcades  lui  donne  une  masse  imposante 
et  un  aspect  pittoresque,  surtout  quand  on  le  voit 
de  loin,  par  exemple  du  chemin  de  fer  desservant 
Meudon  et  Bellevue. 

La  largeur  de  la  Seine  à  l'étiage,  qui  est  de 
113  mètres  au  pont  d'Iéna  et  de  130  mètres  an 
pont  Mirabeau,  est  de  118  mètres  au  viaduc  du 
Point-du-Jour,  qui  se  trouve  à  l'extrémité  occiden- 
tale de  Paris.  La  hauteur  totale  de  l'ouvrage  (2) 


(i)  Les  travaux  ont  été  exécutés  sous  la  direc- 
tion de  MM.  Rabel  et  Résal,  ingénieurs  en  chef, 
Alby,  ingénieur.  Boucher,  Lavâllez  et  Grimaud, 
conducteurs  des  ponts  et  chaussées.   Les  entre- 

F preneurs  étaient,  pour  la  maçonnerie,  M.  Letel- 
ier,  et.  pour  la  partie  métallique.  MM.  Daydé  et 
Pillé  (ateiiei's  de  construction  «le  Creil).  Les  essais 
du  pont  Mirabeau  ont  eu  lieu  le  i8  avril  iH96  ; 
douze  charriots  chargés  chacun  de  16.000  kilogram- 
mes et  traînés  par  (jti  chevaux  ont  passé  sur  la 
chaussée,  par  trois  nies  tle  front,  sans  que  le 
tablier  ait  éprouvé  de  flexion  notable. 

(2)  Le  pont-route  a  une  longueur  de  176  mètres; 
ses  arches  ont  2o  m,  25  d'ouverture  et  9mètresde 

24 


370 


HISTOIRE    DU   XVI«   ARRONDISSEMENT 


est  de  ii  m.  53,  non   eompris    les    fondations. 

La  corniche  da  pont  comprend  deux  assises 
ayant  ensemble  0  m.  76  de  hauteur;  Tassi^e  supé- 
nenre,  formant  tablette  et  larmier,  a  50  centi- 
mètres de  saillie  et  est  supportée  par  des  consoles 
rectangulaires.  Les  parapets  du  pont  sont  oompo- 
ses  de  60  traTées  correspondant  deux  par  deux 
aux  arches  du  TÎaduc  supérieur  ;  chaque  travée 
comprend,  entre  les  dés,  sept  balustres  circu- 
laires. 

Les  pandes  voûtes  elliptiques  du  pont,  sont 
construites  en  meulière,  les  parapets  avec  balus- 
tres en  pierre  de  Saint-Ylie  du-Jura  et  les  autres 
maçonneries  de  pierres  de  taiUe  en  matériaux  pro- 
Tenant  des  carrières  de  Chitean-Landon. 

Les  huit  trophées  des  tympans  du  pont,  com- 
prenant un  N,  dans  une  couronne  de  cbcoe  de 
3  m.  40  de  diamètre,  ont  été  sculptés  par  M.  Delafon- 
taîoe,  au  prix  de  1 .875  francs  par  trophée. 

La  première  pierre  a  été  posée  (i)  le  "20 jan- 
vier 1864;  li*s  travaux  ont  été  terminé  en  4865; 
la  dépense  s*est  élevée  i  2.864.!23i  francs, 
partagée  par  moitié  entre  TEtat  et  la  Ville  de 
Paris. 

Pendant  les  deux  sièges  de  Paris  en  1870  et 
i871,  le  viaduc  d*Auteuil  a  eu  beaucoup  à  souf- 
frir du  bombardement  ;  mais  les  dégradations 
qu'il  avait  alors  subies  ont  été  rapidement  répa- 
rées (2}. 

Auguste  Domol. 


PAR  QUI  LE  PONT  D'IÉNA  FUT  SAUVÉ 

EN  1814 

Le  baron  de  La  Mothe-Langon  a  raconté  dans 
ses  Mémoires  —  plus  ou  moins  apocryphes  — 
$ur  Louis  XVIU,  comment,  en  1844,  le  pont 
d'Iéna  échappa  au\  représailles  des  Prussiens,  qui 
voulaient  le  faire  sauter.  Nous  allons,  tout  en  le 
résumant  légèrement,  reproduire  à  peu  près  tex- 
tuellement son  récit,  oui,  malgré  tout,  nous  pa- 
rait très  vraisemblable  et  Test  certainement, 
quant  au  fond. 


flèche.  Le  viaduc  supérieur  sr  compose  de 
3i  arches  en  plein  cintre  de  ^  m.  Ho  d  ouverlure  ;  à 
chaque  grande  arche  elliptique  du  ponl  aonl  su' 
perposées  six  arche»  du  viaduc  supérieur,  qui 
occupe  sur  le  milieu  du  ponl  une  largeur  de  9m.3o; 
il  reste  de  chaque  côle  l'espace  nécessaire  pour 
la  chaussée  el  les  trollDirs;  nés  escaliers  permet- 
tent de  descendre  sur  les  chemins  de  hala^e  ou 
quais.  Les  massifs  des  tympans  sont  évidés  au 
moyen  «le  voûtes,  ce  qui  représente  une  réduction 
de  poids  de  3.3oo  tonnes  par  pile. 

(1)  Le  viaduc  du  Point-du-  our  a  été  exécuté 
Kous  la  direction  de  M.  Bassom  pierre  Se  w  ri  n,  in- 
génieur en  chef,  de  VîIIiers  du  Terra ;;e,  in;,'énieur, 
Lion  et  Jaquot.  conducteurs  des  ponts  et  chaus- 
sées. L'entrepreneur  de  ces  j^rnnds  travaux  était 
M.  Etienne  Ferrichont,  qui  a  été  longtemps  con- 
seiller municipal  d'Auteuil. 

(2)  Nous  résumerons,  dans  un  prochain  Bulletin, 
les  dé;;âts  occasionnés  dans  le  XVI»  arrondisse- 
ment parles  deux  sic'îes,  soit  au  pont-viaduc,  soit 
à  d  autres  monuments  ou  à  des  maisons  particu- 
lière!». (N.  D  L.  IL) 


«  A  peine  Ltmis  XVUI  était-il  rentré  aux 
Tuileries  en  i81i,  ^*on  vint  Tavertir  qne  les 
Prussiens  allaient  faire  sauter  le  pont  d*léna,  et 
^  déjà  ils  avaient  commencé  i  miner  la  partie 
inférieure  des  piles.  Immédiatement  il  envoya 
chercher  le  feld-maréehal  Blodier.  Cet  ennemi 
implacable  cherchait,  à  force  de  iactance  et  de 
forfanterie,  à  remplacer  la  dignité  qui  lui  man- 
quait. Il  se  présenta  donc  au  roi  avec  un  air  de 
raideur  et  d  importance,  sans  ancune  marque  de 
respect  ni  d'égards.  Le  roi,  feignant  de  ne  pas 
s'apercevoir  de  la  rudesse  de  ce  soldat  à  demi 
sauvage,  lui  dit  avec  la  plus  grande  doueeir  : 
Monsieur  je  niaréchal,des  ennemisdu  roi  votremaltre 
prétendent  que  vous  allez,  par  ses  ordres,  détruire 
un  monument  de  ma  capitale  dont  le  nom  semUe 
vous  porter  ombrage  :  je  n*en  veux  rien  croire  ; 
mais,  comme  je  désire  être  agréable  4  tons  mes 
alliés,  je  viens  de  donner  Tordre  que  le  pont 
dléna  reçût  le  nom  de  pont  de  TEcole  Militaire, 
et  j'ai  voulu  vous  le  dire  moi-même,  pour  que 
vous  poissiez  rapprendre  à  votre  souverain.  — 
Sire,  répondit  grossièrement  filùcher,  je  ne  pois 
laisser  subsister  dans  Paris  un  monument  dont  le 
nom  est  une  insulte  pour  ma  nation.  Le  pont 
dléna  dbparaitra,  et  ses  débris  attesteront  à  la 
postérité  que  la  Prusse  n*a  pas  tardé  à  prendre 
sa  revanche.  —  Vous  êtes  bien  sévère!  Monsieur 
le  maréchal,  ne  vous  suffit-il  pas  d'être  entré 
dans  Paris  4  main  armée,  et  faut-il  punir  des 

gierres  insensibles,  du  nom  qu*on  leur  a  imposé? 
onaparte,  dit  Bliicher,  a  emporté  les  chevaux  de 
bronze  de  la  porte  triomphale  de  Berlin,  il  faut 
une  représaille.  —  U  vaudrait  mieux  alors,  reprit 
le  roi  avec  un  sourire  ironique,  emporter  le  pont 
qne  le  ieter  dans  la  ririère.  » 

Bliicncr,  malgré  son  écorce  rustique,  sentit 
rironie;  il  en  rougit,  mais  répéta  que  rien  ne  le 
détournerait  de  prendre  cette  vengeance  éclatante 
de  toutes  les  insultes  ^e  sa  patrie  avait  souffertes. 

«  Ainsi,  dit  le  roi,  vous  faites  retomber  sur 
ma  tète  loutrage  que  vous  pouvez  avoir  à  repro- 
cher à  un  autre.  Je  vous  conseille  cependant, 
maréchal,  d  y  regarder  à  deux  fois  avant  de  me 
pousser  à  bout.  » 

Bliicher,  oui  dut  comprendre  combien  le  roi 
était  profondément  blessé  de  son  refàs,  salua 
froidement  Sa  Majesté  sans  rien  répondre  et  se 
retira. 

«  Non  !  de  par  Dieu  —  reprit  le  roi  avec  viva- 
cité —  je  ne  laisserai  pas  tranquillement  égorger 
mon  honneur  et  je  prouverai  à  ceux  qui  en  dou- 
teraient qu*il  y  a  toujours  du  courage  dans  ce 
corps  affaibli  par  la  douleur.  »  —  Lt,  prenant 
une  plume,  il  traça  vivement  le  billet  suivant, 
qu*il  adressait  au  roi  de  Prusse  : 

Mo.NsiEUR  Mo.N  Frère, 

«  I>e  feld-maréchal  Bliicher  abuse  de  vos  ordres 
pour  commander  la  destruction  du  pont  dléna, 
dont  j'ai  changé  le  nom  en  celui  de  pont  de 
rt;.cole-Mili taire.  Cet  acte  inconvenant  peut  me 
mettre  mal  avec  mes  sujets,  qui  croiront  que  je 
Tai  approuvé.  Il  déconsidérera  ma  couronne,  car, 
enfin,  je  suis  à  Paris,  et  je  présume  (]ue  Paris  est 
encore  ma  capitale.  Je  prie  Votre  Majesté  d'inter- 


ANNEXES 


371 


poser  son  aatorité  ;  c'est  UDe  grâee  que  je  lui 
demande.  Si  toutefois  tous  ne  ronliez  pas  me 
raccorder,  je  me  bornerai  à  tons  inviter  à  me 
faire  saToir  l*heare  où  Ton  fera  sauter  le  pont, 
pour  que  j*aille  me  placer  au  milieu  (i).  > 

€  Signé:  Louis.  » 

En  même  temps,  Louis  XVIII  écrivit  une  lettre 
non  moins  énergique  à  Tempereur  de  Russie,  qui 
venait  d'arriver.  Une  heure  après,  un  aide  de 
camp  d'Alexandre  I**"  apportait  sa  réponse,  dans 
laquelle  il  assurait  le  roi  que  le  pont  d'Iéna  serait 
respecté.  €  Je  viens  —  ajoutait-il  —  de  faire 
dire  à  Bliicher  que,  sous  peine  d'encourir  mon 
indignation  personnelle,  il  ait  à  se  garder  de 
consommer  1  acte  de  vandalisme  au'il  a  commencé, 
et  que,  s'il  osait,  malgré  ma  défense,  persister 
dans  cette  insulte  grossière  au  roi  de  France,  il 
me  restait  assez  de  puissance  nour  l'obliger  à 
faire  reconstruire  le  pont  à  ses  vais,  et  par  des 
ouvriers  prussiens.  > 

Furieux  à  la  réception  de  ce  message,  Blucher 
s'emporta  d'abord  ;  mais  il  n'osa  passer  outre,  et 
assura  hypocritement  l'envoyé  d'Alexandre  que, 
par  respect  pour  l'empereur,  il  allait  contreman- 
der  le  travail  de  la  mine.  «  Monsieur,  lui  dit  le 
messager  russe,  j'ai  ordre  d'envoyer  sur  le  pont 
un  détachement  de  nos  troupes  pour  en  faire  la 
garde  avec  les  vôtres.  » 

Pour  éviter  cette  mesure  désagréable,  Blucher 
s'engagea  solennellement  à  se  conformer  en  tous 
points  à  la  volonté  de  l'empereur  de  Russie,  et 
le  pont  fut  sauvé. 


* 


Au  récit  intéressant  de  M.  de  la  Mothe-Langon, 
nous  ajouterons  qu'en  vertu  d'une  ordonnance 
ro]^ale  du  mois  de  juillet  1814,  le  pont  d'Iéna, 
qui  venait  à  peine  d'être  terminé,  prit  la  dénomi- 
nation de  pont  des  Invalides  et  non  de  VEcole- 
Militaire,  et  des  L  affrontés  remplacèrent  les 
aigles  sculptés  au-dessus  des  piles.  Après  la 
révolution  de  1830,  on  lui  rendit  son  nom  d'Iéna, 
et  en  1852,  Napoléon  III  fit  disparaître  les  L 
pour  rendre  la  place  aux  aigles.  L'année  suivante, 
on  plaça,  sur  les  quatre  piédestaux  des  extré- 
mités du  pont,  les  quatre  statues  de  cavaliers 
tenant  leurs  chevaux  en  main,  cavalier  grec, 
cavalier  romain,  cavalier  gaulois,  cavalier  arabe. 
Ces  groupes  assez  décoratifs  n'ont  pas  la  préten- 
tion de  passer  pour  des  chefs-d'œuvre. 

Le  pont  des  Invalides  actuel,  d'abord  pont 
suspendu,  ne  fut  construit  que  de  1828  k  1829. 
A  l'origine,  on  lui  doona  le  nom  de  pont  de 
VAuenue-iTAntin,  et  de  1854  à  1855,  on  le 
reconstruisit  en  pierre  ;  tout  récemment  il  a  été 
pavé  en  bois,  et  bientôt  il  aura  pour  voisin  un 
rude  concurrent,  le  pont  Alexandre  III.  Que  de 
vicissitudes  ! 

L.  Mar. 


(1)  I^e  comte  Bcii^not,  dnriH  ses  Mémoires,  sVst 
atiriliué  ces  mots  si  patriotiques  ;  il  est  aujour- 
d'hui à  ptlu  près  certain  que  l'iionneur  en  revient 
au  roi  seul. 


SOPHIE  ARNOULD 


Quai  Oebilly,  près  de  la  pompe  à  feu  de 
Chaillot,  nous  pouvons  encore  voir  un  cèdre 
dans  les  jardins  d'un  hôtel  moderne.  C'est  tout  ce 
qui  reste  d'une  propriété,  occupée  par  Mme  de 
Pompadour,  lors  de  la  construction  de  l'École 
militaire,  puis  par  Sophie  Amould  quelques 
années  plus  tard.  Nous  n'avons  pas  la  prétention 
d'écrire  de  nouveau  une  vie  de  cette  célèbre 
actrice,  c'est  chose  faite  par  de  nombreux  auteurs; 
nous  avons  extrait  de  leurs  récits  ce  qui  peut 
intéresser  plus  particulièrement  notre  Société. 

Sophie  Arnould  naquit  à  Paris  le  14  février 
1740;  toute  jeune,  elle  annonça  les  plus  heu- 
reuses dispositions  pour  le  chant.  Elle  fixa  l'atten- 
tion de  ses  contemporains  dès  l'âge  de  quinze 
ans. 

Il  était  alors  fort  à  la  mode  de  faire  pénitence 
pendant  le  carême  ;  le  mardi-gras  passé,  on  cou- 
rait s'enfermer  dans  quelque  appartement  com- 
mode et  discret  de  l'un  des  mille  couvents  de 
Paris.  Aux  offices,  on  entendait  les  voix  les  plus 
fraîches  et  les  plus  belles  de  l'Opéra,  et  tout 
Paris  d'accourir.  C'est  ainsi  que,  pendant  le 
carême  de  1755,  Mme  la  princesse  de  Modène, 
femme  séparée  du  prince  de  Conti,  se  trouvait  au 
Yal-de-Grâce.  Un  jour,  le  mercredi  saint,  elle 
remarqua  une  voix  délicieuse  qui  chantait  une 
leçon  des  Ténèbres  ;  l'office  terminé,  elle  voulut 
voir  la  virtuose;  on  lui  présenta  Sophie  Arnould. 

Une  religieuse,  la  plus  belle  voix  du  couvent, 
était  tomba)  subitement  malade,  on  était  dans  le 

1>lus  grand  embarras,  lorsque  Sophie  s'offrit  pour 
a  remplacer  ;  on  accepta  en  tremblant.  Avec  un 
aplomb  merveilleux,  elle  dit  son  solo,  dans  cette 
église  en  vogue,  devant  la  plus  belle  et  la  plus 
noble  compagnie  de  la  ville  et  de  la  cour.  Elle 
obtint  un  succès  fort  merveilleux,  inespéré.  Cette 
année-là,  le  Val-de-Grâce  l'emporta,  même  sur 
Longchamp. 

Deux  ans  après,  elle  débuta  4  l'Académie  royale 
de  musique  ;  pendant  vingt  ans,  elle  personnifia 
toutes  les  héroïnes  de  la  tragédie  lyrique  et  fit 
revivre  sur  notre  Opéra  toutes  les  grandes  figures 
de  la  vieille  mythologie  et  de  l'histoire  fabuleuse 
de  la  Grèce. 

Fut-elle  jolie,?. ..  Il  y  a  des  opinions  bien  contra* 
dictoires.  Il  faut  [pourtant  penser  qu'elle  ait  été  char-* 
mante,  le  portrait  de  La  Tour  en  témoigne.  Sa 
taille  était  moyenne  et  bien  prise;  elle  avait 
surtout  des  yeux  superbes,  et  l'ensemble  de  ses 
traits  lui  donnait  une  de  ces  physionomies  heu- 
reuses qui  flattent  et  plaisent  au  premier  aspect  ; 
mais  ce  qui  la  faisait  rechercher  avec  empresse- 
ment, c'était  son  esprit  frondeur  et  libertin  ; 
l'esprit  de  Paris  d'une  femme,  d'une  fille,  disent 
les  Concourt.  On  lui  donna  le  surnom  de  Piron 
femelle.  Ses  bons  mots  sont  nombreux  (1).  On 


(1)  Amohiiftrta  ou  Sophie  Arnould  et  »ts  contem- 
norainx,  par  luuteur  du  Biévrianat    Paris,  Gérardi 


372 


HISTOIRE    DU   XVI*   ARRONDISSEMENT 


cite  toujours  les  mêmes  et  ils  font  toujours  plai- 
sir (1). 

Sa  yie  privée  fut  très  orageuse  ;  elle  fut  au 
mieux  avec  quelques-uns  des  hommes  les  plus 
célèbres  de  son  époque.  Helvétius,  le  philosophe 
HeWétius,  dans  sa  jeunesse,  était  beau  danseur  et 
coureur  de  coulisses;  au  nombre  de  ses  conquêtes 
d'Opéra,  il  compta  Sophie  Arnould.  Et,  chose 
curieuse,  quand  il  se  maria,  le  sentiment  de  la 
chanteuse  pour  Thomme  aimé  sembla  se  reporter 
sur  le  ménage.  Hillin  nous  dit:  <  Sophie,  tant 
que  Vme  Helvétius  a  vécu,  n*a  jamais  passé 
quinze  jours  sans  la  voir,  et  elle  en  était  toujours 
bien  reçue.  » 

C'est  à  Helvétius,  qui  lui  avait  envoyé  un  ca- 
deau et  qui  ne  lui  en  parlait  pas,  qu'elle  fit  ce 
charmant  reproche  : 

Est-ce  ce  aue  wus  voulez  perdre  ce  que 
vous  m* avez  donné f 

Du  comte  de  Laura^uais,  elle  eut  trois  enfants, 
dont  Fun,  Constant  Dioville  de  Brancas,  colonel 
au  4i*  régiment  de  cuirassiers,  fut  tué  à  TafTaire 
de  nie  de  Lobau.  Au  moment  de  sa  rupture  avec 
leur  mère,  Lauraj[uais  leur  assura  une  rente  de 
1 .500  livres,  ainsi  que  le  témoigne  une  pièce  tirée 
des  Archives  nationales  et  publiée  par  M.  Cam- 
pardon.  C'est  un  des  nombreux  actes  dans  les- 
quels on  rencontre  le  nom  de  Boulainvilliers  (2). 

Après  Lauraguais,  il  est  un  homme  encore  qui 
tient  une  largo  place  dans  l'existence  si  agitée  de 
Sophie  Arnould.  Ce  n'est  plus  un  grand  seigneur, 
c'est  un  roturier;  un  architecte  :  Bellanger,  qui 
construira  Bagatelle. 

C'est  en  1771  ou'il  fut  admis  chez  elle;  il  était 
jeune,  aimable,  elle  était  si  lasse  de  tant  d'amours 
vénales,  qu'elle  se  prit  pour  lui  d'une  belle  pas- 
sion. Un  instant,  elle  songea  à  quitter  sa  vie 
turbulente  pour  épouser  ce  petit  bourgeois  qui  ne 
demandait  pas  mieux. 

Mlle  Artwuld,  après  s'être  égapée  aux  dé- 
pens de  tant  d'autres^  vient  de  fournir  ma- 
tière aux  rieurs  par  le  mariage  le  plus  sot. 

Ainsi  s'exprime  Bachaumont,  et  comme  lui 
tout  le  monde  crut  à  ce  mariage.  On  cria  à  la 
mésalliance.  Une  reine  de  l'Opéra  épouser  un 
architecte  !  Quelle  chute  affreuse  !  Elle  laissa 
croire  assez  longtemps  Qu'elle  était  devenue 
Mme  Bellanger  et  ne  se  fâcha  point  des  plaisan- 
teries quand  on  lui  demanda  ce  qu'elle  comptait 
iaire  de  cet  architecte  : 

(2)  !1  y  a  qinîlaiios  mois,  on  voynit  encore  à  la 
façade  ou  12  de  la  rue  Boirt-le-Ve'nt  un  rébus  mu- 
BÏcoI.  (V.  l'orlicle  de  M.  Mar,  Bulletin  de  la  So- 
ciété, t.  II,  p.  i38  ) 

Dans  VArnoldiana,  nous  trouvons  le  suivant,  qui 
rpî'Sembltî  nu  précédent  :  Mlh*  Miré  fui  plus  cé- 
lèbre par  les  passions  qu'i'lle  inspira,  que  conime 
danseuse.  Un  musicien  qu'elle  avait  favorisé  étant 
venu  ù  mourir,  Sophie  composa  son  épitaplie.  qui 
est  bien  aussi  une  épigrnmme  :  lu  nu  ré  la  mi  la 
(La  Miré  l'a  mis  là). 

Une  autre  fois,  Sophie  disait,  en  voyant  jouer 
une  aclrice  fort  maigre  :  //  n'est  pas  nèressnire 
daller  à  Saint-Cloud  jHmr  inur  jouer  les  eaux.  Elle 
n'épargnait  pas  ses  camarades. 

(2)  Archives  nationales.  Y,  V-w. 

«  A  tous  ceux  qui  ces  présentes  lettres  verront, 
Anne-Gabriel-Henri-Bernord  de  Houlninvillierîs. 
chevalier,  seigneur  de  l'assy...  prévôt  et  vicomte 
de  Paris,  Milut,  savoir  faisons  qutt...  »  Suivent 
les  détails  du  la  donation. 


//  utilisera,  répondit-elle ^  les  pierres  qu'on 
lance  dans  mon  jardin. 

Sophie  n'eut  jamais  un  ami  plus  dévoué  que  ce 
mari  de  comédie.  Le  secret  connu,  il  resta  son 
défenseur  et  son  conseiller,  veillant  sur  elle  de 
prés  ou  de  loin.  Intendant  de  sa  fortune  et  de  sa 
gloire,  il  Fempéchait  d'emprunter  à  trop  gros 
intérêts,  il  lui  organisait  des  triomphes  au  théâtre; 
il  défendait  sa  réputation  l'épée  à  la  main.  N'exa- 
gérons pas,  son  duel  avec  le  marquis  de  Viilette 
ne  fut  pas  terrible  ;  il  avait  été  convenu  aue  les 
deux  rivaux  se  présenteraient  Tûn  contre  1  antre, 
l'épée  à  la  main,  qu'on  les  séparerait;  ce  qui  a 
été  fait.  Ce  fut  un  duel  pour  <  semblant  >. 

Bellanger  voulut  faire  plus,  il  rêva  un  temple 
pour  sa  divinité.  Chassée  de  son  hôtel  de  la  rue 
des  Petits-Champs  par 'l'incendie  de  l'Opéra, 
Sophie  s'était  réfugiée  dans  un  appartement  de  la 
rue  Caumartin,  et  elle  s'y  trouvait  à  l'étroit.  Il 
résolut  de  lui  bâtir  une  demeure  plus  belle  en- 
core que  le  palais  de  la  Guimard.  Il  se  mit  à 
l'œuvre  et  fit  merveille.  Cet  hôtel  était  un  ébloois- 
sement,  tout  de  marbre  et  d'or  avec  des  pein- 
tures splendides,  des  jardins,  des  statues...  Mal- 
heureusement, il  n'exista  jamab  que  sur  le  pa- 
pier (1). 

Bellanger  bâtissait  en  Espagne,  Sophie  s'y  était 
prise  trop  tard  ;  suivant  une  etpressioo  de 
l'époque,  le  Pactole  commençait  à  tarir  dans  son 
boudoir.  Déjà,  en  1774,  l'étoile  de  notre  héroïne 
était  à  son  déclin  ;  une  à  une,  la  fortune  lui  re- 
prenait toutes  les  faveurs  dont  elle  l'avait  com- 
blée. Son  premier  revers  date  de  4766,  c'était 
un  avertissement,  elle  ne  songea  pas  à  en  tenir 
compte.  Chutée,  dans  Sylvie,  elle  dut  abandonner 
ce  rôle. 

Deux  ans  plus  tard,  elle  eut  la  malencontreuse 
idée  de  prendre  celui  de  Colette,  dans  le  Devin 
du  village,  composé  par  Jean-Jacques  Rousseau, 
à  Passy,  lorsqu'il  prit  les  eaux.  Elle  y  fut  détes- 
table, de  lavis  môme  de  ses  amis.  Ne  voulant  pas 
s'avouer  vaincue,  elle  désira  alors  interpréter 
Colin  dans  la  même  pièce,  rôle  que  Mme  de  Pom- 
padour  avait  joué,  au  château  de  Bellevue,  avec 
le  plus  grand  succès.  Sophie  échoua  encore  et  ne 
fut  pas  applaudie  comme  elle  s'y  attendait. 

Ak!  dit-elle  en  rentrant  au  foyer  Je  le  sens 
maintenant  l* habit  ne  fait  pas  û  moine. 

En  1778,  elle  fut  forcée  de  quitter  le  théâtre  : 
sa  voix  l'avait  trahie.  Il  lui  restait  son  esprit,  et 
on  ne  manqua  pas  de  le  lui  dire  pour  la  consoler. 
Marin,  doyen  des  gens  de  lettres,  lui  adressa  les 
vers  suivants  : 

Quand  on  a  tant  d'esprit,  de  grâce,  de  finesse, 
Comment  pt-ut-on  éprouver  des  regrets  î 
Les  ngK'ments  de  la  femme... 
Valent-ils  tous  les  dons  qu9  le  ciel  vous  a  faits. 
Ce»  mots  heureux,  ces»  vives  réi»arlies. 
Ces  traits  brillants,  ces  aimables  saillies. 
Cet  art  de  raconter  qu'on  n'imite  jamais? 
C'est  ainsi  que  par  ces  bienfaits 
La  Nature  vous  dédomma(;e, 

Hu'elle  vous  ven^e  de  l'outrage 
^ue  les  ans  font  a  vos  attraits. 

Chose  curieuse,  cet  impromptu  est  écrit  au  dos 

(0  Klbliothf!quc    Nationale,    c^dmiet    des    Es- 
tampes. Topographie  de  Paris,  t.  LXXX. 


ANNEXES 


373 


des  denx  billets  d*entrée  qne  Bellanger  arait  fait 
graver  pour  les  perroones  désireuses  de  visiter 
Bagatelle  après  rachèvement  des  travaux.  Ce  sont 
deux  petites  cartes  à  la  Fragonard,  tirées  en  bistre 
et  représentant  sous  de  grands  arbres  des  sphinx 
jetant  de  l'eau  dans  un  bassin.  Au  milieu  on  Ut: 

BAGATELLE 

Laissez  entrer  la  personne  qui  vous  remettra 

le  présent 

ViC»  •.•••«••Il 

povn   QrATnB  peusoxwes 


Le  comte  d'Artois  permit,  en  effet,  aux  Pari- 
siens de  visiter  le  palais  qu'il  venait  d'improviser; 
ils  y  accoururent  en  foule.  Mlle  Arnould  s'y  trou- 
vait avec  Belian|^er.  Fière  de  son  succès,  elle  lui 
murmura  à  Toreille  : 

Vous  devez  être  bien  satisfait  de  votre 
ouvrage,  Paris  s'occupera  longtemps  de  Baga- 
telle. 

Au  moins  les  revers  ne  chassent  pas  Bellaneer; 
on  le  retrouve  encore  longtemps  auprès  de  Sophie, 
faisant  ménage  avec  elle^  C'est  elle  qui  veut 
rompre  leur  liaison,  elle  s'éprend  de  Florence, 
un  des  plus  tristes  acteurs  de  la  Comédie-Fran- 
çaise, fiellanger  se  plaint,  essaye  des  remon- 
trances; l'ingrate,  pour  le  nouveau  venu,cong^ie 
le  vieil  ami,  lui  écrit  pour  lui  signifier  de  ne  plus 
remettre  les  pieds  chez  elle.  Que  fait  alors  l'amant 
en  disgrâce?  11  met  sous  un  nouveau  pli  la  lettre 
qu'il  vient  de  recevoir,  lettre  qui  ne  porte  pas  de 
nom  et  il  l'expédie  à  Florence.  Florence  so  croit 
congédié,  n'ose  reparaître,  (juand  le  quiproquo 
s'expliqua,  la  fantaisie  de  Sophie  était  passée; 
elle  (ut  la  première  à  rire  de  ce  bon  tour.  Mur- 
ville  en  fit  une  pièce  :  mon  compte-rendu,  di- 
sait-elle. 

Les  années  sombres  commencent  bientôt  après; 
adieu,  les  jours  de  fête,  le  bon  temps  d'autrefois, 
o<i  tout  était  beau.  Bellanger  lui-même  l'aban- 
donne pour  épouser  Mlle  d'Er vieux.  Sophie  se 
retire  à  Clichy-lt-Garenne,  où  elle  vit  tout  à  [elle 
et  à  quelques-uns;  elle  conserve  sa  bonne  humeur. 
Un  camarade  la  voit  cuisinant,  s'étonne  qu'elle 
sache  faire  un  roux. 

Tu  crois  que  je  ne  pouvais  faire  qu'une 
rousse.  (Allusion  à  la  chttvelure  de  sa  fille 
Alexandrine.) 

Millin  lui  rend  visite,  il  la  trouve  au  milieu 
d'un  grand  cercle  :  vingt  personnes  ù  table. 

Entre,  lui  dit  elle,  je  marie  le  fils  de  ma 
cumnière  avec  la  fille  de  mon  jardinier.  Pfous 
célébrons  les  plaisirs  de  V amour  et  de  C égalité. 

L'existence  lui  est  encore  trop  douce  :  son  im- 
prévoyance, sa  générosité,  sa  faiblesse  à  l'égard 
de  ses  enfants  la  réduisent  à  la  pauvreté.  Obligée 
de  quitter  Clichy,elle  s'installe  à  Lu^arches.  Cette 
fois,  tout  est  bien  fini  :  sur  la  porte  du  vieux 
presbytère  qu'elle  a  acheté,  elle  met  cette  inscrip- 
tion :  île  missa  est,  allez,  la  messe  est  dite  ! 

Sa  misère  ne  l'empêcha  pas  de  devenir  suspecte; 
des  agents  du  Comité  révolutionnaire  de  Luzarches 


vinrent  un  jour  faire  une  visite  domiciliaire  dans 
sa  modeste  demeure.  Mes  ami>,  leur  dit-elle, /ai 
toujours  été  une  citoyenne  très  active  et  je 
connais  par  easur  les  droits  de  Vhomme. 

C^stte  réponse  n'aurait  probablement  pas  satis- 
fait les  membres  du  Comité  et  ils  auraient  poussé 
plus  loin  leurs  investigations,  sans  un  buste  de 
Gluck  devant  lequel  ils  s'arrêtèrent.  Cest  Marat, 
le  père  du  peuple,  leur  déclara  Sophie,  d'un  air 
de  vénération.  Les  dignes  sans-culottes  se  décou- 
vrirent et  se  retirèrent. 

Elle  vécut  à  Luzarches  plusieurs  années,  tout 
à  fait  en  paysanne,  seule,  abandonnée.  Fort  heu- 
reusement pour  elle,  et  pour  nous,  dans  l'un  de 
ses  rares  voyages  à  Paris,  elle  revit  Bellanger  et, 
dès  lors,  elle  eut  avec  lui  et  avec  sa  femme  une 
correspondance  suivie.  11  faut  lire,  dans  Touvraee 
des  Goncourt  (4),  les  lettres  charmantes  qu'elle 
écrivit. 

C'est,  dit  Jules  Lemaitre,  le  plus  savoureux 
pèle- mêle  de  gaminerie,  de  gauloiserie,  de  plain- 
tes se  terminant  en  pirouettes,  de  cAlinerie.  de 
coquetterie  mélancolique  d'ancienne  jolie  fille. 
C'est  la  plus  éclatante  justification  de  la  remarque 
de  M.  Renan,  constatant  avec  trouble  que  la 
blague  de  gavroche  et  de  Niniche  arrive  du  pre- 
mier coup,  sans  effort  ni  réflexion,  aax  mêmes 
conclusions  sur  le  monde  et  à  la  même  philoso- 
phie où  l'homme  sérieux  et  scrupuleux  ne  par- 
vient qu'après  une  vie  d'étude  et  de  méditation  (2). 

Dans  ses  dernières  années,  François  de  Neuf- 
château  lui  fit  obtenir  une  pension  de  3.400  francs 
et  un  logement  à  l'hôtel  d'Angiviller  près  le 
Louvre.  Elle  y  mourut  le  22  octobre  i802  (3). 
Comme  le  curé  de  Saint-Germain-I'Auxerrois  lui 
promettait  le. pardon  : 

Je  suis  comme  Madeleine^  dit-elle,  beaucoup 
de  péchés  me  seront  remis,  parce  que  j*ai 
beaucoup  aimé. 

Cil.    CflANDEBOIS. 


JULES  JANIN  (4) 

Il  y  aura,  le  49  juin  prochain,  vingt- cinq  ans 
que  mourait,  tout  près  d'ici,  celui  qu'on  a  nommé 
le  prince  des  critiques. 

Le  souvenir  des  hommes  s'efface  vite  aujour- 
d'hui et,  dans  notre  Paris  fiévreux,  les  demeures 
qu'ils  ont  aimées  ne  leur  survivent  pas  long- 
temps. 

C  est  ainsi  qu'en  ce  moment  même  la  hache  des 
bûcherons  et  la  pioche  des  démolisseurs  s'atta- 
quent avec  rage  aux  arbres  et  an  chalet  de  Jules 
Janin. 


(i)  Sophie  À rnouîd,  daprè»  m  correxoondance  et 
ses  mémoires  inédits,  pnr  Edmond  et  Jules  de 
Gonrouil. 

(2)  Jules  Lemaîire,  Impressions  de  thèûlre,  t.  VII, 
p.  21. 

(3i  La  plupart  des  biuj^raphies  la  font  mourir 
en  iRci3. 

{\)  Conférence  faite  le  A  mars  à  In  séance  solen- 
nelle de  la  Société,  par  M.  Antoine  Guillois. 


374 


HISTOIRE   DU   XVI*   ARRONDISSEMENT 


Ce  serait  là  un  sujet  de  tristesse  profonde,  s*il 
n^  avait,  pour  lutter  contre  les  nécessités  utili- 
taires de  la  Tie  moderne,  des  historiens,  fidèles  au 
clocher  et  au  village,  qui  se  sont  donné  la  mission 
de  rappeler  et  de  ressusciter  avec  amour,  parmi 
les  souvenirs  d'autrefois,  les  douleurs  et  les  joies 
de  ceux  qui  nous  ont  précédés  sur  le  petit  coin  de 
terre  où  nous  vivons  à  notre  tour. 

Aussi  bien  Jules  Janin  ne  serait-il  pas  célébré 
comme  il  convient  si  nous  nous  attardions  dans 
ces  pensées  mélancoliques  ;  «  il  était,  suivant  la 

Ïiarole  de  Platon,  un  rayon  dans  larosièeob  jouent 
es  cigales  babillardes»  et  son  joyeux  ref^ard, 
ennemi  des  larmes,  nous  blâmerait  de  continuer 
sur  un  pareil  ton. 

Jules  Janin  naquit  à  Condrieu,  dans  le  Rhône, 
le  46  février  1804.  Sa  famille  appartenait  à  la 
bourgeoisie  ;  son  père  était  avoué  à  Saint-Etienne. 
Après  des  études  commencées  dans  cette  ville, 
achevées  à  Louis-le-Grand  dans  la  camaraderie  de 
Guvillier-Fleury,  de  I^erminier  et  de  Sainte-Beuve, 
le  jeune  homme  dut  donner,  pour  vivre,  des  leçons 
à  â  francs  le  cachet.  (Tétait  la  misère,  mais  la 
misère  embellie  par  la  jeunesse  et  dont  il  a  dit(i): 
«  C'est  Fespérance  en  sa  fleur,  ce  sont  toutes  les 
émotions  du  cœur  de  Fhomme,  j'entends  toutes 
les  nobles  et  douces  émotions  réunies,  entassées, 
florissantes  et  chantantes  passions  d'un  jeune 
cœur...  La  jeunesse,  c'est  la  misère  folâtre,  c'est 
le  frais  sommeil,  c'est  la  santé  qui  vit  de  peu... 
La  jeunesse,  c'est  la  poésie  éparse  çà  et  là  qui 
vous  accompagne  comme  on  parfum  invisible; 
elle  se  joue  à  votre  chevet,  elle  s'assied  à  votre 
table,  elle  rit  dans  votre  verre  à  demi  plein  ;  c'est 
elle  qui  ouvre  la  porte  aux  créanciers  avec  son 
air  madré  et  boudeur  et  qui  le  paie  avec  un  sou- 
rire. » 

Après  des  débuts  au  Figaro,  qui  lui  avaient 
apporté  la  fortune,  —  il  gajmait  alors  50  francs 
par  mois  !  —  il  entra,  en  1829,  au  Jouimal  des 
DébaUfOii  il  allait,  pendant  quarante  ans,  tous  les 
lundis,  prodiguer  au  public  les  dons  les  plus  divers 
et  les  plus  charmants. 

Il  faisait  partie  de  la  phalange  romantique  ; 
n'était-ce  pas  pour  en  voir  de  plus  près  les  tra- 
vers et  les  défauts?  Son  histoire  de  l'An^  mort 
et  de  la  Femme  guillotinée  pourrait  le  faire 
croire,  et  nombreux  sont,  aujourd'hui,  ceux  qui 
ne  voient,  dans  ce  premier  grand  succès,  qu'une 
plaisanterie  et  une  douce  critique. 

Mais  bientôt,  son  livre  de  Barnave  et  celui  de 
la  Fin  d'un  monde  allaient  montrer  que  Janin 
était  capable  d'aborder  des  sujets  plus  élevés  et  plus 
littéraires.  Le  xviii*  siècle  trouve,  alors,  en  lui, 
un  interprète  qui  le  comprend,  un  artiste  qui 
l'admire,  un  philosophe  qui  le  juge.  €  Folies,  spi- 
rituelles gattés,  éclairs  de  génie  et  terrible  coup 
de  tonnerre  final,  tout  y  passe.  L'enchanteur 
agite  sa  baguette  et  tout  s'anime  à  rinstant(2).» 

C'est  à  cette  date,  c'est-à-dire  en  1839,  que 
Jules  Janin  arrive  pour  la  première  fois  à  Auteuil. 
En  hiver,  il  avait  fréquente  à  Paris,  chez  Mme  Pra- 
dier,  la  femme  du  grand  sculpteur  et.  Tété  venu. 


(i)  Le  Chemin  de  traverse. 

{'2)  Julea    Janin,    par  Alexandre    Picdagnel.  — 
Paris,  Jouauiil,  i8i4- 


il  avait  suivi  ses  amis  dans  la  jolie  maison  qu'ils 
possédaient,  à  l'entrée  de  la  rue  La  Fontaine, 
presque  en  face  du  chalet  de  Béranger  et  tout  à 
côté  de  Musard,  le  fameux  oi^ganisateur  des  bals  de 
l'Opéra. 

On  s'amusait  beaucoup  chez  ces  grands  artistes, 
car  leur  salon  n'était  ouvert  qu'aux  gens  célèbres 
OQ  à  ceux  qui  avaient  plus  d'esprit  que  les  hommes 
célèbres.  Janin,  un  jour,  ou  plutôt  une  nuit,  dé- 
guisé en  pierrot,  y  avait  dit  :  €  Id  tout  le  monde 
est  prince  du  sang.  »  Quant  à  la  maltresse  du 
lojris,  qui,  dans  ses  fêtes,  Toyait  défiler  tout 
l'Olympe  du  paganisme,  elle  se  croyait  en  règle 
avec  sa  conscience  quand  elle  avait  mis  sur  ses 
cartes  d'invitation  :  «  La  beauté  est  de  rigueur.  > 

Marié  le  16  octobre  1841,  avec  la  fille  du  pré- 
sident Huet,  J.  Janin  ne  tarda  pas  à  venir  habiter 
Grande-Rue  de  Passy,  dans  une  maison  où,  en 
1761,  Louis  XV  avait  installé  cette  charmante  et 
touchante  apparition  qui  s'est  appelée  Mlle  de 
Romans. 

Cet  ancien  hôtel  de  la  folie,  qui  n'a  été  démoli 
qu'en  1890,  Janin  l'avait  acheté  90.000  francs  ; 
mais  c'était  son  beau-père  qui  les  avait  payés. 

Janin  était  alors  dans  tout  l'éclat  d'une  beauté 
qui  est  restée  célèbre  ;  il  était  encore  srelte  et 
agile  (1);  ses  cheveux  bouclés,  ses  yeux  noirs, 
profonds  et  malicieux,  encadraient  ou  illuminaient 
son  radieux  visage  ;  comme  Fantasio,  il  arait  le 
mois  de  mai  sur  les  joues  et  cette  fleur  de  santé 
qui  ajoute  à  la  jeunesse  et  au  talent  comme  un 
attrait  nouveau  par  la  séduction  qu'elle  inspire. 

Là,  sous  les  arbres,  «yienx  bonshommes  encore 
raides  et  qui  ont  conservé  toute  leur  chevelure  »  (S) , 
Janin  se  promenait  en  robe  de  chambre  de  molle- 
ton blanc,  coiffé  d'un  bonnet  de  coton  et  toujours 
suivi  d'un  gros  mouton,  blanc  lui  aussi,  qui  ne  le 
quittait  jamais. 

Au  mois  d'avril  1842,  Arsène  Houssaye  et  sa 
jeune  femme  arrivèrent  à  Passy,  le  soir  de  leurs 
noces  ;  après  le  dîner,  Mme  Janin  Tint  présenter 
aux  jeunes  époux,  sur  un  plat  d'argent,  la  clé 
de  la  chambre  nuptiale  ;  puis  Jules  Janin  et  sa 
femme  donnèrent  leur  bénédiction  aux  mariés  et 
retournèrent  à  Paris.  «  L'hôtel  de  Mlle  de  Ro- 
mans, écrivait  Arsène  Houssaye  à  notre  cher 
confrère,  M.  Mar,  fut  pour  nous  une  des  plus  belles 
stations  de  notre  vie.  Le  souvenir  m'en  est  donc 
sacré.  >  Il  y  eut  un  épilogue  <{u' Arsène  Houssave 
n'ajoutait  pas  ;  lors  de  la  naissance  de  son  nls 
Henry,  —  l'académicien  d'aujourd'hui,  —  Hous- 
saye demanda  à  Janin  d'être  parrain  de  l'enfant, 
et  le  critioue  y  consentit. 

En  1845,  M.  Huet  loua  son  hôtel  de  Passy  et 
Jules  Janin  quitta  notre  charmant  village,  mais  non 
pas  sans  esprit  de  retour,  puisqu'en  1854  il  fai- 
sait l'acquisition,  cette  fois-ci  définitive,  du  terrain 
de  la  rue  de  la  Pompe,  oU  l'on  allait  construire  le 
chalet. 

C'était  une  toute  petite  partie,  —  environ 
1.100  mètres,  —  que  le  chemin  de  fer  de  cein- 
ture avait  détaché  de  l'ancienne  Muette,  celle  de 


3 


(i)  Plus  Inrd,  Jules  Janin,  était  devenu  si  gros 
lit',  lorsqu'il  allait  en  Normandie,  la  Compagnie 
c  l'Ouest  lui  amênn^eait  un  ^lagon  spécial. 
(u)  J.  Janin  ù  Arsène  Houssaye,  i844- 


la  régence  et  ita  derniers  beinx  joure  de  la  mo- 
Darchie.  <  Arbres  sacrés  !  Ils  ont  td  se  promener 
sons  leura  ombragea  la  reine  Je  France  Harie- 
Antoinelte,  et  cebean  pelit  dau|ihiD,  le  martyr, 
et  Mme  Elisabeth, nne  reine  de  France  parla  grlre. 
par  la  beanlt,  par  la  piéti,  par  le  malbear  i  (i). 
Bande  de  sable  d'une  apparence  ingrate, terrain 
Tague  ebne  ponssaient  que  des  orties,  tout  cela, 
tii  moîi  après  était  planté  de  tilleuls,  de  platanes 
et  de  panlonias.  <  Griceï  nneconche  épaisse  de 
terreao.  dit  Philibert  Audebrind,  les  fleurs  pous- 
saient aree  nne  docilité  saus  pareille.  Il  y  aTsit 
de  tout  :  des  arbustes  Terts,  des  aialées,  des 
rosiers,  de  nombreuses  Tariétés  de  tulipes.  Le 
tanricr-roae  de  l'Enrôlas  était  ce  qui  dominait.  > 


SES  375 

une  mctatnorphoae,  ce  n'était  pas  à  celle-là... 
Athènes  a  brisé  en  un  jour  les  trois  cents  images 
d'airain  qu'elle  afait  décernées  à  son  tyraa.  Mais 

Suelle  moin  asseï  impie  oserait  briser  une  Oeur? 
rlce  à  TOUS,  Monsieur,  me  TOilà  tout  sim- 
plement immortel.* 

Si  l'un  de  ses  amis  lui  euToyailnne  table  pour 
le  jardin,  Jania  la  plaçait  <  dans  an  ao^le  en- 
chanté, tout  rempli  de  chansons  et  de  feuillages, 
l'n  rossignol,  caché  dans  l'arbre  voisin,  chante 
i  ses  amours  les  douces  cantilèaes  du  mois  de 
mai  :  le  merle  enjoué  silfle,en  sautillant,  les  hym- 
nes du  matin.  C'est  nne  Fèlo  en  ce  coin  charmant, 
une  féie  qui  ne  s'arrête  pins.  Angélus  ridel... 
Elle  est  bien  U .  ma  table.  Elle  a  pour  perspectiTe 


Le  chalcl  de  Jules  Janin  k  l'un){iBc. 
iji'apiii  un  Jcssin  de  Fcrdinandus.) 


Jules  Janin,  cepeadanl,  m  promcDaiti  trarers 
ces  merveilles,  un  bilan  à  la  main, en  paatoalles, 
en  robe  de  chambre,  le  classique  bonnet  de  coton 
nir  ta  ttte. 

C'est  que.  par-dessus  lout,  il  adorait  la  na- 
tuK  (3),  ceioi  qui  arait  écrit  it  un  borliculleur 
hollandais  pour  le  remercier  d'avoir  donné  son 
nom  i  une  tulipe  :  <  Cerles,  si  je  m'allendais  il 


(i)  Ltt  Qmlft  da  Chalel.  par  J.  Jonio.  prciiiii: 
nouvelle  iDtItuIct.'  la  Table  nntlr.  A  la  ilatu  ' 
loaailt  iSlit,  J.  Janin  ^rit  A  ui    '  •  ■" 


s  hurer  quand  v 
fjtUnjçur.ùrun 
relire  quelque»  paK 
BiMe,  J,  Janin  lia 
Ri-llnons  cela,  vuu 
kilt' 


n  race  ilu  clialcl  cl  je  |iour 


iruvn'  du  Km  ml 
l  plein    de  Mj- 


un  bouquet  de  vieux  arbres,  nn  cbène,  un  charme, 
un  orme  centenaire. ..  Mes  douie  rosiers  vont 
Deurir,  ma  violette  se  montre,  0  la  coquette  ;  un 
brin  d'ellébore  que  j'ai  planté  par  une  sage  pré- 
caution grandit  et  me  voilï  rassuré  contre  ma 
propre  joie.  0  surprise  !  0  bonhenr  !  mon  aubépine 
est  en  (leurs  !...l)ans  un  petit  basain,  l'eau  claire 
danse  et  chante,  0  font  Slatuius,iœ  !...  Vous 
verrez  à  droite,  ajoute-t-il,  un  mélèie  odorant; 
vous  trouverez  t  voire  gauche  une  Torêt  de  pins. 
telle  qu'on  en  roil  guère  que  dans  l'ode  amoureuse 
ou  les  pins  et  les  iramboisiers  aiment  à  marier 
leur  ombrage  fraternel  111  y  a  tant  d'arbres  dans 
mon  enclos  de  1.100  mètres  queje  n'eu  sais  pas 
le  nombre,  et  celui-là  m'embarrasserait  beaucoup 
qui  me  demanderait  le  nom  de  ces  jeunes  écorces 
0(1  rien  n'est  gravé,  pas  même  te  doux  nom 
d'Amaryllis.  • 


376 


HISTOIRE    DU   XV!*"   ARRONDISSEMENT 


Et,  tandis  que  les  arbres  poussaient  et  trans- 
formaient en  allées  ombreuses  les  aridités  d'an- 
trefois,deul  architectes, Seiler  et  Godde«  érigeaient 
ce  chalet  admirablement  sculpté,  moilié  sapin  et 
moitié  chêne,  qui  rappelait  aux  promeneurs  et  la 
Suisse  et  TAIsace. 

Sur  la  façade  du  nord,  Janin  avait  fait  graver 
ces  deux  vers  du  vieux  Régnier  : 

Et  que  Dieu   nous  préserve,  en  ce  has  momie, 

rv  ficy. 

De  froid,  d'un  importun,  de  faim  et  de  soucy  !... 

Au  midi,  on  lisait  cette  pensée  tirée  de  VArt 
poétique  d*Horace  : 

,,.^.?''"'*  rnaterîam   VMiriJi,    qui   ncribUix,   œqaam 
\  tribus... 

€  Au  commencement,  on  se  sentait  bien  isolé. 
Il  fallait  un  certain  courase  pour  sMnstaller  en  ce 
désert,  sur  une  voie  à  peine  tracée,  et,  pendant 
trois  hivers,  nous  restâmes  seuls,  effrayés  de  cette 
solitude  et  de  ce  grand  silence.  Mais,  le  matin 
venu,  la  beauté  naturelle  de  ce  lieu  champêtre 
effaçait  toutes  les  mauvaises  impressions  »  (i). 

Et  puis, 

Charmant  enivrement  de  la  propriété  ! 

Cette  maison  et  ce  jardin,  n*était-ce  pas  ce 
vœu  accompli  ?  «  Le  jardin  dans  la  ville;  un  Paris 
dans  les  champs.  Savez-vous  un  plus  difficile,  un 
plus  doux  problème?  Ici,  la  solitude  et,  là,  les 
bruits  du  monde.  Ici,  Farbre,  et  là-bas,  le  théâ- 
tre. Ici,  l'étude  et  le  travail,  et,  tout  au  bout  de 
Tavenue  où  s'étend  mon  domaine,  l'activité,  Tar- 
dente  ambition,  le  mouvement  des  Belles-Lettres 
en  proie  aux  disputes  !  Je  suis  au  port,  j'entends 
l'Océan  qui  gronde  (2)...  » 

Aussi,  Ton  chantait  (3)  le  chalet  et  son  heureux 
propriétaire  : 

Jules,  la  villa  de  Passy, 

Ce  qui  nous  rend  amoureux  délie, 

C'est  qu'elle  le  lient  près  d'ici. 

Plume  d'or,  gardien  fidèle 

Des  secrets  merveilleux  de  l'Art... 

Quand  juillet  vient,  un  mois  trop  tôt, 

Paris,  plongé  dans  sa  fournaise, 

De  savoir  la  maison  là-haul 

En  respire  plus  à  son  aise... 

Et  Jules  Janin  de  répondre  : 

Je  l'aimais  bien  mon  Louvre  en  bois. 
Fait  de  solive  et  de  charpente  ; 
A  présent  que  ta  voix  le  chante, 
Mon  enchanteur,  grâce  à  ta  voix, 
Mon  chaume  est  or,  arbre  est  ma  plante. 

Dans  mon  bassin  de  six  tonneaux. 
Je  vois  jouer  les  grandes  eaux; 
Mon  i>oisson  rouge  est  un  beau  cygne, 
Une  comète  est  sur  ma  vigne, 
Et  j'entends,  ô  miracle  insigne, 
Rossignoler  tous  mes  moineaux... 

Les  roses  de  mes  deux  rosiers. 
Les  fraises  de  mes  deux  fraisiers. 
Et  les  chants  de  ces  doux  gosiers 
Donnent  à  l'heure  qui  s'envole 
Je  ne  sais  quel  enivrement  1 
Oubli!  Repos!  Enchantement! 

(i)  La  Muelle,  juin  1871,  par  J.  Janin. 

(2)  La  Table  ronde. 

(3)  Valéry  Vernier.  —  Voir  plus  loin  l'Appen- 
dice 2. 


Ami  des  braves  gens  et  coulent  de  moi-mërae. 
Un  jardin  sans  épine,  un  logis  sans  n'mords. 
Un  cortège  nfnigé  quand  j'irai  chez  les  morts... 
La  Muse  en  donne  moins  au  poète  qu'elle  aime. 

En  si  petit  espace,  ô  ciel  !  tant  de  bienfaits  î 
Un  si  cher  compagnon,  tant  de  grâce  ol  de  paix; 
Ces  rayons,  celle  fleur,  ce  rôve,  celte  branche. 
Ce  balcon  si  joyeux,  ce  toit  qui  rit  et  penche. 
Ce  grand  cpirbleu  sur  moi  doucement  arrêté. 
Tout   ce  beau  quart  d'arpent   pour  mon   unique 

[usage, 
A  ces  bonheurs,  dans  ces  bontés. 
Si  losdieux  ajoutaient  un  peu  de  liberté  (1), 
Je  n'en  voudrais  pas  davantage. 

Cette  maison  que  nous  avons  tous  connue,  ornée 
sur  sa  façade  du  buste  du  critioue  (3),  habitée 
tout  dernièrement  encore  par  I  un  de  nos  plus 
illustres  confrères  (3),  était  construite  sur  un  rez- 
de-chaussée,  cuisine  hollandaise  ob  trônait  Made- 
moiselle Julie,  que  les  habitués  du  chalet  se 
rappellent  encore.  Au  premier  étage,  la  salle  à 
manger,  le  salon  et  la  bibliothèque  ne  formaient, 
pour  ainsi  dire,  qu'une  seule  pièce. 

Aux  murs,  un  tableau  attirait  d*abord  les  re- 
gards. C*était  une  bonne  vieille  femme  de  quatre- 
vingts  ans,  peinte  par  Devéria,  oui  rappelait  à 
Jules  Janin,  devenu  bourgeois  de  Passy,  la  vieille 
tante  qui  avait,  à  son  arrivée  à  Paris,  partagé  les 
misères  de  sa  jeunesse. 

Pui8,c*est  Mme  de  Pompadour,en  dées8e,peinte 
par  Latour.  En  novembre  4862,  un  portrait 
magniâquement  gravé  de  J.-J.  Rousseau,  d'après 
le  même  peintre,  vint  faire  pendant  à  la  glorieuse 
courtisane.  «Ils  se  sont  reconnus,  dit  Jules  Janin, 
sans  trop  de  vergogne.  «  Ah  !  ma  sofur,  que  vous 
«  étiez  une  grande  coquine  !  —  Ah  !  mon  frère, 
€  étioz-vous  assez  triste,  assez  morose  et  mal 
<  élevé!  Mais,  enfin,  que  Latour, notre  père com- 
«  mun,  nous  réconcilie  et,  désormais,  vivons  en 
«  paix  !»  Et  les  voilà  qui  se  tutoient  des  yeux  (4).» 

Dans  l'embrasure  d  une  fenêtre,  tout  près  de 
la  cheminée,  autel  domestique,  don  d'un  ami  (5), 
le  buste  du  critique  souriait  comme  pour  accueillir 
le  visiteur  toujours  bienvenu. 

C'est  là,  dans  un  large  fauteuil  vert  (6), devant 
une  grande  table  que,  souriant  et  paisible,  passant 
sa  main  sor  son  front,  Jules  Janin  se  tient  prêt  à 
dicter  à  son  secrétaire  Piédagnel  :  «  Parlera-t-il 
de  son  cher  Horace,  ou  de  Diderot,  ou  de  son 
autre  ami  Virgile?  Ferons-nous  un  feuilleton  ou 
bien  allons-nous  continuer  le  roman  commencé, 
en  suspendant  de  loin  en  loin  notre  tâche  pour 


(1)  On  êlail  sous  l'Empire,  et  Jules  Janin  refusa 
toujours  dt;  s'y  rallier. 

(!?)  Par  Salomon.  Le  même  buste,  en  marbre,  est 
à  rinslitut  et,  en  bronze,  au  cimetière  d'Evreux. 

(3)  M.  le  colonel  Mannheim,  alors  encore  pro- 
fesseur à  l'Ecole  polytechnique. 

(/t)  J.  Janin  n'èlnit  pas  aussi  accueillant  pour  les 
personnaires  contemporains.  Il  n'aimait  pas.  il 
est  vrai,  le  second  Empire  et  élail  resté  fidèle  aux 
opinions  que  professaîl  le  Journal  dex  Débats  sous 
Louis-Philippe.  M.  Mar  lui  apporta,  un  jour,  deux 
belles  gravures  n^présenlanl  I  empereur  et  l'impé- 
ratrice. J.  Janin  fut  poli,  mais  il  dit  à  noire  ex- 
cellent confrère  en  lui  montrant  Mme  J.  Janin  : 
•'  Tenez,  donnez  cela  À  Madame.  » 

(5)  Le  prince  Demidoff.  Celte  cheminée,  ornêcde 
bix»nzes  dorés,  riches,  mais  un  peu  lourds,  avait 
coûté,  pnraft-il,  4o.o(x>  francs. 

(6)  Celait  celui  où  était  mort  Béranger.  Il  appar 
lient  aujourd'hui  au  musée  Carnavalet. 


Vn  malin,  le  Iftjuin  1R7i,  H  dit  i  sa  chm      N.P.  de  Passy.deTîDtan*  afflutnce  coDsidérahle, 


Je  n'entends  plus  les  oiseaux  dn  jar-      et,  après  la  cérémonie,  le  corps  ayant  été  déposé 
soir,  il  n'était  plus  I  dans  le  jardin  du  presdytère,  notre  illustre  cun- 

après,  OD  célébrait  ses  funérailles  à      frère  Louis  Ratisbonne  parla,  comme  il  sait  le 


38o 


HISTOIRE    DU    XVI*   ARRONDISSEMENT 


faire,  du  prince  idéal  et  da  Prince  Charmant 
qui  venait  de  disparaître.  Il  loua  son  cœur,  «  ce 
cœurob  n*était  jamais  entré  une  goutte  de  fiel, 
si  bon,  si  cordial,  si  sympathique  et,  je  dirai,  si 
ingénu  et  si  candide.  L'est  fini  :  nous  ne  presse- 
rons plus  ta  main  ouTcrte,mattre  et  ami  chéri!  Nous 
n'aurons  plus  la  caresse  de  ton  beau  et  bienveil- 
lant regard  !  Nous  ne  Tentendrons  plus  s*envoler 
de  tes  lèvres,  ton  rire  frais  et  sonore  !  U  s'est  éva- 
noui avec  ta  chanson,  comme  un  chant  d'oiseau 
de  ton  jardin.  Mais  ta  chanson  à  toi  laissera  une 
trace.  Elle  plane  au-dessus  de  ce  cercueil  où  repose 
ton  pauvre  corps  endolori,  pendant  que  ton  flme 
d'entant  et  de  poète  est  remontée  aux  étoiles...» 

Vous  le  voyez.  Mesdames  et  Messieurs,  notre 
Société,  qui  n'existait  pas  encore,  a  eu  cependant 
la  bonne  fortune  d'être  représentée  aux  obsèques 
de  Jules  Janin  par  un  de  ses  membres  les  plus 
éloquents.  Ne  vous  semble-t>il  pas  qu'il  y  a  là 
une  rencontre  bien  curieuse  et  digne  d'atten- 
tion? 

Ne  vous  paralt-il  pas  que  si  J.  Janin  fut  élevé  à 
Saint-Etienne  et  s'il  dort  à  Evreux  son  dernier 
sommeil,  c'est  à  Passy  cependant  que  son  nom 
restera  pour  toujours  attaché  ? 

Celui  qui,  dans  nos  jours  moroses,  nous  a  rendu 
un  peu  de  la  joie  et  de  la  lumière  du  xviii*  siècle, 
celui-là  a  vécu  parmi  nous  ses  années  les  plus 
heureuses  et  les  plus  fécondes. 

Le  chalet  a  été  un  lieu  de  pèlerinage  pendant 
vingt  ans  ;  il  est  aujourd'hui  consacré  dans  la 
mémoire  des  littérateurs,  et  quand  on  évoquera 
la  figure  souriante  de  J.  Janin,  ce  sera  touiours 
sous  ces  arbres  ombreux  qu'on  arrache  aujourd'hui, 
à  travers  ces  allées  embaumées,  parmi  le  chant 
des  oiseaux  et  le  vol  des  abeilles  murmuran- 
tes. 

Antoine  Ghillois. 


QUELQUES    MOTS 

SDR   LE 

LYCÉE   JANSON-DE-SAILLY 

Il  court,  même  dans  la  population  éclairée  d'An- 
teuil  et  de  Passy,  tant  de  légendes  erronées  sur  la 
fondation  du  lycée  Janson-de-Sailly,  aue  j'ai  cru 
intéressant  de  publier,  dans  notre  Bulletin,  quel- 
ques renseignements  puisés  à  des  sources  offi- 
cielles. 

Cet  établissement,  <  le  plus  beau,  le  plus  gai, 
le  mieux  aéré,  le  mieux  situé  de  tous  les  lycées  de 
France  »,  comme  le  définit  un  membre  de  l'Insti- 
tut (i),  nous  tient  doublement  au  cœur.  Us  sont 
nombreux,  à  la  Société  historique,  ceux  qui  ont 
confié  aux  administrateurs  et  aux  professeurs  du 
lycée  Janson  la  meilleure  partie  d'eux-mêmes,  — 
celle  qui  doit  leur  survivre,  —  et  c'est  comme  un 
hommage  bien  modeste  que  nous  leur  rendons  en 
rappelant  l'histoire  d'une  maison  déjà  glorieuse. 


Nous  ne  devons  pas  oublier  non  plus  qu'un  de  ces 
savants  qui  sont  venus  à  nous,  en  grand  nombre, 
dès  les  premiers  jours,  a  bien  voulu,  dans  one 
circonstance  solennelle,  parler  de  la  Société  histo- 
rique en  des  termes  qu'elle  ne  saurait  oublier  (l)- 

En  4828  {%  M.  Janson  de  Sailly,  ancien  ma- 
gistrat, marié  à  la  sœur  du  grand  Gierryer,  louait 
la  nue-propriété  de  sa  fortune  à  l'Université  poor 
créer  à  Paris  un  lycée  qui  porterait  son  nom  (3) 
et  c  dans  lequel  l'enseignement  des  humanités 
serait  donné  à  des  enfants  qui  se  seraient  parti- 
culièrement distingués  par  leur  piété  filiale  ». 

Cette  fortune  consistait  en  immeubles  situés  roe 
Royale. 

A  la  mort  de  rusufruitière  (4),  les  immea- 
bles  en  auestion  furent  vendus  et  produisirent 
S.690.000  fr.  La  pTnsgrande  partie  de  cette  somme 
fut  affectée  à  l'acquisition  du  terrain  sur  lequel  a 
été  construit  le  lycée  Janson.  L'État  fit  face  au 
surplus  des  frais  d'acquisition  du  terrain  et  à  la 
totalité  de  la  dépense  de  construction  des  bâti- 
ments (près  de  9  millions).  Ceci  se  passait  en  4876, 
date  oàicielle  de  la  fondation  du  lycée. 

La  première  pierre  fut  posée  par  M .  Jules  Feny, 
le  45  octobre  4884,  et  les  cours  turent  inaugurés 
le  40  octobre  4884. 

La  superficie  totale  est  de  3â.744<"'i,44,  se  dé- 
composant ainsi  : 

Superficie  bAtie  :  9.000  mètres  carrés. 

Superficie  libre  (cours  et  jardins)  :  23.744*^^,44. 

L'immeuble  a  la  forme  d'un  quadrilatère,  isolé 
de  trois  cl^tés  et  borné  à  l'ouest  (façade  principale) 
)ar  la  rue  de  la  Pompe;  au  nord,  par  la  rue  de 
[^ngchamp  ;  à  l'est,  par  les  rues  Herran  et  De- 
camps;  au  midi,  par  l'avenue  Henri-Martin  et 
par  des  maisons  particulières. 

Parler  de  la  prospérité,  tous  les  jours  grandis- 
sante, du  lycée  de  Passy  serait  une  banalité.  Nous 
n'avons  qu'à  souhaiter,  —  et  comment  notre  vœu 
pourrait-il  ne  pas  être  réalisé  ?  —  que  ce  grand 
établissement  reste  toujours  digne  des  hommes 
qui  président  à  ses  premières  destinées. 

Antoine  Guillois. 


(i)  M.  L.  Lanier,  professeur  d'histoire,  le 
3i  juillet  189^1  à  la  distribution  des  prix  du  lycée, 
sous  ce  titre  :  A  travers  te  Troradéro,  {En  voir 
de  nombreux  extraits  dans  le  BiUtetin^  1. 1,  pp.  317 
et  suiv.) 

(a)  Les  renseignements  qui  suivent  sont  em- 
pruntés, pour  la  plupart,  à  la  Statistique  de  ren- 
seignement secondaire  en  1887;  Paris,  iraprimerie 
Nationale,  1889,  pp.  R  et  9. 

(3)  "  Je  me  fais  un  devoir  de  vous  enffag:er 
tous  à  rendre  hommage  avec  moi  au  généreux 
donateur,  M.  Janson  de  Sailly.  Dans  le  cours 
de  ma  longue  carrière,  j'ai  vu  la  plupart  des 
lycées  de  Paris  changer  deux  ou  trois  fois  de 
nom.  Celui-ci,  quoi  qu'il  arrive,  sera  toujours  le 
lycée  Janson.  ••  (Discours  de  M.  Faye. /oc.  cit.) 

(4)  Mme  Janson  de  Sailly,  qui  s'était  remariée 
el  était  devenue  la  duchesse  de  Riario-Sfor^a  ; 
elle  est  enterrée  à  Auteuil. 


l 


(1)  M.    Faye,    à   la    distribution    des    prix   du 
4  août  i885. 


ANNEXES 


381 


LE  MONUMENT  DU  TSAR 


Le  sablier  de  la  vie  lentement  se  dé?erse  iné- 
paisable.  Les  joars  succèdent  aux  jours,  doulou- 
reux ou  glorieux,  se  voilant  ou  s* auréolant  selon 
qu*ils  furent  sombres  ou  joyeux.  Dans  ces  jours 
gais,  ces  jours  d'apothéose,  nous  retrouvons  la 
matinée  du  6  octobre  4896,  ob  le  peuple  fran- 
çais, vibrant  d^émotion,  attendait,  à  la  gare  du 
Ranelagh,  Tarrivée  des  souverains  russes. 

A  la  gare,  spécialement  construite  par  M.  Scel- 
lier  de  Gisors,  architecte  du  Sénat,  on  avait  édifié 
un  arc  de  triomphe  enjolivé  de  draperies  jaunes, 
orné  des  drapeaux  nationaux  des  deux  pays  alliés 
et  amis. 

Tous  les  cœurs  battaient  à  Tunisson,  le  canon 
tonnait  de  minute  en  minute,  le  clairon  sonnait  au 
champ;  et  quand  l'empereur  et  Timpératrice , 
après  avoir  pris  pied  sur  le  sol  parisien,  en  pas- 
sant sous  cet  arc  de  triomphe,  disparurent  vers 
la  porte  du  Bois,  emportés  dans  la  daumont  de 
Félix  Faure,  ce  fut  dans  la  foule  une  minute  indes- 
criptible d'émotion.  Minute  qui  restera  éternelle- 
ment gravée  dans  la  mémoire  de  ceux  qui  assis- 
taient à  cette  inoubliable  arrivée. 

Pour  fixer  à  jamais  dans  1  histoire  ce  souvenir, 
la  Société  historique  d'Auteuil  et  de  Passy  sollicita 
du  conseil  municipal  l'autorisation  d'élever,  au 
Ranelagh,  un  monument  dont  l'auteur  était  le 
sculpteur  Gustave  Michel  ;  ce  monument  devait 
être  placé  au  croisement  de  la  chaussée  de  la 
Muette  et  de  l'avenue  Prudhon,  en  face  de  l'em- 
placement de  la  gare  construite  pour  la  réception 
des  souverains,  te  fut  à  la  suite  d'une  visite  de 
M.  Formigé  sur  les  lieux,  que  cet  emplacement 
fut  choisi  et  accepté  par  l'artiste  et  la  Société. 

A  propos  de  la  prochaine  arrivée  du  tsar,  on 
a  beaucoup  reparlé  de  sa  première  visite  à  Paris, 
et  l'idée  du  monument  commémoratif  a  repris 
corps:  seulement,  comme  le  conseil  municipal  a 
changé  depuis,  ce  qui  fut  rejeté  hier  a  des  chances 
d'être  voté  demain. 


•  * 


Voulant  savoir,  à  ce  propos,  ce  que  comptait 
faire  la  Société  historique  d'Auteuil  et  de  Passy, 
nous  nous  sommes  rendu  à  son  siège  social  —  à 
la  mairie  de  Passy. 

MM.  Doniol,  Potin,  Gaston  Lemoine,  qui  en 
font  partie,  ne  se  réunissant  que  tous  les  30  de 
chaque  mois  (i),  nous  nous  sommes  donc  adressé 
en  particulier  à  M.  Doniol,  afin  qu'il  voulût  bien 
nous  renseigner. 

—  L'historique  de  ce  monument,  nous  dit-il, 
oh  !  il  est  bien  simple.  Vous  savez  que,  le  30  sep- 
tembre 1896,  la  Compagnie  de  l'Ouest  fit  abattre, 
sur  une   longueur  de   160  mètres ,  la  palis - 

(0  C'est  le  17.  et  non  le  3o  qu'ont  lieu  les  réu- 
nions mensuelles  de  la  Société  historique  d'Au- 
teuil et  de  Passy;  il  n'y  a  pas  de  séance  pen- 
dant les  mois  de  vacances  (aotU  el  septembre). 


sade  séparant  la  promenade  du  Ranelagh  du 
trottoirj  de  la  gare  de  Passy ,  afin  d'établir  le 
pavillon  de  réception  oU  le  tsar  Nicolas  U  et  la 
tsarine  débarquèrent  le  6  octobre  pour  faire  leur 
entrée  triomphale  à  Paris,  en  passant  par  le  bois 
de  Boulogne,  auprès  du  château  de  la  Muette,  oU 
la  duchesse  de  Berry  avait  reçu,  en  mai  1717, 
Pierre  le  Grand. 

c  La  conservation  des  monuments  et  souvenirs 
historiques  du  XVI^  arrondissement  est  un  des 
buts  que  la  Société  historique  d'Auteuil  et  de 
Passv  se  propose  d'atteindre;  c'est  par  Passy  que 
Nicolas  II  était  entré  dans  Paris  ;  il  était  donc 
bien  naturel  que  la  Société  pensât  qu'elle  devait 
prendre  l'initiative  d'ériser  au  Ranelagh  un  monu- 
ment commémoratif  de  l'arrivée  de  l^mpereur  et 
de  l'impératrice  de  Russie.  Nous  fîmes  donc  des 
démarches  dans  ce  but  auprès  du  maire  et  des 

3uatre  conseillers  municipaux  du  XVI*  arron- 
issement,  leur  demandant  d'appuyer  le  projet 
dressé  par  l'éminent  statuaire  M.  Gustave  Michel, 
qui  est  membre  de  notre  Société  et  qui  se  décla- 
rait tout  disposé  à  lui  prêter  son  concours  avec 
le  plus  grand  désintéressement. 

«  Après  une  réunion  tenue  au  Ranelagh,  le 
5  avril  1897,  en  présence  de  M.  Formigé,  archi- 
tecte de  la  Ville,  MM.  GusUve  Michel,  Laffite, 
et  Ch.  Dupuy,  architecte,  délégués  de  la  Société, 
étaient  tombés  d'accord  avec  M.  Formigé  pour 
demander  au  conseil  municipal  une  place  sur  la 
pelouse  angulaire  oui  se  trouve  au  croisement  de 
la  chaussée  de  la  Muette  et  de  Tavenue  Prudhon. 

«  L'autorisation  du  conseil  était  nécessaire, 
puisque  tous  les  terrains  sur  lesquels  le  monument 
pouvait  être  érigé  appartiennent  à  la  Ville. 

«  Dans  la  séance  du  21  avril  1898,  M.  Le 
Breton,  rapporteur  de  la  troisième  commission, 

{»roposa  d'accueillir  favorablement  la  demande  de 
a  Société  et  d'ériger  un  monument  sur  les  pe- 
louses du  Ranelagh,  à  l'emplacement  indiqué  par 
M.  Bouvard,  directeur  administratif  des  services 
d'architecture  et  des  promenades.  11  était  en- 
tendu que  la  quatrième  commission  serait  appelée 
à  statuer  sur  l'esthétique  du  monument  avant 
son  exécution. 

«  Ces  conclusions  furent  adoptées,  mais  le 
23  avril  1 898  le  conseil  municipal  décida  <|u'il 
apposerait  lui-même  une  simple  plaque.  Tout  était 
changé.  G$pendant,  la  question  revint  sur  le  tapis 
le  2o  mai  1898  et,  après  une  séance  orageuse  du 
conseil,  M.  Levraud  déclara  qu'il  ignorait  com- 
bien de  temps  le  fait  qu'il  s'agissait  de  commé- 
morer aurait  une  influence  sur  les  événements  ; 
qu'en  conséquence  il  fallait  s'opposer  à  ce  qu'une 
Société  particulière,  pouvant  réunir  des  fonds 
considérables,  élevât  un  monument  de  gloire  en 
l'honneur  du  tsar,  monument  qui,  selon  lui,  plus 
il  serait  imposant,  plus  il  serait  disproportionné 
avec  l'événement  dont  il  s'agissait  de  consacrer  le 
souvenir.  L'érection  du  monument  ne  fut  pas 
votée. 

«  Malgré  tout,  la  Société  historique  n'aban- 
donna ni  ne  perdit  de  vue  son  projet;  elle  se  féli- 
citerait aujourd'hui  de  le  voir  aboutir  avec  son 
caractère  purement  histori(|ue,  patriotique  et 
local,  en  dehors  de  toute  visée  politique. 

«  Elle  recommence  et  continue  même  ses  démar- 


382 


HISTOIRE    DU   XVI''   ARRONDISSEMENT 


ches  et  elle  espère  qae  le  conseil  muDicipal  actuel 
lai  permettra  de  réaliser  son  projet  ancien.  » 


* 
•  * 


L'auteur  du  monument,  M.  Michel,  que  nous 
avons  été  consulter  également,  nous  donne  les 
mêmes  explications  que  M.  Doniol  en  ce  qui  con- 
cerne Tancien  conseil  municipal  ;  il  nous  avise  que 
la  Société  d'Auteuil  et  de  Passy  compte  bien  pro- 
fiter des  éTénements  actuels  pour  se  ressaisir  de 
son  idée  et  y  intéresser  Topinion,  qui  lui  a  tou- 
jours été  sympathique  et  favorable. 

Quant  au  projet,  il  n*a  pas  été  modifié.  Le 
monument  représentera  une  jeune  femme  person- 
nifiant rhi^ire  contemporaine.  Elle  tient  dans 
sa  main  gauche  les  drapeaux  unis  de  la  France  et 
de  la  Russie,  dans  sa  main  droite,  le  stylet  avec 
lequel  elle  vient  d'inscrire  sur  une  pierre  com- 
mémorative  la  date  de  l'arrivée  à  Paris  du  tsar 
et  de  S.  M.  l'impératrice  de  Russie. 

—  Je  l'avais  vêtue,  nous  dit  M.  Michel,  d*une 
robe  rappelant  le  costume  moderne,  une  grande 
écharpe  volante  reliait  l'euitemble  de  la  pierre 
commémorative  et  donnait  à  la  figure  un  aspect 
plus  décoratif,  plus  allégorique.  Gomme  seul  orne- 
ment, la  jeune  femme  porte  à  son  corsage  une 
branche  d'olivier,  symbole  de  la  paix.  La  phy- 
sionomie de  la  tète  est  calme  et  sereine  ;  elle 
semble  être  empreinte  d'une  expression  de  satis- 
faction ;  elle  se  détache  en  lumière  dans  les  pUs 
agités  des  drapeaux. 

Espérons  que  le  monument  si  vraiment  beau 
de  M.  Michel  pourra  bientôt,  cette  fois,  trouver 
sa  place  au  Ranelagh.  La  journée  du  6  octobre 
1896  n'est  oubliée  par  personne;  elle  ffarde  son 
oli  parfum  du  souvenir  et  est  au  fond  de  tous 
les  cœurs. 

Aux  âmes  vraiment  sensibles,  les  espérances  du 
lendemain  ne  font  pas  oublier  les  saintes  joies 
de  la  veille. 

Le  i8  septembre  1904  ressuscite  le  6  octobre 
1896.  L'un  est  la  consécration  de  l'autre.  Le 
monument  du  Ranelagh  doit  vivre  plus  que 
jamais. 

TOUT-PARIS. 

(Extrait  du  journal  le  Gaulois,  septembre  ^901.) 


1 


LA  TOUR  DE  1-A  RUE  DE  LA  TOUR,  N«  86 

Nous  avons  r«)çu  les  deux  lettres  suivantes  : 
«  Chalet  des  Sapins,  près  Lons-le-Saulnier  (Jura). 

«   MONSIKUK, 

€  Je  ne  puis  assister  aux  séances  delà  Société, 
mais  je  lis  le  Bulletin  avec  intérêt,  et  j'éprouve  un 
grand  plaisir  à  suivre  les  discussions  et  les  décon* 
vertes  dont  il  est  rendu  compte,  surtout  lorsqu'il 
s'agit  de  questions  rétruspectives,  ce  qui  me  pa- 
rait être  le  but  de  la  Société. 


<  Parmi  ces  questions,  il  en  est  une  que  je 
m'étonne  de  ne  pas  avoir  vu  traiter,  parte  que  le 
crois  ou'elle  doit  éveiller  un  ijrand  nombre  de 
souvenirs,  c'est  :  QneUe  est  l'origine  et  Thistorique 
de  la  tour  encadrée  dans  la  maison  Drapjfûr,  et 
qui  a  évidemment  donné  son  nom  à  la  rue  ? 

«  Je  n'ai,  moi,  habitante  assez  récente  da 
quartier,  ni  des  données,  ni  surtout  l'instructioa 
spéciale  nécessaire  pour  faire  ces  recherches.  Mais 
je  suis  très  curieuse  de  tontes  ces  questions  et  dé- 
sirerais que  chaque  quartier  eût  une  Société  sem- 
blable à  la  nôtre  pour  préserver  notre  cher  Paris 
de  l'oubli  de  ses  origines  et  de  l'horrible  niveau 
américain  qui  cherche  à  s'établir  sur  nous. 

«  Recevez,  Monsieur,  l'assurance  de  mes  senti- 
ments distingués. 

«  A.  Gauthibr-Villars.  » 

La  question  de  notre  distinguée  correspondante 
a  été  posée  dès  la  séance  du  12  octobre  1894  ; 
nous  l'avons  signalée  une  seconde  fois  dans  le 
Bulletin  à  la  sagacité  et  aux  recherches  de  nos 
collègues. 


«  28  octobre  1894. 


Monsieur, 


€  Si  vous  jugez  que  la  publication  de  ma  lettre 
peut  être  utile  aux  recherches  que  nous  désirons 
tous  favoriser,  j'en  autorise  bien  volontiers  l'in- 
sertion. Nous  devons  nous  hâter  de  recueillir  les 
souvenirs  du  passé,  poursuivis  que  nous  sommes 
par  les  démolisseurs. 

€  Veuillez  recevoir»  etc. 

€  H.  Gadthier-Villars.  > 

Notre  collègue  M.  Mar  fait  à  Mme  Gauthier- 
Yillars  la  réponse  suivante  : 

Dans  son  Histoire  de  France,  le  président  Re- 
nault cite  un  règlement  donné  par  Philippe  le  Rel, 
à  Passy,  au  mois  de  juillet  1312,  règlement  par 
lequel  il  décrète  que  les  Quinze-Vingts  faisant 
partie  de  l'établissement  fondé  par  saint  Louis 

{porteront  une  fleur  de  lis  sur  leur  vêtement,  pour 
es  distineuer  des  autres  aveugles.  Il  est  donc  cer- 
tain que  Philippe  le  Bel  possédait  un  domaine  4 
Passy;  mais  ou  était-il  situé?  Qnillet,  dans  ses 
Ckronùjues  de  Passy,  dit  qu'il  y  avait  dans  ce 
qu'on  appelait  les  kortes-Terres,  emplacement 
coupé  |iar  la  rue  Mozart,  à  peu  près  à  la  hauteur 
de  la  rue  de  l'Assomption  :  1°  une  butte  dite  du 
Roi,  qui  faisait  partie  de  la  métairie  royale  ;  ^  une 
porte  dite  Porle-Jeanne,  dont  le  nom  paraissait 
provenir  de  celui  de  Jeanne  de  Navarre,  femme  de 
Philippe  le  Bel,  et  qui  était  peut-être  une  des 
portes  du  domaine  au  roi.  En  outre,  d'andens 
actes  notariés  établissent  que,  vers  le  même  en- 
droit, il  y  avait,  en  1350,  un  autre  quartier  de 
terre,  désigné  sous  le  nom  de  VEchansonnerie, 
et  tout  porte  à  croire  que  là  se  trouvait  le  ma- 
noir de  l'échanson  de  Philippe,  qui  était  Geoffroi 
Gocatrix,  le  même  qui  a  donné  son  nom  à  une  rue 
de  la  Gté,  ou  il  possédait  plusieurs  fiefs.  Il  y  au- 
rait donc  d'assez  fortes  présomptions  en  faveur  de 


ANNEXES 


383 


cet  emplacement.  Mais,  d*aatre  part,  certains 
chroniqueurs  regardent  la  tour  de  la  rue  de  la 
Tour  comme  un  débris  du  château  de  Philippe  le 
Bel.  Quand,  sous  le  premier  Empire,  on  en  fit  une 
restauration  complète,  qui,  entre  parenthèses,  lui 
fit  perdre  son  cachet  architectural,  on  reconnut 
que  les  substructions  semblaient  remonter  au 
moyen  âge.  Et  ce  nom  de  rue  des  Tournelles,  aue 
porta  si  longtemps  la  rue  Louis-David,  n'inoi- 
quait-iî  pas  Tancien  emplacement  des  remparts 
du  château  ?  Néanmoins,  voici  ce  que  disait  (juil- 
let en  1836,  à  propos  de  cette  tour  :  Après  le 
clos  des  Minimes  (Bons-Hommes),  on  trouvait 
un  chemin  de  communication  avec  la  plaine, 
oii'on  appelait  le  Chemin  des  Moines.  On  a 
beaucoup  élargi  ce  chemin  pour  en  faire  une 
rue  qu'on  a  longtemps  désignée  sous  le  nom 
de  rue  du  Moulin-de-Ia-Tour,  parce  que  sur  la 
tour  que  Von  voit  encore  dans  celte  rue,  et  qui 
a  servi  longtemps  de  prison^  se  trouvait  un 
moulin,  et  comme  ce  moulin  a  été  détruit,  on 
la  nomme  à  présent  rue  de  la  Tour  seulement, 
afin  de  la  distinguer  d'une  rue  adjacente  por- 
tant le  nofn  de  rue  du  Moulin  (actuellement  lue 
Scheffer),  laquelle  touche  en  effet  au  meûlin 
Leclerc, 

Aussi  perplexes  que  Tâne  de  Buridan,  nous  voici 
donc  bien  embarrassés  pour  placer  le  ch&tean  du 
roi  faux  monnayeur,  deux  fois  excommunié  ;  quant 
à  moi,  si  nous  étions  au  moyeç  âge,  si  ie  m'appe- 
lais Philippe  le  Bel  et  que  j'eusse  le  aésir  de  me 
faire  élever  un  château  à  Passy,  je  ne  choisirais 
pas  remplacement  des  Fortes-Terres,  qui,  du 
reste,  était  plutôt  à  Auteuil  qu'à  Passy,  mais  bien 
la  partie  la  plus  élevée  de  la  rue  de  la  Tour  (vers 
le  n®  86),  avec  tournelles  sur  remplacement  de  la 
rue  Louis-David  et  donjon  sur  celui  de  l'ancien 
moulin  Leclerc,  c'est-à-dire  rue  Pétrarque,  le 
point  culminant  de  la  localité,  d'oU  je  pourrais  ad- 
mirer au  loin  ma  bonne  ville  de  Paris  et  les  gra- 
cieux méandres  de  la  Seine,  et  même  au  besoin 
surveiller  l'approche  de  l'ennemi. 

L.  M. 


ROSE  CHÉRI.  —  M.  M0NTI6NY 

Le  séjour  d* Auteuil,  de  Passy  et  de  Ghaillot  est 
depuis  longtemps  justement  apprécié  par  l'élite 
des  acteurs  de  nos  différents  théâtres,  et  longue 
est  la  liste  de  ceux  qui  vinrent  demander  à  notre 
salubre  et  agréable  région  repos  et  santé. 

A  Auteuil,  sans  compter  Molière,  voici  la 
Champmeslé  qui  vint  y  finir  ses  jours,  puis  la 
Saint-Uuberti,  de  l'Opéra,  et,  de  notre  temps, 
Arnal,  puis  Samson  et  Bouffé,  qui  y  moururent, 
et  enfin  MmeMathieu-Plessy  (Emilie  (}uvon).  Passy 
a  abrité  la  Guimard,  Mile  (^nlat,  Mlle  Georges 
qui  vint  y  mourir,  Mme  Gavaudan,  la  cantatnce 
Mainvielle  Fodor,  dont  une  de  nos  cités  porte  le 
Dom  ;  les  coryphées  de  la  danse  :  Fanny  Cerrito, 
Mme  Bifjottini,  Matbilde  Marquet,  oui  se  fit  pein- 
tre, Auriol,  le   clown  inimitable,  les  chanteurs 


Chollet,Levasseur,Ponchard,  Montjauze  et  Duprez 
qui  y  mourut  ;  les  actrices  Jenny  Vertpré,  Augus- 
tine  Brohan,  Rose  Chéri;  les  acteurs  comiques, 
tragiques  ou  ni  l'un  ni  l'autre  >  c'est-à-dire  les 
comédiens  de  genre,  Lepeintre  aîné,  Ferville, 
Bouffé,  Beauvallet,  Bressant  et  Delaunay.  Aujour- 
d'hui Passy  compte  parmi  ses  hdtes:  Blanche 
Pierson,  Jane  Hading  ;  Got  (i  )  et  Coquelin  aîné,  nos 
très  honorés  collègues.  A  (Ghaillot  vinrent  demeu- 
rer, d'abord  (^lin,  le  célèbre  arlequin  de  la 
Comédie-Italienne,  puis  la  piquante  Mlle  Dumesnil, 
la  célèbre  Sophie  Amould,  Mme  Molé,Talma,  qui 
Y  commença  ses  études,  Mlle  Haucourt,  Mlle 
bourgoin  et,  de  nos  jours,  la  célèbre  Alboni,  qui  y 
mourut  (2).  Sans  vouloir  en  aucune  façon  médire 
des  artistes  de  théâtre,  et  tout  en  rendant  justice  à 
leurs  talents,  il  faut  bien  reconnaître  cependant 
qu'au  soi-disant  bon  vieux  temps,  tous  ne  méri- 
tèrent pas  des  prix  de  vertu,  loin  de  là  !  Depuis, 
ils  se  sont  bien  assagis  ;  aussi  les  préjugés,  plus 
ou  moins  bien  fondés,  qu'on  avait  contre  eux,  se 
sont-ils  justement  dissipés  ;  et  aujourd'hui,  res- 
pectueux de  leur  art  et  d'eux-mêmes,  acteurs  et 
actrices  sont  généralement  devenus  rangés  comme 
d'honnêtes  bourgeois.  Nous  ne  nous  en  plaignons 
pas,  et  il  nous  serait  facile  d'en  citer  bon  nombre 
d'un  mérite  exemplaire  et  d'une  vie  irrépro- 
chable. 

Telle  fut,  entre  toutes,  celle  de  notre  hôte,  la 
sympathique  Rose  Chéri,  dont  la  mort  si  préma- 
turée, si  cruelle,  si  dramatique  mérite  d'être  rap- 
pelée, ainsi  que  les  douloureux  événements  qui 
suivirent. 

Il  est  des  familles  sur  lesquelles,  sans  raison, 
semble-t-il,  l'aveugle  fatalité  prend  plaisir  à 
s'acharner  ;  celle  de  Rose  Chéri  fut  du  nombre. 
Mme  Montigny  (Rose  Cizos,Mme  Lemoine) ,  plus  con- 
nue sons  le  nom  de  Rose  Chéri,  était  née  à  Étam- 
pes  le  27  octobre  4824.  Son  père,  Jean-Baptiste 
Cizos,  acteur  et  directeur  d'une  petite  troupe  de 
province,  lui  fit  faire  ses  débuts  d'enfant  à  Bourges, 
en  i830.  Très  intelligente,  la  petite  Rose  se  fit 
applaudir  successivement  dans  la  plupart  de  nos 
villes  de  province  et,  en  dernier  lieu,  en  4842,  à 
Périffueux,  où,  remarquée  dans  la  Grâce  de  Dieu 
par  Lolsa  Puget,  qui  devait  quelques  années  plus 
tard  devenir  sa  belle-sœur,  elle  fut  présentée  avec 
sa  sœur  Anna  à  M.  Romieu,  alors  préfet  de  la 
Dordogne,  qui,  toujours  facétieux,  les  voyant  si 
gentilles  et  si  modestes,  s'écria  :  quelle  jolie 
paire  de  Cizos  !  et  leur  donna  une  lettre  de  re- 
commandation pour  son  ancien  collaborateur,  le 
vaudevilliste  Bavard.  Les  voici  donc  à  Paris,  où  Rose 
Chéri  débuta  si  malheureusement  au  Gymnase,  le 
30  mai  dstnsV  Estelle  deScrihe,  qu'elle  fut  remerciée 
après  deux  représentations.  Rentrée  comme  simple 
doublm*e  au  même  théâtre  peu  de  temps  après, 
aux  appointements  de  900  francs  par  an,  elle  eut, 
le  5  juillet  4842,  la  bonne  fortune  inattendue  de 
pouvoir  remplacer  dans  Une  Jeunesse  orageuse, 
Mlle  Nathalie,  subitement  indisposée,  et  y  obtint 
un  tel  succès  que  le  public  réclama  son  nom  avec 
insistance.   «   (juel  nom  dirai-je?  demanda  le 


(i)  Blanche  Pierson  et  Gol  Hont  décèdes. 
(2)  Le  nom  d'Alboni  a  été  donné  à  une  des  rues 
de  Pasey. 


3&4 


r   XVI'   ARRONDISSEMENT 


régisseur  à  la  mère  de  la  débnUnte.  ~  Itote 

Cizoi  —^  CiiM  ! impossible  de  dire  ce  nom- 

li,  OQ  rirait  trop.  —  Mon  mari  dans  ses  tonraées 
drimatiqDss  prend  le  nom  de  Chéri.  —  Bienï  > 
Et  le  réeisseur  laD;a,  au  miliea  des  applaodisse- 
ments  fréoètiques,  le  nom  de  Rose  Chiri,  sous 
lequel  die  est  resiée  conoae.  Le  lendemain,  son 
directeur,  M.  Delestre-l'oirsoa,  lui  oSrail  un  en- 
gsgemeot  de  4.000  Traiics.  Malgré  les  offres  bril- 


M.  Montiguy  (Adolphe  Lemoiae,  dit),  né  ta 
180"),  tut  pendeot  quelque  temps  acteor  k  TAm- 
bigu,  écrivit  quelques  pièces  soit  senl,  soit  en 
colla  bore  lion,  s'assoeii  i  Mever  en  183^  pour  li 
direction  de  U  liaieté  (qui  fut  heureuse)  et  prit 
enâu.  le  18  JDinl8i4.  celledu Gymnase. queson 
intelligence  et  son  habileté  parvinrent  à  Lrcr  de 
lasitaaliori  désespérée  o il  il  l'avait  trouvée  (l|- 
C'est  qu'il  eut  le  bon  esprit  de  s'adresser  pour  ses 


lanles  qui  lut  furent  faites  depuis  par  l'Odéon  et 
par  la  Tfaèltre-Français,  elle  ne  voulut  jamais 
abandonner  la  scène  de  ses  premiers  succès. 

Actrice  pleine  de  charme,  de  distioction,  do 
godt,  de  verve,  de  grâca  et  de  sensibilité,  incom- 
parable dans  les  rdFes  d'ingénue,  elle  honorait  de 
plus  si  bien  la  vie  de  famille  par  ses  vertus  privées 

Ju'oa  beau  jour,  M.  Scribe,  le  fournisseur  attitré 
u  Gymnase,  vint,  au  nom  de  son  nouveau  direc- 
teur, M.  Lemoine  Monligny,  pour  demander  sa 
main,  et,  le  12  mai  1847,  la  jeune  actrice  deve- 
nait Mme  Montigny,  reslanl  toujours  Itose  Chéri 
pour  le  public.  Mais  ce  mariage  inespéré  avait 
coûté  la  vie  à  son  père,  qui,  rendu  fuu  de  joie, 
lut  pris  d'un  accès  de  Gèvre  chaude  et  se  préci- 
pita par  II  fenêtre. 


pièces  aux  boas  faiseurs,  à  Scribe,  tonjonra  sur 
la  brèche,  i  Italiac,  qui  lui  donna  Sercadel,  1 

(leorge  Sand,  à  Jules  Sandeau,  i  Emile  Augier, 
à  Alexandre  Dumas  fils,  doot  il  devint  riaiiaie 
ami,  à  (Iciave  Keuillct,  Sardou,  Neilhae,  Labiche, 
Pailleron,  etc.  En  peu  do  lempj  sa  troupe  devint 
la  plu»comp!èle,  la  pins  homogène  et  la  plus  lia- 
bile  après  celle  du  Tbéllre- Français  :  elle  compta 

(i)  r.ommo  touH  les  lliêàlres,  âpre»  la  révolu- 
li'in  de  février  iH{8,  le  Gymnnst'  passa   par  des 

DosD  Clirrl  n'ii^slla  pas  i\  'no  détaire  de'  nen  M- 
jaax  et  dv  ses  dinmants. 

l'vndanl  1rs  fralririile*  jixinires  ilc  juin,  elle 
f'i-mprcssa  de  tronsformer  son  Ihéâlre  en  stnbu- 
lanre,  tillani  elle  même  visiter.  nSeonrorler  et 
Hoigiier  les  Iileasist  et  les  mourants. 


ANNEXES 


385 


Bouffé,  LafoDt,  Geoffroy,  Bcrton,  Dressant,  Le- 
sueur,  Numa,  Tisseraut,  Ferville,  Lafontaine: 
Mmes  MoDTal,  Rose  et  Anna  Chéri  (Mme  Lesueur), 
Victoria  LafoDtaine,  Pierson,  Pasca,  Desclée, 
Céline  Montaland,  etc.  Avec  de  tels  éléments,  le 
succès  ne  se  fit  pas  attendre  et  dura  longtemps. 

Pais,  les  entants  allaient  venir,  on  désirait  nn 
air  plas  par  que  celui  de  Paris,  et,  vers  1857  au 
plus  tard,  M.  et  Mme  Montigny  vinrent  s*ins- 
taller  à  Passy,  d*abord  au  n®  i5  de  la  rue  Saint- 
Pierre  (actuellement  rue  Nicolo,  vers  le  n°  51 
on  53)  et,  peu  de  temps  après,  ils  prirent  pos- 
session définitive  d*un  charmant  petit  hôtel  de 
style  Louis  XV,  qu'on  peut  voir  encore  entre  cour 
et  jardin  au  n^  73  de  la  rue  de  la  Tour  (an- 
cien 61  bis),  mais  qui  n*était  pas  alors  étouffe  par 
les  lourdes  bâtisses  qui  Tentourent  aujourd'hui. 
C'est  dans  cette  demeure  que  Rose  Chéri  vit  gran- 
dir ses  trois  enfants,  qu'elle  aimait  jusqu'à  l'ado- 
ration. 

Mais  hélas!  au  commencement  du  mois  de 
septembre  i861,  l'ainé  est  atteint  d'un  angine 
couenneuse  ;  dans  l'espace  de  quinze  jours,  trois 
fois  il  est  regardé  comme  perdu  ;  Rose  Chéri  ne 
quitte  pas  son  chevet.  En  vain  lui  dit-on  que  la 
maladie  est  contagieuse,  elle  n'écoute  que  son 
amour  maternel,  aspire  ainsi  la  maladie  de  son  en- 
fant qu'elle  guérit,  tandis  aue  le  mal  fait  rhez  elle 
des  progrès  si  rapides  qu'elle  y  succombe  au  bout 
de  quelques  jours,  dans  la  nuit  du  samedi  21  au 
dimanche  22  septembre  1861. 

€  Sainte  mort  pour  une  mère  que  de  mourir  en 
sauvant  son  enfant  (dit  M.  de  Biéville,  un  de  ses 
biographes),  triste  mort  quand  on  laisse  trois 
petits  orphelins  et  un  mari  qui  ne  devait  pas 
croire  que  sa  jeune  compagne  quitterait  le  monde 
avant  lui.  » 

€  Elle  est  morte,  cette  grande  artiste —  s'écrie 
le  Figaro  d'alors— cette  honnête  femme  !  Mme  Le- 
moine,  qu'on  appelait  Rose  Chéri  !  Elle  est  morte 
de  la  maladie  de  son  enfant  qu'elle  soignait  —  et 
l'enfant  vit!  C'est  lundi  à  Passy  que  le  cercueil  a 
emporté  ce  nom  et  cette  vertu.  Quelle   double 

Î gloire  que  celle  du  talent  et  de  l'honnêteté  !  Pauvre 
émme  !  elle  a  lutté  toujours,  lutté  sans  relâche, 
vaillante,  brave,  chaste  et  bonne  !  Le  but  était 
atteint,  elle  avait  une  famille,  une  fortune,  elle 
était  jeune,  aimée,  respecté<%...  elle  meurt!  » 

Et  partout,  à  la  nouvelle  de  cette  fin  si  drama- 
tique, l'émotion  fut  semblable. 

Si  la  mort  ne  l'eût  pas  enlevée,  à  quelles  autres 
épreuves  n'eût-elle  pas  été  soumise  !  A  peu  de  temps 
delà,  un  de  ses  fils  mourait;  puis,  l'aîné,  — celui 
dont  elle  avait  racheté  la  vie  par  la  sienne,  jeune 
homme  de  vingt-deux  ans  dont  l'avenir  semblait 
devoir  être  brillant  et  qui  déjà  avait  eu  une  pièce 
reçue  et  jouée  au  théâtre  du  Gymnase  (1),  —  un 
jour  est  mordu  à  la  racine  du  nez  par  son  chien, 
qu'il  soupçonnait  si  peu  d'être  atteint  de  la  rage, 
qoe  le  malheureux  laissa  s'écouler  plusieurs  jours 


(i)  Rappelons  à  ce  propos  qu'Alexandre  Dumas 
fils  lui  avait  prtniilivement  en  ces  termes  clédic 
les  Idéeit  de  Madame  Aubray  :  «  Je  veux,  mon 
cher  enfant,  le  dédier  celle  comédie.  Elle  le  re- 
vient de  droit.  Mme  Aubray,  c'est  la  foi,  le  dé- 
vouement et  lo  sacrifice.  C'est  ce  que  fut  ta 
mère.  » 


avant  de  se  décider  à  faire  soigner  sa  blessure.  Le 
mal,  après  un  mois  d'incubation,  fit  son  appari- 
tion, et,  le  25  juin  1878,  une  mort  atroce  s  en- 
suivit. 

Nous  devons  rappeler  ici,  à  l'éloge  de  M.  l'abbé 
Locatelli,  curé  de  Passy,  déjà  bien  vieux,  qu'ap-. 
pelé  auprès  du  mourant  pour  lui  administrer  les 
derniers  sacrements,  et  connaissant  le  danger  qu'il 
y  avait  à  s'approcher  du  malade,  il  n'hésita  pas 
un  seul  instant  à  se  rendre  auprès  de  lui,  et  là,  à 
câté  du  médecin,  remplit  courageusement  son 
devoir  jusqu'au  bout. 

Quelques  années  après,  le  6  mars  1880,  M.  Mon- 
tigny, brisé  plus  peut- être  par  le  chagrin  que  par 
l'âge,  quittait  pour  toujours  son  charmant  hôtel 
de  la  rue  de  la  lour,  pour  aller  rejoindre  sa  femme 
et  ses  deux  fils  au  cimetière  du  Nord. 

Quelques  mots,  pour  finir,  sur  le  frère  de  Rose 
Chéri,  Victor  Chéri,  chef  d'orchestre  et  composi- 
teur. Né  à  Auxerre  le  14  mars  1830,  il  fut  d'abord 
violon  à  l'Opéra,  remporta  un  second  prix  au  Con- 
servatoire en  1855,  puis  dirigea  successivement 
l'orchestre  du  théâtre  des  Variétés,  du  Châtelet  et 
du  Gymnase.  Il  était  venu  s'installer  également  à 
Passy,  rue  0)rtambert,  n^  40,  presque  au  coin  de 
la  rue  de  la  Tour,  dans  une  maison  de  rapport 
appartenant  à  son  beau-frère,  et  voisine  de  son 
hôtel  ;  il  s'occupait  des  affaires  d'intérêt  de  M.  Mon- 
tigny et  surveilla  en  second  père  l'éducation  des 
enfants  de  sa  sœur,  pour  la  mémoire  de  laquelle 
il  avait  un  véritable  culte.  Comme  son  père, 
comme  sa  sœur,  comme  l'aîné  de  ses  neveux,  il 
mourut  d'une  façon  tragique  le  13  novembre  1882. 

N'avions-nous  pas  raison  de  dire ,  au  début  de 
cet  article,  qu'il  est  des  familles  sur  lesquelles, 
sans  raison,  semble-t-il,  l'aveugle  fatalité  prend 
plaisir  à  s'acharner?... 

Léopold  Mar. 


LES  RUINES  DE   (870-1871 

AU    l>0INT-DU-J0UR,    A   AUTEUIL,    A   PASSY 
ET   AU    TROCADÉRO 


Dans  un  récent  article,  notre  éminent  collègue, 
M.  Aug.  Doniol,  a  dit  un  mot,  en  passant,  des  dé- 
gâts essuyés  par  le  pont-viaduc  du  Point-du-Jour 
en  1870-1871 .  Nous  avons  eu  l'idée  de  rechercher, 
pour  les  consigner  ici,  les  détails  des  désastres 
éprouvés  par  notre  arrondissement,  et  nous  les 
empruntons  à  une  brochure  de  1871,  signée  John 
Mottu,  qui  reproduit  des  articles  parus  dans  le 
Moniteur  universel. 

Nous  signalons  à  l'avance  quelques  naïvetés 
d'expressions  qui  proviennent,  sans  doute,  d'une 
description  improvisée  un  peu  hâtivement.  Nous 
avons  retranché  tout  ce  qui  nous  a  paru  avoir  le 
caractère  d'une  discussion  ou  d'une  appréciation 
politique,  et  nous  nous  sommes  borné  à  emprunter 
le  document  matériel,  en  citant  purement  et  sim- 
plement. 

Il  était  réservé  aux  quartiers  situés  entre  U 

i5 


386 


mSTOIRE   DU   XTI*   ARBOMMS^EMENT 


Cl  la  ptrie  è»  Tcrao  4e 
ptat  qiie  iMie  aatre  nrtie  de  la  opitjle. 

A»ra  aTMT  4ô  ntar  ffc— ijiatif  4e  r^oean- 
tîea  fiwifMf  4i  i«  BM,  1  uHmctiaR  a  foic 
findreMr  cet  loealitcs  ks  pht 

Pév  nei,  qaî  ai  mité  pôidaa 
fléestifii  loBf  les  eadroiu  déMlée,  je 
ttSf  craiale  4'élre  dcacatî,  que  les  détasirci  qae 
j*ai  décrits  dans  /^  Moniteur  umieenel  des  14, 
i5,  17,  18,  49,  SO,  ^  et  i5  jwa  K  sont  riea 

it  à  ee  qoe  je  rais  chciilwr  à 


d'Aaieni  ;  le  chaap  da  repas  a*ca  a 

Qadie  duaiHna!  «a  ae  se  crail  phBàPiîm; 

celai  ^aia,  flyaaaaaà 


Je  B*eia|^  aalleseai,  eoBuae  cela  poarra  pa- 
raître, Bats  j'aveae  qaH  j  a  des  dioses  daos  lear 
horrear,  si  afreaseoMOt  carieases  i  Toir,  qae  ai, 
aa  liea  de  les  afoîr  vaes  Boi-mèiBe,  elles  B*cas- 
seat  été  raeootées,  j'aarais  cra  qa^eUes  élaieat  le 
pradait  d^aa  ecrreaa  sareidtépardes  saafnaces 
■orales  proreaaat  da  séjoar  daiv  les  lieax  a jaat 
serri  de  tbéitre  aax  conbats  adtaraés  qai  ont 
porté  le  deail  daas  taal  de  laai'dks  et  aecamalé 
taat  de  raiacs. 

—  ki  sait  aae  dissertatioa  sar  les  débits  et  dé- 
sastres de  Saiûi-Cload,  iaipaUbles  les  ans  aax 
Prassieas,  les  aatres  aa  Moat-Valériea.  Il  aoas 
parait  pr^êraUe  de  la  passer.  Ceaz  de  ooscoUè- 
faes  qai  Yoadraieat  j  recoarir  la  troareroat  daos 
Bos  Archires. 

Le  niagBifii|oe  mdoe  do  pont  àA  Poiot-do-Joor 
jasqo*à  Aoteoii  a  été  daos  toat  soo  parcoors  for- 
temeot  eadoramagé  ;  des  milliers  d'obos  oot  fait 
saater  le  roe,  partoat  oo  voit  ks  brèches  causées 
par  les  gros  projectiles,  et  les  parapets  da  soDunet 
oot  sortoet  été  forteadommagés. 

Les  Diaisoos  da  Poiot-do-Mor  jusqo*à  la  nie 
MoUtor  oot  été  atteiotes  par  les  projectiles  ;  il  y 
a  da  mal,  mais  ces  dégits  ne  soot  rîea  eo  corn- 
paraisoo  do  spectacle  alireox  qai  s^olTre  aux  regards 
depuis  les  mes  Molitor  et  sortoot  Michel-Aoge. 
Les  maisoos  da  Poiot-do-Joar  oot  été  préserrées 
par  le  riadoe,  aussi  oous  oe  oous  y  arrèteroos  pas 
beaucoop. 

Nous  iroos  tout  de  suite  à  Auteoil. 

11  faat  poortaot  s'arrêter  ao  chalet  de  TAcacia, 
cha  Moie  Philippe,  caotioière  do  1^  batailloo  de 
la  garde  oatiooaie,  qai  était  au  combat  de  Buzeofal. 
Cest  elle  qui  a  soigiié,  daos  ses  deroiers  moments, 
le  brsTe  capitaine  de  la  i  ^compagoie,  M.  Ersan  (  1  ), 
tomi)é  sur  le  champ  d'hooneur. 

Mme  Philippe  a  cessé  d  être  cantinière  du  73* 
des  rayènemeot  de  la  Commune.  Ce  bataillon, 
ainsi  que  le  38*,  ont  toujours  refusé  leur  concours 
aux  communeux  ;  quelques  hommes  seuls  se  sont 
laissé  gagner.  Les  commandants  des  ces  deux  ba- 
taillons étaient  MM.  Lavigne  et  Bouteiller,  deux 
noms  bien  assortis. 

Mme  Philippe  a  reçu  la  médaille  militaire  qu*elle 
a  bien  méritée  ;  elle  jouit  de  l^cstime  de  tout  le 
monde  à  Auteuil. 

Suivant  le  boulevard  Excelmans  (2)^  je  trouve 
à  gauche,  près  de  la  rue  Michel-Ange,  le  cimetière 


(i)  Nous  pensons  (|ue  te  nom  doit  s'écrire  lier- 
«cnl. 
(2j  ExelmunHt 


der 


ccœ  piapffilî  qai  était  le 


r 


aataar  de  hi  qae  déaolatîaa,  crail  être  « 
d*aa  tsage  amax,  ce  a'est  qae  raiacs. 

Les  mars  d^aae  graade  propriété  à  cMè  da 
cimetière  ae  soBi  plas  qae  des  aatts  de  décombres. 
El  k  cioMlière?  Rcaversé,  boalevcraé,  loas  ks 
artres  qai  exîstaieal  ahattas,  brisés;  aae  plaiae 
déserte  sar  la^adk  s*élèveat  les  raiaes  de  h 
■aina  Boargeots,  el  plas  loia  sar  la  dreile  ccDes 
de  la  caserae  desdoaaaien. 


—  Aprà  qadqaei  détaib  sar  la  laUesoateaae 
dans  k  daMtiére,  Joha  MoUa  coaliaae,  ea  disaal 
qae,  poar  Aatcaîl  eomaw  aoar  XeaîIlT,  c*esl  presoae 
■aisoa  par  maison  qa*il  Cadrait  décrire  ks  dé- 


Preaaae  toales  les  maisoas  oal  loaffen,  SBèsM 
Sainte-Périae  et  Chardon,...  el  cependant  elks 
sont  bien  éloignées  des  forti&calîotts. 

Cesl  de  la  place  de  la  gare  d'Anteafl  que  je 
vais  chercher  k  décrire  les  désastres  qai,  sar  an 
ihéfttre  pins  restreial,  commenceront  k  donner 
nne  idée  de  ceax  de  Neaîlly. 

Lliorribk  est  coauae  k  beau  :  qaand  on  voit 
quelque  chose  de  soperbe  on  s*y  habitae  et  ce  qai 
voBS  paraissait  joli  a  cessé  d^altirer  Totre  atten- 
tion toujours  dàirense  de  troarer  le  mieax. 

Il  en  est  de  même  de  lliorribk,  quand  on  con- 
temple les  raines  de  la  porte  d'Auteail  et  celles 
de  1  avenue  du  Roule... 

—  Soit  une  énomération  rapide  de  noms  de  mes 
de  Neoillj. 

Il  faot  surtout  eoteodre  les  récits  émoovants  de 
ces  paovres  malheureni  qui  oot  passé  tant  d'heures 
d'an{[oises  dans  les  journées  des  âO  et  21  mai;  k 
décrire  est  presque  impossibk,  il  faut  ks  entendre 
raconter  dans  toute  leur  horreur  de  vérité  et  avec 
Faceent  de  la  douleur  subie  et  non  contemplative. 

Les  maisoos  de  la  porte  d'Aoteoil  me  foot  reflet 
devoir  été  mises  daos  une  de  ces  machines  ceotri- 
fuges|;igantesquesdonton  se  sert  daos  les  raJBneries 
et  qui,  faisant  un  nombre  de  toors  considérabk 
à  la  mioute,  mélangent  et  remélangeot  les  ma- 
tières qu*eUes  contiennent. 

Je  me  sers  de  cette  comparaison  pour  chercher 
à  décrire  ces  scèoes  de  désoUtioo  qui  seront  sans 
doute  préseotées  plos  tard  daos  quelque  trsTail 
sérieux  par  quelque  écrivain  de  mérite  (1). 

—  Soit  nne  description  des  angoisses  des  geos 
réfugiés  dans  les  caves  ;  on  donne  le  nombre  des 
canons  tirant  sur  Auteuil,  la  quantité  de  coups 
tirés,  le  calibre  des  pièces  de  marine.  U  y  a  eu 
sur  Auteuil  un  typhon  de  mitraille  et  d^obns. 
L*anteur  donne  des  conseils  sur  la  meilleure  ma- 
nière de  répartir  les  fonds  de  secours.  Il  dit  la 


(i)  On  sait  que  Maxime  du  Camp,  de  TAcadémie 
Tranijaisci  a  écrit  sur  la  Commune. 


ANNEXES 


387 


situation  difficile  des  habitants  d'Auteail,  qui 
aTaient  fait  {wrtie  des  38*  et  7:2*  bataillons,  aa 
milieu  des  combattants  de  la  Commune,  et  il  retient 
enfin  aux  déf^ts  matériels. 

Dans  les  décombres  des  maisons  se  trouvent 
mélangés  tous  les  morceaux  de  fer  provenant  des 
belles  portes  et  grilles  d*Autenil  qui  ont  été  brisées 
morceaux  par  morceaux  et  lancées  au  milieu  des 
plâtras.  De  ces  belles  portes  il  ne  reste  plus  que 
quelques  barreaux  contre  les  murs  du  bastion  n**  3. 
—  Cest  de  la  place  quVcupait  la  gare  qu*on 
embrasse  bien  les  désastres. 

Rue  Chanet  (1)  ou  de  TAlma,  à  droite,  c'est 
là  que  se  trouvent  les  bâtiments  du  dépôt  de  la 
Société  des  Omnibus,  tout  découverts  (2),  mais 
préservés  par  le  viaduc. 

C'est  dans  cette  rue,  au  n*  7,  que  se  trouvait, 
au  centre  d*un  superbe  jardin,  Thabitation  de 
Casimir  Périer,  incendiée  et  détruite  avec  tout  son 
mobilier.  U  ne  reste  de  cette  belle  demeure  que 
les  arbres  et  la  superbe  grotte  en  tuf  et  stalactites. 

Les  restes  des  û^*  44  et  44*^^*  sont  curieux  à 
voir  par  un  temps  un  peu  sombre,  au  coucher  du 
soleil;  d'une  maison  ayant  42  fenêtres  sur  sa 
façade,  il  ne  reste  que  le  grand  mur  mitoyen, 
mais  contre  lequel  aucune  construction  n*était  ap- 

{rayée  ;  le  mur  avait  été  peint  en  vert-bleu,  et, 
orsque  le  jour  baisse  et  qu'un  rayon  de  soleil  se 
fait  voir,  ce  grand  mur  fait  l'effet  aun  nuage  bleu. 

Les  n®*  67  et  79,  dans  la  Grande-Rue,  en  face 
de  la  porte  d'Autenil,  pourront  être  réparés  sans 
faire  de  construction  nouvelle  ;  ils  ont  été  pré- 
servés par  d'autres  maisons  ;  tout  autour  ce  n'est 
que  ruines. 

Les  dégâts  dans  la  rue  principale  conduisant  à 
la  rue  La  Fontaine  vont  jusqu'à  la  maison  du  prince 
Pierre  Bonaparte  qui  a  été  incendiée  par  les  fédé- 
rés ;  c'était  là  que  se  trouvait  leur  grand  état- 
major. 

Les  visiteurs  habituels  de  Passy  apprendront 
avec  plaisir  que  la  belle  villa  Caprice,  propriété 
de  M.  Karfoniel,  est  intacte  :  on  s'arrêtait  avec 
tant  de  plaisir  devant  ses  grilles  élégantes  iioor 
jeter  un  coup  d'œil  sur  les  admirables  massifs  de 
fleurs,  toujours  si  bien  entretenus. 

La  rue  Erlanger  a  été  bien  épargnée  ;  ce  n'est 
pas  à  dire  qu'il  n'y  ait  pas  beaucoup  d'habitations 
qui,  en  apparence,  sans  grands  dégâts  à  Textérieur, 
en  ont  suffisamment  à  Tintérieur  ;  de  ce  nombre 
est  celle  de  feu  Ponson  du  Terrail ,  portant  le  n®  1 4 . 

Rue  Molitor,  on  a  déjà  répare  la  maison  du 
capitaine  de  la  4^  compagnie  du  72*  bataillon  de 
la  garde  nationale,  M.  Eiian,  tué  à  Buzenval. 

Comme  il  y  a  un  Dieu  pour  les  ivrognes,  il  est 
certain  qu'il  y  en  a  un  pour  les  statues,  cloche- 
tons et  en  général  pour  ce  qui,  le  plus  fragile  ou 
en  vue,  devrait  être  plus  facilement  atteint.  Ce 
qui  me  le  fait  dire,  c'est  que  les  réservoirs  et 
colombier  très  élevés  de  la  propriété  de  Mme  Le- 
comte  ont  été  complètement  épargnés  ;  c'est  une 
fort  jolie  construction  et  très  en  vue.  Par  contre 
la  maison  d'habitation  est  incendiée. 


(l)  ChaMZ. 

li)  On  a,  sanH  doute,  voulu  dire  :   très  visibles 
pour  les  assiêgcaols. 


La  rue  Poussin  jusqu'au  marché  est  détruite. 
C'est  du  n<*  45  de  cette  rue.  à  l'entrée  du  boule- 
vard Montmorency,  ane  l'on  voit  de  erands  dé- 
sastres, notamment  aes  n^  64  à  73.  Les  n®*  35 
à  59  du  même  boulevard  sont  à  peu  près  intacts. 
Je  ne  veux  pas  dire  qu'ils  ont  été  épargnés  à  l'in- 
térieur, mais  les  carcasses  des  habitations  sont 
entières. 

Ce  boulevard  Montmorency,  autrefois  si  coquet, 
a  bien  souffert  ;  les  n^*  24  à  33,  qui  se  trouvent 
derrière  la  caserne  du  bastion  6i ,  sont  plus  ou 
moins  des  ruines  (4). 

Le  n<*  27,  propriété  de  M.  Salles,  est  complé- 
ment écroulé  et  incendié  :  ce  qui  lui  a  valu  cette 
gracieuseté  des  communeux,  c'est  qu'il  avait,  m'a-t- 
on assuré,  4 .200  bouteilles  de  vm  dans  sa  cave. 
Après  les  avoir  bues,  ils  ont  pensé  n'avoir  rien  de 
mieux  à  faire  au'à  brûler  la  maison  (2). 

Le  boulevard  de  Beauséjour  est  moins  maltraité 
que  le  précédent,  au  moins  quant  à  l'extérieur. 

Passons  devant  la  villa  Rossini,  à  la  porte  de 
Passy  ;  demain  je  raconterai  ma  visite  dans  cette 
propriété  en  même  temps  qu'an  château  de  la 
Muette  et  dans  la  magnifique  habitation  de  Mme  la 
duchesse  Riario-Sforza,  au  boulevard  de  l'Empe- 
reur. J'y  ai  vu  tant  de  belles  choses  et  recueilli 
tant  de  renseignements  intéressants,  qu'il  ne  faut 
pas  couper  le  récit  de  mes  visites  dans  ces  trois 
endroits. 

L'angle  de  l'avenue  Ingres  et  du  boulevard 
Suchet  est  une  propriété  de  la  Ville  de  Paris,  qui 
n'est  pas  trop  endommagée.  Le  n*  8,  à  côté,  a 
une  forte  brèche  ;  le  reste  de  la  maison  est  intact, 
et  il  en  est  de  même  à  l'extérieur  des  n<*"  6, 4  et  2. 

Le  n®  4  est  endommagé  ;  mais  des  trois  enfants 
portant  une  corbeitte  de  fleurs  placés  au  centre 
de  la  façade,  sur  la  corniche,  un  seul  a  le  genou 
droit  un  peu  touché,  et  les  guirlandes  de  fleurs 
srulptées  sont  intactes  ;  ce  sont  sans  doute  les 
armoiries  du  propriétaire,  qu'on  m'a  dit  être 
M.  Fleory. 

Le  n^  3,  un  atelier  de  sculpteur,  contient  trois 
corps  de  bâtiments,  dont  un  incendié. 

Le  n^  5  est  une  habitation  démolie  par  les  obus. 

Les  n®'  45,  i 7,  49  et  24,  assez  endommagés. 
Quant  aux  autres  numéros  ils  ont  des  dégâts. 

Les  portes  de  Passy  et  de  la  Muette  ont  leurs 
portails  en  fer  et  grilles  endommagés,  mais  non 
enlevés. 

Avenue  de  l'Empereur  (3),  le  b9  482  est  démoli 
ar  les  obus.  Le  480  est  incendié  complètement. 

476  a  reçu  des  obus. 

Passy,  dans  ses  charmantes  villas,  réunit  de 
grands  noms,  de  grands  artistes,  des  hommes  de 
talent,  commeécrivains,  industriels,  ingénieurs,  elc^ 

Rue  de  la  Tour,  n*"  452,  tout  à  cêté  du  boule» 
vard  de  l'Empereur,  est  la  belle  habitation  de 


(i)  Le  n»  29,  nolammeni,  a  plus  souffert  de  la 
Commune  que  du  siège.  Le  propriétaire  venait 
de  sortir  de  son  cabinet  de  toilette,  lorsqu'il  y 
tomba  un  obus  tiré  de  Monlrelout  et  qui  fit 
écrouler  une  partie  de  la  maison,  heureusement 
sans  accident  de  personne. 

(2)  11  est  poï^sible  ijue  le  a?  ait  été  bnMé  ;  mais 
rincidenl  des  bouteilles  doit  se  rapporter  au  29, 
que  les  fédérés  avaient  respecté  (N.  d.  S.  0<). 

(3j  Avenue  Henri -Martin  aujourd'liui. 


K' 


388 


HISTOIRE    DU    XVI*  ARRONDISSEMENT 


M.  Y  von  (1).  Ce  graod  peintre  Tient  dy  passer 
trois  joors  poar  constater  tons  les  dégâts.  Sa 
maison  a  terriblement  souffert,  et  les  pertes  des 
objets  d*art  sont  grandes.  M.  Yvon  n'était  pas  à 
Paris  ;  il  habitait  Londres  dès  Tonverture  de  l'ex- 
position et  les  importants  ouvrages  qu*il  y  a  entre- 
pris ne  lui  ont  pas  permis  de  rester  longtemps  ici. 
Le  n°  150,  propriété  de  Mme  Claude  Vignon, 
est  endommaffé  ;  il  en  est  de  même  du  448,  à 
M.  Chesson  (z),  Tingénieur  habile  qui,  pendant 
le  siège,  avait  établi  des  moulins  à  la  gare  d'Or- 
léans pour  nous  préparer  la  fameuse  farine  des 
brioches  Ferry  ;  il  est  probable  quil  aurait  pré- 
féré employer  ses  meules  à  quelque  chose  de 
mieux. 

Le  n^  l>i6,  propriété  de  M.  Bouffard,  en  face 
des  jardins  de  la  ville  de  Paris,  a  eu  son  premier, 
étage  incendié  le  vendredi  19  mai. 

Lesno»  135,  i3i,  i36,  144,  146  de  Favenue 
de  TEmpereur^  ont .  tous  été  endommagés.  Les 
arbres,  caoldélabres  de  cette  avenue  sont  intacts. 

La  batterie  fédérée  placée  au  Trocadéro  a  occa- 
sionné les  dégâts .  en  forçant  le  Mont-Valérien  à 
rompre  le  silence  ;  ils  ne  sont  pourtant  pas  grands, 
et  les  murs  neufs  du  cimetière  de  Passy  ont  été 
fîyrt  peu  endommagés. 


Nous  avons  résumé  précédemment  les  désastres 
et  les  dégâts  matériels  occasionnés  par  la  Com- 
mune dans  le  quartier  d*Auteuil  et  du  Point-du- 
Jour.  Nous  n'avions  pas  alors  en  notre  possession 
les  photographies  qui  en  reproduisent  les  navrants 
détails,  et  que  notre  collègue,  M.  Lucien  Hervé,  a 
bien  voulu  offrir  gracieusement  à  nos  archives. 
Nous  pensons  qu'il  suffit  qu'on  puisse  aller  les  y 
consulter  ;  et,  si  l'histoire  nous  oblige  à  enregis- 
trer tous  les  événements  qui  se  sont  accomplis 
dans  notre  arrondissement,  nous  sommes  moins 
disposé  à  reproduire  au  Bulletin  les  vues  mêmes 

Î irises  en   des  journées   néfastes  sur  lesquelles 
'oubli  et  le  pardon  sont  depuis  plus  de  vingt  ans 
descendus. 

La  Porte-Maillot,  qui  forme  la  limite  de  notre 
territoire,  nous  appartient  un  peu,  tout  au  moins 
par  moitié  ;  consacrons-lui  quelques  lignes. 

Les  maisons  près  de  l'enceinte  étaient  entière- 
ment détruites,  écroulées  ou  incendiées.  La  volée 
des  obus  y  avait  été  aussi  formidable  qu'à  Auteuil, 
parce  que  les  postes  fédérés  y  étaient  nombreux 
et  compacts.  La  seule  batterie  de  Montretout  avait 
ruiné  la  porte  d'Âuteuil  ;  les  trois  batteries  du 
château  de  Bécon,  de  Courbevoie,  du  Mont-Valé- 
rien,  avaient  laissé  de  la  porte  Maillot  quelques 
débris  sur  place,  bien  que  les  grilles  de  fer  eussent 
pour  la  plupart  volé  en  éclats.  Les  remparts  étaient 
très  endommagés. 

De  nombreux  ébranlements  avaient  été  causés 
dans  les  rues  voisines  par  l'explosion  qui  avait 
fait  sauter  le  tunnel  de  la  gare;  la  tranchée  à 
travers  l'avenue  de  la  Grande-Armée  s'étalait 


(i)  On  sait  que  la  rue  de  la  Tour,  comprise 
entre  l'avenue  Ilenri-Morlin  et  le  boulevard 
Lannes,  s'appelle  maintenant  rue  Adolphe- Yvon. 

(al  M.  Cneysson,  de  l'instilul,  membre  de  la 
Société. 


béante,  sur  la  ligne  de  Ceinture.  C'était  sur  ce< 
point,  en  effet,  que  les  assiégés  redoutaient  le 
plus  l'effort  des  troupes  de  Versailles. 

J'arrive  à  Passy.  Je  ne  dirai  rien  des  dégâts  de 
la  Muette,  dont  M.  F.  de  l'Église  a  parié  dans 
un   autre  article.  Visitons  le  Ranelagh  et,  en 

{iremier  lieu,  la  maison  habitée  par  la  veuve  de 
iossini,  ou,  pour  mieux  dire,  abandonnée  par  elle. 

Déjà,  l'hiver  précédent,  les  francs-tireurs  de  la 
Seine  avaient  imprimé  de  sensibles  traces  de  leur 
passage.  Les  réparations  étaient  à  peine  achevées 
que  la  Commune  était  déclarée.  Elle  devait  laisser 
la  maison  de  Rossini  percée  à  l'extérieur  de  vingt- 
cinq  trous  d  obus.  On  les  comptait.  Au  dedans, 
seule  la  chambre  de  Mme  Rossini  demeurait  à  peu 
près  intacte  ;  mais  le  reste  était  à  claire- voie,  et 
du  rez-de-chaussée,  à  travers  le  crible  des  par- 
quets, on  apercevait  la  toiture.  Le  carrelage  du 
corridor  avait  disparu,  et,  dans  la  chambre  du 
maître,  il  ne  restait  que  la  rosace  centrale.  Les 
peintures  du  grand  salon  avaient  peu  souffert, 
bien  que  sept  obus  y  fussent  tombés;  par  un  hasard 
aussi  heureux  qu'extraordinaire,  tous,  en  venant 
du  ciel,  —  manière  de  parler  —  étaient  passés 
par  l'ouverture  faite  par  le  premier,  mesurant 
environ  l^^fSO  carré.  Les  domestiques  chargés  de 
garder  la  maison,  et  qui  ne  l'avaient  pas  quittée, 
s'étaient  réfugiés  au  sous-sol.  ils  en  étaient  quittes 
pour  la  peur  ;  mais  leurs  alarmes  avaient  dû  être 
grandes  :  deux  obus,  éclatés  au  rez-de-chaussée, 
avaient  crevé  la  voûte  de  la  cuisine  et  de  l'office. 

Les  arbres  fruitiers  du  verger;  que  Rossini  soi- 
gnait avec  amour,  étaient  saccagés.  Il  aimait  non 
moins  les  statues  qu'il  avait  fait  placer  dans  des 
massifs  de  rhododendrons.  L'une  d'elles  avait  dis- 
persé ses  membres  aux  quatre  coins  de  la  villa, 
et  la  tète  en  était  réduite  en  poussière.  Les  obus 
avaient  labouré  le  gazon,  fracassé  le  grand  bassin 
de  la  fontaine,  heureusement  en  épargnant  les  trois 
statues  qui  soutenaient  la  vasque  centrale.  Enfin, 
dans  le  pavillon  mauresque,  le  Danseur  ne  dansait 
plus  que  sur  la  jambe  droite,  et  les  castagnettes 
de  la  main  gauche  avaient  été,  ainsi  que  les  doigts, 
rejoindre  la  jambe  absente  du  même  côté.  Le 
bonhomme  riait  néanmoins,  stoïque  dans  la  dou- 
leur. Mme  Rossini  put  lui  rendre  une  jambe,  des 
doigts  et  des  castagnettes  :  je  ne  sais  s'il  en  rit 
encore.  Si  celui  qui  nous  a  donné  l'admirable 
oraffe  de  l'ouverture  de  Guillaume  Tell  avait  en- 
tendu la  tempête  de  fer  et  de  feu  où  sombrait  sa 
maison,  quelle  page  musicale  il  eût  écrite  ! 

L'ancien  village  de  Passy  fut,  en  réalité,  peu 
atteint  et  il  faut  se  défier,  quand  on  les  relit,  des 
exagérations  des  journaux  de  l'époque.  Recon- 
naissons toutefois  que  la  chaussée  de  la  Muette  fut 
plus  éprouvée  que  les  rues  intérieures  :  elle  était 
aussi  plus  eu  vue,  et  les  projectiles  déviés  qui  ne 
tombèrent  point  sur  la  Muette  ou  sur  le  Fleuriste, 
furent  pour  elle.  Les  immeubles  portant  alors  les 
n»>  9,  iO,  12,  13  et  14  eurent  assez  fort  à  se 
plaindre.  Rue  Largillière,  n<»  7,  dans  la  cour.  Us 
Naufragc's  (1)  d'Ëtex,  groupe  de  grandes  propor- 
tions, ne  furent  pas  touchés.  Ils  avaient  survécu, 
intacts,  au  siège,  aux  trois  jours  de  l'occupation 


(i)  Ils  avaient  flgurû  à  l'Exposition  universelle 
de  1867. 


ANNEXES 


389 


allemande,  en6n  à  la  Commune,  impavtdi,  à  tra- 
Ters  ces  terribles  et  angoissantes  journées  où  tant 
d*àmes  murmurèrent  le  sunt  lacrymœ  rerum. 

Dans  le  Toisinage,  je  veux  dire  les  rues  I^^rgil- 
lière,  Mozart,  de  la  Pompe,  de  Passy,  de  TAnnon- 
dation,  Franklin,  Nicolo  et  quelques  autres,  on  ne 
relevait  que  quelques  traces  de  projectiles.  Ce  qui 
ne  veut  pas  dire  que  les  habitants  niaient  pu 
éprouver  les  plus  grandes  anxiétés. 

Le  Fleuriste  et  les  Serres  de  la  Ville  de  Paris, 
dont  le  directeur  était  alors  M.  Rafarin,  n'avaient 
pas  été  épargnés  et  faisaient  partie  de  la  zone  de 
Passy  vraiment  désolée.  Les  collections  d^azalées, 
de  camélias,  de  palmiers  n'avaient  pas  eu  trop  à 
se  plaindre,  relativement  ;  mais  sur  les  trente- 
neuf  serres  existantes,  trois  seulement  (1)  avaient 
échappé  aux  projectiles  :  2.011  métrés  carrés 
de  vitres  étaient  brisés.  On  estimait  à  près  de 
30.000  francs  les  réparations  de  vitrerie  et  de 
serrurerie.  Les  châssis  de  couches,  quarante-cinq 
cloches  avec  leurs  boutures  étaient  en  miettes. 

Près  de  4.000  plantes  étaient  détruites,  parmi 
lesquelles,  il  est  vrai,  beaucoup  de  petites  (2); 
comme  grosses  plantes,  il  n*y  avait  que  IS  camé- 
lias et  45  grands  azalées  du  jardin  d'hiver,  65  pal- 
miers, 1  grand  araucaria,  2  dracaenas  de  5  mèlres, 
et  diverses  grosses  plantes.  Il  fallait  se  féliciter  de 
n'avoir  pas  perdu  plus  de  plantes  de  prix. 

Un  récit  de  1871  rapporte  les  curieux  effets 
suivants  : 

Au  centre  de  la  serre  chaude  des  palmiers  se 
trouvait  un  bassin  de  7'°,20  de  profondeur,  sup- 
portant des  traverses  en  fer  sur  lesquelles  étaient 
placés,  dans  des  caisses  de  100  kilos,  des  pan- 
danus  à  lames  de  3  à  4  mètres  de  longueur.  Un 
obus,  après  avoir  ra.é  le  chalet  Lamartine,  effrité 
le  mur  mitoyen,  tomba  au  bord  du  bassin  ;  l'eau, 
soulevée,  enleva  les  caisses  à  6  mètres;  la  pres- 
sion de  Tair  ouvrit  les  châssis  de  la  serre,  qui  liviè- 
rent  passage  à  l'eau,  se  refermèrent  sur  les  feuilles 
de  pandanus,  dont  les  caisses  retombèrent.  Le 
même  obus  renversait  la  caisse  de  200  kilos  d'un 
superbe  cycas  et  la  portait  à  3  mètres  de  distance, 
—  Un  second  obus,  après  avoir  traversé  un  pa- 
villon dans  une  propnété  voisine,  faisait  dans  le 
mur  de  clôture  une  large  brèche  et  venait  couper, 
dans  la  serre  froide  des  pahniers,  un  çrand  cha- 
merops,  2  gros  dracaenas,  et  n'éclatait  pas.  — 
Un  troisième  obus  traversait  la  serre  de  fougères 
et  allait  éclater  dans  la  tranchée  de  la  Ceinture. 
Enfin,  un  quatrième  obus  tombait  dans  la  serre 
qui  avait  abrité  l'aquarium  à  l'Exposition  de  1867, 
y  éclatait  et  la  déshabillait  de  toutes  ses  vitres, 
sans  endommager  les  ferrures. 

Revenons  à  l'avenue  de  l'Empereur  (3),  sur  la- 
onelle  finissait  notre  première  promenade  et  qui 
doit  à  la  batterie  placée  au  Trocadéro  d'avoir  gra- 
vement souffert. 

La  propriété  habitée  par  Lamartine  comprenait, 
croyons-nous,  l'espace  de  terrain  construit  au- 
jourd'hui et  supportant  les  immeubles  n*«  107 


(i)  Parmi  ces  trois-Ià  flgurail  heureusement  la 
grande  serre  aux  camélias. 

(a)  Notamment  une  très  belle  collection  de 
calladiums. 

(3)  Les  récits  de  l'époque  disent  aussi  :  bou- 
levard de  l'Empereur. 


à  111  de  l'avenue  Henri-Martin;  le  fond  regar- 
dait le  château  de  la  Muette.  Elle  était  entourée 
d'une  balustrade  (1)  en  fer,  recouverte  de  lierre. 
La  maison  d'habiration  avait  l'aspect  d'un  chalet. 
Elle  était  occupée  par  l'état-major  fédéré  et 
soixante-deux  artilleurs.  Le  premier  obus  qui 
tomba  les  fit  déloger  en  hâte.  Traversant  le  mur, 
il  brisa  la  porte  d'entrée  et  les  cloisons  des  quatre 
pièces  du  rez-de-chaussée.  Par  miracle,  la  che- 
minée du  grand  salon  resta  intacte  ;  celle  du  petit 
salon  n'eut  qu'un  angle  brisé  ;  les  peintures  sur 
porcelaine  ou  faïence  étaient  sauves.  Le  cabinet 
de  travail  du  poète  n'était  que  légèrement  endom- 
magé ;  la  salle  à  mangecf  «ttenante  au  chalet,  fut 
préservée.  Il  en  fiit  de  même,  au  premier  étage, 
de  la  chambre  où  Lamartine  était  mort.  Dans  la 
chambre  voisine,  celle  de  sa  nièce,  un  obus  tra- 
versa le  dossier  d'une  chaise,  le  panneau  du  pied 
du  lit  et  s'enfouit  dans  les  matelas  sans  éclater  ; 
les  antres  pièces  étaient  mitraillées.  En  résumé, 
57  obus  étaient  tombés  dans  la  propriété  :  53 
avaient  percé  dans  la  balustrade  20  trous  du  côté 
de  la  Muette  et  33  sur  le  boulevard  de  l'Empe- 
reur ;  4  seulement  étaient  tombés  sur  le  chalet, 
dont  1  sans  éclater.  Ce  qui  explique  que  le  visi- 
teur du  18  juin  1871  ait  pu  voir  encore  et  décrire 
les  œuvres  d'art,  la  plupart  dues  à  Mme  de  La- 
martine, qui  ornaient  la  demeure. 

Malheureusement,  on  avait  à  déplorer  la  perte 
d'une  grande  toile.  Tempête  en  mer,  et  celle  de 
la  principale  œuvre  de  Mme  de  Lamartine,  la 
Vierge  aux  raisins,  brûlée  aux  trois  quarts  par 
les  obus. 

A  côté,  en  remontant  vers  le  Trocadéro,  se 
trouvait  la  propriété  de  la  duchesse  Riario-Sforza, 
sœur  de  Berryer,  veuve  en  premières  noces  de 
M.  Janson  de  Sailly.  Elle  portait  le  n«  133  du 
boulevard  de  l'Empereur.  Le  petit  palais  était 
bâti  sur  un  emplacement  créé  par  l'ouverture  du 
boulevard,  en  avant  des  maisons  de  Fiorentino  et 
d'Y  von.  La  grille  de  clôture  montrait  trente  ouver- 
tures dans  ses  barreaux  brisés.  L'un  des  deux 
lions  en  bronze  des  massifs  de  l'entrée  avait  le 
flanc  ouvert  par  un  éclat  de  projectile.  Au  fond 
dujarJin,  la  salle  de  théâtre,  appuyée  à  la  mai- 
son de  Fiorentino,  dont  les  pièces  du  rez-de- 
chaussée  servaient  de  foyer,  avait  reçu  trois  obus 
et  l'un  de  ses  lustres  était  en  morceaux.  Un 
kiosque  mauresque  avait  sa  couverture  traversée 
et  ses  glaces  brisées.  Le  pavillon  chinois  avait  été 
transpercé  par  cet  obus  qui  était  allé  ensuite  pro- 
duire un  si  curieux  effet  dans  le  bassin  de  la  serre 
de  la  Ville.  Les  volières  n'avaient  rien  en,  non 

Rlus  que  les  stalactites  de  la  voûte  d'entrée.  Mais 
)  mur  de  l'ancien  atelier  d'Y  von  était  é  ventre. 
Cet  atelier  avait,  pendant  le  siège,  servi  d'ambu- 
lance, avec  chapelle  et  pharmacie. 

Dans  le  palais,  les  statues  du  péristjrle  étaient 
intactes  ;  la  statue  lampadaire  de  l'escalier  n'avait 
été  que  frôlée  par  un  éclat  qui  était  allé  s'incruster 
dans  le  mur.  Les  obus,  en  éclatant  sur  le  balcon, 
avaient  brisé  les  vitres  de  la  salle  de  billard, sans 
produire  d'effet  sur  les  glaces  des  angles.  Une 
glace  sans  tain,  posée  entre  les  salons,  sur  deux 
cheminées  jumelles,  avait  une  ouverture  de   la 

(1)  C'est  le  terme  du  récit  original. 


390 


HISTOIRE    DU   XVI*   ARRONDISSEMENT 


grandenr  d'one  pièce  de  5  francs  en  argent,  d*oii 
partaient  des  brisnres  régulières  en  rayons. 

1^  grand  salon  à  sept  fenêtres  à  balcons,  orné 
de  dornres,  de  scaiptares  et  de  peintures,  d'one 
cheminée  monumentale  en  bois,  décorée  intérieu- 
rement en  porcelaine  de  Sèvres,  avait  reçu  deux 
obus;  ils  n  avaient  ni  Ton  ni  Tautre  éclaté,  se 
contentant,  Ton  d'enfoncer  le  parquet,  et  Taotre 
d'entrer  par  une  fenêtre  et  de  sortir  par  une 
autre.  Deux  statues  sur  la  façade  avaient  été  pré- 
servées; mais  le  pavillon  de  glaces,  près  de  la 
grille,  et  les  fenêtres  du  rez-de-chaussée  étaient 
très  endommagés.  Le  premier  étage  et  les  combles, 
visités  par  do  nombreux  obus,  étaient  imprati- 
cables. 

Ici  s'arrêteront  nos  détails.  Ceux  aue  nous  pour- 
rions ajouter  nous  emmèneraient  dans  le  XVII" 
arrondissement  et  plus  loin  encore.  C'est  assez  de 
ceux  qui  précèdent.  Cherchons  désormais  dans  le 
passé  des  souvenirs  moins  tristes  et  qui  ne  laissent 
rien  d'amer  ni  de  sanglant. 

Kmilb  Potin. 


EX   LIBRIS    ET    FERS    A    DORER 

DK  BIBMOPfllLES  DE  NOTRE  RIÈGION 

Pour  le  commun  des  mortels,  peu  initié  aux 
termes  de  la  bibliophilie  —  ce  qui  n'est  pas  un 
crime  —  disons  d'abord  ce  oue  c*est  qu  un  ex 
libris.  Marque  de  possession  du  livre,  il  est  collé 
généralement  à  l'intérieur  du  premier  plat,  ou 
quelquefois  tiré  à  part  sur  grand  papier  et  placé 
par  le  relieur  avant  la  page  du  faux  titre  ou  du 
titre.  Tout  le  monde  n'ayant  pas  le  talent  on  le 
temps  nécessaire  pour  dessiner  des  Pierrots  à  la 
potence  avec  la  célèbre  inscription  :  aspice  Pierrot 
pendu,  quod  librum  n*a  pas  rendu,  etc.,  il  était 
tout  naturel  au  bibliophile  qui  voulait  avoir  quel- 
que chance  de  voir  revenir  au  bercail  le  livre 
prêté,  de  se  faire  graver  une  marque  spéciale  bien 
personnelle  portant  son  nom,  ou,  à  défaut,  ses 
armes  et  sa  devise  ;  aussi  la  plupart  des  anciens 
ex  libris,  depuis  le  commencement  du  xvii"  siècle, 
date  de  leur  apparition  en  France,  sont-ils  armo- 
riés. Cependant  au  xvin"  siècle,  cet  ennemi  de  la 
raideur  et  cet  ami  de  la  fantaisie,  une  agréable 
variété  s'introduisit  dans  la  composition  de  ces 
marques,  que  ne  dédaignèrent  pas  de  dessiner  et 
de  graver  des  artistes  de  grand  talent ,  tels 
que  Boucher,  Eisen,  Gravelot,  Cochin,  Moreau, 
les  Saint- Aubin,  Choffard,  etc. 

Pendant  bien  longtemps,  on  ne  fit  que  peu 
d'attention  à  ces  petites  vignettes;  ce  n'est  guère 
que  depuis  une  vingtaine  d'années  qu'on  s'en 
est  enfin  préoccupé  sérieusement,  et  que  quelques 
amateurs  —  un  peu  Vandales,  entre  nous  —  ont 
eu  l'idée  de  les  aécoUer  du  livre  auquel  ils  don- 
naient un  certain  intérêt  historique,  un  état  civil 
—  dit  Henri  Bouchot  —  poor  les  réunir  en  col- 
lection. Aujourd'hui,  les  quelques  amateurs  sont 
devenus  légion,  et,  &  l'instar  de  l'Allemagne  et  de 


l'Angleterre,  il  s'est  formé  une  Société  française 
des  collectionneurs  tTex  libris^  qui,  sous  la 
direction  du  docteur  Bouland,  son  aimable  et 
êrudit  président,  publie  mensuellement  one  livrai- 
son d'Archives  spéciales,  très  bien  faite  et  fort 
luxueusement  illustrée.  Au  résumé,  cette  inno- 
cente passion — disons  manie,  si  vous  y  tenez  — 
ne  vaut-elle  pas  celle  des  timbres-poste?  n'est-eile 
pas  plus  variée,  plus  artistique  r  n*invite-t-elle 
pas  aux  recherches  historiques  sur  les  posses- 
seurs du  livre,  et  ne  donne-t-elle  pas  souvent, 
dans  la  composition  de  leurs  marques,  le  reflet  de 
leurs  goûts  personnels?  De  plus,  il  s'en  est  suivi 
que  l'habitude  de  msirquer  ses  livres  s*est  ravi- 
vée chez  nos  bibliophiles  contemporains,  et  l'on 
trouve  aujourd'hui  bon  nombre  de  pièces  mo- 
dernes qui  ne  le  cèdent  nullement  à  leurs  aînées 
pour  l'exécution  et  surtout  pour  la  libre  variété 
des  compositions.  C'est  qu'elles  portent  -de»  signa- 
tures telles  que  celles  de  Gavami,  VioUet  le  Duc, 
des  trois  freres  Varin,  de  Bida,  Rochebmne, 
Bracquemond,  LéopoldFlameng,Giacomelli,  Cour- 
try,  Jules  Chéret,  Maxime  Lalanne,  Détaille,  i 
ne  citer  que  les  plus  célèbres. 

C'est  en  raison  de  cette  passion  du  jour  — 
notre  seule  excuse  peut-être  —  que  nous  nous 
sommes  demandé  s'il  n'y  avait  pas  lien  de  re- 
chercher quels  furent,  parmi  les  bibliophiles  de 
notre  région,  ceux  qui  eurent  des  ex  libris  ou 
des  fers  à  dorer.  La  moisson  a  été  abondante,  et 
voici  par  ordre  chronologique  ce  que  nous  avons 
trouve  jusqu'à  présent  : 

D'abord,  à  tout  seigneur  tout  honneur  !  débu- 
tons par  le  fastueux  et  brave  maréchal  de  Bas- 
sompierre,  seigneur  de  Ghaillot,  dont  le  bel  ex 
libris  héraldique,  d'argent  à  trois  chevrons  de 
gueules  (1)  timbré  d'un  heaume  ailé  et  entouré 
de  branches  de  laurier,  est  à  peu  près  introu- 
vable, sinon  dans  la  riche  collection  du  Cabinet 
des  Estampes. 

Puis  vient  celui  des  Verthamon,  habitants  de  la 
rue  du  Buis,  et  celui  de  Nicolaî,  premier  prési- 
dent de  la  Chambre  des  comptes,  inhumé  en  i73i 
dans  le  chœur  de  l'église  d'Auteuil.  Très  joli  de 
composition  et  assez  commun,  ce  qui  prouverait 

Sue  la  bibliothèque  était  bien  garnie,  il  porte 
'azur  au  chien  courant  d'argent,  dans  un  joli 
cartouche  timbré  d'une  couronne  de  marquis, 
avec  deux  lévriers  colletés  pour  supports. 

Le  chancelier  d'Aligre,  qui  eut  aussi  maison  à 
Auteuil,  avait  un  ex  libris  à  écns  accolés,  ses 
armes  et  celles  de  sa  femme,  derrière  lesquelles 
étaient  deux  masses  en  sautoir  se  détachant  sur 
un  manteau  timbré  d'une  couronne  ducale. 

Un  autre  chancelier  célèbre,  Henri-François 
d'Aguesseau,  qui  repose  sous  la  pyramide  de  la 
place  d'Auteuil,  avait  un  fer  à  dorer  à  ses  armes 
pour  marquer  ses  livres. 


(i)  En  lan^a^e  héraldique,  le  gnenlt»  veut  dire 
rouge;  Viizur  bleu  ;  le  sinople  vert  ;  le  sable  noir; 
timbré,  surmonté  ;  dexîre^  droite;  «en^fre, gauche  ; 
chef,  haut  de  l'écu  j  pointe,  bas  de  l'écu  ;  heaume, 
casque  ;  lambrequins,  ornements  retombant  du 
heaume  ;  dexlrochère,  bras  droit  ;  merletle,  petit 
oiseau  sans  bec  ni  pattes  représentant  l'ennemi 
vaincu  ;  mac/e,  losange  ajoure  ;  sautoir,  croix  de 
Sainl-André  ;  burèle,  Tasce  diminuée,  etc. 


Le  doc  d'Aamont,  qai  hibjtait  E*assy,  à  rem- 
placement de  U  me  Singer,  n°  3,  iTiil  une 
marque  béraldiqae  très  ordinaire,  d'trfeat  la 
cheTTOn  de  gnenles,  accompagné  de  sept  mer- 
leiles  du  même,  qnatre  en  chel  et  trois  en  pointe. 

Le  comte  de  Valentiaols,  qui  soccéda  au  doc 
d'Anmont  dans  cette  demeure,  signait  son  nom 
■nr  les  titres  de  ses  volumes,  ce  qui  n'Était  pas 
d'un  godt  parUit,  mais  tconomiqne. 

En  1730,  le  généreai  Gland»- Antoine  Cheva- 
lier, ebanoine  de  l'^liae  de' Paris,  lègaa  ses  litres 
à  la  congr^ation  des  prêtres  du  Hont-Valérien  ; 
on  apposa  sar  chacun  on  ex  librit  typographique 
rappelant  celle  donation. 

Mme  \enTe  de  Fontaine,  la  lille  de  Daneotirt, 
dame  de  la  seigneurie  de  Pass;  de  1730  k  4739, 
aniC  sur  ses  litres  \'ex  librit  de  son  mari,  ancien 
commiuaire  de  la  marine  et  des  galères  de 
France.  Quoique  mal  gravé,  il  est  assez  intéres- 
sant comme  ex  librit  professionnel  et  ï  armes 
Earlantes.  C'est  un  écn  parti,  an  1  de  gueules  au 
00  rampant  d'ai^ent, et  au  3d'azari  une  double 
fontaine  [deux  fontaintt)  d'or,  dans  nu  cir- 
tonche  du  bas  duquel  s'échappe  un  autre  filet 


Ex  libris  de  Barré,  curé  d'Aulcuil. 

d'eau  tombant  dans  la  mer,  et  ayant  deux  sirènes 
pour  tenants. 

G.  Bernard  de  Rieux,  fils  du  célèbre  banquier 
Sjmuel  Bernard  et  père  dn  marquis  de  Bon- 
lainvilliers,  succéda  à  Mme  de  Fontaine,  comme 
leignenr  de  Passj.  Président  an  parlement  de 
Paris,  il  s'était  fait  graver  par  Huquier  un  joli 
ex  libris  ajant  son  écnsson  d'ainr  i  une  ancre 
d'argent  senestrée  d'une  étoile  de  même,  supporté 
par  un  Amour,  et  dans  le  bas  une  Minerve  assise. 

Le  marquis  de  Béringben,  premier  écnyer  du 
roi  et  gouverneur  dn  chittao  de  li  Muette  de 
1134  à  1770,  faisait  armorier  ses  livres  et  se 
servit  d'abord  du  ravissant  ex  libris  de  sou  père, 
gravé  par  Sébislien  Leclerc  (1).  Ecn  ovale  k  ses 
armes  (Voyet  t.  I'^  p.  191),  entouré  du  cordon 
de  l'Ordre  du  Saint-Esprit  et  surmonté  d'une 
couronne  et  d'un  heaume  ï  lambrequins  :  pour 
supports,  deux  griDons  s'appoyant  sur  de  jolis 
oruements  enguirlandés  de  perles. 

(i)  Eo  eut  un  ji    tes  aimes   accolées    de  ceWta 


A  Auleuil,  voici,  vers  la  même  époque,  celui  de 
Joseph  BaiTé,  curé  de  1761  i  1785.  Un  écuîsou 
ovale  dans  un  cartouche  rocaille,  orné  de  lauriers 
et  de  palmes  et  surmonté  d'une  couronne  de 
fleurs,  porte  ses  initiales  J.  B.  ;  au  dessous,  on 
lit:  ExlibrùM"^  Josepbi  Barré,  Prab.  Paris, 
Sacrœ  FaeuU.  Paru,  DocL  Tbéologi.  1747  et 
17ST.  On  voit  par  r«s  deux  dates  on  il  se  l'était 
fait  graver  avant  d'être  i  la  cure  d  Aoteoil. 

Berlin,  ce  trésorier  général  des  revenus  casuels 
de  Sa  Majesté,  trop  connu  par  ses  prodigalités 
envera  Mlle  Vadé  ou  antres,  et  ayant  son  hAIel  à 
l'entrée,  à  ganebe,  de  la  rue  Raynonard,  avait  un 
ex  librit  i  ses  armes  :  écu  d'argent  an  sautoir 
dentelé  de  sinople,  cantonné  de  quatre  mouche- 
torts  d'hermine. 

Le  célèbre  ministre  Turgot,  qui  eut  pied-à-terre 
&  Aolenil,  avait  un  fera  dorer  t  ses  armes,  d'her- 
mine frelté  de  gueules,  do  huit  pièces. 

La  protectrice  de  Jean-Jacques  Rousseau .  ton 
ours,  Mme  d'Epinay,  qui  mourut  en  17tj3  et 
habita  la  rue  des  Batailles  (avenue  d'Iéna)  i  la 
fin  de  sa  vie,  avait  ses  livres  doublement  marqués, 
et  par  uA  ex  librit  et  par  on  fer  t  dorer  à  éeus 
accolés,  aux  armes  de  son  mari  (L^live  d'Epinay, 
fermier  général)  et  aux  siennes. 

Beandard  de  Sainle-James .  ce  fastueux  Iréto- 
rier  général  de  la  marine,  qui  s'était  fait  élever, 
en  1780,  près  du  chAteau  de  Madrid,  an  bois 
de  Boulogne,  la  Folie  Sainte-Jamet,  et  qui 
Louis  XVI  appela  depuis  l'homme  au  rocher, 

Rarce  qu'il  avait  d^wûé  1 .500.000  livres  pour  s'y 
iii«  faire  un  rocher  artificiel  (1),  avait  un  assez 
bel  «:c /l'Arij  i  armes  parlantes:  d'azur  ii  un  dard 
d*argent  {Beau  dard).  On  sait  que  ses  folies 
l'acculirent  à  une  faillite  de  25.000.000  qui  le 
conduisit  à  la  Baitille,  et  qu'il  mourut  dans  la 
misère. 

Ne  quittons  pas  le  bois  de  Boult^ne  sans  rap- 
peler que  Le  Pelletier  de  Bosambo,  président  i 
la  Grand'Chambre  du  Parlement  de  Paris,  et  sa 
femme,  née  Marguerite  de  Lamoicnon  de  Male- 
aherbes,  furent  les  derniers  hdtes  d  une  partie  du 
château  de  Madrid  ;  ils  avaient  l'on  et  l'antre  un 
ex  librit  à  leurs  armes,  entouré  du  manteau  et 
du  mortier  présidentiels,  avec  couronne  de  mar- 

Suis  pour  le  mari  et  couronne  ducale  pour  la 
;mme.  Mme  Le  E^lletier  de  Rosambo  monta  sur 
l'écharaud  le  même  jour  que  son  père,  le  ver- 
tueux Malesherbes,  le  23  avril  1794;  son  mari 
avait  été  guillotiné  deux  joura  auparavant. 

Le  marquis  de  Boolainvilliers,  préjiH  de  Paris 
et  seigneur  de  Passy,  avait  un  fer  à  dorer  i  ses 
armes.  (V.  t.  I,p.l08.) 

'  Le  duc  de  Penthièvre,  auquel  M.  de  Boulain- 
villiers  avait  cédé  son  ehïteaa  t  vie,  avait  on  fer 
à  dorer  ft  ses  armes  :  trois  Oenrs  de  lis  avec  bâton 
péri  posé  en  bande  en  abîme,  et  derrière  l'écu, 
une  ancre  en  pal,  en  sa  qualité  de  grand  amiral 
de  hYance. 

L'amiral  comte  d'EsIaing,  qui  avait  hûtel  dans 
le  haut  de  la  rue  do  Passj',  avait  un  fer  i  dorer 


392 


HISTOIRE    DU    XVI*   ARRONDISSEMENT 


libris  très  aristocratique  composé  d'an  écud*azur 
à  une  bande.  d*or  accompagnée  à  senestre  d*une 
demi-fleur  de  lis  fleurissante,  et  au  bas  de  la 
dextre,  de  trois  quintefeuilles  ;  timbré  d'une  cou- 
ronne ducale  à  un  ange  issantdu  cimier.  Tenants: 
deux  anges  à  dalmatiques  fleurdelisées,  sur  des 
nuages.  Devise  :  Juvat  pietas,  (Cet  ex  libris  ap- 
partient certainement  à  un  Mirabeau.) 
.  Le  célèbre  marquis  de  Pastoret,  qui,  poursui>î 
sous  la  Terreur,  était  venu  demeurer  chez 
Mme  Piscator}',  sa  belle-mère,  vis-à-vis  du  châ- 
teau de  la  Muette,  eut  au  moins  trois  types  è^ex 
libris  héraldiques  avec,  variations  progressives 
quant  aux  couronnes.  Écu  d*or  à  la  barre  de 
gueules  chargée  d'un  pastoureau  (armes  par- 
lantes). Devise:  Bonus  semper  et  fidelis^  et  deux 
lévriers  colletés  pour  supports. 
.  Cabanis  marquait  ses  livres  d'une  simple  éti- 
quette à  son  nom. 

Etienne  Delessert,  banquier  et  amateur  d'œu- 
vres  d'art,  père  de  Benjamin,  Gabriel  et  François 
Delessert,  eut  au  moins  deux  ex  libris,  le  premier 


Ex  libris  d'Etienne  Delessert. 


à  ses  armes,  d'azur  à  une  fleur  de  lis  d'or  en 
chef,  à  un  croissant  d'argent  en  pointe,  et  sur  les 
flancs,  deux  étoiles  du  même.  Fond  de  jardin  der- 
rière l'écu.  Le  second  contient  simplement  son 
nom,  £.  De  Lessert  {sic),  gravé  au  milieu  d'une 
couronne  de  lauriers.  Sa  petite-fllle,  Cécile  Deles- 
sert, mariée  en  1850  au  comte  de  Nadaillac, 
avait  un  très  petit  ex  libris,  représentant  la 
Vérité  dans  son  puits  issant  d'une  couronne  de 
comte.  Au-dessus,  la  devise  des  Nadaillac:  Virlus 
in  heredes.  Vex-libris  de  son  mari  avait  en  plus 
un  écusson  à  ses  armes  ;  d'or  au  chevron  d'azur, 
ayant  en  pointe  un  rocher  de  six  coupeaux. 

MarsoUier,  littérateur  et  auteur  dramatique, 
mort  en  4847,  eut  pied-à-terre  à  Passy  vers  la 
fin  du  xviii«  siècle;  il  s'était  fait  faire  avant  la 
Révolution  un  fort  bel  ex  libris  à  ses  armes.  Ecu 
ovale  d'azur  à  la  fasce  d'or  chargée  d'une  branche 
de  laurier  de  sinople;  accompagnée  en  chef  d'une 
tète  d'Apollon  rayonnante,  et  en  pointe  d'un 
dextrochère  armé,  d'argent.  Dans  un  cartouche 
timbré  d'une  couronne  de  comte  et  entouré  de 
palmes  et  lauriers.  Au-dessous  on  lit:  Benoit 
MarsoUier  des  Yiveiières,  Ecuier  Secrélaire  du 
Roy. 

L'abbé  Morellet,  littérateur,  membre  de  l'Insti- 
tut, mort  en  1849,  eut  pied-à-terre  à  Auteuil; 
son  petit  ex  libris,  très  simple  et  gravé  sur  bois, 
se  composait  de  ses  initiales  A.  M. ,  avec  la  devise  : 
Veritas  omnia  vincit,  dans  un  cercle  enrubanné 
entouré  de  branches  de  laurier. 


Avant  de  quitter  définitivement  le  xviii*  siècle, 
mentionnons  encore  Vex  libris  très  simple  de 
la  bibliothèque  des  abbés  de  Sainte-Geneviève, 
qui  servait  probablement  à  marquer  les  livres  de 
leur  maison  seigneuriale  d' Auteuil,  et  se  compo- 
sait de  trois  fleurs  de  lis  dans  un  double  filet  cir- 
culaire contenant  en  latin  la  mention  d* Abbaye  de 
Sainte-Geneviève  de  Paris.  Le  tout  sans  indica- 
tion d'émaux. 

Passons  maintenant  au  xix*  siècle. 

Le  comte  Treilhard,  célèbre  ministre  et  joris- 
consulte,  qui  avait  eu  maison  de  campagne  rue 
des  Batailles  (avenue  d'iéna)  et  mourut  en  4810, 
eut,  à  la  fin  de  sa  rie,  un  ex  libris  héraldique  ano- 
nyme surmonté  d'une  tooue  empanachée  et  entouré 
de  riches  lambrequins.  Ecu  d'azur  à  trois  palmes 
d'argent,  chargé  d'un  canton  échiqueté  d'argent 
et  d'azur.  Devise  :  Multa  magis  quant  multorum 
lectione  formanda  mens. 

La  duchesse  de  Berry,  très  amie  des  livres  et 
propriétaire,  sous  la  Restauration,  du  château  de 
Bagatelle,  eut  plusieurs  ex  libris  à  double  écusson 
entouré  de  lis  et,  depuis  4820,  de  la  cordelière  des 
veuves,  pour  son  importante  bibliothèque  du  châ- 
teau de  Kosny  ;  elle  s'en  serait  probablement  fait 
faire  un  spécial  pour  Bagatelle,  si  la  maison  n'eût 
été  par  va,  et  non  opta. 

Le  général  baron  Jomini,  célèbre  écrivain  mili- 
taire, qui  habita  de  4855  à  4869,  date  de  sa 
mort,  une  villa  située  au  n^  4âO  de  la  rue  de 
la  Tour,  s'était  fait  faire ,  au  commencement  du 
siècle,  et  probablement  en  Suisse,  quand  il  n'é- 
tait que  chef  de  l'administration  de  la  guerre , 
un  ex  libris  très  artistique  où  l'on  voyait  son 
nom  et  son  titre  dans  un  encadrement  ovale  en- 
touré de  branches  de  chêne  et  de  laurier  et  d'at- 
tributs militaires. 

Le  comte  de  Las  Cases,  l'auteur  du  Mémorial 
de  Sainte-Hélène,  qui  avait  son  hôtel  sur  l'em- 
placement actuel  de  la  rue  de  Siam,  avait  un  ex 
libris  à  ses  armes  :  écu  d'or  à  la  bande  d'azor 
accompa(;née  d'une  bordure  de  gueules,  avec  la 
jolie  devise  :  Semper  para  tus. 

Le  comte  J.-M.  Porlalis,  homme  d'État  et  an- 
cien ministre,  mort  en  4858,  en  sa  belle  oropriété 
du  n^  62  ancien  de  la  rue  de  la  Tour  (78  actuel), 
avait  un  bel  ex  libris  héraldique  surmonté  d'une 
toque  empanachée  entourée  de  riches  lambrequins, 
avec  croix  de  la  Légion  d'honneur  suspendue  sous 
l'écu. 

Lamartine  avait  un  ex  libris  assez  ordinaire, 
imprimé  avec  son  fer  à  dorer.  Écu  ovale  à  deux 
burettes  d'or  entre  lesauelles  est  un  trèfle  (?)  et 
timbré  d'une  couronne  de  comte.  Supports  :  deux 
lions. 

Guizot,  qui  habita  une  partie  de  l'ancienne  mai- 
son de  François  Gérard,  à  Auteuil,  avait  un  ex 
libris  à  ses  armes.  Ecu  d'azur  à  une  règle  d*ar- 
gent  posée  en  fasce,  timbré  d'un  heaume  adextré, 
et  entouré  du  cordon  de  la  Légion  d'honneur  et 
de  la  chaîne  de  la  Toison  d'Or.  Devise  :  Omnium 
recta  brevissima. 

Rossini,  dont  la  bibliothèque  devait  être  sur- 
tout musicale,  s'était  fait  faire,  dit-on,  un  ex  libris 
approprié,  très  humoristique.  Un  lion  tient  deux 
palmes  au-dessus  d'un  écusson  rond,  sur  lequel 
on  lit  :  Ex  libris  Rossini  ;  au-dessous,  un  fou 


ANNEXES 


393 


cbanUDt  à  tue-tète  est  accompagné  par  un  mosi- 
cieo  moyenâgeux,  jouant  comme  an  Tioion  snr 
un  eril,  avec  des  pincettes  (1). 

Henri  de  Riancey,  cet  honnête  publiciste,  si 
fidèle  à  sa  foi  religieuse  et  à  sa  foi  monarchique, 
mourut  en  1870  en  son  hôtel  du  n^  6  de  la  rue 
Louis-David.  Son  ex  libris  héraldique  se  compo- 
sait d'un  écn  d*azur  au  chevron  d*or  accompagné 
de  trois  têtes  de  bélier.  Au-dessus  un  bras  armé 
sortant  de  trois  monticules  et  d'un  bourrelet. 
Devise  :  Virtuti  et  honori.  Avant  cet  ex  libris, 
il  en  avait  eu  un  autre  d'une  très  grande  simpli- 
cité, en  communauté  avec  son  frère  Charles. 

Théophile  Gautier,  qui  est  bien  un  peu  des 
nôtres,  puisqu'il  passa  quelques  années  de  son 
enfance  à  Auteuil,  près  du  pont  de  Grenelle,  s'était 
fait  faire  à  la  fin  de  sa  vie,  par  l'aquafortiste 
Aglaûs  Bon  venue,  un  ex  libris  inspiré  d'on  an- 
cien camée,  et  composé  de  son  monogramme  placé 
au  fronton  d'un  temple  égyptien,  au-dessus  d'un 
grand  scarabée. 

Jules  Janin  se  contentait  d'une  petite  étiquette 
ovale  à  la  Nodier,  tirée  en  or  sur  fond  rouge  ; 
deux  branches  de  laurier  entourent  l'incription  : 
Ex  libris  Jules  Janin  ;  cette  marque  n'est  pas 
commune,  la  bibliothèque  du  prince  des  critiques 
ayant  été  en  partie  donnée  par  sa  veuve  à  l'Ins- 
titut. 

Notre  collègue,  M.  Quentin  Bauchart  se  contente 
d'une  marque  du  même  genre. 

Le  gendre  de  Yillemessant,  B.  Jouvin,  célèbre 
critique  théâtral  du  Figaro,  qui  demeura  dans 
l'avenue  du  Bois-de-Boulogne,  avait  un  petit  ex 
libris  à  son  nom,  accompagné  de  la  devise  :  Vna 
vox  librorum,  sed  non  omnes  œque  loquentur. 

Thiers,  qui  habita  pendant  un  certain  temps  le 
château  de  la  Tuilerie,  n'eut  pas  de  son  vivant  (dit 
le  D'  Bouland  dans  ses  Archives)  de  marque  spé- 
ciale pour  ses  livres  ;  mais  après  sa  mort,  sa  bi- 
bliothèque ayant  été  placée  par  MlleDosne  dans  la 
Fondation  que  sa  saur,  Mme  Thiers,  l'avait  char- 
gée de  consacrer  à  la  mémoire  de  son  mari  (2), 
tous  ses  livres  furent  frappés,  en  tète,  d'un  petit 
timbre  portant  son  nom  entouré  d'une  couronne 
de  lauriers,  et  de  plus,  â  l'intérieur,  d'un  autre 
portant  les  mots:  Fondation  Thiers.  Tout  timbre 
qu'on  trouverait  en  dehors  de  la  Fondation,  portant 
les  indications  ci-dessus,  proviendrait  donc  d'un 
détournement  de  livres.  Avis  aux  collectionneurs 
d'ex  libris  trop  passionnés  ! 

Curmer,  le  célèbre  éditeur  qui  demeura  long- 
temps rue  de  l'Annonciation,  n^  4,  avait  son  fer 
â  dorer. 

J.-G.-D.  Armengaud,  autre  éditeur  de  livres  de 
luxe,  rue  Singer,  n^  2,  avait  des  ex  libris  variés 
portant  son  nom  en  toutes  lettres  au-dessus  d'un 
éeusson  à  monogramme. 

Gambetta,  notre  hôte  de  la  rue  Saint-Didier,  eut 
un  grand  ex  libris  que  lui  dessina  et  grava  très 
largement  vers  4874,  l'aquafortiste  Alphonse  Le- 
gros  ;  mais  il  n'en  existe  guère  que  des  épreuves 
d'essai,  avec  celles  qui  ont  été  données  oans  les 

(i)  Cet  ex  libris,  quoiqu'il  soit  dans  la  collection 
du  Cabinet  des  Estampes,  n'est-il  pas  tant  soit 
peu  apocryphe? 

(a)  C'est  coez  nous  que  cette  Fondation  a  été 
établie. 


Archives  de  la  Société  française  des  collection- 
neurs à*ex  libris.  Gambetta,  trop  absorbé  par  ses 
occupations  de  toutes  sortes,  n'avait  pas  eu  le 
loisir  de  les  employer.  Kn  voici  la  description 
officielle  :  «  Le  soleil  se  lève  au  mot  France,  sur 
la  terre  qui  tourne  et  illumine  dans  les  airs  le  bon- 
net de  la  Liberté,  au-dessus  duquel  se  lit  la  devise 
du  titulaire:  Vouloir,  c'est  pouvoir;  deux  mains 
sortent  des  nuées  i  droite,  brisant  un  bâton  ;  en 
face  d'elles,  à  gauche,  le  coq  gaulois  chante.  »  — 
La  planche  arrivée  au  troisième  état,  le  bonnet 
phiygien  fut  enlevé  par  ordre  de  Gambetta.  —  Il 
existe  de  cette  planche  une  adroite  contrefaçon..., 
s'en  mé6er! 

Le  peintre  réaliste  Edouard  Manet,  qui  n'est 
notre  hôte  ^ue  depuis  sa  mort*  c'est-à-dire  qui 
repose  depuis  1883  an  cimetière  de  Passy,  avait 
un  ex  libris  gravé  par  Bracquemond,  portant  la 
devise,  peut-être  un  peu  risquée  :  Manet  et 
manebit. 

Le  prince  Jérôme  Napoléon,  qui  s'était  fait  éle- 
ver au  n^  18  de  l'avenue  Montaigne  un  palais 
pompéien ,  après  avoir  eu  un  buen-retiro  au  n®  10 
de  la  rue  Raffet  actuelle,  à  Auteuil,  avait  un  ex 
libris  typographique  au  milieu  duquel  se  voyait 
un  N  majuscule  à  tête  d'aigle.  Autour,  encadré  par 
deux  filets  à  pans  coupés,  on  Usait  :  Bibliothèque 
de  S.  A.  I.  Mgr  le  prince  Napoléon.  Il  est  cu- 
rieux de  rappeler  ici  que,  vers  1849,  voulant  dé- 
mocratiquement embêter  (c'est  son  root)  le  prince 
Louis  Napoléon,  futur  empereur,  son  cousin,  il 
avait  fait  apposer  sur  tous  les  livres  du  roi  Jérôme 
son  père ,  un  timbre  humide  rouge  de  forme 
ronde  portant  ces  mots  :  Bibliothèque  du  Citoyen 
Napoléon  Bonaparte. 

En  1870,  AglaUsBouvenne  composa  et  grava,  à 
titre  gracieux  pour  Victor  Hugo,  alors  à  Haute- 
ville-House,  dans  l'Ile  deGuemesey,  un  ex  libris 
représentant  Notre-Dame  de  Paris  dans  la  nuit, 
ayant,  en  avant,  le  monogramme  Hugo^  et  sur  le 
sillon  d'un  éclair,  l'inscription  Ex  libris  Hugo.  Le 
grand  poète,  très  satisfait,  écrivit  à  l'artiste: 
«  Vex  libris  fait  par  vous  pour  moi  me  charme, 
j'accepte  avec  reconnaissance  cette  jolie  planche. 
Votre  ex  libris  marquera  tous  les  livres  de  la 
bibliothèque  de  Hauteville-House.  »  Mais,  par 
suite  des  grands  événements  qui  suivirent  et  per- 
mirent enfin  à  Victor  Hugo  de  rentrer  en  France, 
la  promesse  ne  fut  tenue  qu'incomplètement;  la 
planche,  qui  avait  peu  tiré,  resta  entre  les  mains 
d'Aglaus  Bouvenne,  qui  Ta  prêtée  à  la  Société  des 
collectionneurs  d'ex  libris  mrar  en  faire  un  tirage 
spécial  pour  ses  membres.  Depuis,  la  Bibliothèque 
Nationale  a  décidé  de  se  servir  de  cet  ex  libris 
pour  marquer  tous  les  manuscrits  de  Victor  Hugo 
qu'elle  possède. 

La  vicomtesse  de  Bonnemains,  la  célèbre  Mar- 
guerite du  général  Boulanger,  qui  fut  tant  soit  peu 
notre  hôte  à  Chaillot  (1),  avait  un  ex  libris  très 
héraldique  assez  compliqué,  de  forme  roqde,  dont 
le  fond,  à  l'instar  du  cbinre  de  Henri  H  et  de  Diane 
de  Poitiers,  était  semé  de  croissants  et  de  D  entre- 
lacés. 

Le  célèbre  imprimeur  éditeur  Jouaust,  qui  a 


(i)  Il  habita  la  rue  Dumont  d'Urville,  au  n*   ii 
ou  11  biSf  et  rue  \  illarceau,  n*  3. 


394 


HISTOIRE   DU   XVl*^   ARRONDISSEMEiNT 


publié  de  si  rarissantes  éditions,  et  ayait  son  domi- 
cile familial  dans  la  rue  Scheffer,  s'était  fait  faire 
un  petit  ex  libris  par  notre  regretté  collègue 
Chauvet.  Sur  une  ancre,  est  un  livre  portant  la 
devise  :  Non  loquetur  nisi  rogatus^  etaa-dessus 
retombe  une  banderoUe  avec  Tinscription  :  Ex 
libris  /).  Jauauxt.  Ijb  tout  dans  un  ovale  entouré 
d'un  cartoudie  de  style  Louis  XlII. 

Ferdinand  de  Lesseps.  qui  eut,  pendant  les  six 
dernières  années  de  sa  vie,  son  bôtel  dans  l'avenue 
Montaigne,  avait  un  grand  ex  libris  à  ses  armes  : 
Ecu  d'argent  avec  ceps  de  vigne  (Les  ceps)  surmon- 
tés d'une  étoile  d'azur,  et  timbré  d'une  couronne 
de  comte  tenue  par  un  sauvage.  Lion  pour  autre 
support.  Devise  bien  appropriée:  Aperire  ter- 
ram  gentibus, 

ïje  général  lune,  notre  recette  collègue,  mort 
le  3  octobre  1896,  demeurait  au  n**  23  bis  de  la 
rue  de  la  Faisanderie.  Directeur  de  Vlntermé- 
diaire  des  chercheurs  et  des  curieux^  c'était 
un  véritable  érudit.  Son  minuscule  ex  libris,  re- 
produit un  peu  partout;  était  vraiment  charmant. 
Une  Renommée,  tenant  une  plume  de  la  main 
droite  et  sonnant  de  la  trompette,  est  assise  sur  la 
majuscule  G  du  mot  Gallia,  —  Près  d'elle,  voltige 
une  banderolle  sur  laquelle  on  lit  :  Vive  la  France  ! — 
1^  plume.  —  L'épée. 


livres  relatifs  à  l'art  culinaire  ;  aussi  s'est-il  fait 
faire  en  1888,  par  son  ami  le  peintre  Fnnds 
Tattegrain  un  grand  ex  libris  k  l'eau^forte,  des- 
tiné spécialement  à  sa  collection  d'ouvrages  gas- 
tronomiques, et  le  représentant  en  costune  de 
cuisinier,  le  tablier  ^mi  de  couteaux,  la  broche 
au  côté,  livre  en  main,  plume  en  l'autre,  debout 
devant  une  haute  cheminée,  et  ayant  derrière  kû 
un  assortiment  de  plats,  casseroles  et  chaudrons, 
et  à  ses  pieds,  des  livres  épars.  —  Malgré  l'ins- 
cription UHima  mise  par  lattegrain  au  bas  de  sa 
planche,  nous  espérons  bien  que  ce  ne  sera  pas 
la  dernière,  et  qu'il  donnera  des  frères  à  cette 
pièce  si  originale. 

M.  le  comte  de  Mou  y,  ancien  ambassadeur  de 
France,  26,  rue  Nicolo,  a  un  ex  libris  typogra- 
phiaue  aussi  simple  que  possible. 

M.  Maurice  Cooramt,  ex-interprète  en  Chine, 
en  Corée  et  au  Japon,  gendre  de  feu  M.  Ch.  Sche- 
fer  de  l'Institut,  demeurant  rue  Desbordes-Val- 
more,  marque  ses  livres  d'un  timbre  gras  presque 
circulaire,et  à  l'encre  rou^;il  est  composé  de  ca- 
ractères chinois  assez  originaux. 

Feu  notre  collègue,  M.  de  Godrio  de  Refuge, 
avait  un  ex  /t^rts  néraldique  en  deux  formats,  et 
pour  ses  manuscrits,  un  troisième,  très  original, 
représentant  un  ours  debout,  lisant  près  de  sa 


Ex  libris  de  M.  Eni.  Potin. 


Qui  ne  connaît  Vex  libris  des  deux  frères  de 
Concourt,  dessiné  par  Gavarni,  et  composé  d'une 
main  écartant  deux  doigt  sur  les  initiales  Ë.-J. 
tracées  sur  un  papier  (Edmond-Jules,  les  deux 
doigts  de  la  main).  Jules  de  Concourt  grava  lui- 
même  à  l'eau-forte  en  fac-similé,  cette  pièce  in- 
téressante, et  depuis  la  vente  après  décès  des  livres 
d'Edmond  de  Concourt,  on  la  rencontre  assez  sou- 
vent chez  les  libraires. 

Il  ne  nous  reste  plus  guère  à  parler  que  des  vivants, 
qui  nous  l'espérons,  le  seront  longtemps  encore. 

Le  prince  Roland  Bonaparte,  un  des  premiers 
membres  donateurs  de  notre  Société,  a  pour  les 
livres  de  sa  splendide  bibliothèque  un  ex  libris  à 
l'aigle  impérial,  avec  l'inscription  :  Bibliothèque 
du  prince  Roland  Bonaparte. 

M.  Georges  Vicaire,  un  des  nouveaux  bienve- 
nus parmi  nous,  51,  rue  Schefier,  est  un  biblio- 
graphe bien  connu  qui  s'est  beaucoup  occupé  des 


bibliothèque.  Mme  la  comtesse  de  Nok,  belle-sœur 
du  caricaturiste  Cham,  possède  sur  les  livres  de  sa 
bibliothèaue,  rue  de  la  Pompe,  deux  ex  libris  de 
formats  différents,  un  petit,  ovale,  représentant 
l'arche  de  Noé  sur  des  eaux  antéesavec  arc-en-ciel 
et  colombes  ;  autour  de  Tovale  écosson  couronné 
au  monogramme N.O.  E.  et  listel  avec  la  devise  : 
Posldiluviurriyprimus  sum.  —  Le  grand,  eau- 
forted'Âglaûs  Bouvenne,nous  montre  également  une 
arche  de  Noé,  avec  le  monogramme  NÔE  en  avant. 
M.  Emile  Potin,  notre  dévoué  secrétaire  géné- 
ral, s'est  composé  un  ex  libris  bien  professionnel, 
représentant  la  Chambre  des  députés,  vers  laquelle 
se  dirige,  venant  d'Âuteuil,  la  plume  ailée  du 
sténographe  ;  l'inscription  nominative  est  en  ca- 
ractères sténographiques  (i) 

(i)  M.  Mar  oublie  seulement  de  dire  que.  si 
je  lui  ai  donné  l'idée,  c'est  lui  qui  m'a  dessiné 
mon  ex  libris.  (Note  de  M.  E.  P.). 


ANNEXES 


395 


l/artiste  Aglaùs-BouTenne,  déjà  cité,  a  fait 
récemment  pour  Tarcbiviste  Fernaod  Bournon, 
d'Aateoil,  on  petit  ex  lihris  à  Tean-forte,  repré- 
sentant la  Bastille,  en  sonvenir  de  la  belle  mono- 
nographie  de  cette  forteresse  qu'a  publiée  notre 
^dit  collèjpie. 

Enfin,  bien  qu'il  n'habitât  pas  notre  région, 
nous  devons  citer  Adolphe  Yarin,  qui  fut  un  des 
premiers  membres  de  notre  Société  et  s'était  com- 
posé sept  ou  huit  jolis  petits  ex  libris  variés.  Il 
faut  être  graveur  pour  pouvoir  se  payer  un  tel 
luxe  de  marques. 

Nous  ne  pouvons  mieux  terminer  cette  nomen- 
clature, peut-être  un  peu  aride  et  forcément 
incomplète,  malgré  toutes  nos  recherches,  que 
par  la  description  sommaire  de  deux  ex  libris  de 
moyen  format,  aussi  bien  composés  qu'exécutés  à 
l'ean-forte  par  E.  Valton.  Ils  sont  étrangers, 
croyons-nous,  à  notr^arrondissement,  mais  ce- 
pendant nous  intéressent  particulièrement,  parce 
qu'ils  contiennent  un  juste  horomage  rendu  au  talent 
poétique  de  notre  cher  président  défunt.  Le  pre- 
mier, celui  de  M.  A.  H.  (A.  Héna),  représente 
une  fenêtre  ouverte,  près  de  laqudle  est  une  table 
garnie  de  deux  livres  et  d'un  feuillet  de  papier  sur 
Kquel  on  lit  :  fai  lu  Manuel.  —  Les  Ouvriers, 
—  Le  second,  celui  de  A.  M.  (Alfred  Morin), nous 
montre  sur  une  tablette,  deux  livres  posés  à  plat, 
servant  de  piédestal  à  une  lampe  allumée  ;  un 
troisième  est  appuyé  contre,  il  est  entr'ouvert, 
et  ses  feuilles  portent  an-dessous  des  majuscules 
A.  M.  :  Aux  livres  je  dois  tout,  —  Manuel, — 
Les  Ouvriers, 

Résumons.  —  On  voit,  par  les  citations  que  nous 
venons  de  faire,  oue  l'habitude  de  marquer  ses 
livres  au  moyen  à  ex  UMs  était  jadis  assez  répan- 
due parmi  les  bibliophiles,  surtout  au  xvin*  siècle, 
où  leur  nombre  s'était  accru  considérablement. 
De  nos  jours  cette  habitude,  un  moment  ralentie, 
s'est  fort  ravivée  depuis  quelque  temps.  Nous  di- 
rons même  que,  depuis  la  création  de  sociétés  de 
collectionneurs,  il  y  a  abus  ;  ne  connaissons-nous 
pas  des  gens  qui,  pour  suivre  la  mode,  se  sont 
fait  faire  de  pompeux  ex  /t^rts,  sans  avoir,  hélas! 
de  livres  pour  les  coller  ?  Cela  ne  fait-il  pas  son- 
ger à  certains  grands  seigneurs  des  siècles  passés, 
sachant  à  peine  lire,  qui,  pour  éblouir  la  galerie, 
avaient  des  rayons  ou  des  meubles  de  bibliothè- 
ques richement  garnis  de  simples  dos  de  livres  à 
titres  ronflants?...  Le  reste  était  creux  !  —  Ne 
les  imitons  pas,  ayons  de  vrais  et  bons  livres, 
prêtons-les  même  au  besoin  aux  véritables 
amis,  en  dépit  du  dicton  de  Charles  Nodier  : 

Tel  est  le  triste  sort  de  tout  livre  prêté, 
Souvent  il  est  perdu,  toujours  il  estgàlé. 

Et  s'ils  portent  nos  ex  libris, ,  .ils  reviendront. . . 
intacts,  nous  l'espérons. 

Peut-être  dira-t-on  avec  quelque  raison  que  le 
sujet  que  nous  venons  de  traiter  n'est  pas  d'un 
intérêt  palpitant  ;  au  moins  doit-on  lui  recon- 
naître le  mérite  de  n'être  pas  banal,  et  puis... qui 
sait  ?  parmi  la  liste  d'élite  des  membres  de  notre 
Société,  il  y  a  peut-être  un  plus  grand  nombre 
de  bibliophiles  et  d'héraldlstes  que  nous  le  suppo- 
sons, pour  lesquels  cet  article  ne  sera  pas  tout  à 
fait  indifférent  et  qui  sauront  bien  —  nous  en 


avons  l'espohr  —  réclamer  pour  nous  l'indulgence 
de  nos  autres  collègues. 

Léopold  Mar. 

DOCUMENTS  CONSULTÉS 

1*  La  collection  complète  des  Archives  de  la 
Société  française  des  colleclionneurs  d'ex  librU  ; 

2"  Les  60  ou  70  volumes  dVx  lihri»  du  Cabinet 
des  Estampes  de  la  Bibliothèque  nationale  (i5  à 
ao.ooo  pièces)  ; 

3*  La  collection  L.  Mar  (i./^co  pièces). 


LE  SERVICE  DES  EAUX 

DANS    LE    XVI®    ARRONDISSEMENT    EN    4899 

La  première  distribution  d'eau  exécutée  à  Paris 
était  basée  sur  le  fonctionnement  d'une  usine  à 
vapeur  dont  l'histoire  peut  intéresser  notre  So- 
ciété, car  cette  usine  est  située  à  Chaillot,  sur  le 
territoire  de  l'ancienne  commune  de  Passy. 

Pompe  à  feu  de  Chaillot,  —  Les  frères  Périer 
constituèrent,  avec  l'approbation  du  Bureau  de  la 
Ville  et  l 'autorisation  du  Parlement  (7  février  i  7  77  ) , 
une  compagnie  d'actionnaires,  en  vue  de  distri- 
buer l'eau  de  Seine  dans  plusieurs  quartiers  de 
Paris;  cette  compagnie  se  chargeait  d'établir  à 
ses  frais  tous  les  ouvrages  et  de  les  faire  fonc- 
tionner pendant  quinze  ans  ;  le  privilège  lui  était 
accordé  sous  la  condition  que,  dans  un  délai  de 
trois  ans,  eUe  distribuerait  aux  Parisiens  un  vo- 
lume de  150  pouces  d'eau,  soit  2.879  mètres 
cubes,  ou  environ  i/490^  de  la  consommation 
actuelle  de  Paris  (\), 

L'usine  fut  établie  en  i'78i;  cette  date  se 
trouve  encore  inscrite  au-dessus  de  la  porte  d'en- 
trée du  bâtiment  dans  lequel  étaient  placées  les 
machines  destinées  à  élever  les  eaux  de  la  Seine. 
Pour  une  usine  élévatoire,il  doit  y  avoir  au  moins 
deux  machines,  afin  d'éviter  toute  interruption  de 
service,  en  cas  de  nettoyage  ou  de  réparation.  On 
installa,  en  effet,  deux  pompes  ;  Tune  s'appelait 
la  Constantine,  du  nom  de  M.  Constantin  Périer  ; 
l'autre  s'appelait  l'Augustine,  du  nom  de  son 
frère  Auguste.  Ces  machines  étaient  du  système 
de  Newcomen,  importé  d'Angleterre  en  France 
par  les  frères  Périer. Le  premier  essai  des  pompes 
à  feu  de  Chaillot  fat  fait  en  présence  du  lieute- 
nant de  police,  et  les  eaux  furent  conduites,  pour 
la  première  fois,  le  17  juillet  1782,  à  une  fon- 
taine publique,  établie  à  la  porte  Saint-Honoré. 

Ces  machines  à  vapeur  excitèrent  beaucoup  la 
curiosité  des  habitants,  parce  que  leur  emploi  en 
France  était  tout  récent.  Aussi  Mercier,  auteur 
du  Tableau  de  Varis,  s*écrie-t-il  :  «  Voici  donc 
une  innovation  yoîi  porte  un  caractère  de  grandeur 
et  d'utilité  nationale  ;  quel  immense  service  va 
rendre  aux  habitants  de  la  capitale  la  prompte 
distribution  de  l'eau  (S)  !  » 

(i)  La  consommation  moyenne  d'eau  par  jour 
a  été,  à  Paris,  de  iib.ooo  mèlres  cubes  en  i86i, 
3&7.000  en  1880,  445.000  en  iSgo,  550.000  en  i8q5 
et  645.000  en  igno. 

(2)  Voir  le  Tableau  de  Paris,  par  Mercier,  3»  vo- 
lume, p.  83. 


396 


HISTOIRE  DU   XVI*   ARRONDISSEMENT 


On  s^étonnait  cependant  de  ce  que  Teaa  était 
puisée  dans  la  Seine,  au-dessous  de  Paris  (i)  et 
à  une  assez  grande  distance  du  centre  de  la  TÎUe. 
Les  uns  prétendaient  que  remplacement  de  Chail- 
lot  avait  été  choisi  parce  qu*il  était  sur  le  chemin 

a  ne  suiTait  le  roi  pour  aller  à  Versailles.  D'autres 
éclaraient  au^on  avait  voulu  favoriser  le  fau- 
bourg Saint- Honoré,  comme  étant  le  plus  en  état 
de  souscrire  des  abonnements  dVau  en  faveur  de 
la  Compagnie,  qui  avait  dépensé  plus  de  deux 
millions  pour  l'établissement  des  machines  à  feu. 
Il  est  probable  «{u'on  avait  voulu  profiter  d'un 
emplacement  qui  se  trouvait  disponible  au  bord 
de  la  Seine  et  qui  présentait  l'avantage  d'être  peu 
éloigné  de  la  colline  sur  laquelle  il  fallait  monter 
l'eau,  afin  d'être  au-dessus  des  principaux  quar- 
tiers de  Paris.  Les  résenoirs  aans  lesquels  la 
pompe  à  feu  de  Chaillot  montait  Fean  de  la  Seine 
à  cette  époque  étaient  situés  sur  l'emplacement 
occupé  aujourd'hui  par  la  place  des  Etats-Unis. 
Ces  r^ervoirs,  dont  la  hauteur  aunlessns  du  ni- 
veau de  l'étiage  de  la  Seine  variait  entre  31  et 
34  mètres  et  ^ui  ont  alimenté  d'eau  la  plus  grande 
partie  de  Paris  jusqu'en  1857,  étaient  au  nombre 
de  quatre  (î)  ;  le  premier  recevait  l'eau  montée 
par  les  pompes  ;  elle  séjournait  dans  le  second 
réservoir,  pour  y  déposer  les  matières  en  suspen- 
sion, afin  d'être  clarifiée  ;  le  troisième  servait  à  la 
distribution  et  le  quatrième  en  cas  de  réparation. 
L'action  de  la  pesanteur  suffisait  pour  laire  cir- 
culer l'eau  dans  les  tuyaux  depuis  ces  réservoirs 
jusau'aux  maisons  des  abonnes  et  aux  fontaines 

Bubliques,  qui  étaient  placées  à  la  porte  Saint- 
lonoré,  à  la  Chaussée-d'Antin,  à  la  porte  Saint- 
Denis  et  à  la  rue  du  Temple.  Le  prix  de  l'abon- 
nement était  de  50  livres  par  an,  pour  un  muid 
(soit  274  litres)  par  U  heures  (3). 

Les  travaux  de  canalisation  nécessaires  pour  la 
création  et  l'alimentation  de  ces  quatre  fontaines 
occasionnèrent  des  dépenses  excédant  les  prévi- 
sions ;  le  nombre  des  actions  émises  à  i  .200  livres, 
qui  était  primitivement  de  i  .300,  fut  porté  en 
1786  à  6.100.  Les  opérations  de  la  Compagnie 
furent  critiquées  par  le  comte  de  Mirabeau,  père 
du  grand  orateur,  dans  un  premier  mémoire  (4) 
publié  en  1785.  La  Compagnie  attribua  ces  attaques 
à  l'agiotage  des  spéculateurs  à  la  baisse;  elle 
avait  pour  avocat  le  célèbre  Beaumarchais,  qui, 
dans  une  réponse  intitulée  «les  mirabelles», déclara 
que  le  comte  de  Mirabeau  ne  connaissait  nulle- 
ment le  sujet  qu'il  traitait.  Un  second  mémoire 
du  comte  de  Mirabeau  impressionna  sans  doute 
l'opinion  publique;  les  actions  baissèrent  rapide- 

(i]  Il  aurait  été,  en  efTet,  préférable  d'établir 
l'usine  en  amont  de  Paris,  afin  d'avoir  des  eaux 
moins  impures,  puisqu'il  s'agissait  alors  de  pro- 
curer Teau  potable.  Dans  les  derniers  temps, 
les  eaux  refoulées  par  la  pompe  à  feu  de  Chaillot 
ne  servaient  que  pour  la  voie  publique. 

(a)  Ils  avaient  chacun  do  toises  de  longueur, 
lo  de  largeur  et  9  pieds  de  hauteur.  La  capa- 
cité des  quatre  réservoirs  était  d'environ  i3.ooomè- 
tres  cubes. 

(3)  Actuellement  l'eau  de  source  est  vendue 
aux  abonnés  à  raison  de  o  fr.  35  par  mètre  cube  : 
une  consommation  de  274  litres  par  jour  à  ce 
taux  correspondrait  à  une  dépense  annuelle  de 
35  francs. , 

(4)  M.  Ém.  Potin  possède  ce  document,  avec 
la  réponse,  dans  ses  archives  personnelles. 


ment  ;  d'ailleurs,  Fapproi^he  de  la  Révolution  in- 
quiétait les  capitalistes.  Un  seul  banquier  (1) 
réunit  entre  ses  mains  la  presque  totalité  des 
actions  et  les  vendit  à  la  Ville  de  Paris,  suivant 
,un  traité  passé  le  4  avril  i788,  iprès  approbation 
de  l'assemblée  générale  des  actionnaires  et  dn 
Conseil  d'Eut. 

L'entreprise  des  frères  Périer,qui  avait  bien  réussi 
au  point  de  vue  technique,  puisque  la  Constantine 
et  1  Augustine  ont  continué  à  fonctionner  pendant 
plus  de  soixante-dix  ans,  n'est  restée  que  pen- 
dant très  peu  de  temps  entre  les  mains  de  ses 
promoteurs  et  ne  leur  a  procuré  que  des  mé- 
comptes. 

Le  décret  du  7  septembre  4807  remit  les  pom- 
pes à  feu  de  Chaillot  et  les  autres  établissements 
hydrauliques  de  Paris  au  service  des  ponts  et 
chaussées,  qui  en  est  actuellement  chargé  {2). 

Le  8  août  4852,  la  pompe  à  feu  Augustine  fut 
remplacée  par  la  machine  Iéna,et  le  \*'  juin  1853 
la  machine  Aima  fut  substituée  à  la  Constantine. 
Ces  deux  nouvelles  machines,  plus  puissantes  que 
les  précédentes,  étaient  du  svstème  Comouailles 
et  avaient  été  construites  dans  1  usine  de  MM  .Schnei- 
der, an  Creusot.  En  1866,  les  anciennes  chau- 
dières à  bouilleurs  furent  remplacées  par  des 
générateurs  tubulaires  du  système  Farcot.  Ces 
divers  perfectionnements  ont  permis  de  sextupler 
le  débit  des  pompes  (3).  C'est  la  pose  des  géné- 
rateurs Farcot  qui  a  nécessité  la  construction  de 
deux  bâtiments  en  briques,  de  chaque  cdté  de 
l'édifice  carré  qui  avait  suffi  jusque-là  pour  con- 
tenir les  machines. 

La  pompe  à  feu  de  Chaillot  ne  sera  bientôt  plus 

'à  1  état  de  souvenir.  Elle  est  en  effet  remplacée 

Sar  de  nouvelles  machines  installées  à  1  usine 
'Anteuil,  sise  entre  le  quai  et  l'avenue  de  Ver- 
sailles, un  peu  en  aval  du  pont  Mirabeau. 

Grand  réservoir  de  Passy.  —  Le  premier 
grand  réservoir  construit  à  Paris  pour  la  distri- 
bution des  eaux  est  celui  de  Passy  ;  les  bassins 
dans  les(fuels  étaient  emmagasinées  auparavant 
les  eaux  élevées  par  la  pompe  à  feu  de  Chaillot 
ont  donné  leur  nom  au  quartier  des  Bassins  ((pi 
a  repris  récemment  le  nom  de  quartier  de  Chail- 
lot), ainsi  <iu'à  la  rue  des  Bassins.  Jusqu'en  1898 
le  réservoir  de  Passj  comprenait  deux  bassins 
supérieurs  où  le  niveau  de  l'eau  se  trouve  à  l'alti- 
tude de  75*^,83,  deux  bassins  inférieurs  et  un 


(1)  Recherches  sur  les  eaux  publiques  de  Paris, 
ouvrage  in-4*  publié  &  Paris,  en  181a,  par  Girard, 
qui  a  été  ingénieur  du  service  hydraulique  de 
Paris,  au  commencement  du  xix'  siècle. 

(a)  M.  Girard  a  dirigé  le  service  des  eaux  de 
Paris  sous  le  premier  Empire  et  sous  la  Restau- 
ration ;  SCS  successeurs  ont  été  :  MM.  Mary,  de 
i83aà  1848;  Darcy.  de  i848  à  i85o;  Dupuit,  de 
1800  à  i856  ;  Belgrand.  de  i856  à  1878  ;  Couche, 
de  1878  a  188,5*,  Ëechmann  et  Humblot.  de  i885 
à  1888;  Humblot  seul  de  1888  a  1898:  Bechmann, 
chef  du  service  des  eaux  et  de  l'assainissement, 
depuis  i8jM. 

(3)  M.  Girard,  directeur  du  service  des  eaux, 
déclare  qu'on  était  arrivé,  en  1807,  à  porter  le 
débit  de  chacune  des  deux  pompes  de  Chaillot 
à  217  pouces  d'eau  par  a4  heures,  soit  à  4*i65  mè- 
tres cubes,  chiffre  beaucoup  plus  élevé  que  celui 
qu'avaient  pu  atteindre  les  frères  Périer  ;  or, 
chacune  des  deux  nouvelles  pompes  peut 
élever  34.000  mètres  cubes  d'eau  par  a4  heures. 


qu 


398 


HISTOIRE    DU   XYl*  ARRONDISSEMENT 


bassin  de  résenre.  L'eaa  de  Seine  non  filtrée  élefée 
par  les  machines  de  Chaillot  s^emmagasinait  dans 
ces  derniers  ainsi  que  dans  nn  des  bassins  supérieurs  ; 
l'autre,  Toùté  et  ^recouvert  de  terre,  est  réserré  à 
l*ean  de  source.  En  1898  on  y  a  ajouté  un  nourean 
bassin  pour  Tean  de  rivière,  an  niveau  des  bassins 
supérieurs,  et  sis  parallèlement  à  la  rue  Copernic 
derrière  les  maisons  en  bordure  de  cette  rue  (i). 

Les  eaux  de  Seine  ne  servent  plus  aujourd'hui 
pour  les  besoins  domestiques,  auxquels  il  est  pour- 
vu actuellement  au  moyen  d*eaux  de  sources; 
maïs  pendant  la  première  moitié  du  xix*  siècle, 
tontes  les  eaux  potables  distribuées  dans  la  ville 
de  Paris  consistaient  en  eau  de  rivière  filtrée. 
Cette  eau  filtrée  dans  les  fontaines  publiques,  dites 
fontaines  marchandes,  était  approvisionnée  dans 
des  tonneaux  à  bras  par  les  porteurs  d*eau;  à  qui 
mille  litres  étaient  vendus  à  raison  de  90  centimes 
à  1  franc;  ils  la  montaient  à  domicile  au  prix  de 
10  centimes  par  voie  de  20  litres,  ce  qui  faisait 
ressortir  le  prix  du  mètre  cube  à  5  francs,  soit 
environ  quinze  fois  plus  que  ce  qu'on  paie  aujour- 
d'hui. Je  me  souviens  d'avoir  vu,  dans  ma  jeu- 
nesse, les  porteurs  d'eau  monter  la  voie  d'eau 
dans  les  cuisines,  où  ils  versaient  dans  une  fon- 
taine filtrante  (^),  ou  dans  tout  autre  récipient, 
le  contenu  de  deux  seaux  de  métal,  tenus  en 
équilibre  aux  deux  bouts  d'une  barre  de  bois  cin- 
trée reposant  sur  leur  épaule. 

C'est  sur  le  territoire  du  XYI°  arrondissement 
que  furent  établies  les  pompes  à  feu  de  Chaillot  et 
les  réservoirs  des  frères  Périer,  berceau  de  la 
première  distribution  publique,  puis  les  grands  ré- 
servoirs de  Passy  ;  cependant  ces  ouvrages  n'étaient 
destinés  qu'au  service  de  l'ancien  Paris.  Les  habi- 
tants de  Passy  et  d'Auteuil  s'alimentaient  autrefois 
nr  des  puits  creusés  dans  leurs  propriétés  (3), 
usqu'au  niveau  de  la  nappe  aquifere  retenue  par 
'argile,  ou  de  la  nappe  d'infiltration  de  la  Seine. 

Sources  (TÀuteuu,  —  On  désignait  sous  ce 
nom  un  ouvrage  qui  était  situé  rue  de  la  Cure  et 
ob  étaient  réunis,  dans  un  regard,  trois  filets 
d'eau  sulfureuse  et  ferrugineuse,  provenant  des 
drainages  opérés  dans  le  coteau.  De  ce  regard 
partait  une  conduite  en  plomb  de  0'",04i,  qui 
aboutissait  dans  un  réservoir  situé  à  l'angle  de 
la  rue  d'Auteuil  et  de  la  me  Donizetti.  L'eau 
amenée  dans  le  réservoir  (4)  pouvait  être  puisée 


(1)  Les  grands  réservoirs  de  Passy,  qui  ont  été 
conHlniils  sous  la  direction  de  M.  ringénieur  en 
chef   BelKrand,   ont  été   établis   de   manière    à 

f>ouvoir  renfermer  37.100  mètres  cubes  d'eau, 
a  contenance  étant  de  5-700  mètres  cnbes  pour 
le  bassin  supérieur  de  Bel-Air,  10.000  pour  le 
bassin  inférieur  de  Bel- Air,  6.aoo  pour  le  bassin 
supérieur  de  Villejust  (eau  de  source)  ii.«)uo 
pour  le  bassin    inférieur  de  Villeju^st   et    3.900 

Cour  le  bassin  de  réserve.  La  capacité  du  nouveau 
assin  est  de  2X.000  mètre». 
(a)   Le   tarif  actuel  est,  par   mètre   cube,    de 
35  centimes  pour  l'eau    de  source  et    d'environ 
16  centimes  pour  l'eau  de  rivière  (non  filtrée). 

(3)  La  profondeur  de  ces  puits  variait  entre  i3 
et  10  mètres  sur  Auteuil,  entre  ai  et  ay  mètres 
sur  Passy. 

(4)  La  capacité  de  ce  réservoir  n'était  ciiic  de 
i".r)6;  d'après  un  jeaupeagc  datant  de  i8G(j,  le 
débit  du  tuyau  alimentaire  était  d'environ  i^6  mè- 
tres cubes  par  24  honrcs  ;  il  est  probable  que  le 
débit  était  plus  élevé  au  commencement  du 
siècle. 


à  une  fontaine  installée  sur  le  terre-plein  de  la 
place  de  l'ancien  marché  et  munie  d^une  pompe 
à  volant. 

Les  ouvrsji^es  avaient  été  exécutés  par  le  sieur 
Faber,  à  qui  la  commune  d'Auteuil  avait  concédé, 
le  19  ventAse  an  IV,  le  trop-plein  de  la  source 
d'Auteuil,  sous  la  condition  d  établir  divers  tra- 
vaux de  canalisation  et  d'aménagement  et  de  cons- 
truire à  ses  frais  la  fontaine  sur  l'emplaoemeot 
de  l'autel  de  la  Patrie  et  de  l'arbre  de  la  Liberté. 
La  concession  avait  été  définitivement  confirmée 
par  un  arrêté  municipal  du  45  germinal  an  VI, 
constatant  que  le  sieur  Faber  avait  rempli  ses 
euffagements.  La  commune  d'Auteuil  n'avait  droit 
qu  aux  deux  tiers  de  l'eau,  on  tiers  étant  réservé 
à  la  villa  Montmorency  ;  le  partage  d'eau  s'opérait 
dans  la  citerne  placée  au  pied  de  la  fontaine. 

Ouand  les  eaux  de  la  Vanne  furent  introduites 
dans  les  conduites  du  XVI®  arrondissement,  c'est- 
à-dire  vers  1875,  on  alimenta  par  nn  branche- 
ment de  la  canalisation  publique  la  fontaine  dont 
le  débit  diminuait  de  plus  en  plus,  par  suite  du 
développement  des  constructions  exécutées  dans 
ce  quartier.  U  population  parut  regretter  les 
eaux  de  la  source  d'Auteuil  auxquelles  on  attri- 
buait des  propriétés  curatives  (1). 

Usine  d'Auteuil.  —  C'est  vers  18^  que  la 
Société  des  eaux  d'Auteuil  et  des  oommones  envi- 
ronnantes fit  construire  l'usine  d'Autenil  et  les 
petits  réservoirs  cootigus  au  cimetière  de  F^ussy. 

L'usine  d'Auteuil,  qui  vient  d'être  transformée 
pour  recevoir  les  nouvelles  machines  destinées  à 
remplacer  celles  de  Chaillot  et  qui  ne  fonctionnait 
plus  déjà  depuis  quinze  ans,  comprenait,  au  mo- 
ment du  rachat  opéré  en  1857  par  la  Compagnie 
générale  des  eaux  (MM.  A.  Durouret  Cie),  trois 
machines  (2)  et  quatre  pompes.  Cette  usine  d'Au- 
teuil puisait  les  eaux  dans  la  Seine  et  les  refoulait 
dans  les  petits  bassins  de  Passy,  placés  à  48  mè- 
tres au-dessus  du  niveau  du  fleuve  ;  en  outre,  elle 
alimentait  une  cuve  construite  sur  les  terrains  où 
a  été  ensuite  établie  la  gare  d'Auteuil  et  fournis- 
sait l'eau  de  Seine  à  la  commune  de  Boulogne. 

Les  petits  bassins  de  Passy  étaient  divisés  en 
trois  compartiments  dont  un  était  muni  d'un 
filtre  à  sable  ;  l'eau  ainsi  filtrée  n'était  vendue 

au'aux  porteurs  d'eau  ;  la  vente  d'eau  était  située 
ans  les  dépendances  du  réservoir. 

Le  filtre  a  été  supprimé  en  1876,  après  l'intro- 
duction des  eaux  de  la  Vanne  dans  les  conduites 
du  XV^  arrondissement.  Les  petits  bassins  de 
Passy  ont  reçu  depuis  l'eau  de  Seine,  montée  par 

(1)  Il  ne  reste  plus  de  cette  source  qu'un  écou- 
lement intermittent,  qui  se  produit  a  un  [>etit 
oriflce  placé  dans  le  socle  du  lampadaire  situé 
dans  la  villa  Montmorency,  en  face  de  la  grille 
d'entrée  de  la  rue  Poussin.  Le  jet,  froid,  dé- 
^age  une  assez  forte  odeur  d'œufs  et  colore  en 
jaune  la  vasque  de  fonte.  De  temps  à  autre, 
uuelq^ues  fervents  y  viennent  puiser.  En  réalité, 
d'après  l'analyse,  l'eau  serait  plutôt  inefficace, 
lourde  et  indigeste.  Elle  avait  disparu  momenta- 
nément, à  la  suite  de  travaux  de  tranchées 
exécutées  dans  la  villa.  (N.  d.  1.  R-) 

(2)  Ces  machines  à  vapeur  étaient  verticales 
et  à  balancier  ;  leur  marche  était  onéreuse  ;  car 
elles  consommaient,  par  heure  et  par  cheval,  en 
eau  montée,  3i',i5  de  charbon,  tandis  que  les 
niarhifics  modernes  ne  consomment  guère  plus 
d'un  kilogramme. 


Annexes 


399 


la  pompe  à  fea  de  Chaillot;  ils  ne  sont  plus  en 
service  aojoard*hui  et  sont  destinés  à  disparaître 
prochainement. 

Séparation  du  service  public  et  du  sertnce 
privé,  —  La  distribution  d*oaa  a  été  complète- 
ment modifiée  à  Paris  par  suite  de  Fadoption  du 
système  de  la  séparation  des  services  public  et 
privé,  qui  a  été  admise  en  principe,  dès  1854, 
par  le  conseil  municipal,  mais  n*a  pu  être  appli- 
quée au  XVI"  arrondissement  qu'en  1875.  Le  sys- 
tème consiste  à  desservir  les  maisons  au  moyen 
d*eaux  de  source  et  à  n'employer  les  eaux  de  ri- 


réservoirs  d'où  partent  les  conduites  de  distribu- 
tion soient  assez  élevés  pour  que  les  étages  supé- 
rieurs des  maisons  puissent  être  alimentés. 

La  dérivation  des  eaux  de  la  Dhuis,  qui  ont  été 
introduites  pour  la  première  fois  dans  le  réservoir 
de  Ménilmontant  en  1865,  et  celle  des  eaux  de 
la  Vanne,  qui  sont  arrivées  en  1874  dans  le  réser- 
voir de  Montsouris,' constituent  les  premiers  tra- 
vaux exécutés  au  xix"  siècle  pour  Tadduction  des 
eaux  de  source  à  Paris.  Une  conduite  maltresse 
de  0™,60  de  diamètre,  passant  sur  le  pont  de 
TÂlma,  amène  les  eaux  de  la  Vanne  aux  grands 


ANNÉES 

1861 

1869 

1895 

1900 

PoDuIation  de  Paris • 

1.700.000 

1.850.000 

2.512.C00 

2.700.000 

/  Service  public 

60.000 
S5.000 

128.000 
90*.000 

360.000 
173.000 

419.000 
226.000 

Nombre  de  mètres  cubes    \  ^^^^^^     j^^ 

consommés  par  Jour       # 

V                Total 

115.000 

218.000 

533.0C0 

645.000 

/  Service  oublie 

36 
82 

69 

48 

143 
69 

165 
89 

Nombre  de  litres  d'eau     V  g     j        j  ^ 

consommés  par  jom*       <       '       *^  ^  

et  par  haoitant          f 

\                Total 

68 

117 

212 

254 

vière  que  pour  les  besoins  de  la  voie  publi(|ue  et 
de  rindustrie.  Le  service  public  et  le  service  privé  ont 
chacun  des  canalisations  parfaitement  mstinctes 
et  séparées. 

Les  fleuves  et  rivières  sont  contaminés  par 
rapport  des  éffouts  ;  ils  sont  Tinstrument  naturel 
de  transport  des  déjections  de  toute  nature  et  des 
résidus  industriels  ;  dans  les  centres  de  popula- 
tion, Teau  des  puits  peut  être  corrompue  par  des 
infiltrations  de  toutes  sortes,  et  on  sait  que  Teau 
peut  servir  de  véhicule  à  beaucoup  de  germes 
pathogènes  ou  suspects  et  favoriser  ainsi  le  déve- 
loppement de  diverses  maladies  endémiques,  telles 
aoe  les  affections  inflammatoires  du  tube  digestif  : 
ysenterie,  choléra,  fièvre  typhoïde,  etc.  Il  y  a 
donc  un  grand  intérêt  à  affecter  exclusivement 
Teau  de  source  à  Tusage  des  habitants  et  à  n'em- 
ployer l'eau  de  rivière  que  pour  Tarrosage  des 
voies  publiques,  des  squares,  des  plantations,  le 
lavage  des  chaussées,  les  réservoirs  de  chasse  des 
égonts,les  besoins  industriels  (1).  Mais  ce  système 
est  dispendieux  parce  qu'il  augmente  la  longueur 
des  canalisations  et  repose  sur  Tadduction  des 
eaux  de  source.  11  convient,  en  outre,  que  les 

(1)  La  moyenne  annuelle  du  nombre  de  bac- 
térieii  contenues  dans  un  centimètre  cube  d'eau 
est  de  ogo   pour   la  Vanne  (K>scrvoir  de  Mont- 

de 
usine 
pour  la  Seine  près  de  l'usine 
de  Chaillot;  il  dépasse  18  millions  pour  Teau  du 
collecteur  d'Asnieres.  La  qualité  de  l'eau  de 
source  est  donc  très  supérieure  à  celle  de  l'eau 
de  rivière  non  filtrée,  au  point  de  vue  hygiénique. 
Le  filtrage  améliore  la  qualité  des  eaux  de  ri- 
vière ;  mais  aucun  filtre  ne  peut  donner,  d'une 
manière  permanente,  une  enu  comparable  h 
l'eau  de  source  convenablement  choisie.  —  V. 
aussi  Bulletin,  t.  II,  p.  -jX». 


réservoirs  de  Passy  (bassin  supérieur  de  Ville- 
just),  ce  qui  a  permis  de  distribuer,  à  partir  de 
1875,  Teau  potable  dans  les  quartiers  du  XVI°  ar- 
rondissement où  le  terrain  ne  se  trouve  pas  à 
plus  de  45  mètres  au-dessus  du  niveau  de  la  mer. 

Mais  pour  desservir  les  quartiers  plus  élevés, 
c*est-à-aire  la  partie  de  Passy  comprise  au  nord 
de  la  rue  Raynouard  et  de  la  place  duTrocadéro, 
entre  la  rue  de  Ranelagh  et  Tavenue  du  Bois-de- 
Boulogoe,  il  a  fallu  établir,  sous  le  sol  des  boule- 
vards extérieurs,  une  grande  artère  mettant  le 
XVl*"  arrondissement  en  communication  avec  le 
grand  réservoir  de  Ménilmontant  (1).  Les  quartiers 
élevés  de  Passy  ont  ainsi  été  desservis  avec  Teau 
de  la  Dhuis  ou  de  la  Vanne,  de  1875  à  1893, 
c'est-à-dire  antérieurement  à  Texécution  de  la 
dérivation  de  FAvre.  D'ailleurs,  on  n*a  pas  main- 
tenu ce  système  d'alimentation,  qui  laissait  beau- 
coup à  désirer  à  Passy,  étant  donnée  la  situation 
désavantageuse  résultant*  de  ce  que  ce  quartier  se 
trouvait  à  Textrémité  des  conduites  de  distribu- 
tion et  surtout  de  ce  que  la  pression  dans  les 
tuyaux  de  conduite  était  affaiblie  par  le  dévelop- 
pement énorme  qui  s'est  produit  dans  ces  der- 
nières années  pour  la  consommation  en  eau  de 
source,  comme  l'indice  le  tableau  ci-dessus  : 

On  voit  que  l'accroissement  de  la  consommation 

(1)  Si  le   réservoir  de  Ménilmontant,    qui   e^t 

fdacé  à  l'altitude  de  107  mètres,  n'avait  reçu  que 
es  eaux  de  l'aqueduc  de  la  Dhu}rs,  dont  le  déoit 
est  de  ao.ooo  mètres  cubes  par  jour,  il  n'aurait 
pas  suffi  à  cette  extension  de  service  ;  en  con- 
séquence, une  usine  de  refoulement  fut  établie 
à  l'extrémité  de  la  rue  Lafayette,  ce  qui  permit 
de  puiser  chaque  jour  un  cube  d'eau  considé- 
rable dans  la  canalisation  mattresse  de  la  Vanne 
et  de  l'élever  dans  le  réservoir  de  Ménilmontant. 
Ce  régime  a  pris  fin  en  i8;^3,  lors  de  l'arrivée  des 
eaux  de  l'Avre. 


l^OO                                                  HISTOIRE    DU   XVI*  ARRONDISSEMEXT 

d'Ma  Mt  cKon  pins  rapide  que  celui  de  b  popn-  L'MbèTemeiil,  ea  1893,  de  la  dériTeliM  de 

btioa.  La  ruson  prindpale  ta  est  qoe  ju^'à  la  V.Ktn  (prOTenant  da  dêparteBenI  de  l'Eiire)  per- 

Teone  das  eaai  de  source,  od  itait  Migk  de  mil  d'apporter  ane  amitioratioo  tràHwiMedMii 

mooUr  l'eao  i  hrasdlimiM  dau  lo  éU|es  :  le  la  diMnbalioa  d*eaa  da  XVI*  amoditteBCOt  (1). 

ioor  où,  parl'rfittdela  preasioD  dant  les  tnjraoi.  Les  nnx  de  l'A Tre  sont  enaiagastnéM  à  l'ilii- 


rraa  a  pa  s'eleier  ;v;>qa~tai  snbbH  > 
sv«s.  k  ptirtfar  dVia  a  •3.>MrD.  et  la  << 
bM  d(«ê<J>ia*ie*a  et  »atxt*  t  pr»  d 


diamèlre,  en  [ûle  d'acier,  les  amène  &  U  porte  et  i1im>>Dle  les  grands  réservoirs  dePassj,  où  U 

d'Auteoil,  par  laquelle  elles  ealrent  dans  U  capj-  pression  se  tronve  rédnile  d'ennran  35  mètres, 

tile,  en  se  subdÎTUinten  deux  grandes  branches,  La  seconde  branche  se  dirige,  par  les  bouleTanfa 

4ont  la  première,  ayant  an  diamètre  de  i^.lO.  militaires,  vers  le  réserrair  de  Monisonris. 


suit  le  bonlefard  Suchet,  l'avenue  Victor-Hugo  et  La  première  branche  de  la  dérÎTation  de  I'Atts 
ensuite  les  bnnlefards  extérieurs,  pour  se  jonc-  alimente  directement,  en  ean  potable,  les  qaariiers 
tionDerprèsdiibouleTardMaEentaaTecUcDDduile  les  plus  életès,  c'esta-dire  la  partie  de  Passjr 
maîtresse  de  HéoilmontaDt  ;  de  celte  première  comprise  entre  la  rue  do  Kanelagb,  la  rue  Ray- 
branche  se  détache  une  conduite  de  0'".60  de  dia-  nacard,  la  place  et  l'aTcoue  du  Trocadéro.  Les 
mètre,  qui  est  placée  sous  le  sol  de  la  rue  Copernic  grands  rèserroirs  de  Passv  (  Villejost  )  euToient 


4o2 


Histoire  du  Xvi*  ARRONDissEMENt 


Teau  de  l'Avre  dans  le  Quartier  des  Ternes  et  jus- 
qa*à  l'avenue  du  Bois-de-Boulogne.  La  partie  de 
Passy  qui  se  trouve  dans  le  voisinage  de  la  Seine, 
le  quartier  d'Auteuil  et  celui  de  Grenelle  sont  ali- 
mentés en  eau  potable  par  la  Vanne. 

Alimenlation  actuelle  en  eaux  de  rivière. 
—  Le  service  public  est  fait,  dans  le  quartier  de 
Grenelle,  au  moyen  des  eaux  de  TOorca,  mais 
dans  tout  le  XYJ*  arrondissement,  c'est  1  eau  de 
Seine  qu'on  emploie  pour  ce  service. 

Il  a  été  dit  ci'dessus  que  les  grands  réservoirs 
de  Passy  recevaient  Peau  pompée  en  Seine  pur 
Pusine  de  Qiaillot;  ils  recevront  désormais  la  même 
eau  de  la  nouvelle  usine  d*Auteuil  par  une  con- 
duite de  refoulement  unique  de  0"\90  de  diamètre 
qui  suit  Tavenue  de  Versailles,  traverse  le  parc 
du  Trocadéro  et  va  rejoindre  avenue  dléna  les 
deux  anciennes  conduites  ascensionnelles  de  0*^,60 
de  diamètre  de  Pusine  de  Chaillot. 

Quand  le  plan  d*eau  dea  réservoirs  est  peu 
élevé  au-dessus  du  sol,  ils  ne  peuvent  pas  des- 
servir convenablement  les  parties  situées  aux 
abords  immédiats  de  ces  bassins  :  c'est  pour  ce 
motif  que  la  partie  haute  de  Passv  (située  entre 
la  place  du  Trocadéro,  la  rue  de  Passy  et  la  rue 
de  la  Pompe)  est  alimentée  directement,  en  eaux 
de  Seine,  par  la  conduite  maltresse  venant  du 
réservoir  de  ViUejuif,  en  attendant  l'amélioration 
projetée,  qui  consistera  daos  un  service  spécial 
surélevé  commandé  par  l'usine  d'Auteuil. 

Les  grands  réservoirs  de  Passy  alimentent,  en 
eau  de  Seine  :  1<*  la  partie  du  XVl*'  arrondisse- 
ment située  à  l'est  de  l'axe  des  jardins  du  Troca- 
déro, de  la  place  du  même  nom,  de  l'avenue 
Malakoff,  de  la  place  Victor-Hugo  et  d'une  ligne 
tracée  parallèlement  à  l'avenue  Bugeaud  ;  2*  l'ex- 
trémité de  Pavenue  Victor- Hugo  (dans  le  voisi- 
nage de  la  station  Henri-Martin)  et  la  partie 
située  entre  le  chemin  de  fer  de  ceinture,  près 
de  cette  station  et  des  forliOcations  (avenues  Ra- 
phaël, Ingres  et  Prudhon). 

Le  surplus  du  XV1°  arrondissement,  compre- 
nant tout  le  quartier  d'Auteuil,  est  alimenté  en 
eau  de  Seine,  pour  le  service  public,  par  les  petits 
réservoirs  de  Passy. 

La  consommation  d'eau  de  source  est  beau- 
coup plus  forte  en  été  que  pendant  la  saison 
froide;  il  résulte  de  ce  fait  que,  pendant  la  plus 

Srande  partie  de  l'année,  dix  mois  environ  sur 
onze,  les  abonnés  n'absorbent  pas  toute  la  quan- 
tité d'eau  de  source  fournie  par  les  dérivations, 
et  c'est  à  Passy  que  s'opère  le  déversement  dans 
le  service  public  du  cube  d'eau  d'Avre  qui  n'est 
pas  utilisé  par  le  service  privé  et  qu'il  convient 
d'affecter  en  ce  cas  au  service  public,  afin  de 
diminuer  le  travail  des  machines  et  des  pompes. 
Deux  canalisations  de  0,60  et  de  0,92  reçoivent 
cette  eau  et  la  dirigent  l'une  sur  le  réservoir  de 
ViUejuif,  par  le  pont  d'iéna,  et  l'autre  vers  le 
réservoir  de  Gharonne.  Enfin,  lorsque  la  consom- 
mation de  l'eau  de  source  se  réduit  dans  de  telles 
proportions  que  les  différentes  conduites  maîtres- 
ses de  distributions  d'eau  de  rivière  ne  sufdsent 
plus  à  absorber  l'excédent  disponible,  le  service 
public,  au  lieu  d'être  fait  par  les  bassins  inférieurs 
des  graads  réservoirs  de  Passy,  s'accomplit  par 
Les  bassins  supérieurs,  ce  qui  produit  un  supplé- 


ment de  pression  d'environ  3™  ,50  et  une  augmen- 
tation de  débit  de  près  de  20.000  mètres  cubes 
par  24  heures. 

Fonctionnement  des  grands  réservoirs  de 
Passy,  —  Les  réservoirs  de  Paris  sont  disposés 
de  manière  à  pouvoir  être  alimentés  de  diverses 
façons,  suivant  les  circonstances  ;  sans  cette  pré- 
caution, le  moindre  accident  sufHrait  pour  inter- 
rompre la  distribution  des  eaux.  Les  divers  com- 
partiments des  grands  réservoirs  de  Passy  peuvent 
recevoir  : 

l**  L'eau  de  la  dérivation  de  l'Avre,  qui  y 
aboutit  directement  par  la  canalisation  de  la  rue 
Copernic  ; 

t*  L'eau  de  la  dérivation  de  la  Vanne,  qui  y  est 
amenée,  au  besoin,  par  la  conduite  du  pont  de 
l'Aima  ; 

3*  L'eau  de  la  dérivation  de  la  Dhnis  et  Peau 
relevée  de  la  dérivation  de  la  Vanne,  le  réservoir 
de  Villejust  pouvant  être  mis  en  communication 
avec  ces  eaux  par  Ja  canalisation  de  l'avenue  Vie- 
tor-Hueo  ; 

4°  L  eau  de  Seine,  pompée  par  l'usine  d'Au- 
teuil et  qui  est  directement  refoulée  dans  ces 
réservoirs  ; 

5®  L'eau  de  Seine  pompée  à  Ivry,  par  l'inter- 
médiaire du  résersoir  de  ViUejuif  et  de  la  canali- 
sation du  pont  d'Iéna  ; 

6^  L'eau  de  Seine  pompée  à  Bercy  et  refoulée 
d'abord  dans  la  cuve  de  la  place  Saint-Pierre,  à 
Montmartre  ;  cette  dernière  eau  peut  être  amenée 
par  la  canalisation  dite  de  Lariboisière,  qui  se 
détache  à  l'avenue  Friedland  de  la  conduite  réunis- 
sant les  grands  réservoirs  de  Passy  à  ceux  de 
Gharonne. 

Un  pareiUe  variété  d'alimentation  procure  une 
grande  élasticité  pour  la  distribution  générale  des 
eaux  ;  d'ailleurs  les  services  en  eau  de  source  et 
en  eau  de  Seine  sont  complètement  séparés,  sans 
communication  possible  de  l'eau  de  Seine  avec 
l'eau  de  source,  mais  avec  faculté  du  déversement 
des  eaux  de  source  surabondantes  dans  les  bassins 
alimentés  en  eau  de  Seine. 

Quand  le  temps  se  met  au  froid,  la  consomma- 
tion diminue,  et  on  en  profite  pour  réduire  le 
volume  d'eau  à  élever  par  les  machines,  en  recu- 
lant les  Umites  d'influence  des  grands  réservoirs 
de  Passy  jusqu'au  pied  du  coteau  de  Gharonne, 
sur  la  rive  droite,  et  jusqu'à  l'avenue  du  Maine, 
sur  la  rive  gauche. 

Si,  au  contraire,  la  chaleur  se  manifeste  avec 
une  grande  intensité,  les  services  de  lavage  de- 
viennent plus  exigeants,  en  même  temps  que  le 
produit  des  dérivations  d'eau  de  source  doit  être 
entièrement  consacré  aux  besoins  domestiques  ;  U 
résulte  de  cette  situation  que  Passy  a  besoin  d'être 
soutenu,  et  on  emploie,  par  ordre  de  priorité,  les 
moyens  suivants  pour  donner  au  service  public  un 
volume  suffisant  d'eau  de  rivière  : 

1^  Ouverture  de  la  communication  avec  le  ré- 
servoir de  Villejuif.aUmenté  par  les  i  .700  chevaux- 
vapeur  de  l'usine  dlvry  ; 

2"^  Renforcement  par  la  cuve  de  Montmartre, 
sur  laquelle  refoule  l'usine  de  Bercy  (600  che- 
vaux) ; 

3^*  Mise  en  marche  simultanée  des  machines  de 
l'usine  d'AuteuU  (450  chevaux). 


ANNEXÉS 


4o3 


Si  un  accident  se  produit  sur  la  canalisation 
maîtresse  de  TAvre,  la  Vanne  et  la  Dhois  accom- 
plissent seules  le  service  des  eaux  potables. 

Si,  au  contraire,  c'est  la  Vanne  qui  fait  défaut, 
pour  arriver  à  son  secours,  Passy  fournit  Teau 
nécessaire  par  la  canalisation  du  pont  de  TAlma. 
Beaucoup  d'autres  cas  peuvent  se  produire, 
notamment  si  des  conduites  viennent  à  se  rompre. 
Le  service  est  très  complexe  et  demande  beaucoup 
de  soin,  car  Texécution  de  manœuvres  intempes- 
tives présenterait  de  graves  inconvénients  ;  si, 
d*ailleurs,  l'ouverture  d  une  communication  entre 
réseaux  différents  apporte  une  amélioration  dans 
le  réseau  le  plus  bas,  elle  cause  dans  l'autre  une 
dépression  qui  ne  doit  pas  être  excessive.  Le 
maniement  de  la  distribution  d'eau  de  Paris  est 
donc  des  plus  délicats,  il  exige  une  sûreté  de  lou- 
che que  seule  peut  donner  une  longue  expérience. 
PuiU  artésien  de  Passy.  —  Le  forage  du  puits 
artésien  de  Passy  (i),  qui  se  trouve  dans  le  square 
Lamartine,  près  de  l'avenue  Henri-Martin,  a  été 
entrepris  à  la  suite  du  succès  constaté  du  puits 
artésien  de  Grenelle.  Il  a  été  confié,  par  un  traité 
du  44  juillet  1855,  au  sondeur  saxon  Kind.  La 
couche  des  sables  aquifères  fut  atteinte,  en  1861, 
à  STG'^JO  an-dessous  du  sol  (soit  à  523"',53  au- 
dessous  du  niveau  de  la  mer  (2),  et  à  12">,53 
plus  bas  qu'à  Grenelle). 

Le  débit  ^uotiden  du  puits  de  Grenelle  fut 
réduit  d'un'  tiers,  dès  1861,  par  suite  du  fonc- 
tionnement du  puits  de  Passy,  dont  le  produit, 
par  24  heures,  s'est  élevé  d'abord  à  20.000  mètres 
cubes,  a  subi  au  début  de  nombreuses  oscillations, 
s'est  fixé  longtemps  à  environ  8.000  mètres 
cubes  et  n'est  plus  que  de  4.500  mètres  cubes 
en  1897. 

L'eau  du  puits  artésien  de  Passy  est  tiède  (en- 
viron 28  degrés  ;  il  est  difficile  d'abaisser  la  tem- 
pérature  de  grandes  masses  d'eau  ;  d'ailleurs, 
l'eau  du  puits  n'est  pas  aérée,  c'est-à-dire  qu'elle 
est  dépourvue  d'ox^fgèue;  elle  ne  renferme  qu'une 
très  faible  proportion  de  carbonate  de  chaux  et 
d'acide  carbonique,  ce  qui  lui  donne  un  goût 
fade.  Elle  ne  doit  donc  pas  être  employée  comme 
eau  potable;  elle  conviendrait  plus  aux  usines 
qu'aux  usages  domestiques  et  serait  susceptible 
d'être  utilisée  pour  des  bains  ou  des  lavoirs,  ainsi 
que  pour  des  arrosages,  ce  qui  faciliterait  le  la- 
vage des  ruisseaux  quand  le  temps  est  assez  froid 
pour  faire  craindre  la  gelée. 

Une  conduite  en  fonte  de  0">,50  de  diamètrç 
prend  actuellement  les  eaux  du  puits  artésien  de 
Passy  et  les  envoie  dans  le  bois  de  Boulogne,  oti 
elles  concourent  à  l'alimentation  des  lacs  (3). 

Fontaines.  —  Le  XVI^  arrondissement  pos- 
sède :  21  fontaines  à  repoussoir,  mises  à  la  dis- 
position des  habitants  dans  les  quartiers  ou  les 
maisons  ne  sont  pas  pourvues  d'abonnements  — 
4  fontaines  Wallace,  à  débit  réduit,  permettant 

(i)  Voir  la  note  sur  le  pulls  arlésim  de  Passy, 
due  à  M.  Léopold  Mar,  pp.  2i3  à  2iô  du  II*  volume 
du  Bulletin  de  notre  Société. 

(2)  Le  puits  de  Passy,  aui  débouche  au  square 
Lamartine,  est  revêtu  en  nois,  avec  un  diamùtre 
de  o"* .80  jusqu'à  la  prorondeur  de  55u  mètres;  au 
delà,  il  a  un  diamètre  de  o",7o  et  le  tubage  est  en 
lOle  de  o'°,02  d'épaisseur. 

(3)  V.  Bulletin,  vol.  111,  p.  3i. 


aux  passants  de  s'abreuver  —  3  fontaines  monu- 
mentales, dont  la  plus  importante  est  la  cascade 
du  Trocadéro,  qui  débite  à  l'heure  1.273  mètres 
cubes,  tandis  que  les  beaux  jets  de  la  place  de  la 
Concorde  n'exigent  ensemble  que  330  mètres  cubes 
à  l'heure.  L'eau  jaillissant  de  la  gerbe  du  rond- 
point  du  Trocadéro  est  amenée  par  une  galerie 
spéciale  à  la  cascade,  d'où  elle  gagne  des  con- 
duites qui  la  versent  dans  les  canalisations  d'eau 
d'Ourcq  du  Champ  de  Mars;  elle  y  sert  finalement 
à  l'arrosage. 

L'aquarium  du  Trocadéro,  siège  de  l'établisse- 
ment de  pisciculture,consomme  par  jour  1.110  mè- 
tres cubes  d'eau  de  source  (1). 

Améliorations  projetées.  —  La  population 
des  dix  premiers  arrondissements  de  Paris  était 
de  1.010.970  habitants  en  1886  et  de  1.0U8.170 
en  1896;  elle  est  donc  restée  stationnaire  dans 
cette  première  zone  depuis  dix  ans  ;  mais  dans  la 
seconde  zone  (du  XI*  au  XX*  arrondissement)  elle 
a  passé  de  1.333.580  habitants  en  1886  à 
1.503.785  habitants  en  1896,  soit  une  augmen- 
tation de  170.000  âmes;  d'ailleurs,  le  nombre 
d'habitants  par  hectare  n'est  que  de  273  dans  la 
seconde  zone,  tandis  qu'il  s'élève  à  438  dans  la 
première.  Ces  chiffres  semblent  indiquer  que  là 
population  s'augmentera  encore  d^ins  la  seconde 
zone,  qui  forme  la  périphérie  de  Paris  et  a  été 
annexée  en  1860;  en  même  temps  il  parait  cer- 
tain que  la  consommation  d'eau  continuera  à  croî- 
tre plus  rapidement  que  la  population.  Il  faudra 
augmenter  les  quantités  disponibles,tant  en  eau  de 
source  qu'en  eau  de  rivière.  La  dérivation  des  sour- 
ces du  Loing  et  do  Lunain,  votée  en  1897  et  misé 
en  service  en  1900, est  bien  loin  de  suffire  aux  be- 
soins nouveaux  du  service  privé  et  dans  un  avenir 
peu  éloigné  de  nouvelles  amenées  d'eau  de  source 
devront  être  entreprises. 

Cependant  Le  XVl*  arrondissement  est  aujour- 
d'hui très  convenablement  desservi  en  ce  qui  con- 
cerne les  eaux  de  source;  mais  le  réseau  des 
eaux  de  rivière  a  encore  besoin  d'y  être  amélioré 
et  étendu. 

L'importance  du  grand  réservoir  de  Passy,  déjà 
augmentée  par  la  juxtaposition  du  nouveau  bassin 
établi  en  lo98  sur  un  terrain  acheté  depuis  long- 
temps pour  cette  destination,  est  appelée  à  s'ac- 
croître encore  par  suite  de  l'établissement  projeté 
d'un  service  haut  en  eau  de  Seine  surélevée. 

Enfin  la  nouvelle  usine  d'Auteuil  va  renfermer 
—  outre  les  deux  machines  qui  remplacent  celles 
de  Chaillot  —  une  machine  spéciale,  permettant 
d'élever  18.000  mètres  cubes  par  24  heures,  pour 
le  service  du  bois  de  Boulogne,  dont  les  besoins 
s'accroissent  progressivement  :  on  évitera  ainsi  le 
long  circuit  que  font  les  eaux  de  la  Seine  pour 
aller  d'Ivry  au  réservoir  de  Villejuif,  puis  à  celui 
de  Passy  et  finalement  au  bois. 
On  trouvera  des  renseignements  très  détaillés 

(i)  D'après  le  récolcment  arrêté  le  3i  dé- 
cembre 1^)6  pour  les  conduites  et  les  princi- 
paux appareils  en  service,  le  XV1«  arrondisse- 
ment  possédait  à  cette  date  :  65i  bouches  de 
lavage,  1.147  bouches  d'arrosaj?e,  44^  bouches 
d'incendie,  vji  réservoirs  de  chasse  pour  le  la- 
vage des  égo\ils  et.  en  nombres  ronas.  38  kilo- 
mètres de  conduites  enterrées  et  i<S5  kilomètres 
de  conduites  sous  galerie. 


4o4 


HISTOIRE   DU  XVI'  ARRONDISSEMENT 


et  fort  intéressants  sur  la  situation  actuelle  et  sur 
les  besoins  futurs  de  la  distribution  des  eaux  à 
Paris,  dans  la  brochure  de  M.  Ernest  Gay,  con- 
seiller municipal  (Porte-Dauphine),  notre  collègue, 
et  intitulée  :  Etude  et  programme  pour  le  com- 
plément de  V alimentation  de  Pans  en  eaux  de 
source  et  de  rivière  jusqu*en  i9S0,  Cette  bro* 
chure,  dont  Tauteur  a  gracieusement  offert  un 
exemplaire  aux  archives  de  notre  Société,  a  été 
imprimée  à  la  Bourse  du  commerce,  33,  rue  Jean- 
Jacques-Ronsseau  (Ch.  Bivort),  en  4898. 

AUCUSTE  DONIOL. 


MADAME  CARNOT 

Mme  Cnrnot  a  voulu  reposer  au  cimetière  de 
Pansy.  Elle  fui  la  femme  que  tous  savent.  Noire 
BuUeiin  croit  remplir  un  devoir  envers  sa  mé- 
moire en  lui  conHacrant  les  lignes  suivantes, 
extraites  du  discours  prononce  par  M.  Arthur  Des- 
jardins, président  de  i  Académie  des  Sciences  mo- 
rales et  politiques,  dans  la  séance  publique  an- 
nuelle du  samedi  3  décembre  1898. 

€  Une  femme  de  grand  cœur,  qui  portait  arec 
une  noblesse  d'âme  admirable  le  deuil  d*un  vrai 
citoyen,  Mme  Carnot,  avait,  tous  le  savez,  pris 
depuis  plusieurs  années  une  part  utile  à  la  croi- 
sade contre  le  paupérisme  en  donnant  à  notre 
Académie  une  somme  assez  forte  pour  lui  per- 
mettre de  distribuer  tous  les  ans  des  bourses  de 
300  francs  à  cinquante-cinq  veuves  d'ouvriers 
que  recommandaient  particulièrement  leur  grande 
misère,  le  nombre  de  leurs  enfants,  leur  esprit 
d*abn^ation.  Comme,  Tan  dernier,  une  somme 
de  3.D0O  francs,  envoyée  sous  une  enveloppe 
discrète  qu'encadrait  une  large  bordure  noire, 
nous  mettait  à  même  d'accorder  il  secours  sup- 
plémentaires ;  une  dernière  somme  de  500  francs 
nous  était  en  outre  adressée  par  le  Grand 
Cercle.  Bref,  nous  pouvons  distribuer  aujourd'hui 
74  bourses.  Nous  avions  reçu  588  demandes  en 
1896  ;  nous  en  avons  reçu  820  pour  le  concours 
de  4898  ;  encore  à  peine  le  délai  de  rigueur 
pour  le  dépôt  des  demandes  (31  décembre  1897) 
etait-il  expiré  que  150  pétitions  nouvelles  af- 
fluaient au  secrétariat.  Les  secours  se  répartis- 
sent entre  29  départements,  dont  14  ne  figuraient 
pas  sur  la  précédente  liste.  En  thèse  générale,  nous 
éliminons  toutes  les  familles  qui  comptent  moins 
de  5  enfants  ;  c'est  ainsi  que,  sur  les  74  familles 
secourues,  nous  n'en  avons  admis  aucune  de 
moins  de  4  et  nous  en  avons  admis  seulement  7 
de  4  enfants  par  des  motifs  très  exceptionnels  : 
par  exemple  la  mort  du  père  survenue  dans  l'hé- 
roïque accomplissement  d'un  devoir  professionnel, 
la  maladie  de  la  mère,  les  infirmités  des  enfants 
eux-mêmes.  Nous  apprenons  avec  une  précision 
terrible,  en  étudiant  ces  nombreux  dossiers,  par 
des  exemples  pris  dans  les  régions  les  plus  di- 
verses, jusqu'à  quel  point  est  souvent  lamentable 
la  situation  d'une  famille  ouvrière,  sans  patri- 
moine et  sans  épargne,  à  dater  du  jour  oii  dis- 
paraît le  père  qui  la  faisait  vivre,  et  nous  adres- 


sons on  adieu  suprême  de  reconnaissance  &  la 
femme  qui,  sentant  la  profondeur  d'une  telle 
plaie,  fonda  cette  œuvre  de  bienfaisance  nationale. 
<  Notre  reconnaissance  et  notre  émotion  se 
sont  encore  accrues  quand  on  nous  a  lu,  dans  la 
séance  du  22  octobre,  cet  extrait  du  testament 
de  Mme  Carnot  :  <  Je  veux  que  ma  double  ri- 
vière de  diamants  et  mes  gros  boutons  d'oreilles 
soient  vendus  le  plus  avantageusement  possible 
et  que  le  prix  en  soit  versé  de  ma  part  à  la  fon- 
dation Carnot.  Je  désire  faire  à  cette  œuvre  un 
legs  de  50.000  francs,  mes  enfants  ajouteront 
le  nécessaire  si  les  diamants  n'atteignent  pas  ce 
chiffre.  5  août  1898.  Cécile  Carnot.  >  Telle 
devait  être  la  destination  finale  de  ces  bijoux 
achetés  et  portés  exclusivement  pendant  que 
M.  Carnot  était  chef  de  l'Etat.  On  les  vend  aux 
enchères  aujourd'hui  même,  pendant  que  je  vous 
parle.  L'histoire  a  conservé  la  réponse  de  cette 
dame  romaine  k  qui  l'on  demandait  de  montrer 
SCS  bijoux  et  qui  fit  venir  ses  enfants  :  Tibérius 
et  Caïw  Gracchus.  Si  l'on  demande  jamais  aux 
enfants  de  Mme  Carnot  oU  sont  les  bijoux  de  leur 
mère,  i*s  pourront  montrer  les  pauvres.  » 


L'ARCHITECTE    BLOUET 

Guillaume-Abel  Blouet,  architecte  français, 
naquit  à  Passy,  le  6  octobre  1795.  11  mourut  à 
Paris  le  11  mai  1853.  Le  don  que  nous  a  fait 
notre  collègue,  H.  Huber,  d'une  médaille  qui 
reproduit  ses  traits  (1),  le  soin  qu'a  pris  M.  Mar 
de  la  dessiner,  nous  ont  conduit  à  rechercher  pour 
la  Société  historique  ce  qu'avait  été  G.-A.  Blonet. 

M.  Achille  Hermant,  dans  une  notice  intéres- 
sante, a  retracé  assez  longuement  les  travaux  et 
la  vie  de  Blouet.  Notre  cadre  ne  nous  en  permet 
qu'une  courte  analyse.  C'est  le  moins  qui  soit  dû 
à  cet  enfant  de  l'ancienne  commune  de  Pas^. 

Son  maître  en  arrJiitecture  avait  été  Pierre- 
Jules  Delespine  (1756-1825),  descendant  de 
Mansart,  constructeur  du  marché  des  Blancs- 
Manteaux,  membre  du  Conseil  des  bâtiments  ci- 
Tils  et  de  l'Institut.  Blouet  fut  un  élève  hors  ligne, 
avant  de  passer  maître  lui-même.  A  l'Ecole  des 
Beaux- Arts,  il  obtint  six  médailles,  le  secon  dgrand 
prix ,  et  enfin  le  premier  grand  prix  de  Home  en  1 821 . 

A  la  deuxième  période  de  sa  vie,  celle  de  son 
séjour  à  Rome,  nous  voyons  Blouet  étudier  les 
monuments  de  l'antiquité  arec  une  assiduité  qui 
allait  être  couronnée  du  plus  grand  succès.  Ses 
patients  efforts,  ses  laborieuses  et  savantes  recher- 
ches eurent  pour  résultat  un  enroi  à  l'Académie 
qui  fut  immédiatement  jugé  par  elle  hors  de  pair  : 

(1)  Gravée  par  Domard  (1792-1858).  —  Grand 
prix  de  Rome  (médailles  et  pierres  fines),  élève 
de  JoiifTmv  et  de  Carteller.  —  Ses  médailles  sont 
des  chers-d'œuvre  comparables  h  ce  que  l'art 
monétaire  a  produit  de  plus  noble  et  de  plus 
frranô.  Parmi  les  plus  belles  on  cito  justement 
celles  de  Carlelier,  Percier.  BloueL  Molière.  Vol- 
taire, el  celle  de  l'Exposition  Universelle  de 
Londres,  dont  la  Monnaie  de  Paris  conserve  le 
poinçon. 


U  restaontion  d«8  iheimei  d'Antooia  Csracalla. 
L'habilelè,  l'inUlligeDee  de  l'art  antique  éclatent 
de  toutes  parts  dins  cette  ingénieuse  et  vsste  pn>- 
dnction.  La  seclioD  d'arcbitectnre  de  l'Académie 
obtint  que  ce  travail  fût  publié  lux  frais  du  pou- 
Ternement  ;  la  publication,  en  grand  in-fotia,  dura 
trois  années,  de  48^7  i  ISIJO. 

Troisième  période  :  Bloael  entre  dans  h  pra- 
tique. L'Académie  le  désigne  comme  chef  dei 
artittas  attachés  1  l'eipéditioD  Bcienlifique  de 
Horée.  Il  a  décrit  set  découvertes  et  précisé  teor 
portée  dau  trois  volumes  in-folio,  où  sa  science, 


xEs  4a5 

divers  od  l'on  discerao,  toujours  avec  le  goùl  le 
plus  sûr,  un  sens  d'adaptation  remarquable.  Ran- 
{lelons  que  c'est  ï  Blouet  qu'on  doit  la  tombe  de 
Casimir  Delavigae,  celle  de  Bellioi.  C'est  loi  qui 
a  construit  la  colonie  atiricole  de  jeunes  détenus 
de  Mettra;,  module  du  genre.  (1  a  restauré, 
agrandi  ou  embelli  le  palais  et  les  jardins  de  Fon- 
tainebleau ;  il  a  contribué  k  la  décoration  de 
nombreoses  fêtes  publiques.  Ses  études  de  prisons 
ont  servi  de  type  i  un  grand  nombre  de  nos  péni- 
tenciers modernes.  Il  a  toucbé  aux  genres  les  plus 
divers,  avec  le  même  boobear  et  le  mémo  éclat, 


Mtdaillon  UAbcl  BloueU 


on  l'infailliliililé  de  son  exanvcD  et  de  son  juge- 
ment sont  marquées  d'une  touche  indélébile. 

Quatrième  période  :  Blonet  professeur.  Sïs 
éminentes  qualités  firent  de  lui  un  professeur 
ëmérile,  modéré,  éclectique.  Pour  ses  andilears, 
il  n'allait  pas  jnsqu'i  l'enseignement  exclusif  de 
l'art  romain  et  de  l'art  grec  ;  il  disait,  au  con- 
traire, que  iout  ce  qui  éuit  beau,  d'où  qu'il 
Tint,  devait  être  étudié.  Ses  idées  et  son  goût 
personnels,  toutefois,  penchaient  toujours  vers  tes 
premières  étodes.et  la  direction  de  son  alelierincli- 
nail  i  l'imitation  préférée  de  Rome  et  de  la  Grèce. 

Il  avait  eu  de  nombreux  élèves  dès  son  retour 
de  Rome  ;  les  jeunes  artistes  venaient  en  foole 
■oUiciter  ses  conseils  et  ses  leçons.  Hais  ce  fat 
seulement  en  1846  qu'il  aborda  renseignement 
public.  Baltard  père  venait  de  mourir  :  la  chaire 
de  Théorie  de  rArchitecture  èchnt  à  Blouet, 
qui  étendit  alors  sou  ensei|tnement.  lui  imprima 
un  raraetère  plus  général,  plus  pratiaue. 

Membre  de  l'institol,  on  a  de  lui  att  ouvrages 


Mais  voiâ  oii  Blouet  est  bien  vraiment  un  fils 
du  XVI'  arrondissement,  plus  que  par  le  hasard 
de  la  naissance  t  Passy  :  c'est  lui  qui  a  achevé 
l'arc  de  triomphe  de  l'Ëtoile.  Cette  Œuvre  sufli- 
rait  ï  marquer  la  place  de  Bboel  parmi  les  plus 
célèbres  arcfaiiecles  dn  xix*  siècle,  mainlenaut 
disparu  dans  le  passé. 

Faut-il  rappeler  ici  brièvement  l'histoire  de  ce 
monument,  que  Blouet  termina? 

Napoléon  I*'  en  avait  dècréié  la  construction 
le  18  février  1806.  Elle  fut  mise  au  concours. 
Le  concours  ne  donna  pas  de  résultats.  Raymond 
et  Cbalgrin  furent  alors  chargés  de  fdire  de  nou- 
velles études.  Hatheoreusement  elles  furent-pré- 
cipitées  et  incomplètes,  tant  on  avait  hâte  d'ache- 
ver les  fondations  et  de  célébrer  la  pose  de  la 
première  pierre  pour  le  15  août  1806,  anniver- 
saire de  là  naissance  de  l'empereur  ;  ce  qui  eut 
lieu,  en  effet.  Puis  un  désaccord  surgit  entre  les 
deux  architectes  sur  l'ornementation  des  façades. 
Le  31  octobre  1R08,  Cbalgrin  resta  seul  chir|é 


/«o6 


HISTOIRE    DÛ   XVr  ARRONDISSEMENT 


dn  monument;  mais  il  mourait  le  20 janvier  1811, 
alors  que  la  hauteur  de  6  mètres  au-dessus  da 
sol  n*élait  pas  encore  atteinte.  Son  élève  et  suc- 
cesseur, Goust,  suivit  ses  dessins,  ei  Tédification 
des  arcs  allait  être  commencée,  lorsque  Tannée 
1814  arriva.  Louis  XVIU,  avec  Tarrière-pensée 
peut-être  de  transformer  le  monument,  commença 
par  faire  détruire  les  échafaudages.  En  1823,  il 
fît  reprendre  le  grand  arc,  qui  dut  être  consacre 
aux  souvenirs  de  la  guerre  d'Espagne.  Goust  eut 
de  nouveau  la  direction  des  travaux  ;  Huyot  lui 
fut  adjoint  pour  la  décoration.  Bientôt  destitué 
pour  avoir  voulu  trop  remanier,  ce  dernier  fut 
remplacé  par  une  commission  (1)  qui  seconda 
bien  Goust,  mais  non  sans  modifier  Tentablemput 
et  la  grande  voûte.  Goust  se  retira  en  1830. 
Huyot,  réintégré  depuis  1828.  allait  introduire 
dans  la  frise  des  scènes  où  auraient  6garé  Charles  X 
et  le  duc  d'Angoulème,  quand   Louis-Philij)pe 
s*empressa  de  rendre  le  monument  à  sa  première 
destination.  C'est  alors  que  Blouet  (1832)  rem- 
plaça Huyot  et  termina  Tédifice.  L'inauguration 
en  eut  lieu  le  29  Juillet  1836.  Il  avait  coûté 
9.051.114  francs. 

Huyot  paraît  s'être  arrêté  au  socle  de  l'attique. 
L'attique  est  donc  de  Blouet  :  il  est  surmonté 
d'une  corniche  dentelée,  terminée  par  un  garde- 
corps  en  têtes  de  Médase. 

En  1840,  à  l'occasion  de  la  translation  des 
cendres  de  Napoléon,  Blouet  figura  en  peinture 
l'empereur  debout  sur  un  trophée  qui  couronnait 
la  plate-forme. 

Une  critique  a  été  faite  de  l'arc  de  triomphe  ; 
nous  avons  Quelque  raison  de  la  mentionner.  Le 
style,  a-t-on  dit,  manque  d'unité.  L'ensemble  est 
romain,  l'ornementation  est  grecque.  La  partie 
supérieure  serait  trop  délicatement  ornée,  tandis 
que  la  base  est  très  sévère,  très  simple,  quelques- 
uns  ont  dit  trop  lourde.  La  critique  a  été  même 
poussée  jusqu'au  point  de  se  formuler  en  ces 
termes,  dans  un  article  récemment  paru. 

«  liO  couronnement  dentelé  qui  sert  de  balus- 
trade et  d'acrotère  à  la  terrasse,  ce  couronnement 
est  mesquin  ;  l'attique  et  tout  l'entablement  le 
sont  également.  La  corniche  manque  d'ampleur  et 
de  saillie  ;  elle  n'est  pas  dans  la  proportion  des 
autres  membres  de  l'édifice.  La  frise  où  chemi- 
nent les  armées  est  trop  étroite.  L'architecte  n'a 
pas  calculé  ses  dimensions  en  raison  de  la  hauteur 
du  monument...  » 

Nous  avouons  manquer  de  compétence  pour 
juger.  Nous  avons  cité  avec  impartialité.  11  y 
aurait  beaucoup  à  dire,  pour  et  contre,  sur  le 
grandiose  monument,  dont  nous  esquissons,  à 
trop  grands  traits  sans  doute,  une  physionomie 
un  peu  exclusive,  en  ce  qui  touche  simplement  la 
part  qui  y  revient  à  Blouet.  En  insistant  précisé- 
ment sur  ce  fait  que  la  partie  supérieure  est  son 
œuvre  propre,  peut-être  pourra-t-on  tirer  de  la 
critique  cet  éloge  qu'il  a  su  achever  avec  la  mar- 
que ae  son  génie  personnel  une  colossale  construc- 
tion dont  il  n'avait  pas  été  appelé  à  harmoniser 
les  diverses  parties,  déjà  exécutées  avant  lui. 

fO  Klle  était  composée  do  Percier,  Dehret,  Guy 
(le  Gisors,  Labarre  et  Fontaine. 


Au  surplus,  n'y  a-t-il  pas  quelque  ^rt  un  projet 
primitif  de  Cbalgrin,  de  celui  qui  avait  conçu  l'arc 
de  triomphe,  où  Napoléon,  de  sa  main,  avait  effacé 
les  trophées  ébauchés,  les  trouvant  trop  mes- 
quins? U  ne  faut  donc  point  être  si  sévère 'pour 
celui  qui  venait,  onzième,  achever  le  monument. 
Une  réfiexion  nous  est  venue  au  cours  de  cette 
note,  assurément  très  résumée.  Elle  nous  parait 
pouvoir  lui  servir  de  conclusion. 

La  vie  marche  si  vite,  le  champ  des  connais- 
sances va  se  développant  si  éperdoment,  oue  c'est 
à  peine  si  l'on  peut  distinguer,  une  fois  disparus 
les  contemporains  qui  vous  les  eussent  montrés, 
les  hommes  qui  ont  eu  leur  heure  de  célébrité 
dans  une  des  branches  si  multiples  des  lettres,  des 
sciences  on  des  arts.  Il  est  des  noms  dont  la 
notoriété,  forcément  restreinte  i  une  catégorie 
d'hommes   d'élite,  mais  spéciaux,  risquerait  de 
s'éteindre  et  de  rentrer  dans  une  ombre  imméritée, 
de  glisser  dans  un  injuste  oubli,  si  une  chance 
heureuse,  guidée  par  une  main  bienfaisante,  ne 
venait  à  temps  leur  donner  un  regain  de  vie. 
rappeler  ces  précurseurs  au  souvenir  reconnais- 
sant de  leurs  confrères  d'aujourd'hui,  les  signaler 
au  respect  et  à  la  reconnaissance  de  la  postérité. 
Ainsi  a  fait,  par  le  don  de  sa  médaille,  M.  Huber 
pour  Blouet  :  c'est  en  quoi  ce  don  demeure  dou- 
blement précieux  pour  la  Société  historique  d'Ao- 
teuil  et  de  Passy,  qui  est  heureuse,  en  remer- 
ciant de  nouveau  le  généreux  donateur,  de  saluer 
le  grand  architecte  dont  la  mémoi<%  est  mainte- 
nant pour  elle  à  jamais  fixée. 

Emile  Potin. 


EXTRAIT     DES     MÉMOIRES 

DO  BARO.V  HAUSSXANN 

M.  Alphand  faisait  le  !26  décembre  1891,  i 
l'Académie  des  Beaux-Arts,  l'éloge  du  baron 
Haussmann,en  des  termes  empreints  de  sincérité, 
de  reconnaissance,  dignes  à  la  fois  de  l'un  et  de 
l'autre.  U  montrait  les  grandes  choses  dont 
M.  Haussmann  avait  été  l'initiateur,  et  ce  que 
Paris  lui  devait  de  ses  embellissements. 

Il  nous  a  paru  intéressant  de  rechercher  et  de 
reproduire  ici,  extraits  des  Mémoires  du  baron 
Haussmann  (1),  les  passages  qui  concernent 
notre  arrondissement.  Et,  chemin  faisant,  nous 
trouverons  le  jugement  que  M.  Haussmann  avait 
porté  sur  M.  Alphand. 

Ce  sera  comme  le  complément  des  communica- 
tions qui  précèdent  dans  ce  Bulletin  même. 


PIJ^N  DE  PARIS 

«  Je  fis  (2)  graver  le  plan  au  5/ 1 000*,  en  grandes 
feuilles,  où  toutes  les  indications  nécessaires  aux 


(i)  Vol.  m,  édition  de  1893.  —  Nous  rappelons 
que  M.  llauHsinann  e»l  mort  le  11  janvier  1891, 
âgé  de  R'2  ans. 

('2  C'est  M.  Haussmann  lui-tnème  qui  écrit. 


ANNEXES 


407 


différents    services   de    mon    administration   se 
voyaient  distinctement. 

<  La  juxtaposition  et  Tentoilage  d^ezemplaires 
de  ces  nombreuses  feuilles  dans  un  cadre  porté 
par  des  montants  sur  pieds  à  roulettes,  et  placé 
bien  en  vue  au  milieu  de  mon  cabinetde  travail,  y 
constituait,  derrière  le  fauteuil  de  mon  bureau,  un 
immense  paravent  od  je  pouvais,  à  toute  minute, 
en  me  retournant,  chercher  un  détail,  contrôler  cer- 
taines indications,  et  reconnaître  les  coirélations  to- 
pographiques des  arrondissements  et  quartiers  de 
Paris  entre  eux.  Bien  souvent,  je  me  suis  livré,  devant 
ce  tableau  fidèle,  à  des  méditations  fructueuses. 

«  Une  réduction  de  notre  nouveau  plan  au 
i  0/1 000®  le  rendit  moins  encombrant,  quoique  bien 
grand  encore  (2™, 50  de  long  sur  ^"'.SO  de  haut). 

€  L'édilion  au  20/ i  000*"  était  seule  pratique  pour 
le  public. 

€  L'original,  de  dimensions  supérieures  même 
à  celles  de  la  première  édition  au  5/1000*,  per- 
mettait au  service  du  plan  de  donner  l'alignement, 
sans  coup  férir,  aux  constructeurs  de  maisons  on 
bordure  des  voies  publiques,  même  de  celles  qui 
n'étaient  pas  encore  ouvertes.  Jamais  aucune 
erreur  ne  vint  révéler  une  inexactitude  quelconque 
des  remarquables  travaux  de  mes  géomètres  et  de 
leur  chef  éminent,  M.  Deschamps. 

«  Mais  il  ne  pouvait  me  suffire  d'avoir  une  pla- 
nimétrie  parfaite  de  Paris.Il  me  fallait,  en  outre, 
constater  les  ondulations  du  sol,  au  moyen  d'un 
nivellement  général,  qui  n'avait  pas  encore  été 
fait. ..  Je  dus  en  faire  exécuter  le  travail  parallèle- 
ment à  la  triangulation  de  Paris,  et  nous  prîmes 
pour  point  de  repère  un  plan  idéal  passant  à 
50  mètres  au-dessus  du  niveau  normal  des  eaux 
du  bassin  d'arrivée  du  canal  de  l'Ourcq,  niveau 
supérieur  de  51  "^,49  &  celui  de  la  mer  moyenne...» 

TRAVAPX   DE   PARIS 

«  Un  traité  de  180  millions  fut  passé,le  18  mars 
1858,  entre  l'Etat,  représenté  par  M.  Rouher  et 
M.  Magne,  et  la  Ville  de  Paris.  Les  travaux  de  voirie 
devaient  être  exécutés  en  dix  ans.  L'Etat  contribuait 
pour  60  millions  dans  la  dépense  totale  nette.  » 

—  L'article  l**"  énumérait  en  neuf  paragraphes 
les  travaux.  Le  5*^  paragraphe  nous  intéresse  spé- 
cialement. 

<  1^  place  de  l'Etoile  était  hors  de  l'enceinte 
de  Paris,  au  moment  de  la  conclusion  du  traité,  et 
j'avais  dû  faire  classer  l'avenue  de  llmpératricc, 
ouverte  directement  de  cette  place  à  la  porte  Dau- 
phine  du  bois  de  Boulogne,  sous  le  titre  de  route 
départementale,  avec  la  largeur  exceptionnelle 
voulue  par  le  décret  de  1854  et  les  dispositions 
spéciales  dont  la  Ville  de  Paris,  propriétaire  du 
bois,  couvrit  les  frais. 

<  Le  plan  primitif  de  l'Empereur  ne  prévoyait, 
en  plus  de  cette  voie  et  du  boulevard  Baujon 
(Haussmann),  de  l'autre  côté  de  la  place  de 
l'Etoile,  que  l'ouverture  d'une  avenue  nouvelle 
dans  le  prolongement  de  l'axe  transversal  de  l'arc 
de  triomphe.  Traversant  les  terrains  occupés  par 
l'ancien  hippodrome  et  les  pelouses  de  1  Etoile, 
elle  aboutissait  par  le  boulevard  de  Longcbamp 
au  Trocadéro,  c'est-à-dire  à  remplacement  du 
palais,  jadis  projeté,  du  Roi  de  Rome. 


«  Cette  voie,  appelée  par  nous  avenue  du  Roi- 
de-Rome  (aujourdhui  Kléber),...  fut  continuée... 
et  vint  aboutir...  après  l'annexion...  près  de  la 
porte  d'Asnières. 

«  La  réunion  de  ces  deux  arenues,  sous  l'arc 
de  triomphe,  formait  une  ligne  droite  croisant 
d'équerre  l'avenue  des  Champs-Elysées,continuée 
par  l'avenue  de  Neuilly  (de  la  Grande-Armée)... 

«  En  dehors  de  ces  indications,  j'avais  à  tenir 
compte  de  l'existence  de  l'avenue  de  Saint-Cloud, 
autrefois  de  Charles-X,  que  nous  appelâmes  avenue 
d'Eylau,  mais  qui  n'a  pas  conservé  ce  nom  ;  le 
gouvernement  actuel...  lui  fait  porter  celui  de 
Victor  Hugo,  qui  l'habitait  à  sa  mort. 

«  R  n'était  pas  facile,  avec  de  telles  sujétions, 
de  trouver  un  arrangement  symétrique  de  la  place. 

«  Je  commençai  par  ouvrir  l'avenue  de  l'Impé- 
ratice,  à  moitié  distance  de  l'avenue  de  la  Grande- 
Armée  et  de  l'avenue  d'EyIau,  de  manière  à  mé- 
nager deux  terrains  à  bâtir  égaux,  à  sa  droite  et  à 
sa  gauche  ;  je  fis  un  lot  unique,  à  peu  près  double,  du 
reste  du  quart  de  cercle  compris  entre  les  avenues 
de  la  Grande- Armée  et  du  Roi-de-Rome. 

€  Je  coupai  de  la  même  façon,  mais  dans  un 
ordre  inverse,  le  quart  de  cercle  allant  de  cette 
dernière  avenue  à  celle  des  Champs-Elysées,  par 
les  amorces  des  avenues  d'Iéna  et  Joséphine  (au- 
jourd'hui Marceau)... 

€  Je  reproduisis  cette  disposition  dans  le  quart 
de  cercle  allant  de  l'avenue  des  Champs-Elysées 
à  l'avenue  de  Wag^ram... 

€  Enfin,  je  décrivis,  au  delà  de  mes  douze  lots 
à  bâtir,  une  rue  circulaire  nommée  rue  de  Tilsitt 
d'un  côté  de  la  place,  et  rue  de  Presbourg  de 
l'autre,  destinée  à  donner  des  issues  aux  hôtels 
d'architecture  symétrique,  précédés  sur  leurs  faces 
de  parterres,  enceints  de  grilles  uniformes,  dont 
je  fis  déclarer  rétablissement  obligatoire.  Je  dé- 
gageais ainsi  la  place  des  encombrements  que  la 
circulation  des  voitures  pourrait  y  produire  à  cer- 
tains Jours. 

«  Cette  belle  ordonnance,  que  je  suis  très  fier 
d'avoir  su  trouver,  et  que  je  considère  comme  une 
des  œuvres  les  mieux  réussies  de  mon  administra- 
tion, apparaît,  dans  son  ensemble,  comme  sur  un 
plan,  du  haut  de  l'arc  de  triomphe,  où  montent 
beaucoup  plus  d'étrangers  que  de  Parisiens... 

«  IsB  o*^  paragraphe  du  traité  du  18  mars  1858 
s'appliquait  à  deux  boulevards  de  40  mètres  de 
largeur,  partant  du  pont  de  l'Aima  (rive  droite), 
savoir  : 

€  1^  L'un,  nommé  depuis  lors  avenue  de  l'Aima, 
percé  dans  le  prolongement  direct  du  pont  et 
allant  du  quai  de  Billy  à  l'avenue  des  Champs- 
Elysées  ; 

\  2°  L'autre,  nommé  avenue  de  l'Empereur  (1) 

(1)  L'avenue  de  TEmpercur  fut  ouverte  après 
l'annexion,  de  1862  à  1806,  d'abord  entre  la  place 
du  Roi-de-Rome  à  la  Muette,  puis^  de  cette 
place  à  travers  celle  d'Eylau,  jusqu'à  la  naissance 
du  quai  de  Billy,  devant  le  pont  de  l'Aima,  sur 
une  longueur  lotalc  de  1.400  mètres  et  une  lar- 
geur de  ^o.  Elle  ne  cmlta  guère  moins  de 
2.35O.O0O  francs,  h  cause  des  mouvements  de 
terrains  et  des  murs  de  soutènement.  Elle  se 
compose  de  deux  trottoirs  plantés  de  6  mètres 
chacun,  de  deux  voies  carrossables  de  9  mètres, 
d'une  allée  cavalière  centrale  de  10  mètres, 
bordée  de  deux  rangées  d'arbres. 


4o8 


HISTOIRE    DU   XVI^   ARRONDISSEMENT 


(maintenant  du  Trocadéro)...  monte  diagonale- 
ment  d*abord...  jusqu'au  débouché  de  l*aTenue 
Marceau  ;  puis,  prenant  en  écharpe  le  coteau  du 
Trocadéro,  il  croise  Tayenoe  d'Iéna,  au  point  d'ar- 
rivée de  la  rue  Pierre-Charron,  et  aboutit  à  Tan- 
cienne  barrière  Sainte-Marie,  sur  le  boulevard  de 
Passy,  an  centre  de  la  place  du  Roi- de-Rome 
(actuellement  du  Trocadéro). 

€  La  seconde  voie,  prolongée  (avenue  Henri- 
Martin),  après  Tannexion,  jusqu'à  la  Muette,  on 
l'avenue  Victor-Rugo  vient  se  confondre  avec  elle, 
forme  un  des  plus  agréables  accès  du  bois  de  Bou- 
logne. » 

—  Plus  tard,  après  l'annexion,  intervint  un 
troisième  réseau.  C'est  celui-là  qui  acquitta  pour 
24  millions  de  dépenses  de  percements  dans  Chail- 
lot  et  pour  30  millions  de  régularisation  vers 
Passy, 

€  Le  troisième  réseau  comprenait  les  travaux 
suivants  : 

€  En  bas  de  la  butte  du  Trocadéro,  la  jonction 
de  l'avenue  d'Iéna  et  de  la  rue  Pierre-Charron, 
d'un  côté,  avec  l'avenue  Delessert,  continuation  de 
la  rue  de  Passy  ;  de  l'autre,  avec  le  quai. 

€  En  haut,  sur  la  place,  une  nouvelle  étoile  de 
larges  voies  formées  par  la  convergence  : 

€  D'une  avenue  centrale  aboutissant  au  point 
de  croisement  des  rues  des  Sablons,  deLongchamp, 
des  BeUes-Feuilles  et  Decamps,  à  laquelle  on  a 
donné  le  nom  d'Eylau,  que  portait  jadis  l'avenue 
Victor-Hugo  : 

«  Puis,  à  droite,  de  l'avenue  Malakoff  (autrefois 
de  Saint-Denis),  partant  de  la  porte  de  Neuillv,  de 
l'avenue  du  Roi-de-Home  (Kléber)  venant  de  la 
place  de  l'Etoile  et  de  la  première  partie  de  l'ave- 
nue de  l'Empereur  (du  Trociidéro)  montant  du 
quai  Debilly. 

€  Et,  à  gauche  de  l'avenue  Henri-Martin, 
d'une  autre  grande  voie  à  percer  quand  on  aura 
pu  déplacer  le  cimetière  dePassv,  voie  qui  se  diri- 
gera vers  le  Ranelagh,et  enfin  de  la  rue  de  Fran- 
klin, élargie. 

<  Non  loin  de  là,  je  fis  régulariser  le  rond-point 
de  l'ancienne  avenue  d'Eylau  (Victor- Hugo),  qui 
forme  également  une  étoile  régulière  au  croise- 
ment de  cette  avenue  avec  l'avenue  Malakoff  et 
l'ancienne  avenue  Dauphine(Bugeaud),  en  face  de 
laquelle  se  bifurquent  les  rues  Boissière  et  Co- 
pernic. » 


SERVICES   d'ingénieurs 

«  C'est  en  1869  que  M.  Alphand  devint  ins- 
pecteur général  et  que  je  réunis  dans  ses  mains  le 
service  de  la  voie  publi(^ueà  celui  des  promenades 
et  plantations,  qu'il  avait  depuis  1850,  et  l'inves- 
tis du  titre  de  directeur. 

€  M.  Belgrand  fut  élevé  au  grade  supérieur 
d'inspecteur  général  de  ^^  classe  et  reçut  le  titre 
de  directeur  des  eaux  et  des  égouts.  » 

—  M.  Alphand  avait  sous  ses  ordres  :  1°  pour 
la  voie  publique,  2  ingénieurs  en  chef  et  10  ingé- 
nieurs ordinaires  ;  2®  pour  les  promenades,  1  in- 
génieur en  chef,  les  10  ingénieurs  ci-dessus  et 
tous  les  agents  des  promenades,  parcs,  squares,  etc, 


A  son  service  ressortissaient  encore  l'éclairage,  les 
voitures,  les  stationnements,  etc. 

En  passant,  M.  Haussmann,  parlant  d'une 
enquête  faite  par  M.  Belgrand  et  concernant: 
1»  Teau  à  discrétion  dans  1  habitation  ;  2*  l'envoi 
immédiat  des  vidanges  à  '  Fégout,  déclare  qu'il 
n'a  jamais  admis  que  partiellement  la  seconde  coo* 
clusion. 

M.  ALPHAND 

«  L'Empereur  avait  fait  commencer  la  transfor- 
mation du  bois  de  Boulogne,  coocédé  par  l'Etat  à 
la  Ville,  sous  la  condition  de  consacrer  2  millions 
au  moins  à  l'embellir. 

€  Je  me  hâte  de  dire  qu'elle  en  dépensa  suc- 
cessivement plus  de  14,  non  seulement  à  l'embellir, 
mais  à  l'agrandir  par  l'annexion  de  la  plaine  de 
Longchamp  et  du  parc  de  Madrid.  Heureusement, 
je  pus  faire  rentrer  ou  compenser  la  différence, 
surtout  au  moyen  de  la  vente  autorisée  par  l'Etat 
de  parties  extrêmes  ou  en  bordure  retranchées  du 
plan  général,  notamment  du  c6té  de  Neuilly  et  da 
Parc-des-Pnnces.  J'eus  toutes  les  peines  du  monde, 
en  fin  de  compte,  à  justifier  d'une  dépense  termi- 
nale de  2  millions,  conformément  à  la  condition 
imposée. 

€  1^  direction  des  premiers  travaux  avait  été 
confiée  à  un  ancien  jardinier  de  Saint-Leu,  do- 
maine du  roi  Louis  de  Hollande,  un  sieur  Varé, 
qui  se  qualifiait  de  jardinier-paysagisie,  mais 
i|ui,  sans  manquer  de  talent,  pour  dessiner  sur 
place  des  pelouses,  n'était  pas  à  la  hauteur  de  sa 
mission.  Il  aurait  certainement  bien  dessiné  un 
square,  un  jardin  an|[lais,  un  petit  parc,  mais  la 
transformation  du  bois  de  Boulogne  excédait  sa 
compétence.  Dès  le  début,  il  avait  commis  une 
erreur,  sinon  un  oubli  complet  de  nivellement, 
que  je  relevai  de  suite,  dans  le  tracé  de  la  rivière 
projetée  par  l'Empereur  entre  le  Kond-Royal  et  le 
Rond-Mortemart. 

<  La  position  de  celui-ci,  tout  en  haut  d'une 
butte  d'où  l'on  apercevait  par  une  percée  en  pente 
le  château  deSaint-Cloud,  eût  été  on  avertissement 
pour  le  premier  ingénieur  venu.  Bien  loin  de  là, 
M.  Varé  s'empressa  de  faire  abattre  les  arbres 
d'un  rond  à  l'autre,  et  attaqua  le  creusement  du 
sol  sur  nombre  d'endroits  dans  l'intervalle,  en 
réservant  toutefois  le  sol  des  deux  Iles  voulues  par 
Sa  Majesté.  J'arrivai  sur  les  lieux  au  milieu  de  ce 
beau  dégât...  et  je  chargeai  le  jour  même  un  in- 
génieur ordinaire  du  service  municipal...  de  rele- 
ver un  profil  en  loue  et  quelques  profils  en  travers 
du  sol  bouleversé.  Il  ne  nous  fallut  pas  longtemps 
pourreconoaltre  une  différence  de  niveau  teUement 
considérable  entre  les  deux  points  extrêmes  de  la 
rivièreen  cours  d'exécution,que,  certainement,  elle 
se  fût  trouvée  tout  à  fait  à  sec  en  amont,  sur  une 
assez  grande  longueur,  pendant  qu'elle  eût  dé- 
bordé non  moins  simplement  en  aval. 

€  Que  faire?  Avant  tout  je  m'empressai  de 
rendre  compte  de  ma  découverte  à  l'Empereur, 
stupéfait  et  un  peu  confus.  Il  ne  pouvait  croire  ce 
que  je  lui  rapportais... 

c  Alors,  je  proposai  de  faire,  à  la  place,  ce  qu'on 
voit  aujourd'hui  :  deux  lacs,  à  niveaux  différents. 


ANNEXES 


409 


séparés  par  QDe  large  chaussée  carrossable,  ser- 
Yant  de  digae  au  premier,  qui  déverserait  le  trop- 
plein  de  ses  eaax  dans  le  second  car  une  cascade. 
Pour  donner  à  celui-ci,  qui  devait  embrasser  les 
lies  du  programme,  une  profondeur  d*eau  suffisante 
à  son  point  iniliaJ,  on  élèverait  le  sol  autour  do 
son  grand  bassin  terminal,  an  moyen  d'une  parte 
des  terres  du  déblai  de  son  lit,  répandues  en  talus 
allongés,  gazonnés  et  plantés,  dissimulant  cette 
seconde  barrière;  le  trop-plein  irait  alors  alimenter 
comme  au  premier  projet,  des  ruisseaux  répandant 
la  fraîcheur  et  la  fertilité  dans  les  parties  plus 
basses  du  bois,  dont  Taridité  n'était  pas  le  moindie 
défaut. 

€  L*Empereur  ne  put  jamais  prendre  son  parti 
d*avoir  deux  lacs  au  lieu  de  la  rivière  qu*il  désirjit 
tant!  » 

—  M.  Haussmann  dit  ensuite,  non  sans  quelque 
raison,  que  les  Parisiens  et  les  étrangers  ont  ap- 
prouvé la  promenade  telle  qu'il  Ta  fait  transfor- 
mer et  qu*ainsi  Faccès  du  bois  et  de  la  plaine  de 
Longchamp  ne  se  trouve  pas  intercepté  par  la  ri- 
vière, qui  eût  coupé  le  bois  en  deux  parties. 

11  ne  tarda  pas  à  constater  que,  quel  que  fût 
son  mérite,  son  ingénieur  ordinaire  manquait  de 
qualités  paysagistes. 

€  J'appelai,  sans  retard,  à  Paris,  M.  Alphand, 
ingénieur  ordinaire  des  ponts  et  chaussées,  dont 
je  m'étais  fort  utilement  servi,  pendant  mon  sé- 
jour comme  préfet  à  Bordeaux,  en  des  circons- 
tances et  pour  des  travaux  exigeant  le  sentiment 
de  l'art,  et,  déplus,  un  goût  éprouvé... 

c  Allié,  par  son  mariage,  à  l'une  des  familles 
des  plus  honorables  du  grand  commerce,  il  avait, 
à  Bordeaux,  une  excellente  situation,  des  relations 
agréables  dans  le  meilleur  monde,  et  il  exerçait 
même  une  influence  marquée  sur  la  jeunesse  do- 
rée de  cette  ville,  non  moins  élésante  que  riche, 
depuis  l'organisation  des  fêtes  de  chanté  qu'on 
lui  devait.  Mais  consentirait-il  à  ouitter  tout  cela 
pour  venir  me  seconder  i  Paris,  aune  façon  per- 
manente, dans  l'accomplissement  d'une  œuvre  qui 
ne  rentrait  pas  absolument  au  nombre  des  attri- 
butions habituelles  de  son  corps...  Sans  doute, 
avec  la  vive  intelligence  et  la  perspicaté  qui  le 
caractérisent,  M.  Alphand  comprit  de  suite  la  por- 
tée du  rôle  qu'il  s'agissait,  pour  lui,  de  remplir 
auprès  de  moi  ;  car  il  n'hésita  pas  à  l'accepter.  » 

—  On  commença  par  plaisanter  beaucoup  au 
sujet  de  cet  ingénieur,  qui  venait  d'accepter  de 
se  faire  jardinier.  Mais  quand  son  service  devint 
le  service  des  plantations  et  promenades  de  Paris, 
comprenant  tous  les  travaux  de  transformation, 
d'embellissement  que  l'on  sait,  la  mission  du 
jardinier  grandit  et  la  raillerie  fit  place  à  l'envie. 
Entre  temps,  M.  Haussmann,  grand  découvreur 
d'hommes,  avait  su  lui  donner  comme  bras  droit 
et  bras  gauche  l'architecte  Davioud  et  le  jardinier 
Barillet-Deschamps  (1),  horticulteur  de  premier 


(1)  Petit  cousin  do  noire  famille,  ainsi  que 
M .  Lafourcade,  qui  fut  si  longtemps  son  succes- 
seur. —  E,  P. 


ordre,  qu'il  avait  également  remarqué  à  Bor- 
deaux. 

€  M.  Alphand  avait  cette  vertu,  bien  rare  chez 
les  fonctionnaires,  et,  en  général,  chez  tous  les 
hommes  hiérarchiquement  subordonnés  à  d'autres, 
qu'ils  les  aient  acceptés  pour  chefs,  volontaire- 
ment ou  non,  de  savoir  mettre  de  côté  ses  pro- 
pres conceptions,  complètement,  loyalement,  sans 
aucune  réserve,  lorsqu'elles  ne  cadraient  pas  avec 
les  vues  de  l'Administration  qu'il  servait.  Dans  ce 
cas,  il  s'assimilait  avec  une  facilité  merveilleuse 
les  idées  qu'il  devait  adopter,  si  différentes  qu'elles 
pussent  être  des  siennes,  pour  s'en  inspirer  dé- 
sormais, et,  toujours,  il  en  poursuivit  l'applica- 
tion pratique  avec  une  fidélité  consciencieuse,  avec 
un  zèle  absolument  irréprochable.  Cette  grande 

Sualité,  chez  un  fonctionnaire  de  sa  valeur,  était 
'autant  plus  méritoire  que  l'esprit  d'initiative  ne 
lui  faisait  pas  défaut:  il  l'a  prouvé  nombre  de 
fois  ;  et,  depuis,  ses  actes  l'ont  bien  suffisamment 
démontré. 

€  Tel  brille  au  second  rang  qui  s'éclipse  au 
premier.  Cet  axiome  ne  saurait  trouver  ici  d'em- 
ploi. Mais  il  est  certain  pour  moi  qu'on  ne  se  pré- 
pare bien  à  tenir  d'une  manière  brillante  le  pre- 
mier rang,  comme  le  fait  M.  Alphand  aujourd  hui, 
qu'après  avoir  observé  longtemps,  du  second  rang, 
les  diverses  façons  d'occuper  et  d'exercer  l'auto- 
rité suprême. 

«...  C'était  ici  le  lieu  de  dire...  le  parfait  et 
constant  accord  entre  nous,  son  entier  dévoue- 
ment au  succès  de  mon  œuvre,  et,  une  fois  pour 
toutes,  quel  auxiliaire  sûr  cet  ingénieur  éminent 
fut  pour  moi,  comme  caractère  et  comme  talent. 

€  Je  ne  fus  pas  ingrat  envers  lui.  Après  l'acte 
ni  loi  mit  le  pied  à  l'étrier,  je  crois  pouvoir  le 
re,  je  n'ai  jamais  failli  au  devoir  de  le  tenir 
solidement  en  selle,  envers  et  contre  tous,  et  de 
lui  faire  franchir,  en  temps  opportun,  tous  les 
degrés  du  corps  d'élite  dont  il  était  assurément 
un  des  meÀabres  lei  plus  distingués.  » 


91 


—  M.  Haussman,  fait  ensuite  le  rappel  des  pro- 
motions de  M.  Alphand,  de  tous  les  services  qu'il 
eut  dans  sa  main.  €  Je  le  savais  capable  de  les 
conduire  à  bien,  ensemble,  sans  embarras.  »  Et  il 
termine  le  portrait  ainsi  : 

«  L'ingénieur  ordinaire,  l'ingénieur  jardinier 
de  1855  occupait,  à  la  fin  de  18t)9,  dans  le  corps 
impérial  des  ponts  et  chaussées,  un  grade  com- 
parable à  celui  du  eénéral  de  brigade,  et,  dans 
le  service  de  la  Ville  oe  Paris,  un  poste  sans  équi- 
valent dans  le  reste  de  la  France.  Il  était  comman- 
deur de  la  l^ion  d'honneur.  Depuis  lors,  sa  po- 
sition s'est  encore  et  justement  accrue,  et  j'en  ai 
ressenti,  chaque  fois,  une  double  satisfaction  ; 
pour  lui,  pour  moi-même... 

€  Aujourd'hui,  mon  ancien  collaborateur,  de- 
venu depuis  bien  des  années  inspecteur  général 
de  première  classe,  puis  grand  officier  de  la  Légion 
d'honneur,  dirisre  presque  tous  les  services  d*)  la 
Ville  de  Paris.  C'est  le  véritable  préfet  de  la  Seine. 
Celui  qui  porte  ce  titre  auprès  d'un  conseil  muni- 
cipal élu  souverain  de  Paris,  est,  en  fait,  une  sorte 
de  président  de  la  République  parlementaire  pari- 


4io 


HISTOIRE   DU   XVl^   ARRONDISSEMENT 


sienne.  Il  a  M.  Alphand  pour  premier,  qoedis-je? 
pour  uni(jue  Ministre  dirigeant,  soutenu  par  la 
confiance  immaable  dn  conseil  et  par  Testime  uni- 
verselle de  la  population. 

«  A  la  suite  du  succès  inouï  de  rExposition 
universelle  de  i889,  la  belle  carrière  de  M.  Al- 
phand  vient  d*étre  couronnée  par  son  élévation  à 
u  dignité  de  grand-croix  de  la  Légion  d'honneur. 

€  Lui  réserve -t -elle,  en  se  prolongeant,  de 
nouvelles  satisfactions  ?  Je  Tignore.  Dans  aucun 
cas,  elle  ne  saurait  le  trop  grandir,  à  mon  gré. 
Mais,  dès  à  présent,  je  considère  comme  sans 
égale,  dans  Tordre  administratif,  la  grande  re- 
nommée qu*il  a  conquise  et  que  personne  au 
monde  ne  conteste.  Rare  bonheur,  ou  plutôt  rare 
mérite.  > 

—  Nous  dirons  :  Tun  et  Taotre. 
Gomme  toutes  les  carrières  humaines,  si  grandes 
qu'elles  soient,  celle  de  M.  Alphand  a  eu  la  fin 
commune.  Il  est  allé  rejoindre  son  ancien  préfet  et, 
dans  les  Champs-Elysées  de  Tau  delà,  ils  ont, 
sans  doute,  repris  ensemble  leurs  travaux.  Ils 
bouleversent,  en  les  améliorant,  les  ombrages  et 
les  eaux  qui,  dans  les  mythes  gracieux  que  nous 
devons  aux  anciens,  voient  circuler  dans  la  paix 
étemelle  les  grands  génies  de  l'humanité.  M.  Al- 
phand y  serre  les  mains  immortelles  de  Virgile, 
de  Delille,  de  Lambert,  de  Rouchpr,  et  autres 
poètes  jardiniers,  et  celles  de  Xénophon,  de  César, 
de  Napoléon,  qui  ont  fait  à  travers  les  mondes, 
eux  aussi,  de  grandes  percées;  Archimède,  Aris- 
tote,  Pascal,  Newton,  Vauban,  Carnot,  grands 
remueurs  d'hommes,  d'idées  et  de  terres,  tiennent 
les  jalons  pour  rétablissement  des  vallonnements 
nouveaux.  La  bar(]ue  de  Caron  a  une  hélice  fonc- 
tionnant à  l'électricité  ;  elle  est  éclairée  à  l'acéty- 
lène, et,  dans  l'intervalle  des  fatales  traversées, 
firomène  Victor  Hugo  et  Pasteur,  qui  président  à 
'inauguration  des  nouveaux  jardins,  dénommés, 
lâchas,  jardins  français,  et  non  jardins  anglais. 

Pendant  ce  temps  nous,  qui  demeurons  encore 
ici,  nous  avons  cru  que  notre  Bulletin  devait  re- 
produire l'hommage  rendu  par  le  baron  Haussmann 
h  M.  Alphand,  parce  que  M.  Alphand,  dont 
M.  Haussmann  n'a  pas  vu  s'achever  la  magni- 
fique carrière,  est  mort  dans  notre  arrondissement 
après  y  avoir  véca  et  que  sa  mémoire,  impéris- 
sable, survit  parmi  nos  membres  en  la  personne 
de  son  petit-nls,  qui  a  inscrit  sur  notre  liste  le 
nom  illustre  dont  il  a  l'héritage. 


«  » 


PROMENADES   ET  PLANTATIONS  —  L  ART    DES  JARDINS 

€  La  création  de  promenades,  parcs,  jardins, 
squares,  spécialement  affectés  à  l'usage  du  public, 
est  à  peu  près  sans  exemple  avant  la  seconde 
moitié  de  ce  siècle.  L'empereur  Napoléon  III  lui 
donna  l'impulsion  que  tout  le  monde  connaît.  An- 
térieurement à  son  règne,  on  signale  quelques 
rares  exceptions,  telles  que  la  plantation  des 
quinconces  d'ormes  à  droite  et  à  gauche  des 
larges  contre-allées  bordant  l'avenue  des  Champs- 
Elysées  par  le  duc  d'Antin,  ministre  de  la  maison 
dn  roi  Louis  XV,  qui  livra  ses  massifs  au  libre 


usage  de  la  population  parisienne.  Il  n'jr  avait 
alors  pour  promenades  que  les  jardins  des  Tuileries, 
du  Palais-Royal  et  du  Luxembourg,  propriétés 
du  domaine  de  la  couronne  ou  faisant  partie  d'apa- 
nages princiers,  et  le  jardin  des  Plantes,  affecté 
normalement  aux  collections  desv^étaux  dn  Mu- 
séum d'histoire  naturelle.  De  savants  écrivains  se 
sont  livrés  à  l'étude  patiente  des  documents  histo- 
riques et  des  œuvres  artistiques  que  nous  a  laissés 
l'antiquité,  comme  aussi  des  traditions  recueillies 
par  eux  de  toutes  parts.  Au  temps  deSémiramis, 
les  fameux  jardins  suspendus  de  Babylone  con- 
sistaient en  plantations  d'arbres,  d'arbustes  et  de 
tieurs  sur  des  murs  épais  remplis  de  terre,  sur 
des  terrasses,  entourant  et   déix)rant  les  pilais 
bûtis  sur  des  points  élevés.  Aucune  tradition  n'a 
trait  au  moindre  souvenir  de  jardins  publies.  Dans 
l'Egypte  de  Sésostris,  dont  le  règne  est  antérieur 
de  plusieurs  siècles  à  celui  de   Sémiramis,  le 
castes  supérieures  n*:ivaient  d'autre  souci  que  d'en- 
tourer leurs  habitations  de  jardins  clos  oe  mas- 
sives murailles...  avec  sphinx,  encore  plas  que 
de  statues.  J'aime  beaucoup  mieux  ce  qa*on  rap- 
porte des  jardins  de  la  Grèce  :  on  y  retrouTait  le 
sentiment  des  beautés  naturelles,  dans  le  soin  que 
paraissent  avoir  eu  les  architectes  qui  les  dessi- 
naient de  tirer  parti  des  mouvements  du  sol,  du 
relief  et  des  perspectives  offertes  par  les  paysages 
lumineux  d'une  contrée  au  ciel  d'azur.  Il  est  juste  de 
dire  que  la  Grèce  n'avait  pas  la  monotonie  d*aspeet 
des  plaines  de  la  vallée  du  Nil  ;  mais  même  les 
jardins  d'Académus  et  ceux  des  gymnases  ne  peu- 
vent être  assimilés  à  nos  jardins  publics. A  Rome, 
l'art  des  jardins  ne  parait  pas  avoir  été  grande- 
ment développé  jusqu'aux  derniers  temps  de  la 
République."» 

—  Les  Romains  ne  songeaient  guère,  en  effet, 
à  donner  à  la  plèbe  des  promenades  publiques. 
Panem  et  circense%  ont  suffi,  paratt-il.  Si  nous 
faisons  un  saut  jusqu'au  moyen  Age,  nous  ne 
sommes  pas  plus  avancés.  Les  rois  s'occupent  sur- 
tout de  leurs  jardins  privés,  où  régnent  les  arbres 
fruitiers  avec  un  labyrinthe  au  bout  du  rerger. 
Pas  de  jardins  publics  non  plus  sous  la  Renais- 
sance; l'inévitable  labyrinthe  est  encore  de  mode, 
mais  domine  les  parterres  coupés  en  carrés  égaux, 
dessinés  en  arabesques.  L'art  des  jardins  renaît 
seulement  avec  Le  Nôtre  ;  mais  il  faut  arriver  à 
Napoléon  III  —  ceci  est  Tanalyse  rapide  de  quel- 
ques pages  des  Mémoires  —  pour  assister  à  la 
véritable  création  de  jardins  publics  destinés  à  la 
population  des  villes. 

EXTENSION  DU  BOIS  DE  BOULOGNE 
JUSQU'A  U  SEINE 

€  Ce  bois,  quelle  que  fut  son  étendue  (767  hec- 
tares environ,  avec  toutes  ses  dépendances),  étouf- 
fait dans  les  murs  dont  il  était  enceint  de  tous 
côtés.  De  longues  avenues  droites  s'entre-croi- 
saient  ainsi  que  celles  de  tous  les  bois  de  la  cou- 
ronne, de  toutes  les  forêts  de  l'Etat,  avec  une 
raideur  géométrale  favorisant,  à  la  fois,  la  sur- 
veillance et  les  grandes  chasses  ;  elles  le  traver- 
saient de  part  en  part,  entre  des  portes  extrêmes 


ANNEXES 


fm 


dont  la  Yue,  plus  on  moins  rapprochée,  ne  per- 
mettait au  visiteur  aucune  illusion  sur  les  limites 
de  la  promenade  qu'il  y  faisait.  Les  seules  de  ces 
avenues  que  nous  ayons  conservées,  celles  des 
Acacias  et  de  la  Reine-Marguerite,  peuvent  en  don- 
ner une  idée  ;  mais,  si  toutes  deux  partent  en- 
core d*eiitrées  du  bois  transformé,  Tune  dé- 
bouche aujourd'hui  dans  la  plaine  de  Lon^champ 
parle  carrefour  de  la  Cascade,  Tautre  se  bifurque 
en  deux  voies  qui  se  rattachent  à  Tensemble  du 
nouveau  parc. 

«  Le  mur  qui  bordait  Tancien  bois  dans  le  sens 
delà  longueur,du  côté  delà  plaine  de  Longchamp, 
était  odieux.  Il  me  suffoquait  !  Peu  de  personnes 
savent  aujourd'hui  que  cette  plaine  n'a  pas  tou- 
jours fait  partie  intégrante  du  parc,  tant  elle  y 
fat  habilement  reliée  par  mes  collaborateurs  ;  et, 
d'ailleurs,  les  promeneurs  pouvant  retrouver  dans 
leurs  souvenirs,  à  trente-cinq  ans  en  arrière,  l'as- 
pect deTancien  état  de  choses,  deviennent  déplus 
en  plus  rares. 

€  Ce  n'était  pas  une  petite  affaire  oue  d'expro- 
prier la  plaine  de  Longchamp  et  celle  de  Bagatelle, 
ayant  ensemble  une  longueur  de  5  kilomètres  et 
une  largeur  de  800  mètres,  soit  iOO  hectares  di- 
visés en  parcelles  multiples  livrées  à  la  culture 
maraîchère,  comme  tous  les  environs  de  Paris  gé- 
néralement, plus  le  parc  de  Madrid,  indispensable 
pour  rattacher  cette  dernière  plaine  an  bois  même. 
Mats  je  reçus  carte  blanche. 

€  La  loi  du  43  juillet  4852  obligeait  la  Ville  à 
consacrer  2  millions  à  ces  travaux.  C'était  insuf- 
fisant. L'Empereur  promit  une  subvention  do 
3  millions.  Le  reste  de  la  dépense  serait  payé 
avec  les  aliénations  des  terrains  détachés  du  bois 
par  la  ligne  des  fortifications,  et  de  parties  ex- 
trêmes sans  valeur  pour  l'ensemble.  Le  duc  de 
Morny  faisait  adopter  l'idée  de  la  création  de  l'hip- 
podrome de  Longchamp,  qui  devait  rendre  le 
champ  de  Mars  complètement  à  l'autorité  mili- 
taire . 

€  Je  me  doutais  bien,  dit  M.  Haussmann,  que  le 
produit  de  la  vente  des  lots  dépasserait  notable- 
ment le  montant  du  contingent  de  la  ville,  mais  je 
ne  pouvais  pas  supposer  qu'il  atteindrait  8  mil- 
lions. » 

—  Le  décret  du  29  août  4854  et  la  loi  du 
13  avril  1855  autorisèrent  les  diverses  opérations 
nécessaires.  Ainsi  s'accrurent  de  parcelles  les  ter- 
ritoires des  communes  de  Passy,  d'Auteuil,  de 
Boulogne  et  de  Neuilly. 

«  Je  Bs  délimiter  ces  parties  sans  retard,  afin 
de  les  mettre  en  toute  valeur  par  l'ouverture  de 
boulevards  extérieurs  et,  à  l'ouest,  le  boulevard 
formaitqnatre parties:  les  deux  premières  portant 
le  nom  de  boulevard  d'Auteuil,  et  les  deux  autres 
relui  de  boulevard  de  Boulogne.  Il  s'étend  de  la 
porte  nouvelle,  dite  des  Fortifications,  à  la  nou- 
velle porte  des  Princes:  puis,  de  cette  porte  qui 
maintenait  en  communication  le  bois  et  le  Parc- 
des-Princes,  que  la  Ville  était  autorisée  à  vendre 
sur  le  carrefour  de  la  porte  de  Boulogne  où  vient 
aboutir  la  route  départementale  de  Paris  à  Saint- 
Cloud,  dont  le  bois  transformé  devait,  comme 
l'ancien,  supporter  la  servitude,  de  là  sur  la  nou- 
velle porte  dn  Saint-Cloud,  où  se  détache  l'allée 


intérieure  du  Bnrd-dc-l'Ean.  C'est  là  que  com- 
mence la  nouvelle  route  de  Saint  -Cloud,  appelée 
à  l'origine  route  de  l'Empereur.  » 

Le  bois  était  ainsi  porté  à  846  hectares,  aucune 
clôture  ne  gênait  plus  la  vue  ;  des  massifs  iso- 
laient seulement  de  la  route  de  ceinture  les  forti- 
fications. 

€  Parmi  les  propriétés  se  trouvait,  entre  les 
deux  portions  de  la  plaine,  l'enclos  de  l'ancienne 
abbaye  de  Longchamp,  devenue  propriété  privée  ; 

Ïtuis  le  moulin  de  ce  nom,  séparé  de  l'enclos  par 
e  chemin  de  Paris  à  Suresnes,  oui  devint  route 
départementale...  Il  était  facile  ae  faire  du  mou- 
lin, posé  sur  un  terre-plein  élevé,  le  sujet  décora- 
tif que  tout  le  monde  connaît.  Quant  à  l'ancienne 
abbaye,  il  n'en  existait  plus  rien  que  la  tour  mas- 
sive (ancien  colombier)  non  restaurée  par  mon 
administration,  telle  qu'on  la  voit,  et  comprise 
dans  le  nouvel  enclos.  » 

—  M.  Haussmann  fit  arranger  la  propriété  qui 
en  dépendait,  pensant  que  l'Empereur  la  réserve- 
rait au  prince  impérial  comme  lieu  de  repos,  le 
sentiment  public  n'ayant  pas  vu  favorablement  la 
proposition  faite  par  lord  Hertford  de  prêter  Baga- 
telle dans  cette  intention.  Mais  Napoléon  III, 
d'accord  avec  le  conseil  municipal,  l'offrit  à  son 
préfet  comme  résidence  d'été,  à  sa  grande  surprise, 
€  non  sans  une  lourde  charge  ajoutée  à  son  état 
de  maison  à  l'hôtel  de  ville».  M.  Haussmann  de- 
manda à  son  tour  d'affecter  à  la  résidence  d'été 
des  fonctionnaires  ayant  à  s*occup«r  du  bois,  les 
autres  immeubles  dont  la  ville  était  devenue  pro- 
priétaire, notamment  l'ancien  parc  de  Madrid. 
C'est  ainsi  que  le  préfet  de  police,  les  secrétaires 
généraux,  le  conservateur  du  bois,  l'ingénieur 
chargé  des  travaux  d'entretien,  et  le  jardinier  en 
chef  eurent  aussi  leur  villégiature  au  bois. 

€  C'est  par  un  arrêté  du  24  juin  4856  que  je 
pus  faire  la  concession  de  l'hippodrome  de  long- 
champ. Je  m'abstiens  de  le  décrire  par  le  menu, 
ainsi  que  ses  tribunes,  construites  par  M.  Bailly, 
l'un  des  architectes  de  la  Ville...  Je  consUte  seu- 
lement que  dans  celle  qui  s'élève  à  droite  du  pa- 
villon de  l'Empereur,  réservé  de  nos  jours  an  Pré- 
sident de  la  République,  étaient  les  loges  desprinces 
et  princesses  de  la  famille  impériale,  des  ministres 
et  chefs  des  grands  corps  de  l'Etat.dn  préfet  de  la 
Seine  et  du  préfet  de  police,  du  corps  municipal  et 
du  commandant  en  chef  de  l'armée  de  Paris,  et 
que  celte  de  gauche  était  attribuée  aux  nombreux 
membres  de  la  société  concessionnaire,  dénommée 
le  Jockey 'Club. 

«  L'emplacement  du  champ  de  courses  était 
coupé  dans  le  sens  de  sa  lon|peur  par  un  ancien 
bras  de  la  Seine,  qu'il  avait  fallu  combler  au 
moyen  de  terres  fournies  par  l'abaissement  d'un 
gros  monticule,  occupant,  i  l'entrée  de  Boulogne, 
l'angle  sud-ouest  de  la  plaine.  Les  déblais  du  sur- 
plus servirent  à  relever  la  rive  du  fleuve,  de  ma- 
nière à  mettre  l'allée  du  Bord-de-l'Eau  et  la  plaine 
entière  à  l'abri  de  toute  inondation  en  temps  de 
crue.  Sur  le  champ  de  courses  bien  nivelé  fut 
tracé,  d'après  les  indications  de  commissaires  de  la 
Société  d'encouragement,   une   piste  ovale    de 


4l2 


HISTOIRE   DU    XVI'   ARRONDISSEMENT 


2.000  mètres  de  déreloppemeot  pour  les  courses 
plates  ;  une  piste  complémentaire,  décrivant  ane 
courbe  montante  et  descendante  sur  la  colline 
abaissée,  la  porte  à  3.000  mètres  au  besoin... 

€  M.  Alphand  sot  exécuter  dans  un  délai  d'en- 
viron dix-huit  mois  les  opérations  énumérées  plus 
haut  parallèlement  &  la  transformation  de  l'ancien 
bois,  de  telle  sorte  que  tout  fut  près  lors  de 
rinau^ration  solennelle  du  Champ  de  courses  de 
Longchamp  (mai  1857),  un  des  plus  beaux  jours 
de  mon  aoministration.  En  effet,  les  assistants, 
frappés  de  la  grandeur  et  des  difficultés  de  l'œuvre 
si  rapidement  accomplie,  étaient  unanimes  pour 
reconnaître  ce  qu'avait  gagné  le  bois  à  l'annexion 
considérable  dont  j'avais  pris  l'initiative  et  la  rei- 
ponsabilité...  L'ensemble  de  la  transformation 
fut  achevé  dans  le  courant  de  l'année  4858,  soit 
en  cinq  ans,  grâce  au  concours  actif,  intelligent, 
convaincu  de  mon  valeureux  auxiliaire.  » 


«  • 


TRAVAUX  DE  TOUT  ORDRK 

—  11  nous  faut  abréger  nécessairement  les  em- 
prunts que  nous  faisons  aux  Mémoires.  Certains 
détails,  même  d'ordre  technique,  méritent  cepen- 
dant de  trouver  leur  place  dans  notre  résumé. 

Les  routes  du  bois  donnent  un  développement 
total  de  58  kilomètres  environ,  puisque,  depuis 
M.  Haussmann,  il  en  a  été  ajouté  quelques-unes. 
Les  allées  sablées  mesurent  i4.850  mètres  de 
longueur.  Les  chemins  de  piétons  comprennent 
26.162  mètres.  Sur  une  longueur  totale  de  95  ki- 
lomètres de  tous  chemins,  272.500  mètres  sont 
sur  le  sol  naturel,  189.400  mètres  ont  été  sablés. 
612.511  mètres  ont  été  empierrés;  total  : 
1.074.411  mètres. 

Le  service  d'eau  comprenait  2  réseaux  de  con- 
duites ;  le  premier  alimentait  les  14  hectares 
d'eau  des  deux  lacs  supérieur  et  inférieur  ;  le  se- 
cond, toujours  en  charge,  alimentait  les  bouches 
d'arrosage,  au  nombre  de  1.600.  La  longueur 
des  deux  réseaux  atteignait  16  lieues  et  demie. 
Dès  le  début,  la  pompe  à  feu  de  Chaillot  fournit 
toute  l'eau  nécessaire  aux  services  du  bois  ;  elle 
seule  pouvait  arriver  au-dessus  du  niveau  de  la 
cascade  du  lac  supérieur.  Mais  les  30.000  mètres 
cubes  quotidiens  de  son  débit  ne  tardèrent  pas  à 
devenir  insuffisants.  On  put  heureusement  prendre 
l'eau  de  l'Ourcq  au  réservoir  de  Monceaux,  qui 
dépassait  de  7  mètres  le  point  de  chute  des  cas- 
cades du  Grand-Lac,  et  l'eau  de  la  Seine,  coû- 
teuse (1),  fut  réduite  à  3.500  mètres  et  réservée 
au  Petit-Lac  et  aux  conduites  d'arrosement  de  la 
partie  supérieure  du  bois.  Enfin,  en  1861,  l'eau 
du  puits  artésien  de  Passy,  refroidie  et  emmaga- 
sinée à  la  cote  58  au-dessus  du  niveau  de  la  mer, 
moins  limoneuse  et  sentant  moins  mauvais  en 


été  que  les  précédentes,  suffit  aux  rivières  avec 
ses  10.000  mètres  cubes. 

Tous  les  travaux  de  plantations,  de  grottes,  de 
cascades    n'ont  été  évidemment  si  réussis    qoe 
grftce  au  concours  constant  de  l'ingénieur,  du  jar 
dinieret  de  l'architecte.  Voici  les  détails  les  plus 
intéressants  sur  les  pièces  et  cours  d'eau  : 

Cascade  du  Petit-Lac,  hauteur  4  mètres  ;  cas- 
cades du  Grand-Lac,  hauteur  6  mètres.  CtUe  de 
Longchamp  est  formée  d'une  nappe  de  16  mètres 
de  largeur  et  se  précipite  d'un  réservoir  de 
80  ares  dans  un  autre  bassin  à  7m.  50  plus  bas. 
Les  autres  pièces  d'eau  sont  la  mare  d'Anteoil  *- 
dont  on  a  seulement  régularisé  la  forme  et  rendu 
le  niveau  constant,  —  la  mare  aux  Biches,  les  lacs 
d'Armenonville,  de  Saint-James  et  de  Longchamp. 
La  mare  aux  Biches  est  alimentée  parle  ruisseau 
de  Longchamp,  qui  reçoit  le  trop-plein  du  Grand- 
J^c  et  se  décharge  dans  leréservourdela  Grande- 
Cascade.  Il  reprend  son  cours  au-dessous  du  bas- 
sin d'en  bas  et  va  remplir,  d'une  part,  le  lac  de 
Lonf;champ  et  celui  de  Bagatelle,  d'antre  part, 
la  pièce  d'eau  du  Moulin  et  celle  qui  se  trouve  près 
du  pont  de  Suresnes.  Deux  embranchements, 
greffes  non  loin  du  Grand- Lac,  se  dirigent  sur  les 
lacs  ou  mares  d'Armemonville  et  de  Saint-James. 

Les  premières  plantations  absorbèrent  420.000 
arbres,  arbustes  et  touffes.  Le  bois  n'est  plus, 
comme  il  l'était  jadis,  exploité  à  trente  ans;  on  a 
laissé  les  taillis  se  convertir  en  futaies  et  l'on  se 
contenta  de  tenir  les  sous-bois  garnis  d'arbrisseaux 
vari^.  Les  anciennes  pépinières  (1)  lurent  réunies 
aux  massifs  boisés  qui  les  entouraient,  et  Ton 
créa  les  pépinières  nouvelles  de  la  Muette,  qui  ont 
servi  à  toutes  les  promenades  et  voies  plantées  de 
Paris. 

Suivent  d'autres  détails  sur  les  concessions,  et 
M.  Haussaiann  achève  cette  partie  de  ses  Mé- 
moires en  déclarant  qu'il  a  vérifié  un  grand 
nombre  d'indications  dans  les  Promenades  de 
Paris  par  M.  Alphand,  magnifique  ouvrage  édité 
en  1868,  dont  nous  sommes  assez  heureux  pour 
avoir  reçu  de  notre  père  les  deux  volumes  qui  le 
composent.  Ils  seront  à  la  disposition  de  ceux  de 
nos  collègues  qui  désireraient  les  consulter. 

E.  P. 


(i)  Le8  arbres  nécessaires  aux  plaDtalions  des 
avenues  et  boulevard  et  du  bois  de  Boulogne  furent 
tirés  de  ces  pépinières.  L'ancien  bois  avait  des 
pépinières  résineuses  :  les  unes,  comprises  dans  le 
nouveau  périmètre  et  peuplées  de  sujets  de 
toute  venue,  furent  conionaues  avec  les  massifs 
forestiers  avoisinant.  Les  autres  furent  gardées 
au  Parc-des-Princes,  où  elles  étaient. 

On  sait  que,  depuis  la  suppression  du  Fleuriste 
de  la  MuelLc,  les  serres  de  la  Ville  sont  venues 
s'installer  au  Parc-des-Princes.  C'est  ainsi  que  se 
sont  trouvés  transformés  les  33.o98  mètres  qui 
depuis  1859,  alors  qu'on  avait  voulu  dégager  la 
mare  d'Auleuil,  avaient  servi  à  constituer  un  ar- 
borelum  pour  la  consen^ation  el  la  multiplication 
des  espèces  à  feuilles  caduques  ou  des  conifères. 


(1)  Les  eaux  étaient  réunies  dans  des  bassins 
dont  la  hauteur  au-dessus  du  fleuve  variait  de 
3o  à  36  mètres.  Insuffisantes  pour  les  besoins  d'un 
bon  service,  elles  collaient  déjà,  par  le  charbon 
consommé, 3  centimes  le  mètre  cube,  sans  compter 
les  autres  dépenses  qui  gravitaient  autour  des 
machines  élévaloires. 


ANNEXES 


4i3 


PLACE  DE  L^TOILE 
ET  AVENUE  DU  BOIS-DE-BOULOGNE 

i«  Loidu22juini854. 

ARTICLE  PREMIER.  —  Le  ministre  des  fîuaDces 
est  autorisé  à  concéder  à  la  Ville  de  Paris  les  por- 
tions de  Tancien  promenoir  de  Chaillot  réserrées  à 
FËlat  par  la  loi  da  8  juillet  1852. 

Art.  2.  —  La  Ville  de  Paris  est  autorisée  à 
Tendre  toutes  les  parties  de  ces  terrains  et  de  ceux 
concédés  par  la  loi  précitée,  qui  ne  sont  pas  né- 
cessaires pour  acherer  et  embellir  les  abords  de 
l'Arc  de  Triomphe  de  FÉtoile,  à  la  charge  par 
elle: 

1°  De  remplacer  cet  ancien  promenoir  par  des 
promenades  noutelles  établies  conformément  aux 
délibérations  de  la  Commission  départementale  de 
la  Soine,  du 24 novembre 4853,  et  delà  Commis- 
sion municipale  de  Paris,  du  9  décembre  1853, 
sur  les  parties  latérales  de  la  route  départemen- 
tale (1)  qui  doit  être  ourerte  entre  la  place  de 
l'Etoile  et  la  porte  Dauphine  du  bois  de  Boulo- 
gne; 

2®  De  conserrer  et  entretenir  ces  promenades. 

Art.  3.  —  Un  décret  impérial  déterminera  les 
dispositions  de  constructions  et  do  clôtures  qui  de- 
vront être  observées  sur  les  terrains  provenant  de 
l'ancien  promenoir  de  Chaillot,  et  en  façade  sur 
la  place  de  l'Etoile. 

J<e  même  décret  déterminera  également  les 
genres  d'industrie  et  de  commerce  dont  l'exploita- 
tion sera  interdite  dans  les  maisons  construites  sur 
ces  terrains. 

Art.  4.  —  Les  terrains  joignant  les  parties  laté- 
rales de  la  route  départementale  devront  être  clos 
par  des  grilles  de  fer  établies  suivant  un  modèle 
uniforme. 

Aucune  construction  ne  pourra  être  élevée  aune 
distance  moindre  de  dix  mètres  de  ces  grilles. 

Les  prohibitions  portées  par  le  décret  à  interve- 
nir, en  vertu  du  dernier  para^aphe  de  Tarticle  3, 
seront  applicables  à  ces  terrains  et  constructions. 

Art.  5.  —  Aucune  plus-value  ne  pourra  être 
demandée  aux  propriétaires  des  terrains  qui  sont 
assujettis  à  ces  servitudes. 

Art.  6.  —  Les  propriétaires  des  terrains  gre- 
vés oui,  dans  les  trois  mois  do  la  notification  à 
eux  faite  par  l'administration,  n'auront  pas  dé- 
claré se  soumettre  aux  servitudes  créées  par  la  pré- 
sente loi,  seront  expropriés  de  leurs  immeubles 
dans  les  formes  de  droit. 

2'  Décret  du  i 3  août  /S5L 
NAPOLÉON,  elc 


Avons  btcntrÈ  et  décrétons  ce  qui  suit  : 
Article  premier.  —  La  disposition  générale  de 


la  place  de  l'Etoile  et  de  ^es  abords  est  arrêtée 
conformément  au  plan  ci-dessus  visé. 

En  conséauence,  les  terrains  bordant  la  place 
seront  clos  de  grilles,  et  aucune  construction  ne 
pourra  être  élevée  qu'à  seize  mètres  en  arrière. 

Ces  terrains  n'auront  d'entrées  que  sur  les  ave- 
nues ra^j'onnant  vers  la  place  et  sur  la  rue  circu- 
laire reliant  ces  avenues  entre  elles. 

Art.  2.  —  Les  grilles  de  clôture,  tant  sur  la 
place  au'en  retour,  aux  points  indiqués  au  plan 
général,  sur  les  voies  rayonnantes,  et  les  cons- 
tructions prenant  aspect  direct  tant  sur  la  place 
que  sur  les  parties  des  voies  rayonnantes  com- 
prises entre  la  place  et  la  rue  circulaire,  seront 
établies  suivant  les  lignes  de  ce  plan  et  complète- 
ment uniformes  quant  à  leur  élévation  et  leur  dé- 
coration extérieure. 

Les  erilles  reposeront  sur  un  socle  bas  en  pierre 
de  taille  ;  elles  seront  en  fer  avec  ornements  en 
fonte  et  candélabres  aux  angles,  sans  aucune  pile 
en  pierre  ;  elles  seront  bronzées  de  la  même  teinte. 

Les  façades  des  constructions  seront  en  pierre  de 
taille,  avec  pilastres,  balustres,  moulures  sail- 
lantes, corniches  et  autres  ornements  de  même 
matière.  Aucune  enseigne  ni  indication  quelconque 
n'y  pourra  être  placée.  Les  toitures  seront  en 
zinc,  à  deux  pentes,  raccordées  par  une  galerie  en 
fonte  ;  elles  seront  percées  de  mansardes  dans  la 
partie  inférieure.  Le  tout  sera  conforme  aux  des- 
sins annexés  au  présent  décret. 

La  face  supérieure  du  sole,  des  grilles,  la  re- 
traite des  soubassements,  les  cordons,  entable- 
ments et  autres  lignes  horizontales  des  façades  et 
des  constructions  seront  aux  mômes  niveaux  sur 
toute  la  circonférence  de  la  place. 

I^  Préfet  de  la  Seine  donnera  les  alignements 
et  les  nivellements,  et  il  fera  surveiller  l'exécu  - 
tion  des  conditions  ci-dessus. 

Art.  3.  —  Les  grilles  de  clôture  et  les  façades 
des  constructions  devront  être  constamment  tenues 
en  bon  état  de  propreté,  selon  les  prescriptions 
du  Préfet  de  la  Seine. 

Art.  4.  —  Les  terrains  réservés  entre  les  grilles 
et  les  constructions  seront  cultivés  en  parterres 
d'agrément  et  ne  pourront  devenir,  sons  aucun 
prétexte,  des  lieux  de  réunions  publiques. 

Art.  5.  —  Aucun  genre  de  commerce  ou  d'in- 
dustrie ne  pourra  être  exercé  sur  les  terrains  pro- 
venant du  promenoir  de  Chaillot  qui  seront  com- 
pris entre  la  place  et  la  rue  circulaire,  et  sur 
tous  ceux  oue  la  Ville  de  Paris  pourra  ultérieure- 
ment acquérir  dans  les  mêmes  limites,  si  ce  n'est 
en  vertu  d'une  autorisation  du  Préfet  de  la  Seine 
qui  en  déterminera  les  conditions  pour  chaque  cas. 

Ces  autorisations  seront  toujours  révocables. 

Art.  6.  —  Les  dispositions  des  articles  2,  3,  et 
4  touchant  les  grilles  et  les  parterres  réservés,  et 
les  prohibitions  contenues  dans  l'article  5  seront 
applicables  aux  terrains  bordant  les  parties  laté- 
rales de  la  route  départementale  n°  4  (i),  entre  la 
place  de  l'Etoile  et  la  porte  Dauphine  du  bois  de 
Boulogne. 

Art.  7.  —  Un  extrait  du  plan  général  et  un 
exemplaire  des  dessins  de  grilles  et  constructions, 
annexés  au  présent  décret,  seront  joints  aux  con- 


(i)  Avenue  du  Bois  de-Boulogne. 


(i)  Avenue  du  Bois-de-Boulogne. 


4i4 


HISTOIRE    DU   XVr   ARRONDISSEMENT 


trats  de  vente  oa  d'échaoge  des  terrains  de  l'an- 
cien promenoir  de  Cbaillot  frappés  des  sujétions  de 
clôtare  et  de  construction  ci-dessus  établies. 

Des  exemplaires  du  dessin  de  la  grille  seront 
notifiés  à  tous  leâ  propriétaires  des  terrains  bor- 
dant les  parties  latérales  de  la  route  départemen- 
tale n°  4,  qui  se  soumettront  aux  servitudes  im- 
posées par  l*article  4  de  la  loi  du  2i  juin  1854  et 
annexés  aux  contrats  de  vente  et  d'échange  des 
terrains  expropriés  en  vertu  de  Tarticle  6  de  cette 
loi. 


Fait  à  BiarriU,  le  13  août  1854. 


Signé:  NAPOLIîX)N. 


L0N6CHAMP 
I 

OlilGlNC  DE  LA  PnOMENADE  DE  LONCCUAHP 

Tout  le  monde  connaît  Torigine  très  Ionique 
de  Tusage  très  bizarre  qui  faisait  des  trois  jours 
de  la  Semaine  Sainte,  le  mercredi,  le  jeudi  et  le 
vendredi,  la  grande  fête  du  luxe  et  de  la  vanité, 
la  pompeuse  cavalcade  ob  s'exhibaient  avec  fracas 
toutes  les  nouveautés  et  toutes  les  folies  des  modes 
printanières.  On  sait  que  cette  promenade  eut  pour 
point  de  départ  un  pèlerinage  à  Tabbayc  de  Long- 
champ,  fondée  par  Isabelle  de  France,  sœur  de 
saint  Louis  et  où  ses  restes  mortels  opéraient  des 
miracles.  Personne  n'ignore  comment  cette  abbaye, 
gâtée  par  sa  puissance  et  sa  richesse,  par  les  pri- 
vilèges dont  les  papes  et  les  rois  s'étaient  plu  à  la 
combler,  tomba  peu  à  peu  dans  un  état  de  déca- 
dence, d'indiscipline  et  de  dérèglement  contre  le- 
auel  saint  Vincent  de  Paul  s'élevait  avec  une 
force  tout  apostolique  au  xvii*^  siècle  :  comment  en- 
suite elle  imagina  de  combattre  le  discrédit  où  ses 
désordres  l'avaient  réduite  et  de  reconquérir  l'af- 
fluence  publique  autour  du  tombeau  de  sainte  Isa- 
belle par  ses  offices  de  la  Semaine  Sainte  en  mu- 
sique. 

A  la  fin  du  xvii<^  siècle,  les  Ténèbres  de  Long- 
champ  avaient  déjà  la  vogue,  et  il  était  de  mode 
parmi  les  courtisans  de  s'y  rendre. 

En  1727,  la  retraite  de  M""  Le  Maine,  fameuse 
cantatrice  du  grand  Opéra,  qui  était  allée  y  pren- 
dre le  voile,  accrut  cette  mode  jusqu'aux  propor- 
tions d'un  engouement  inouï.  Pendant  les  trois 
ans  qu'elle  y  resta,  la  beauté  extraordinaire  de  sa 
voix,  étendue,  puissante  et  moelleuse,  l'art  de  sa 
diction  et  l'accent  pathétique  qu'elle  savait  met- 
ire  dans  son  chant,  attirèrent  aux  ofiices  de  la 
Semaine  Sainte  un  immense  mais  très  profane  pu- 
blic, heureux  de  retrouver  ainsi  une  favorite  si 
vivement  regrettée. 

Le  jour  où  elle  se  fit  entendre  pour  la  première 
fois,  on  s'écrasa  dans  la  nef,  dans  la  tribune  et 
jusque  dans  la  galerie  qui  conduisait  à  la  chapelle 


dont  il  fut  impossible  de  fermer  les  portes.  L*ht- 
bitude  persista  après  son  départ,  grâce  au  soin  que 
prit  l'abbaye  de  recruter  partout,  et  même  insque 
dans  les  chœurs  de  l'Opéra,  dit-on,  les  voix  les 
plus  pures  et  les  plus  parfaites  pour  soutenir  la 
réputation  de  ses  concerts  rebgieux.  La  mode 
était  fixée.  Pendant  un  mois  d'avance,  pas  une 
femme  du  grand  monde  ou  du  demi-monde,  si 
l'on  peut  employer  cette  expression  sans  anachro- 
nisme, qui  ne  songeât  jour  et  nuit  à  la  façon  vic- 
torieuse dont  elle  s'y  prendrait  pour  faire  Ténè- 
bres, selon  le  mot  consacré,  au  prochain  Long- 
champ. 

L'auteur  anonyme  de  VHùtoire  de  Laurent 
Marcel,  ou  l'observateur  sans  fré jugés,  publiée 
en  1779,  mais  dont  les  observations  remontent  à 
quelques  années  plus  haut,  a  parlé  de  ces  concerts 
et  décrit  leur  physionomie  très  mondaine.  €  L^ 
célébrité  des  lamentations  de  Longchamp  nous  dé- 
termina à  les  aller  entendre,  et  ce  furent  de  t(»nt«rs 
nos  pratiques  de  piété  celle  dont  je  fus  le  moins 
conlent.  Il  se  forme  à  ces  sortes  d'assemblées  une 
émulation  de  voix  et  d'instruments  qui  ne  parais- 
sent se  surpasser  que  pour  briguer  de  nombreux 
suffrages.  Les  musiciens  s'y  rendent  comme  à 
l'Opéra,  avec  un  extérieur  d'effronterie  qui  révolte. 
La  moitié  des  assistants  oublient  l'objet  qui  de- 
vrait les  y  attbrer  pour  ne  s'occuper  que  de  la  mé- 
lodie des  sons  et  de  la  beauté  des  vibrations  et 
des  roulades  ;  on  y  parle,  on  y  rit,  on  y  klate 
avec  aussi  peu  de  ménagement  que  dans  un  mar- 
ché. Une  quêteuse,  entre  autres,  s'y  fait  voir  dans 
une  parure  peu  faite  pour  exciter  la  dévotion.  » 

L'usage  survécut  à  la  cause  qui  lui  avait  donné 
naissance,  et  quand  l'archevêque  de  Pari^,  Chris- 
tophe de  fieaumont,  scandalisé  de  voir  la  foule  se 
donner  rendez-vous  dans  une  chapelle  comme  ^ 
un  thé&tre,  la  fit  fermer  au  public,  celui-ci  n'en 
continua  pas  moins  à  défiler  pendant  les  trois  jours 
saints  dans  les  Chauips-Elysées  et  dans  l'allée  du 
bois  de  Boulogne  oui  conduisait  à  Longchamp.  On 
garda  la  promenade  et  l'eihibition  dont  le  chant 
des  Ténèbres  n'était  plus  depuis  longtemps  que  le 
prétexte.  On  ne  fit  plus  Ténèbres;  on  fit  Long- 
champ  toujours  :  c'était  le  principal.  On  n'avait 
plus  la  fatigue  et  l'ennui  de  de>cendre  du  carrosse 
où  l'on  était  si  bien,  où  l'on  s'étalait  en  une  pose 
si  savamment  calculée  pour  mettre  dans  tout  leur 
jour  les  avantages  de  sa  personne  et  de  sa  toUette, 
de  s'étouffer  dans  l'église  au  risque  d'y  gâter  sa 
dentelle  et  d'y  friper  son  falbala.  Au  lieu  d'entrer 
dans  la  chapelle,  on  en  fit  le  tour,  et  ce  fut  là  toat 
le  changement. 

Les  règnes  de  Louis  XV  et  de  Louis  XYI  furent 
Tige  d'or  de  Longchamp.  Celait  à  qui  s'y  mon- 
trerait avec  la  toilette  la  plus  écrasante,  l'équipage 
le  plus  riche  et  le  plus  original,  les  bijoux  les  plus 
éblouissants. 

Les  femmes  de  théitie,  surtout,  allaient  y  éta- 
ler leur  luxe  insolent,  un  luxe  asiatique,  comme 
dit  Prudhomme.  En  174^,  M^'*  Le  Duc  s'y  montre 
toute  couverte  de  diamauts  dans  un  carrosse  à  six 
chevaux,  puis  dans  une  microscopique  calèche 
bleue  et  argent  attelée  de  six  chevaux  pas  plus 
gros  que  des  ^koes.  <  Un  petit  postillon  et  un  petit 
hussard  richement  habilléi,  l'un  en  veste  rouge 
toute  couverte  de  galons  d'argent,  avec  une  plume 


ANNEXÉS 


4i5 


bleue  au  chapeau,  Tautre  en  robe  bleue,  le  sabre 
et  le  bonnet  tout  garnis  de  plaques  d*ai]gent.  » 

En  1753,  au  plus  fort  de  l'autorité  royale 
contre  le  Parlement  et  contre  le  Chitelet,  au  mo- 
ment où  Ton  parlait  de  supprimer  Fun  et  Tautre»  et 
où  la  fermentation  de  Paris  était  à  son  comble  par 
suite  de  Tarrestation  de  plusieurs  conseillers,  le 
luxe  de  carrosses,  de  magniâoues  livrées,  de  pa- 
rures et  de  diamants  déployé  dans  le  cortège  de  la 
mode  parut  une  sorte  de  bravade  aux  esprits 
agités. 

£n  1768,  M"*"  Guimard,  la  danseuse,  attirait 
tous  les  regards  par  un  char  d*une  élégance  ex- 

3uise,  décoré  d'armes  parlantes  :  un  marc  d*or 
"où  sortait  uo  guy  de  chêne  dans  unécusson  sup- 
porté par  les  Grâces  et  couronné  par  les  Amours. 
Les  femmes  du  monde  avaient  parfois  le  mau- 
vais goût  de  vouloir  lutter  contre  ces  créatures 
qui  étalaient  leur  honte  en  étalant  leurs  richesses. 
Au  Longcùamp  de  1780,  la  duchesse  de  Valenti- 
nois  produisit  une  sensation  énorme  en  se  prome- 
nant dans  un  carrosse  de  porcelaine  attelé  de  che- 
vaux gris  pommelé  aux  harnais  de  soie  cramoisie 
brodés  en  argent.  Mais  une  simple  figurante  de 
rOpéra,  W^^  Beaupré,  éclipsa  la  duchesse  :  son 
carrosse,  également  en  porcelaine  et  traîné  par 
quatre  chevaux  isabelle,  harnachés  de  velours  bleu 
foncé  que  rehausse  une  somptueuse  broderie  d*or, 
éiait  décoré  de  peintures  représentant  Diane  et 
Ëndymion. 

Belle  Valenlinois, 

s*écriait  à  ce  propos  an  poète, 

Laissez  souâ  la  remise 
Ce  carrosse  fragile  avec  raison  vanté. 
La  vertu  d'Opéra  doit,  en  toute  entreprise. 

L'emporter  en  fragilité. 

Longchamp  servait  alors  de  théâtre  h  des  exhi-> 
bitions  de  tout  genre,  même  en  dehors  de  la  mode. 
Les  Mémoires  secrets  de  Bachaumont  nous  ap- 
prennent en  1782  aue  Taéronaute  Blanchard  avait 
eu  bien  des  fois  Tiaée  d*y  montrer  la  voiture  mar- 
chant sans  chevaux,  qu'il  avait  imaginée,  mais 
n'avait  pas  eu  le  temps  de  faire.  Il  la  fabriqua  un 
peu  plus  tard  et  on  la  vit  fonctionner,  plus  d'une 
fois  peut-être,  pendant  le  fameux  défilé  des  jours 
saints,  dans  la  grande  avenue  des  Champs-Elysées. 
Un  Anglais  parutàLon^^champdansuncarros^ 
d*argentdont  les  roues  étaient  rehaussées  de  pierres 
précieuses,  et  les  chevaux  ferrés  du  même  métal. 
C'était  à  qui  étalerait  le  plus  de  richesse  dans  les 
équipages,  le  plus  d'élégance  dans  les  attelages,  le 
plus  de  faste  dans  les  livrées. 

Les  approches  de  la  Kévolution  ne  changèrent 
rien  à  Tusage  reçu. 

U  cavalcade  de  1786  fut  des  plus  brillantes,  et 
M^^*"  Àdeline,  de  la  Gomédie-Italienue,  dont  la  dé- 
pense en  cette  occasion  s*éleva  jusqu'à  mille  louis, 
y  éclipsa  tout  le  monde  par  la  magnificence  de  sa 
voiture,  de  son  attelage  et  du  harnachement  deses 
chevaux.  (Extrait  du  Vieux  Paris,  fôteSy  jetut  et 
spectacles,  par  Victor  Fournel.) 

Mais  il  est  temps  de  s'arrêter  ici,  car  si  l'on 
vottlaitrelracer  en  détails  l'histoire  de  longchamp, 
ce  ne  serait  pas  des  pages  qu'il  faudrait  écrire, 
mais  un  volume.  Nous  avons  simplement  voulu  rap- 


peler en  quelques  mots  l'origine  de  cette  promenade, 
qui  était  le  rendez-vous  de  toutes  les  élégances,  et 
où  l'on  exhibait  toutes  les  modes  nouvelles. 

O*-'  Fea.NAMD  DE  l'Eguse  deFerrier  bE Félix. 


II 


On    lisait  dans  le  numéro   de  la  Liberté  du  ig 
février  i^^t  le  passage  suivant  : 

Auteuil  vient  de  rouvrir  les  portes  de  son  hip- 
podrome. A  ce  sujet  la  description  d'une  course 
sur  le  même  emplacement  au  xvn^  siècle  est  pres- 
que d'actualité. 

Elle  est  extraite  du  journal  do  Dubuisson-Au- 
benay,  à  la  date  du  15  mai  1651. 

€  Ce  jour  après  dîner  il  y  a  eu  prix  et  gaj^e  de 
mille  écus  pour  courses  de  chevaux  au  bois  de 
Boulogne  entre  le  prince  d'Harcourt  et  le  duc  de 
Joyeuse  sur  chacun  un  cheval. 

€  Us  ont  mené  leur  course  en  la  clairière  de  la 
Muette  et  passant  par  le  grand  chemin  droit  vers 
Saint-Cloud.  Tournant  sur  la  rive  droite  au  de- 
dans de  l'enclos  par  la  grande  route  qui  revient  au 
château  de  Madrid,  ils  ont  été  également  et  sans 
avantage. 

€  Le  prince  d'Harcourt  vêtu  d'un  habit  gris  fait 
exprès  et  très  étroit,  un  bonnet  entête  juste  et  ses 
cheveux  dedans,  mais  ayant  trois  livres  de  plomb 
en  sa  poche  pour  peser  autant  que  Le  Plessis  du 
Vernet,  maître  d'académie  qui  courait  en  place  et 
sur  le  cheval  du  duc  de  Joyeuse. 

«  Force  gens  de  la  cour  y  assistaient.  » 

Telle  est  peut-être  l'origine  des  réuuious  spor- 
tives d'Auteuil  et  de  Longchamp. 


m 


Doit-on  écrire  Longcham/?  ou  Longcham/7S  ?  de- 
mande Tun  de  nos  confrères. 

A  notre  avis,  on  peut  écrire  l'un  et  l'autre,  car 
de  tout  temps  on  s'est  servi  des  deux  orthographes. 

En  effet,  Dubreuil,  dont  les  Antiquiti's  de 
Paris  parurent  en  1 61 1 ,  dit  indifféremment  €  Long- 
champs  »  et  <  Longchamp  ». 

Cependaut,  s'il  faut  s'en  rapporter  aux  docu- 
ments, c'est  Longchamp,  sans  s,  qui  devrait  pré- 
valoir. En  effet,  dans  les  chartes,  les  abbesses 
sont  ainsi  désignées  :  Abbaiissa  sororum  mino- 
rissarum  incmsarum  humilitatis  nostrœ  Do- 
minœ  de  Longo  Campo. 

L'abbé  Lebœuf,  très  soucieux  des  étymologies, 
a  adopté  cette  dernière  orthographe  et  il  la  fonde 
sur  la  remarque  suivante  :  «  Le  nom  de  Long- 
CJiamp,  que  portait  ce  terrain  dès  le  treizième 
siècle,  convient  à  sa  situation  dans  une  grande 
plaine  à  l'extrémité  du  bois  de  Rouvret,  dit  depuis 
de  Boulogne.  » 

Aux  édiles  de  choisir,  mais  de  cesser  de  jeter 
le  trouble  dans  l'esprit  des  Parisiens  en  inscrivant 
ici  «  rue  de  Longchamp  »  et,  un  peu  plus  loin,  €  rue 
de  Longchamps.  » 

(Le  Soleil,  9  juin  1894.) 


4i6 


HISTOIRE   DU   XVI*   ARRONDISSEMENT 


INAUGURATION    DU    MONUMENT  ALPHAND 

Le  jeadi  i4  décembre  dernier,  k  iO  heures  et 
demie  du  matin,  a  eu  lieu,  avenue  du  Bois-de- 
Boulogne,  rinauguration  du  monument  Alphand. 
A  rentrée  de  cet  admirable  bois  aui  fut  son 
œuvre,  Tancien  directeur  des  travaux  de  Pans  se 
tient  penché,  donnant  des  ordres  à  quatre  de  ses 
collaborateurs  :  un  ingénieur,  un  architecte,  un 
peintre  et  un  sculpteur,  personnifiés  par  MM.  Huet, 
Bouvard,  Roll  et  Dalou,  auteur  lui-même  du  mo- 
nument. Sur  rhémicycle  de  pierre  qui  entoure  le 
socle,  sont  reorésentès  ses  autres  collaborateurs, 
les  plus  humbles,  des  maçons  gâchant  le  plâtre,  et 
des  jardiniers  transportant  des  plantes. 

Le  sculpteur  a  voulu  ainsi  ({ue  tous  ceux  qui 
avaient  été  à  la  peine,  ^ui  avaient  aidé  Alphand 
dans  la  lourde  tâche  qu*il  s*était  imposée  :  la  mé- 
tamorphose de  Paris,  fussent,  avec  le  maître,  ù 
l'honneur. 

Malgré  le  froid  qui  avait  mis  son  manteau  de 
givre  à  tous  les  arbres  de  l'avenue  qu'Alphaiid 
aurait  voulu  toujours  riante  de  soleil  et  de  prin- 
temps, de  nombreux  amis  du  grand  metteur  en 
scène  de  Paris  et  le  monde  officiel  (1)  au  grand 
complet  avaient  tenu  à  lui  apporter  Thommage  do 
leur  admiration. 

La  Société  historique  d'Auteuil  et  de  Passy  avait 
voulu,  en  déléguant  à  cette  cérémonie  plusieurs 
membres  de  son  bureau,  à  la  tète  desquels,  son 
vénéré  président  M.  Manuel,  et  Mme  Manuel  ;  son 
secrétaire  général,  M.  Emile  Potin  ;  MM.  et  Mme 
de  l'Eglise,  M.  Botrel,  MmeFlobert,  etc.  (2),  prou- 
ver sa  sympathie  et  sa  reconnaissance  à  l'homme 
aui  avait  fait  la  plus  belle  place  à  «  son  Passy  » 
ans  le  grand  amour  qu'il  portait  à  Paris  tout 
entier. 

M.  Mesureur,  vice-président  de  la  Chambre, 
prend  le  premier  la  parole  pour  remettre,  au  nom 
du  Comité  Alphand,  le  monument  à  la  Ville  de 
Paris. 

€  Ce  monument,  dit-il,  est  ce  qu'il  devait  être  : 
la  synthèse  du  travail  accompli  en  moins  d*un  demi- 
siècle  pour  transformer  notre  vieille  capitale  en 
une  incomparable  cité,  rivale  moderne  des  plus 
belles  cités  antiques. 

€  Dans  son  attitude  habituelle,  faite  de  grandeur 
et  de  simplicité,  Alphand  domine  cette  page  vi- 


(i)  Reconnu  ou  pnssa^e  :  MM.  Poubelle,  om- 
bassadeurde  la  République  française  au  Vatican, 
Roujon*.  directeur   des  Beaux-Arts;  de  Selves, 

I)réret  de  la  Seine  ;  Lépinc,  pr^-fet  ôv  police  ; 
)rumann,  secrétaire  général  de  la  préfecture  de 
la  Seine  ;  Alfred  Picard,  commissaire  général  de 
l'Exposition  de  1900;  Ernest  Gay*,  Caplain*,  con- 
seillers municipaux  du  XVl*  arrondissement  ; 
Berthemet*,  adioint  au  maire;  Bouvard,  archi- 
tecte en  cbef  ;  Bechmann,  ingénieur  en  chef  de 
la  Ville  ;  Anlonin  Dubost,  Bassinet,  sénateurs; 
Beauregard*,  Berger,  du  Péricr  de  Larsan,  dé- 
putés; Corroyer*,  Nénot,  membres  de  l'Institut  ; 
Mareuse',  secrétaire  du  Comité  des  Inscriptions 
parisiennes;  le  docteur  Thuilier,  etc. 

(a)  MM.  Ferdinand  Périer,  Ch.  Dupuy,   Gaston 
Duchesne,  etc. 
'  Egalement  membres  de  la  Société. 


Tante  des  travaux  de  Paris.  De  cette  place,  il  peut 
contempler  la  ville  de  pierre  sans  limite  et  les 
perspectives  sans  fin  de  son  bois  de  prédilection.  > 

Après  avoir  félicité  M.  Dalou,  M.  Mesureur  rap- 
pelle la  longue  carrière  d*Alphand.Il  nousie montre 
refusant,  après  la  guerre  civile  et  étrangère,  le 
poste  de  préfet  de  la  Seine  que  luioffraitM.  Thiers  : 

«  Je  n*ai  jamais,  disait-il,  voulu  être  qu'un  mo- 
deste fonctionnaire,  entièrement  dévoué  aux  travaux 
de  sa  fonction,  et  je  veux  rester  toujours  étranger 
à  la  politique.  » 

C'est  alors  qu*on  le  nomma  directeur  des  travaux 
de  Paris. 

M.  Lucipia,  président  du  conseil  municipal,  rap- 
pelle les  luttes  qu'Alphand  dut  soutenir  avec  ce 
même  conseil. 

Puis  le  préfet  de  la  Seine  retrace  la  vie  et  Tœuvre 
d'Alphand  €  qui,  dit-il,  a  travaillé  pour  tous,  et 
pour  la  tombe  de  qui  tous  doivent  avoir  une  fleur, 
celui  pour  qui  la  nature  semble  avoir  été  le  plus 
avare,  de  même  que  les  plus  heureux  dece  monde.  > 

Enfin,  M.  Larroumet  prend  la  parole  au  nom  de 
TAcadémie  des  Beaux-Arts,  <  qui  est,  dit-il,  heu- 
reuse et  fière  de  réclamer  comme  un  des  siens  celui 
qui  a  fait  un  Paris  nouveau  avec  le  vieux  Paris.  » 

«  Les  rues  de  Paris,  dit-il,  étaient  étroites  et 
sombres,  il  fallait  les  élargir  et  les  éclairer  ;  mais 
partout  s'élevaient  d'antiques  monuments,  joyaux 
de  sa  couronne,  dont  la  ruine  eût  été  une  profa- 
nation. Comment  les  conserver  au  milieu  des  voies 
nouvelles  et  leur  garder  un  caractère  qui  semblait 
inséparable  du  cadre  oii  le  temps  les  avait  placés  1 

€  Alphand  résolut  ce  problème  redoutable  à 
force  de  goût,  de  mesure  et  de  sens  artiste.  > 

Les  discours  terminés,  M.  Gustave  Vautrey  lit 
une  fort  belle  pièce  de  vers  dédiée  à  Alphand. 

La  Société  historique  d'Auteuil  et  de  Passy  vient 
apporter  son  tribut  de  reconnaissance  au  Comité 
qui  a  entrepris  d'élever  ce  monument  et  au  conseil 
municipal  qui  a  permis  de  le  placer  dans  sa  sphère 
d'études.  Cette  statue,  ainsi  que  le  disait  un  vidl 
architecte  américain,  élevée  à  Alphand  dans  cette 
ville  qu'il  a  rajeunie,  restaurée,  refaite,  sera  comme 
la  signature  du  peintre  au  bas  du  tableau. 

Comte  F.  de  l'Eglise. 


DISCOURS    DU    ROI    CHARLES   X 

AUX   HABITANTS  DE  PASST 

Ce  ne  fut  guère  que  vers  1824  au*on  commença 
à  bâtir  dans  ce  qu'alors  on  appelait  iû  piaine  à 
Passy,  c'est-à  -dire  dans  tout  cet  espace  compris 
entre  la  rue  de  la  Tour,  les  fortificatious,  l'avenue 
de  Neuilly  et  l'avenue  Kléber.  On  se  mit  alors  à 
tracer  des  rues  spacieuses  que  l'on  coupa  par  le 
milieu  par  une  route  magnifique  allant  de  la  place 
de  l'Arc-de-Triomphe  de  l'Etoile  à  l'extrémité  du 
parc  de  la  Muette  et  qu'on  baptisa  du  nom  d*ave- 
nue  de  Saint-Cloud  (actuellement  avenue  Victor- 
Hugo  et  partie  de  l'avenue  Henri-Martin). 

Les  entrepreneurs  de  cette  voie  conçurent  alors 


ANNEXES 


417 


le  dessein  de  la  faire  déclarer  route  départemen- 
taie,  pour  que  les  frais  d'entretien  dont  ils  étaient 

S  rêvés  fassent  supportés  ^r  les  fonds  de  voirie 
a  département.  La  municipalité  de  Passy  s'em- 
pressa de  seconder  Tentreprise  dans  ses  démarches  ; 
mab,  comme  l'affaire  traînait  en  longueur,  on 
résolut  de  la  porter  jusqu'au  roi  lui-même.  Char- 
les X,  qui  régnait  alors,  accueillit  avec  bienveillance 
les  ouvertures  qui  lui  furent  faites  à  ce  sujet;  il 
voulut,  avant  tout,  voir  les  choses  de  ses  propres 
yeux  et  promit  de  passer  par  la  nouvelle  route,  lors 
de  son  premier  voyagea  Saint-Cloud.  On  s'informa 
du  jour  oh  le  roi  effectuerait  cette  promesse,  et, 
le  jour  pris  (22  mai  1826),  M.  Auge  de  Fleury, 
maire  de  Passy,  accompagné  des  entrepreneurs 
et  d'un  grand  nombre  d'habitants,  se  rendit  au- 
devant  du  roi  jusqu'au  rond-point  (place  Victor- 
Hugo).  Dès  que  le  roi  aperçut  le  cortège  municipal 
placé  sur  son  passage,  il  donna  l'ordre  d'arrêter. 
Le  maire,  s'avançant  alors  respectueusement,  pro- 
nonça d'une  voix  émue  le  discours  qu'il  avait  pré- 
paré pour  la  circonstance.  Et  Sa  Majesté  lui  répondit 
par  ces  mémorables  paroles:  «  Je  suis  enchanté  de 
cette  belle  route t  qui  me  rapproche  des  habitants 
de  votre  commune.  Je  sais qu'ilsm'aiment  bien, 
je  les  aime  beaucoup  aussi  ;  assurejr-les  de  ma 
bienveillance  et  de  ma  protection,  »  Et  la  calè- 
che royale  repartit  au  galop. 

(Extrait  en  partie  des  Chroniques  de  Passy, 
de  Quillet,  1. 1,  p.  232  à  235.) 


LA    FILLE  DE    LAW   AU    ROND-POINT 
DE  L'ÉTOILE  (1720) 

Tons  les  ans,  au  xviti®  siècle,  la  mode  était 
d'aller  au  rond-point  de  l'Etoile  (emplacement  de 
l'Arc  de  Triomphe)  voir  le  retour  de  la  foire  de 
Bezons,  oh  les  Parisiens  se  rendaient  en  foule  le 
premier  dimanche  après  la  Saint-Fiacre,  c'est-à- 
dire  après  le  30  août.  Or,  voici  l'anecdote  que 
raconte  l'avocat  Barbier  dans  son  Journal,  à  la 
date  du  l***  septembre  1720.  Il  faut  se  rappeler 
qu'alors  le  fameux  financier  I^w,  après  avoir 
ruiné  par  son  système  un  grand  nombre  de  fa- 
milles, était  devenu  l'objet  de  l'exécration  géné- 
rale. 

<  C'a  été  cette  année,  comme  toutes  les  autres, 
la  mode  d'aller  à  l'Etoile  pour  voir  le  retour  de 
la  foire  dé  Bezons  ;  j'étais  à  m'y  promener, 
lorsque  Mlle  Law  vint  sur  les  six  heures  dans  un 
carrosse  à  sept  glaces.  Tous  les  laquais  et  la  po- 
pulace qui  étaient  à  FEtoile  ont  commencé  à  dire  : 
€  Cest  1(1  la  livrée  de  ce  b,,.  de  gueux  oui  ne 
paye  pas  les  billets  deiO  litres!  »  Dans  le  mo- 
ment, ils  ont  pris  des  pierres  et  de  la  terre,  ils  en 
ont  accablé  le  carrosse.  Le  cocher  n'a  eu  que  le 
temps  de  fuir  à  toutes  jambes  ;  Mlle  Law  a  été 
blessée.  Voilà  la  réception  qu'elle  a  eue.  ^. 

L.  M. 


RUES  PAUQUET,  NEWTON  ET  DES  BASSINS 

Ordonnance  royale  du  18  mars  iS36. 

LOUIS-PHILIPPE,  etc. 

Sur  le  rapport  de  notre  Ministre,  Secrétaire 
d'Etat  au  département  de  l'Intérieur  ; 

Vu  l'offre  faite  par  les  sieurs Dumoustier,  Lan- 
rent  et  Grassal,  pour  l'ouverture  de  trois  rues 
dont  ils  sont  propriétaires  entre  le  chemin  de 
ronde  de  la  barrière  de  l'Etoile  et  de  la  rue  de 
Ghaillot,  à  Paris,  lesdites  rues  désignées  sous  le 
nom  de  rues  Pauquet,  Newton  et  des  Bassins  sur 
le  plan  ci-annexé  ; 

Vu  la  délibération  du  Conseil  général  du  dépar- 
tement de  la  Seine,  faisant  fonctions  de  Conseil 
municipal  de  la  ville  de  Paris,  en  date  du  24  no- 
vembre 1834  ; 

Ensemble  l'avis  du  Préfet  du  département  de  la 
Seine  ; 

1^  Comité  de  l'Intérieur  de  notre  Con%il  d'Etat 
entendu, 

Nous  avons  ordonné  et  ordonnons  ce  qui  suit: 

Article  premier 

Les  sieurs  Dumoustier,  Laurent  et  Grassal  sont 
autorisés  à  ouvrir  sur  les  terrains  oui  leur  appar- 
tiennent entre  le  chemin  de  ronde  de  la  barrière  de 
l'Etoile  et  la  rue  de  Chaillot,  à  Paris,  trois  rues 
désignées  sous  le  nom  de  rues  Pauquet,  New- 
ton et  des  Bassins,  sur  le  plan  ci-annexé.  Les  ali- 
gnements de  ces  voies  publiques,  dont  la  largeur 
est  fixée  à  douze  mètres,  sont  a^^&tés  conformé- 
ment aux  lignes  noires  et  aux  procès-verbaux  de 
points  de  repère  portés  sur  ledit  plan. 

Art.  2. 

L'autorisation  résultant  de  la  disposition  qui 
précède  n'est  accordée  aux  sieurs  Dumoustier, 
Laurent  et  Grassal  qn  à  la  charge  par  eux  : 

1<^  De  livrer  sans  indemnité  à  la  Ville  de  Paris 
le  sol  qui  sera  occupé  par  les  nouvelles  voies  pu- 
bliques ; 

2®  De  supporter  les  frais  de  premier  établisse- 
meut  du  pavage  et  de  l'éclairage  desdites  rues  ; 

3®  D'y  établir  des  trottoirs  en  pierre  dure,  de 
la  forme  et  de  la  largeur  qui  seront  déterminées 
par  l'autorité  municipale  ; 

4^  De  pourvoir  à  l'écoulement  souterrain  ou  à 
ciel  ouvert  des  eaux  pluviales  et  ménagères  ; 

5*  De  ne  pouvoir  élever  les  constrtictiom 
riveraines  au  delà  de  la  hauteur  de  douze 
mètres. 

Le  tout  conformément  à  la  délibération  du  Con- 
seil municipal  de  la  Ville  de  Paris,  en  date  du 
24  novembre  1834. 

Art.  3. 

Notre  Ministre,  Secrétaire  d'Etat  de  ITntérieiir, 
est  chargé  de  l'exécution  de  la  présente  ordon- 
nance. 

Donné  au  palais  des  Tuileries,  le  18  mars 
1836. 

Signé  :  LOITS-PHILIPPE. 


27 


4l8 


HISTOIRE   DU  XVI*  ARRONDISSEMENT 


COMMENT,    DE    PARIS,    ON    VENAIT  JADIS 
A  PASSY  ET  VICE  VERSA 

On  a  TQ  dans  notre  petite  monographie  da 
Cours-la-Rcine,  qu*au  xvui*  siècle,  si  les  voitures 
poar  Versailles  étaient  nombreuses,  il  n'en  était 
pas  de  même  des  moyens  de  locomotion  pour  venir 
à  Passy.  Nous  n'avions  guère  alors,  à  part  les 
batelets  à  4  livres  pouvant  contenir  seize  personnes, 
que  la  galiote  ou  coche  d*eau,  faisant  de  Pâques  à 
la  Toussaint,  ponr  5  sols  et  deux  fois  par  jour,  le 
service  du  Pont-Royal  à  Saint-Cloud  (ou  plutôt 
au  pont  de  Sèvres)  avec  escale  à  Passy,  devant 
la  ru^de  la  Montagne  (Beethoven),  puisa  Auteuil, 
et  la  voiture  de  Passy  à  Saint-Cloud,  qui  exigeait 
deux  heures  de  route,  coûtait  7  sols  et  descendait 
les  voyageurs  à  Passy.  En  dehors  de  ces  deux 
services  à  peu  près  réguliers,  il  y  avait  bien  des 
voitures  à  volonté,  stationnant  généralement  à 
rentrée  du  Cours-la-Beine,  les  voitures  à  tant 
par  lieue  ou  à  Theure,  dont  le  bureau  était  à  Feu- 
trée du  faubourg  Saint-Honoré,  et  les  voitures  de 
poste  allant  à  la  Muette  (i)  ;  mais  ces  dernières 
ressources  n'étaient  pas  à  la  portée  de  toutes  les 
bourses.  Au  résumé,  le  meilleur  moyen  d'aller  à 
la  capitale  ou  d'en  revenir,  pour  les  gens  très 
peu  fortunés  et  bien  portants,  ou  désirant  le  de- 
venir, était  peut-être  le  voyage  à  pied,  quand  on 
ne  voulait  pias  tenter  de  s'accrocher,  sans  être  vu, 
à  l'arrière  d'un  bateau  de  marchandises,  pour  se 
ifaire  remorquer,  moyen  économique  qu'employa 
un  jour  le  célèbre  peintre  Latour,  pour  venir  du 
Louvre  au  château  seigneurial  de  Passy. 

Pour  se  faire  une  idée  du  transport  par  eau,  il 
faut  lire  le  drolatique  Voyage  à  Saint-Cloud  par 
mer  et  par  /err«,  publié  par  Néel  vers  1748  (2). 
Le  héros  du  voyage,  après  avoir  fait  tous  ses  pré- 
paratifs, trouve  prudent,  avant  de  s'embarquer, 
de  faire  sa  confession  générale  et  son  testament 
olographe.  Il  est  8  heures  du  matin,  on  va 
partir,  le  drapeau  est  hissé,  on  sonne  le  boote- 
selle  pour  appeler  les  voyageurs  en  retard  ;  enfin 
deux  lourds  chevaux,  ornés  d'un  charretier, 
hèlent  la  galiote.  Notre  jeune  voyageur  inexpéri- 
menté débute  mal.  L'odeur  du  goudron  lui  mon- 
tant à  la  tète,  il  veut,  pour  1  éviter,  se  retirer 
plus  loin,  cherche  à  se  lever,  impossible  de  le 
ifaire.  Le  malheureux  s'était  assis  sur  un  tas  de 
cordages  nouvellement  goudronnés,  et  la  chaleur 
qu'il  leur  avait  communiquée  les  avait  incorporés 
fM  intimement  à  sa  culotte,  qu'il  fallut  en  couper 
des  lambeaux  pour  le  débarrasser.  Mais  conti- 
nuons notre  voyage.  On  passe  devant  le  port  de  la 
Conférence,  devant  le  petit  Cours  (Cours-la-Reioe) 
ayant  à  gauche  les  Invalides  et  le  Gros-Caillou, 


(1)  Il  y  avait  voitures  de  po»te  ordinaire  et 
voitures  de  poste  royaie  pour  la  MucUo  ;  voi- 
lures de  poste  pour  Versailles,  desservant  la 
Muette  et  le  ronu-point  Morteniart  et  enfin  voi- 
tuves  de  poste  pour  Saint  Denis  et  le  Rour^el, 
passant  également  par  la  Muette. 

(3)  Se  trouve  aux  archives  de  la  Société  et, 
hluslré,  dans  celles  de  M.  Em.  Potin. 


puis  on  découvre  une  grande  Ile  déserte,  sans 
arbres,  sur  laquelle  on  ne  voit  que  des  piles  de 
bois,  quelques  cabanes,  des  bœufs  et  des  vaches 
paissint  en  liberté  ;  c'est  cette  Ile  qui  portait  ja- 
dis un  nom  peu  décent  (i)  et  qu'on  nommait  alors 
Vile  des  Cygnes,  En  face,  sur  la  rive  droite»  est 
le  dépôt  des  pierres  de  Saint-Leu,  et  au-dessus, 
sur  la  colline,  le  village  de  Chaillot,  sur  la  pente 
duquel  s'étagent  des  maisons  sans  nombre,  plus 
jolies  les  unes  que  les  autres.  Au  bord  de  1  eao 
fourmille  un  essaim  de  blanchisseuses,  ^  Agnès  de 
Chaillot,  jeunes  et  vieilles,  mêlant  au  bruit  de 
leurs  battoirs  de  gros  propos  de  barengères  à 
l'adresse  des  passagers.  Après  avoir  loogé  les 
murs  dudit  Chaillot  et  ceux  qui  leur  font  suite, 
murs  fort  longs  et  fort  élevés,  renfermant  le  grand 
clos  et  les  beaux  jardins  du  couvent  de  la  Visita- 
tion, on  aperçoit  un  gros  corps  de  logis  percé  de 
mille  croisées  antiques  et  adossé  à  une  église  dont 
la  pointe  du  clocher  semble  se  perdre  dans  les 
airs  :  c'est  le  fameux  couvent  des  Bonshommes. 
Arrivé  devant  les  deux  jardins  de  nos  Eaux  miné- 
rales, le  pilote  appelle  trois  fois  Jacob,  le  passeur  ; 
enfin  le  maussade  Jacob  arrive,  aborde  la  galiote 
avec  sa  barque,  prend  et  décharge  les  voyageurs 
pour  Passy. 

Tels  turent  pendant  bien  longtemps  nos  seuls 
moyens  de  transport  ;  puis  nous  eûmes,  sous  la 
Restauration,  une  station  ^e  carrosses  et  de  ca- 
briolets de  place,  le  long  du  inur  qui  touchait  à 
la  barrière  des  Bonshommes,  dite  aussi  barrière 
de  Passy  ;  mais  ce  n'était  pas  assez.  Nous  avions 
toujours  à  gravir  ou  à  descendre  la  montagne, 
dont  la  pente  rapide  et  glissante  était  peu  agréable, 
surtout  par  les  mauvais  temps.  Enfin,  vers  1824, 
dit  Quillet  dans  ses  Chroniques  de  Passy,  un 
nommé  Nansot  imagina,  le  premier,  d'établir  sur 
le  sommet  de  cette  montagne  une  espèce  de' ca- 
briolet à  six  ou  huit  places,  dans  le  ^enre  des 
voitures  à  volonté  qui  desservaient  Samt-Cloud, 
Sèvres  et  Versailles  et  qu'on  nommait  vulgaire- 
ment coucous  ;  c'est  dire  assez  que  ce  moyen  de 
transport  n'était  ni  élégant  ni  commode.  Il  eut 
cependant  plein  succès.  On  payait  75  centimes 
par  place  et  l'on  s*en  allait,  en  traversant  Chaillot, 
dans  les  environs  àa  Palais-Royal.  La  Compagnie 
des  Accélérées,  ({ui  faisait  alors  le  service  de  Ver- 
sailles et  de  Saint-  Germain,  voyant  le  succès  de 
cette  entreprise,  résolut  d'en  établir  une  sur  le 
même  plan,  et  Nansot,  étant  dans  l'impossibilité 
de  soutenir  la  concurrence,  se  trouva  trop  heureux 
de  céder  son  matériel  à  la  nouvelle  Compagnie. 
Sans  modifier  le  prix  de  ses  transports,  elle  fit 
construire  de  nouvelles  voitures  plus  commodes, 
qui,  partant  du  centre  de  Passy,  près  de  l'ancienne 
mairie,  avaient  des  départs  plus  fréquents  et  se 
rendaient  au  même  lieu.  Quelques  années  après, 
l'entreprise  des  Omnibus,  voulant  à  son  tour  aller 
sur  les  brisées  des  Accélérées,  poussa  ses  voitures 
jusqu'au  bois  de  Boulogne,  et  de  là  pour  25  cen^ 
times  conduisait  à  la  place  du  Carrousel.  C'en 
était  fait  des  Accélérées,  qui  ne  pouvaient  suppor- 
ter une  pareille  concurrence,  sans  l'intervention 
de  l'administration  municipale  de  Passv,  qui,  par 
arrêté  du  maire  daté  du  21  octobre  loi9,  inter- 

(1)  Ile  Maqucrelle. 


ANNEXÉS 


4*9 


dit  aux  ûmnibas  toat  service  dans  le  centre  de  la 
commune.  Les  Omnibus  allèrent  donc  piteusement 
stationner  sur  le  quai,  à  la  barrière  des  Bons- 
hommes, et  les  Accélérées  yictorieuses  restèrent  à 
leur  emplacement  primitif;  mais,  pressées  par 
la  concurrence,  elles  abaissèrent  leur  prix  à 
35  centimes.  Ce  que  voyant,  les  Omnibus  aug- 
mentèrent leur  prix  de  5  centimes  et  se  mirent  à 
gratifier  leurs  clients  de  correspondances,  mesure 
qui  nuisit  considérablement  aux  Accélérées,  qui 
ne  piirent  se  soutenir  que  grâce  à  leur  service  de 
Chaillot,  interdit  aux  Omnibus,  à  leur  plus  grande 
propreté,  à  Taise  qn*on  y  trouvait,  puisqu'elles  ne 
contenaient  dans  un  même  espace  que  douze 
voyageurs  au  lieu  de  quinze  qu*on  entassait  dans 
les  Omnibus,  et  à  leur  service  prolongé  jnsqu^à 
près  de  minuit,  ce  qui  facilitait  le  retour  du  spec- 
tacle. Dans  cette  lutte  à  outrance,  Tadministration 
des  Omnibus  périclita  pendant  quelque  temps,  à 
tel  point  qu'un  de  ses  principaux  fondateurs,  le 
colonel  Baudry,  miné  par  le  chagrin  ou'ii  en  res- 
sentit, alla  se  précipiter  dans  le  canal  Saint-Mar- 
tin. On  consacra  sa  mémoire  en  donnant  le  nom 
de  Baudriville  à  un  établissement  situé  à  Passy, 
près  de  TArc  de  Triomohe,  et  destiné  au  lo|;e- 
ment  des  palefreniers  de  la  Compagnie,  ainsi 
qu'aux  écuries  et  remises  pour  les  chevaux  et  les 
voitures. 

Tout  ceci  se  passait  avant  1836,  date  du  livre  de 
Qùillet  que  nous  avons  mis  à  contribution.  En  1854, 
quand  je  vins  à  Passy,  nos  services  de  transport 
ne  s'étaient  nullement  améliorés,  nous  n'avions 
toujours  que  la  ligne  d'omnibus  ayant  son  point 
terminus  à  la  barrière  des  Bonshommes,  et,  dans 
l'intérieur  de  la  commune,  que  les  lentes  Accélé- 
rées s'en  allant  alors  i  la  porte  Saint-Martin  et  oh 
il  était  prudent  de  retenir  ses  places  à  l'avance. 
Mais  depuis,  que  de  changements  !  que  d'amélio- 
rations !  Vint  d'abord,  en  cette  année  1854,  le 
chemin  de  fer  de  Paris  à  Auteuil,  et  vers  la  même 
époque,  le  chemin  de  fer  dit  américain  qui  suit 
les  quais.  An  moment  de  l'annexion  furent  créées 
de  nouvelles  lignes  d'omnibus,  et,  plus  tard  des 
lignes  de  tramways  ;  en  1862,  on  choisit  (on  n'a 
jamais  su  pouranoi)  le  jour  anniversaire  de  la 
prise  de  la  Bastille  pour  ouvrir  la  ligne  de  ceinture, 
et  enfin  1867  inaugura  le  service  des  bateaux- 
mouches,  qui,  aujourd'hui,  pour  la  minime 
somme  de  10  centimes,  nous  font  traverser  tout 
Paris,  presqu 'aussi  bien  en  hiver  qu'en  été,  ne 
nous  font  pas  asseoir  sur  des  tas  de  cordages 
fraîchement  goudronnés,  et  od  l'on  n'est  plus 
scandalisé,  comme  dans  l'antique  et  lourde  galiote, 
par  les  lazzis  et  les  gestes  incongrus  des  laveuses 
de  Chaillot. 

Léopold  Mar. 


Garde  nationale  sédentaire,  garde  qui  ne  gardai 
pas  grand'chose,  belle  et  noble  institution  qui  ne 
semblait,  au  moins  à  cette  époque,  avoir  été  créée 
({ue  pour  le  bonheur  des  bons  bourgeois  aimant  à 
jouer  au  soldat,  fiers  d'être  mis  en  faction  pour 
protéger  l'Obélisque,  et  souvent  heureux  de  quit- 
ter un  instant  le  foyer  conjugal.  Institution  bénie 
surtout  des  cafetiers  et  des  restaurateurs  !  Belle 
occasion,  en  effet,  qu'un  jour  de  garde,  pour  par- 
faire à  l'aise  une  bonne  petite  noce,  ou,  pour  le 
moins,  sa  partie  de  pi(|uet  ou  de  dominos  !  Mais 
pour  Cavarni,  son  fusil  de  garde  national  et  son 
sabre  n'étaient  pas,  comme  ceux  de  Joseph 
Prud'homme,  leplu$  beau  jour  de  sa  vie,  il  ne 
demandait  guère  à  s'en  servir  pour  défendre  nos 
instilutùms  et  au  besoin  pour  les  combattre  ; 
aussi  tâchait-il  souvent,  sous  un  prétexte  plus  ou 
moins  fallacieux,  d'échapper  à  la  corvée,  ce  qui 
finit,  hélas  !  par  le  conauire  à  la  maison  d'arrêt 
de  la  rue  de  la  Gare,  c'est-à-dire  à  V Hôtel  des 
Haricots  (1),  où  il  laissa  sur  les  murs  des  fa- 
meuses cellules  7,  8,  ou  14,  des  traces  artistiques 
de  son  passage,  en  compagnie  de  celles  d'A.  Dé- 
véria,  de  Decamps,  de  Français,  de  Célestin 
Nanteuil,  de  Traviès,  de  Charlet,  de  Bertall, 
d'Yvon,  etc.  (2),  et  des  poésies  fantaisistes  d* Al-  ' 
fred  de  Musset,  de  Théophile  Grautier,  de  Frédé-  < 
rie  Bérat,  de  Théodore  de  Banville  et  de  tant 
d'autres  illustres  réfractaires. 

Voici,  à  l'appui  de  notre  dire,  ce  qu'il  écrivait 
un  jour,  de  sa  nouvelle  maison  du  Point-du-Jour,  ' 
au  Président  du  Conseil  de  discipline  de  la  Garde  ' 
nationale  de  Passy,  dont  il  relevait  :  ( 

MONSIEUR  LE  PRÉSIDENT,  ' 

f 

Je  me  serais  rendu  ce  matin,  quoique  sauf*  : 
frant,  au  Conseil  de  discipline,  si  une  affaire 
de  la  dernière  importance  ne  me  retenait  • 
absolument  au  logis. 

fai  rhonneur  de  vous  prier  de  vouloir  bien 
remettre  la  cause  à  huitaine. 

Veuillez,  Monsieur  le  Président,  agréer  Us 
salutations  de  votre  obéissant  serviteur. 


Gavarni. 


Auteuil,  25  juillet  47  (3). 


Quoique  souffrant.,,  hum!  en  était-il  bien 
sûr  ?...  affaire  de  la  dernière  importance... 
hum!  hum!...  voilà  bien  les  deux  défaites  ordi-> 
naires,  très  usées  mais  toujours  neuves,  des  ré- 
calcitrants, et  notez,  aggravation  du  délit  !  qu'a- 
vant la  citation  à  comparaître  devant  le  Conseil 
de  discipline,  il  y  avait  eu  la  sommation  et  Taver* 
tissement  ordinaires,  dont  Gavarni,  comme  on  le 
voit,  n'avait  tenu  aucun  compte,  le  malheureux  ! 

Et,  très  probablement,  ildevait  être  récidiviste  ! 

L.  Mar. 


GAVARNI,  GARDE  NATIONAL 


Intelligent  et  occupé  comme  il  l'était,  Gavarni, 
qui  n'avait  pu  se  décider  à  prendre  la  chose  au 
sérieux,  était  fort  réfractaire  au  service   de  la 


(i)  Voir  au  Dictionnaire  de  la  Convernalion,  l'ar- 
ticle :  Hôtel  des  HaricoU.  Un  exemplaire  se  trouve 
dans  les  archives  de  M.  Em.  Polin. 

(a)  Un  fragment  du  mur  sur  lequel  avaient  été 
faiU  quelques-uns  de  ces  dessins  est  conservé  au 
musée   Carnavalet. 

(3)  Lettre  inédite,  communiquée  par  Mme  Bar' 
rial,  de  Passy. 


420 


HISTOIRE   DU   XVI*^   ARRONDISSEMENT 


BOULEVARDS  LANNES  ET  SUCHET 

Contrat  de  vente  das  terrains  des  boulevards 
Lannes  et  Suchet 

(Extrait.) 


Art.  s. 

CONDITIONS  SPÉCIALES 

1«'.  Droit  d'issues  et  de  jours,  chaussée, 
égoulf  écoulement  des  eaux,  trottoirs  et 
éclairage. 


Le  terrain  présentement  mis  en  vente  aura,  sur 
les  boulevards  de  la  Muette  (1  )  et  du  Rtnelagh  (2), 
les  mêmes  droits  dejonretaissueque  sur  la  route 
départèmenule  n^  2  (3).  Quant  à  la  route  straté- 
gique (4),  il  se  conformera,  pour  les  jours  et 
issues  à  y  prendre,  aux  lois  et  règlements  sur  la 
matière.  Ledit  adjudicataire  supportera,  au  droit 
de  sa  façade,  les  frais  de  mise  en  état  de  viabilité 
des  chaussées  et  de  plus,  s' il  y  a  lieu,  les  frais  de 
pose  des  trottoirs  ainsi  que  ceux  de  premier  éta- 
Missement  d*égout  et  d*appareils  d'éclairage.  Il 
devra  pourvoir  à  Tabsorption  des  eaux  pluviales 
et  ménagères  sur  son  propre  terrain,  de  manière 
qu*il  n*en  coule  aucune  sur  les  voies  publiques 
jnsqu*à  réUblissementd*cgouts  publics,  au  droit 
des  constructions  qui  seront  édiûées  sur  le  ter- 
rain dont  il  s*agit. 


dans  toute  la  largeur  des  xones  de  servitudes  ci- 
annexé  dessusprescrites,  pour  servir  de  clôture  tant 
entre  le  terram  réservé  par  la  Ville  de  Paris  et 
celui  présentement  mis  en  vente  qu'entre  tontes 
les  subdivisions  qui  pourront  être  faites  par  la 
suite  de  ce  dernier  terrain.  Ces  grilles  ne  pour- 
ront être  obstruées  par  aucun  volet  ni  aucune  per- 
Kienne  et  devront  toujours  être  entretenues  en 
bon  état  de  propreté.  Un  exemplaire  du  modèle 
obligatoire  de  ladite  grille,  dûment  timbré  an 
droit  de  deux  francs  et  qui  sera  enregistré  en 
même  temps  que  les  présentes,  est  demeuré  ci-an- 
noxé  après  que  M.  le  Préfet  Ta  eu  certifié  véritable 
et  signe  et  après  ^e  dessus  il  a  été  fait  mention  du 
tout  par  les  notaires  soussignés. 

§  3.  Obligation  de  bâtir,  interdiclton  de 
professions  et  autres, 

L'adjodicitaire  ne  pourra  élever  sur  le  terrain 
mis  en  vente  que  des  maisons  d'habitation  bour- 
geoise ;  en  conséquence,  aucun  genre  de  commerce 
ou  d'industrie  ne  pourra  y  être  exercé.  Ces  cons- 
tructions devront,  dans  un  délai  de  deux  années, 
à  partir  du  jour  de  l'entrée  en  jouissance  complète, 
présenter  une  superficie  de  six  cents  mètres  carrés  au 
moins.  Les  propriétaires  devront,  avant  de  cons- 
truire, demander  le  nivellement  et  obtenir  les 
permissions  ordinaires,  à  la  charj^  de  payer  les 
droits  de  voirie.  Les  façades  principales  des  cons^ 
tructions  devront  être  parallèles  à  la  voie  publi- 
que ;  les  parties  latérales  des  maisons  qui  ne  se 
relieraient  pas  entre  elles  devront  recevoir  une 
décoration  analogue  à  celle  générale  de  l'édifice 
sans  obligation  d'ouvertures  sur  laites  parties 
latérales.  Enfin  aucune  des  faces  de  ces  construc- 
tions ne  devra  présenter  de  mur  pignon. 


§  2.  Zone  de  servitudes  et  de  clôtures. 

Aucune  construction  ne  pourra  jamais  être 
élevée  sur  le  terrain  mis  en  vente  dans  une  zone 
de  dix  mètres  en  arrière  de  l'alignement  des 
boulevards  de  la  Muette  (1)  et  du  Kanelagh  (2) 
et  de  la  route  départementale  n®  2  (3)  et  dans 
une  zone  de  cinq  mètres  en  arrière  de  l'aligne- 
ment de  la  route  stratégique  (4).  Cette  zone  devra 
être  cultivée  en  parterres  d'agrément  qui  ne  pour- 
ront, dans  aucun  cas  et  sous  aucun  prétexte,  de- 
venir des  lieux  de  réunions  publiques.  Ledit  terrain 
devra  être  clos,  à  perpétuité  et  aux  frais  de  l'adju- 
dicataire, dans  le  délai  é'un  an  à  compter  du  jour 
où  il  aura  la  jouissance  de  la  totalité  dodit  ter- 
rain, par  une  grille  en  fer,  sur  socle  en  pierre 
dans  toute  l'étendue  de  ses  façades  sur  les  boule- 
vards de  la  Muette  (i)  et  du  Ranelagh  (2),  la 
route  départementale  n^  2  (3)  et  la  route  stra- 
tégique (i).  Cette  même  grille  devra  être  établie, 


(i)  Aveniif*  PnH]lioii. 

\'A,  Avenue  Hnplinël. 

(3)  Avenue  Injures. 

(^)  Boulevards  Lnnne«i  etSiicliet. 


L'AMIRAL  D'ESTAING 

A    PASSY    ET    A    SAINTC-PÉLAUC 


«  Du  mardi,  5  novembre. 

«  Ce  jour,  on  apprend  de  témoins  oculaires  que 
M.  le  comte  d'Estaing,  vice-amiral  de  France,  qui 
avait  pris  congé  du  roi  quelaoes  jours  auparavant, 
était  parti,  le  vendredi  précèdent,  4*'  novembre, 
de  sa  maison  de  Passy,  en  deux  berlines  à  six 
chevaux  avec  beaucoup  de  bagages  pour  se  rendre 
à  Cadix,  où  il  devait,  à  son  arrivée,  disait-on,  faire 
occuper  une  flotte  composée  de  vaisseaux  espagnols 
et  français  pour  se  rendre  ensuite  à  La  Jamaïque 
avec  i 0.000  hommes  de  troupes  (1).  » 

Puisque  le  nom  du  comte  d'Estaing  se  trouve 
ainsi  évoqué,  permettez-moi,  mes  chers  collègues, 
de  vous  entretenir  quelques  instants  de  cet  illustre 
compatriote. 


E 


(i)  Journal  înéilit  de  Iltirdy  (année   1788,    t.    V, 
•2'Si),  extrait  communiqué  par  Mme   Chocbod 
avergnc. 


ANNEXES 


421 


Charles-Henri  comte  dTstaing  (4),  amiral  de 
France,  possédait  à  Passy,  toat  près  du  dac  de 
PenthièTre,  one  maison  de  campagne,  dont  la  vae 
embrassait  la  plaine  d'Issy  et  de  Vaugirard  pour 
ne  s'arrêter  qu'à  Thorizon  fermé  par  les  hauteurs 
de  Meudon  et  de  Saint-Cloud. 

Dans  les  derniers  jours  de  1780,  au  lende- 
main *de  son  triomphe  de  la  Grenade,  d*£staing, 
qui  avait  débarqué  k  Bordeaux,  où  des  ovations 
chaleureuses  lui  avaient  été  faites,  voulut  se 
soustraire  au  triomphe  que  lui  préparaient  les 
Parisiens,  et  il  descendit  à  Passy,  sans  se  douter 
que  les  habitants  du  village  avaient  pris  posses- 
sion de  sa  demeure  |>our  Fomer  comme  il  conve- 
nait à  Tamiral  victorieux  qui  venait  d'inscrire  son 
nom  dans  l'histoire  glorieuse  de  la  marine  fran- 
^-aise. 

On  était  en  hiver  ;  mais  il  restait  du  lierre,  et 
tous  les  jardins  furent  dépouillés  pour  tresser  des 
guirlandes  qui  couraient  le  long  des  murs  des  salons 
et  de  la  salle  à  manger,  entremêlées  d'inscriptions 
qui  rappelaient  les  noms  des  batailles  et  ceux  des 
vaisseaux  français  qui  avaient  servi  sous  les  ordres 
du  comte  d'Esûdog. 

Un  accueil  aussi  gracieux  toucha  jusqu'aux 
larmes  l'illustre  marin,  qui  décida  de  passer  l'hiver 
dans  sa  maison  de  Passy  ;  il  ne  la  quitta  qu'au 
mois  de  février  1784  pour  assister  à  cette  fête, 
organisée  à  l'Opéra  par  le  duc  de  Chartres,  et  dont 
l'écho  s'est  conservé  dans  tous  les  mémoires  du 
XVI 11*  siècle. 

Mais  les  triomphes  ont  des  lendemains,  et  la 
Fortune  a  des  retours  ;  d'Estaing,  resté  populaire 
auprès  des  petites  gens,  ne  tarda  pas  à  subir  les 
jalousies  et  les  mauvaises  volontés  de  la  cour.  La 
reine  se  mêla  à  ses  ennemis,  et  ce  fut  bientôt  la 
disgrâce  non  d^isée. 

Cependant,  en  1783,  &  la  date  indiquée  par  le 
journal  de  Hardy,  d'Estaing  put  reprendre  du  ser- 
vice; mais  la  paix  générale  le  rendit  bientôt  inu- 
tile. 

A  partir  de  ce  moment,  le  vainqueur  de  la  Gre- 
nade partagea  son  temps  entre  sa  maison  de 
Passy  et  son  hôtel  de  la  rue  Sainte-Anne  ;  il  s'y 
abandonnait  aux  charmes  de  la  société  et  cultivait 
les  lettres,  ne  dédaignant  pas  d'écrire  des  poèmes 
et  des  tragédies  dont  quelques-unes  ont  été  con- 
servées. 

1789  arrive  ;  partisan  des  idées  nouvelles,  d'Es- 
taing est  violemment  attaqué  par  les  royalistes  ; 
mais  les  constitutionnels  et  les  modérés  s'honorent 
de  le  compter  dans  leurs  rangs. 

Lors  du  procès  de  la  reine,  dont  cependant  il 
avait  eu  à  se  plaindre,  d'Estaing  voulut  témoigner 
en  faveur  de  l'infortunée  princesse,  et  par  cette 
générosité,  tout  autant  que  par  ses  victoires,  il  a 
recommandé  son  nom  à  la  postérité. 

Malheureusement,  en  1793  comme  aujourd'hui, 
Auteuil  et  Passy  étaient  suspects  à  la  commune 
de  Parts.  Avec  André  Chénier,  Roocher,  Con- 
dorcet,  Chamfort  et  tant  d'autres,  d'Estaing  fut 
arrêté  et  incimré  à  la  prison  de  Sainte-Pélagie. 


(1)  Et  non  pas  Charles- Hector,  comme  le  disent 
tous  les  biof^raphes  de  l'amiral.  Ces  prénoms 
Charles-Henri  ont  été  relevés  par  moi  sur  son 
acte  de  décès 


L'amiral  y  retrouva  Roucher,  et  j'ai  la  bonne 
fortune  de  posséder,  de  la  main  du  poète,  le 
récit  touchant  de  cette  rencontre. 

Vous  m'excuserez,  j'en  suis  sûr,  mes  chers  col- 
lègues, d'insister  sur  un  événement  qui  me  touche 
d'aussi  près,  mais  que  je  regarde  comme  très  glo- 
rieux pour  la  mémoire  de  mon  aïeul. 

Roucher  avait  une  fille,  Eulalie,  que  M°^*  Hel- 
vétius  avait  baptisée  du  nom  de  Minette  ;  c'est  à 
elle  que  le  poète  écrivait  la  lettre  que  je  vais  vous 
lire. 

Il  avait  aussi  un  fils,  Emile,  né  aux  beaux  jours 
de  1789.  On  permettait  quelquefois  à  l'enfant  de 
venir  consoler  son  père  dans  sa  prison. 

<  II  plaît  à  tout  le  monde,  écrivait  Roucher. 
Hier,  il  a  été  salué,  caressé,  baisé,  par  le  ci -devant 
comte  d'Estaing,  le  vainqueur  de  la  Grenade.  C'est 
un  homme  de  grande  taille,  plutôt  élancé  que|[ros, 
âgé  de  soixante-quatre  ans  :  il  a  bien  l'air  simple 
à  la  fois  et  noble  d'un  héros.  Il  faut  que  mon 
Emile  se  souvienne,  pour  le  redire  un  jour  à  nos 
petits-enfants,  qu'à  l'ûge  de  quatre  ans  et  demi, 
il  a  TU  à  Sainte-Pélagie,  prisonniers  avec  papt 
Roucher,  d'ËsUîng,  Rirôn  et  H.  Robert.  Je  voudrais 
que  Minette,  dans  sa  ptemiéie  lettre,  me  dise  quel- 
que chose  sur  cette  association  fortuite  ;  mais 
principalement  sur  cet  ex-vice-amiral  de  France, 
aujourd'hui,  malgré  ses  brillants  lauriers  qu'a  pleu- 
res l'Angleterre,  frappé  de  la  foudre  populaiie  et 
peut-être  aussi  grand  dans  son  calme  modeste  à 
àSainte-Pélagie,qu'ii  l'était  sur  son  bord  amiral  et 
devant  la  Grenade  dans  son  audace  guerrièie  et 
dans  sa  soif  de  gloire.  Engage  l'oncle  Guyot-Desher- 
biers  à  te  parler  des  exploits  militaires  de  d'Es- 
taing. Ce  vieillard,  avec  une  grâce  vraiment  tou- 
chante, m'a  demandé  la  permission  d'aller  me 
visiter  dans  ma  cellule.  Je  lui  ai  répondu  que 
c'était  à  moi  à  aller  lui  porter  mon  hommage  chez 
lui,  car  c'est  d'un  œil  religieux  qu'on  regarde  un 
grand  chêne  frappé  de  la  tondre.  » 

La  gloire,  les  grands  services  rendus  à  la  Patrie, 
le  génie  étaient  alors  des  arrêts  de  mort.  D'Es- 
taing, traduit  devant  le  tribunal  révolutionnaire, 
fut  condamné  et  exécuté  le  28  avril  1794. 

Au  réquisitoire  de  Fouquier-Tinville,  l'amiral 
avait  répondu  par  la  simple  énumération  de  ses 
services;  puis,  s'adressant  aux   brutes  avinées 

Î[ui  composaient  le  jury,  il  leur  avait  jeté  à  la 
ace  ces  paroles  sublimes  : 

€  Quand  vous  aurez  fait  tomber  ma  têle,  en- 
voyez-la aux  Anglais;  ils  vous  la  paieront  cher!  » 

Antoine  Goillois. 


LES   MAIRES    DE    PASSY 

M.  DAUYERGNË 

M.  Dauvergne  (François-Fortuné),  fils  d'un  offi- 
cier français  an  81*  de  ligne,  naquit  à  Parme 
(Italie),  le  4  aodt  1803. 

Elevé  au  collège  de  Bourges,  il  y  fit  de  brillan- 


423 

tM  étndes  et  obtint  le  mad  prix  d'honnear  en 
1821. 

Doué  d'une  jnlelli(;enee  tupérieure,  passionné 
pour  l'élude,  il  possédeit  des  canniissances  lussi 

'  étendues  que  Tariàes.  S'adonnant  tour  1  toar  lux 
sciences  et  à  ta  littérature,  «imanl  également  les 
arts,  il  écrirait,  sculptait  et  peignait  avec  la  mtnie 
facilité. 

'      Vers  1836,  il  vendit  son  élude  de  notaire  et 


HISTOIRE   OU   XVI'   ABRONDISSEMBNT 


témoignent  de  la  haute  estime  q»  son  déTon^- 
ment,  pendant  le  choltra  de  1849,  inspira  i  tons- 
A  la  suite  de  cette  terrible  épidémie,  le  ministre 
de  l'Agriculture  et  du  Commerce  loi  décerna  une 
des  deux  médailles  d'argent  qui  furent  attribBécs 
i  la  commune  de  Pass;(l). 

M.  DiUTKgne  donna  u  démisston  de  maire  an 
mois  de  jnin  ou  de  joillet  18S3,  non  sins'  aToir 
couru  queli]ues  dangers  en  raison  de  set  connc- 


Portrait  de  K.-K.  Dauvergne,  i 


vint  se  retirer  i  I>assy,  ob  il  Int  peo  après  nom- 
mé conseiller  municipal,  puis  maire  le  24  mai 
1848,  en  remplacement  do  citoyen  Tard,  démis- 
sionnaire. 

Dans  son  passage  1  l'administration  de  la  mai- 
rie, il  traversa  des  moments  difficiles.  Son  attitude 
énergique,  dorant  les  émeutes  de  juillet  1848, 
lui  valut  les  félicitations  unanimes  de  ses  conci- 
toyens. 

Ud  grand  nombre  de  lettres  émanant  du  cuié 
de  Passy  (M.  I«calelli),  ainsi  qoe  des  noubles  de 
Il  commune,  et  demeurées  entre  les  mains  de  la 
famille,  attestent  son  mérite  et  son  courage  et 


lions  républicaines,  et  il  rentra  dans  la  vie  pri- 

li  mourut  le  13  août  1877.  à  l'Age  de soiiante- 

Jualorze  ans.  Ses  restes  reposent  an  dmetière  de 
assy,  dans  une  tombe  de  famille. 
Je  suis  henreux,  comme  petit-tîls  d'un  des  an- 
ciens maires  de  noire  vieil  et  aimé  village  de 
Passy,  de  pouvoir,  ici,  rendre  homaiage  k  la  mé- 
moire de  relui  qui  m'a  laissé,  k  moi  et  k  tons 
ceux  qui  l'ont  connu,  le  souvenir  d'un  homme  de 
bien  et  l'exemple  de  solides  vertus. 

Henri  Diuvei<«;iii. 


ANNEXES 


423 


M.  POSSOZ 

Noas  empruntons  à  V  Annuaire  de  Passy  de 
1858  (seale  année  parue)  les  quelques  détails  sui- 
vants donnés  par  M.  Alf.  LefeuTe  sur  M.  Possoz, 
maire  de  Pas^y  de  1834  au  14  mars  1848,  et  du 
94  juin  1852  an  premier  janvier  1860,  date  de 
l*annexion. 

€  11  est  des  hommes  dont  la  vie  tombe  dans  le 
domaine  pablic  ;  la  probité  et  le  mérite  de 
M.  Pôssoz,  sa  volonté  droite  et  inflexible  Tout 
déjà  assez  fait  connaître  |)onr  qu*il  ne  nous  soit 
pas  permis,  malgi^  le  désir  formellement  exprimé 
par  Possoz,  de  passer  sous  silence  une  vie  si  labo- 
rieusement remplie  et  vouée  aux  intérêts  publics  ; 
d'ailleurs,  beaucoup  d'autres  avant  nous  ont  déjà 
relaté  la  vie  de  M.  Possoz  dans  des  écrits  plus 
étendus  que  nous  le  pouvons  faire,  et  c'est  même 
dans  ces  notes  biographiques  que  nous  puisons  tous 
nos  éléments.  (Voir  les  Hommes  du  jow\  par 
Germain  Sarrut  et  Saint-Edme.  —  La  Galerie 
administrative,  par  Pascallet.  —  Les  Fastes 
administratifs,  par  G.  llaudard,  et  V Observa- 
teur des  Tribunaux,  t.  XVllI.) 

M.  Jean-Frédéric  Possoz,  né  à  Paris  en  1797,  fut 
de  bonne  heure  destiné  à  la  carrière  commerciale, 

Su'il  quitta  en  1827,  époque  à  laquelle  il  vint  se 
xer  à  Passy.  Il  restait  complètement  étranger 
aux  affaires  publiques  lorsque  vint  la  Révolution 
de  1830,  ((Ui  le  tira  du  calme  de  sa  vie  privée.  Il 
fut  successivement,  par  l'élection  de  ses  conci- 
toyens, nommé  officier  de  la  garde  nationale,  en 
183Î  adjoint  au  maire  de  Passy,  et  en  1834 
membre  du  conseil  général  de  la  Seine  par  578 
suffrages  sur  650  votants.  En  1837  et  1846,  il 
fut  i^lu  dans  ces  dernières  fonctions  à  une  im- 
mense majorité  par  l'arrondissement  de  Saint- 
Denis.  Cette  faveur  imposait  à  M.  Possoz  des 
devoirs  de  dévouement  auxquels  il  n*a  jamais 
manqué. 

En  1832,  à  l'époque  oQ  le  choléra  sévissait 
avec  le  plus  de  rif^ueur,  M.  Possoz  organisa  à 
Passy  un  bureau  médical  destiné  à  procurer  des 
soins  aux  malades  ;  il  se  dévoua  à  la  tâche  qu'il 
s'était  imposée,  tant  que  dura  le  fléau,  avec  un 
zèle  et  un  sentiment  d'humanité  au-dessus  de 
tout  éloge.  —  Plus  tard,  désigné  pour  la  médaille 
d'honneur,  il  refusa  cette  distinction  et  demanda 
qu*on  substituât  à  son  nom  celui  d'un  médecin  de 
Passy  (M.  Petit),  qui  avait  contribué  à  cette 
bonne  œuvre.  La  commission  déféra  à  son  vœu  ; 
mais  les  habitants  de  Passy  n'ont  pas  oublié  cette 
dette  de  reconnaissance.  Au  mois  d'avril  1834,  il 
fut  nommé  maire  en  remplacement  de  M.  Gabriel 
Delessert. 

Parmi  les  améliorations  importantes  que  la 
commune  dut  à  M.  Possoz,  nous  pouvons  citer, 
entre  autres,  l'ouverture  de  la  barrière  Franklin 
par  la  rue  des  Bons-Hommes,  sur  l'emplacement 
de  l'église  des  Minimes,  et  l'ouverture  de  la 
barrière  des  Batailles;  l'acquisition  d'une  maison 
commune  (place  de  Passy),  faite  an  prix  de  40.000 


(i)  L'autre  fut   décernée  à   M.   Mâchez,  phar- 
macien. 


3 


l 


francs  sur  les  deniers  personnels  de  M.  Possoz. 
Cette  somme  s'est  trouvée  plus  tard  remplie  par 
une  subvention  de  SO.OOO  francs  alloués  à  la 
commune  par  M.  le  préfet  de  la  Seine,  et  par  une 
contribution  extraordinaire  de  20.000  francs  dopt 
s'imposa  la  commune  de  Passy.  Quaut  aux  frais, 
qui  s'élevèrent  à  12.049  fr.  60,  il  furent  couverts 

Sar  une  souscription  volontaire  ouverte  à  la  mairie. 
[.  Possoz  souscrivit  pour  2.000  francs.  On  lui 
doit  encore  l'établissement  de  trottoirs  dans  la 
Grande-Rue,  l'éclairage  au  gaz,  l'embellissement 
de  la  barrière  des  Bons-Hommes,  et  la  plantation 
d'une  promenade  sur  un  terrain  dont  la  Ville  de 
Paris  ne  dut  la  jouissance  qu'aux  pressantes 
sollicitations  du  conseil  municipal  de  Passy. 

M.  Possoz  n'a  jamais  cessé  de  provoquer,  par 
ses  demandes  et  ses  écrits,  la  sollicitude  de  l'au- 
torité compétente  sur  la  négligence  et  l'incurie 
ue  Ton  mettait  dans  l'entretien  et  la  surveillance 
es  carrières  des  environs  de  Paris,  et  notamment 
de  celles  de  Passy. 

Après  avoir  analysé  la  vie  publique  de 
M.  Possoz,  nous  devons  citer  un  trait  qui  ne  lui  fait 
as  moins. honneur.  Après  la  faillite  du  sieur  Cal- 
ot, agent  de  change,  une  dame  Labdent,  âgée  de 
soixante-quinze  ans,  compromise  pour  une  somme 
considérable,  avait  eu  recours  aux  conseils,  soins 
et  démarches  de  M.  Possoz,  qui  réussit  à  la  faire 
admettre  au  bilan  de  la  faillite  pour  la  somme  entiè- 
re.Cette  dame,  voulant  témoigner  tonte  sa  reconnais- 
sance  à  M  Possoz,lui  offrit  en  viager  tout  ce  qu'elle 
possédait.  Il  refusa  et  obtint  que  la  somme  de 
140.000  francs,  reliquat  de  la  faillite  Callot,  fut 
léffuée  au  frère  de  Mme  Labdent,  M.  A.  VandD- 
veTde,  négociant  à  Amsterdam.  Dans  son  procès 
avec  M.  le  prince  de  Talleyrand,  ce  Nestor  deia 
diplomatie,  M.  Possoz  se  fit  remarquer  par><la 
loyauté  de  sa  conduite  ;  cette  affaire  a  eu  un  tel 
retentissement  qu'elle  est  aujourd'hui  connue  de 
tout  le  monde  ;  nous  croyons  inutile  de  répéter 
ces  débats,  qui  n'étaient  pas  à  l'honneur  de  la 
famille  de  M.  de  Talleyrand. 

M.  Possoz  fut  nommé  chevalier  de  la  légion 
d'honneur  en  mai  1838,  puis  oflicier.  Le  14  mars 
1848,  M.  Possoz  fut  dans  la  même  journée,  révo - 
que  de  ses  fonctions  de  maire  par  deux  arrêtés 
signés  l'un  par  Recurt,  adjoint  au  maire  de  Paris, 
membre  du  gouvernement  provisoire,  et  l'autre 
par  M.  Ledru-RoHîo,  ministre  de  l'Intérieur.  Il  fut 
aussi  révoqué,  vers  cette  même  époque,  comme 
membre  du  conseil  général.  En  1849,  sur  la  pro- 
position de  M.  le  préfet  de  la  Seine,  une  décision 
ministérielle  le  réintégra  dans  ces  dernières  fonc^ 
tiens,  et  le  24  juin  1852,  il  fut  réinstallé  dans 
celles  de  maire  de  Passy,  qu'il  remplit  jusqu'au 
1er  janvier  1860,  date  de  l'annexion.  M.  Possoz 
mourut  le  6  mai  1875  et  fut  inhumé  au  cimetière 
de  Passy.  Son  nom  fut  donné  à  une  de  nos  places, 
témoignage  de  reconnaissance  qui  lui  était  bien 
dû  pour  avoir  administré  cette  commune  pendant 
plus  de  vingt  et  un  ans. 

Noos  ne  pouvons  oublier  de  mentionner,  ici 
Valter  ego  de  M.  Possoz,  M.  Vital,  nommé  son 
premier  adjoint  en  1837,  comme  lui  destitué  en 
1848  et  rémstallé  en  1852.  C'est  lui  qui,  anté- 
rieurement à  la  création  du  quartier  Guichard, 
comprenant  la  nécessité,  pour  ta  commujio,  d'une 


4a4 


HISTOIRE    DU    XVI*   ARRONDISSEMENT 


voie  de  communication  de  la  placf^  de  Passy  à  ce 
qu'on  appelait  alors  la  Plaine,  créa  entièrement 
sur  ses  terrains  et  de  ses  deniers  personnels,  la 
rue  qui  porte  justement  son  nom,  et  qu'il  offrit 
purement  et  simplement  à  la  commune. 


BARTHELEMY  SAINT-HILAIRE 


Dan»  la  même  séance  que  celle  où  il  avait  été 
parlé  de  Mme  Carnol,  M.  Geotses  Picot  a  lu  une 
notice  historique  sur  la  vie  et  les  travaux  de 
M.  Barthélémy  Saint-Hilaire.  Notre  Société  eut 
le  grand  honneur  de  le  compter  parmi  se»  mem- 
bres, et  non  des  moins  fldèles.  C  est  pour  elle  un 
acte  de  reconnaissance  et  de  pieux  souvenir  que 
de  faire  ici  une  place,  trop  modeste  et  malheu* 
reuscment  mesurée,  à  la  notice  de  M.  G.  Picot. 

€...  M.  Barthélémy  Saint-Hilaire  a  montré 
dans  la  science  et  dans  la  politiqi^e  une  âme 
antique  égarée  en  notre  temps.  La  fidélité  était 
sa  vertu  propre  :  il  aimait  à  se  consacrer  aux 
hommes  et  aux  idées.  Ayant  assisté  à  sept  révo- 
lutions^  ayant  vécu  sous  les  réfnmes  les  plus  dif- 
férents, il  a  préféré  la  République  et  il  s*y  est 
attaché  k  jamais.  Egalement  constant  en  politique 
et  en  amitié,  semblant  aux  yeux  du  vulgaire 
s'absorber  jusqu'à  Teffacement,  il  a  toujours  dit 
la  vérité  aux  hommes  et  aux  gouvernements 
qu'il  servait. 

€  Ardent  patriote,  très  peu  sensible  aux  hon- 
neurs et  ne  les  recherchant  pas,  il  a  exercé  les 
plus  hautes  charges  sans  être  écrasé  par  elles. 
Ayant  consacré  sa  vie  au  travail  et  ne  l'ayant 
jamais  interrompu,  il  a  voulu  à  travers  toutes 
les  crises  de  son  existence,  dans  la  retraite  comme 
à  la  tête  des  affaires,  mettre  an-dessus  de  tout 
l'accomplissement  de  son  devoir  :  il  l'a  fait  avec 
force  et  avec  simplicité,  sans  se  soucier  de  jouer 
un  rôle  et  sans  se  douter  qu'il  offrait  à  notre 
temps  l'exemple  de  ce  que  pouvait  être,  au  mi- 
lieu de  nos  imitations  contemporaines,  une  Ame 
de  stoïcien. 

€  Né  le  19  août  1805,  orphelin  de  bonne 
heure,  élevé  par  une  tante  qui  se  consacra  à 
lui,  Jules-Barthélémy  Saint-Hilaire  suivit  les  classes 
du  lycée  Louis-le^rand,  où  il  se  lia  avec  Buioz 
et  le  frère  d'Emile  Uttré.  Il  acheva  le  cours  de 
rhétorique  au  collège  Bourbon,  ou  il  rencontra 
Sainte-Beuve. 

<  Au  terme  de  ses  études,  —  ce  qui  est  le 
signe  du  succès,  il  conservait  la  passion  d'ap- 

E rendre.  Non  content  de  se  perfectionner  dans 
\  langue  grecque,  il  se  sentait  attiré  vers  les 
langues  orientales  ;  il  trouvait  dans  la  famille  de 
son  ami  des  conseils  et  une  expérience  incom- 
parables :  M.  Littré  le  père  était  un  helléniste 
distingué  ;  les  deux  jeunes  gens  qui  devaient  tra- 
duire un  jour  Aristote  et  Uippocrate  se  prépa- 
rèrent k  son  école  et  abordèrent  ensemble  les 
éléments  du  sanscrit.  Bientôt  le  jeune  homme  de 
18  ans,  avide  de  tout  savoir,  devait  rencontrer 
un  professeur  autrement  savant  :  Burnouf, 


de  2^  ans,  lui  donna  des  leçons  de  sanscrit  qai 
furent  le  point  de  dtoart  de  leur  longue  amitié. 

€  En  ce  temps,  l'accès  des  carrières  n*était 
pas  encombré  :  on  y  débutait  jeune.  Barthéleoiy 
Saint-Hilaire  entrait  à  20  ans,  comme  aspirant 
surnuméraire,  dans  les  bureaux  du  ministère  des 
finances,  sur  la  recommandation  de  M.  Littré.  n 
devait  y  passer  dix-sept  ans  dans  des  ranp  su- 
balternes, V  trouvant  moins  un  emploi  de  ses 
facultés  qu  une  ressource  matérielle  et  une  dis- 
cipline de  la  vie. 

€  Assuré  de  son  existence,  il  redouble  d*ar- 
deur  ;  il  veut  savoir  les  langues  modernes.  Les 
lectures  se  multiplient.  Avec  Tardeur  anxieuse 
d*un  jeune  esprit  qui  cherche  sa  voie,  il  veut 
tout  connaître  :  philosophie,  érudition,  histoire, 
l'attirent  également. 

€  Il  n*aurait  pas  été  de  son  temps  si  la  fiè\re 
de  la  politique  ne  s*était  pas  emparée  de  lui.  Li- 
béral avec  toute  sa  génération,  sa  foi  démocra- 
tique était  profonde...  » 

€  ...  Un  projet  remplissait  sa  pensée.  Vivant 
avec  les  philosophes  grecs,  il  avait  conçu  le  des- 
sein de  publier  Tœuvre  du  premier  d*entre  eux. 

€  Suivant  ses  calculs,  la  traduction  d^Aristote 
devait  occuper  toute  une  existence.  Il  la  com- 
mençait résolument  en  janvier  1832  par  la  Poli- 
tiqtte.  Deux  ans  lui  suffirent  pour  coUationner 
les  manuscrits,  établir  le  texte  et  achever  la  tra- 
duction. En  1834,  il  s'agissait  d'imprimer  deux 
volumes  in-8  ;  on  lui  conseilla  de  demander  à 
la  commission  de  l'Imprimerie  royale  l'impression 
gratuite.  L'influence  de  M.  Cousin,  lorsqu'il 
s'agissait  d'un  ouvrage  de  philosophie,  y  était 
dominante.  M.  Dubois  (de  la  Loire-Inférieure), 
qui  avait  patronné  ses  premiers  essais  dans  le 
Globe,  l'introduisit  auprès  de  M.  Cousin,  le  phi- 
losophe le  reçut  avec  bonté,  bien  qu'il  ne  crût 
guère  à  la  possibilité  de  traduire  Aristote  en 
entier  ;  il  le  garda  plus  d'une  heure,  le  soumit 
k  un  véritable  examen. 

<  Cette  entrevue  décida  de  son  avenir.  M.  Cou- 
sin, écrivait-il  au  terme  de  sa  vie,  «  s'assura  que 
ma  résolution  était  sérieure  et  que  j'étais  en  état 
de  l'accomplir,  si  Dieu  m'en  accordait  le  temps. 
Dès  ce  moment,  M.  Cousin  me  fut  acquis  et  il  ne 
cessa  d'avoir  les  yeux  sur  moi  ».  De  son  côté, 
M.  Barihélemy  Saint-Hilaire  s'était  à  jamais 
donné.  Ni  les  dissentiments  ni  les  crises  poli- 
tiques ne  l'éloignèrent. 

€  Ainsi,  il  allait  continuer  au  milieu  des  encou- 
ragements l'œuvre  colossale  qu'à  27  ans,  sans 
appui,  il  avait  commencée  de  sa  seule  initiative. 
Il  entrevoyait  tout  un  horizon  d'efforts  sans  trêve. 
Projeter  une  publication  qui  absorberait  toute  une 
vie,  suffire  k  soi  seul  à  la  traduction  de  l'œuvre 
du  plus  grand  génie  de  l'antiquité,  eût  été  pour 
tout  autre  une  témérité  ;  à  travers  les  révolutions, 
il  en  vint  à  bout  en  soixante  ans  :  sa  résolution 
était  à  la  hauteur  de  l'entreprise. 

€  L'Académie  des  Sciences  morales  et  politiques 
venait  d'être  rétablie.  M.  Cousin  animait  de  son 
esprit  la  section  de  philosophie.  Au  dehors,  la 
jeunesse  était  attirée  par  l'éclat  des  concours  et 

Sar  la  certitude  du  secret  qui  couvre  à  jamais  les 
éfaites.  Les  concurrents  étaient  conviés  à  l'étude 
delà  philosophie  grecque.  En  1835,  la  Mélaphy- 


ANNEXES 


425 


sique  d*Ari»to(6  mit  eo  lomière  le  nom  d*un  de 
nos  vénérables  doyens,  M.  Ravaissoo  ;  en  1837, 
la  Logique  fit  proclamer  le  nom  de  M.  Barthélémy 
Saint-Hilaire...  » 

Le  i*'mars  1840,  il  est  appelé  par  M.  Cousin 
comme  chef  de  son  cabinet  dans  le  ministère  pré< 
aidé  par  M.  Thiers.  Il  n'y  reste  pas  longtemps,  et 
bientôt, 

«  Il  croit  le  moment  Tena  de  recouTrer  sa 
berté  pour  retourner  à  la  philosophie. 
^  €  Sa  pensée  revenait  sans  cesse  à  la  Politique 
d*Aristote,  objet  de  ses  premières  études...  Pla- 
ton le  retint  longtemps.  II  fait  ressortir  ce  que 
Ini  adû  Aristote...  Parmi  tant  d'esprits  supé- 
rieurs, il  n*en  voit  qu'un  qui  ait  pénétré  jusqn  au 
fond  du  problème.  Platon  est  le  seul  qui  se  soit 
refusé  à  étudier  le  gouvernement  des  sociétés 
avant  d'avoir  approfondi  l'âme  humaine...  » 

M.  Barthélémy  Saint-Hilaire  fut  secrétaire  du 
gouvernement  provisoire  le  lendemain  de  la  révo- 
lution de  février  1848,  député  de  Seine-et-Oise  à 
l'Assemblée  constituante,  obéissant  toujours  à  ses 
convictions,  jamais  à  un  mot  d'ordre.  Il  n'admit 
pas  le  coup  d'Etat. 

«  ...  Il  n*avait  pas  de  fortune  :  on  l'engageait 
à  prêter  serment,  il  résista  à  ses  amis  et  finit 
par  les  convaincre  que  pour  des  philosophes  une 
ruine  matérielle  n'est  rien  auprès  d'une  ruine 
morale  :  il  doona  sa  démission  d'administrateur 
du  Collège  de  France,  où  il  avait  remplacé,  trois 
ans  auparavant,  son  ami  Eugène  Buroouf,  et  re- 
prit, pÀuvre  désormais,  loin  de  Paris,  aux  portes 
de  la  petite  ville  de  Meaux,  la  suite  de  ses  tra- 
vaux. 

«  La  retraite  était  sévère;  jamais  il   ne  se 
montra  plus  philosophe.  11  n'av<«it  pour  vivre  que 
son  traitement  de  membre,  de  l'Institut,  et  vous 
en  savez  le  chiffre.  Il  était  grand  partisan  des 
exercices  du  corps  ;  il  avait  toujours  défendu  la 
gymnastkjue  ;  il  l'imposait  aux  jeunes  gens  ;  il 
la  conseillait  aux  hommes  voués  aux  travaux  de 
l'esprit.  On  raconte  qu'un  jour,  ayant  appelé  à 
son  aide  l'autorité  de  Socrate,  il  entraîna  M.  Cousin 
à  sa  suite  jusqu'à  des  hauteurs  vertigineuses  où 
le  philosophe  pensa  se  tuer.  Jusque  dans  sa  vieil- 
lesse, M.  Barthélémy  Saint-Hilaire  se  plaisait  à 
la  campagne  et  à  pratiquer  le  métier  de  bûcheron 
En  1852,  il  se 'fit  jardinier,  vivant  des   légumes 
qu'il  cultivait.  Une  fois  par  semaine,  il  venait  à 
Paris  pour  assister  à  vos  séances  ;  il  ne  connais- 
sait d  autre  consolation  (|ue  la  poursuite  labo- 
rieuse du  plan  qui  résumait  sa  vie.  Ses  amis  ne 
l'oubliaient  nas.  <  Un  jour,  dit-il,  MM.  Cousin, 
Mignet  et  Odilon-Barrot  acceptaient  le   modeste 
festin  que  je  leur  offrais  dans  une  masure  dont 
tant  d'illustres  amitiés  faisaient  tout  le  charme.  » 

Appelé  en  i855  par  son  ami  de  Lesseps.  il  se 
dévouait  aux  études  du  canal  de  Suez  et  devenait 
le  secrétaire  général  de  la  Compagnie  en  forma- 
tion. Les  années  se  succédaient.  Il  traduisait 
Vlhade  en  vers   français.    Lié   avec  Mignet   de- 

fiuisi83o,  il  resserrait  ses  relations  avec  M.  Thiers. 
1  fermait  les  yeux  de  Cousin  en  1867.  En  1869, 
les  électeurs  de  Seine-el-Oise  lui  rendaient  un 
mandat  interrompu  depuis  i85i. 

<  ...  M.  Barthélémy  Saint-Hilaire  demeura  à 
Paris  pendant  le  siège.  Il  était  de  ceux  qui  purent 


en  cette  longue  crise  répandre  autour  d'eux  la 
force  morale  ;  comme  M.  Vitet,  comme  M.  Du- 
faure,  comme  M.  Augustin  Cochin,  il  se  multi- 
pliait partout  ou  il  pouvait  apporter,  un  peu  de 
courage.  Sa  vue  seule,  je  m'en  souviens,  ré- 
pandait l'énergie.  C'était  bien  l'âme  d'un  stoïcien 
s'atlendant  à  toutes  les  révolutions  :  il  ne  s'éton- 
nait de  rien.  Mais  à  cette  vertu  toute  passive  il 
joignait  ce  qu'inspire  la  philosophie  spiritnaliste  : 
le  devoir  d'agir;  il  était  disposé  pour  la  patrie 
aux  derniers  sacrifices,  résolu  pour  lui-mÔme  à 
toutes  les  luttes,  prêt  k  tout  braver...  » 

Après  ces  lignes,  il  faut  nous  contenter  de  ré- 
sumer le  reste  de  sa  vie.  Secrétaire  général  de 
la  présidence  de  M.  Thiers,  il  ressentit  à  la  mort 
de  ce  dernier  le  coup  le  plus  terrible  de  sa  vie. 
«  Il  demanda  des  consolations  aux  Pensées  de 
Marc  Aurèle,  qu'il  venait  de  publier,  et  se  plongea 
dans  la  préparation  de  la  Métaphysique.  Sénateur, 
puis  ministre  des  affaires  étrangères  en  1880,  il 
quitta  définitivement  les  affaires  après  avoir  con- 
tribué à  assurer  à  la  Franee  le  protectorat  de  la 
Tunisie.  Vers  la  fin  de  188a.  il  imprimait  le  4*  vo- 
lume de  sa  traduction  d'Aristote;  il  publiait  le 
35*,  le  dernier,  en  1892.  après  65  années  de  labeur. 
Il  avait  ainsi  affirmé  la  sincérité  de  ces  nobles 
paroles,  tombées  un  jour  de  ses  lèvres  : 

€  Il  ne  suffit  pas  de  travailler,  disait- il  à  un 
jeune  homme  :  le  secret  du  booheur  en  ce  monde 
est  de  s'assigner  une  tâche  tellement  longue, 
telleinent  hante  que.  selon  les  vraisemblances,  la 
vie  ne  saurait  y  sutfire.  » 

<  ...  n  souffrait  amèrement  de  n'avoir  pas 
fondé  une  famille  :  il  ne  manquait  pas  une  occa- 
sion de  manifester  ses  regrets  et  de  les  tourner 
en  conseils.  A  défaut  de  famille,  il  aimait  à  s'oc- 
cuper des  jeunes  gens  et  les  attirait  ;  il  fallait  le 
voir  à  la  fondation  Thiers  od  se  prépare  une 
élite  ;  il  a  manifesté  le  fond  de  sa  pensée  dans 
son  testament  en  confiant  à  l'Académie  des 
Sciences  morales  et  politiaues  la  mission  d'attri- 
buer 15  bourses  triennales  aux  plus  brillants 
lauréats  du  concours  général.'..  » 

€  ...  Le  S4  novembre  1895,  dans  sa  91"  an- 
née, en  pleine  santé  du  corps  et  de  l'esprit,  sans 
souffrance,  sans  rien  qui  pût  alarmer,  M.  Bar- 
thélémy Saint-Hilaire  cessa  de  vivre. 

«  Nous  perdions  un  bon  citoyen  et  un  sage, 
un  survivant  d'un  temps  dont  nul  ne  pouvait 
plus  nous  rappeler  les  souvenirs,  un  conseiller 
sévère  sans  misanthropie,  un  philosophe  dont  la 
vie  entière  était  un  exemple,  un  citoyen  pas- 
sionné pour  son  pays,  ayant  rempli  les  plus 
hautes  charges  sans  orgueil  comme  sans  ambi- 
tion personnelle,  ayant  considéré  la  vie  comme  le 
plus  grand  devoir,  s'y  étant  dévoué  sérieusement, 
sans  se  laisser  distraire;  sa  mémoire  vivra  dans 
le  sein  de  l'Académie  qu'il  a  honorée  par  ses  tra- 
vaux; elle  sera  fidèlement  conservée  par  ceux 
3ui  ont  écouté  sa  parole,  et  qui  ont  vu  en  lui  un 
e  ces  hommes  rares  qui  font  comprendre  sur 
quelles  vertus  doivent  se  fonder  les  Républiques.  » 


426 


HISTOIRE   DU   XVI*   ARRONDISSEMENT 


ABORDS  DU  TROCADÉRO 


AVENUE    HENRI-flARTIN    (1) 

Bémian  du  Jury  du  14  juiliel  i860, 

(Extrait.) 

CONCLL'SIOKS    POUR    M.     LE    PrÉFET    DE  Là     SeWE 
REPRÉSENTANT  LA  YlLLE  DE  PaRIS. 

Elles  tendent  à  ce  qu'il  plaise  à  M.  le  magistrat 
directeur  du  jury  doooer  acte  à  M.  le  Préfet  de 
la  Seine,  ès-noms,  de  ce  qu'il  déclare  que  les  pro- 
priétaires qui  consen-eroot  partie  de  leur  propriété 
seront  soumis  pour  les  portions  qu'ils  conserveront 
aux  conditions  ci-après  :  i^  aucune  construction 
ne  pourra  jamais  être  élevée  sur  les  terrains  en 
bordure  de  l'avenue  Henri-Martin,  dans  une  zone 
de  dix  mètres  en  arrière  de  l'alignement.  Cette 
zone  devra  être  établie  de  niveau  avec  l'avenue  et 
être  toujours  cultivée  en  parterres  d'agrément  qui 
ne  pourront,  dans  aucun  cas  et  sous  aucun  pré- 
texte, devenir  un  lieu  de  réunion  publique  ;  ^  les 
terrains  devront  être  clos  à  perpétuité  dans  toute 
l'étendue  de  leur  façade  sur  l'avenue  et  en  retour 
sur  les  voies  y  aboutissant,  aux  frais  des  pro- 
priétaires, dans  les  six  mois  qui  suivront  le  jour 
où  l'avenue  sera  livrée  à  la  circulation,  par  des 
grilles  en  fer,  sur  socle  bas,  conformes  au  modèle 
arrêté  par  l'Administration  municipale  pour  tous 
les  terrains  en  bordure  sur  les  boulevards  de 
ceinture  du  bois  de  ^Boulogne.  La  séparation  des 
propriétés  contiguës  ne  pourra  avoir  lieu  qu'au 
moyen  de  grilles  semblables  dans  toute  la  largeur 
de  la  zone  de  servitude  ci-dessus  prescrite,  aes- 

2 uelles  grilles  un  plan  est  demeuré  ci-annexé. 
es  grilles  ne  pourront  être  obstruées  par  aucun 
volet  ni  aucune  persîenne  et  devront  êlre  entre- 
tenues toujours  en  bon  état  de  propreté  ;  3»  les 
propriétaires  riverains  ne  pourront  élever  sur  les 
terrains  en  bordure  dont  il  est  question  que  des 
maisons  d'habitation  bourgeoise.  En  conséquence, 
aucun  genre  de  commerce  ou  d'industrie  ne  pourra 
y  être  exercé.  Ces  propriétaires  devront,  avant 
de  construire,  demander  le  nivellement  à  observer 
par  eux  et  obtenir  la  permission  nécessaire,  à  la 
charité  de  payer  les  droits  de  voirie.  La  façade 
principale  des  constructions  devra  être  parallèle 
à  l'avenue  Henri-Martin  ;  les  parties  latérales  des 
maisons  qui  ne  se  relieraient  pas  entre  elles  de- 
vront recevoir  une  décoration  analogue  à  la  déco- 
ration générale  de  l'édiOce,  sans  obligation  d'ou- 
verture sur  lesdites  parties  latérales.  Enfin,  les 
maisons  contiguës  devront  être  raccordées  de  ma- 
nière à  ne  prâenter  aucune  portion  de  mur  à  dé- 
couvert. Et  ce  sera  justice. 


(i^  Ancienne  avenue  duTrocadéro,  dans  la  partie 
comprise  entre  ta  place  du  Trocadéro  et  la  porte 
de  la  Muette 


L'ANCIENNE  PMPE  A  FEU   DE  CHAILLOT 

Jusqu'à  rinsUllalion  de  la  pompe  à  feu  de 
Chaillot,  Paris  fut  bien  pauvrement  alimenté  d'eaox 
de  toutes  sortes,  et,  sans  vouloir  remonter  ao 
déluge,  nous  pouvons  dire  que  longtemps  les  habi- 
tants de  Lutèce  ne  se  servirent  que  du  liquide 
puisé  directement  à  la  Seine.  An  iv«  siècle,  l'em- 
pereur Julien  fit  venir  à  son  palais  d«s  Thermes 
les  eaux  de  la  source  de  Rungis  —  qui  se  trouve 
au-dessus  du  village  d'Areueil  —  à  l'aide  d'un 
aqueduc  que  lesNormands  détruisirent  au  ix^siècle, 
et  dont  cependant  on  peut  voir  encore  quelques 
restes. 

y  M  la  même  époque,  fut  construit  l'aqueduc 
(|ui,  des  hauteurs  de  Chaillot,  amenait  l'eau  sur 
1  emplacement  actuel  du  Palais-Royal.  Plus  tard, 
les  moines  de  Saint-Laurent  et  ceux  de  l'abbaye 
de  Saint-Martin-des-Champs  firent  oonstmire  i 
leurs  frais,  et  pour  leurs  besoins  personnels,  des 
aqueducs  amenant  l'eau  des  sources  de  Belleville 
et  desPrès-Saint-Gervais;  mais  Philippe-Auguste, 
roulant  que  ces  eaux  pussent  servir  aux  besoins 
du  peuple  de  Paris,  en  retira  la  propriété  exclu- 
sive aux  religieux.  Henri  IV,  au  moins  aussi  sou- 
cieux que  Philippe-Auguste  du  bien-être  de  ses 
sujets,  fit  élever,  sur  le  Pont-Neuf,  la  pompe  de 
la  Samaritaine,  qui  fut  terminée  en  1608.  Quel- 
ques années  après,  Marie  de  Médicis  confia  à  Jac- 
3ues  d^Aubry  la  reconstruction  de  laquedoc 
'Arcueil,  destiné  &  amener  les  eaux  à  son  palais 
du  Luxembourg  et  à  alimenter  le  quartier  voisin. 
£n  1670  furent  installées  les  pompes  du  pont 
Notre-Dame,  qui  furent  perfectionnées  en  1757. 
Enfin,  le  7  février  1777,  les  deux  frères  Périer, 
habiles  mécaniciens,  obtinrent  du  roi  la  permis- 
sion de  faire  élever  à  leurs  dépens  des  pompes  à 
feu  sur  les  bords  de  la  Seine  (1). 

Ne  nous  plaignons  pas  trop,  si  l'eau  ne  circule 
pas  encore  en  quantité  suffisante  à  Paris;  en  1777 
il  s'en  fallait  de  beaucoup  que  l'on  eût  atteint 
même  cette  imperfection  relative.  Alors,  les  fon- 
taines, en  petit  nombre,  étaient  maigrement  et 
irré^lièrement  alimentées  ;  la  plus  grande  partie 
de  l'eau  n'arrivait  dans  les  hauts  quartiers  de  la 
ville  que  transportée  en  tonneaux  sur  des  char- 
rettes, ou  à  bras.  Faute  de  mieux,  les  boulangers 
fabriquaient  leur  pain  avec  de  l'eau  de  puits 
plus  ou  moins  infectée  par  l'infiltration  des  fosses 
d'aisances  et  autres  matières  malsaines.  Dans  tous 
les  quartiers,  une  horrible  odeur  vous  prenait  à 
la  gorge,  vous  étouffait  et  vous  suffoquait;  les 
égouts,  sans  eau  pour  les  nettoyer,  accumulaient 
et  retenaient  des  amas  d'immondices. 

Et  cependant,  il  n'en  était  pas  de  même  à  Lon- 
dres, qui  devait  depuis  longtemps  à  onze  machines 
à  vapeur  l'avantage  de  voir  circuler  en  abondance 
l'eau  de  la  Tamise  dans  tous  ses  quartiers. 

Honteux  de  notre  infériorité,  que  fait  le  savant 

(i)  Celle  famille  Périer  n'a  aucun  rapport  de 
parenté  avec  celle  du  ministre  du  môme  nom, 
qui  n'accentue  pas  Pe. 


Jaeqots-CoDslaDliQPérôr,  l'aini  ittitai  fHm?  milieu 
II  se  reod  à  Londres,  étudie  le  système  anglais, 
fait  l'acquisiliDD  d'une  machine  de  Watt  et  l'ins- 
talla  eu  1778  i  Chaillot.  prés  de  la  barrière  de  la 
Cooféreoce,  au  d"  i  dn  quai  Debilly.  Peu  de  temps 
après,  ainsi  qu'on  le  Terra  plus  loin,  on  en  mil 


437 


delà  SeiMel  11  c<ndtiire  «ootle 
Utiment,  dans  an  bastin  en  pierres  de  tatUe.  Ce 
bassin  ainsi  qoe  le  canal  était  creasè  i  1  mèlre 
an-desson  du  siTean  des  plus  basses  eani.  Les 
deux  pompes  aspinutee  et  refoulintes,  maes  par 


(•) 


nne  seconde,  pour,  au  besoin,  inpptéer  la  pre- 
mière (1). 

Hais  il  fïllait  des  capitani  considérables  pour 
réaliser  le  rêïe  des  Péner.  c'est-i-dire  répandre 
l'eau  i  prorDsion  dans  tous  les  quartiers  de  Pari?. 
lU  forment  alors  une  Compagnie  d'actionotiires  qui 
doTait  établir  i  ses  frais  une  ou  plusieurs  machines 
i  Tapeur,  ï  l'aide  desquelles  on  éléTerait  au  moins 
150  pouces  d'eau.  Ils  ne  demandaient  que  le  wi- 
vilége  exclusif  de  construire  des  machines  pendant 

Soinie  ans  et  de  les  employer  comme  ils  reuten- 
raient.  La  Société  formée,  ou  dépense  prés  do 
deui  millions  k  l'acquisition  des  terrains,  des  mj- 
tériaui,  des  ateliers  et  iosiruments  nécessaires  A 
l'installatioii  des  deux  machines  du  premier  éta- 
blissement, ainsi  qu'à  l'achat  et  i  l'importation 
des  tuyaux  et  cylindres  qu'on  se  Tit  forcé  de  tirer 
d'Angfeterre. 

Le  plus  doulDureui  pour  les  eonstruc leurs, c'est 
qu'ils  turent  coniraints  de  traiter  itoc  l'ingénieur 
Hathew  Bonlton,  de  Birmingham  (l'associé  du 
célèbre  Watt),  qui  ^Tsit  obtenu  au  moins  d'avril 
1776  le  prÏTilége  eiclusif  d'élahlir  des  machines 
à  Tapeur  dans  tonte  la  France,  et  il  leur  fallut 
acheter  fort  cher  i  cet  Anglais  le  droit  de  faire 
construire  eui-mémes  des  machines  à  Paris. 

Enfin,  toutes  les  difficultés  premières  aplanies, 
on  construisit  un  bltimenl  sohde  sur  le  quai  De- 
billj.  nn  canal  de  3"', 38  de  largeur  fut  pratiqué 
sous  la  route  de  Versailles  pour  recevoir  l'eau  du 


BDsIogue, 
PrsDçalg  I 


cnient    d'une    insUllation 
re^  uii  11  reprochait  aui 


la  vapeur  qui  s'échappail  de  chaudières  coastruites 
sur  de  grands  foumeaui.  élevaient  cette  eau,  et, 
par  des  conduites,  la  refoulaient  dans  des  réser- 
Toirs  construits  non  loin  de  Ik.sur  t'emp lacement 
aciuel  de  la  place  des  EtalsUnis,  k  'il  mètres 


1  caractère  de  grandeu 


(•) 

au-dessus  du  lÙTeau  moyen  de  la  Seine.  r«a  réser- 
Toirs,  an  nombre  de  quatre,  placés  dans  un  ter- 
rain dos  de  mors,  et  disposés  en  amphithéâtre, 
avaient  chacun  5S'",i7  de  longueur.  19'". 50  de 
largeur  et  3  mètres  de  profondeur.  Il  y  en  STait 
toujours  un  qui  s'emplissait,  un  oii  l'eau  se  cla- 
nliait  en  la  laissipt  déposer,  un  troisième  qui 
faisait  le  service  et  un  quatrième  qui  pouTiit  être 

n  Collecllari  de  M.  Emile  Potin. 


428 


HISTOIRfi   DU   XVI*  AHRONDIS$SEMENT 


en  réparation.  A  la  aortie  de  chaque  réaerfoir,      entrer  dans  les  réserroirs.  Un  tu^an  de  fonte  de 
étaient  placés  des  Ûttres  an  travers  d^sque's  l'eau      33  centimètres  de  diamètre  partait  de  ces  réser- 


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se  dépouillait  de  toutes  les  matières  étrangères 
dont  elle  pouvait  être  souillée.  La  nouvelle  Com- 
pagnie des  Eanx  avait  même  prévu  le  cas  où,  par 
im|H)ssible,  elle  serait  forcée  de  réparer  les  qua- 
tre réservoirs  en  même  temps,  en  établissant  un 
embranchement  de  tuyaux  à  robinets,  permettant 
à  la  rigueur  de  donner  Teau  à  Paris  sans  la  faire 


(i)  Ce  dessin   d'architecte,  de   la   collection  de 
M.  Km.  Potin,  reproduit,  à  vingt  années  de  distance 


de 


environ,  la  maison  précédente  dont  la  construction 
datait  de  l'installation  de  la  première  pompe 
Cbaillot.  Les  deux  vues  ont  leur  intérêt  et  nous 
ont  paru  pouvoir  s'encadrer  dans  cet  article.  Nous 
avons  d(i  retrancher  une  partie  tachée  sur   Tori- 

{^inal  ;    néanmoins  il    reste  assez  de  fond    pour 
aisser  apercevoir  Cbaillot  vers  iSuo. 


ANNEXES  429 

imn,  pUuit  «DOS  une  partie  de  la  ras  da  ¥m-  général  de  police,  H.  Lenoir.  el,  rénstil  tompUU- 

bonrg-Saini-HaïKiré,  soiTiit  tonte  li  ligne  des  ment,  ûoie  mois  tprès,  gr3ce  initayioide  cod- 

bonlcTards  jiuqn'Â  la  Butille,  se  dirisaiteD  pla-  duite.  on  iiuDgarait  nue  fontsioe  publique  i  la 

sienrabrauchesquisuiTaient  la  directioudes  ru«a  porte  Saial-Hooort,  pui«  de  tembldtlesroataincs 


Turent  établies  k  Cbaillot.  au  houle.  ï  l'entra  de . 

la  chaussée  d'Anlin,  à  la  porte  Saint-Denii,  ainsi 

lisation  s'étendait  jusqu'aux  extrémités  du  Tau-      qu'à  l'eitrémilé  de  la  rue  du  Temple. 

bourg  Saint- Antoine.  Rn  même  temps,  les  Trères  Périer  faisaient  éla- 

I.e  premier  essai  de  la  pompe  i  feu  de  Cbaillot      blir  dans  tous  les  quartiers  où  passaient  les  prin- 

eat  lieu  le  8  août  1781 ,  en  présence  da  lieulenaot      cipales  conduites,  des  robinets  spéeiaut  t  ioeca- 


43o 


HISTOIRE    DU   XVI*   ARRONDISSEMENT 


die,  dont  le  service  était  entièrement  gratuit.  Le 
premier  robinet  de  ce  genre  fut  installé  me  de 
Chaillot,  près  de  Tégiise  et  des  ateliers  de  cons- 
truction des  frères  Périer,*  qui  se  trouvaient  placés 
dans  un  large  terrain  entre  la  pompe  à  feu  et 
Tancien  n^  28  de  la  Grande-Rue  de  Chaillot.  Seuls, 
les  commandants  de  postes  de  gardes- pompes 
avaient  les  clefs  de  ces  robinets  spéciaux. 

Lors  de  l'établissement  de  la  pompe  de  Chail- 
lot, bien  des  gens  prétendirent  que  1  eau  soumise 
aux  procédés  importés  d*Angleterre,  c'est-à-dire 
introduite  sous  forme  de  vapeur  dans  les  corps  de 
pompes,  avait  perdu  ses  qualités,  sentait  le  fer, 
le  feu,  etc.  ;  et  il  ne  fallut  rien  moins  qu'un  rap- 
port favorable  de  la  Société  royale  de  médecine, 
signé  Vicçi  d'Azyr,  pour  rassurer  les  Parisiens  et 
les  convaincre  que  rean  de  Seine,  ainsi  traitée, 
n'avait  ni  acidité,  ni  saveur  ferrugineuse,  rien  en 
un  mot  de  désagréable  ou  pouvant  nuire  à  la  santé. 
Le  microbe  n'était  pas  encore  inventé. 

Les  frères  Périer  ne  furent  pas  récompensés 
comme  ils  le  méritaient,  et  voici  ce  que  dit  Du- 
laureà  ce  propos  :  <  En  1785  et  1786,  les  actions 
€  de  la  nouvelle  Compagoie  des  Eaux  devinrent 
«  un  objet  de  spéculation  pour  les  agioteurs,  et 
«  le  sujet  d'une  discussion  très  vive  où  se  signa- 

<  lèrent,  au  premier  rang,  deux  célèbres  anta|;o- 
«  nistes,  Mirabeau  et  Beaumarchais  (1).  Cette  vive 
«  polémique  provenait  de  l'impuissance  pour  la 
«  Compagnie  de  remplir  ses  engagements  envers 
«  ses  actionnaires.  La  plupart  d'entre  eux,  par 
«  une  manœuvre  d'agiotase,  avaient  fait  passer 
c  dans  le  trésor  royal,  en  échange  d'autres  valeurs, 
c  plus  des  quatre  cinquièmes  des  actions,  si  bien 

<  qu'à  la  fin  de  1788,  le  gouvernement  se  trouva 
c  seul  propriétaire  des  pompes  à  feu  et  des  éta- 
«  blissements  qui  en  dépendaient.  Aussi,  depuis 
c  cette  époque,les  pompes  à  feu  furent-elles  admi- 
€  nistrées  comme  propriété  publique.  » 

Avant  d'abandonner  la  pompe  de  Chaillot,  il  est 
juste  de  oonsaiTer  encore  quelques  lignes  aux  vail- 
lants ingénieurs  qui  l'avaient  fondée  ainsi  que 
celle  du  Gros-Caillou,  et  avaient  ainsi  rendu  un 
immense  service  aux  habitants  de  la  capitale. 

Les  frères  Périer  ne  se  découragèrent  pas  ;  en 
1788,  ils  élevèrent  des  moulins  à  vapeur  à  l'Ile 
des  Cygnes,  pour  remplacer  les  moulins  à  eau 
que  la  gelée  empêchait  de  marcher.  Sous  la  Con- 
vention, ils  transformèrent  leurs  ateliers  de  Chail- 
lot en  arsenaux  et  fabriquèrent  ainsi  1 .300  pièces 
de  canon  de  tout  calibre,  ainsi  qu'une  infinité  de 
pierriers,  d'affûts  et  de  caissons. 

Tant  de  zèle  fut  bien  mal  récompensé  ;  payés 
d'abord  en  assignats,  ils  finirent  par  ne  plus  être 
paires  du  tout.  C'était  la  ruioe  presque  complète  ; 
mais,  d'un  courage  et  d'une  persévérance  à  toute 
épreuve,  ils  se  livrèrent  à  d'autres  travaux,  qui, 
grâce  à  des  temps  meilleurs,  leur  rapportèrent 
enfin  gloire  et  profit.  En  1811,  le  rapporteur  des 
prix  oécennaux  disait,  en  parlant  de  l'usine  de 
Chaillot:  c  Cet  .établissement  est  lepremli/  et 
€  presque  le  seul  en  France  où  l'on  puisse  faire 

<  exécuter  toutes  sortes  de  machines  :  on  y  fa- 

<  brique  la  majeure  partie  des  pompes  û  vapeur 


'i)    La  spéculation   dura  de  lu  fin   de   17SA  au 
3i  juillet  1788. 


€  répandues  dans  le  royaume,  une  grande  qnan- 
€  titè  de  pompes  de  toutes  espèces,  des  balanciers, 
«  des  découpoirs,  des  cylindres  à  papier.  Les 
«  frères  Périer  fondent  en  fer  et  en  cuivre  toutes 

€  sortes  de  pièces C'est  à  eux  qu'on  a  ordi- 

«  nairement  recours  pour  la  construction  de  ma- 
<  nèges,  pour  les  assortiments  de  machines  à 
€  filer  le  coton...  etc.  »  Jacques-Constantin  Périer 
devint  membre  de  l'Institut  (section  de  mécanique 
à  l'Académie  des  Sciences).  Il  ne  jouit  pas  long- 
temps du  repos  qu'il  s'était  promis  après  cin- 
quante ans  de  travaux  incessants  :  il  mourut, 
accablé  d'infirmités,  le  16  août  1818.  Il  était  né 
à  Paris  le  2  novembre  1742. 

Au  résumé,  parmi  les  immenses  services  de 
toutes  sortes  rendus  par  les  frères  Périer,  leur 
plus  beau  titre  à  la  reconnaissance  publique  fut 
encore  l'installation  de  la  pompe  à  feu  de  Chaillot, 
qui  dota  Paris  d'une  quantité  d'eau  relativement  con- 
sidérable. Au  mois  d'août  1805,  M.  Marguerite 
apporta  une  amélioration  notable  à  la  pompe  à 
feu,  en  faisant  construire  dans  l'intérieur  de  la 
grande  cuve  à  ébullition  des  compartiments  dimi- 
nuant de  plus  d'un  tiers  la  quantité  de  combus- 
tible. D'autres  modifications  suivirent,  et  enfin,  en 
1851,  les  dispositions  de  cette  pompe  ne  répon- 
dant plus  aux  progrès  de  la  science  des  machines, 
furent  entièrement  chants  :  l'établissement  fut 
considérablement  agrandi,  notamment  en  1866 
et  1867,  et  de  nouveaux  réservoirs,  remplaçant 
les  anciens,  furent  construits  dans  la  rue  Lauris- 
ton,  entre  les  rues  Copernic  et  de  Yillejust,  avec 
entrée  au  n®  15  de  cette  dernière  rue. 

Notons  en  terminant  qu'ils  ne  reçoivent  plus 
guère  l'eau  de  la  pompe  de  Chaillot  que  coname 
complément  à  celles  qu'y  amènent  les  machines 
élevatoires  d'Ivry,c'est-à-dire  pendant  les  dialeurs 
de  l'été.  Inutile  de  dire  que  ces  eaux  de  Seine, 
depuis  les  nombreuses  adductions  d'eau  de  source 
dont  on  a  doté  Paris,  sont  généralement  destinées 
à  l'arrosage  et  au  nettoyage  des  rues  et  des  mai- 
sons. 

LtopoLO  Mar. 


LE  PALAIS  DU   ROI  DE  ROME 

Au  sortir  du  Cours-la-Reine,  à  l'entrée  do 
XVI°  arrondissement,  le  promeneur  rencontre 
d'abord  la  Pompe  à  Feu  construite  en  1778  par 
les  frères  Périer  (1\,  et,  tout  près,  l'emplacement 
de  la  maison  qu'hanitait  Mme  de  Pompadour  pen- 
dant la  construction  de  l'Ecole  Militaire.  Sur  les 
pilastres  de  la  grille  d'entrée,  au  bout  de  l'avenue, 
Sophie  Arnould,  quand  elle  y  vint  demeurer,  avait 


(1)  Le  bâtiment  qui  donne  sur  Tavenue  du  Tro- 
cadcro  porte  In  date  de  1781. 

On  avait  composé  ces  vers  à  propos  de  la  Porape 
à  Feu  : 

Ici,  vois  par  un  sort  nouveau 
Le  feu  devenu  porteur  d'eau. 

Cf.   Chroniques   et  Légendes  des  rues  de    Paris 
circa  p.  iG^3),  Ed.  Fournier.  Deutu,  1864. 


ANNEXES 


43l 


fait  placer  les  bustes  de  Néron  et  d*A^rippine. 
Mais,  hélas  !  de  cette  retraite  d'ane  délicieuse  ar- 
tiste, il  ne  reste  plus  qa'an  cèdre,  planté  en  1788 
et  décapité  par  les  orales  (i). 

Continuons.  Nous  voici  devant  le  numéro  12  du 
quai  de  Billy  actuel.  Au  commencement  du  siècle, 
Cadoudal  s\  cachait  dans  un  asile  mystérieux, 
démoli  depu's.  On  y  tramait  les  plus  noirs  com- 
plots, et  c'est  de  là  que  Georges  voulait,  avec  ses 
affidés,  s*élancer  un  jour  <  saLre  aux  dents  »  sur 
Bonaparte  et  son  escorte,  au  moment  ou  le  pre- 
mier Consul  passerait  sur  le  quai  désert  en  se  ren- 
dant à  daint-Cloud  (2). 

Ne  nous  arrêtons  pas  à  la  Savonnerie,  dont  nous 
savons  Finléressante  histoire  (3)  et  arrivons  à  ce 
coteau  dont  les  destinées  vont  nous  fixer  un  ins- 
tant. 

C'était,  il  y  a  deux  cents  ans,  un  désert  aride 
et  sauvage,  «  escarpé  et  hérissé,  enfer  des  carriers 
et  paradis  des  chèvres  »  (4),  cju*encadraient  deux 
monastères  ;  à  droite,  du  cOte  de  Chaillot,  celui 
de  la  Visitation-Sainte-Marie  oU  Mlle  de  la  Ya)- 
lière  était  venue  pleurer  son  roi  ;  à  gauche,  à 
renti*ée  de  Passy,  le  couvent  des  Bonshommes, 
situé  à  mi-cdte,  et  dont  les  jardins,  plantés  de 
beaux  arbres,  descendaient  jusqu'à  la  Seine  (5). 

Derrière  les  Bonshommes,  €  la  vue  s'étendait 
sur  des  champs  et  des  vignes  et  sur  deux  mou- 
lins. Le  meunier  y  avait  la  vie  facile  et  de  Tair  à 
sa  guise, 

Et  de  quelque  côlé  que  vtnt  souffler  le  vent, 

11  y  tournait  son  aile  et  s'endormait  content  (6).  > 

Le  site  avait  frappé  Napoléon  et,  quelques 
mois  avant  la  naissance  du  roi  de  Rome,  il  avait 
décidé  d'élever  sur  ces  hauteurs  la  demeure  de 
son  héritier.  Il  rêvait  d'un  autre  palais  plus  ex- 


(i)  D'après  Lefeuvc,  les  Anciennes  Maixons  de 
Paru  (art.  Quai  de  Billy),  le  jardinier  qui  l'avait 
planté  vivait  encore  en  i85o. 

(a)  Voir  les  Mémoires  de  Constant,  1. 1,  p.  3a3. 

(3J  V.  la  communication  du  comte  de  l'Eglise, 
Bulletin  de  juin  i8^,  Cf.  aussi  dans  les  Archives 
curieuses  de  r Histoire  de  France  i"  série,  t.  XV, 
p.  265,  le  •  mémoire  concernant  les  pauvres  qu'on 
appelle  enfermez  »,  i6ia. 

(4)  A  travers  le  Trocadéro,  par  M.  L.  Lanier.  Pa- 
ris, 1894. 

(5)  Retz,  dans  ses  Mémoires  (liv.  I)  raconte  com- 
ment Turenne  et  lui,  au  retour  d'une  fine  partie  à 
Sainl-Cloud,  dégainèrent  en  cet  endroit  contre  des 
diables  qui  flrent  un  plongeon  dans  la  rivière  ;  ces 
diables  n'étaient  autres  que  deux  minimes  occu- 
pés ù  prendre  leur  bain  matinal  {V.  Bulletin,  t.  1, 
|>.  182).  —  V.  aussi  la  Description  historique  de  la 
ville  de  Paris  et  de  ses  environs,  1,  5a,  où  Figaniol 
de  la  Force  rapporte  c^ue  les  carriers  de  Passy 
vendaient  aux  apothicaires,  pour  guérir  les  flèvres 
intermittentes,  les  pyrites  qu'on  découvrait  dans 
la  glaise  (V.  Bulletin,  L  I,  p.  ii4)>  —  A  propos  des 
carrières,  le  poète  La  Mesnordière  raconie  {Poésies, 
Paris,  1^6,  m-fol.)  une  des  plus  plaisantes  aven- 
tures de  Mme  de  Sablé,  quand  celle-ci,  partie 
pour  Rueil  avec  l'intention  uese  venger  de  n  avoir 
pas  été  invitée,  tenta  d'aller  surprendre  Julie 
d'Angennes  qui,  oprès  sept  ans  de  recherches,  ve- 
nait enfin  d'épouser  le  duc  de  Montausier.  Ce  fut 
la  tremblante  Mme  de  Sablé  qui  fut  surprise...  par 
un  orage  et  qui  ne  trouva  d'autre  moyen  de  se 
préserver  du  tonnerre  que  d'aller  se  cacher,  elle, 
sa  voiture  et  ses  gens,  dans  les  carrières  de 
Chaillot. 

(6)  L.  I^nier,  /or.  vit. 


traordinaire  et  plus  magnifique  que  celui  du  grand 
Roi.  C'était  toute  une  ville  impériale,  un  Kremlin 
qu'il  voulait  attacher  aux  tlancs  de  la  montagne. 

Pour  ce  maître  du  monde,  il  fallait  autre  chose 
que  Versailles,  cette  €  ville  bâtarde,  que  la  Révcv- 
lution,  qui  a  tant  détruit,  aurait  hien  dû  démolir.  » 
Je  n'aurais  pas  aujourd'hui,  disait-il,  un  tort  de 
Louis  XIV  sur  les  bras  et  à  rendre  supportable 
un  vieux  château  mal  fait,  —  comme  ils  ont  dit  : 
<  un  favori  sans  mérites  ». 

Percier  et  Fontaine,  confidents  de  ses  pensées, 
ont  raconté  que,  partout  où  il  voyait  un  beau  pay- 
sage. Napoléon  y  plaçait  en  idée  un  lieu  de  repos 
et  de  délassements  pour  rétablir  sa  santé  déjà  af- 
faiblie et  pour  jouir  en  paix  d'un  calme  bien  ga- 
gné. An  premier  moment,  Napoléon  voulait  faire 
du  coteau  de  Passy  un  lieu  de  retraite,  un  petit 
Sans-Saucij  une  maison  de  convalescent. 

Dans  ses  projets,  le  roi  de  Rome  aurait  de- 
meuré à  Lyon  au  centre  de  l'Empire.  Mais,  bientôt, 
le  caprice  impérial  avait  changé  et  le  projet  avait 
pris  corps. 

Un  arrêté  ferma  les  carrières,  et  les  fondations 
furent  commencées.  £n6n,  au  mois  de  juin  1814, 
Napoléon  achetait,  moyennant  59.000  francs,  du 
prince  de  Bénévent,  une  maison  «  à  l'extrémité 
de  Passy,  à  la  droite  de  l'entrée  du  bois  de  Bou- 
logne ».  C'était  l'ancien  pavillon  de  droite  de  l'an- 
cien château  de  la  Muette  (1  )  dont  l'Empereur  vou- 
lait faire  la  vénerie  de  son  fils. 

Les  plans  furent,  en  grande  partie,  l'œuvre  de 
l'Empereur.  Il  avait,  en  matière  d'art,  des  idées 
grandes.  €  On  pourrait  faire  de  Tarchîtecture, 
disait-il,  jusque  dans  la  cabane  d'un  charbonnier. 
Il  y  faut  seulement  l'unité,  le  bel  arrangement  et 
la  méthode  ;  c'est  la  condition  du  beau  et  de  l'im- 
posant. »  —  <  n  n'y  a  de  beau  que  ce  qui  est 
grand,  disait-il  une  autre  fois  au  Conseil  d'Etat. 
L'étendue  et  l'immensité  peuvent  faire  oublier  bien 
des  défauts  (2).  » 

Il  avait  voulu  qu'en  dehors  de  Percier  et  de 
Fontaine,  ses  deux  collaborateurs  désignés,  l'Im- 
pératrice eût  elle-même  voix  au  chapitre.  L'en- 
fant ne  devait  naître  que  dans  trois  mois  ;  déjà 
Napoléon  était  assuré  que  ce  serait  un  fils.  Et 
comme  Marie-Louise  répondait  :  €  Je  ne  m'y  con- 
nais pas  »,  l'Empereur  lui  disait  :  €  Ne  craignez 
rien.  Parlez.  Us  s'y  connaissent  encore  moins  que 
vous.  Votre  opinion  m'est  nécessaire.  Il  s'agit 
du  palais  oh  logera  votre  fils.  »  L'Impératrice, 
ajoutent  les  deux  architectes,  fit  quelques  obser- 
vations  judicieuses  dont  00  tint  compte. 

Le  site  seul  l'emportait  déjà  sur  celui  de  Ver- 


(1)  Vente  du  11  juin  1811  par  Tallevrand,  de- 
meurant rue  deVarenne.À  l'Empereur,  de  2  h.  64a. 
achetas  par  Talleyrana  d'Etienne-Antoinc  Bar- 
bier de  Saint-Hilaire,  chez  M*  Thion  de  la  Chaume 
notaire,  a  germin.  an  XII.  —  Acquis  des  époux 
Martin  et  provenant  du  morcellement  de  la  Muette. 
—  Renseignement  dA  n  M.  Frédéric  Masson. 

(a)  Déjà,  le  i5  prairial  1796,  de  Vérone,  le  géné- 
ral Bonaparte,  dans  une  lettre  au  Directoire, 
avait  exprimé  les  mêmes  pensées  :  •  Je  viens  de 
voir  l'amphithéâtre.  Ce  reste  du  peuple  romain 
est  digne  de  lui.  Je  n'ai  pu  m'empécher  de  me 
trouver  humilié  de  la  mesquinerie  de  notre  Champ 
de  Mars.  Ici,  cent  mille  spectateurs}  sont  assis  et 
entendraient  facilement  1  orateur  qui  leur  parle- 
rait. » 


434 


HISTOIBE   DU   XVI*   ARRONDISSEMENT 


récole  des  ponts  et  chaussées,  sctaellement  ins- 
tallés sur  le  terrain  domanial  dont  il  sera  ci-après 
parlé. 

Elle  prend  en  outre  à  sa  charge: 

i®  L  installation  proTisoire  des  services  dé- 
placés, jusqu'à  la  reconstruction  des  bAtiments 
qui  leur  sont  destinés  ; 

Et  2®  leur  translation  définitive  dans  ces  nou- 
veaux bâtiments. 

Ces  divers  ouvrages  et  travaux  seront  exécutés 
d'après  les  indications  contenues  dans  les  procès- 
verbaux  de  conférences  dressés  le  20  novembre 
courant,  entre  les  services  intéressés. 

11  est  stipulé  : 

i^  Quesur  tous  les  points  où  ne  serontpas  élevés 
des  bâtiments  en  façade,  ledit  terrain  R  sera 
fermé  par  une  grille; 

S"*  Que  les  plantations  et  les  constructions  qui 
pourraient  être  faites  dans  la  portion  de  ce  ter- 
rain comprise  entre  le  côté  est  de  Tamphithéâtre, 
et  une  ligne  LM  du  plan,  ne  dépasseront  pas  la 
hauteur  tnaxima  de  douze  fnètres,  sauf  une 
tourelle  de  trois  mètres  de  diamètre  (i)  ; 

3^  Que  la  même  hauteur  ne  pourra  être  excédée 
par  les  constructions  et  plantations  qui  seraient 
faites  sur  les  terrains  appartenant  déjà  à  la  Ville 
de  Paris  ou  qu'elle  achètera  ultérieurement,  et 
le  quai  Debilly,  le  côté  est  de  Tamphithéâtre, 
Tavenue  d'Iéna  et  la  ligne  LM  prolonffée'  (N.-O.); 

4^  Qu'il  ne  sera  fait,  tant  sur  la  place  que  sur 
l'amphithéâtre,  aucun  travail  de  construction  et 
de  plantation  de  nature  à  gêner  le  champ  visuel 
nécessaire  aux  expériences  de  photométrie  de 
rétablissement  des  phares  ; 

b^  Que  les  matériaux  de  démolition  provenant 
des  établissements  existants  et  qui  ne  seraient 
pas  réemployés  resteront  la  propriété  du  domaine. 


2»  Loi  du  iS  mars  1869. 
(Extrait.) 

Article  previer. 

Est  approuvée  la  convention  passée  le  6  dé- 
cembre io66  entre  le  Ministre  des  finances,  agis- 
sant an  nom  de  TjiiUt,  et  le  Préfet  de  la  Seine, 
agissant  au  nom  de  la  Ville  de  Paris,  ladite  con- 
vention annexée  à  la  présente  loi,  et  portant: 

4'  Allocation  à  la  Ville  de  Paris  d'une  subven- 
tion de  trois  millions  de  francs  pour  la  création  de 
la  place  du  Trocadéro  et  dépendances  ; 

2°  Cession  réciproque  de  terrains  sis  à  Paris, 
an  lien  dit  le  Trocadéro  ; 

3°  Engagement  par  la  Ville  de  Paris  de  renon- 
cer à  rappel  formé  par  elle  contre  un  jugement 
du  Tribunal  de  la  Seine,  en  date  du  46  août  4865. 


(l)  Servitude  de  hauteur  qui  o  été  abandonnée 
par  l'Etal  et  la  Ville  de  Paris.  {Voir  la  lettre  du 
Minmlre  de»  Travaux  publics,  en  date  du  22  marn 
i8«3  et  l'arrêté  préfectoral^  en  date  du  i4  jum  1 883.) 


5*»  Lettre  du  Ministre  des  Travaux  nublics 
au  Prélet  de  la  Seine,  du  9t  mars  i883. 

Paris,  le  23  mars  i883. 
Monsieur  le  Préfet, 

Vous  m'avez  fait  part,  le  29  janvier  dernier, 
de  votre  intention  d'appeler  le  Conseil  municipal 
à  délibérer  sur  la  Question  de  savoir  s*iln*y  a  pas 
lieu  de  renoncer  à  la  servitude  dont  a  été  fra|>pée 
une  bande  de  terrain  longeant  la  place  du  Tro- 
<»déro,  par  suite  du  traité  passé  en  4866  entre  la 
Ville  de  Paris  et  TEUt,  servitude  qui  consiste  à 
interdire  des  constructions  de  plus  de  douze 
mètres  de  hauteur,  sauf  une  tourelle  de  3  mètres 
de  diamètre. 

Vous  m*avez  demandé  de  faire  examiner  au 
préalable  cette  question  en  ce  qui  concerne  les 
terrains  appartenant  à  VtMi  et  occupés  par  le 
service  des  phares  et  balises. 

Vous  pensez.  Monsieur  le  Préfet,  quecettesea*vi- 
tude  est  devenue  inutile  depuis  les  modifications 
apportées  à  la  nature  même  des  lieux  par  Fédifi- 
cation  du  palais  du  Trocadéro. 

Cette  servitude,  à  laquelle  FEtat  avait  dû  se 
soumettre  lors  de  la  construction  du  dépôt  des 
phares,  avait  pour  but  de  conserver  pour  les  pro- 
meneurs de  Tamphithéàtre  la  perspective  de  la 
vallée  de  la  Seine  du  côté  de  Paris  ;  elle  n'a  point 
été  éublie  dans  Tintérèt  du  services  des  phares. 
L'horizon  visuel  nécessaire  aux  expériences  de  ce 
service  comprend  principalement  le  plateau  de 
Chàtillon  et  accessoirement  les  hauteurs  entre 
Fleury  et  Clamart  ou  le  sommet  des  Hantes- 
Bruyères,  près  de  ViUejuif. 

iSdi  horizon  se  trouve  tout  entier  dans  Tangle 
oui  correspond  à  la  promenade  du  Trocadéro, 
d'une  part,  et  se  termine  de  l'autre  avant  le  côté 
de  la  promenade  où  se  trouve  la  zone  de  terrain 
frappée  de  servitude,  de  sorte  que  la  suppression 
de  cette  servitude  ne  peut  en  rien  nuire  aux  inté- 
rêts du  service  des  phares. 

Il  est  d'ailleurs  incontestable  que  cette  suppres- 
sion ne  pourra  qu'accroître  la  valeur  du  terrain 
sur  lequel  est  installé  le  dépôt  des  phares. 

Quant  à  la  conservation  de  l'horizon  visuel  i 
ménager  pour  le  service  des  phares,  elle  est  assu- 
rée par  une  autre  clause  du  même  traité  ainsi 
conçue  : 

«  Il  ne  sera  fait,  tant  sur  la  place  ({ne  sar 
l'amphithéâtre,  aucun  travail  de  constructions  ni 
de  planutions  de  nature  à  ffèner  le  champ  visuel 
nécessaire  aux  expérieices  de  photométrie.  » 

J'ai  l'honneur  de  vous  informer,  Monsieur  le 
Préfet,  qu'après  avoir  consulté  sur  cette  question 
le  Conseil  général  des  PonU  et  Chaussées,  j'ai 
reconnu  que  l'fitat,  an  point  de  vue  du  service 
central  des  phares,  n'a  aucun  intérêt  au  maintien 
de  la  servitude  établie  par  le  traité  de  4866  sur 
les  terrains  qui  bordent,  atit  nord-est,  la  prome- 
nade du  Trocadéro. 

Recevez,  Monsieur  le  Préfet,  l'assurance  de  ma 
considération  la  plus  distinguée. 

Le  Minintre  des  Traoaux  publics. 
Pour  le  Ministre  et  par  autorisation  : 
Le  Conseiller  d'Etal, 
Directeur  des  Ponts,  delà  Navigation  el  des  Mines, 

Signé:  Leblanc. 


ANNEXES 


435 


-!•  Arrêté  préfectoral  du  i4  juin  i883, 

LE  PRÉFET  DE  LA  SEINE. 

Siégeant  en  Conseil  de  préfecture,  od  étaient 
pitsents  MM.  Aubin,  fielin,  Louis  Fabre,  et  Ma- 
ruéjouls,  conseillers  ; 

Vu  la  délibération,  en  date  du  21  mai  i883, 

Ï^ar  laquelle  le  Conseil  municipal  a  autorisé 
'abandon  par  la  Ville  de  Paris  de  la  servitude, 
oui,  aux  termes  de  la  convention  passée  entre 
1  Etat  et  la  Ville  de  Paris  relatiyement  à  la  place 
du  Trocadéro,  interdit  d*élever  des  constructions 
de  plus  de  douze  mètres  de  hauteur  sur  une  zone 
de  terrains  situés  au  nord- est  de  la  place  et  limi- 
tée au  plan  par  une  lisne  L,  M,  N,  0  ; 

Vu  la  lettre,  en  date  du  22  mars  4883,  par 
laquelle  M.  le  Ministre  des  Travaux  publics, 
après  avoir  pris  Tavis  du  Conseil  général  des 
Ponts  et  Chaussées,  déclare  que  TEtat  n*a  aucun 
intérêt  au  maintien  de  ladite  servitude  ; 

Vu  le  plan  ; 

Vu  le  décret  du  26  mars  4852  sur  la  dé- 
centralisation administrative,  tableau  A,  n<*  44  ; 

Vu  les  lois  sur  les  Conseils  municipaux  en  date 
des  48  juillet  4 837  et  24  juillet  4867,  article  47  ; 

Le  Conseil  de  préfecture  entendu. 

Arrête  : 

La  délibération  susvisée  du  Conseil  municipal 
est  approuvée. 

En  conséquence,  la  Ville  de  Paris  est  autorisée  à 
renoncer  à  la  servitude  qui,  aux  termes  delà  con- 
vention passée  le  6  décembre  4866  entre  TEtat  et 
la  Ville  de  Paris,  relativement  à  la  place  du  Tro- 
cadéro, interdit  d'élever  des  constructions  de  plus 
de  12  mètres  de  hauteur  sur  une  zone  de  terrains 
situés  au  nord-est  de  ladite  place,  et  limitée  au 
plan  par  une  ligne  L,  M,  N,  0. 

Fait  à  Paris,  le  44  juin  4883. 

Signé:  Oustrt. 


AVENUE  DU  TROCADÉRO 

Convention  du  27  octobre  i868  passée 
entre  VÉtat  et  la  Ville  de  Paris, 

(Extrait.) 

Le  samedi  27  octobre  4868,  devant  nous, 
Alfred-Pierre  Blanche,  commandeur  de  l'ordre 
impérial  de  la  Lésion  d*honneur,  conseiller  d'Etat, 
secrétaire  général  de  la  Préfecture  de  la  Seine, 
substituant,  pendant  son  congé,  M.  Georf^es-Ëugène 
baron  Haussmann,  sénateur,  grand-croix  du  même 
ordre,  préfet  dudit  département  ; 

Agissant  comme  en  l'acte  administratif  du 
2  octobre  4866,  qui  précède  : 

En  conséquence,  comme  alors  aussi,  de  M.  le 
commandant  do  génie  Servet,  y  dénommé  { 


Et  pour,  en  donnant  suite  à  cet  acte,  auquel  il 
en  est,  au  surplus,  référé,  compléter  la  cession 
qu'il  renferme  et  ainsi  réaliser  définitivement  les 
conventions  antérieurement  conclues  entre  les 
parties  ; 

A,  par  ces  présentes,  au  nom  de  la  Ville  de 
Paris  et  en  vertu  des,  mêmes  pouvoirs, 

Vendu  et  cédé  à  l'État,  ce  qui  est  accepté,  pour 
lui  et  en  son  nom,  par  le  magistrat  ci-dessus  qua- 
lifié et  toujours  en  conformité  des  décisions  de  S. 
Exe.  le  ministre  de  la  guerre,  des  25  août  4865«t 
48  septembre  4866,  et  spécialement  d'une  troi- 
sième décision  rendue^le  7  août  dernier: 

Une  zone  de  terrain  situé  à  Paris,  rue  de  la 
Manutention,  ci-devant  Basse-Saint-Pierre-de-Chail- 
lot  (XVI"  arrondissement,  partie  des  Bassins),  te- 
nant du  nord  à  l'avenue  du  Trocadàro,  du  midi,  à  la 
Manutention  des  vivres  militaires,  appartenant  à 
l'Etat,  de  l'est,  à  un  terrain  récemment  acquis  de 
la  Ville  de  Paris  par  la  Société  Leteissier,  Oelau- 
nay  et  C**,  et  de  1  ouest,  à  la  rue  susdénommée; 

Ce  terrain,  oui  affecte  la  forme  d'un  trapèze 
allonsé,  dont  1  un  des  cdtés  (à  l'est)  se  termine, 
toutefois,  par  une  ligne  oblique  légèrement  brisée, 
ce  qui,  en  réalité,  en  fait  un  pentagone,  a  une 
largeur  de  dix  mètres  et  mesure  une  superficie 
de  mille  quatre-vingt-onze  mètres  seize  centi- 
mètres. 

Il  se  compose  de  deux  parcelles  d'origine  dif- 
férente, comme  on  le  verra  plus  loin,  mais  qui  n'en 
constituent  pas  moins  un  tout  homogène. 

L'une  des  parcelles,  figurée  avec  une  couleur 
verte  et  cotée  B,  au  plan  du  48  avril  4865,  an- 
nexé au  contrat  du  2  octobre  4866  précité,  con- 
tient une  superficie  de  cent  soixante-quatorze 
mètres  trente-six  centimètres, 

ci 474m.  36 

L'autre,  teintée  en  violet  et  cotée  C 
au  même  plan,  a  une  contenance 
de  neuf  cent  seize  mètres  quatre- 
vingt  centimètres  ,  .  .  .  .  946  m.  80 
Total  parbil  :  mille  quatre-vingt- 
onze  mètres  seize  centimètres,  ci,  1.094  m.  46 


CLAUSES  ET  CONDITIONS 
§  4«''.  —  Mur  de  soutènement. 

Il  est  d'abord  expliqué,  à  l'aide  d'une  figure 
établie  par  M.  Alphand,  ingénieur  en  chef  des 
Pont  et  Chaussées,  directeur  de  la  voie  publique 
et  des  promenades  de  la  Ville  de  Paris,  et  du 
projet  ae  l'avenue  du  Trocadéro,  que  la  zone  de 
terrain  présentement  vendue  se  trouve  en  contre- 
bas de  l'avenue  du  Trocadéro,  dont  le  sol  est 
maintenu,  comme  l'indique  le  profil  en  long  tracé 
sur  ladite  figure,  par  un  mur  de  soutènement  avec 
arcades,  lequel,  construit  par  la  Ville  et  à  ses 
frais,  sera  entretenu  par  elle  aussi  à  perpétuité, 
et  formera,  de  ce  côte,  la  clôture  dudit  terraiui 

L'état  devra  souffrir  l'existence  d'un  mur,  de 


436 


HISTOIRE    DU   XVl^   ARRONDISSEMENT 


ses  pieds-droits  saillants  et  des  voûtes  de  sup- 
port des  plates-bandes  de  flears  qui  occupent  en 
totalité  une  zone  de  trois  mètres  sur  le  terrain, 
ainsi  que  le  démontre  également  le  profil  en  tra- 
Vers  pareillement  ci-annexé,  dressé  par  le  même 
ingénieur. 

Il  devra  aussi  permettre,  sans  indemnité,  toutes 
les  fois  qu'il  s'agira  de  réparations,  l'entrée  des 
ouvriers  qui  en  seront  chargés,  l'établissement  des 
échafaudages  et  l'approche  des  matériaux  néces- 
saires à  ces  travaux. 

§  2.  —  Servitude  non  aedificandl. 

Article  premier. 

L'Etat  ne  pourra  élever,  sur  la  zone  et  dans 
toute  son  étendue,  aucunes  constructions  ni  clô- 
tures autres  que  des  grilles  de  division,  en  tout 
semblables  à  celles  imposées  pour  les  façades  qui 
sont  au  niveau  de  l'avenue. 

Toutefois,  la  naissance  des  voûtes  du  mui 
soutènement  se  trouvant  sur  le  point  dont  il  s'agit, 
c'est-à-dire  le  long  du  terrain  ci-dessus  vendu, 
à  plus  de  3  mètres  au-dessus  du  sol,  le  mur  ac- 
tuellement construit  entre  la  Manutention  et  le 
terrain  de  la  Société  Leteissier,  Delaunay  et  O^, 
lequel  n'excède  pas,  d'ailleurs,  la  hauteur  de 
3  mètres,  maximum  fixé  par  l'administration 
municipale  et  regardé  par  celle-ci  comme  suffisant, 
sauf,  bien  entendu,  à  l'Etat  et  au  propriétaire 
toisin  de  le  remplacer,  si  bon  leur  semble,  par 
une  grille  de  la  condition  prescrite. 

Art.  2. 

Le  terrain  dont  il  s'agit  devra  être  exclusive- 
ment occupé  par  un  parterre  d'agrément  ou  par 
une  cour  sablée. 

Art.  3i 

En  tous  cas,  le  niveau  actuel  du  sol  ne  pourra 
être  modifié,  et  il  ne  devra  être  fait  le  long  au  mur 
de  soutènement  aucune  plantation  de  nature  à  le 
détériorer. 


AU    TROCADÉRO 
31  AOÛT  1826 

Dans  un  livre  de  luxe,  très  documenté,  de  MM. 
Ernest  Maiodron  et  Camille  Viré,  intitulé  :  Le 
Champ  de  Mars,  et  publié  en  1889  par  L.  Danel, 
à  Lille,  nous  trouvons  un  chapitre  qui  nous  ex- 
plique clairement  l'origine  du  nom  donné  à  l'une 
de  nos  plus  agréables  promenades...  nous  voulons 

{»arler  au  Trocadéro.  Nous  publions  intégralement 
a  partie  qui  nous  concerne,  avec  l'autorisation  de 
l'éditeur. 
<  Lorsque,  après  la  prise  du  Trocadéro,  le  duc 


d'Angouléme  rentra  en  France,  il  n']^  fut  point 
accueilli  comme  il  méritait  de  l'être,  il  semblait 
qu'on  le  rendit  brutalement  responsable  des  agis- 
sements du  fournisseur  concussionnaire  Onvrard, 
dont  la  scandaleuse  fortune,  outrageusement  aug- 
mentée par  l'expédition  de  1823,  fixait  depuis 
longtemps  l'attention  des  esprits  les  moins  pré- 
venus 

<  En  1826,  Charles  X  pensa  qu'il  était  équita- 
ble de  revenir  sur  cette  impression  aussi  mauvaise 
qu'elle  était  irréfléchie.  Il  choisit  le  troisième  an- 
niversaire de  la  prise  du  Trocadéro  pour  donner 
une  fête  militaire,  dont  la  pose  de  la  première 
pierre  d'une  caserne  devint  la  raison  apparente. 
La  fête,  fixée  à  huit  heures  du  soir,  devait  rap- 
peler dans  ses  grandes  lianes  le  combat  du  31  août 
1823. 

K  La  caserne  au'il  s'agissait  de  construire,  de- 
vait occuper  les  hauteurs  deChaillotqui,  i  partir 
de  ce  jour,  prirent  le  nom  du  Trocadéro. 

€  Sur  l'emplacement  de  la  future  caserne,  on 
avait  élevé  un  arc  de  triomphe,  à  la  frise  duquel 
on  lisait  : 

AU  prince  généralissime^ 

«  Et  plus  bas  : 

Son  nom,  ses  vertus  et  sa  gloire 
Sont  à  jamais  inscrits  au  Temple  de  Mémoire. 

<  Quatre  bas-reliefs  décoraient  les  faces  de  Tare 
et  représentaient  : 

«  Le  prince  récompensant  la  bravoure  d'nu 
soldat  sous  le  feu  de  la  place  Saint-Sébastien  ; 

«Le  prince  refusant  les  honneurs  qu'on  lui  avait 
préparés  à  Burgos  ; 

€  Le  prince  donnant  l'exemple  de  la  valeur 
et  du  sang-froid  à  la  batterie  de  Santi-Pe- 
tri; 

«  Le  prince  recevant  le  roi  et  la  reine  d'Espa  - 
gne  à  Sainte-Marie. 

<  Cinq  figures  :  Madrid,  Barcelone, Valence,  la 
Corogne  et  Cadix,  ornaient  cinq  niches  ménagées 
dan^  l'attique. 

«  Deux  trophées  et  un  quadrige  portant  la  France 
entre  deux  Renommées,  couronnaient  le  monu- 
ment. 

€  Entre  l'arc  de  triomphe  et  le  palier  supérieur 
des  rampes  de  Chaillot,  douze  colonnes  militaires 
chargées  de  drapeaux  et  d'armes,  rappelaient  les 
actions  principales  de  la  campagne  de  1823.  Qua- 
tre grands  trophées  limitaient  une  voie  triomphale. 
Des  pots  à  feu,  des  trépidis  et  des  girandoles 
éclairaient  cette  voie. 

€  Sur  un  tertre  à  droite  de  la  position,  on  avait 
disposé,  pour  le  dauphin  et  la  dauphine  (1),  une 
tente,  celle-là  même  qui  avait  servi  au  prince  pen- 
dant la  campagne.  Quatre  autres  tentes  avaient  été 
dressées  à  droite  et  à  gauche  pour  les  ministres, 
le  corps  diplomatique,  les  principaux  fonction- 
naires et  les  officiers  généraux  présents  à  Paris. 
Une  enceinte  réservée,  à  l'extrémité  septentrionale 
du  Champ  de  Mars,  contenait  2.000  invités,  2.000 
hommes  pris  dans  les  régiments  de  la  garnison  et 
500  invalides. 

(i)  Le  comte  de  Charobord  et  sa  sœur. 


ANNEXES 


437 


€  Le  daaphÎD  et  la  danpbine  arriyèrent  à  hait 
heures  et  demie.  Le  mÎDistre  de  la  guerre  les  re- 
çut et  les  accompagna  jusqu^à  la  tente  du  duc 
d*Angouléme. 

«  C'est  alors  que  dix  bataillons  de  la  garde 
royale,  commandés  par  le  maréchal  de  camp  de 
Samt-Hilaire,  se  formèrent  sur  la  rive  gauche  de 
la  Seine,  à  droite  et  à  gauche  du  pont  d'Iéna,  et 
commencèrent  un  feu  de  mousoneterie.  Des  pièces 
d'artillerie  les  soutenaient.  D'autres  bataillons 
postés  sur  la  rive  droite  et  représentant  les  Espa- 
gnols répondirent  à  ce  feu.  Au  bout  d'un  quart 
d'heure,  les  bataillons  de  4a  rire  gauche  se  for- 
mèrent en  colonne  d'attaque,  traversèrent  le  pont 
et  refoulèrent  les  Espagnols,  qui  se  replièrent  sur  les 
rampes  deChaillot.  Les  rampes  attaquées  à  leur  tour 
etenlevées,  les  Taincus  se  reformèrent  en  arrière  de 
la  position.  Cette  petite  guerre  terminée,  le  dau- 
phm  et  la  dauphine  se  rendirent  à  l'arc  de  triomphe 
et  posèrent  la  première  pierre  de  la  caserne.  Des 
salves  générales  d'artillerie  et  de  mousqueterie  ter- 
minèrent cette  fôte  militaire,  dont  le  Moniteur  ût 
un  pompeui  récit.  » 

Les  journaux  de  l'opposition,  le  Courrier  fran- 
çais  et  le  Constitutionnel,  entre  autres,  furent 
beaucoup  moins  enthousiastes  que  le  journal  oflB- 
ciel  ;  suivant  eux,  la  fôte  avait  été  mesquine,  in- 
complète ;  heureusement,  disent-ils,  qu'on  sa- 
vait  par  le  programme  que  tout  cela  repré^ 
sentait  V attaque  du  Trocadéro  et  la  pose  (f  une 
première  pierre.  Quand  les  fusées  ont  cessé 
de  briller  dans  Voir,  on  a  présumé  que  le  fort 
était  pris  et  la  pierre  posée,  et  les  spectateurs 
ont  repris  paisiblement  le  chemin  de  leur 
domicile, 

L.  M. 


L'APOTHÉOSE    DE  LAMARTINE 


( Vers  prononcée,  le  7  iaillel    i886,  à  Imauguraiion 
de  la  statue  de  Lamartine,  à  Passy.) 

Ils  disaient  :  «  Son  prestige  croule 
El  fuit  comme  Teau  du  torrenl  ; 
Déjà  l'insouciante  foule 
Ne  sait  plus  même  s'il  fut  grand. 
Les  durs  poètes  de  l'épêe 
Font  encore  à  coups  cTôpopèe 
Tressaillir  le  vieux  genre  humain  ; 
Mais  lui,  le  chantre  de  la  chute, 
N'a  pas  môme  un  joueur  de  flrtle 
Pour  l'escorter  par  le  chemin  !  » 

Et  voici  que  ton  front  se  lève, 
Calme,  pensif  et  glorieux, 
Dans  la  sérénité  du  rêve. 
Devant  la  majesté  des  cieux, 
Devant  les  choses  éternelles. 
Devant  le  battement  des  ailes 
Eparses  dans  les  rameaux  veiis. 
Devant  la  nature  infinie 

gui  fut  l'Ame  de  ton  génie, 
a  musique  de  tes  grands  vers  ! 

Et  pourquoi  ces  passants  d'une  heure 
Pensaient-ils,  en  leur  vanité. 
Que  le  temps,  le  temps  qui  t'effleure 
Sapait  ton  Immortalité  ? 


Supposaient-ils  que  les  prophètes 
N'ont  plus  droit  aux  rumeurs  des  fêtes, 
Aux  lauriers  cueillis  autrefois. 
Parce  qu'un  jour,  dans  notre  histoire. 
On  les  a  chassés  du  prétoire 
Avec  iin  roseau  dans  les  doigts  ? 

Depuis  quand  Tiniure  qui  tombe. 
Depuis  auand  l'outrage  qui  ment 
Pèsent- ifs  assez  sur  la  tombe 
Pour  la  clore  éternellement? 
Depuis  quand  le  mépris  stupide, 
La  haine  basse  au  crâne  vioe, 
S'épuisant  en  lâches  efforts, 
Empêchent-ils  dans  l'ossuaire 
Les  plis  tragiques  du  suaire 
De  s  écarter  au  front  des  morts  ! 

Est-ce  que  l'effort  du  brin  d'herbe 
Qui  frissonne  dans  notre  orgueil 
Interdit  aux  prêtres  du  Verbe, 
Mal  cloués  dans  le  froid  cercueil, 
De  pousser  du  coude  la  pierre. 
De  remettre  dans  leur  paupière 
La  pure  extase  du  révei*. 
De  tuer  l'oubli  qui  les  tue. 
Et  de  se  redresser  statue 
Dans  l'éternité  du  soleil  ? 

Eh  quoi  !  la  foule  aurait  pu  croire. 
Elle  qui  par  toi  triomphait, 
'>ue  la  gloire  n'est  pas  la  gloire, 

|uand  cest  un  livre  qui  la  fait  ; 

{ue  les  œuvres  les  plus  divines 

!'ombent  tôt  ou  tara  en  ruines 
Comme  l'autel  des  Ormensuls, 
Et  qu'en  nos  temps  où  rien  ne  dure 
L'immortalité  se  mesure 
A  la  tunique  des  consuls  ! 

Ce  qui  te  vaut  l'apothéose. 
Au  nom'  des  bons  et  des  petits. 
Ce  n'est  point  ta  harangue  éclosc 
Sous  le  souffle  ardent  des  partis  ; 
Et  pourtant  ta  phrase  superbe 
Etait  comme  une  grande  gerbe 
De  fleurs  et  d'épis  dans  tes  mains, 

?uand,  le  front  lourd  de  rêverie, 
u  la  rendais  à  la  patrie 
Avec  des  gestes  surhumains. 

Non,  non,  ce  q^ii  t'immortalise, 
Ce  qui  te  sacre  pour  toujours. 
C'est  d'avoir  chanté  quand  la  brise 
Chantait  aussi  dans  les  bois  sourds  ; 
C'est  d'avoir,  aux  pieds  d'une  femme, 
Laissé  le  rêve  de  ton  âme 
Fondre  en  harmonieux  sanglots, 
Pendant  que  la  rame  alourdie 
Attisait  le  vague  incendie 
Des  étoiles  au  bout  des  flots  ! 

C'est  d'avoir  sondé  le  mystère 
Et  tressailli  comme  Ariêl 
Devant  les  filles  de  la  Terre 

8ui  tentaient  les  Anges  du  Ciel  ! 
'est  d'avoir  pris  dans  ta  corbeille, 
Pour  nous  et  pour  notre  Mireille, 
Un  petit  bouquet  rose  et  vert, 
Aumône  tout  ensoleillée 
Oue  la  Provence  émerveillée 
Porte  à  son  corsage  entrouvert. 

C'est  à  travers  la  vie  amère, 

8uand  tu  tremblais  comme  un  roseau, 
e  t'être  tourné  vers  ta  mère 
Comme  aux  premiers  jours  du  berceau  ; 
C'est  d'avoir,  comme  aux  temps  bibliques. 
Répandu  tes  pitiés  lyriques, 
Sur  le  pauvre  et  sur  l'orphelin  ; 
C'est  d'avoir  au  cœur  de  Laurence 
Fait  cicatriser  la  souffrance 
Par  le  pardon  de  Jocelyn  ! 

C'est  ta  large  strophe  inondée 
Du  fluide  énorme  des  mots. 
Où  les  hauts  cèdres  de  Judée 
Penchent  l'ombre  de  leurs  rameaux. 


438 


IIISTOIRK    nu   XVI"  ARnONDlSSEMKNT 


Où,  comme  uq  ffooflement  de  houle, 
La  période  se  déroule 
Dans  de  l'azur,  ol  dans  de  l'or, 
Et  qui,  sans  colère  et  sans  haine. 
Fait  souligner  l'histoire  humaine 
Par  les  éclairs  du  mont  Thabor  ! 

Non  !  non  !  ce  qui  fait  qu'on  t'admire* 
C'est  l'abandon  mélodieux 
De  ton  front  dans  les  mains  d'Elvire 
Buvant  les  larmes  de  tes  yeux  ! 
Ce  qui  t'impose  à  notre  culte, 
C'est  ton  fier  dédain  pour  l'insulte 
Des  impuissants  et  des  jaloux  ! 
Ce  qui  fait  que  ton  nom  demeure, 
C'est  ton  vers  qui  médite  et  pleure, 
Avec  la  prière  aux  genoux. 

Or,  maintenant,  6  doux  génie! 

Mort  vivant  entre  les  vivants  ! 

Recueille-toi  dans  l'harmonie 

Des  Rameaux,  des  nids  et  des  vents; 

Et  l'âme  à  demi  réveillée 

Incline-toi  sous  la  fouillée, 

Avec  le  geste  d'écouter 

Le  rossignol  et  la  fauvette 

Qui,  frères  ailés  du  poète. 

Ne  chantent  qu'afln  de  chanter. 

Nous,  les  autres  fils  de  la  Lyre, 
Noua  te  lirons  avec  amour. 
Tant  qu'on  verra  des  flammes  luire 
Au  sommet  de  la  grande  tour, 
Tant  que  la  brise  de  Sorrente 
Bercera  la  gondole  errante 
Sur  les  vastes  flots  querelleurs  ; 
Tant  que  tu  charmeras  les  âmes  ; 
Tant  que  la  terre  aura  des  femmes. 
Tant  que  les  champs  auront  des  fleurs. 

Et  par-dessus  l'horreur  du  gouffre 
Dans  la  paix  du  soleil  levant, 
Hugo  çiui  voit,  Musset  qui  souffre, 
Toi  qui  contemples,  en  rêvant. 
Nous  vous  bénirons  dans  nos  œuvres  ; 
Et  trois  fois  malheur  aux  couleuvres  ! 
Trois  fois  malheur  aux  envieux. 
Qui  baveraient  sur  votre  gloire  ! 
Car  vous  êtes  dans  notre  nistoire 
La  trinité  des  demi-dieux  I 


Clovis  Hugues. 


LE  PUITS  ARTÉSIEN  DE  PASSY 


L^étranger  qui  passe  an  »qaare  Lamarlioe,  situé 
entre  Tavenne  Henri-Martin  et  Tavenae  Victor- 
Hago,  à  l'extrémité  de  la  rue  Spontini,  est  loin  de 
se  douter  qu*au  milien  de  ce  sqnare  se  cache  trop 
modestement,  dans  une  touffe  de  verdure  de  forme 
octogonale,  le  fameux  puits  artésien  de  Passy  dont 
le  forage  fut  décidé  lors  de  la  transformation  du 
bois  de  Boulogne.  Il  était  d'abord  destiné  à  fournir 
des  eaux  pour  Tarrosement  des  parties  hautes  de 
ce  bois  et  à  suppléer  an  service  d*eau  de  Seine 
dans  ((uelques  arrondissements  de  la  rive  droite 
de  Pans.  Il  alimenta  ensuite  en  grande  partie  le 
lac  inférieur. 

Mais  n'anticipons  pas,  et  résumons  les  articles 
très  documentés  qu'a  publiés  le  Magasin  pitto^ 
resque  en  4862  sur  la  création  de  ce  puits,  ren- 


voyant au  précieux  recueil  lui-même  les  lecteurs 
arides  de  plus  de  détails  techniques  (i). 

L'idée  de  transformer  le  bois  de  Boulogne  en 
jardin  anglais  conduisit  à  y  créer  des  lacs  et  des, 
ruisseaux.  Un  ingèoienr  saxon,  M.  Kind,  déjà 
connu  par  des  sondages  qu'il  aTsit  exécutés  au 
Creosot,  promit  à  cette  occasion  de  faire  jaillir 
dans  la  plaine  de  Passj  (2)  une  fontaine  artésienne: 
qui  donnerait  à  elle  seule  douxe  fois  plus  d'eau 
que  le  puits  de  Grenelle.  U  offrit  de  faire  le  travail 
à  forfait  en  une  année,  moyennant  350.000  fr., 
et  le  préfet  de  la  Seine  sic  la  le  traité  proposé 

5ar  n .  Kind.  Les  travaux  furent  commencés  à  la 
n  du  mois  de  septembre  4855.  On  eut  bientAt 
construit  une  espèce  d'édifice  en  planches  (voir 
notre  dessin)  qui  pendant  longtemps  attira  des 
milliers  de  visiteurs.  La  cheminée  longue  et  étroite 
qui  s'élève  à  côté  de  la  grande  tour  eo  bois,  appar* 
tenait  à  la  machine  à  vapeur  de  cette  usine  tem- 
poraire et  était  destinée  i  mouvoir  les  gigantesques 
outils  de  perforation.  Si  rien  n*avait  dérangé  les 
opérations,  on  en  fût  venu  à  bout  pendant  la  pé- 
riode que  M.  Kind  avait  fixée;  mais  on  rencontra 
des  obstacles  imprévus. 

Le  34  mars  4857,  le  forage  était  déjà  parvenu 
à  la  profondeur  de  5S8  mètres,  l'arrivée  de  Teau 
était  imminente,  on  pouvait  prévoir  qu'elle  jailli- 
rait au  bout  de  quinze  ou  vingt  jours,  lorsque 
tout  à  coup  le  tube  en  tôle  qui  retenait  les  argiles 
fut  écrasé  à  30  mètres  an-dessous  du  sol.  U  s'en- 
suivit un  retard  de  près  de  trois  ans  et  une  aug- 
mentation du  triple  dans  les  dépenses.  Tous  les 
calculs  se  trouvaient  bouleversés  par  ce  sinistre. 
M.  Kind  était  dorénavant  hors  d'état  de  remplir 
les  conditions  de  son  marché  ;  l'administration 
municipale  le  résilia  et  prit  à  sa  charge  la  conti- 
nuation des  travaux,  qui  furent  mis  en  régie. 
M.  Kind  resta,  comme  par  le  passé,  charsé  de  la 
direction  du  sondage,  mais  il  dut  s'entendre  avec 
la  commission  de  surveillance,  qui  devenait  en 
quelque  sorte  responsable  de  la  réussite  de  l'opé- 
ration. 

Enfin,  après  bien  des  travaux,  longs,  pénibles 
et  même  dangereux,  on  arriva  à  une  profondeur 
de  587  mètres  et  l'on  trouva  la  nappe  aquifere, 
qui  jaillit  à  la  surface  du  sol  le  24  septembre  4864 
à  midi.  U  a  fallu  six  ans  d'un  travail  continu.  Le 
volume  d'eau  quotidien  atteignit,  au  premier  coup 
de  sonde,  45.000  mètres  cubes;  il  s'éleva  bientôt 
jusqu'à  25.000  et  ne  redescendit  pas  au-dessous 
de  47.000  tant  qu'on  laissa  couler  l'eau  au  niveau 
du  sol.  Il  est  actuellement  —  la  force  ascension- 
nelle ayant  été  réduite  —  d'enriron  40.000  mètres 
cubes  par  jour. 

Jusqu'au  jour  où  la  nappe  d'eau  jaillit  du.  puits 
de  Passy,  le  puits  artésii>n  de  Grenelle  donnait 
630  mètres  cubes,  ce  qui  était  son  débit  normal; 
mais  vingt-quatre  heures  après  il  ne  donnait  plus 
que  560  mètres,  et,  après  avoir  diminué  successi- 
vement, il  tomba  à  460  et  même  à  430  mètres. 


(i)  Jouve  et  C'*,  éditeurs,  rue  Palatine,  n*  5,  à 
Paris  (ancienne  maison  Fume). 

(a)  A  cette  époque,  tout  le  joli  quartier  qui 
avoisine  le  puits  faisait  partie  de  ce  qu'on  ap- 
pelait alors  à  juste  titre  fa  plaine,  c'est-a-dire  un 
grand  espace  plat  et  sans  constructions  rap- 
prochées. 


439 
M  qoi  Bt  Tmr  qae  lei  ntppM  de  Patty  et  d«  fire-      du  paits  ie  Grenelle  a  uDsibleiVMt  Bogmcnli 


f^lf^f 


Construction ti  élevées  pour  le  forage  du  puits  artésien  de  Passy  (cOté  est) 
[Dessin  in«dlt  de  M.  L.  Hsr.) 


nelle  o'ttaieot  pis  indtpeDdiDles  l'nae  de  l'antre,      quand  on  n  dimiané  celai  de  Piaij  en  réduisant 
Aimi  deroQs-Dous  remanjaer  que  le  rendemepl     artificieUeioeat  la  Torce  agceosiooiwUe  du  jel,  ^oi 


44o 


HISTOIRE   DU   J^Vl^  ABftONDISSEMBNT 


coulait  alors  ayec  la  même  vitesse  qoe  si  le  plan 
de  déversement  eût  été  élevé  à  78  mètres  au-dessus 
du  niveau  de  la  mer. 

I^  tableau  suivant  des  couches  traversées  don- 
nera aux  géologues  de  notre  Société  une  idée 
exacte  de  la  constitution  du  terrain  de  Passy. 


Épaisseur 

de  chaque 

couche 


TERRAINS  TRAVERSES 


VKTRES 
0,80 

3.20 

i4,65 

i,35 
5,99 

3.20 

1,81 

16,14 

2,53 

3,12 

5,94 

263,30 

22.89 

17,29 

4.23 

20,58 

56,23 

33.80 

10,99 

14.96 

20.73 

42.33 

11,00 

2,60 

6.90 


Terrain  végétal. 

Marne  mélangée  de  parties  calcaires,  et 

sable  jaune. 
Roche  calcaire  coquilleuse. 
Sable  et  coquilles. 
Sable  pur. 

Argile  bleue  avec  lignite. 
Argile  grise. 
Argile  rouge  panachée. 
Argile  jaune  panachée. 
Argile  grise  mélangée  de  calcaire. 
Galets  calcaires. 
Craie  blanche  de  Meudon,  mélangée  de 

silex. 
Craie  gris  clair,  pure. 
Craie  blanche  avec  silex. 
Craie  gris  clair  pure,  très  compacte. 
Marne  blanche  et  silex. 
Marne  blanche  pure. 
Marne  grise  pure,  très  plastique. 
Craie  claire  dure. 
Marne  ar|[ileuse  verte,  foncée. 
Marne  gnse  avec  pyrite. 
Marne  grise  avec  aébris  fossiles. 
Marne  très  noirâtre. 

Première  couche  aquifère,  non  jaillissante. 
Marne  noirâtre.   Commencement  de  la 

seconde  couche  a(|uifère,  jaillissante. 
Couche  aquifère  jaiUissante. 


On  trouvera  une  coïncidence  des  plus  remar- 
quables et  des  pins  instructives,  si  on  compare  ce 
tableau  à  Téchelle  des  terrains  traversés  à  Gre- 
nelle. La  ressemblance  est  telle  que  M.  Elie  de 
Beaumont  avait  pu  prévoir  Tarrivée  de  Teau  à 
quelques  heures  près.  Le  même  rapport  se  retrouve 
dans  la  composition  des  eaux  provenant  des  deux 
puits.  La  température  de  celles  du  puits  de  Passy 
est  de  28  degrés  centigrades  été  comme  hiver  ;  il 
s'en  exale  une  odeur  très  appréciable  d'hydro- 
gène sulfuré  qui  existe  aussi  à  Grenelle,  quoi- 
qu'elle y  soit  bien  moins  sensible,  ce  qui  tient 
uniquement  à  la  différence  des  volumes  et  non  à 
celle  des  compositions  chimiques.  L'eau  du  puits 
artésien  de  Passy  renferme  moins  de  sels  calcaires 
que  les  bonnes  eaux;  mais  après  les  avoir  aérées 
et  refroidies,  on  peut  les  employer  comme  boisson, 
faute  de  mieux.  On  avait  projeté  d'établir  le  tube 
ascensionnel  et  le  réservoir  dans  une  tour  en  fonte 
à  claire  voie,  remarquable  par  sa  légèreté  et  ses 
dispositions,  mais  on  jugea  la  chose  inutile  et  Ton 
y  renonça. 

L.  Mar. 


RÉCLAMES  AU  SUJET  DE  LA  FÊTE 
DE  LA  FÉDÉRATION 

Voici  deux  réclames  insérées  dans  le  Journal 
de  Paris j  numéros  du  4  et  du  11  juillet  1790, 
c'est-à-dire  quelques  jours  avant  la  grande  fête  de 
la  Fédération. 

c  Maison  de  campagne  à  Chaillot.  rue  des  Ba- 
tailles, n^  6,  ayant  vue  sur  toute  l'étendue  du 
Champ  de  Mars.  Les  billets  d'abonnement  pour 
les  trois  jours  de  la  Fédération  seront  d'un  louis 
par  personne.  S'adresser  chez  Mme  Duroselle, 
rue  du  Mail,  n<*  8,  au  premier. 

«  Il  y  aura  concert  pendant  les  trois  jours.  » 

AVIS 

PLACES  POUR   LÀ  FÉDÉRATION 

Il  n'existe  pas,  dans  tous  les  environs  du  Champ 
de  Mars,  une  situation  plus  heureuse,  plus  tran- 

Juille,  ni  plus  avantageuse  pour  voir  Tensemble 
e  l'auguste  Cérémonie  qui  se  prépare,  que  celle 
que  l'on  offre  en  ce  jour  au  Public.  Un  enclos 
élevé  dans  la  forme  d'une  tnrrasse,  qui  se  trouve 
en  face  du  nouveau  pont  de  bois  que  l'on  cons- 
truit, et  qui  domine  sur  tout  le  Champ  de  Mars, 
est  cet  emplacement  agréable  que  l'on  destine  aux 
Curieux. 

Il  y  aura  des  places  où  l'on  sera  commodément 
assis,  à  6  et  à  3  livres  par  personne.  Il  y  en  aura 
d'autres  à  12  sols  pour  ceux  qui  voudront  rester 
debout.  Cet  enclos  est  adjacent  à  la  barrière  de 
Passy.  On  peut  y  arriver  par  la  grande  rue  de 
Chaillot  ;  par  la  barrière  de  la  Conférence,  en  tra- 
versant la  cour  de  la  Pompe  à  feu  ;  par  les  rues 
qui  aboutissent  sur  le  quai  de  la  Conférence;  enfin 
par  la  montagne  des  Bons-Hommes  à  Passy,  au 
naut  de  laquelle  on  prendra  adroite  la  rueNeuve- 
des-Minimes  oui  conduit  à  la  barrière  de  Passy. 

On  peut  s  assurer  des  Places  à  l'avance  en 
s'adressant  sur  les  lieux,  et  à  Paris  rue  Bourg- 
l'Abbé,  vis-à-vis  la  rue  du  Grand-Hurleur. 

Il  y  a  aussi  à  louer  un  très  grand  terrain  nropre 
à  fournir  des  salles  pour  Restaurateurs  et  Limo- 
nadiers. On  peut  s'adresser  comme  ci-dessus. 


DISCOURS    PRONONCÉ    LE    4   JUIN     1901 
aux  Obsèques  de  M.  Eugène  Manuel 

PAR  M.  AUGUSTE  DOmOL 
VICE  PRÉSIDENT  DE  LA  SOCIÉTÉ  HISTORIQUE  D'aCTKDIL 

ET  DE  PASSY 


C'est  avec  une  profonde  douleur  que  je  viens 
dire  un  dernier  adieu,  sur  celte  terre,  à  Eugène 


ANNEXES 


44  i 


Manoel,  le  cher  et  vénéré  Président  de  notre  So- 
ciété historique  d*Auteuil  et  de  Passy. 

U  y  a  déjà  longtemps  qne  j'ai  commencé  à  le 
connaître  et  à  Taimer,  car  j*ai  été  pendant  pla- 
sieurs  années  son  condisciple  à  la  pension  Jauffret 
(collège  Charlemagne),  qu'il  a  <|uittée  en  1843 
pour  entrer  à  FÉcole  normale,  digne  début  dans 
rUniyersité  de  sa  carrière  qui  devait  être  si  bril* 
Itnte. 

Les  orateurs  qui  m'ont  précédé  vous  ont  rap- 
pelé les  éclatants  services  qu'il  a  rendus  à  l'Uni- 
versité de  France,  à  la  littérature,  à  Tart  drama- 
tique et  à  la  poésie,  qui  lui  doit  tant  d'œuvres 
exquises,  animées  du  souflle  patriotique,  de  l'affec- 
tion pour  les  humbles,  d'un  ardent  amour  pour 
rhumanité  et  de  l'esprit  de  famille. 

Il  a  consacré  une  bonne  partie  de  ses  dernières 
années  à  notre  Société  historique,  qu'il  dirigeait 
avec  autorité,  prudence  et  douceur,  avec  un  grand 
esprit  de  conciliation  et  un  tact  parlait,  sachant 
la  maintenir  toujours  en  dehors  des  préoccupations 
politiques.  C'est  à  lui  qu'elle  doit  de  s'être  aug* 
mentée  d'un  grand  nombre  de  membres  et  d'avoir 
largement  prospéré  sous  sa  glorieuse  présidence. 
Nous  avions  tous  pour  lui  une  telle  estime  et  une 
telle  déférence  que  ses  conseils  étaient  toujours 
écoutés.  C'est  qu  ils  étaient  marqués  au  coin  de  la 
sagesse  et  de  la  modération  —  cette  qualité  des 
sages. 

Voyant  sa  santé  décliner,  Eugène  Manuel  ma- 
nifesta à  plusieurs  reprises  l'intention  de  quitter 
la  présidence  de  notre  Société.  Nos  vives  instances 
l'ont  retenu,  jusqu'à  la  fin  de  sa  vie,  à  notre  tète. 
Nous  espérions  le  conserver  lon^mps;  la  mort, 
qui  ne  compte  pas  avec  les  espoirs  des  hommes, 
vient  de  nous  l'enlever;  c'est  pour  nous  une  perte 
rrép arable  ! 


ABORDS    DU    RANELAGH 


AVENUES  PRUDHON,  RAPHAËL  ET  INGRES 


Contrat  de  vente  des  terrains  des  Avenues 
Prudiwn,  Raphaël  et  Ingres. 


(Extrait.) 


ART.  5. 


CONDITIONS  SPÉCIALES 

i"*.  Droit  d'issues  et  de  jours^  chaussée, 
égout,  écoulement  des  eaux,  trottoirs  et 
éclairage. 

Le  terrain  présentement  mis  en  vente  aura,  sur 


les  boulevards  dé  la  Muette  (i  )  et  du  Ranelagfa  (S) 
les  mêmes  droits  de  jour  et  d'issue  que  sur  la 
route  départementale  n'*  2  (3).  Quant  à  la  route 
stratégique  (4),  il  se  conformera,  pour  les  jours 
et  issues  à  y  prendre,  aux  lois  et  règlements  sur 
la  matière.  Ledit  adjudicataire  supportera,  au 
droit  de  sa  façade,  les  frais  de  mise  en  état  de 
viabilité  des  chaussées  et,  de  plus,  s'il  y  a  lieu,  les 
frais  de  pose  des  trottoirs  ainsi  que  ceux  de  pre- 
mier établissement  d'égout  et  d'appareils  d'éclai- 
rage. Il  devra  pourvoir  à  l'absorption  des  eaux 
pluviales  et  ménagères  sur  son  propre  terrain,  de 
manière  qu'il  n'en  coule  aucune  sur  les  voies  pu- 
bliques jusqu'à  l'établissement  d'égouts  Dublics, 
au  droit  des  constructions  qui  seront  édinées  sur 
le  terrrain  dont  il  s'agit. 

§  2.  Zone  de  servitudes  et  de  clôtures. 

Aucune  construction  ne  pourra  jamais  être 
élevée  sur  le  terrain  mis  en  vente  dans  une  zone 
de  dix  mètres  en  arrière  de  l'alignement  des 
bonlevards  de  la  Muette  (i)  et  du  Ranelaeh  (2)  et 
de  la  route  départementale  n°  S  (3)  et  dans  une 
zone  de  cinq  mètres  en  arrière  de  l'alignement 
de  la  route  stratégique  (4).  Cette  zone  devra  être 
cultivée  en  parterres  d'agi^ment  qui  ne  pourront, 
dans  aucun  cas  et  sous  aucun  prétexte,  devenir 
des  lieux  de  réunions  publiques.  Ledit  terrain 
devra  être  clos,  à  perpétuité  et  aux  frais  de  l'ad- 
judicataire, dans  le  délai  d'un  an  à  compter  du 
jour  ob  il  aura  la  jouissance  de  la  totalité  dudit 
terrain,  par  une  grille  en  fer,  sur  socle  en  pierre 
dans  toute  l'étendue  de  ses  façades  sur  les  boule- 
vards de  la  Muette  (i)  et  du  Raneiagh  (2)  la 
route  départementale  n®  2  (3)  et  la  route  straté- 
gique (4).  Cette  même  grille  devra  être  établie, 
dans  toute  la  largeur  des  zones  de  servitude  ci- 
dessus  prescrites,  pour  servir  de  clôture  tant 
entre  le  terrain  réservé  par  la  Ville  de  Paris  et 
celui  présentement  mis  en  vente  qu'entre  toutes 
les  subdivisions  qui  pourront  être  faites  par  la 
suite  de  ce  dernier  terrain.  Ces  grilles  ne  pour- 
ront être  obstruées  par  aucun  volet  ni  aucune 
persienne  et  devront  tiiuiours  être  entretenues  en 
bon  état  de  propreté.  Un  exemplaire  du  modèle 
obligatoire  de  ladite  grille,  dûment  timbré  au 
droit  de  deux  fraocs  et  qui  sera  enregistré  en 
même  temps  que  les  présentes,  est  demeuré  ci- 
annexé  après  que  M.  |e  Préfet  l'a  eu  certifié  vé- 
ritable et  signé,  et  après  que  dessus  il  a  été  fait 
mention  du  tout  par  les  notaires  soussignés. 

§  3.  Obligation  de  bâtir,  interdiction  de 
profession  et  autres. 

L'adjudicataire  ne  pourra  élever  sur  le  terrain 
mis  en  vente  que  des  maisons  d'habitation  bour- 
geoise ;  en  conséquence,  aucun  genre  de  com- 
merce ou  d'industrie  ne  pourra  y  être  exercé.  Ces 
constructions  devront,  dans  un  délai  de  deux  an- 


(i)  Avenue  Prudhon. 

(2)  Avenue  RaphoCl. 

(3)  Avenue  Ingres. 

(4)  Boulevards  Lannes  et  Suchei. 


44'2 


HISTOIRE   DU   XVI*  ARRONDISSEMENT 


nées,  à  partir  du  joar  de  rentrée  en  joaissance 
complète,  présenter  une  superficie  de  six  cents 
mètres  carrés  au  moins.  Les  propriétaires  devront, 
avant  de  construire,  demander  le  nÎTellement  et 
obtenir  les  permissions  ordinaires,  à  la  diarge  de 
payer  les  droits  de  voirie.  Les  façades  principales 
des  constructions  devront  être  parallèles  à  la  voie 
publique;  les  parties  latérales  des  maisons  qui  ne 
se  relieraient  pas  entre  elles  devront  recevoir 
une  décoration  analogue  à  celle  générale  de  Tédi- 
fice  sans  obligation  d'ouvertures  sur  lesdites  par- 
ties latérales.  Enfin  aucune  des  faces  de  ces 
constructions  ne  devra  présenter  de  mur  pignon. 


UNE    RUE    DE  CHAILLOT 


II  y  aura  bientôttrente-sixans,  mon  père  m*em- 
mena  promener  un  matin  dans  les  Champs-Elysées 
jusqu'àla  rue  des  Batailles,  laquelle  —  entre  paren- 
thèses —  eût  été  peut-être  mieux  placée  dans  le 
Quartier  du  Combat.  Après  avoir  un  moment  hésité, 
s*engagea  allègrement  dans  cette  rue  au  nom 
retentissant,  aux  cahnes  allures,  et  la  suivit  au  train 
de  mes  petites  jambes,  tant  haut  qu'elle  monta  jus- 
qu'à la  barrière  des  Bassins,  derrière  Qiaillot. 

Là,  seconde  hésitation,  nouvd  embarras.  11 
avait  fortement  plu  la  veille,  et  le  chemin,  déjà 
assez  mauvais,  menaçait  plus  loin  de  tourner  à  la 
fondrière.  Et  puis,  fallait-il  continuer  par  la  voie 

Î|ui  descendait  an  rond-point  marque  par  une 
ontaine  sur  la  route  de  Versailles,  qu^n  tra- 
versait pour  aller  au  bois  de  Boulogne  par  la 
porte  Dauphine  ?...  Il  parait  que  non,  puisque 
mou  père,  arrivé  à  la  barrière  des  Bassins,  prit 
le  chemin  de  ronde  à  gauche,  en  passant  près  d'un 
gazomètre  abandonné.  Il  m'avait  hissé  sur  ses 
épaules,  à  cheval  autour  de  son  cou;  du  haut  de 
mon  observatoire,  improvisé  autant  qu'ambulant, 
je  découvrais  de  vagues  espaces.  Quelques  pas 
plus  loin,  à  cinquantes  mètres  environ  du  gazo- 
mètre, il  me  dit:  Nous  sommes  arrivés.  U  me 
mit  à  terre.  Je  lus  sur  le  pilastre  de  droite  d'une 
grille  géante,  ouverte  et  rouillée.  Dieu  sait  comme  ! 
ces  mots  :  Cbs  Nitau. 

II  y  a  quelques  jours,  je  remontais  tranquille- 
ment l'avenue  du  Trocadéro  sur  un  confortable 
trottoir  bitumé.  Une  idée  me  prit  de  passer  der- 
rière le  musée  Guimet.  J'entrai  dans  la  rue  de 
Lubeck;  puis,  tournant  à  gauche,  j'arrivai  à  la  rue 
de  Jnigné.  Soudain  mes  yeux,  en  se  portant  sur 
l'écriteaudela  rue  que  je  venais  de  quitter,  lurent: 
rue  Nitot. 

Ce  changement  d'orthographe  me  déroutait  un 
peu.  Et  cependant,  ce  devait  bien  être  là  que 
j'étais  venu  jadis;  mais  le  vaste  horizon  de  ter- 
rains vagues  était  bouché  par  de  hautes  et  belles 
maisons  ;  mais  la  boue  légère  et  aristocratique  du 
macadam  avait  remplacé  l'épaisse  et  gluante  boue 
de  misère  de  4857,  de  laquelle,  une  fois  qu'on  y 
était  enlisé,  on  ne  pouvait  plus  sortir  :  mais  le 
manque  d'équilibre  entre  la  population  travailleuse 


et  les  moyens  de  la  loger  restait  le  même,  et  cette 
partie  de  la  question  sociale,  toujours  stagnante, 
n'avait  été  l'objet  d'aucun  progrès  notable. 

Pourquoi  Nitot  et  pas  mïati,  comme  je  l'avais 
lu  autrefois,  comme  je  le  retrouvais  sur  une  note 
paternelle  qui,  d'ailleurs,  n'ajoutait  rien  sur  ce 
philanthrope  modeste,  dont  l'histoire  garde  à 
peine  le  nom?  Peut-être  était-il  assez  connu  alors 
pour  qu'on  n'eût  pas  besoin  de  s'étendre  à  son 
sujet;  mais  on  ne  pense  jamais  assez  à  la  posté- 
rité. 

Je  chert-herais  peut-être  encore,  si  laProfidence 
et  le  dieu  Hasard  ne  m'avaient  fait  mettre  It  main 
sur  de  vieux  papiers  et  sur  une  facture  de  mon 
grand-père.  iVttou  est  dû  à  la  fantaisie  inexpéri- 
mentée des  pauvres  diables  dont  je  vous  entre- 
tiendrai tout  à  l'heure  ;  Nitot  est  la  vérité. 

Nitot  père  fut  un  des  bijoutiers  fournisseurs 
de  Napoléon  I^';  il  était  contemporain  et  rival  du 
fameux  Fossin,  également  bijoutier-joaillier  de  Napo- 
léon. Son  fils,  qui  fut  un  client  de  mon  grand-père, 
joaillier  lui-même,  était,  en  4854,  colonel  de  cui- 
rassiers et  a  dû  mourir  général  de  brigade.  M.  Nitot 
S  ère  avait  acquis  à  Chaillot  d'immenses  terrains, 
ont  un  était  clos  de  murs.  Dent  l'humanité,  vers 
4856,  et  en  attendant  que  son  acquisition  prit  de  la 
valeur,  d'en  abandonner  précairement  une  partie 
à  tonte  une  population  travailleuse,  honnête  et 
misérable,  dont  l'industrieuse  activité,  à  défaut  de 
ressources  plus  sonnantes  et  trébuchantes,  s'était 
immédiatement  appliquée  à  transformer  la  physio- 
nomie do  lieu  pour  s  y  loger.  Un  an  après,  vers  la 
moitié  de  4857,  le  Clos  mtau  éuit  devenu  la  Cité 
Nitau  ;  et,  si  les  voies,  très  jprimitives,  qui  tra- 
versaient cette  ébauche  de  vule  n'avaient  guère 
de  noms,  on  trouvait  du  moins  des  numéros  sur 
les  maisons  de  cette  autre  petite  Pologne  de  l'ancien 
Paris,  plus  pittoresque  souvent  que  la  nôtre. 

L'histoire  de  l'architecture  populaire  française 
pourra  trouver  à  glaner  dans  ce  qui  suit. 

A  la  Cité  NiUo ,  il  y  avait  le  quartier  des  Taupes  : 
parmi  les  plus  malheureux,  ceux  qui  avaient  une 
pioche  ou  qui  avaient  pu  en  emprunter  une,  s'étaient 
creusé  dans  le  sol,  à  une  profondeur  variant  de 
4  mètre  à  2  m.  50,  des  Unièrcs  où  tout  était  en 
terre  :  degrés,  murs,  toitures,  mobilier,  sièges. 
Seule,  la  porte  était  en  bois...  vermoulu,  assem- 
blage bizarre  et  patient  de  fragments  innommés. 
La  plupart  des  taupiers  étaient  des  chiffonniers. 
Il  y  avait  également  des  ouvriers  terrassiers.  Les 
logis  souterrains,  de  même  que  ceux  que  nous 
dfons  rencontrer  plus  loin,  chemin  faisant, 
étaient  précédés  d'une  sorte  de  jardinet,  grand 
comme  la  moitié  de  la  main,  où  il  poussait  plus 
de  tessons  et  d'éclats  de  faïence  que  de  Ûeurs. 
*Mais  l'herbe  se  dressait  sur  les  taupinièreB,  et  j'y 
vis  même  brouter  une  façon  d'âne,  Âsinus  in 
toyti/»,  disaient  les  Romains,  d'un  spectacle  extra- 
oHinaire,  invraisemblable!...  C'était  chose  très 
réelle  de  voir  un  àne  sur  un  toit  à  la  cité  Nitau. 

Les  clôtures  des  jardinets  n'avaient  point  de 
porte  :  c'eût  été  bien  inntile,  puisqu'elles  étaient 
faites  de  lattes  de  tonnelier  reliées  par  une  latte 
courante  et  que  bêtes  et  gens  pouvaient  passer  à 
travers.  De-ci  de-là,  dans  ce  qui  cherchait  à 
ressembler  à  des  mes,  des  voitures  à  bras  boi- 
teuses, et,  par  places,  des  tombereaux  éventrés, 


ANNEXESl 


443 


attestant  au  monde  et  au  ciel  leur  misère,  de 
lears  brancards  levés,  fourbus  et  éplorés. 

Cétait  du  côté  des  taupiers  qu'il  était  bumaio 
d*avoir  une  aumOne  toute  prête.  Je  me  rappeUe, 
comme  sic*était  hier,  que  mon  père  me  fit  donner 
une  pièce  blanche  à  deux  petits  enfants  dont  la 
mère,  répondant  à  ses  (gestions  bienteillantes, 
disait:  €  C*est  vrai,  Monsieur,  j*ai  cela  à  moi  — 
son  Ic^ement  souterrain  —  mais  mon  homme  s'y 
meurt  et  nous  n*avons  pas  de  pain  !  » 

Y  a-t-il  plus  de  pain  aujourd  hui  ?  Il  y  a. certai- 
nement moins  de  logements,  ou  bien  Ton  n'en  cons- 
truit plus  aue  de  trop  chers  et  d'inabordables... 
Mais  chut  f  notre  Société  ne  fait  pas  de  politique. 

Plus  loin,  dans  la  cité  Nitau,  1  air  retentit  du 
bruit  des  marteaux.  Ce  sont  des  naturels  de  l'en- 
droit qui  font  les  murs  de  leur  bfttisse.  Quels 
murs  !  Sur  un  cloisonnage  incliné  en  treillis  de 
lattes  entrecroisées,  soutenu  par  quelques  voliees 
dont  la  faiblesse  égale  la  brièveté,  on  enfonce  aes 
clous  à  bateau  et  autres,  on  jette  des  poignées 
d'un  plâtre  fort  coulant:  et  voilà  le  mur  fait, 
voilà  les  distributions  intérieures  établies,  voilà  ce 
qui  supportera  une  toiture  ! 

Puis  nous  abordons  une  division  plus  riche.  Il 
y  a  à  la  clôture  des  jardinets  une  porte  qui  ferme 
au  loquet:  signe  caractéristique  d'aisance,  on  de 
méfiance?...  Sans  doute  l'une  engendre  l'autre. 

Voici  le  boulevard  des  Italiens,  comme  les  autres 
quartiers  de  la  cité  Nitau  l'appellent:  voici  de  vraies 
maisons.  Il  y  est  entré  de  tout,  mais  en  débris  : 
pierre,  moellon,  brique,  ardoise,  tuile.  Surla  même 
maison  on  serait  prêt  à  rêver  que  la  partie  droite 
de  la  toiture  est  due  à  quelque  Mansard  moderne, 
si  la  partie  gauche  n'était  en  tuile.  Gomme  dans 
les  divisions  précédentes,  absence  totale  de  par* 
ouets  :  le  sol  du  bon  Dieu  et  de  M.  Nitau  ne  snl- 
nt-il  pas  ?  Il  indique  avec  une  rare  précision  au 
dedans  le  temps  qu'il  fait  au  dehors. 

Gomme  dans  tonte  ville  qui  se  respecte,  il  y  a 
des  hôtels  pour  les  étrangers  de  passage.  A  côté 
du  numéro  11,  oh  s'étale  sur  la  façade  le  nom 
du  locataire,  Jauberty  —  je  n'ai  pas  retrouvé  ce 
qu'il  était,  c'était  peut-être  le  citoyen  le  plus  impor- 
tant de  cette  étrange  commune! —  une  planchette 
porte  cette  inscription,  en  lettres  peintes  par  un 
enfant  ou  par  la  main  hésitante  d'un  travailleur 
des  rudes  outils  :  Chambres  a  (sans  accent)  lotie 
(avec  accent,  sans  doute  par  compensation,  mais 
sans  r,  ce  qui  est  inoniétant  pour  Thygiène  des 
Toyaf^urs).  Il  est  une  de  ces  chambres  dont  le  volet 
extérieur,  plein  —  chose  rare!  —  est  fait  de 
douves  de  tonneaux  assemblées.  Inutile  d'ajouter 
que  les  chambres  ne  sont  pas  garnies:  les  quatre 
mors,  rien  de  plus  ;  mais  elles  ferment  à  clé  ! 

Plus  loin,  ce  doit  être  le  logis  d'un  artiste,  ou 
du  moins  le  titulaire,  malheureusement  absent,  a 
des  goûts  artistiques.  De  chaque  côté  de  la  porte 
de  la  maisonnette,  précédée  d'un  jardinet  dans 
lequel  il  pousse  quelaue  chose,  un  buste  apparaît 
à  un  mètre  environ  du  sol.  L'un  est  à  tous  crins, 
à  la  tète  puissante.  En  y  regardant  de  près,  il  lui 
manque  le  nez  et  il  a  un  trou  dans  la  joue.  Il  aura 
vu  sans  doute  une  révolution.  L'autre  buste  offre 
une  face  imberbe:  sans  doute  quelque  Néron  ou 
quelaue  Galba  échappé  à  la  réclame  sans  pitié  des 
marchands  de  <  la  vue  pour  tous  ».  U  paraît  bien 


conservé.  Ah  !  que  les  apparences  sont  trompeuses  ! 
la  derrière  de  la  tête  a  fui  le  devant.  (!e  n'est 
qu'un  buste  a  priori...  en  plâtre,  car,  on  l'ima- 
gine facilement,  le  marbre  est  totalement  inconnu 
ici. 

Au  numéro  17  dti  bouleyard  des  Italiens,  nous 
sommes  en  face  d'un  industriel  sérieux  du  bâti^ 
ipeot,  d'un  fumiste.  C'est  un  personnage  de  l'en- 
dioit:  sans  doute  si  la  cité  était  upe  çomqittney 
Voiliery,  fumiste,  en  serait  le  maire,  avec  Jauberty 
comme  adjoint!  Ancien  ouvrier,' il  a  construit  lui- 
même  sa  maison  ;  devenu  entrepreneur,  il  ne  Ta 
point  quittée,  et  c'est  hors  de  la  cité  —  on  s'en 
doute  —  qu'est  sa  clientèle.  Il  n'en  est  pas  plus 
fier,  et  il  assure  oue,  la  nuit,  on  est  plus  en 
sûreté  dans  la  cité  Nitau  que  vers  ses  abords. 

Enfin,  s'il  n'y  avait  ni  bureau  de  tabac  ni  bu- 
reau de  poste  dans  la  bourgade,  il  y  avait  au 
moins  un  débitant!  U  craigûait  Dieu  certainement, 
mais  surtout  la  patente,  la  licence  et  l'exercice, 
car  il  n'avait  pas.  mis  son  nom  -sur  la  porte.  On 
pouvait  cependant  lire,,  avec  quelque  efifort,  cette 
inscription  en  caractères  très  petits  :  «  Demi-tasse 
de  calé,  cc^ac  compris,  15  centimes.  » 

C'était  le  bon  temps!...!. 

Je  ne  demande  pas,  certes,  qu'on  rétablisse  les 
terrains  vagues  et  la  cité  Nitau,  qu'on  démolisse 
la  rue  Nitot  et  qu'on  oblige  M.  Jean-Casimir 
Périer,  ancien  président  de  la  République  et  de  la 
Chambre  des  députés,  qui  y  demeure  encore,  à  se 
mettre  en  quête  d'un  nouveau  domicile  privé.  Je 
me  borne  à  dire  à  ceux  de  qui  cela  dépend  : 

Imitez  au  moins  Nitot  —  je  crois  que  je  ne 
compromets  pas  la  Société  en  formulant  ce  vœu 
—  en  faisant  an  goût  du  jour  des  logements  d'ou- 
yriers  à  Chaillot,  qui  nous  est  aussi  cher  qu'Au- 
teuil  et  que  Passy,  ainsi  qu'au  Pont-du-Jour, 
quand  vous  démolirez,  pour  les  assainir  à  tous  les 
points  de  vue,  les  rues  Lancret,  Teniers,  Van- 
Loo.  Vous  avez  encore  des  terrains  nombreux  à 
employer  boulevard  Murât  au  même  usage.  Vous 
ferez  une  bonne  œuvre,  une  œuvre  sociale,  et, 
ce  ^ui  n'est  pas  à  dédaigner  non  plus,  vous  ferez 
plaisir  à  la  aeuxième  section  de  la  Société  histo- 
rique d'Auteuil  et  de  Passy,  sans  oublier  Chaillot. 

Énile  Potin. 


DÉMOLITION  DE  LA  PETITE-MUETTE 

£n  1891,  on  démolit  en  face  de  la  gare  de 
Passy  ce  qui  restait  des  bâtiments  dits  de  la 
PetiU'Muetle^  qui  venaient  d'être  aliénés  et 
vendus  à  un  entrepreneur  de  travaux  publics. 
Avant  rétablissement  du  chemin  de  fer  ue  Cein- 
ture, qui  les  sépara  du  château  et  du  grand  parc, 
ces  bâtiments  s'étendaient  jusqu'à  la  me  de  la 
Pompé  et  même  au  delà,  puisqu'à  l'angle  de  la 
rue  de  Passy,  au  n^  84,  on  avait  installé  sons 
I^uis  XV  le  cabinet  de  physique  de  la  Muette, 
dans  un  hôtel  qui  existe  encore. 


444 


HISTOIRE    DU    XVI"   ARRONDISSEMENT 


Dans  cette  partie  de  la  Petite-Moette  se  troa- 
V  aient  les  écuries  de  Loais  XVI  et  de  Ha  rie- An- 
toinette ;  sons  le  premier  Empire,  les  valets  de 
chiens  de  Temperêar  y  avaient  leurs  logements. 
L'architecte  Percier  nous  apprend  qu*à  cette 
époque  le  château  de  la  Muette  était  la  Vénerie 
impériale.  Napoléon  poursuivait  quelquefois  le 
cen  an  bois  de  Bouloene,  qui  ne  ressemblait  en 
rien  à  celui  d*aujourd  hui. 

(Extrait  en  partie  du  n®  221  de  la  Curiosité 
universelle,  i8  avriH^9i,) 


gendarmes,  pouvons-nous  dire,  que  nos  enfants 
chanteront  comme  les  chantaient  nos  pères. 

Et  Passy,  qui  vit  mourir  Nadaud,  salue  Roubaix, 
qui  le  vit  naître. 

E.  P. 


LE  MONUMENT  DE  GUSTAVE  NADAUD 

On  sait  que  le  bon  chansonnier  nous  appartient 
par  sa  mort.  Il  8*est  éteint,  en  effet,  dans  un  pe- 
tit logis  bien  modeste,  à  l'entresol  de  la  maison 
qui  porte  le  n<*  63  de  la  rue  de  Passy,  où  notre 
ancien  président,  son  ami,  Tavait  si  souvent 
visité.  Gustave  Nadaud  allait  sVnrôler  dans  nos 
rangs,  quand  la  mort  vint  le  surprendre. 

Une  de  nos  rues  porte  maintenant  son  nom. 

On  se  rappelle  Tétincelante  conférence  dont 
notre  érudit  et  aimable  collègue,  M.  Léo  Claretie, 
avait  donné  la  primeur  à  notre  Société  le  22  dé* 
cembre  4894.  c  La  vie  de  Nadaud,  disait-il,  offre 
peu  d'intérêt  ;  il  n'en  est  pas  de  même  de  son 
œuvre.  »  Il  nous  avait  permis  de  revivre  avec  lui 
l'œuvre  du  chansonnier. 

Aussi  ne  pouvons-nous  laisser  passer,  sans  en 
dire  ici  quelques  mots,  la  revendication  que  fai- 
sait, il  y  a  quelques  mois,  de  Gustave  Nadaud  sa 
ville  natale,  Roubaix.  Nous  nous  associons  au 
légitime  et  juste  hommage  qu'elle  lui  rendait  le 
li  octobre  en  élevant  un  monument  à  sa  mémoire 
et  à  ses  chansons. 

Chansons  !  dit  la  foule  dont  on  n'a  pas  été  le 
contemporain.  Et  viendraient  l'abandon  et  l'oubli. 
Mais  Roubaix  a  voulu  en  préserver  le  doux  chan- 
sonnier, son  fils,  qui  fut  si  populaire  il  y  a  trente 
années,  ce  satirique  si  fin,  ce  musicien  si  accom- 
pli et  si  bonhomme  à  la  fois,  que  personne  ne 
chanta  <  les  Deux  Gendarmes  »  —  «  Carcas- 
sonne  »  —  €  Si  la  Garonne  avait  voulu  »  —  le 
«  Voyage  aérien  »  et  tant  d'autres  mélodies 
exquises,  comme  lui-même  les  interprétait  avec 
un  art  si  naturel. 

Le  monument  élevé  à  Roubaix  par  le  sculpteur 
Cordonnier  a  la  forme  d'un  hémicycle,  précédé 
de  trois  marches  et  terminé  à  ses  deux  extrémités 
par  un  socle  qui  supporte  une  figure  allégorique. 
Celle  de  gauche  accompagne  sur  Te  violon  celle  de 
droite,  j]ui tient,  ouvert  sur  ses  genoux,  un  cahier 
de  musique,  et  chante,  en  marquant  la  mesure  de 
la  main  droite  en  un  geste  gracieusement  familier. 
Au  milieu,  sur  une  colonne  délicatement  ornée, 
apparaît  le  buste  de  Nadaud,  vers  lequel,  appuyée 
à  la  colonne,  une  jeune  femme  élève  une  palme. 
Plusieurs  bas-reliefs  de  Thémicycle  rappellent  les 
sujets  de  quelques  chansons  ;  celui  du  milieu 
montre  les  «  Deux  Gendarmes  i^,  les  immortels 


L'ŒUVRE  DE  GUSTAVE  NADAUD 

Nous  réparons  une  omission  et  nous  comblons 
une  lacune  que  nous  avait  en  quelque  sorte  im- 
posées le  défaut  de  place  dans  le  dernier  BulU" 
tin. 

n  eût  été  à  propos  de  publier  les  Troi»  Hus- 
sards, chanson  dite  par  Mme  Marie  Laurent  à  la 
fin  de  la  conférence  de  M.  Léo  Claretie.  Nous 
n'avions  pas  réussi  à  nous  la  procurer. 

Les  œuvres  de  G.  Nadaud  ont  paru,  à  diverses 
époques,  chez  différents  éditeurs  et  ne  semblent 
point  avoir  été  réunies.  Nous  croyons  être  agréa- 
ble et  utile  en  même  temps  à  nos  lecteurs  en 
leur  communiquant  le  résultat  de  nos  recherches. 
S'ils  relevaient  des  inexactitudes  ou  des  omissions, 
nous  accepterions  avec  reconnaissance  les  rectifi- 
cations. 

GUSTAVE  NADACD 

Chansons  populaires; 

Chansons  ae  salon  ; 

Chansons  légères; 

Ces  trois  volumes  se  trouvaient  chez  Jouaust 
(1879).  Voir  chez  Flammarion. 

Chansons  inédites  (Pion,  4876). 

Contes,  proverbes,  scènes  et  récits  en  vers 
(id.).  —  Voir,  0.  435,  Dimanche  matin^ 
pièce  dédiée  à  M.  Eugène  Manuel. 

Opérettes  (id.)  —  (La  volière,  le  Roseau 
chantant.  —  Porte  et  fenêtre.  -^  Le  Docteur 
Vieuxtemps.). 

Chansons  nouvelles  (id.).  —  Il  est  probable 
qu'elles  font  double  emploi  avec  les  Chansons 
inédites  et  une  partie  delà  publication  de  Jouaust. 

Mes  Notes  d'injfirmier(ià.,  in-48jésus). 

Idylle  (in-48,  roman,  sans  indication  d'édi- 
teur). 

Tout  ce  qui  était  édité  par  Pion  est  épuisé, 
sauf  quelques  exemplaires  des  Contes,  pro- 
verbes, etc.  (sur  Chine,  60  francs). 

Les  Trois  Hussards,  chanson-musique,  ont 
été  édités  et  chantés  par  les  frères  Lionnet. 

Le  Médecin  Philopathos  (ch.  inéd.)  a  été 
édité  avec  musique  par  Heugel. 

—  Chansons  dites  an  Caveau,  dont  Nadaud 
était  membre  honoraire  : 

Bonhomme  au  Caveau  (avril  4873);  Le 
Coucou  (1875,  air  :  Mon  Galoubet),  mot  échu 
par  le  sort  dans  la  série  de  l'année  :  Les  oiseaux. 

E.  P. 


ANNEXES 


445 


AUTEUIL   AU   XVIII«   SIÈCLE 

LE  ROI  LOUIS  XT  AU  CHATEAU  DU  COO-  —  LE  PEINTRE 
LA  TOUR.  —  LES  BOUFFLERS.  —  MADEMOISELLE 
AKTIER.  —  LES  DEMOISELLES  DE  YERRItRES. 

Si  Ton  vent  se  faire  une  idée  de  ce  qu*était 
Auteuil  vers  1750  et  jusqu'à  Tépoque  de  la  Ré?o- 
tion,  il  faut  se  transporter  en  pensée  vers  les  mai- 
sons de  campaene  qui  s'étendent  aujourd'hui  entre 
Rueil,  la  Jon<mère  et  la  Malmaison. 

Autour  de  l'église  et  du  presbytère,  à  l'ouest, 
Toici  la  propriété  seigneuriale,  celle  des  MM.de 
Sainte-GeoeyièTe,  qui  s'étend  sur  les  bords  de  la  . 
Seine  jusqu'au  Pomt-du-Jour,  embrassant  ainsi 
le  parc  actuel  de  Sainte-Périne  ;  dans  l'intérieur 
du  village,  elle  passe  derrière  le  groupe  des  mai« 
sons  oji  se  pressent  les  vignerons,  les  blanchis-* 
seurs  et  les  rares  commerçants,  pour  englober  les 
iardins  et  les  bâtiments  de  TËcole  J.-B.-Say,  de 
l'Ecole  normale,  une  partie  de  la  rue  Molitor  et 
la  villa  qui  porte  ce  nom. 

Au  nord  de  l'église,  c'est  la  maison  de  Long- 
pré,  assez  fidèlement  reproduite,  comme  super- 
ficie et  comme  dessin,  par  l'ancienne  propriété 
Chardon-Lagache,  aujourd'hui  vendue  et  morcelée, 
mais  dont  la  maison  et  l'entrée  existent  encore, 
i6,  rue  d' Auteuil. 

La  rue  des  Garennes,  qui  ne  prendra  le  nom 
de  Boileau  que  sous  le  premier  Empire,  est  occu- 
pée  dans  toute  sa  partie  gauche  par  le  parc  des 
Génovéfains  ;  à  droite,  à  l'angle  de  la  rue,  c'est 
la  maison  de  V Image  Saint- Jean  ;  puis,  les 
|(randes  propriétés  commencent; celle  deGendron, 
immortalisée  par  Despréaux  et  que  Binet  de  la 
Bretonnière,  receveur  général  des  domaines  et 
bois  de  la  généralité  de  Paris,  va  bientôt  occuper 
à  son  tour;  celles  de  Mme  de  Calabre,  de  l'avo- 
cat Lemaltre,  de  Baron. 

Sur  la  rue  d'Auteuil,  en  allant  vers  le  bois  de 
Boulogne,  à  droite,  c'est  la  place  de  la  Fontaine, 
dont  l'eau  est  si  salubre  que  quand  le  roi  vient  à 
la  Muette  il  ne  veut  pas  en  boire  d'autre  ;  puis,  les 
arbres  du  parc  de  Bonfflers  et  la  porte  du  bois. 

Vis-à-vis  de  la  fontaine  d'Auteuil,  au  fond 
d'une  cour  d'honneur,  un  château  qui  rappelle 
dans  les  sculptures  modernes  de  sa  façade  la 
carrière  artistique  de  ses  anciens  possesseurs  ;  et, 
sur  la  rue,  deux  pavillons  d'oti  l'on  dominait  alors 
la  campagne. 

Cette  magnifique  propriété  existe  encore  au- 
jourd'hui ;  elle  porte,  sur  la  Grande-Rue,  les  nu- 
méros 43,  45  et  47  ;  les  deux  façades  du  bâtiment 
ont  gardé  tout  leur  cachet  ;  le  parc,  avec  ses  vases 
de  marbre,  ses  colonnades,  ses  berceaux,  ses 
statues  d'Atalante  et  d'Hippomène  et  ses  gi*oupes 
allégoriques,  n'a  pas  changé  (i).  C'est  le  joyau 
de  notre  Auteuil  contemporain,  c'est  le  dernier 

(i)  Deux  de  ces  statues  sont  de  Couslou.  —  Danâ 
Un  des  groupes  allégoriques,  un  amour  lient  d'une 
main  le  masque  de  la  Comédie  et  dans  l'aulre  une 
banderolle  sur  laquelle  on  peut  lire:  Describo  more» 
hominum. 


vestige  du  xviii*  siècle  dans  notre  quartier.  Cette 
perle  a  été  et  est  encore  aujourd'hui  religieuse- 
ment conservée  et,  avant  de  pousser  plus  loin  ma 
communication,  je  suis  heureux  d'en  saluer  res- 
pectueusement ici  les  aimables  propriétaires. 

Mlle  Antier  d'abord,  les  demoiselles  de  Ver- 
rières ensuite,  ont  habité  cette  demeure,  de  1740 
environ  à  i767. 

Les  deux  amies  du  maréchal  de  Saxe  et  de  Co- 
lardeau  ont  pour  voisin  immédiat  le  peintre  La 
Tour  qui,  à  la  mort  d'Helvétius,  cédera  sa  maison 
et  son  parc  à  celle  qui  fut  vénérée  sous  le  nom  de 
Notre-Dame  df  Auteuil, 

Enfin,  le  château  du  Coq  sépare  du  bois  de 
Boulogne  la  propriété  du  fameux  pastelliste. 

En  comptant  les  quelques  maisons  isolées  qui 
s'espaçaient  du  côté  de  la  rue  de  la  Fontaine  (qui 
n'était  alors  qu'un  sentier  conduisant  à  Passy)  et 
en  regardant  l'ancien  château  du  chancelier 
d'Aligre,  propriété  vers  1750  du  chanoine  Rouillé, 
nous  arrivons  aux  quatre-vingts  feux  qu' Auteuil 
âc|cuse  dans  le  dénombrement  de  1749. 


I 


LE   CHATEAU   DU  COQ 

Entouré  d'arbres  centenaires,  qui,  autrefois, 
avaient  fait  partie  de  la  forêt  de  Rouvray,  le 
château  du  Coq  a  été  coupé,  puis  démoli  lors  du 
percement  de  la  rue  Erlanger.  Il  avait  été  cons- 
truit par  Richelieu  et  légué  par  celui-ci  au  do- 
maine de  la  couronne  en  même  temps  que  le  Pa- 
lais Cardinal. 

Sous  Louis  XIV,  c'était  une  dépendance,  à  peine 
sardée,  de  la  Muette,  tout  au  plus  un  rendez-vous 
de  chasse.  Dans  la  jeunesse  de  Louis  XV,  comme  le 
petit  roi  avait  montré  du  goût  pour  la  botani(|ue, 
on  aménagea  le  château  en  vue  de  cette  destina- 
tion. Des  serres  y  furent  élevées  à  grands  frais; 
elles  étaient  luxueusement  aménagées,  et  les 
étrangers  de  distinction,  dans  leurs  passa|[es  à 
Paris,  ne  manquaient  jamais  de  venir  les  admirer. 
Les  goûts  du  roi  changèrent,  malheureusement 
pour  lui  et  pour  la  France,  et  le  château  royal 
devint  une  de  ces  mille  petites  maisons  que 
Louis  XV  occupait,  de  temps  à  autres,  dans  les 
environs  de  Paris.  Le  bâtiment  principal  fut  sé- 

{>aré,  agrandi,  orné  ;  rien  n'était  trop  beau  pour 
es  caprices  de  ce  roi  :  tapisseries  des  Gobelins 
et  de.  la  Savonnerie,  glaces  de  Saint-Gobain, 
étoffes  somptueuses,  meubles  ciselés;  on  dépen- 
sait de  350  à  400.000  livres  par  an  pour  l'ameu- 
blement du  château.  Il  y  avait  des  jardiniers  à 
12.000  livres  de  gages  et  des  fournitures  de  fleurs 
qui  montaient  à  30  et  40.000  livres  par  saison. 
Ces  prodigalités  durèrent  dix  ans.  Les  factures 
ont  été  conservées  et  forment  un  gros  dossier  aux 
archives  nationales. 

En  1764,  Louis  XV,  voulant  sans  doute  pro- 
fiter de  ces  dépenses,  décida  qu'il  passerait  l'été 
à  Auteuil.  Dès  son  arrivée,  Colardeau  le  salua  par 
ces  vers  : 

Vous  voilà  donc  bourgeois  d'Auteuil, 
Sire,  et  voilà  noire  village 
Oui  va  jouir  de  l'avantage 
Dont  se  vantent  avec  orgueil 


446 


HISTOIRE   DU   XVI*   AHRONDISSEIIENT 


Choisy,  La  Meute  el  riIermitHffe  ; 

Vous  y  viendrez  chercher  l'ombrage, 

Le  doux  lilas,  le  chèvrefeuil; 

Tant  mieux  pour  nous.  Bon  voisinage 

Fut  toujours  d'un  heureux  présage. 

Nous  voudrions  vous  faire  accueil, 

Immortaliser  notre  hommage 

Par  quelque  éclat;  mais  ce  hameau 

Qui  vit  les  Muses  rassemblées 

Se  promener  dans  les  allées 

Du  jardin  qu'habitait  Boileau, 

Auteuil  ne  voit  plus  sa  fontaine 

Abreuver  le  sacré  troupeau 

Qui  s'enivre  dans  l'hypocrène. 

Les  Muses  n'aiment  plus  notre  eau. 

Nous  nous  en  consolons  :  les  Grâces 

Valent  tout  au  moins  les  Neufs  Sœurs; 

Elles  tiendront  ici  leurs  places. 

Après  4764,  Louis  XV  ne  revint  plus  à  Au- 
teuil  ;  Mme  Elisabeth  y  passa  Quelques  mois  dans 
les  étés  de  1785  et  de  4786.  Elle  amenait 
avec  elle  Ghamfort,  son  lecteur,  oui  n'avait  que 
quelques  pas  à  faire  pour  aller  saluer  Mme  Hel- 
vétius,  sa  yieille  amie. 

La  pieuse  princesse  avait  laissé  dans  sa  de- 
meure une  pendule  dorée,  qui  resta  dans  sa  cham- 
bre jusqn^à  la  démolition  du  château;  cette  re- 
liane  est  gardée  aujourd'hui  par  le  vénérable  ec- 
clésiastique qui  fut  le  dernier  propriétaire  de  la 
maison. 


U 


U^^  DE  BOOFFLERS.  —  LE  PEINTHE    L\  TOUR. 


■lie 


AirriER 


En  face  du  Coq,  c'est  le  parc  et  le  château  de  la 
marquise  de  Boutilers.  Tout  Paris  vint  y  admirer 
ces  jardins  an|[lais  que  Walpole  avait  mis  à  la 
mode  et  qui  étaient,  alors,  en  France,  dans  toute 
leur  nouveauté.  Les  mémoires  do  xviii*  siècle  en 
ont  donné  des  descriptions  détaillées.  Il  est  inutile 
d*y  revenir.  Faisons  comme  les  maréchaux  de 
Lowendal  et  de  Richelieu,  comme  la  reine  et  le 
président  Hénanlt,  et,  en  quittant  la  charmante 
marquise,  arrêtons-nous  un  instant  chez  l'artiste 
QUI  eut  pour  modèles  toutes  les  célébrités  de 
lépoque. 

La  maison  du  peintre  La  Tour  avait  été  construite 
an  commencement  du  règne  de  Louis  XV  sur  des 
terrains  qui  dépendaient  de  la  seigneurie  de 
Passy.  Elle  était  confortable,  mais  simple,  comme 
il  convenait  à  son  caractère  orieinal  et  indépen- 
dant. Elevée  d'un  seul  rez-de-chaussée,  elle 
était  placée  au  fond  d'un  parc  étroit,  dont  quel- 
ques arpents  allaient  faire  le  bonheur  de  Mme  Hel- 
vétius. 

Au  midi,  les  fenêtres  rej^ardaient  la  plaine  du 
Point-du-Jour,  alors  en  pleine  culture,  le  bois  de 
Boulogne,  les  hauteurs  de  Vanves  et  de  Meudon. 

La  Tour  visitait  souvent  sa  voisine,  Mlle  Antier, 
cette  actrice  dont  les  salons  répétaient  les  bons 
mots  et  célébraient  le  cynisme.  C'était  contre  elle 
qu'un  auteur  s'était  fâché  en  lui  reprochant  le 
laisser-aller  et  rindifféreace  de  son  jeu  dans  le 
rôle  d'une  femme  délaissée,  et  comme,  &  bout 
d'argument,  il  lui  disait  :  «  Mais,  madame,  suppo- 
sez que  vous  soyez  à  sa  place.  Que  feriez-vous  ?  » 
elle  répondait  tranquillement  :  «  Ce  que  je  ferais  ! 
Je  prendrais  un  autre  amant,  et  voilà  tout.  » 


En  1744,  lorsque  le  Roi,  qui  avait  manqué 
mourir  à  Metz,  entra  en  convalescence,  il  y  eut 
une  explosion  populaire  de  jok  et  de  con6ance.  On 
l'appela  le  Bien-- Aimé!  Comme  la  tâche  de  la 
monarchie  était  encore  facile  à  cette  heure  ! 

Mlle  Antier  voulut  prendre  sa  part  des  réjouis- 
sances publiques  et,  dans  son  parc,  au  milieu  des 
statues,  dont  quelques-unes  existent  encore,  elle 
donna  un  bal  champêtre  où  toute  la  noblesse  se 
rendit  et  où  l'on  vit  danser  jusqu'au  lever  du  so- 
leil les  plus  grandes  dames  de  la  cour. 


in 


LES  DEMOISELLES  DE  VERRIERES 

Dans  les  nombreux  ouvra|[es  signés  de  son 
seul  nom  comme  dans  ceux  où  il  a  eu  pour  colla- 
borateur un  écrivain  bien  cher  aux  lettres  fran- 
çaises, M.  Gaston  Mangras  a  fait  revivre  les  figu- 
res les  plus  gracieuses  et  les  plus  intéressantes 
du  XYin**  siècle. 

Les  demoiselles  de  Verrières  l'ont  récemment 
attiré;  il  a  traité  ce  sujet  avec  science  et  avec 
amour,  et  je  considère  comme  un  devoir  de  rc^ 
porter  sur  lui  tout  l'intérêt  que  pourra  présenter 
la  suite  de  ma  communication. 

Tandis  que  Mme  d'Epinav  habitait  tantôt  à 
Chaillot,  me  des  BaUilles  (1),  Untôt  à  la  Che- 
vrette, son  mari  offrait  à  Marie  et  à  Geneviève 
de  Verrières  la  propriété  que  nous  connaissons  et 
où,  hier  encore,  Mlle  Antier  recevait  la  coor  et 
la  ville. 

On  était  à  peu  près  en  4752. 

<(  Les  deux  sœurs,  dit  M.  Maugras,  s'installè- 
rent somptueusement  dans  leur  nouvelle  demeure 
et  y  continuèrent  la  série  de  fêtes  qu'elles  avaient 
inaugurées  pendant  l'hiver,  dans  leur  hôtel  de 
Paris.  Elles  poussèrent  même  le  raffinement  jus- 
qu'à faire  établir  un  théâtre  fort  bien  agencé, 
afin  que  leur  séjour  aux  champs  n'interrompit  pas 
les  représentations  dramatiques  qu'elles  avaieni 
coutume  de  donner  et  qui  attiraient  tout  Paris.  » 

Ce  théâtre  existe  encore  aujourd'hui,  en  par- 
tie du  moins,  dans  la  propriété  Ronllay.  Il  pou- 
vait contenir  de  350  à  400  personnes.  Ia  façade, 
ornée  de  deux  statues  de  grandeur  naturelle,  et 
l'antichambre  en  rotonde  subsistent  comme,  aussi, 
les  souterrains  qui  allaient  de  ce  théâtre  à  la  mai- 
son, en  passant  sous  le  parcdans  toute  sa  longueur. 

C'est  là  que  fut  jouée  la  Partie  de  chasse 
d* Henri  /F,  de  Collé,  qui  avait  été  interdite  sur 
les  théâtres  publics,  mais  qui  fut  donnée  à  Ba- 
gnolet,  chez  le  duc  d'Oriéans,  et  à  Auteuil,  chez 
nos  demoiselles.  Ici,  elle  eut  quatre  représentations. 
Le  président  de  Salaberry,  qui  tenait  le  r<yle,  res- 
semblait à  Henri  IV  à  s'y  méprendre.  Son  succès 
fut  un  triomphe. 

Ce  fut  aussi  la  représ«intation  à  Auteuil  d'une 
pièce  de  Colardeau,  Camille  et  Constance,  qui 
fit  de  ce  poète  un  habitué  d'abord,  un  commensal 

(i)  C'est  de  là  qu'elle  écrivait  à  Troocbin  le 
17  juillet  1782  :  •  Je  suis  établie  à  Chaillot  où  j*ai 
dénuté  par  une  rechute  de  toux  à  laquelle  s  est 
jointe  l'épidémie  courante  que  l'on  nomme  Vin- 
fluenza .  » 


ANNEXES 


447 


eosuite,  pais,  bientôt,  rheoreax  seigneur  de  la 
maison  d'Antenil. 

Marie  de  Verrières,  arrière*graiid'mère  de 
George  Sand  (1),  n^aorait  pas  tracé  de  son  ami 
ce  portrait  que  nous  en  a  laissé  Di4erot  :  €  Co« 
lardeau  n*a  pas  une  once  de  chair  sor  le  corps  ; 
nn  jpetit  nez  aqoilin,  une  tète  allongée,  un  TÏsage 
effilé,  de  petits  yeux  perçants,  de  longues  jambes, 
un  corps  mince  et  fluet  ;  couvrez  cela  de  plumes, 
lyoutez  à  ses  maigres  épaules  de  longues  ailes, 
recourbez  les  ongles  de  ses  pieds  et  de  ses  mains, 
et  TOUS  aurez  un  tiercelet  aéperrier.  » 

Golardeau  et  Marie  allaient  à  Meodon  ou  à 
Saint-Cloud,  en  descendant  les  bords  de  la  Seioe; 
Marie,  qui  dessinait,  donnait  des  leçons  au  poète, 
qui  lui  aoprenait,  en  retour.  Fart  des  vers.  Dans 
les  bois  d*Auteuil,  Golardeau  disait  à  son  amie  : 
€  Ecoute  !  Que  la  Toix  du  rossignol  est  pure  ! 
Que  ses  accents  sont  mélodieux  !  ainsi  derraient 
être  mes  yers  !  » 

Il  j  ayait  aussi  des  réunions  champêtres  oii 
Ton  inritait  les  yiUageoises  des  environs.  Au 
i5  août,  |M>ur  la  fête  de  Marie,  on  faisait  éclater, 
dès  le  matin,  des  bottes  d'artifice.  Dans  la  jour-* 
née,  les  jeunes  filles  du  village  apportaient  des 
gâteaux,  des  fruits  et  des  fleurs  ;  le  soir,  il  y 
avait  banquet,  feu  d'artifice  sur  les  pelouses  et 
janses  jusqu'au  matin. 

I.es  deux  châtelaines  étaient  adorées,  car  elles 
faisaient  beaucoup  de  bien  dans  le  pays.  Le  di- 
manche, elles  allaient  à  la  messe  et  elles  étaient 
dans  les  meilleurs  termes  avec  leur  curé. 

Ghaque  soir,  arrivaient  les  amis  de  Paris  qui 
apportaient  la  nouvelle  du  jour  ;  on  faisait  ensuite 
de  la  musique  et  Ton  jouait  au  billard,  aux 
échecs,  aux  dames  ou  au  trictrac. 

Si  l*on  voulait  être  le  bienvenu  et  sous  peine 
d'impolitesse,  il  fallait  s'extasier  devant  la  beauté 
de  deux  abominables  carlins  à  qui  deux  domes- 
tiques en  livrée  venaient  apporter  sur  des  plats 
d'argent  leur  part  des  meilleurs  mets  de  la  table. 

Un  jour,  le  diplomate  baron  van  Swieten  fut 
rappelé  par  Mane-Thérèse.  G'était  un  des  intimes 
de  la  maison  et  son  départ  fit  un  grand  vide.  Puis, 
vint  l'hiver  et  il  fallut  partir. 

G>lardeaa  adressa  ces  adieux  aux  ombrages 
d'Autenil  : 

Oui,  je  vous  reverrai,    délicieux  berceaui; 
£n  vain  les  aquilons  dépouillent  vos  rameoui, 
Vous  avez  moins  d'altraits,  mais  celle  que  j'adore 
Peut,  au  sein  des  hivers,  vous  embellir  encore^  ; 
Vous  m'intéresserez  même  par  vos  débris. 
Vous  allez  rappeler  et  peindre  è   mes  esprits, 
A  mon  âme,  a  mes  sens,  enfin  à  tout  mon  être, 
Des  jours  trop  tôt  passés  que  vous  ferez  renaître. 
Vous  fûtes  confidents  de  mes  premiers  plaisin^. 
Je  m'en  fiais  h  vous  encore  plus  qu'aux  zéphirs, 
Et  de  mille  baisers  donnés  aans  vos  retraites 
Aucun  ne  fut  trahi  par  vos  ombres  muettes. 

Au  printemps  suivant,  on  revint,  et  la  même 


(i)  Sous  le  nom  de  Marie  Rainteau.  elle  fit 
partie  de  la  troupe  théâtrale  du  maréchal  de  Saxe  ; 
elle  eut  de  celui-ci  une  fille,  Aurore,  qui  ressem- 
blait à  son  père  d'une  façon  frappanle.  Aurore 
épousa  le  comte  de  Horn  en  premières  noces  et, 
en  secondes,  elle  se  maria  avec  Diipinde  Fran- 
rueil  ;  de  ce  mariage  naquit  un  fils,  Maurice- 
François-Elisabeth  Dupin,  qui  fut  le  père  «b* 
George  Sand. 


vie  recommença.  Pendant  qu'on  jouait,  à  Paris, 
la  Jeune  Indienne  de  Ghamfort,  on  vit,  un  jour, 
se  présenter  à  Auteuil,  dans  un  accoutrement 
bizarre,  une  jeune  sauvage  qui  demandait  à  offrir 
nn  bouquet  à  Geneviève  Claudine  : 

Chemin  faisant,  soit  justice  ou  méprise, 

Soit  préjugé  pour  ma  patrie, 
Je  n'ai  point. encore  vu  de  blanche  assez  jolie 

Sui,  sur  nos  teints  de  jais,  put  remporter  le  prix; 
ais  on  m'avait  bien  dit  que  certaine  Claudine 
Dont  la  vue  embellit  les  bocages  d'Autcuil 
Nous  surpassait  par  l'esprit  et  la  mine. 
Aimable  sans  étude  et  belle  sans  orgueil. 
Elle  charme,  dit-on,  d'un  mot  et  d'un  coup  d'œil. 

Cette  beauté,  c'est  vous,  je  le  devine, 
Je  le  sens  au  plaisir  que  je  ^oûte  à  vous  voir  : 
C'est  donc  à  vos  attraits  que  je  viens  rendre  hom- 

[mage. 
La  neige  de  vos  lis  triomphe  du  beau  noir  ; 
Et  l'Europe,  par  vous,  sur  l'Inde  a  l'avantage. 

Un  jour,  Golardeau,  oui  était  à  Paris,  allait 
rentrer  à  Auteuil,  quand  un  fâcheux  survient.  Il 
envoie  alors  aux  deux  demoiselles  ce  billet  qui  a, 
pour  nous,  double  intérêt. 

O  mes  chères  moitiés,  je  revolais  vers  vous, 
J'allaispartir,  j'allais,  dans  les  bras  de  mes  femmes, 
Jouir  de  ces  plaisirs  et  si  purs  et  si  doux. 

Les  délices  des  belles  âmes, 
Quant  un  Frère  à  mes  yeux  tout  à  coup  présenté 
A  fait  changer  l'ordre  de -mon  voyage. 

11  est  dans  le  simple  équipage 
D'un  bon  Génovéfin  hors  ne  son  hermilage, 

De  noir  et  de  blanc  marqueté. 
Qui  demande  la  table  et  l'hospitalité  ; 

Vu  donc  noire  fraternité 
Au  Révérend,  j'ai  promis  le  potage, 
Qu'il  va  manger  en  toute  humilité 

Et  puis,  le  dévot  personnage 

Va,  dans  sa  communauté. 
Passer  la  nuit  afin  d'être  plus  sage. 
Partant,  ce  soir,  je  vole  vers  Auteuil 
Et,  défilant  le  long  des  rives  de  la  Seine, 

Modestement  et  sans  org[ueil 
Une  voiture  à  l'heure  h  vos  pieds  me  ramène. 
Je  reverrai  mon  frère  h  ce  fameux  château 
Que  les  Génovéfins,  voaseigneurs  et  vos  maîtres. 
Comme  vous  le  savez,  ont  du  côté  de  Tenu, 

D'où  ces  messieurs  par  leurs  fenêtres 

Peuvent  voir  voguer  maint  bateau. 

A  ce  soir,  mes  aimables  veuves, 

A  neuf  heures  et  pas  plus  tard. 
Un  mari  ne  doit  point  encourir  le  hasard 
De  mettre  ses  moitiés  à  de  longues  épreuves. 
Lorsque  la  nuit  viendra,  dites  :  Le  Coco  part. 

Mab  les  plaisirs  dbparaissent  :  la  société  di- 
minue ;  le  charme  de  1  amour  est  près  de  s'étein- 
dre, on  parie  de  vendre  Auteuil. 

Auteuil,  où  l'amitié  sacrée, 

Sceur  et  compagne  des  amours, 

Filait  sur  le  fuseau  d'Astrée 

Le  brillant  tissu  de  nos  jours  ; 

Auteuil,  asile  frais  et  pur, 

Où  Boileau  choisit  son  Parnasse 

Etcrut  retrouver  leTibur 

Qu'a  chanté  la  lyre  d'Horace  ; 

Auteuil,  enfin,  séjour  heureux. 

Où  la  beauté  devient  plus  belle, 

Le  plaisir  plus  voluptueux, 

I^  lélicité  plus  réelle. 

Quel  destin  nous  est  préparé  ? 

Les  deux  sœurs  s'en  vont  an  village, 

Ktce  couple  dégénéré. 

Dans  un  châtel  tout  délobré, 

Bientôt  va  devenir  sauvage, 

Ne  s'occuper  que  de  laitage. 

Traîner  le  râteau  sur  le  pré, 

Et  dans  un  obscur  hermitage 

Languir  tristement  enterré. 

Bientôt,  Golardeau  était  définitivement  aban- 


/^48 


HISTOIRK    DU   XVI"   ARRONDISSEMENT 


doDDé.  La  passion  avait  daré  trois  ans,  réternite 
pour  Marie  de  Verrières  !  Le  poète  en  fat  incon- 
solable jusqu'au  jour  oii  il  se  vengea  de  l'abandon 
par  des  vers  et  des  satires  qui  touchaient  au  pam- 
phlet. 

Le  27  avril  i767,  par  devant  M"  Perron, 
notaire  à  Paris,  Geneviève-Claude  Rainteau  de 
Verrières  de  Lamarre,  fille  majeure,  vendait  la 
maison  et  le  parc  à  M.  de  Kouhault. 

Avec  ce  propriétaire,  c'en  fut  fini  des  chants 
et  des  vers,  du  rossignol  et  des  feui  d'artifices. 

A  quelques  années  de  là,  les  terres  et  les  bâti- 
ments des  Génovéfains  étaient  confisqués,  le  châ- 
teau du  Coq  était  vendu  à  un  usurier,  les  Bouf- 
flers  partaient  pour  l'émigration,  chez  Mme  Hel- 
vétius  on  discutait  les  Droits  de  l'homme.  La 
Révolution  commençait  à  ponder. 

Auteoil,  comme  la  grande  viUe,  allait  en  con- 
naître bientôt  les  tragiques  beautés  et  les 
cruelles  horreurs. 

Antoine  Gcillois. 


FRANÇOISGÉRARD  &  SA  MAISON  D*AUTEU1L 

François  Gérard,  le  célèbre  peintre  d'histoire  et 
de  portraits  dont  une  rue  d'Auteuil  porte  le  nom, 
naquit  à  Rome  en  4770,  à  l'hôtel  de  l'ambassade 
française,  au  palais  Colonna,  où  son  père  était 
attaché  à  la  maison  du  cardinal  de  Bernis.  Sa 
mère  était  Italienne.  A  l'Age  de  douze  ans,  il  fut 
amené  à  Paris,  entra  dans  une  école  élémentaire  de 
dessin,  puis  apprit  à  modeler  chez  le  sculpteur 
Pajou;  de  là, il  passa  dans  l'atelier  du  peintre 
Brenet,  et  enfin,  en  4786,  devint  élève  de  David. 
Ayant  perdu  son  père  en  4790  et  sa  mère  en 
4793,  il  se  trouva  chargé  de  deux  frères  et  d'une 
jeune  tante,  sœur  de  sa  mère,  dont  il  était  le  seul 
appui  ;  remplissant  courageusement  son  devoir, 
malgré  la  situation  précaire  où  il  se  trouvait  alors, 
il  pourvut  à  l'éducation  de  ses  frères,  puis  épousa 
sa  parente  en  4795.  . 

La  même  année,  il  exposait  son  Bélisaire^ 
exécuté  en  dixrhuit  jours,  et  en  4796  terminait 
V Amour  et  Psyché^  tableau  exposé  seulement  en 
4808  et  qui  est  actuellement  au  Musée  du  Louvre. 
Ces  deux  compositions,  d'un  genre  si  différent, 
commencèrent  à  établir  sa  réputation  ;  mais  les 
temps  étaient  difficiles,  on  ne  songeait  guère  alors 
à  des  achats  de  tableaux,  et,  pendant  trois  ans, 
malgré  son  talent,  Gérard  n'eut  pour  toole 
ressource  que  le  prix  des  dessins  qu'il  fit  pour  les 
belles  éditions  classiques  des  frères  Didot. 

Enfin,  l'horizon  s'éclaircit,  et  notre  peintre 
s'affirma  définitivement  en  4802  et  4803  par 
l'exposition  des  portraits  du  premier  consul  (4)  et 
de  Joséphine.  Depuis  cette  époque,  il  alla  de  suc- 
cès en  succès.  En  4808  il  exposait  (^x  Trois  Ages^ 
actuellement  dans  la  collection  du  duc  d'Aumale, 
et  en  4810  son  grand  tableau  de  la  Bataille 


(i)  Ce  portrait  est  n  Chantilly  dans  la  collection 
du   duc    d'Aumale. 


<r Austerlitz.  En  4847  V Entrée  de  Henri  IV  à 
Paris  lui  valut  d'être  nommé  premier  peintre  du 
roi,  et,  le  5  septembre  4849,  il  reçut  le  titre  de 
baron.  Il  avait  été  nommé  membre  de  la  L^ion 
d'honneur  dès  la  fondation  de  l'Ordre,  pois  élu 
membre  de  l'Institut  à  l'unanimité  en  4842. 

En  4  832,  il  exposait  Corinne  au  cap  Misènes^ 
dont  la  figure  principale  semblait  rappeler  Mme  de 
Staël  légèrement  embellie  ;  en  4824,  Dapknis  et 
Ckloé,  actuellement  au  Louvre  ;  en  i82f.  Sainte 
Thérèse,  et  en  4829  le  Sacre  de  Charles  X  (1). 

Nous  ne  mentionnons  ici  que  ses  oeuvres  prin- 
cipales ;  mais  la  carrière  de  François  Gérard  a 
été  sans  conteste  l'une  des  plus  fécondes  qu'il  y 
ait  à  enregistrer  dans  l'histoire  des  peintres.  EÎn 
quarante-deux  années  de  travail,  ce  veintre  des 
rois  (2)  et  ce  roi  des  peintres  a  proauit  plus  de 
30  tableaux  d'histoire,  an  grand  nombre  ae  com* 
positions  diverses,  83  portraits  en  pied  et  près  de 
200  portraits  en  buste  ou  à  mi-corps.  On  peut 
dire  que  tout  ce  jjui  fut  célèbre  à  n'importe  quel 
titre,  sous  l'Empire  et  sous  la  Restauration,  a 
posé  devant  lui  ;  aussi  sa  maison  a-t-elle  été  pen- 
dant trente-cinq  ans  l'un  des  points  de  réunion 
les  plus  fréquentés  des  personnages  les  plus  hauts 
plaôés  et  les  plus  distingués  soit  par  leur  rang, 
soit  dans  les  sciences,  dans  les  lettres  et  dans  les 
arts. 

On  se  pressait  tous  les  mercredis  dans  son  sa- 
lon et  dans  son  bel  atelier  de  la  me  Saint- Ger- 
main-des-Prés,  n<^  6  (3),  «  et  bientôt  —  dit 
Mme  Sophie  Gay  dans  ses  Sabns  célèbres  —  on 
était  distrait,  par  sa  conversation,  du  plaisir  de 
contempler  ses  ouvrages;  il  semblait  que  son 
esprit  fût  envieux  de  son  talent  et  lui  disputât 
les  suflrages.  Après  être  venu  visiter  le  grand 
peintre,  on  voulait  connaître  le  causeur  spirituel 
et  se  lier  avec  l'homme  aimable.  »  Nul,  en  effet, 
ne  parlait  avec  plus  de  grâce,  nul  ne  montrait 
plus  de  délicatesse  de  goût  dans  ses  jugements. 
Louis  Xyill,  qui  s>  connaissait,  disait  que  Gé-* 
rard  était  l'homme  le  plus  spirituel  de  France,  et 
Talleyrand  lui  trouvait  toutes  les  qualités  propret 
à  faire  un  bon  diplomate. 

Pour  se  délasser  de  ses  travaux  et  trouver  un 
repos  relatif  sans  trop  s'éloigner  de  Paris,  Fran- 
çois Gérard  s'était  décidé,  vers  4842,  à  acheter 
à  Auteuil,  des  héritiers  du  ministre  de  l'intérieur 
Cretét,  une  maison  élevée  sur  l'emplacement  de 
l'ancien  hôtel  seigneurial  des  abbés  de  Sainte- 
Geneviève,  située  près  du  côté  méridional  de  l'an- 
cienne  église,  sur  l'emplacement  actuel  de  la  rue 
Wilbem  et  des  établissements  Chardon-Lagache 
et  Sainte-Périne.  Elle  avait  été  en  partie  cons- 
truite sur  les  grands  caveaux  des  Génovéfains,  et. 


(i)  Quand  ce  tableau  fut  exposé,  le  roi  fit  offrir  à 
Gérard  le  titre  de  comte  et  le  j^rand  cordon  rouge 
de  la  Lésion  d'honneur  ;  mais  le  peintre  ne  crut 
pas  devoir  accepter. 

(2)  On  vit  Gérard,  dans  une  même  journée,  don- 
ner séance  dans  son  atelier  à  trois  souverains. 

(3)  L'emplacement  actuel  est  rue  Bonaparte,  vis* 
à-vis  de  Saint-Germain-des-Prcs.  Gérard  s'était  fait 
construire  sa  maison,  vers  i8i3,  par  ses  amis  Pei> 
cicr  et  Fontaine  ;  l'atelier  communiquait  avec 
elle  et  donnait  rue  Saint-Benoit.  Il  avait  demeuré 
antérieurement  au  Louvre,  dans  les  bâtiments  de 
rinsUtut. 


dn  lemps  même  de  Francait  Géiird,  on  y  Tojait 
encore  d'aDciennes  pierres  lombgles.  L'u  grand 

SiK.  qae  H.  de  Humboldt,  Ismi  le  plna  inlime 
e  U  maison,  appelait  plaiaammeut  les  foréU 
vierges  d'Auleuil,  enloarait  TbabitaiioD. 


des  amisiniimes.  H.  de  Homboldl  et  H.  Thiers, 
entre  autres,  y  vinrent  souvent. 

Dans  ses  dernières  années,  la  santé  de  Fran- 
çois Gérard  s'était  sCTïibtJe,  sins  eependant  insn- 
rer  d'inquiélnde,  qnand,  altaqnè  presque  stuii- 


1^1 


I 

«  S 


Cérard  seplaisailbeaDcoupdansceltedemeare, 
jrpasuit  une  partie  de  l'année,  mais  revenait  le 
joari  Paris,  préférant  peindre  dans  l'atelier  au- 
qad  il  était  habitni. 

Dans  sa  villa  d'Aaleait,  il  y  avait  souvent 
fête  le  dimanche,  pendant  la  belle  saison,  et  les 
lundis  étaient  ipécialement  consacrés  aui  visites 


tement  d'une  lièvre  de  paralysie,  il  y  saccombt 
dans  sa  maison  de  Paris,  où  il  peignait  encore 
quatre  jours  avant  sa  mort.  Sa  réunion  du  mer- 
credi 4  janvier  1837  avait  été  nombreuse  et  ani- 
mée comme  d'habitude  ;  les  personnes  qui  m 
présentèrent  pour  celle  du  H  apprirent  avee  stu- 
peur qu'il  était  mort.  Accablée  sous  le  coup  «[ui 

09 


45o 

la  frappait,  la  hmtat  a'aTiit  pas  pensé  il  en  pré- 
Tenir  ses  amis.  U  société,  les  arts  et  U  France 
Tenaient  de  faire  une  ^nde  perte. 

Après  U  mort  de  Gérard,  la  propriété  fut  cod- 
KTTée  par  sa  \euTe,  qui  i  mourot  le  l"'  dé- 
cembre 1848.  Ne  pouvant  plos  l'habiter  entière- 
ment, et  Toulanl  la  garder  malgrA  les  frais  d'un 
entretien  considérable,  elle  ta  loaait  une  notable 
partie,  et  c'est  ainsi  que  H.  Gnizot  et  sa  famille 


d'Aabns 


i  de  la  Fenillade,    qui  l'avait  louée. 


Tier4836,c 

basson  de  la  Fenillade  la  cédèrentlla  Ville  de  Paris, 
qoi  désirait  transférer  sur  son  emplacement  l'éla- 
blissemeol  de  Sainie-Périae-de-Chaillot,  qui  allait 
être  démoli. 

La  plupart  des  biographies  de  François  Gérard 
étant  muettes,  on  à  peu  près,  sur  m  maison  d'An- 


l.c   liaron    François    Gérard. 

(Collcclion  de  M.  Éin.  Palin.) 


furent  ses  locataires  pendant  plnsieurs  années. 
Après  elle,  M.  Henri  Gérard,  attaché  A  la  Direc- 
tion des  Musées  royaux,  devint  le  propriétaire  de 
la  maiion  de  son  oncle,  comme  seul  héritier  de  la 
fortune  et  du  nom  (François  Gérard  n'avait  pas 
en  d'enfants),  et,  Tera  4850,  la  propriété,  qui 
représentait  la  plus  grande  partie  de  la  fortune, 
ne  poavBDt  plus  être  conservée,  Mme  la  comtesse 


teuil,  nous  avons  fait  appel  i  la  bienTeillance  do 
baron  Henri  Gérard,  député  du  Calndot,  qni  a  an 
véritable  culte  pour  la  mémoire  de  son  oncle,  et 
s'est  empressé,  arec  sa  courtoisie  babitaelle,  ie 
nous  adresser  les  notes  qui  nous  ont  permis  d'amé- 
liorer et  de  compléter  cet  article.  Nons  loi  aii 
adi-eisons  nos  bien  siocères  renerriemmU. 
Lëopold  Mar. 


ANNEXES 


45i 


LE  SALON    DE    MADAiE   HELVÉTIUS 


EXTRAIT  D*Ult  RAPPORT  DE  M.  EMILE  POTIN 

Le  liTre  de  M.  Gaillois  sur  Mme  Helvétim  et  les 
Idéologues  rèsumt  une  époçiae,  an  coin,  nne  société 
de  l'ancien  village  d'Ânteail.  11  montre  ce  que  des 
recherches  habilement  dirigées  par  un  esprit  sagace, 
patiemment  investigateur,  amoureux  du  sol  natal, 
capable  en  même  temps  de  vues  d'ensemble,  et 
dont  la  plume  met  facilement  en  relief  les  hommes 
et  les  faits,  peuvent  exhumer  d*un  espace  restreint, 
de  ce  qu'en  langue  de  cadastre  on  nomme  nne 
parcelle.  De  cette  parcelle,  qu'il  frappe  de  sa 
plume,  sort  une  femme  généreuse  et  aimable  ; 
sa  vie  reconstituée  ressuscite  celles  de  Condorcet, 
de  Cabanis,  de  Ginguené,  de  Chamfort.  de  Pran- 
klin,  de  Volney,  de  Dannou,  de  M.  J.  Chénier, 
de  Tracy;  par  endroits  apparaissent  Roucher, 
Andrieux,  de  Gérando,  Garât,  Mmes  Roland,  Caba- 
nis, de  Gronchy,  et  tant  d'antres  intéressantes 
figures,  que  l'on  croit  voir  et  toucher,  tant  elles 
sont  nettement  dessinées.  Puis,  dominant  bientôt 
toute  la  seconde  partie  du  livre,  présente  dés  la 
première  page,  la  {grande  figura  de  Napoléon.  Ce 
n'est  pas  cale  qui  a  le  moins  de  vie.  Il  est  là, 
consul  ou  empereur,  avec  tontes  ses  grandeurs, 
toutes  ses  faiblesses,  avec  son  caractère  heurté, 
souvent  généreux,  mesquin  ailleurs,  toujours 
volontaire,  opiniâtre,  autoritaire.  L'autocrate, 
le  desiwte  ne  s'accommode  point  des  idées 
spéculatives  ;  il  lui  faut  les  vastes  conceptions 
qui  mènent  à  l'action.  Quand  le  grand  homme 
a  passé,  lorsque  les  fumées  de  l'épopée  se  sont 
dissipées,  on  retrouve,  avec  une  heureuse  impres- 
sion de  paix  tranquille  et  calme,  les  débris,  déjà 
éparpillés  par  les  ans,  de  la  Société  d'Auteuil,  et 
1  on  finit  le  livre  sur  les  touchantes  et  douces 
impressions  de  l'amitié  de  Cabanis,  qui  meurt,  pour 
Gtngoené,  qui  survit  ;  avec  la  mort  de  Mme  Caba- 
nis on  tourne  la  dernière  page.  Deux  femmes  ont 
répandu  sur  le  volume  leur  grâce  aimable,  et 
sous  une  impression  pleine  de  charme  font  faire 
aux  lecteurs  une  trop  courte  promenade  de  cent 
vingt-cinq  années.  On  n'a  pas  lu  le  livre,  on  l'a 
yécu.  Voilà,  pour  finir,  la  marque  du  talent  de 
notre  collègue  Guillois  :  vos  votes  de  tout  à  l'heure, 
messieurs,  ont  justement  fait  de  lui  un  des  vice- 
présidents  de  notre  Société.  (Applaudissements.) 

L'Académie  française,  le  i^  novembre,  a  attri- 
bué à  M.  Guillois  une  partie  du  prix  Bordin.  Et 
voici  en  quels  termes.  L'éloge  officiel  sera  le  digne 
couronnement  du  nôtre  : 

€  M.  Antoine  Guillois,  chercheur  tenace,  ha- 
bile et  heureux,  a  su  recueillir,  sur  la  célèbre 
Société  d'Auteuil,  une  grande  quantité  de  faits 
inédits  et  curieux  ;  en  les  publiant,  il  a  rectifié  et 
détruit  certaines  erreurs  accréditées  jusqu'alors. 
Petit'fils  du  poète  Roucher,  à  qui  il  a  consacré 
déjà  une  pieuse  et  touchante  étude,  ce  jeune 
écrivain  est,  à  tous  égards,  digne  d'encouragé^ 
ment,  d'estime  et  de  sympathie.  » 
12  octobre  1894. 


LE  MONUMENT  DE  MADAME  HELVÉTIUS 
Discours  de  M.  Gcillois 


Le  dimanche,  4  septembre  1892,  en  se  ren- 
dant le  matin  au  cimetière  d'Auteuil,  M.  Antoine 
Guillois  apprenait  avec  étonnementqu'un  monument 
érigé  à  la  mémoire  de  Mme  Helvétins  devait  être 
inauguré,  le  jour  même,  à  3  heures  1/2  du  soir. 

Rien  n'indiquait  dans  l'inscription  mise  sur  la 
pierre  les  noms  des  promoteurs  de  cette  solennité  ; 
néanmoins,  ^ùa9.n[q;aelaSociétéhistoriqued*AU' 
teuil  et  de  Passy  devait  être  représentée  à  cette 
inauguration,  M.  Guillois  s'entendit  immédiate- 
ment avec  le  secrétaire  général,  M.  Emile  Saint- 
Lanne,  malheureusement  retenu  chez  lui  par  une 
indisposition  et  dans  Timpossibilité,  dès  lors,  d'as; 
sister  à  la  cérémonie. 

Il  fut  convenu  que  M.  Guillois  déposerait  une 
couronne  sur  la  tombe  de  Mme  Helvétins  et  ({u'il 
prendrait  la  porole  an  nom  de  la  Société  histo- 
rique. 

A  l'heure  indiquée,  la  Société  occidentale^ 
sous  la  présidence  de  M.  Pierre  Laftitte,  se  trou- 
vait au  cimetière.  M.  Emile  Antoine  a  rappelé  les 
titres  de  Mme  Helvétius  à  Thommage  qui  lui  était 
rendu. 

Puis  M.  Guillois  a  pris  la  parole  en  ces  termes  : 

«  Mesdames,  Messieurs, 

«  La  Sociétéhistoriqued'Auteuil  et  de  Passy,  dont 
la  fondation  ne  remonte  qu'à  quelques  mois,  avait 
inscrit  dès  sa  première  séance,  parmi  ses  travaux 
à  accomplir,  l'érection  même  du  monument  qui  se 
dresse  aujourd'hui  devant  vous.  Le  temps  lui  a 
fait  défaut  et  elle  s'est  laissé  devancer.  Mais,  sur 
le  terrain  du  respect  .et  de  la.  reconnaissance,  il 
ne  saurait  y  avoir  de  discussion  ;  aussi  les  géné- 
reux prouioteurs  de  cette  solennité,  consacrée  à 
la  mémoire  de  Mme  Helvétius,  ont-ils  bien  voulu 
m'auloriser  à  prendre  la  parole  et  à  déposer  sur 
cette  tombe,  érigée  par  leurs  soins,  une  couronne 
qui  montrera,  du  moins,  que  les  habitants  d'Auteuil 
n'ont  pas  oublié  leur  charmante  bienfaitrice. 

€  Vous  avez  rendu.  Messieurs,  à  la  dépouille 
mortelle  d'Anne-Catherine  Helvétius,  née  de  Li- 
gniville  d'Autricourt,  un  hommage  qu'à  défaut  de 
sa  famille  nous  lui  devions  depuis  longtemps. 

€  Mme  Helvétius  avait  apporté  ici  les  traditions 
de  générosité,  de  grâce  et  de  douceur  qui  rendaient 
si  charmantes  les  réceptions  de  Voré  et  de  Lù-^ 
mi|ny.  Quand,  au  commencement  de  septembre 
1800,  elle  fut  inhumée  dans  sa  propriété,  oui  avait 
vu  Franklin  et  Turgot,  Chamfort  et  Roucher,  Ca- 
banis et  Destutt  de  Tracy,  la  population  tout  en- 
tière voulut  témoigner  par  sa  présence  du  souvenir 
ému  qu'elle  gardait  à  celle  qui  avait  si  ffénéreu- 
sement  donné  ses  revenus  pour  le  soulagement 
des  calamités  publiques.  Puissé-je  apporter,  ici, 
aujourd'hui,  comme  un  écho  de  ce  souvenir  d'au- 
trefois !  Et  si  j'osais  évoquer  aussi  des  motifs  per-f 
sonnels,  pourquoi  ne  bénirais-je  pas  ce  jour  qui 


452 


HISTOIRE    DU    XVI*   ARRONDISSEMENT 


permet  aa  petit-fiUde  Roacherde  saluer,  aa  nom 
de  la  nouvelle  Société  (TAui^uil,  celle  qui  fut 
rétoile  et  la  protectrice  de  la  première  phalange 
qui  a  porté  ce  nom  dans  Thistoire  de  la  littérature 
et  de  la  philosophie. 

r  Femme  généreuse  et  charmante  dont  l'image 
est  restée  populaire  parmi  nous,  vous  reposez 
enfin  sous  un  monument  di^ne  de  tous,  dans  le 
pays  même  que  vous  affectionniez  entre  tous.  A 
quelques  pas  a*ici,  Hubert  Robert  et  Rumford,  (jue 
TOUS  aimiez  à  recevoir,  dorment  leur  dernier 
sommeil;  et,  plus  près  encore,  Toici  le  cœur  de 
Cabanis,  Totre  tils  adoptif,  que  tous  chérissiez 
tant,  parce  qu'il  ressemblait  à  Tenfant  que  tous 
aTiez  perdu  ! 

€  Mme  Helvétius,  désormais  rappelée,  grâce  à 
ce  monument,  à  la  mémoire  des  générations  futu- 
res, aura  la  bonne  fortune  de  ne  pas  être  séparée, 
dans  la  mort,  de  ceux  qu'elle  avait  aimés  pen- 
dant sa  vie.  » 

On  s*est  alors  rendu  aux  tombes  de  Cabanis,  de 
Legeodre  etd*Hubert  Robert,  oh  quelques  paroles 
ont  été  prononcées. 

La  Société  historique  (TAuteuil  et  de  Passy, 
a  reçu  la  garde  du  monument  qui  venait  d'être 
érij^é.  «  Il  ne  saurait  être  en  meilleures  mains  », 
a  dit  M.  E.  Antoine. 

Le  bureau  de  la  Société  historique,  d'accord 
aTec  les  promoteurs  de  la  solennité  du  4  sep- 
tembre 4892,  indiquera,  dans  une  des  plus  pro- 
chaines séances,  les  mesures  à  prendre  pour  que 
le  nom  de  la  Société  historique  soit  rappelé,  sur 
le  monument  de  Mme  Helvétius,  à  côté  de  celui 
des  membres  de  la  Société  occidentale. 


MADAME  DE  CONDORCET  A  AUTEUIL  (I) 

Sjphie  de  Grouchy,  fille  du  marquis  de  Grouchy 
et  de  Gilberte  Fréteau,  naquit,  au  printemps  de 
4764,  au  château  de  la  Villette,  prés  de  Meulan. 
I^  28  décembre  4786,  elle  épousa  le  marquis  de 
Condorcet,  secrétaire  perpétuel  de  TÂcadémie  des 
Sciences.  Son  salon  de  1  hôtel  des  Monnaies  était 
le  rendez-Tous  des  philosophes,  des  écrivains  et 
des  artistes.  Elle  fréquentait  beaucoup  aussi  chez 
Mmd  Helvétius,  alorsà  Auteuil. 

Dans  ce  milieu  hospitalier  où  Mme  de  Condor- 
cet  fut  reçue  à  partir  de  4787,  accueillie  d'abord 
en  considération  de  l'estime  affectueuse  qu'on 
avait  pour  son  mari,  elle  sut  bientôt  conquérir 
pour  elle-même  les  sympathies  les  plus  vives. 

Bien  que  tout  près  de  la  grande  ville,  on  en 
était  assez  loin  cependant  pour  sentir  l'influence 
pacifique  des  larges  horizons  dans  des  campagnes 
boisées.  Aussi,  dans  l'intervalle  des  agitations  qui 
précédèrent  la  grande  tourmente,  Sophie  vint- 
elle  jouir  plusieurs  fois,  et  toujoure  avec  délices, 
de  ce  calme  précieux  ;  elle  en  garda  pour  l'humble 


(i)  Extrait  de  la  Marquise  de  Condorcet^  sa  fa- 
mille, son  salon,  «es  amU  (176V1S2J),  Parîîs,  Ollea- 
dorff,  1897. 


village  une  sincère  reconnaissance  et,  quand  les 
événements  l'obligèrent  à  quitter  Paris,  ce  fut  à 
Auteuil  qu'elle  vint  se  fixer,  assurée  d'y  rencon- 
trer de  bons  amis  et  d'y  retrouver,  croyait-elle, 
une  tranquillité  qu'hélas!  elle  ne  devait  pluscon- 
naitre. 

Condorcet  venait  d'être  élu  par  cinq  départe- 
ments membre  de  la  CouTention  nationale.  Comme 
s'il  eôt  éprouTé  le  besoin  de  àe  reposer  et  de 
marquer  une  étape  dans  sa  Tie,  ce  fut  le  moment 
qu'il  choisit  pour  aller  s'établir  définitlTement, 
avec  sa  femme  et  sa  fille,  dans  ce  joli  village 
d'Auteuil,  où  il  aTait  goUté  jusqu'alors  tant  d'ins- 
tants délicieux. 

Déjà  le  5  août,  il  y  aTait  assisté,  aTec  Mme  de 
Condorcet,  à  l'inauguration  de  la  nouTelle  maison 
commune  ;  tous  deux  aTaient  suiTi  le  cortège  de 
jeunes  filles,  escortées  des  gardes  nationales  Toi- 
sines,  qui  étaient  Tenues  couronner  les  bustes  de 
Voltaire  et  de  Rousseau,  et,  quand  on  arrÎTa  à 
celui  d'HeUétius,  quand  la  musique  joua  l'air 

Où  peulon  être  mieux  qu'au  sein  de  sa  famille  ? 

M.  et  Mme  de  Condorcet  furent  de  ceux,  parents 
et  amis  du  philosophe,  qui,  après  aToir  orné  de 
fleurs  la  statue,  s'embrassèrent  doTant  la  foule 
émue. 

Le  40  août,  ils  étaient  encore  chez  Mme  HelTé- 
tius.  €  On  sonna  le  tocsin,  dit  Condorcet  dans  son 
Fragment  de  justification,  j'étais  à  Auteuil.  Je 
me  rendis  à  Paris.  J'arriTai  à  l'Assemblée  quel<^nes 
moments  aTant  le  Roi.  Je  la  trouTai  plusinamète 
qu'effrayée,  courageuse  mais  sans  dignité.  Je 
n'étais  point  dans  la  confidence  et,  seulement  un 
peu  après  la  cannonade,  un  de  mes  amis  Tint  me 
dire  que  l'Assemblée  serait  respectée.  » 

Condorcet  aTait  amené  avec  lui  à  Auteuil  sa 
femme,  sa  fille,  sa  belle-mère  et  sa  belle-soeur, 
Félicité-Charlotte.  D'après  les  registres  de  la  mu- 
nicipalité, Condorcet  avait  deux  chevaux  et  un 
carrosse.  On  se  logea  chez  la  citoyenne  Pignon, 
au  n?  2  de  la  Grande-Rue  du  Tillage,  dans  une 
maison  qu'habitait  déjà  le  législateur  Jean  Debry. 
Mlle  de  Grouchy  occupait,  moyennant  deux  cents 
livres  par  an,  deux  chambres  qui  avaient  vue  sur 
la  Grande-Rue  et  sur  la  cour.  Son  mobilier  était 
succinct  :  une  table  ronde  en  acajou  à  dessus  de 
marbre  blanc,  avec  couvercle  en  maroquin  et  drap 
vert,  une  baignoire  en  cuivre  en  sabot,  une  ber- 
gi're  de  vieux  damas  vert  et  sa  housse,  un  lit, 
quelques  fauteuils  et  quelques  chaises  (4). 

C'est  dans  cette  maison,  où  Condorcet  espérait 
trouver  la  sécurité  et  le  calme,  que  se  passèrent 
ses  dernières  heures  de  joie. 

En  effet,  les  événements  se  précipitaient,  et 
Condorcet  ne  tarda  pas  à  être  personnellement 
menacé. 

Il  passait  tout  son  temps  à  Auteuil,  au  milieu 
des  siens,  avec  Cabanis  et  Jean  Debry.  Cette 
tran({uille  intimité,  dans  une  retraite  studieuse, 
n'était  ni  sans  charmes  ni  sans  douceur.  Cabanis, 
que  Ton  a  pu,  sans  blasphème,  comparer  à  Fé- 

(1)  Déclaration  par  la  citoyenne  Félicité-Char- 
lotte Grouchy,  maieurc,  devant  la  municipalité, 
de  Hon  intention  d  être  imposée  séparément  '69 
ses  sœur  et  beau-frère  (4  janvier  1794)* 


ANNEXES 


453 


Delon,  trouvait,  daos  sa  bonté  inânie,  les  atten- 
tions les  plus  délicates.  Ce  tendre  rêveur,  ardent 
cependant  lorsqu*il  s'agissait  de  défendre  ses  idées, 
connaissait  toute  la  générosité  du  coeur  de  Sophie, 
et  il  voyait,  dans  le  courage  de  cette  femme  supé- 
rieure, sinon  les  moyens  de  sauver  le  philosophe, 
du  moins  un  secours  assuré  pour  le  jour  où  les 
circonstances  deviendraient  plus  difficiles  et  plus 
dangereuses. 

Lénerjpe  ingénieuse  de  Mme  de  Condorcet 
complétait  à  merveille  la  bienveillance  un  peu 
mélancolique  de  Cabanis.  Aussi,  la  pure  sympathie 
née  avant  1789  entre  ces  deux  Ames  d*élite  gran- 
dissait-elle chaque  jour  au  contact  des  événe- 
ments. Sophie,  loin  de  s*en  cacher,  s'en  montrait 
fiére  et  heureuse  ;  elle  trouvait  dans  son  amitié 
la  muse  inspiratrice  de  ces  Lettres  immortelles, 
dédiées  à  Cabanis  et  si  peu  connues  aujourd'hui. 
€  Elles  furent  achevées  dans  ce  pâle  Elysée  d'An- 
teuil,  plein  de  regrets,  d'ombres  aimées.  Elles 
parlent  bas,  ces  lettres;  la  sourdine  est  mise  aux 
cordes  sensibles  (1).  > 

Lorsqu'elles  parurent  pour  la  première  fois  en 
Tan  VI,  elles  accompagnaient  la  traduction  par 
Mme  de  Condorcet  de  la  Thétnie  des  sentiments 
moraux,  d'Adam  Smith  :  elles  purent  être  légè- 
rement retouchées  à  cette  époque  ;  mais  la  vraie 
date,  celle  qui  les  explique,  est  Tannée  i793,  o(i 
elles  furent  composées.  La  première  de  ces  lettres 
débute  ainsi  : 

«  L'homme  ne  me  parait  point  avoir  de  plus 

<  intéressant  objet  de  méditation  que  Thomme, 
«  mon  cher  Cabanis.  Est-il,  en  effet,  une  occupa- 
«  tion  plus  satisfaisante  et  plus  douce  que  celle 
€  de  toiirjier  les  regards  de  notre  âme  sur  elle- 
«  même,  d'en  étudier  les  opérations,  d'en  tracer 
«  les  mouvements,  d'employer  nos  facultés  à 
«  s'observer  et  à  se  deviner  réciproquement,  de 
«  chercher  à  reconnaître  et  à  saisir  les  lois  fugi- 
«  tives  et  cachées  que  suivent  notre  intelligence  et 
«  notre  sensibilité?  Aussi,  vivre  souvent  avec  soi 
«  me  semble  la  vie  la  plus  douce,  comme  la  plus 

<  sage;  elle  peut  mêler  aux  jouissances  que 
«  donnent  les  sentiments  vifs  et  profonds  les 
€  jouissances  de  la  sagesse  et  de  la  philosophie .  » 

Quand  elle  parle  des  sympathies  individuelles, 

2ui  ne  sont  autre  chose  que  l'amitié,  Mme  de 
ondorcet  est  heureuse,  on  le  sent,  de  s'adresser 
à  son  <  cher  Cabanis,  qui,  dévoué  sans  choix  et 
sans  effort  à  ses  travaux  et  à  ses  a  Sections,  Cbt 
peut-être  par  le  sentiment  habituel  de  la  raison 
et  de  la  vertu  trop  loin  des  hommes  pour  aperce- 
voir leurs  erreurs,  ou,  du  moins,  pour  en  discer- 
ner les  profondes  racines  »,  et  elle  lui  dit  : 

«  Elles  (ces  sympathies  naturelles)  sont  plusin- 
€  times  entre  ces  âmes  mélancoliques  et  réflc- 
«  chies  qui  se  plaisent  à  se  nourrir  de  leurs  sen- 
€  timents,  à  les  goûter  dans  le  recueillement; 
€  qui  ne  voient  dans  la  vie  que  ce  qui  les  y  a 
€  attachées  et  qui  restent  concentrées  dans  leurs 
«  affections,  sans  pouvoir  désirer  an  delà,  car, 
€  quelque  insatiable  que  soit  le  cœur  humain,  il 
«  n'épuise  jamais  le  vrai  bonheur  quand  il  veut 
«  s'y  arrêter.  » 


(i)  Michelet,  le*  Femmes  delà  Révolution,  p.  87. 


S'agit-il  de  la  beauté  et  de  l'amour,  son  lan- 
%zgt  n'est  pas  moins  éloquent,  sfa  philosophie 
moins  saine  ou  moins  élevée.  Elève  de  Rousseau, 
fille  de  Voltaire  et  de  son  siècle,  Sophie  de  Con- 
dorcet, s'il  est  permis  de  continuer  cette  image, 
préférait  secrètement  son  professeur  à  son  père  ; 
on  le  sent,  à  travers  toutes  les  réticences,  et  de 
telle  façon  qu'on  ne  s'y  peut  tromper  : 

«  Rousseau  a  parlé  davantage  à  la  conscience, 
«  Voltaire  à  la  raison.  Rousseau  a  établi  ses  opi- 
«  nions  par  la  force  de  sa  sensibilité  et  de  sa  lo- 
«  gique,  Voltaire  par  les  charmes  piquants  de  son 
«  esprit.  L'un  a  instruit  les  hommes  en  les  tou> 
«  chant,  l'autre  en  les  éclairant  et  en  les  amu- 

<  sant  à  la  fois.  Le  premier,  en  portant  trop  loin 
«  quelques-uns  de  ses  principes,  a  donné  le  goût 
«  de  l'exagération  et  de  la  singularité;  le  second, 
«  se  contentant  trop  souvent  de  combattre  les 
«  plus  funestes  abus  avec  l'arme  du  ridicule,  n'a 
«  pas  assez  généralement  excité  contre  eux  cette 

<  indignation  salutaire  qui,  moins  eflicace  que  le 
€  mépris  pour  châtier  le  vice,  est  cependant  plus 

<  active  à  le  combattre.  La  morale  de  Rousseau 
«  est  attachante,  quoique  sévère,  et  entraîne  le 
«  cœur  même  en  le  réprimant  ;  celle  de  Voltaire, 
«  plus  indulgente,  touche  plus  faiblement  pent- 
«  être  parce  qu'imposant  moins  de  sacrifices  elle 

<  nous  donne  une  moins  haute  idée  de  nos  forces 
«  et   de  la  perfection  à  laquelle  nous  pouvons 

<  atteindre  ;  Rousseau  a  parlé  de  la  vertu  avec 
€  autant  de  charmes  que  Fénelon  et  avec  l'em- 
«  pire  delà  vertu  même;  Voltaire  a  combattu  les 
€  préjugés  religieux  avec  autant  de  zèle  aue  s'ils 
«  eussent  été  les  seuls  ennemis  de  notre  félicité  ; 

<  le  premier  renouvellera  d'âffe  en  âge  l'enthou- 
«  siasme  de  la  liberté  et  de  la  vertu  ;  le  second 
€  éveillera  tous  les  siècles  sur  les  funestes  effets 
«  du  fanatisme  et  de  la  crédulité.  Cependant, 
«  comme  les  passions  dureront  autant  que  les 
«  hommes,  l'empire  de  Rousseau  sur  les  âmes 
«  servira  encore  longtemps  les  mœurs  quand  celui 

<  de  Voltaire  sur  les  esprits  aura  détruit  les  pré- 
«  jugés  qui  s'opposaient  au  bonheur  des  so- 
«  ciétés  ». 

L'éloquente  conclusion  de  la  dernière  lettre, 
tout  en  affirmant  le  pouvoir  de  la  morale  et  de 
la  vertu,  traduit  bien  l'irrémédiable  regret  jus- 
qu'au sein  des  spéculations  de  la  philosophie  : 

€  On  ne  trouve  la  douceur  de  la  vie  que  dans 
«  la  bienfaisance,  la  bonne  foi,  la  bonté,  et  en 
«  faisant  ainsi  de  ses  dieux  pénates  un  asile  où 
«  le  bonheur  force  l'homme  à  goûter  avec  délices 
«  sa  propre  existence.  Jouissances  intimes  et 
«  consolantes,  attachées  à  la  paix  et  aux  vertus 
«  cachées  !  Paisirs  vrais  et  touchants  qui  ne  quit- 
te tez  jamais  le  cœur  que  vous  avez  une  fois 
«  attendri  !  Vous  dont  le  sceptre  tyrannique  de 
«  la  vanité  nous  éloigne  sans  cesse!  Malheur  à 

<  qui  vous  dédaigne  et  vous  abandonne  !  Malheur 
«  surtout  à  ce  sexe  comblé  un  moment  des  dons 
«  les  plus  brillants  de  la  nature  et  pour  lequel 
«  elle  est  ensuite  si  longtemps  marâtre,  s'il  vous 
«  néglige  ou  s'il  vous  ignore  !  Car  c'est  avec  vous 
«  qu'il  doit  passer  la  moitié  de  sa  vie  et  oublier, 

<  s'il  est  possible,  cette  coupe  enchantée  ^ue  la 
«  main  du  Temps  renverse  pour  lui  au  milieu  de 
€  sa  carrière  !  » 


^54 


HISTOIRE   DU   XVI^   ARRONDISSEMENT 


r. 


Mme  de  Coodorcet  n*allait  pas  tarder  à  faire 
ar  elle-même  Inexpérience  cruelle  de  la  doa« 
eur. 

Dans  les  premiers  jours  de  juin,  sa  mère  tomba 
subitement  malade  cbez  elle. 

Le  8,  Fréteau  écrivait  à  sa  femme  M)  : 

«  Le  mauvais  temps  et  Tabsence  des  voitures 
«  de  toutes  les  places  ne  m*ODt  permis  d'arriver  à 
«  Auteuîl  que  tout  au  soir.  Ma  sœur  était  aux 
«  abois.  Les  médecins  Cabanis  et  Portail  avaient 
«  cru  rémétique  nécessaire  (la  malade  avait  la 
«  gan^ne  à  la  jambe)...  Elle  n*a  plus  que  des 
«  élans  vers  les  objets  de  son  affection.  Notre 
«  enfant,  tes  filles,  les  siennes,  ta  tendresse, 
«  voilà  ce  qui  lui  a  fourni  les  choses  les  plus  tou- 
«  chantes  à  me  dire,  mais  par  demi-phrases.  Je 
«  suis  pénétré  de  cet  affreux  spectacle.  » 

Le  10  juin,  la  marquise  de  Grouchy  expirait 
dans  les  bras  de  sa  fille,  dont  la  douleur  fut  dé- 
chirante. Deux  jours  après,  Mlle  Fréteau  en  ren- 
dait compte  ainsi  à  son  frère  (2)  : 

«  Ma  prédiction  ne  s'est  trouvée  que  trop  vraie, 
«  mon  cher  ami.  Ma  tante  n'est  plus.  Elle  est 
«  morte  lundi,  à  4  heures  après  midi.  Papa  nous 
<  a  mandé  que  sa  fille  (Mme  de  Gondorcet)  est 
«  tombée  dans  des  convulsions  telles  qu'il  n'en  a 
«  jamais  vu  de  semblables.  Si  on  ne  l'eût  jetée  à 
«  l'instant  dans  le  bain,  elle  serait  expirée.  Juge 
«  de  sa  douleur,  mon  cher  ami.  Ce  qu'il  y  a  de  plus 
«  chagrinant,  mon  frère,  c'est  que  les  instances  de 
«  papa  tendant  à  procurer  à  ma  tante  des  conso- 
«  lations  spirituelles  ont  été  vaines.  Uuelle  cir- 
«  constance  alarmante  !  Gémissons,  prions  pour 
«  elle.  Voilà  les  services  que  nous  pouvons  lui 
«  rendre.  Acquittons-nous-en,  mon  cher  ami, 
«  voilà  le  retour  que  nous  devons  à  sa  ten- 
«  dresse  (3).  » 

Gondorcet  et  les  autres  parents,  disent  les  re- 
gistres de  la  paroisse  d'Auteuil,  assistèrent  à  la 
cérémonie  et  à  l'inhumation,  qui  fut  faite  dans  le 
cimetière  du  village  (4). 

Pendant  ce  temps,  le  marquis  de  Grouchy  était 
à  Villette,  très  malade  lui-même.  Aussitôt  les  der- 
niers devoirs  rendus  à  sa  mère,  Mme  de  (^ndor- 
cet  partit  avec  Charlotte  pour  rejoindre,  dans  le 
manoir  paternel,  son  frère  Emmanuel,  qui  venait 


(i]  Archives  Fréleau  de  F*ény. 

(2)  la  juin  1793.  Félicité  à  Emmanuel  Fréteau. 
Archives  Fréleau  de  Pén^. 

(3)  Il  parait  bien  que  l'influence  de  Condorcet 
ail  été,  ici,  toute-puissante.  M.  Louis  Amiable, 
dons  une  brochure  sur  Lnlande  franc-maçon 
(Paris,  Charavuy  frères,  1889).  dit,  à  trois  re- 
prises, pp.  3o  et  3i,  que  Condorcet  opjpartint 
comme  iranc-ma(;on  à  la  loge  des  IX-Sœurs. 
J'ai  eu  entre  les  mains  presque  tous  les  papiers 
de  cette  Loge,  dont  mon  arrière- grand-père,  le 
poète  Boucher,  fut  orateur  et  premier  secrétaire, 
et  je  puis  affirmer  que  Condorcet  ne  flgure  dans 
aucun  des  tableaux  de  la  Loge  et,  notamment, 
dans  celui  de  17S4,  où  il  serait  inscrit  certaine- 
ment. 

Condorcet  fit-il  fjartie  d'une  autre  Loge,  ou 
n'appartint-il  jamais  à  la  fronc-mnçonnerie, 
comme  c'est  mon  opinion  personnelle,  c'est  là 
une  question  intéressante,  mêlée  à  un  fait  diffi- 
cilement explicable,  je  le  reconnais;  mais  elle 
n'est  encore  résolue  ni  dons  un  sens,  ni  dans 
l'autre. 

f/i)  Premier  registre  de  la  paroi«  d'Auteuil, 
folio  5. 


d*étre  privé  de  son  commandement  en  Norman- 
die (i).  Mais  elle  ne  resta  que  peu  de  jours  à  Vil- 
lette, ayant  été  rappelée  à  Auteuil  par  la  situation 
de  son  mari,  qui  s  ageravait  tous  les  jours. 

Condorcet,  bien  qu  il  fût  encore  en  liberté,  ne 
se  faisait  plus  d'illusions,  etU  se  préparait  à  toot 
événement,  comme  en  témoigne  ce  billet  de  son 
ami  : 

«  A  Auteuil,  ce  jourd'hny,  30  juin  4793,  à 
«  minuit,  Gondorcet,  proscrit,  par  rexécrable  fae- 
«  tion  du  31  mai  dernier,  avant  de  se  dérober  au 
«  poignard  des  assassins,  a  partagé  avec  moi, 
€  comme  don  de  Famitié  qui  nous  unit,  le  poison 
«  qu'il  conserve  pour  demeurer  en  tout  événe- 
«  ment  seul  maître  de  sa  personne.  Jean  Debrv.  » 

En  effet,  sur  la  dénonciation  de  Chabot,  le 
8  juillet  i793,  Condorcet  était  décrété  d'accusa- 
tion à  cause  de  son  écrit  :  Aux  Français,  mr  le 
projet  de  la  nouvelle  Constitution. 

Les  scellés  furent  mis  sur  ses  papiers,  rue  de 
Lille  et  à  Auteuil.  La  Roche  n'avait  pu  éviter 
cette  formalité,  mais  il  avait,  du  moins,  prévenu 
Condorcet,  qui  s*échappa. 

Le  philosophe  trouva  asile,  la  première  nuit, 
chez  Mme  Heivétius.  Mais,  comme  il  était  dange- 
reux de  rester  plus  longtemps  dans  la  propre 
maison  du  maire  charjgé  de  procéder  contre  lui, 
il  se  rendit  le  lendemain  chez  Garât,  oui  n'hésita 
pas  à  recevoir  le  proscrit  dans  l'hôtel  même  du 
Ministère. 

Condorcet  se  réfugia  ensuite  rue  Servandoni, 
dans  une  maison  que  son  ami  (^banis  avait  re< 
connue  comme  un  asile  sûr. 

La  femme  d'un  homme  déclaré  hors  la  loi  ne 
pouvait  pas  coucher  dans  la  capitale;  Sophie, 
deux  fois  par  semaine,  dé^isée  en  paysanne,  ve- 
nait donc,  à  pied,  d'Auteuil  à  Paris,  avec  l'espoir 
trop  souvent  déçu,  de  passer  quelques  instants 
auprès  du  proscrit.  Pour  franchir  la  barrière,  elle 
se  mêlait  à  la  foule  qui  allait  voir  la  guillotine  et, 
afin  de  ne  pas  être  remarquée,  elle  accompagnait 
cette  foule  jusqu'à  la  place  de  la  Révolution. 
Uuelle  joie  lorsqu'un  avis  secret  la  prévenait 
qu'elle  pouvait  aller  passer  quelques  instants  au- 
près du  proscrit  !  Comme  elle  cherchait  à  le  con- 
soler !  avec  quel  amour  elle  prodiguait  au  captif, 
devenu  subitement  un  vieillard,  les  soins  du  corps 
et  de  l'àme  (2) 

Son  influence,  déjà  si  grande  aux  jours  de  la 
prospérité,  ne  connaissait  plus  de  liinltes;  Con- 
dorcet était  froid  et  timide,  elle  en  avait  fait  un 
homme  plein  de  sensibilité  et  de  chaleur.  Comme 
il  s'épuisait  à  rédiger  une  justification  de  sa  con- 
duite politique,  Sophie  remarqua  bien  vite  com- 
bien ce  travail  le  faisait  souff'rir  moralement  et 
physiquement  et,  obtenant  du  philosophe  qu'il  y 
renoncerait,  elle  lui  fit  entreprendre  ceUid  Esquisse 
des  progrès  de  Vesprit  humain,  qui  est  restée 


(1)  23  juin  1793.  Félicité  à  Emmanuel  Fréteau. 
Arcbives  Fréteau  de  Pèny.  Ce  ne  fut  que  quel- 
que temps  oprès  que  le  marquis  de  Grouchy 
fut  arrête  et  enfermé  à  Sainte-Pélagie. 

(2)  Parfois  les  anciens  serviteurs  de  Con- 
dorcet purent  aussi  pénétrer  auprès  de  lui  et  lui 
apporter,  avec  des  nouvelles  des  siens,  leurs 
soins  dévoués  et  affectueux. 


ANNEXES 


455 


oh  des  plus  beaux  titres  philosophiques  et  litté- 
raires de  rillustre  révear  (1). 

Pais,  comme  Ta  dit  Cabanis,  «  descendant  des 
plos  hautes  réj^ions  du  calcul  et  de  la  philosophie, 
il  ne  dédaignait  pas  de  rédiger  des  leçons  d'arith- 
métique pour  les  instituteurs  et  les  enfants  des 
classes  indigentes  de  la  Société  ». 

Mais  le  trarail  ne  pouvait  plus  Tarracher  à  ses 
tristes  pensées.  L*idée  de  la  mort  ne  le  quittait 
pas  et  il  interrompait  son  labeur  pour  écrire  ces 
Avis  d'un  proscrit  et  ces  Conseils  à  sa  fille,  où 
Ton  retrouve  le  cœur,  la  générosité  et  la  haute 
raison  de  son  admirable  épouse. 

C'est  pour  son  Elisa  qo  il  écrivait  ces  Ans  d'un 
proscrit,  admirable  testament  qui  honore  à  jamais 
sa  mémoire  et  qui  commence  par  ces  lignes  su- 
blimes :  «  Mon  enfant,  si  mes  caresses,  si  mes 
soins  ont  pu,  dans  ta  première  enfance,  te  conso- 
ler quelquefois,  si  ton  caur  en  a  gardé  le  souve- 
nir, puissent  ces  conseils,  dictés  par  ma  tendresse, 
être  reçus  de  toi  avec  une  douce  confiance  et  con- 
tribuer à  ton  bonheur. 

€  Dans  quelque  situation  que  tu  sois,  quand  tu 
liras  ces  lignes  que  je  trace  loin  de  toi,  indifférent 
à  ma  destinée,  mais  occupé  de  la  tienne  et  de 
celle  de  ta  mère,  songe  que  rien  ne  t*en  garantit 
la  durée. 

<  Prends  Thabitude  du  travail...  » 

Et,  après  avoir  insisté  sur  cette  douce  source  de 
bonheur,  Condorcet  cherchait  à  détourner  sa  fille 
de  la  personnalité  et  de  Tégoïsme  ;  il  lui  parlait 
€  de  1  habitude  des  actions  de  bonté  »,  et  il  lui 
traçait  pour  ainsi  dire  tout  un  code  merveilleux 
de  générosité  et  de  bienfaisance. 

Quelquefois  la  poésie,  ce  cri  des  grandes  dou- 
leurs, lui  dictait  des  vers  où  il  exprimait  lesmémes 
sentiments  d*amour  et  de  regret  pour  les  deux 
êtres  qui  lui  étaient  si  chers.  Au  mois  de  dé- 
cembre 1793,  il  avait  adressé  à  sa  femme  une 
pièce  quMl  avait  intitulée  le  Polonais  exilé  en 
Sibérie  : 

pour  la  septième  fois  renaît  cette  journée 
Oui  vit  à  tes  beaux  jours  unir  ma  destinée. 
Je  n'ai  point  par  des  vers  célébré  mon  bonheur, 
Mais  on  aime  à  parler  sitôt  qu'on  est  à  plaindre  : 


(1)  Sur  le  manusiicrit  autographe  de  la  Jaslifica- 
Hon^  Sophie  a  écrit  :  «  Quitté  à  ma  prière  pour 
écrire TEitquisse  des  progrès  de  r esprit  humain.  » 
—  Condorcet  fit  plusieurs  fois  passer,  sous  le 
voile  de  l'anon^'me,  des  mémoires  patriotiques 
au  Comité  de  Salut  public.  —  A  propos  du  livre 
de  Condorcet.  imprimé  en  l'an  vil  et  intitulé  : 
Moyen  Rapprendre  à  compter  sûrement  et  avec  faci- 
lité, il  y  eut  un  regrettable  débat  entre  Mme  de 
Condorcet  et  J.-B.  Sarrel.  qui  avait  publié,  h  la 
même  époque,  une  arithmétique  élémentaire. 
Celui-ci  fut  injustement  accusé  de  s'être  ap- 
proprié le  manuscrit  de  Condorcet  pour  le  publier 
sous  son  nom.  Un  verdict  de  l'inslilul,  choisi 
comme  arbitre,  innocenta  complètement  Sarrut 
de  tout  soupçon  de  plagiat.  Celui-c'  ne  conserva 
de  cette  anaire  aucun  mauvais  souvenir,  puis- 
qu'il donna,  à  quelque  temps  de  là.  une  notice 
très  bienveillante  sur  Condorcet.  Pendant  les 
huit  mois  de  la  captivité  du  philosophe,  Sarret 
n'avait  cessé,  disaitil,  d'admirer  sa  douceur,  sa 
patience,  le  calme  de  son  âme.  sa  résignation  à 
un  sort  immérité,  <■  je  pourrais  dire  son  indirfé- 
rence  pour  lui-môme,  car  les  objets  de  ses  plus 
vives  sollicitudes  étaient  la  République,  sa 
femme,  ses  epfanls  et  ses  amis.  » 


Sa  fille  se  souviendrait-elie  de  lui?  Cétait  là  sa  ' 
grande  préoccupation  : 

Crois-tu  que  notre  enfant  puisse  encore  retenir     ' 
De  son  père  proscri  tun  faible  souvenir, 
Que  son  cœur  de  mes  traits  ait  gardé  quelque  image? 
Dis-lui  que  je  l'aimais... 

Ailleurs  il  défendait  sa  mémoire  : 

Ils  m'ont  dit -.Choisis  d'être  oppresseur  ou  victime. 
J'embrassai  le  malheur  et  leur  laissai  le  crime... . 

£t,  revenant  à  sa  délicieuse  Sophie  : 

J'ai  servi  mon  pays,  j'ai  possédé  ton  cœur  : 
Je  n'tturai  point  vécu  sans  goûter  le  bonheur. 

Tenant  déjà  dans  sa  main  la  coupe  fatale,  il 
écrivait  (i)  : 

«  Je  ne  puis  re|;retter  la  vie  que  pour  ma 
«  femme  et  mon  Elisa  ;  elles  en  auraient  embelli 
«  les  derniers  instants.  Ma  vie  pouvait  leur  être 
€  utile;  elle  était  chère  à  Sophie.  Je  périrai 
«  comme  Socrate  et  Sidney,  pour  avoir  servi  la 
«  liberté  de  mon  pa^s.  » 

Le  lendemain  du  jour  oii  il  traçait  ces  h'gnes,  il 
inscrivait  ces  pensées  sur  la  feuille  de  garde  d*une 
histoire  d'Espagne  (2)  : 

«  Les  conseils  que  j'ai  écrits  pour  EUsa,  des' 
€  Lettres  de  sa  mère  sur  la  Sympathie,  serviront 
€  à  son  éducation  morale.  D'autres  fragments  de 
«  sa  mère  donneront  sur  le  même  objet  des  vues 
«  très  utiles  (3).  » 

Il  était  persuadé  que,  non  seulement  il  n'échap- 
perait pas  à  la  mort,  mais  que  Sophie  elle-même 
ne  tarderait  pas  à  le  suivre  sur  Téchafaud.  Aussi 
le  testament  écrit,  adressé  à  Mme  Yernct,  débutait- 
il  ainsi  : 

«  Si  ma  fiUe  est  destinée  à  tout  perdre,  je  prie 
«  sa  seconde  mère  (Mme  Vernet)  d'écouter  ces 
«  derniers  désirs  d'un  père  innocent  et  malheu- 
€  reux.  Je  recommande  de  lui  parler  souvent  de 
«  nous;  d'entretenir  le  souvenir  qu'elle  en  con- 
«  serve  ;  de  lui  faire  lire  quand  il  sera  temps  nos 

<  instructions  dans  les  originaux  mêmes. 

«  Si  elle  conserve  Sophie,  je  prie  celle-ci  d'ap- 
«  prendre  à  Elisa  à  connaître,  à  aimer  sa  seconde 

<  mère.  Je  prie  celle-ci  de  lui  parler  de  la  ten- 

<  dresse  de  sa  mère  pour  moi  et  de  son  courage 
«  pendant  tout  le  temps  de  cette  longue  persécu- 
«  tion.  Je  ne  dis  rien  de  mes  sentiments  pour  la 
«  généreuse  amie  à  qui  cet  écrit  est  destiné;  en 
«  interrogeant  son  cœur,  en  se  mettant  à  ma  place 
€  elle  les  connaîtra  tous.  » 

Le  philosophe  terminait  en  recommandant 
qu'on  éloignât  de  sa  fille  tout  sentiment  de  ven- 
geance ;  €  c'est  au  nom  de  son  père  que  ce  sacri- 
€  fice  sera  réclamé  ».  Puis  il  conseillait  à  Elisa 


(1)  Fragment  fmars  179A)  qui  était  resté  entre 
les  mains  de  Mme  Vernet. 

(3)  Testament  (mars  1704)- 

(3)  Cet  ouvrage  est  malneureusement  non  seu- 
lement inédit,  mais  1res  probablement  perdu 
pour  toujours.  Malgré  toutes  mes  recherches 
dans  les  papiers  de  famille,  ie  n'ai  rien  pu 
trouver  è  ce  sujet.  Quant  aux  Mémoires  de  Con" 
dorcet,  en  2  vol.  in-8*,  parus  en  1824,  ai-je  besoin 
de  dire  qu'ils  sont  aosolument  apocryphes  et, 
par  conséquent,  indignes  de  toute  confiance. 


456 


HISTOIRE    DU    XVI*   ARRONDISSEMENT 


d'apprendre  Tanglais,  parce  qae,  si  Mme  Veroet 
?eoait  à  lai  manquer,  elle  devrait  passer  en  An- 
gleterre, chez  Milord  Stanhope  on,  en  Amérioue, 
chez  Bâche,  petit-fils  de  Franklin,  on  chez  Jef- 
ferson. 

Ces  trois  hommes  excellents  avaient  été,  aux 
jours  heureux,  les  hôtes  assidus  et  choyés  du  sa- 
lon de  rhôtel  des  Monnaies. 

L'heure  fatale,  dont  le  philosophe  avait  depuis 
plusieurs  mois  le  terrible  pressentiment  appro- 
chait. Le  5  germinal  an  II  (25  mars  1794),  Con- 
dorcet  apprit  aucune  visite  domiciliaire  serait  faite 
le  lendemain  chez  Mme  Vernet,  et  il  résolut  aussi- 
tôt de  quitter  sa  retraite  pour  aller  se  cacher  dans 
les  environs  de  Paris. 

On  connaît  la  cruelle  odyssée  de  Bourg-Ia-Reine 
et  la  mort  tragique  du  philosophe.  Cette  mort  fut 
ignorée  pendant  plusieurs  mois;  sa  famille  le 
croyait  passé  en  Suisse,  tandis  que  ses  biens 
étaient  vendus  comme  propriétés  d'émigré. 
.  Sophie,  ruinée,  avait  d'abord  songé  à  se  rendre 
à  Yillette,  auprès  de  son  père.  Un  passe-port  dé- 
livré par  la  municipalité  d'Auleuil  en  tait  foi; 
mais  elle  s*était  bien  vite  ravisée,  en  songeant  que 
son  devoir  était  de  rester  aussi  près  que  possible 
du  proscrit.  Après  avoir  rendu  la  liberté  à  chacun 
de  ses  domestiques,  renvoyé  sa  femme  de  chambre 
et  la  gouvernante  anglaise  de  sa  fille,  elle  restait 
seule  pour  subvenir  au  service  et  aux  besoins  de 
trois  personnes:  Elisa,  âgée  de  trois  ans;  Char- 
lotte de  Grouchy,  sa  sœur,  toujours  malade;  et 
Mme  Beauvais,  une  vieille  ^uvernante,  qui  était 
incapable  du  moindre  travail. 

Du  peu  d'argent  qui  lui  restait,  Mme  de  Condor- 
cet  acheta,  au  n°  352  de  la  rue  Saint-Honoré, 
tout  près  de  la  maison  de  Robespierre,  une  petite 
boutique  de  lingerie,  ob  elle  établit  Auguste  Car- 
dot,  le  jeune  frère  du  secrétaire  de  son  mari.  A 
l'entresol,  au-dessus  de  la  porte  cochère,  elle  avait 
un  petit  atelier  où  elle  peignait  des  tableaux,  des 
miniatures  et  des  camées.  Quelquefois  aussi  elle 
pénétrait  dans  les  retraites  où  se  cachaient  les 
proscrits  et  dans  les  cachots  pour  reproduire  les 
traits  des  malheureux  condamnés  qui  n'avaient 
plus  que  ce  souvenir  à  léguer  à  leur  famille.  Sou- 
vent, pour  gagner  la  bienveillance  des  geôliers, 
des  soldats  ou  des  municipaux,  elle  dut  peindre, 
dans  la  fumée  des  corps  de  garde,  ces  brutes 
avinées  qui  n'avaient  aucun  respect  pour  ses  déli- 
catesses de  femme,  ni  pour  ses  malheurs  d'épouse. 
Des  paroles  cruelles  qui  retentirent  alors  à  son 
oreille,  Sophie  conserva  toute  sa  vie  un  douloureux 
et  terrible  souvenir  !  Jusqu'au9  thermidor,  elle  crut, 
chaque  jour,  qu'elle  serait  arrêtée  à  son  tour.  Elle 
eut  de  fréquentes  visites  du  Comité  révolutionnaire 
d'Auteuil.  Un  jour,  il  y  eut  une  perquisition  chez 
elle  ;  on  lui  dit  même  de  préparer  son  paquet  pour 
aller  en  prison.  Mais  elle  s'en  tira  encore  une  fois 
en  faisant  le  portrait  de  chacun  des  membres  du 
Comité. 

Enfin,  le  soin  de  sa  sûreté  et  le  désir  de  sauve- 

{;arder,  s'il  était  possible,  la  fortune  de  sa  fille, 
'obligèrent  à  faire  une  démarche  qui  lui  fut  très 
pénible.  Le  14  janvier  4794,  elle  se  présenta  de- 
vant la  municipalité  d'Auteuil  pour  lui  fnire  con- 
naître son  intention  de  divorcer  et  de  continuer  à 
vivre  dans  la  commune  «  comme  une  artiste  qui 


cherche  à  subsister  paisiblement  par  ses  tra- 
vaux >  (i). 

Mme  de  Condorcet,  réintégrée  dans  ses  biens, 
continua  à  habiter  parmi  nousjusqu^en  4800.  Le 
mariage  de  sa  sœur  avec  Cabanis  et  l'établissement 
du  jeune  ménage  dans  la  propriété  de  Mme  Helvé- 
tins,  l'avaient  retenue  à  Auteuil.  La  mort  de  celle 
que  Franklin  appelait  N.-D.  d'Auteuil,  arrivée  au 
mois  d'août  4800,  dispersa  les  habitués  de  la  mai- 
son. Mme  de  Condorcet  s'établit  alors  à  la  Maison- 
nette, au-dessus  de  Meulan.  Elle  y  recevait, 
comme  elle  faisait  à  Paris  avant  4789,  toutes  les 
illustrations  de  la  France  et  de  l'étranger  :  Benj. 
Constant,  Baggesen,  Manzoni,  Guizot  et  tant 
d'autres. 

Au  mois  de  septembre  4822,  la  névralgie  dont 
elle  souffrait  depuis  longtemps  prit  subitement  un 
caractère  des  plus  alarmants.  Au  milieu  de  ses 
cruelles  souffrances,  elle  ne  retrouvait  auelque 
force  que  pour  s'entretenir  des  besoins  et  du  sort 
futur  des  pauvres  qu'elle  avait  coutume  de  secou- 
rir, et,  lorsque  sa  langue  devint  embarrassée,  ce 
furent  encore  les  noms  de  ces  personnes  qu'elle 
prononça  le  mieux  et  qu'elle  répéta  le  plus  sou- 
vent. 

La  douleur  de  ses  parents,  de  ses  amis  et  de 
ses  protégés  fut  navrante. 

Son  souvenir  aimé,  gardé  comme  un  culte  par 
tous  ceux  qui  l'ont  approchée,  vivra  toujours. 

C'est  que,  à  l'éternelle  beauté  dont  elle  fut  l'un 
des  types  les  plus  parfaits,  elle  sut  joindre  la  dou- 
ceur qui  charme,  l'esprit  qui  pénètre  et  la  charité 
qui  purifie. 

Antoine  Guillois. 


VOLNEY 

Franklin,  comme  il  venait  de  rentrer  en  Amé- 
rique après  avoir  rempli  la  mission  glorieuse  qui 
lui  avait  été  confiée,  adressa  sa  première  lettre 
aux  amis  qu'il  avait  quittés  et  qui  ne  pouvaient  se 
consoler  de  son  départ. 

«  Donnez-moi,  leur  écrivait-il,  des  nouvelles 
de  l'Académie  des  belles-lettres  d'Auteuil,  de  la 
bonne  Dame  que  nous  aimons  tons  et  dont  je 
chérirai  le  souvenir  tant  qu'il  me  restera  un  souffle 
de  vie  ;  toutes  les  fois  que,  dans  mes  rêves,  je  me 
transporte  en  France  pour  y  visiter  mes  amis, 
c'est  d'abord  à  Auteuil  que  je  vais.  » 

Volney  fut  un  des  plus  grands,  le  plus  original 
peut-être  de  ces  philosophes  et  de  ces  écrivains 
qui  se  réunissaient  autour  de  Mme  Helvétius  dans 


(i)  Le  divorce  fut  prononcé  le  i8  mai,  c'est-à- 
dire  plus  de  six  semnines  après  la  mort  ijfnorée 
de  Condorcet  :  «  Pour  cause  de  séparation  de 
fait,  depuis  plus  de  six  mois,  la  dame  «  Grouchy 
«  étant  domiciliée  dans  la  commune  depuis  deux 
«  ans  et  demi  et  ledit  Condorcet  étant  séparé 
<«  d'elle  depuis  plus  de  dix  mois  par  son  eva- 
«  sion.  •»  Signé  :  P.-J.-G.  Cabanis,  médecin, 
36  ans,  domicilié  à  Auteuil,  témoin,  et  Benoît, 
officier  public.    Le   divorce   fut   une   précaution 

3ue  prirent,  à  cette  époque,  beaucoup  de  femmes 
'émigrés. 


ANNEXES 


457 


cette  chapelle  «  où  Ton  fêtait  encore  les  saints 
de  rencyclopédie  »,  dans  ce  salon  oii,  comme  on 
Ta  dit,  «  les  Etats  Généraux  de  Tesprit  humain  » 
tinrent  nn  moment  lears  assises  immortelles. 

Et  Toi  là  pourquoi.  Messieurs,  un  habitant  d*Âu- 
teuil,  un  petit-fils  des  idéologues,  qui  fut  un  jour 
leur  historien,  a  le  grand  honneur  de  prendre  au- 
jourd'hui la  parole  derant  tous. 

Mme  HelTétius,  après  la  mort  de  son  mari  et 
rétablissement  de  ses  deux  tilles,  était  Tenue  se 
fixer  dans  Thumble  TÎllage  où  Ton  jouissait  alors, 
malgré  la  proximité  de  la  capitale,  du  calme  paci- 
fique des  champs  et  de  la  poésie  des  larges  hori- 
zons dans  des  campagnes  boisées. 

Dans  une  maison  modeste,  entourée  d'un  grand 
jardin  où  les  arbres  les  plus  rares  dissimulaient, 
dans  leurs  verdures,  des  volières  d'oiseaux  chan- 
teurs, la  maltresse  du  logis,  Notre-Dame  d'Au- 
teuil  —  c'est  ainsi  qu'on  l'appelait  —  n'avait 
d'autre  luxe  que  de  reccToir  ceux  dont  l'affection 
aTait  sunrécu  à  la  double  épreuve  du  temps  et  du 
malheur. 

L'abbé  La  Roche,  Morellet,  Chamfort,  Maies- 
herbes,  Tnrgot,  Sieyès,  Garât,  Roucher,  Cabanis 
étaient  les  hôtes  habituels  de  la  maison. 

Cabanis,  grand  et  délicieux  jeune  homme,  à  la 
parole  ardente,  à  l'esprit  toujours  en  éTeil,  au  cœur 
si  doux  qu'on  Ta  pu  comparer  pour  sa  bienfai- 
sance à  Fénelon  et  l'appeler  Tangélique  Cabanis, 
Cabanis  sTait  présenté,  un  jour,  à  Mme  HelTétius, 
Totre  illustre  compatriote. 

Retrouver  un  intérieur  où  l'amitié  lui  faisait  une 

Î^lace  de  choix,  aToir  constamment  sous  les  yeux 
e  spectacle  de  cette  bonté  et  de  cette  joie  tran- 
quilles, auréole  des  Tieillesses  heureuses,  c'était 
là,  certes,  une  bonne  fortune  (|ue  Yolney  devait 
d'autant  plus  goûter  qu'il  n'sTait  connu  jusqu'a- 
lors de  la  vie  que  les  cruautés  et  les  amertu* 
mes. 

Il  jouissait  pleinement  de  son  bonheur  pendant 
ces  années  charmantes  qui  suivirent  l'avèoement 
de  Louis  XYI,  années  dont  on  a  dit  que  ceux  qui 
ne  les  aTait  pasconnuesavaient  ignoré  ce  que  c'est 
que  la  douceur  de  vivre. 

Toujours  prêt  pour  le  combat,  lutteur  préférant 
l'offensive,  Volney,  certes.  Tétait  toujours,  et  le 
sa|[e  Franklin,  s'approchant  du  groupe  où  il  cau- 
sait avec  animation  dans  un  coin  du  salon,  le  lui 
avait  bien  dit  :  €  A  votre  âge,  l'àme  est  en  de- 
hors. Au  mien,  elle  est  en  dedans.  » 

Mais  l'ardeur  de  la  jeunesse  et  le  frémissement 
de  la  vocation  allaient  arracher  Volney  à  la  dou- 
ceur de  cette  vie  trop  calme  à  son  gre. 

Il  partit  en  4783  et,  ouand  il  revint,  tout  était 
changé.  Les  théories,  discutées  avec  éclat  chez 
Mme  Helvétitts,  entraient  dans  la  pratique  du  pou- 
voir. \a  Révolution  commençait  à  gronder.Auteuil, 
comme  la  grande  ville,  allait  en  connaître  bientôt 
les  tragiques  beautés  et  les  cruelles  horreurs. 

Membre  de  la  Constituante,  Volney  avait  repris 
sa  place  au  foyer  hospitalier.  Dans  la  journée, 
chacun  allait  à  ses  devoirs  ;  mais,  le  soir,  on  ren- 
trait à  Anteuil  pour  se  retrouver  tous,  groupés 
comme  autrefois,  autour  de  la  maltresse  de  maison 
qui  ne  Tieillissait  pas. 

Le  15  juillet  4789,  Cabanis  était  à  Versailles. 
n  parlait,  aTec  son  ardeur  accoutumée,  des  éTéne- 


ments  de  la  Teille,  et  les  auditeurs  séduits  faisaient 
cercle  autour  de  lui,  lorsque  Mirabeau  Tint  à  pas- 
ser et  demanda  quel  était  ce  jeune  homme.  Volney 
nomma  Cabanis,  qu'il  présenta  au  tribun.  Celui-ci 
entretint  longuement  le  médecin-philosophe  et, 
quand  ils  se  séparèrent,  l'amitié  était  née,  amitié 
qui  allait  bientôt  se  traduire  par  une  collaboration 
de  tous  les  jours  et  qui  ne  devait  cesser  qu'au  lit 
de  mort  de  l'orateur. 

Volney,  de  son  côté,  était  resté  fidèle  et  comme, 
à  une  séance,  Mirabeau  montait  à  la  tribune  au 
milieu  des  cris  de  ses  adversaires  :  «  Hier,  au 
Capitule!  Aujourd'hui,  à  la  Roche  Tarpéïenne  !  » 
s'écria  Vohiey.  Mirabeau  eut  un  sourire  de  remer- 
ciement. 

Au  mois  d'août  de  cette  année  4791 ,  votre  com- 
patriote faisait  paraître  son  grand  ouvrage  tes 
huines.  «  Il  livrait,  comme  il  l'écrivait  à  Garât, 
son  Taissean  aux  Tents  et  à  la  fortune,  sous  les 
auspices  d'une  bonne  conscience  et  l'amour  de  la 
Térité.  » 

Deux  ans  plus  tard,  c'étaient  là  des  titres  à  la 
captivité  et  souvent  à  la  mort.  Volney  resta  dix 
mois  dans  les  cachots  de  la  Terreur.  Il  en  sortit 
plus  doux,  plus  accueillant,  pourquoi  ne  dirais-jo 
pas  le  mot,  plus  humble.  Il  avait  des  paroles  d'in- 
dulgence et  de  haute  humanité  ;  pruoent  et  sage, 
il  reservait  sa  colère  pour  le  régime  décemviral  et 
pour  Jean-Jacques  Rousseau  qu'il  en  rendait  res- 
ponsable. €  11  était,  dit  Sainte-Beuve,  redevenu 
pacifique,  modéré,  disciple  de  Franklin,  un  philo- 
sophe d*Auteuil.  P 

Après  la  tourmente  et  en  vertu  même  d'une  loi 
historique  fatale,  le  pouvoir  devait  appartenir  aux 
vaincus  et  aux  opprimés  de  la  veille.  Les  idéolo- 
gues, —  c'est  eux-mêmes  qui  se  donnèrent  ce  nom, 
—  arrivaient  au  |;ouvernement  dans  les  condi- 
tions les  plus  difiiciles.  Tout  était  à  recons- 
truire. 

La  Constitution  de  l'an  III  fut  leur  ouvrage  et 
devint  la  charte  de  leur  politique.  Ces  aimables 
rêveurs  pouvaient  croire  de  bonne  foi  à  sa  durée; 
mais  auraient-ils,  dans  la  pratique  du  pouvoir, 
les  qualités  indispensables  de  science,  de  force  et 
d'énergie  ? 

U  48  brumaire  répondit  à  cette  question,  et 
l'enthousiasme  qu'il  provoqua  à  Anteuil,  comme 
dans  toute  la  France,  est  la  preuve  même  de  l'im- 
puissance des  théories  humaines  quand  elles  sont 
aux  prises  avec  les  événements. 

Pendant  que  ses  amis  et  lui  étaient  au  pouvoir, 
Volney,  au  printemps  de  4795,  avait  reçu  la  vi- 
site de  Bonaparte.  Le  général  était  en  disgrâce. 
Découragé,  il  voulait  prendre  du  service  soit  en 
Turquie,  soit  en  Russie. 

Volney  le  consola,  le  détourna  de  ses  projets  et 
l'invita  à  venir  le  lendemain,  déjeuner  chez  lui 
avec  La  Réveillère-L^peaux.  La  conversation  de 
Bonaparte  frappa  le  représentant,  déjà  prévenu  en 
sa  faveur.  La  Réveillère,  à  son  tour,  présenta 
quelques  jours  après  le  général  à  son  collègue 
Barras.  On  sait  le  reste  ;  mais  on  peut  dire  que  le 
nom  des  idéologues  se  trouve  à  l'origine  de  la 
carrière  et  de  la  fortune  de  Napoléon. 

Volney  partit  peu  de  temps  après  pour  l'Amé- 
rique. 

C'est  là  qu'il  apprit  sa  nomination  à  l'Institut 


458 


HISTOIRE   DU   XVI'   ARRONDISSEMENT 


et  l*élé?ation  de  Bonaparte  tu  commandement  de 
Tarmée  d*Italie.  Volney  le  connaissait  déjà  depuis 
son  voyage  en  Corse,  au  temps  delà  Constituante, 
et  il  dit  aussitôt  :«  Pour  peu  que  les  circonstances 
le  secondent,  ce  sera  la  tète  de  César  sur  les 
épaules  d'Alexandre  !  » 

Quelques  jours  avant  le  18  brumaire,  Volney, 
déjà  gagné  à  la  cause  du  général,  se  trouvait  à 
Auteuil  quand  Napoléon  vint  y  rendre  visite  à  la 
veuve  d'Helvétius.  Le  futur  consul  s'y  montra 
dans  tout  le  charme  de  sa  séduction  incompara- 
ble ;  il  s'entretint  longuement  avec  Cabanis  et 
Volney.  Ce  fut  ce  jour-là  que,  s*étonnant  devant 
Mme  Helvétius  de  la  petitesse  du  parc  d* Auteuil, 
il  reçut  d'elle  cette  réponse  spirituelle  :  «  Vous  ne 
savez  pas,  général,  tout  le  bonheur  qu'on  peut 
trouver  dans  trois  arpents  de  terre.  » 

On  a  reproché  à  Volney,  comme  à  tous  les 
idéologues,  sa  participation  au  48  brumaire  ;  Ca- 
banis a  répondu  pour  tous  :  «Quelques  personnes 
assez  malheureuses  pour  ne  chercher  dans  les  ac- 
tions humaines  que  des  vues  coupables  ou  viles 
s'efforcent  de  rapporter  à  certaines  ambitions 
personnelles  la  cause  de  ce  dernier  mouvement... 
Elles  sont  à  plaindre  de  ne  pouvoir  pas  même 
supposer  ou'il  existe  des  âmes  assez  généreuses 
pour  attacher  tout  leur  bonheur  au  souvenir  d'un 
grand  service  rendu  au  pays.  > 

L'adhésion  de  Volney  était,  du  reste,  absolu- 
ment désintéressée; il  refusa  la  place  de  troisième 
consul  et  le  ministère  de  l'intérieur.  En  revanche, 
il  fut  un  des  trente  et  un  premiers  membres  du 
Sénat  conservateur  :  il  s'y  retrouvait  avec  Cabanis, 
Choiseul-Praslin,  Destuttde  Tracy,  tous  ses  vieux 
amis  d'Auteuil. 

Les  honneurs  le  laissaient  froid  ;  il  les  recevait 
sans  enthousiasme  et  il  ne  s'en  parait  point.  On  a' 
souvent  cité,  et  aujourd'hui  encore,  la  lettre 
charmante  qu'il  écrivait  à  un  de  ses  amis,  ptiur 
lui  annoncer  qu'il  avait  été  fait  comte  et  que 
l'Empereur  l'avait  nommé  commandeur  de  la  Lé- 
gion d'honneur. 

Les  dernières  années  de  Volney  furent  consa- 
crées à  la  science,  aux  bonnes  œuvres,  et  au 
culte  d'un  foyer  qui  lui  donnait,  dans  sa  vieillesse, 
la  chaleur  qui  avait  manqué  à  son  adolescence. 

Mme  Helvétius  était  morte  au  début  du  siècle; 
Cabanis  l'avait  suivie  bientôt  dans  la  tombe  ;  Tracy. 
seul,  survivait  des  amis  d'autrefois.  Hais  Auteuil 
n'avait  plus  qu'un  attrait  mélancolique  pour  Vol- 
ney, qui,  dans  les  derniers  jours  de  sa  vie,'n'yviut 
plus  que  très  rarement. 

Le  village  de  jadis  est  devenu  l'un  des  quar- 
tiers de  la  srande  ville  ;  placé  comme  aux  avant- 
postes,  pendant  l'année  terrible,  il  a  beaucoup 
souffert  du  premier  siège  et  l'insurrection  a  com- 
plété la  tâche  barbare  oes  ennemis.  La  maison  de 
Mme  Helvétius  a  été  brûlée  au  mois  de  mai  1871. 

Vous  non  plus.  Messieurs,  dans  cette  province 
pourtant  moins  accessible  aux  révolutions,  vous 
ne  possédez  plus  la  maison  natale  de  celui  que 
nous  honorons  ensemble  aujourd'hui. 

VoloejT,  si  son  ombre  assiste  à  cette  cérémonie, 
ne  saurait  s'étonner  de  ces  ruines  qui  jalonnent  le 
chemin  de  l'humanité. 

Il  verrait,  du  moins,  ^ue  nous  avons  gardé  son 
souvenir  et  gloritié  son  image. 


Sur  les  débris  des  demeures  qu'il  a  le  plus  ai-' 
mées,  son  âme,  pensive  comme  autrefois,  mais 
souriante  enfin,  vous  remercierait  d'avoir  aussi 
noblement  consacré  son  immortalité. 

Antoine  Goillois  (1). 


TUR60T  A  AUTEUIL 


Les  quelques  lignes  qui  suivent,  et  que  M.  Guil* 
lois  a  bien  voulu  donner  sur  notre  demande,  ne 
figurent  ici  en  quelque  sorte  qu'en  attente  et 
pour  sacrifier  à  l'actualilé.  La  presse,  en  effet, 
s'est  récemment  occupée  de  Turgot,  h  l'occasion 
des  recherches  faites  pour  connaître  le  lieu 
exact  de  sa  sépulture.  Nous  croyons  pouvoir  laisser 
espérer  aux  lecteurs  du  BuUelin  une  série  d'ar- 
ticles dans  lesquels  M.  Guil  lois  fera  revivre  tour 
à  tour  non  seulement  Turgot,  mais  encore  quel- 
ques autres  de  ces  personnages  qui  fréquentaient 
chez  Mme  Helvétius,  et  dont  il  parle  si  bien 
qu'on  croirait  que,  nouveau  comte  de  Saint-Ger- 
main, il  a  déjà  vécu  parmi  eux. 

L.  S.  G. 


Turgot  était  encore  en  Sorbonne  et,  portant  le 
petit  collet,  jouait  à  la  paume  avec  Mlle  de  Ligni- 
ville,  chez  Mme  de  Graffigny,  tante  et  mère 
adoptive  de  ladite  demoiselle  de  Ligniville  — 
Mme  Helvétius  dans  la  suite. 

Il  l'avait  surnommée  Minette,  et  Mme  Helvé- 
tius, à  son  tour,  rendit  plus  tard,  ce  surnom  à 
ma  grand-mère,  ËulalieRoucher,  devenue  Mme  Guil- 
lois. 

Turgot  était  un  assidu  de  la  maison  d'Auteuil. 
Après  la  mort  d'Helvétius,  —  et  avant  Franklin, 
qui  fit  la  même  demande,  —  il  sollicita  vainement 
la  main  de  Notre-Dame  d'Auteuil. 

Turgot  amena  à  Auteuil  mon  arrière-graod-père, 
le  poète  Roucher  (voir  la  lettre  dâiciense  de 
Turgot  à  mon  aïeul,  dans  mon  livre  Pendant  la 
Terreur),  et,  à  son  tour,  Roucher  présenta  à 
Mme  Helvétius  le  doux,  l'angélique  Cabanis. 

Tels  sont  les  liens  qui  rattachent  Tui^ot  à  notre 
village. 

Anioine  GuiLLOiS. 


PREMIÈRE    PROMENADE    HISTORIQUE 

DE   LA  SOCIÉTÉ  BISTOBIQUE  o'aDTEUIL  ET   DE  PASST 


Le  dimanche  13  octobre  dernier,  a  eu  lieu, 
favorisée  par  un  temps  superbe,  la  première  pro- 
menade historique  de  la  Société.  Elle  était  présidée 
par  M.  Eug.  Manuel,  notre  président,  et  dirigée 
par  M.  Ant.  Guillois. 

S'étaient  fait  exuser  de  ne  pouvoir  y  prendre 


(i)  Discours  prononcé  à  Tinauguralion  de  la  ala^ 
lue  de  Volney  à  Craon,  le  9o  octobre  1898. 


ANNEXES 


459 


part  :  M.  Seré-Depoin,  président  de  la  Société  du 
VeiÎD  français,  retenu  par  un  deuil  cruel  ;  MM.  Ma- 
reuse,  Vaquez,  Cbapuy,  Bagros,  membres  de  la 
Société:  M. Lorin,  secrétaire  général  de  la  Société 
archéologique  de  Rambouillet. 

M.  Lefebrre,  membre  de  cette  dernière  Société, 
avait  bien  voulu  tenir  de  Rambouillet  pour  se 
joindre  à  nous.  M.  Couet,  archiviste  adjoint  k  la 
G>médie-Française,  secrétaire  du  Comité  des  Ins- 
criptions parisiennes,  avait  également  demandé  à 
suivre  la  promenade. 

Étaient  présents:  Mmes  Eugène Manuel.la mar- 
quise de  TEglise,  Chochod-Lavergne,  Brunet, 
Petrovith, Michel;  Mlles Pelingem,  Gobé,  Chocbod- 
Laver^pe,  Vasticar,  etc.  ;  MM.  Eugène  Manuel,  le 
marquis  et  le  comte  de  TEglise,  Gobé,  Bauche, 
Couet,  Vasticar,  Petrovitch,  de  Méric,  Gaston  Le- 
moine,  G.  Ducbesne,  le  D^  Henry,  Escard, Michel, 
Pérois,  Levassor,  Besnard,  Alfred  Guillois,  etc. 
En  tout,  soixante  peronnes  environ. 

Se  joignirent  en  cours  de  route  à  la  réunion  : 
MM.  Barthélémy  Raynaud  et  Fernand  Bournon, 
puis  M.  Alfred  Guérin,  venu  pour  demander  son 
inscription  parmi  les  membres  de  la  Société  his- 
torique (i). 

A 1  h.  35,  la  réunion  quittait  la  place  duMarché 
(ancienne  propriété  Boufflers)  pour  se  rendre, 
presque  en  face,  à  la  tnaison  de  Mme  Helvétius, 
occupée  aujourd'hui  par  l'Ecole  normale  Israélite 
orientale. 

Nous  avons  été  parfaitement  accueillis  par 
M.  Marx,  directeur  de  cette  institution.  Dans  la 
cour, M.  Guillois  a  indiqué  rem[)lacement exact  et  la 
distribation  de  l'ancienne  habitation  de  Mme  Hel- 
vétius.  Il  a  rappelé  les  noms  des  hôtes  célèbres  de 
cette  maison  :  Cabanis,  Laroche,  Moreliet  ;  ceux 
des  visiteurs  habituels:  Chamiort,  Boucher,  Dide- 
rot, Franklin.  Tout  ce  que  le  xviu®  siècle  compta 
d'hommes  illustres  défila  sous  les  ombrages  de  ce 
parc,  où  s'élèvent  encore  deux  acacias  qui  ont  vu 
cette  époque  déjà  lointaine.  En  parcourant  ces 
jardins  oii  Bonaparte  était  venu  et  avait  appris 
€  tout  ce  qu'il  y  a  de  bonheur  dans  trois  arpents 
de  terre  »,  M.  Guillois  a  rappelé  la  journée  du 
18  brumaire,  l'écho  qu'elle  eut  dans  la  petite  mai- 
son d'Auteuil,  la  visite  du  vainqueur  de  l'Italie  ; 
il  s'est  étendu  sur  les  habitudes  généreuses  et 
charmantes  de  Mme  Uelvétius,  qui  n'oubliait  pas 
plus  les  habitants  du  village  que  ses  oiseaux  et 
ses  chats. 

U  a  fait  revivre  les  voisins  de  la  propriété  ;  en 
face,  de  l'autre  côté  de  la  rue,  c'était  la  comtesse 
de  BouflOers  ;  adroite  le  château  du  Coq,  qui  appar- 
tint successivement  à  Louis  XV,  au  bijoutier  Strass, 
au  ministre  Joly  de  Fleury,  au  sénateur  Le  Cou- 
tenlx  de  Canteleu  ;  à  gauche,  c'est  la  maison  et 
le  parc  des  demoiselles  de  Verrières,  on  nous  serons 
tout  à  l'heure:  Au  fonddelapropriété,  un  pavillon 
construit  pour  Cabanis,  habité  par  lui  jusqu'en 
iSOO  et  qui  ne  fut  démoli  qu'en  iS77,  après  avoir 
abrité  longtemps  la  dépouille  mortelle  de  Mme  Hel- 
vétius,  surnommée  pour  sa  bonté  inépuisable 
Notre-Dame  (TAuteuil, 

(i)  Le  Secrétaire  général,  retenu  par  un  deuil  de 
famille,  ne  pouvait  rejoindre  ses  collègues  que 
vers  la  fia  de  la  promenade. 

*^  N.  p.  h.  R 


En  d772,  la  veuve  du  philosophe  avait  acheté 
cette  propriété  au  peintre  pastelliste  Quentin  de  la 
Tour;  elle  resta  dans  la  famille  jusqu'en  4817  et 
compta  depuis,  parmi  ses  propriétaires,  M.  Thu- 
ret,  ambassadeur  des  Pays-Bas,  et  le  prince  Pierre- 
Napoléon  Bonaparte.  On  sait  ses  destinées.  Incen- 
diée en  i  871,  elle  foi  remplacée  par  l'hôtel  moderne 
qu'occupe  aujourd'hui  l  École  normale  israélite 
orientale. 

Il  n'était  pas  possible  de  ne  pas  parler  en  ces 
lieux  des  deux  tilles  de  Mme  Bel  vétius,  Mmes  de 
Mun  etd'AndIau,  ^ue  Franklin  appelait  les  f^oi/es 
et  que  la  Révolution,  en  souvenir  de  leur  père, 
avait  nommées  les  filles  de  la  nation. 

U  était  moins  possible  encore  d'oublier  et  les 
visites  de  Condorcet,  et  le  mariage  de  Cabanis,  et 
surtout  l'amitié  qui  liait  Frankun  à  la  maltresse 
du  lo|^is.  A  ce  propos,  M.  Guillois  a  lu  cette  partie 
du  dialogue  entre  FVanklin  et  la  goutte,  daté  de 
Passy,  â§  octobre  4780.  —  et  qui  rappelle  bien 
toute  la  spirituelle  bonhomie  du  grand  philosophe  : 

«  Regardez  votr»  amie  d'Auteuil,  une  femme 
qui  a  reçu  de  la  nature  plus  de  science  vraiment 
utile  qu'une  demi-douzaine  ensemble  de  vous,  phi- 
losophes prétendus,  n'en  avez  tiré  de  vos  livres. 
Quand  elle  voulut  vousfaire  l'honneur  de  sa  visite, 
elle  vint  à  pied.  Elle  se  promène  du  matin  jusqu'au 
soir  et  laisse  toutes  les  maladies  d'indolence  en 
partage  à  ses  chevaux.  Voilà  comme  elle  conserve 
sa  santé,  même  sa  beauté  ;  mais  vous,  quand  vous 
allez  à  Auteuil,  c'est  en  voiture.  Iln'y  apas  cepen- 
dant plus  loin  de  Passy  à  Auteuil  que  d'Auteuil  à 


Le  43  août  4800,  Mme  Helvétius  mourait  dans 
cette  demeure,  où  elle  avait  été  si  heureuse  et  autour 
de  laquelle  elle  avait  répandu  tant  de  bien.  De  ses 
mains  défaillantes,  elle  pressait  celles  de  l'angé- 
lique  Cabanis,  qui  l'appelait  <  ma  bonne  mère  », 
et  elle  répondait  :  «  Oui,  je  la  suis  toujours.  »  Elle 
fut  enterrée  au  bout  du  parc,  sur  le  désir  qu'elle 
en  avait  manisfesté,  sous  la  rotonde  qui  dominait 
le  pavillon  de  Cabanis.  Elle  y  resta  jusqu'en  4847. 

Par  son  testament,  elle  laissait  la  jouissance  de 
la  propriété  à  Cabanis  et  à  Liroche,ses  deux  fidèles 
commensaux. 

Au  moment  où  nous  quittions  la  maison  de 
Mme  Helvétius,  quelques  âèves  de  l'Ecole  normale 
Israélite  nous  demandèrent  la  permission  de  se 
joindre,sous  la  conduite  de  leur  sous-directeur,  à 
notre  excursion. Cette antoritation  leur  fut  accordée 
bien  volontiers  et  nous  en  profitâmes  pour  appren- 
dre d'eux  le  rôle  de  l'institution  et  ses  conditions 
d'existence. 

L'Ecole  normale  israélite  orientale  a  pour  but 
de  recevoir  les  meilleurs  élèves  des  écoles  israé- 
lites  établies  en  Orient  et  en  Afrique  et  de  les  per- 
fectionner, par  des  cours  qui  durent  quatre  ans, 
dans  la  connaissance  de  la  langue  française  et  des 
langues  orientales,  de  façon  à  les  metti*e  à  même 
de  distribuer  à  leur  tour  renseignement  primaire 
et  de  surveiller  les  institutions  Israélites  d'en- 
seignement professionnel  ou  agricole. 

Les  élèves,  au  cours  de  leurs  études,  subissent 
les  examens  pour  le  brevet  de  capacité  d'instituteur 
en  France  et,  4  l'expiration  de  la  quatrième  année, 
ceux  du  brevet  supérieur. 

Les  dépenses  de  l'Ecole  sq  sont  montées,en4894, 


HISTOIRE   Dl'    XVI''   ARRONDISSEMENT 


venir  du  fabalUle,  qiù  donna  le  nom  à  11  rue 
iiraélile  unifenellé.  L'Ecole  possède,  en  outre,      qui  d'Aateuil  conduit  i  Passy. 
proTenant  de  deux  legs,  up  capital  de  !}3.0C0fr,         Nous  arriioog  alors  au  d°  43  de  la Grande-Rii« 


Vers  2  heures  et  demie  nous  passions  devant  d'Auteuil  ;  c'esl  lu  que  demeuraient,  il  y  a  on  peu 

l'ancien  emplacement  de  h  fontaine  d'Aiilenit.  plus  d'un  siècle,  les  demoiselUi  de  Verrièret. 

dont  l'eau   était  si  pare  que  le  roi,  lors  de  ses  Mme   Rapy,    aujourd'hui  propriétaire    de   cette 

Toyages   à  la  Muette,   ne  voulait  pas  en   boire  magnifique  demeure, voulut  recevoir  elle- même  les 

d'autre.  C'est  cette  fontaine,  et  non  pas  le  sou-  membres  de  la  Société,  et  son   gracieui  accueil 


ANNEXES 


46i 


proiohi^éa  Tillasion  des  souvenirs  peadant  toàte 
cette  Tisile  d*ane  habitation  où  rien  n*a  été  changé 
depuis  que  les  amies  da  maréchal  de  Saxe  y 
demearaient. 

C'est  le  dernier  vestige  complet  du  xyiii*  siècle 
dans  notre  «piartier;  c'est  le  bijou,  le  joyau  de 
notre  Auteuil  contempoi'ain,  la  plus  belle  pro- 
priété assurément  de  tout  le  XVI*  arrondisse- 
ment. 

C*est  là  que,  vers  4740,  MUe  Antier  recevait 
la  cour  et  la  ville  ;  là,  dans  ce  parc  où  les  vases 
de  marbre  alternent  avec  les  berceaux,  les  colon- 
nades et  les  statues,  qu'en  i744  cette  aimable 
actrice  célébra  une  fête  pour  la  convalescence  du 
roi.  Vers  i  7S0,  la  propriété  passa  entre  les  mains 
de  Geneviève  et  de  Marie  de  Verrières,  celle-ci 
arrière-grand'mère  de  George  Sand. 

Le  théâtre  subsiste  encore  dans  une  propriété 
aujourd'hui  voisine,  chez  Mme  Boullay.  On  y 
joua  la  Partie  de  Chasse  de  Henri  IV,  de  Collé, 
et  Camille  et  Constance,  de  Colardeau,  un  des 
amis  de  la  maison. 

Au  15  août,  jour  de  la  fête  de  Marie  de  Ver- 
rières, il  y  avait  des  danses  champêtres  sur  les 
pelouses,  des  repas  et  des  feux  d'artifices. 

M.  Guiliois  s'est  borné  à  rappeler  un  long 
article  consacré  par  lui,  dans  notre  Bulletin,  à 
cette  propriété  historique,  et,  après  avoir  fait  le 
tour  du  parc,  on  a  pris  congé  de  l'aimable  châte- 
laine. 

A  3  heures,  la  Société  passait  devant  }a  mai- 
son du  jardinier  de  Boileau  et  devant  le  fa- 
meux marronnier  planté  du  vivant  du  poète.  Nos 
Bulletins  renferment  plusieurs  études  sur  cette 
propriété  qui  appartient  aujourd'hui  à  M.  Perri- 
chont,  conseiller  municipal,  un  de  nos  membres 
donateurs. 

Puis  voici  la  maison  de  Hubert  Robert,  bien 
connue  maintenant  après  les  travaux  de  notre  col- 
lègue M.  Gabillot. 

Enfin,  à  3  heures  et  quart,  nous  arrivons  au 
Cimetière,  fondé  en  4800  par  M.  Benoit,  maire 
d* Auteuil,  agrandi  en  4807  grâce  à  la  générosité 
du  sénateur  Le  Couleulx  deCanteleu. 

A  gauche,  en  entrant,  M.  Guiliois  fait  remarquer 
une  table  de  pierre,  encastrée  dans  le  mur,  dont 
il  serait  bon  de  reproduire  l'inscription  dans  nos 
colonnes.  Le  musée  Carnavalet  désire  l'exposer 
dans  des  collections,  et  il  y  aurait  utilité  à  ce  que, 
auparavant,  nous  en  ayons  la  teneur. 
■  On  passe  devant  les  tombes  d'Ad.  Yvon,  de 
Gounod,  de  Gavarni,  de  Legonidec,  curé  d* Auteuil 
et  celtisant  illustre;  de  Musard,  qui  fut  notre 
maire;  d'Elias  Robert,  dé  la  famille  de  Cabanis, 
dé  Benoît,  de  Pérignon,  de  (jretet,  de  Rumford 
pour  arriver  à  la  tombe  de  Mme  Helvétius,  oii  la 
société  peut  remarquer  l'inscription,  de  son  nom. 
Voici  encore  les  pierres  tombales  de  la  comtesse  de 
Boufflers,  du  jeune  Corot,  frère  du  grand  peintre, 
artiste  lui-même  plein  de  promesses,  mort  à  Au- 
teuil, à  son  retour  de  la  ville  éternelle. 
.  Devant  le  monument  du  mathématicien  Legendre, 
nous  trouvons  notre  nouveau  collège,  M.  Guérin, 
administrateur  du  bureau  de  bienfaisance.  Sa  ren- 
contre était  tout  indiquée  en  ce  lieu,  Legendre  et 
sa  femme  ayant  laissé  toute  leur  fortune  à  la  com- 
mune d'Autcuil,  à  la  charge  de  bonnes  œuvres  et 


de  fondations  charitables.  La  tombe  du  savant  a 
été  lamentablement  ravagée,  en  4  87 1  ,par  les  obus. 
Ce  serait  pour  la  Société  une  trop  lourde  charge 
pécuniaire  que  de  la  rèédifier;  et,  du  reste,  il 
semble  bien  que  c'est  à  l'Assistance  publique  qu'in* 
combe  ce  devoir  de  reconnaissance.  M.  Guérin 
l'admet  volontiers,  et  nous  promet  de  s'employer 
de  tout  son  pouvoir  pour  obtenir  cette  réparation. 
-  La  réunion  se  rend, par  la  rue  Chardon-Lagache, 
à  la  maison  de  Choiseui-Praslin  et  à  l'église  d'Au- 
teuil,  où  se  terminera  l'excursion. 

Au  n®  29  de  cette  rue,  on  s'arrête  un  instant 
devant  la  maison  mortuaire  de  Gavarni,  Voici 
maintenant  Sainte-Périne,  chSimp  de  bataille, 
témoin  en  4844  d'un  sérieux  engagement  de  cava- 
lerie ;  c'est  là  que  commençait  le  parc  seigneurial 
des  Génovéfains. 

A  notre  gauche,c'est  l'école  J.-B.^  Say,autrefois 
le  château  Temaux  ;  puis  voici  la  maison  de  notre 
savant  confrère,  M.  Mauréau,  de  l'Institut.  Elle  a 
vu  passer  successivement  Georges  de  la  Fayette, 
Victor  de  Tracy,  Lenormand,  Mme  Récamier. 

Devant  l'entrée  actuelle  de  la  maison  Chardon- 
Lagache  on  voyait  encore,  il  y  a  cinquante  ans, 
les  pierres  de  la  justice  seigneuriale. 

La  réunion  fait  ensuite  une  station  devant  la 
colonne  d'Aguesseau.  C'est  là,  à  la  pointe  ex- 
trême de  l'ancien  cimetière,  qui  s'étendait  triangu- 
lairement  devant  l'église,  que  Mmed'Agoesseau, 
morte  en  4735,  demanda  à  être  enterrée  .'En  4754, 
le*  chancelier,  son  mari,  vint  l'y  rejoindre.  Un 
monument  avait  été  élevé,  en  cet  endroit,  parles 
ordres  et  aux  frais  du  roi  Louis  XV.  Il  fut  détroit 
en  47d3  ;  les  cercueils  furent  violés  et  dépouillés 
de  leurs  ornements.  Cependant,  des  mains  pieuses 
avaient  recueilli  ces  dépouilloi  illustres,  et,  en 
Tan  IX,  le  monument  actuel  fut  construit  à  la 
place  de  l'ancien.  Le  maire  Benoit,  obéissant  aux 
ordres  des  consuls,  s'y  était  employé  avec  zèle  et, 
le  30  frimaire,  eut  lien  une  cérémonie  solennelle 
à  laquelle  assistèrent  le  préfet .  de  la  Seine,  le 
sous-préfet  de  Saint-Denis  et  toutes  les  notabilités 
d' Auteuil.  Le  maire  y  prononça  un  ^and  discours, 
qui  a  été  conservé.  La  Société  historique  est  la 
première  qui,  depuis  quatre-vingt-quinze  ans,  se 
soit  réunie  en  corps  autour  de  ce  monument. 

De  là,  on  se  rendit  à  la  maison  de  Chciseul" 
Praslin,  occupée  aujourd'hui  par  des  reli^ieusei 
dominicaines.  Ces  dames  nous  accueillirent  tr«s 
gracieusement,  et,  après  quelques  mots  consacrés 
au  sénateur  Choiseui-Praslin,  à  sa  femme,  qui 
voulut  que  son  cœur  fût  enterré  dans  le  jardin, 
auprès  d'un  fils  chéri  qu'elle  avait  perdu  ;  après 
avoir  rappelé  que  Mme  de  Praslin  avait  demandé 
que  cette  propriété  ne  fût  ni  vendue  ni  louée 
jusqu'à  la  septième  génération, — ce  qui  fit  qu'elle 
fut  prêtée  successivement  à  la  princesse  d'Hénin, 
au  comte  de  Lally-Tollendal  et  enfin  .à  Marie  de 
Quélen  de  la  Vauguyon,  princesse  de  Carignan, 
qui  y  mourut  d'une  façon  si  dramatiouele  40  fé- 
vrier 4  829  ;  —  après  avoir  rappelé  la  yisite  que 
fit  à  cette  maison,  en  4876,  S.  M.  rimpératnce 
du  Brésil,  M.  Guiliois  a  conduit  la  réunion  au 
Temple  de  Molière,  qui  se  trouve  dans  la  pro- 
priété. I^  €  dîner  d'Auteuil  »  fut  évoqué  sur  les 
lieux  mêmes  qui  furent  témoins  de  cette  scène 
douloureuse  et  joyeuse  à  la  fois  ;  et,  sans  se  pro- 


462 


HISTOIRE   DU   XVI**   ARRONDISSEMENT 


Doncer  d*ao6  façon  définitive  snr  remplacement 
exact  qu'occupait  la  demeure  de  Molière,  M.  Guil- 
lois,  appuyé  par  notre  président,  a  fait  remarquer 
que  la  construction  de  ce  temple,  en  ce  lieu,  aa 
début  du  siècle,  à  quatre-vingt-dix  ans  plus  près 
des  événements,  constituait  nue  présomption  se- 
rieuse  en  faveur  de  Thabitation  de  Molière  en  cet 
endroit. 

Quant  au  temple  lui-même,  menacé  de  destruc- 
tion prochaine,  s  il  n*est  pas  promptement  réparé, 
il  a  semblé  à  la  Société,  dans  une  discussion  entre- 
prise sur  les  lieux  mêmes,  au'il  n*était  pas  de  son 
ressort  de  s'en  occuper  :  d*abord,  il  y  a,  malgré 
tout,  incertitude  sur  remplacement;  puis,  ce 
monument  n'est  pas  contemporain  de  Molière; 
enfin,  queloue  intéressant  qu'il  soit,  il  est  placé  à 
l'intérieur  a  une  propriété  privée,  et  il  ne  semble 
pas,  dès  lors,  que  la  Société  ait  autre  chose  à 
formuler  qu'un  vœu  pour  l'entretien  de  ce  monu- 
ment par  les  soins  de  ses  propriétaires  actuels. 
,  Du  temple  de  Molière,  la  Société  s'est  rendue 
dansi  le  jardin  du  presbytère,  ancienne  propriété 
Destutt  de  Tracy.  lA,  les  ruines  de  l'ancienne 
église  d'Auteuil,  un  moment  conservées  dans  le 
parc  Ghardon-Ligache,  ont  été  érigées,  en  une 
sorte  de  petit  monument  encadré  de  verdure,  sur 
les  indications  de  la  Société  historiaue  et  par  les 
soins  et  sous  la  direction  de  notre  collègue  M.  l'ar- 
chitecte Hector  Guimard. 
.  On  est  entré  dans  l'église,  œuvre  de  notre 
illustre  confrère  M.  Vaudremer,  et,  après  en  avpir 
admiré,  l'architecture  ainsi  une  le  monument  de 
M^r  Lamazou,  ancien  curé  d  Auteuil,  on  se  pré- 
parait k  descendre  à  la  crypte,  pour  v  voir  la 
tombe  de  Mme  Ternaux  et  la  Mater  dolorosa  de 
Carpeaux,  lorsqu'on  apprit  que  cette  partie  de 
Tj^îlise  ne  pouvait  être  visitée,  par  suite  d'un 
office  qui  s'y  taisait  en  ce  moment. 

Vers  5  heures  on  se  séparait  ;  et  chacun  em- 
portait un  bon  souvenir  de  cette  première  prome- 
nade historique. 


UÊCOLC   JEAN-BAPTISTE-SAY 

Notre  aimable  collègue,  M.  Lévèque,  directeur 
de  l'Ecole,  a  adressé  au  Secrétaire  général  un 
exemplaire  de  son  rapport  au  Comité  de  patro- 
nage. 

C'est  un  devoir  pour  la  Société  de  donner  l'hos- 

Eitalité  de  son  Butletin  à  cet  important  travail. 
l'Ecole  Jean-Baptiste  Say  contribue  au  mouve- 
ment et  à  l'accroissement  de  la  population  d'Au- 
teuil  et  du  Point-du- Jour  et  à  l'instruction  de  ses 
enfants. 

L'Ecole  occupe  l'ancien  château  Ternaux,  dont 
la  cour  d'honneur  et  le  pavillon  central  disent  en- 
core le  grand  caractère.  Ce  château  avait  été  trans- 
formé successivement  en  une  teinturerie,  rattachée 
à  l'industrie  des  châles  Ternaux,  puis  en  une  ins- 
titution libre,  connue  sous  le  nom  de  pension  Lé- 
vègue,  enfin  en  l'institution  Notre- Dame-d' Auteuil, 
qui.  disparut  après  les  événements  de  4870. 


Les  bâtiments  et  les  terrains  furent  achetés  en 
f872,  snr  la  proposition  de  M.  Gréard,  alors  di- 
recteur de  l'Enseignement  primaire  de  la  Seine, 
et  par  l'entremise  de  M.  Margueriu,  administra- 
teur des  écoles  municipales  supérieures.  En  4873 
fut  fondée  l'Ecole  primaire  supérieure  d' Auteuil 
par  le  Conseil  général  ;  elle  faisait  partie  d'un 
plan  d'ensemble  qui  comprenait  une  école  nor- 
male d'instituteurs  et  une  école  primaire  élémen- 
taire. Bientôt  envahie,  tant  elfe  répondait  aux 
besoins  de  la  population,  elle  obtint  son  autono- 
mie en  4875,  fit  retour  à  l'administration  muni- 
cipale et  prit,  le  40  juin  4876,  le  nom  d'Ecole 
Jean-Baptiste-Sa^. 

La  propriété  fut  alors  divisée  en  deux  parties  à 
peu  près  égales:  Tune,  aflectée  à  l'Ecole  Say) 
l'autre,  i  l'Ecole  normale  et  à  son  annexe,  cons- 
truites aux  frais  du  département  de  la  Seine. 

Les  directeurs  de  l'Ecole  Jean-Baptiste-Say  ont 
été:  M.  Harffuerin  ;  M.  Contant,  pmfesseur  d'his- 
toire au  collège  Chaptal,  oh  il  est  retourné  en 
4888  comme  directeur.  C'est  M.  Lévèque,  ancien 
professeur  et  préfet  des  études  à  l'école  Turgot, 
puis  directeur  de  l'école  Colbert,  qui  la  dirige  au* 
jourd'hui. 

Pour  loger  les  nombreux  élèves  qui  s'inscrivaient 
à  l'Ecole,  il  avait  fallu  construire  des  annexes  un 
peu  à  la  hâte.  Un  jour,  on  avait  dû  les  étayer. 
Une  reconstruction  s'imposait.  Elle  fut  décidée  le 
48  juillet  et  commencée  le  48  décembre  4894. 

La  nouvelle  Ecole,  où  le  pavillon  central,  la 
cour  d'honneur  et  les  vieux  arbres  du  pare  ^ront 
seuls  conservés,  sera  disposée  pour  recevoir  300  in- 
ternes, 200  demi-pensionnaires,  400  externes 
surveillés,  400  externes  boursiers.  En  raison  de 
sa  situation,  c'est  surtout  à  l'internat  et  au, demi- 
pensionnat  qu'elle  doit  sa  raison  d'être.  En  l'an- 
née 4891-4892,  elle  avait  434  élèves  sédenUircs 
et  242  externes. 

Il  a  été  fonde  à  l'école  J.-B.-Say  un  certain 
nombre  de  bourses  par  la  Ville  de  Paris,  le  dé- 
partement de  la  Semé  et  le  général  Myliûs;  En 
outre,  grâce  à  la  fondation  de  deux  bourses  spé- 
ciales, de  4.500  francs  chacune,  sept  élèves  ont 
été,  depuis  le  mois  d'octobre  4889,  envoyés  en 
Allemagne  et  en  Angleterre.  Cet  exemple  a  été 
imité,  à  leurs  frais,  par  quarante-cinq  familles 
d'élèves  appartenant  à  Técole. 

Nous  n  avons  pas  à  faire  ici  l'éloge  d'un  enseî-' 

gnement  qui  est  donné  par  des  hommes  comme 
[.  Audra,  Proust,  nos  collègues,  etc.,  sous  l'ha- 
bile direction  de  M.  Lévèque.  Disons  seulement 
comment  se  divise  et  à  quoi  peut  mener  cet  en- 
seignement. 

fi  se  répartit  en  sept  années.  Dans  les  trois 
premières,  les  programmes  sont  ceux  des  écoles 
communales,  avec  cette  différence  que,  dès  la  pre*» 
mière  année,  les  élèves  ont  été  initiés  à  l'étude 
des  langues  vivantes.  Cette  période  est  close  par 
l'obtention  du  certificat  d'études  primaires  (de  8  à 
42  ans). 

L'enseignement  primaire  supérieur,  qui  vient 
ensuite,  comprend  trois  années  normales  d'études. 
Dans  les  deux  premières,  consacrées  aux  notions 
générales,  les  aptitudes  des  élèves  se  révèlent,  les 
professeurs  les  constatent.  En  troisième  année 
commence  la  spécialisation  des  études,et  les  élèves 


ANNEXES 


463 


se  parUgent  entre  la  section  indastrielle  et  la 
section  commerciale. 

Des  sections  de  préparation  anx  Ecoles  d'Arts 
et  Métiers  sont  annexées  an  cours  de  renseigne- 
ment primaire  supérieur. 

Ennn,  la  septième  année,  où  le  nifean  élevé  des 
létndes  s'expliqne  par  la  présence  de  boursiers 
ayant  chaque  année  justifié  de  leurs  aptitudes  et 
de  leurs  progrès,  est  partagée  en  trois  sections: 
industrielle,  commerciale,  préparatoire  à  TEcole 
•centrale  des  Arts  et  Manufactures. 

En  résnmé,  FEcoIe  J.-B.-Say,  yéritable  école 
préparatoire,  forme  des  candidats  an  baccalauréat 
de  renseignement  secondaire  moderne,  à  FEcole 
centrale,  à  FEcole  de  physique  et  de  chimie,  aux 
Ecoles  des  Arts  et  Métiers.  LUe  complète  Tinstmc- 
tion  commerciale  ou  industrielle  de  ceux  <|ui 
Yenlent  entrer  dans  le  commerce,  dans  Tindustrie, 
ou  s'associer  immédiatement  aux  travaux  de  leurs 
parents. 

Dans  ces  dernières  années,  quelques  élèves  ont 
même  été  admis,  grâce  à  un  concours  de  circons- 
tances spéciales,  à  TËcole  polytechnique,  à  Saint- 
Cyr,  à  1  Ecole  navale.  Mais,  en  principe,  Fécole 
Say  ne  peut  conduire  les  élèves  qu*au  baccalau- 
réat; ils  vont  ensnite  achever  leurs  études  dans 
les  colley  municipaux,  où  sont  organisés  des 
cours  spéciaux  préparatoires  &  ces  Ecoles. 

E.  P. 


LA    CHAMPMESLÉ   A   AUTEUIL 

Deux  fois  déjà,  j*ai  prononcé  devant  la  Société 
historique  le  nom  de  Champmeslé;  d*abord,  en 
vous  parlant.  Messieurs,  des  relations  de  Racine 
avec  Anteuii  et,  ensuite,  dans  mon  étude  sur  la 
vieille  église  de  ce  village. 

Par  une  de  ces  rencontres  littéruires  qui  ne  sont 
pas  rares  et  qui  font  dire,  avec  trivialité,  mais 
très  justement,  qu'un  sujet  est  dans  l'air,  au  mo- 
ment  même  où  je  vous  entretenais  de  la  Champ' 
mesié,  M.  Geôles  Monval,  l'aimable  archiviste 
de  la  Comédie-Française,  donnait  dans  ta  Revue 
d'art  dramatique  (n®  du  l"**  novembre  1892), 
une  étade  remarquable  sur  le  comédien-auteur  et 
sur  la  grande  tragédienne  qui  fut  sa  femme. 

Marie  Desmares,  fille  d'un  receveur  du  domaine 
de  Normandie,  était  veuve,  à  23  ans,  de  Pierre 
Fleury,  bourgeois  de  Harfleur,  au  pays  de  Caux, 
près  du  Havre-de-Grâce.  En  épousant^  le  9  jan- 
vier 1666,  Charles  Chevillet,  sieur  de  Champmeslé, 
elle  prit,  suivant  les  habitudes  du  théâtre,  le  nom 
de  Mademoiselle  de  Champmeslé, 

Je  passe  rapidement  sur  sa  carrière  dramatique 
pour  arriver  aux  derniers  points  de  celte  existence 
si  remplie. 

Aussi  bien,  ces  derniers  jours  nous  appartieU'- 
nent  seuls.  €  Le  H  décembre  1697,  la  Champ- 
meslé faisait  sa  dernière  création  »  Iphigénie  de 
YOreste  et  Pylade  de  Lagrange-Chancel;  ce  fut 
dans  ce  rùle,  dit  M.  Mon  val,  qu'elle  parut  pour 
la  dernière  fois  sur  la  scène,  le  3  janvier  1698.  » 


Gravement  malade,  elle  vint  s'établir  à  Auteuil, 
où  elle  espérait  recouvrer  la  santé,  et  elle  s'y 
logea  chez  un  maître  à  danser.  Vous  connaissez. 
Messieurs,  sa  longue  résistance,  puis  son  abjura- 
tion et  sa  mort  ;  tout  cela  fut  raconté  par  Boileau 
à  Racine,  qui  était  alors  plongé  dans  les  mortifi- 
cations de  Port-Royal  et  qui  ne  songea  même 
pas  à  pleurer  celle  qui  l'avait  autrefois  si  pasion- 
nément  charmé. 

M.  Mon  val  a  eu  la  bonne  fortune  de  retrouver 
le  testament  de  l'artiste  et  il  le  donne  tout  entier 
-dans  l'article  dont  je  vous  ai  parlé.  En  voici  les 
premières  lignes  : 

«  Au  nom  du  Père,  et  du  Fils,  et  du  Saint-> 
Esprit. 

€  Je,  soussignée,  ne  désirant  pas  mourir  sans 
dispjser  des  biens  qu'il  a  plu  i  Dieu  me  donner, 
j'ai  fait  le  présent  testament  ainsi  qu'il  en  suit  : 
premièrement,  je  recommande  mon  âme  à  Dieu, 
suppliant  sa  divine  bonté  de  me  pardonner  mes 
péchés  et  d'avoir  miséricorde  et  pitié  de  moi. 

€  Je  veux  être  inhumée  dans  la  paroisse  où  je 
serai  an  jour  de  mon  décès. 

«  Je  veux  qu'au  jour  de  ma  mort  ou  dans  la 
huitaine,  deux  cents  messes  soient  dites  pour  le 
salut  de  mon  Ame  dans  ma  paroisse,  au  couvent 
des  grands  Cordeliers,  aux  Capucins  du  Faubourg 
Saint -Jacques  et  à  Picpus...  »  Suivent  des  legs  à 
des  parents,  amis  et  serviteurs. 

La  Champmeslé  laissait  une  bibliothèque  de  400 
volumes  d 'histoire,  poésies,  mémoires.  Ovide, 
Corneille,  Tite-Live,  Ronsard,  La  Bible,  Senèque 
s'}r  rencontraient  à  cêté  des  comédies  et  des  pas- 
quinades  du  temps. 

Ses  costumes  sont  curieux  à  détailler  ;  ils  inté- 
resseront surtout  les  dames  qui  font  partie  de  là 
Société.  J'y  relève  : 

Un  habit  à  la  Romaine^  composé  d'un  corps, 
veste  et  jupe  de  brocart  à  fond  bleuet  fleurs  d'or; 
à  l'exception  de  ladite  iupe  qui  est  de  raz  d'ar- 
gent, garnie  d'un  grand  ralbala  de  point  d^Es- 
pagne  d'or,  prisé  1.1 00  livres. 

Cinq  autres  habits  à  la  Rotnaine,  composés 
comme  celui  ci-dessus,  d 'étoffe  brodée,  brochée  à 
fond  blanc,  rouge  et  vert  sur  satin  et  velours, 
prisés  800  livres. 

Un  manteau  et  une  jupe  de  gros  de  Tours  jaune 
à  fleurs  d'argent,  ledit  manteau  doublé  de  taffetas 
noir  et  la  jupe  de  toile,  prisés  80  livres. 

Un  manteau  à  la  mode  turque,  de  velours  rouge, 
garni  d'une  grande  dentelle  d'argent  avec  une 
veste  de  velours  noir,  garnie  de  franges  et  apé- 
ments  d'or,  une  écharpe  de  points  d'Espagne  d'ar- 
gent et  or,  une  paire  de  bottines  de  velours  rouge 
avec  des  agréments  d'argent,  prisés  200  livres. 

Un  collier  composé  de. 40  perles  de  baïoques, 
1 .400  livres. 

Le  ménage  Champmeslé  avait  un  certain  train  de 
maison.  Comme  domestiques,  il  y  avait  laquais, 
cocher  et  servante  :  Etienne,  Lapierre  et  Louise. 


« 


Mlle  de  Champmeslé,  on  l'a  vu,  avait  demandé^ 
par  son  testament^  à -)è(re  enterrée  dans  la  pa- 
roisse où  elle  mourrait.  Ce  vœu  ne  fut  pas  exaucé. 
Sur  les  registres  de  la  paroisse  d' Anteuii,    qui 


m 


HISTOIRE    DU   XVI'   ARRONDISSEMENT 


furent  conservés  à  l'H6tel  de  Ville  de  Paris  jus- 
qu'à rincendie  de  1871,  on  pouvait  lire  cette 
mention  :  «  16  mai  1698,  transport  de  Marie 
Desmares,  épouse  de  Charles  de  Chevillé,  sieur  de 


.  » 


La  Champmeslé  fut  inhumée  à  Saint-Sulpice  et 
rien  ne  rappelle  la  {)lace  où  elle  repose.  Si  ses  dé- 
airs eussent  été  suivis,  une  pierre,  posée  dans 
notre  vieille  église,  nous  aurait  transmis  le  récit 
enthousiaste  de  sa  vie  et  la  longue  énumération 
de  ses  qualités  et  de  ses  vertus. 

M.  Mon  val  n*a  pu  préciser  le  nom  et  la  de- 
meure du  maître  à  danser  chez  qui  la  Champ- 
meslé était  venue  mourir.  11  m'a  demandé  de  le 
tixer  sur  ces  deux  points  ;  mais  avant  de  lui  ré- 
pondre, j'ai  voulu  donner  à  la  Société  histo- 
rique la  primeur  de  mes  découvertes. 

En  1698,  il  n'y.  a  à  Âuteuil  qu'un  seul  maître 
à  danser  (qui  pourrait  s'en  étonner?);  il  s'appelle 
Jacque  Rocqne  et  est  marié  à  la  fiUe  de  Pierre 
Bâtas,  huissier  de  salle  de  M.  le  Prince.  Lra 
Socque  possèdent  une  maison,  Grande-Rue,  près 
de  1  église  :  cette  maison,  en  1775,  tiendra  à  la 
propriété  du  président  Louvet  et  à  celle  du  chi- 
rurgien d'Auteuil,  M*  Jean-Pierre  Abadie.  En  de- 
hors de  cette  maison,  les  Rocque  avaient,  à  Au- 
teuil, au  lieu  dit  le  Niblet,  c'est-à-dire  là  ou  est  au- 
jourd'hui la  rue  des  Fontis(l),6  perches  et  demie 
de  vigne  d'un  bon.  apport.  Ces  propriétés  apparte- 
naient au  ménage  Rocque,  des  propres  de  la  fille 
Bâtas  dont  la  famille  occupait.depuis  le  xvi' siècle, 
des  charges  honorables  dans  le  village  :  marguil- 
lier,  huissier  de  prévôt,  etc.,  etc. 

Après  eux,  leur  fortune  se  morcela  ;  la  vigne 
fut  vendue  à  Julien  Olivier,  archer-garde  de  la 
ville  de  Paris  ;  quant  à  la  maison,  elle  resta  dans 
la  famille.  Mais  celle-ci  déchut  plutôt  et,  en  1775, 
l'héritier  du  maître  à  danser,  son  petit -tils  sans 
doute,  était  l'uuiqae  cordonnier  d'AuteuiL 

Maison  et  vigne  avaient  autrefois  appartenu  au 
sieur  Macheco,  un  de  ces  Juifs  Lombards  venus  à 
Paris,  au  inoyen  âge,  pour  y  faire  le  métier  de 
changeur.  Macheco  était  devenu  peu  à  peu  le 
propriétaire  de  tout  Auteuil  :  c'était  un  vrai  mar- 
quis de  Carabas.  11  y  a  bien  peu  de  propriétés, 
aujourd'hui,  qui  ne  le  trouvent  dans  leurs  oii- 
gines.  Au  xviii'  siècle,  après  le  morcellement  iu- 
détini  des  deux  siècles  précédents,  il  y  eut  une 
nouvelle  tentative  d'accaparement  de  la  propriété 
dans  notre  quartier.  Cette  fois,  c'était  au  profit  de 
Samuel  Beruard,  un  gros  financier,  lui  aussi,  qui 
ne  dédaignait  pas,  au  dire  de  Barbier,  dans  son 
Journal  (1,350)  d*avoir  dans  Auteuil  des  pro- 
priétés fastueuses  et  des«  maisons-guinguettes  >, 


Je  me  suis  laissé  entraîner,  Messieurs,  bien 
loin  des  Champmeslé.  Je  vous  en  demande  pardon. 
J'y  reviens,  et  si  j'insiste  sur  leur  passage  parmi 
nous,  c'est  que  j'y  vois  le  seul  moyen  peut-être 
de  rattacher  Racine  à  notre  histoire.  Comme  pour 
Molière,  il  sera  très  dîTficile,  je  le  crains,  de  pré- 
ciser la  demeure  de  l'auteur  de  Phèdre  et  de  Ba- 
jazet.  Molière  et  Racine  ne  furent  pas,  comme 

(i)  Devenue  rue  du  Doc  leur-Blanche. 


Boileau,  dont  je  tous  parlerai  à  la  prochatne 
séance,  des  bourgeois  d' Auteuil,  et,  simples  loca- 
taires, leurs  noms  ne  se  retrouvent  pas  dans  les 
documents  que  j'ai  pu  consulter  aux  archives.  Ils 
nous  appartiennent,  cependant,  poisone  Molière 
fut  ici,  en  dépit  de  Voltaire,  le  héros  d'une  aven- 
ture qui  ne  peut  être  sérieusement  discotée; 
puisque  c'est  à  Auteuil  que  Racine,  écrivit  les 
Plaideurs,  à  Auteuil  où  il  vivra,  ne  fût-ce  que 
par  le  souvenir  touchant  de  celle  qui,  un  jour, 
posséda  tout  son  cœur  et  qui  inspira  les  plus 
incontestées  de  ses  tragédies  immortelles. 

Antoine  G  lillois. 


LA  MAISON  DE  BOILEAU 


«  Un  soir  après  dîner,  nous  nous  entretenions 
de  Molière,  de  La  Fontaine,  de  Boileau.  Noos 
disions  que  les  dîners  que  ces  trois  bommes-là 
faisaient  quelquefois  ensemble  à  Auteuil  devaient 
èti-e  bien  intéressants  si  l'on  en  juge  par  ce  que 
de  pareils  esprits  pouvaient  avoir  à  se  dire  dans 
l'intimité.  «  Comment,  dis-je  à  Meissonnier, 
n'avez-vous  pas  eu  l'idée  de  faire  un  tableau  re- 
présentant ces  trois  poètes  devisant,  discutant? 
—  J'y  ai  pensé  bien  des  fois,  me  dit-il,  je  n'ai 
jamais  osé.  » 

C'est  ainsi  que  M.  Alexandre  Dumas  s'exprime 
dans  les  pages  qu'il  vient  de  consacrer  à  l'expo- 
sition des  œuvres  du  peintre  qui  est  mort  il  y  a 
deux  ans. 

Il  est  téméraire,  sans  doute,  de  tenter  ce  que 
Meissonnier  n'avait  pas  osé  faire  ;  et  cependant  la 
Société  historique  d^ Auteuil  manquerait  à  sa 
mission  si  elle  ne  consacrait  pas  une  de  ses  pre- 
mières communications  à  l'auteur  du  Lutrin  et 
de  l'Art  poétique. 

Déjà,  notre  secrétaire  général  s'était  préoccupé 
de  la  question;  son  travail,  paru  dans  le 
deuxième  de  nos  Bulletins^  a  été  apprécié  comme 
il  le  méritait  par  un  de  nos  vice-présidents, 
M.  Anatole  France,  .et  je  tiens,  dès  le  début  de 
ces  ligues,  à  bien  établir  que  c'est  à  lui  que 
revient  l'honneur  d'avoir  retrouvé,  par  intuition 
et  par  un  véritable  sens  de  divination  historique, 
l'emplacement  exact  qu'occupait  la  maison  et  la 
propriété  de  Boilea^u. 

il  y  a  eu  d'autant  plus  de  mérite,  qu'il  avait  à 
lutter  contre  la  tradition  et  contre  l'histoire 
écrite  ;  car,  de  même  que  plusieurs  villes  de  la 
Grèce  se  disputaient  Thonneur  d'avoir  vu  naître 
Homère,  de  même  presque  tous  les  propriétaires 
de  la  rue  Boileau  prétendaient  avoir  la  possession 
des  murs  et  des  arbres  qui  abritèrent  le  poète* 
M.  de  Feuardent,  notre  seul  historiographe 
jusqu'à  ce  jour,  se  trompait,  de  son  côté,  d'une 
façon  étrange,  en  plaçant  au  n**  22  actuel,  Tim* 
meuble  dont  nous  parlons. 

En  réalité,  c'est  au  n»  26  de  la  rue  Boileao 
que  le  saliri<)uc  a  vécu  peudant  plus  de  vingt  ans. 


ANNEXES 


465 


I 


En  i685,  Boileaa  acheta,  des  libéralités  du 
roi  qu*il  venait  d'accompagner  dans  ses  expédi- 
tions militaires,  une  petite  maison  qa'il  paya,  dit 
Urossette,  huit  mille  livres  à  la  veave  d*un  sollici- 
teur au  Palais,  nommé  Banteail.  C'était  une  sim- 
ple maisonnette  à  un  étage,  aux  mars  tapissés 
de  vigne,  dans  laquelle  il  allait  recevoir  ses  amis  : 
Racine,  Molière,  Chapelle,  Baron,  Hapin,  les  PP. 
Bouhonrs  et  Bourdaloue  et  le  curé  d*Auteuil, 
M.  Loyseau,  aumônier  du  roi. 

€  Ce  lieu  de  retraite,  dont  il  fut  enchanté,  dit 
Racine,  le  jeta  les  premières  années  dans  la  dé- 
pense. Il  Tembellit  et  y  tint  table  ouverte.  » 

Il  avait  pour  voisins  M.  de  Frégeville  et  l'avo- 
rat  Lemaltre  ;  à  droite,  en  regardant  la  maison, 
une  longue  ruelle  dite  des  Processions  et  qui 
allait  jusQu'au  bois  de  Boulogne,  séparait  Boileau 
de  Mme  ae  Mouchi,  sœur  du  premier  président 
de  Harlay. 

An  bout  de  quelques  mois,  Boileau  s'était  con- 
sidérablement agrandi  par  une  acquisition,  dans  le 
sens  de  la  profondeur,  d*une  dizaine  d'arpents. 
La  propriété  embrassait  ainsi  la  villa  Boileau,  la 
traversée  de  la  rue  Molitor  et  une  grande  partie 
du  hameau  Boileau  actuel . 

Df^préaux  fit,  de  plus,  conslruire  une  remise 
pour  le  carrosse  dans  lequel  il  allait,  le  dimanche, 
à  la  messe  du  couvent  des  Bonshommes  et  une 
écurie  où,  à  côté  d*un  vieux  cheval,  il  y  avait 
une  ànesse  dont  le  lait  lui  était  recommandé  pour 
ses  fréquentes  extinctions  de  voix.  «  Elle  y  a 
perdu  son  latin,  dit-il,  aussi  bien  que  les  méde- 
cins >. 

Une  cour,  quelques  dépendances  et,  dans  le 
jardin,  deux  berceaux,  un  potager,  deux  puits  et 
un  jeu  de  boules  complétaient  la  propriété. 

Le  jardinier,  Antoine  Riquié,  occupait  la  maison 
qui  existe  encore  aujourd'hui  ;  il  avait  250  livres 
de  gages  par  an  et  l'honneur  de  prêter  une  de  ses 
pièces  à  Boileau,  qui  y  avait  établi  son  cabinet  de 
travail,  fuyant  ainsi  la  maison  qui  était  bruyante 
et  encombrée  €  comme  une  hôtellerie  »,  disait 
Racine. 

M.  le  vicomte  de  Grourhy,  dont  les  beaux  tra- 
vaux sont  déjà  connus  de  la  Société  historique, 
a  eu  la  bonne  fortune  de  retrouver  chez  le  succes- 
seur de  M"  Dionis,  notaire  de  Boileau,  l'analyse 
de  Tacte  même  de  la  vente  faite  par  le  poète  à 
son  ami  Le  Verrier.  Comme  c'est  un  document 
absolument  inédit  et  qui  contredit  certaines  lé- 
gendes, je  me  permets,  en  dépit  de  l'aridité  du 
style,  de  vous  en  donner  connaissance. 

\  Grosse  en  parchemin  d'un  contrat  passé  de- 
vant Desescures  et  Boisseau,  notaires  à  Paris,  le 
2  janvier  4701),  par  lequel  le  dit  feu  sieur  Boi- 
leau-Despréaux  a  vendu  à  Pierre  Le  Verrier  une 
maison  sise  au  village  d'Auteuil  et  quelques  por- 
tions de  terre  dépendantes,  appirtenautes  audit 
sieur  Despréaux,  tant  sur  le  terroir  d'Auteuil 
quès-environs,  moyennant  la  somme  de  6.000 li- 
vres et  par  le  même  contrat  ledit  sieur  Boileau- 
Despréaux  a  vendu  audit  sieur  Le  Verrier  les  meu- 
bles meublants  de  ladite  maison  et  ustensiles  du 
jardin,  avec  les  tablenux  étant  dans  ladite  maison 
u.oyennant  la  somme  de  Î.OOO  livres,  lesquelles 


deux  sommes  de  6.000  d'une  part  et  de  2.00()  de 
l'autre,  ledit  sieur  Le  Verrier  s'est  obligé  de  payer 
dans  le  courant  dudit  mois  de  janvier  i  709  et  au 
pardessus  dudit  prix  ledit  sieur  Le  Verrier  a 
constitué  audit  sieur  Boileau-Despréaux  300  livres 
de  pension  pendant  la  vie  et  jusqu'aux  décès  de 
lui  sieur  Despréaux.  Et  par  acte  ensuite  passé  de- 
vant lesdits  Desescures  et  Boisseau,  notaires,  le 
26  février  audit  an  1709,  il  est  stipulé  que  ladite 
somme  de  8.000  livres  ne  sera  payable  qu'au 
26  janvier  1742  et  que  cependant  ledit  sieur  Le 
Verrier  payera  l'intérêt  de  ladite  somme  au  denier 
vingt  et  a*  été  ladite  grosse  inventoriée  par  ledit 
Dionis,  sous  le  n*  3.  » 

On  le  voit  il  n'est  nullement  Question  de  la  ré- 
serve d'une  chambre  au  profit  de  Boileau  ;  et  si 
celui-ci  vint  quelquefois,  —  bien  rarement,  — 
coucher  dans  son  ancienne  propriété,  il  dut  l'hos- 
pitalité à  l'amitié  de  Le  Verrier  et  non  pas  à  l'une 
des  clauses  du  contrat. 

Boileau  disait:  €  Je  suis  un  solitaire  fréquen- 
tant M.  Le  Verrier  »,  et  l'on  prétendait  qu'il  ne 
le  faisait  que  pour  s'entretenir  dans  l'esprit  de  sa- 
tire. Le  Verrier  était  un  fournisseur  qui  prétait  au 
ridicule  en  affectant  de  passer  pour  un  homme  à 
bonnes  fortunes,  familier  des  grands  et  des  sa- 
vants. On  disait  de  lui  qu'il  portait  toujours  à  la 
messe  un  livre  grec  à  reliure  bariolée  et  voyante. 
Le  monde  l'appelait  le  traitant  renouvelé  des 
Grecs,  M.  de  Pontchartrain  à  qui  il  demandait 
d'être  intéressé  dans  un  armem*)ntluidit:  «Mais, 
monsieur,  on  n'arme  pas  pour  la  Grèce  »  (4  ). 

L'acquéreur  de  Le  Verrier  fut  Mme  de  Calabre, 
qui  agrandit  de  plus  du  double  la  propriété  du 
poète  ;  cette  dame  possédait  pr^que  toute  cette 
partie  d'Auteuil  qui,  sur  les  plans  déposés  aux  Ar- 
chives nationales,  porte  le  nom  de  canton  des  Ga- 
rennes. Il  y  a  encore,  du  côté  de  l'avenue  de  la 
Frillière  et  autour  du  viaduc,  un  lieu  dit  :  Les  Ca- 
labres. 

Après  Mme  de  Calabre,  c'est  le  fameux  docteur 
Gendron  qui  acquiert  la  propriété.  D'après  l'abbé 
I^bœuf,  ce  médecin  de  grande  réputation  reçut  la 
visite  de  Voltaire  qui  vint  en  pèlerinage  à  la  mai- 
son de  Boileau.  Après  sa  première  visite,  Voltaire 
écrivit  cet  impromptu  : 

C'est  ici  le  vrai  Parnasse 
Des  vrais  enfants  d'Apollon. 

Sous  le  nom  de  Boileau,  ces  lieux  virent  Horace; 

Esculape  y  parait  sous  celui  de  Gendron. 

L'auteur  de  Zaire  trouva,  d'ailleurs,  «  la  mai- 
son fort  vilaine  et  le  jardin  aussi  ». 

Lel*''  août  1752,  Gendron  vendait  l'immeuble 
à  M.  Rahault  de  Richebourg,  commissaire  des 
guerres,  qui  le  cédait  à  son  tour,  le  31  juillet 
1758,  à  la  duchesse  d'Ayen.  Celle-ci  n'en  resta 
propriétaire  que  jusqu'au  23  février  suivant,  date 
ou  fa  maison  passa  à  Jacques  Boujeot,  bourgeois 
de  Paris. 

Charles  Binct  de  la  Brotonnière,  écuyer,  con-^ 
seiller  du  roi,  receveur  général  des  Domaines  et 
Bois  de  la  généralité  de  Paris,  l'acheta,  de  Bou- 
jeot, le  4  mai  1767.  Celui-ci  s'enorgueillissait  des 
origines  de  sa  propriété,  sans  oublier  cependant 


1.  Rolœana. 


3o 


466 


HISTOIRE   DU   XVI"  ARRONDISSEMENt 


les  intérêts  matériels.  Le  2â  janvier  1773,  il  éeri- 
Tait  au  marquis  de  Marigny,  dans  une  de  ses  in- 
cessantes réclamations  :  €  11  est  de  notoriété  et  de 
fait  que  ce  mur  a  coûté  plus  de  20.000  livres  ; 
qu'avec  mes  terres  qui  Tavoisinent  il  fait  le  prin- 
cipal prix  et  agrément  de  ma  maison  d' Au  teuil  qui 
n'a  pour  elle  que  la  mémoire  du  grand  poète  Boi- 
leau,  Tnn  de  mes  prédécesseurs,  et  celle  du  fa- 
meux oculiste  Gendron.  »  Il  réclamait  donc  20.000 
livres  et,  au  dire  des  experts  appelés,  ce  mur  en 
valait  3.000  au  plus. 

Le  2  mai  1785,  Binet  cédait  à  Pierre-Thomas 
Jubault. 

Là  s'arrêtent  les  documents  (](ue  j*ai  pu  trouver 
aux  Archives  nationales.  La  suite  ininterrompue 
se  trouve  dans  les  titres  de  propriété  de  notre  gé- 
néreux confrère,  M.  Perrichont,  conseiller  muni- 
cipal da  quartier  d*Auteuil. 

De  Jubault  la  propriété  passe  successivement  à 
M.  Razuret  (11  février  1801),  puis  à  Mlle  Baudin 
(8  avril  1807),  au  général  Caulaincourt,  duc  de 
Vicence  (19  février  1813),  à  M.  Loveday  (6  avril 
1816),  à  Mme  Colombat(â4  mail819),à  M.Pierre 
Divoff,  conseiller  d*Etat  et  chambellan  de  TEm- 

Îiereur  de  Russie  (1  i  novembre  1825),  aux  époux 
Yessard,  maîtres  de  pension  (29  mai  1841),  à 
M.  Lamonroux  (8  février  1845),  en6n  à  M.  Per- 
richont, le  18  novembre  1867. 

Les  héritiers  de  M.  Lamouroux  se  préoccupèrent 
seuls  de  constater  la  valeur  histonque  de  Tim- 
meuble,  et,  dans  un  acte  notarié,  ils  exigèrent, 
après  la  description  de  la  maison  de  Boileau,  celle 
de  son  jardinier  :  €  Dans  ce  corps  de  bâtiment,  dit 
Tacte,  se  trouve  le  cabinet  de  travail  de  l'auteur 
du  Lutrin.  » 

Un  plan,  très  exact,  de  1774,  montre  la  mai- 
son actuelle  plus  protonde  qu'elle  ne  l'est  aujour- 
d'hui. A  gauche,  de  l'autre  côté  de  le  porte  co- 
chère,  il  y  avait  un  bâtiment  plus  large  que  long, 
et  un  mur  bas,  percé  d'une  ouverture,  fermait  la 
cour  et  la  séparait  du  parc.  La  grille,  dans  laouelle 
était  encastré  un  médaillon  portant  la  lettre  B,  est 
aujourd'hui  placée  dans  la  villa  Boileau,  rue  Mo- 
litor. 

Enfin,  la  maison  du  jardinier  subit,  sous  le  pre- 
mier Empire,  certaines  réparations  et  reçut  quel- 
aues  ornements  architecturaux,  caractéristiques  de 
1  époque. 

De  grands  souterrains  régnaient  dans  toute 
cette  partie  d'Auteuil  et  allaient  jusqu'à  la  Grande- 
Rue;  on  y  a  trouvé,  dans  la  propriété  de  Boileau, 
deux  bustes  en  marbre  malheureusement  perdus 
aujourd'hui  et,  dans  la  maison  voisine,  qui  appar- 
tient à  M.  KoUowrath  (n®  24  actuel),  deux  pla- 
ques de  cheminée  :  l'une  est  aux  armes  royales, 
avec  la  date  de  1680,  et  l'autre  représente  le  pas- 
sage du  Rhin.  J'en  avais  indiqué  l'existence  à 
M.  Cousin,  l'aimable  et  savant  conservateur  du 
musée  Carnavalet  (1). 

II 

Je  n'ai  pas  la  prétention,  Messieurs,  de  vous 
rappeler  la  vie  que  l'on  menait  chez  Boileau.  Je 


(t)  M.  Cousin  est  mort  et  a  élé  remplacé  par 
M.  Gain. 


• 

i 


m'attacherai  seulement  aux  points  inédits  et  à  ceux 
qui  sont  peu  connus.  Sur  les  registres  de  notre 
ancienne  paroisse,  détruits  par  l'incendie  criminel 
de  1871,  on  pouvait  lire,  à  ladatedu9  août  1690, 
la  signature  de  Boileau,  sieur  Despréaux,  au  ma- 
riage de  François  de  Monginot,  chevalier  de  l'ordre 
du  Mont-Carmel  et  de  Saint-Lazare,  seigneur  de 
Grissé  et  autres  lieux,  avec  Anne-Thérèse  Petit- 
jean-Marehand,  fille  d'un  pourvoyeur  ordinaire  de 
a  maison  de  Monsieur,  frère  du  Roi,  et  de  Marie 
de  la  Treille. 

On  jouait  aux  quilles  dans  cette  maison,  où  <  le 
Gouverneur  dirigeait  l'If  et  exerçait  l'art  de  La 
Uuintinie  ».  Comme  on  l'a  fort  bien  dit,  on  voit 
qu'il  y  avait  encore  du  Versailles  à  Auteuil. 

On  y  recueillait  des  fruits  superbes  qui  allaient 
orner  la  table  de  Mme  de  Caylus  ;  on  y  faisait  des 
confitures  qui  souvent  devenaient  pour  Mme  Ra- 
cine une  véritable  sujétion,  si  l'on  en  croit  les 
lettres  de  son  mari. 

L'aventure  du  souper  d'Auteuil.  mise  à  la  scène 
par  Andrieux,  et  devenue  légendaire,  a  été  niée 
par  Voltaire.  Racine  fils  et  Dulaure  en  maintien- 
nent l'exactitude  ;  mais  ils  affirment  en  même  temps 
(qu'elle  eut  lieu  chez  Boileau  et  non  pas  chez  Mo- 
lière, où  l'on  croit  généralement  qu'elle  s'est  pas- 
sée. 

Ajouteraije  qu'en  d*'pit  de  la  légende,  La  Fon- 
taine ne  fut  jamais  l'hôte  de  Boileau  ?  On  sait  que 
celui-ci  l'aimait  peu  et  que,  dans  son  Art  poéti- 
aue,  il  n'a  pas  daigné  parler  de  la  fable,  que  le 
Bonhomme  avait,  cependant,  élevée  au  premier 
rang  littéraire. 

lin  contemporain  de  Boileau,  l'abbé  Legendre, 
chanoine  de  Notre-Dame  et  secrétaire  de  M.  de 
Harlay,  a  longuement  parlé  de  la  maison  du  poète 
et  de  ses  hôtes.  Comme  ses  mémoires  sont  abso- 
lument introuvables  et  qu'ils  sont  presque  incon- 
nus, je  crois,  j'en  ai  fait.  Messieurs,  quelques  ex- 
traits à  votre  intention. 

«  Sa  maison  n'était  ni  belle,  ni  laide.  Le  jar- 
din, sans  être  peigné,  ne  laissait  pas  d'être  agréable. 
1^  vue  en  est  charmante.  L'appartement  du  poète 
était  d'un  négligé  cynique.  La  salle  à  recevoir  le 
monde  était  un  peu  plus  arrangée.  Il  y  avait  sur 
la  cheminée  un  portrait  vivant  de  la  reine  Chris- 
tine de  Suède.  An-dessus  d'une  vieille  Bergame 
dont  cette  salle  était  tapissée  étaient  des  portraits 
d'imagination,  représentant  Timon  le  Misanthrope, 
Ménippe,  Lucilius,  Horace,  Perse,  Juvénal,  Ré- 
gnier et  autres  aïeux  satiriques  du  maître  de  la 
maison. 

«  Je  ne  le  voyais  point  à  Paris,  quoiqu'il  de- 
meurât dans  notre  cloître  (1).  Cependant,  quand 
il  sut  que  j'étais  à  Auteuil,  il  me  vint  offrir  sa 
maison  et  m'invita  à  y  passer  au  moins  les  après- 
dtners.  Il  y  avait  une  compagnie  triée  d'hommes 
et  de  femmes  de  lettres.  J'y  vis  Mme  Desbou* 
lières:  c'était  un  bel  esprit.  Autrefois,  c'avait  été 
une  beauté.  A  voir  ce  qu'il  en  restait,  on  n'était 
pas  surpris  qu'elle  eût  fait  fracas  dans  son 
temps. 

«  J'y  vis  l'abbé  Régnier,  M.  Racine  et  Mme  Da- 
cier.  » 

Le  mémorialiste  fait  ensuite  le  récit  d'une  con 

1.  Chez  Ménafie. 


ANNEXES 


467 


tenatloD  sar  Haute,  Térence,  Phèdre  et  Horace. 
L*abbé  Legendre  y  parla  latio,  dit-il,  poar  faire 
honneur  anx  dames  qai  se  piquaient  de  le  savoir, 
et  il  ajoute  malicieusement  :  «  Mme  Dacier  bron- 
cha deux  ou  trois  fois  en  répliquant.  » 


III 


Nous  avons,  Messieurs,  le  bonheur  de  posséder 
ici  la  demeure  même  du  poète,  vierge  encore  de 
la  plaque  banale  du  Comité  des  Inscriptions  pa- 
risiennes. 

Je  demande  donc,  pour  bien  affirmer  le  carac- 
tère littéraire  et  artistique  de  notre  Société,  que 
la  maison  de  Boileau  soit  maintenant  la  première 
uni  recevra  un  de  ces  bas-reliefs  ou  de  ces  mé- 
daillons que  nous  avons  rêvés. 

Il  faut  qu'au  lendemain  de  Tinauguration  du 
monument  deCarpeaux,  nous  puissions  répondre, 
à  ceux  qui  nous  Font  reproché,  que  nous  n*ou- 
blions  pas  les  anciens.  Il  s'agit,  pour  la  Société. 
dans  cette  œuvre  qui  ne  soulèvera  aucune  critique, 
de  rendre  hommage  à  Tun  des  plus  illustres  de 
nos  compatriotes,  au  poète  qui  vécut  longtemps 
parmi  nous. 

En  lui  élevant  un  monument,  nous  ne  faisons 
que  lui  rendre  la  justice  qui  lui  est  due  ;  car  il 
est,  parmi  toutes  nos  gloires,  celui  qui  a  le  plus 
contribué  à  immortaliser  le  nom  d'Âuteuil. 

AnTOINK  GUILLOIS. 


doute  aidés.  Quoiqu'elle  vienne  un  peu  tard,  elle 
garde  néanmoins  quelque  saveur  par  les  termes  et 
par  le  nom  de  Tauteur. 

Dans  le  tome  V  de  /a  Correspondance  générale 
de  Voltaire  (édition  de  Baudouin  frères,  4829), 
on  lit  la  lettre  suivante,  adressée  par  Voltaire  à 
M.  de  Cideville  : 

>  Aux  Délices,  le  16  mai  1757. 

€...  Vous  savez,  d'ailleurs,  qu'on  n'est  pas 
oisif  pour  être  campagnard;  il  vaut  bien  autant 
planter  «  des  arbres  que  faire  des  vers.  Je 
n'adresse  pas  d'épltres  à  mon  jardinier  Antoine, 
mais  j'ai  assurément  une  plus  jolie  campagne  que 
Boileau  et  ce  n'est  point  la  fermière  qui  ordonne 
nos  soupers.  J'ai  eu  la  curiosité  autrefois  de  voir 
cette  maison  de  Boileau  ;  cela  avait  l'air  d'un  fort 
vilain  petit  cabaret  borgne  ;  aussi  Despréaux  s'en 
défit-il,  et  je  me  flatte  que  je  garderai  toujours 
mes  Délices. 

<  J'en  suis  plus  amoureux  plusla  raison  m'éclaire. 
Je  n'ai  ^ère  vu  ni  un  plus  beau  plain-pied,  ni 
des  jardins  plus  agréables,  et  je  ne  crois  pas  que 
la  vue  du  Bosphore  soit  si  variée.  » 

Voltaire  eût  été  Gascon,  s'il  n'eût  été...  proprié- 
taire! 

Mais  Boileau  n'était  plus  li  pour  la  réplique. 

Concluons  que  chacun  est  satisfait  de  ce  qu'il 
a  et  le  trouve  plus  beau  aue  le  bien  du  voisin. 
C'est  la  meilleure  philosophie  et  le  plus  sûr  moyen 
d'être  heureux.  Souhaitons,  pour  la  paix  sociale, 
que  ce  sentiment  soit  ou  devienne  celui  de  tout  le 
monde. 

E.  P. 


MONUMENTS    HISTORIQUES 


I^a  supérieure  des  dominicaines  d'Auteuil  a  eu 
l'occasion  de  signalera  notre  collègue  M.  Lemoine 
le  délabrement  du  €  temple  de  Molière  »,  situé 
dans  le  jardin  de  la  communauté,  et  elle  fait  de- 
mander à  la  Société  si  elle  serait  disposée  à  se 
charger  des  réparations. 

Le  Président  rappelle  que  la  Comédie-Fran- 
çaise avait  antérieurement  paru  vouloir  se  char- 
ger de  ces  réparations  pour  lesquelles  la  Société 
avait  voté  une  contribution  de   50  francs.   On 

Siurrait  prier  M.  Boujon  d'intervenir  auprès  de 
.  l'Administrateur  de  la  Comédie.  M.  Chabée 
offre  de  visiter  le  monument  pour  se  rendre 
compte  de  son  état  exact  et  de  la  dépense  qu'exi- 
geraient les  réparations. 


LA   MAISON    DE   BOILEAU   APPRÉCIÉE 
PAR   VOLTAIRE 

Lorsone  M.  Saint- Lanne  et  un  autre  de  nos  col- 
lègues faisaient  des  recherches  sur  l'emplacement 
exact  de  la  maison  de  Boileau,  j'aurais  voulu  leur 
communiquer  la  note  que  voici ,  qui  les  eût  sans 


BOILEAU  HOMME  DE  SCIENCES 


M .  Baoul  Lucet  (.\7X'«  Siècle, i  7  novembre  i  893) 
faisait  tout  récemment  savoir  au  public  qu'il  avait 
gardé  contre  Boileau  <  une  sorte  de  haine  rétros- 
pective obil  y  avait  de  l'horreur,  du  mépris  et... 
de  l'indigestion.  «  Les  doigts  me  cuisent  encore, 
disait-il,  au  lamentable  souvenir  des  monceaux 
de  papier  noircis,  dans  les  loisirs  du  <  séquestre  » 
ou  de  la  «  retenue  »,  à  copier  des  centaines  de 
fois  : 

Aa  pied  du  mont  Adule,  entre  mille  roseaux. 
Le  Rhin    tranquille   et   fier  du  progrès  de  se« 

[cnux,  etc. 

<  Mais  j'étais  injuste  pour  ce  pauvre  Boileau.  La 
vérité  est  qu'il  valait  mieux  que  la  répuUtion 
piteuse  dont  l'avaient  affublé  mes  rancunes.  Ma 
seule  excuse  est  que  je  n'en  savais  rien.  » 

L'excuse  est  excellente,  et  nous  n'hésitons  pas, 
nous  aussi,  i  nous  en  approprier  le  motif. 

Boileau  fut,  en  effet,  un  précurseur,  un  yulga- 
risateur  de  science,  ainsi  que  le  montrait  récem- 
ment M.  H.  Folet,  dans  la  Revue  Rose. 

Harvey  venait  de  découvrir  la  circulation  du 
sang.  C'est  ce  que  la  Faculté  de  Paris  ne  pouvait 


468 


HISTOIRE    DU   XVI^   ARRONDISSEMENT 


lui  pardonner.  Elle  inaagarait  alors  contre  lai 
une  série  de  polémiques  écrites  en  latin,  ardentes 
jttsqu^à  la  grossièreté,  dans  lesquelles  le  mot  cir- 
culator  (charlatan)  était  exploité  avec  la  maa- 
Taise  foi  la  plus  éhontée  et  la  haine  la  plus 
jalouse.  Uarvey  manqua-t-il  donc  de  défenseurs  ? 
Non.  Mais  <  chose  curieuse,  dit  encore  M.  Raoul 
Lucet,  dont  nous  aimons  Toriginale  et  piquante 
manière,  ce  furent  les  littérateurs  qui  épousèrent 
alors  la  cause  de  la  vérité  scientifique,  contre  les 
gens  du  bâtiment  ». 

On  n*a  pas  oublié  que  Molière,  vulgarisant  par 
le  théâtre  les  opinions  d'un  petit  cercle  de  dilet- 
tanti  intelligents  et  perspicaces,  livrait  aux 
rires  du  parterre  Guy  Patin  et  consorts,  dans  la 
personne  de  Diafoirus,  dont  le  fils  avait  justement 
soutenu  €  une  belle  thèse  à  images  contre  les 
circulateurh  ». 

Mais  le  plus  valeureux  champion  de  Harvey,  ce 
fat  encore  Boileau.  On  lui  doit,  en  effet,  ileux 
parodies  bouffonnes  des  actes  juridiques  du  temps, 
que  ne  contiennent  pas  les  éditions  scolaires.  S*il 
faut  en  croire  Ménage,  ces  deux  pièces  eurent 
le  mérite  de  prévenir  par  le  ridicule  un  arrêt  très 
sérieux  que  1  Université  se  préparait  à  obtenir  du 
Parlement  contre  ceux  qui  se  permettaient  d'en- 
seigner une  autre  philosophie  que  ceUe  d*Aris- 
toto. 

VAnêt  burlesque  concerne  exclusivement  les 
choses  médicales  : 

«  Attendu  que,  depuis  quelques  années,  une 
inconnue,  dénommée  la  Raison,  a  entrepris  d*en- 
trer  par  force  dans  les  écoles  de  TUniversité,  et, 
par  une  procédure  nulle  de  toute  nullité,  a  attri- 
bué au  cœur  la  charge  de  recevoir  le  ch^le  appar- 
tenant ci-devant  an  foie,  comme  aussi  de  faire 
voiturer  le  sang  par  tout  le  corps,  avec  plein 
pouvoir  au  sang  d*y  vaguer,  errer  et  circuler 
impunément  par  les  artères  et  veines,  n'ayant 
d*aulre  droit  ni  titre  pour  faire  lesdites  vexations 
que  la  seule  expérience  —  dont  le  témoignage 
n*a  jamais  été  reçu  dans  lesJiles  écoles. 

€  Plus,  par  un  attentat  et  voie  de  fait  énorme 
contre  la  h  acuité  de  médecine,  se  ser^iit  ingérée 
de  guérir  quantité  de  fièvres  intermittentes,  tierces, 
doubles,  quartes  et  même  continues,  avec  pou- 
dres et  écorces  de  quinquina  et  autres  drogues 
inconnues  à  Aristnie  et  à  Hippocrate  ;  —  et  ce, 
sans  saignées  ni  par^ations,  ce  qui  est  non  seu- 
lement irrégulier,  m»is  tortionnaire  et  abusif..- 

€  La  Cour  ordonne  au  chyle  d'aller  droit  an 
foie,  sans  plus  passer  par  le  cœur,  et  au  foie  de 
le  recevoir;  fait  défense  au  sang  d'être  plus 
vagabond,  errer  ni  circuler  dans  le  corps  ;  défend 
à  la  Raison  et  à  ses  adhérents  de  guérir  les  fièvres 
par  quinquina  et  autres  drogues  non  approuvées 
ni  connues  des  anciens.  Et,  en  cas  de  guèrison 
irrégulière  par  icclles  drogurs,  permet  aux  méde- 
cins de  ladite  Faculté  de  rendre,  suivant  leur 
méthode  ordinaire,  la  fièvre  aux  malades,  avec 
casse,  séné,  juleps,  sirops  et  autres  remèdes  pro- 
pres à  ce,  pour  être  ensuite  traités  selon  les 
règles,  et,  s'ils  n'en  réchappent,  conduits,  du 
moins,  en  l'antre  monde  suffisamment  purgés  et 
évacués.  » 

Boileau  avait  déjà  appliqué  sa  verve  satirique 
à  défendre»  dans  la  Requête  en  faveur  éCArisiote, 


d'autres  vérités  déjà  anciennes  sur  un  terrain 
scientifique  différent. 

«  Plaise  à  la  cour  d'ordonner  que  Ton  délivrera 
au  plus  tôt  Saturne  du  cerceau  dans  lequel  M.  Huy* 
ghens  le  tient  emprisonné  ;  que  Jufiiter  congé- 
diera ses  quatre  gardes  ;  que  le  Soleil  se  débar- 
bouillera le  visage  et  ne  paraîtra  plus  en  pubUc 
avec  ses  vilaines  taches  ;  que  la  lune  laisseia  la 
Terre  en  poisession  des  montagnes  et  des  vallées 
et  renoncera  pour  jamais  au  titre  d'  <  autre 
monde  »  ;  que  M.  Cassini  sera  obligé  de  faire 
réparer  à  ses  frais  toutes  les  brèches  et  crevasses 

3u'il  a  pratiquées  dans  la  voûte  des  cieuz  pour  y 
onner  passage  aux  dernières  comètes,  attentat 
préjudiciable  à  l'état  du  firmament  solide  d'Aris- 


toîe  ;  que  Tair  sera  reconnu  désormais  plus  léger 

3u*une  plume,  et  qu'on  rompra  tous  les  loyaux 
e  verre  de  M.  Pascal,  qui  le  rend*>nt  pesant  et 
qui  attentent  aux  intérêts  du  plein,  partie  adverse 
du  vide;  qu'aucuns  pilotes  ou  navigateurs  nd 
tourneront  plus  autour  de  la  Terre  sous  peine  de 
devenir  antipodes  et  d'être  précipité!  au  ciel  ;  que 
la  Terre  se  reposera  ;  que  le  Soleil  tournera  pour 
elle  sous  peine  d'excommunication  ;  que  MM.  Gus- 
sendi,  Descartei  et  leurs  adhérents  seront  con- 
damnés à  faire  amende  honorable  pour  avoir 
composé  des  livres  diffamatoires  et  injur.eux  à  la 
mémoire  du  défunt  seigneur  Aristote,  en  son 
vivant  précepteur  d'Alexandre  le  Gr^nd,  roi  de 
Macédoine,  et  qu'à  l'avenir  on  ne  prétendra  plus 
sottement  et  imperlinemment  à  de  nouvelles  décou- 
vertes qui  ne  soient  pas  dans  Aristote.  » 

Cette  ironie,  au  xvii*  siècle,  n'allait  pas  sans 
un  certain  courage.  Ce  sera  pour  Boileau  un  nou- 
veau titre  aux  yeux  de  la  postérité. 

E.  P. 


RACINE    ET    LA   CHAMPMESLÉ 


Avant  1677,  date  de  son  mariage  et  de  son  en- 
trée dans  la  vie  régulière.  Racine,  qui,  depuis, 
devint  notre  hôte  à  Auteuil,  avait  longtemps 
aimé  l'actrice  Desmares,  dite  la  Champnicslé, 
qu'il  avait  formée  à  la  déclamation,  lui  explif|uant 
le  sens  des  vers  qu'elle  avait  à  réciter,  lui  indi- 
quant les  geste,  lui  dictant  les  intonations,  ot 
plus  tard,  quand  l'élève  était  devenue  célèbre, 
créant  des  rôles  pour  elle. 

Quand  la  Champmeslé  eut  quitté  la  scène,   elle 
vint  également  se  retirer  à  Auteuil,  où  elle  mou- 
rut le  15  mai  1698,  âgée  d'environ  cinquante- 
six  ans,  et  repentante  de  ses  fredaines  passées. 
—  Qu'il  lui  soit  beaucoup  pardonné,  parce  qu'elle 
a  beaucoup  aimé!  En  effet,  quoique  mariée  à 
l'acteur  Chevillet,  dit  Champmeslé,  la  chronique 
aftirme  qu'elle  ne  sut  ^ue  trop  partager  son  cœur. 
Après  avoir  oublié  le  jeune  Sévigné,  et  plusieurs 
autres,  elle  avait  également  sacrifié  le  trop  ten- 
dre Racine  au  comte  de  Clermont-Tonnerre,  et 
c'est  alors  qu'un  mauvais  plaisant  commit  le  qua- 
train suivant  : 


ANNEXES 


469 


A  la  plus  tendre  amour  eHe  fut  destinée, 

Sui  prit  longtemps  racine  dans  son  cœur  ; 
ais  par   un  insifoie  malheur 
Le  Tonnerre  est  venu,  qui  l'a  deBacinée, 

DéfendaDt  avec  piété  la  mémoire  de  9on  père, 
Louis  Racine  affirme  que  les  rapports  qu'il  eut 
avec  la  Champmeslé  furent  seulement  ceux  d'au- 
teur à  acteur,  de  professeur  de  déclamation  à 
élère.  Qui  doit-on  croire,  Louis  Racine  ou  le  qua- 
train du  temps  (i)  ? 

Une  autre  singularité  peu  connue,  c'est  que  la 
femme  de  Racine,  ^ui  lui  survécut  trente-trois 
ans,  ne  connut  jamais,  dit-on,  soit  par  la  lecture, 
soit  par  la  représentation,  les  œuvres  qui  avaient 
acquis  à  son  mari  une  si  grande  réputation. 


femme  et  enfants  ;  perdez  tout,  hors  l'hon- 
neur !  » 

Il  garda  soo  honneur  ;  mais,  par  son  opposi- 
tion, il  encourut  la  disgrâce  de  Louis  XIV. 

Kn  17i7,  il  fut  nommé  chancelier  par  le  Ré- 

Sent  ;  Tannée  suivante,  ayant  combattu  le  système 
e  Law,son  exil  de  Paris  fut  prononcé,  etd'Agues- 
seau  se  retira  dans  ses  terres  de  Fresnes,  qui 
devinrent  célèbres  par  son  séjour. 

Quand  on  eut  reconnu  tout  ce  qu'il  y  avait  de 
désastreux  dans  Torganisation  financière  de  Law, 
d'Aguesseau  fut  rappelé,  en  4720  ;  mais,  deux 
ans  après,  le  cardinal  Dubois  le  fit  destituer,  et  les 
sceaux  ne  lui  furent  rendus  qu'en  1737,  sous  le 
ministère  du  cardinal  Fleury. 


Voici  la  copie  du  Tableau  généalogique  de  la  branche  ainée  de  la  famille  Racine,  offert  par 
M.  Mirleau  d'illiers  et  déposé  aux  Archives  : 

Jean  RACINE,  Catherine  de  ROMANET, 

de  TAcadémie  française,  i652  —  1782 

21  décembre  1689  —  20  avril  1699 


Louis  RACINE, 
de  rAcadémie  des  Inscriptions 
et  Belles-Lettres, 
6  novembre  1692  —  29  janvier  1768 


Marie  PRESLE  de  l'ECLUSE, 
1700  —  1794,  Marraine  de  Louis-Marie 
Mirleau  o*Illiers  ci-après 


Louis-Grégoire  MIRLEAU  de  NEUVILLE  Anne  RACINE, 

DE  SAINT-HERY,  Seigneur  de  la  Berruère,  Née  à  Lyon  en  1700, 

dos  Radrets,  d'illiers  Décédée  à  Blois'le  10  Brumaire  an  XIV 

5  octobre  1712  —  4  novembre  1788  (Erratum.  Lisez  :  Née  à  Lyon  vers  1780) 


Louis  MIRLEAU  de  NEUVILLE  des  RADRETS 

d'Illiers, 

Avocat  au  Parlement  de  Paris 

1757  —  1829 


Marie-Louise-Claude  de  BONVOUST, 

1765  —  1847 
{Armoriai  de  France,  registre  /,  p.  80) 


Louis-Marie  MIRLEAU  d'ILLIERS. 
!•'  avril  1786  — 14  novembre  1870 
M"*  BL\cine,  sa  marraine 


LouiSE-AsPAsiE  de  GUÉROUST  de  la  FONTELLE, 

1796  —  1871 
[Armoriai  de  France,  registre  5,  tonie  /"') 


I       m 
Louis-Marie-Pierre  MIHLEAU  dILLIERS,  né  à  Vendôme  le  3  avril  1829. 


NOTICE 
SUR    HENRI- FRANÇOIS    D*A6UESSEAU 

Si  la  ville  de  Limoges  s'enorgueillit  d'avoir  vu 
naître  Henri-François  d'Aguesseau,  le  1^' novem- 
bre 1668,  le  village  d'Auteuil  est  également  fier 
d'avoir  été  affectionné  par  ce  grand  magistrat, 
honneur  du  barreau  français,  qui,  pendant  plu- 
sieurs années,  habita  la  maison  ayant  appartenu 
à  Boileau,  et  dans  laquelle  mourut  sa  femme  le 
!«' décembre  1735. 

Ce  fut  d'Auteuil  que  d'Aguesseau  partit  pour 
Versailles  s'opposer  à  l'enregistrement  de  la  bulle 
«  Unigenitus>  ;  et,  à  cette  occasion,  Mme  d'Agues- 
seau lui  adressa  ces  paroles,  au  moment  de  son 
départ  :  «  Mon  ami,  allez  oublier,  devant  le  Hoi, 

(1]  II  n'est  pas  contestable  que  c'est  au  quatrain 
qu'il  faut  ajouter  fol.  et  la  piélc  liliale  ne  saurait 
changer  la  vérité  et  l'histoire. 


Il  les  conserva  jusqu'en  1750,  remplissant  en 
sage  la  charge  qu  il  avait  acceptée  en  bon  citoyen. 
Il  mourut  à  quatre-vingt-trois  ans,  le  9  février 
1751. 

D'Aguesseau  demanda  a  être  enterré  dans  le 
cimetière  d'Auteuil,  oh  reposait  le  corps  de  sa 
femme,  qu'il  avait  tant  aimée. 

Coulanges  avait  dit  à  l'époque  de  son  mariage, 
qui  eut  lieu  en  1694,  qu'on  avait  vu  pour  la  pre- 
mière fois  €  les  Grâces  et  la  Vertu  s'allier  en- 
semble ». 

En  1753,  leurs  enfants  firent  mettre  leurs 
cendres  dans  un  monument  élevé  aux  frais  et  par 
ordre  de  roi  Louis  XV,  en  face  de  la  porte  de 
l'Eglise  (1). 

En  1793,  alors  que  tout  sentiment  de  res- 
pect était  étouffé  et  que  le  ravage  et  la  destruc- 
tion faisaient  leur  œuvre,  la  sépulture  de  d'Agues- 
seau fut  violée  et  les  cercueils  de  plomb  ouverts, 

(1)  Ce  monument  était  composé  d'une  pyramid 
à  base  de  marbre,  couronné  d'un  globe  d  or  sur- 
monté d'une  croix. 


IfJO                                                HISTOIHK    DU    SVI*  ARRONDISSEMENT 

Hais  les  osiemcDls  furent  réanis  pir  tes  soins  et  «  Ouand  il  eut  le  mslhenr  de  p«rdre  si  fenine, 

en  présence  du   mire,  H.  Benoit,  dont  on  ne  •  li  douleur  de  d'Aguesseau  égala  sa  tendresse 

lanrait  assez  louer  la  pieuse  TÎgilance,  dans  un  *  pour  elle.  Cependant  1  peine  eatii  essuyé  ses 

cercueil  de   bois  que  l'on  replaça  sous  lo  monn-  >  larmes  qu'il  se  livra  aux  fonctions  de  u  place. 

ment.  *■  Comme  on  craignait  que  le  poids  des   affaires, 

LeSOfrintaireanlX,  le  tombeau  fut  restau ré(l)  <  joint  à  celui  de  l'affliction,  ne  l'aceablit  ;  <  Je 

et,    i  cette  occasion,    M.  Benoit  prononça   nn  *  me  dois  au  public,  disait-il,  et  il  n'est  pas 

discours  duquel  il  faut  retenir  c«  passage  :  *  juste  qu'il  souffre  dios  mes  malheurs  doneslJ- 

<  Dans  un  de  ces  moments  oii  d'Aguesseau  *  qoes.  > 


<  méditût  sur  ses  devoirs,  on  croyait  l'entendre  Je  lermiDerai  en  eit^ot  une  des  quatre  inscrip- 
«  dire  à  la  Patrie  :  Je  n'ai  à  t'offrir  que   ce  que  tions  latérales  du  tombeau  de  d'Aguesseau  : 

'  m'a  donni  la  nature. ma  vie  courte  et  passagère;  La  nature  ne  fait  qiie  prêter  \et  grattât 

-  mais  j'eu  déposerai  dans  ton  sein  tous  les  ins-  hommes  à  la  terre;  lit  t'éièvmt,  Mlunt   et 

<  tants.  —  Beçoig  le  serment  que  je  fais  de  ne  dnparaissent;  lewr  exemple  et  leurs  ouvrage* 
«  vivre  que  pour  toi  I  restent. 

*  Il  était  digne  d'avoir  pour  amis  le  sage  au-  He-nbi  db  Forues  de  HmiAOSAC. 
«  teur  de   t'Arl  poétique  et   l'auteur  sublime 

.  d'Athalie.  

*  Il  n'avait  point  l'orgueil  de  protéger  ces  deux 
«  hommes,  l'hounenr  de  leur  siècle  ;  mais  il  ap~ 

.  preiuil  J'».  1  boDorer  m  joar  le  m.  PÉTITION  lU  COaSEIL  HUIIICIPIl 

(j)  Oti  pcul  lire  aui  Archinl^^  ik  la  mnirie  rie^  Nous  doiinnni  ici,  A  litre  do  docament.  l'eipasé 

elle  reslau-  dts  moiifa  de  In  p^llUnn   au  Conseil  muDîclpal, 
expoït  qui  »  clé  tiàigo  par  H  -  GuHlols 


ANNEXES 


471 


RUE  DE  LA  TUILERIE 

Une  rue  noatelle  vient  d'être  ouverte  dans  la 
me  Mozart,  en  face  da  débouché  de  la  rue  de  la 
Cure.  Cette  me  ne  porte  pas  encore  de  nom.  La 
Société  historique  propose  que  cette  voie  soit  dé- 
nommée rue  de  la  Tuilerie,  en  souvenir  du  châ- 
teau historique  sur  les  dépendances  duquel  elle  est 
établie. 

Le  château  de  la  Tuilerie  a  été  habité  sous  le 
Directoire  et  le  Consulat  par  le  général  du  génie 
d* Arçon,  collaborateur  du  grand  Carnot.  Depuis, 
il  fut  la  demeure  de  la  tragédienne  Rachel  et  de 
Thiers. 

Les  arbres  centenaires  qui  existent  encore  dans 
un  immeuble  voisin  (couvent  de  TAssomption) 
sont  les  arbres  mêmes  du  parc  de  la  Tuilerie.  Il  y 
a  là,  semble-t-il,  un  souvenir  d'histoire  locale 
qu'il  serait  bon  de  conserver  et  qui  ne  saurait  son- 
lever  aucune  objection  de  principe. 

RUES  DU  COLONEL-COUTELLE  ET  DUClS 

Le  morcellement  de  la  propriété  Chardon-La- 
gâche,  ft  Auteuil,  rue  Théophile-Gautier,  a  créé 
deux  nouvelles  rues  qui  ne  portent  encore  aucun 
nom. 

La  Société  historique  d'Auteuil  et  de  Passy  pro- 
pose qu'une  de  ces  voies  prenne  le  nom  du  brave 
colonel  Cautelle,  premier  aérostier  de  Tarmée,  et 
qui,  à  ["leurus,  par  son  ballon,  rendit  les  plus 
grands  services  à  Tarmée  française.  Coutelle  se 
retira  à  Auteuil,  place  de  TEclise;  il  y  mourut, 
léguant  aux  pauvres  une  partie  de  sa  fortune  et  aux 
écoles  de  la  commune  d'Auteuil  deux  prix  qui, 
chaque  année,  jusqu'à  l'annexion  de  1860,  furent 
distribués  en  son  nom. 

La  seconde  voie  pourrait  être  appelée  rue  Ducis, 
en  souvenir  de  ce  littérateur  estimé,  qui  demeura 
longtemps  à  Auteuil,  sur  la  place  de  TEglise.  Ducis, 
le  premier,  a  fait  connaître  à  la  France  les  beautés 
de  Shakespeare;  on  peut  dire  qu'il  a  popularisé, 
dans  notre  pays,  l'œuvre  du  grand  tragique  an- 
glais. A  ses  titres  littéraires.  Ducis  joint  le  mé- 
rite d'avoir  su  rester,  sous  l'Empire,  le  républi- 
cain qu'il  avait  été  pendant  la  Révolution. 

Trois  fois,  il  refusa  sa  nomination  au  Sénat 
conservateur  :  €  En  voyant  les  dorures  de  l'habit, 
disait-il,  jamais  je  ne  pourrais  m'habituer  à  porter 
cette  casaoue-là.  »  La  détermination  de  Ducis  était 
d'autant  plus  noble  que  le  poète  était  dans  le  be- 
soin. €  Je  ne  veux  faire  en  ce  monde  que  des  tra- 
gédies, écrivait-il  à  Fontanes.  Je  suis  au  pied  de 
mon  saule  ou  de  mon  palmier.  Il  faut  que  j'y  vive 
et  que  j'y  meure.  Le  nom  d'une  place  est,  à  mes 
oreilles,  le  bruit  du  ciseau  de  Dalila.  Laissez-moi 
m^  cheveux.  »  Et,  une  autre  fois,  à  Bernardin  de 
Saint-Pierre  :  €  Je  suis  poète,  républicain  et  soli- 
taire. Voilà  les  éléments  qui  me  composent  et  ne 
peuvent  s'arranger  avec  les  hommes  en  société  ou 
avec  les  places.  Je  vous  donne  ma  parole  d'honneur 
que  j*aimerais  mieux  mourir  tout  doucement,  dans 
le  lit  de  ma  mère,  pour  être  ensuite  déposé  auprès 
d*elle,  que  d'accepter  la  place  de  sénateur.  Je  n'au- 


rai qu'une  physionomie,  celle  d*un  bonhomme  et 
d'un  auteur  tragique  qui  n'était  pas  propre  à  autre 
chose.  » 

Cette  modestie,  cette  indépendance,  l'habitation 
longtemps  continuée  de  Ducis  à  Auteuil,  à  deux 

Eas  de  la  nouvelle  voie,  font  espérer  à  la  Société 
istorique  que  le  Conseil  municipal  de  Paris  voudra 
bien  donner  le  nom  de  ce  poète  républicain  à 
l'une  des  deux  rues  récemment  percées  (i). 


BOILEAU   A   AUTEUIL 

Depuis  que  j'ai  eu  l'honneur  de  lire  devant  la 
Société  historique  mon  étude  sur  la  maison  de 
Boileau,  j'ai  eu  connaissance  d'un  autographe  bien 
précieux. 

C'est  une  lettre  qu'Henry  du  Trousset  de  Valin- 
cour,  le  successeur  de  Racine  à  l'Académie  fran- 
çaise, écrivait,  de  Messine,  le  3  septembre  1703, 
à  Boileau,  pour  lui  conseiller  de  ne  pas  vendre 
sa  maison  d  Auteuil.  Il  lui  rappelle  l'exemple  d'Ho- 
race et  de  Térence  et  lui  conseille  de  consulter 
€  avant  que  de  rien  faire  M.  le  Procureur  géné- 
ral, M.  l'abbé  Renaudot  et  M.  Le  Verrier;  que  si, 
pourtant,  ajoute-t-il,  vous  êtes  teUement  déter- 
miné que  nen  ne  puisse  vous  faire  changer,  je  ne 
pourrais  voir  qu'à  r^ret  Antoine  et  Babet  et  la 
vache  et  la  chatte  passer  à  un  autre  maître  et 
je  m'offre  à  les  recueillir  tous  à  Saint-Cloud,  si 
vous  voulez  bien  les  adresser  à  M.  ou  Mme  d'Hé- 
ricour.  » 

Antoine  Riauié,  originaire  de  la  Picardie,  est 
ce  fameux  jardinier  qui  exerçait  dans  l'hermitage 
d'Auteuil 

...  Tart  de  la  Quintiiiie 

Il  semble,  au  dire  de  Brosette  (2),  que  Boileau 
avait  eu  Quelque  peine  à  vaincre  ses  préjugés  à 
son  égara.  Antoine,  qui  faisait  pour  ainsi  dire 
partie  de  l'immeuble,  puisqu'il  passa  après  Boileau 
au  service  de  Le  Verrier,  avait  été,  pendant 
dix-huit  mois,  le  jardinier  de  M.  deBanteuil,  pré- 
décesseur du  poète.  Boileau  disait  de  son  venaeur 
que  c'était  un  homme  fort  décrié  à  cause  de  ses 
friponneries,  et  que  jamais  personne  ne  lui  en 
avait  dit  du  bien.  «  Uy  a  même,  ajoute  Brosette, 
un  abbé,  diyne  de  foi,  oui  lui  avait  assuré  que 
Banteuil  était  parent  du  bourreau,  » 

Antoine  Riquié  et  sa  femme  Babet  firent  revenir 
Despréaux  sur  sa  première  impression,  en  ce  qui 
les  concernait  du  moins.  Antoine,  qui  ne  manquait 
ni  d'intelligence  ni  de  bon  sens,  —  Brosette  qui 
aimait  à  causer  avec  lui  en  témoigne,  —  Antoine 
fut  pour  son  maître,  pendant  les  vingt  ans  qu'il 
resta  à  son  service,  d'une  fidélité  à  toute  épreuve. 
Boileau  a  récompensé  ce  «  laborieux  valet  »  en 
inscrivant  son  nom  dans  la  xi*  épltre. 

Antoine  Gcillois. 

(1)  Jusqu'ici  il  n'a  pas  été  donné  satisfaction  à 
celte  pétition. 

2.  Mémoires  de  Brossette  sur  Boileau-Des- 
préaux.  Msc.  de  la  Bibliothèque  Nationale,  dont 
quelques  fragments  ont  été  publiés  par  Aug. 
Haverdet,  en  i858,  Parit»,  Técbener. 


472S 


HISTOIRE    DU    XVI'   ARRONDISSEMENT 


NOTES    SUR    BOILEAU 

Boileao  était  né  à  Paris  en  1636.  Il  était  le 
dernier  enfant  d*un  greffier  du  parlement.  . 

Son  .enfance  ne  lat  pas  très  heureuse.  Il  cou- 
chait dans  une  espèce  de  poivrière  placée  au  niveau 
des  cheminées,  froide  en  hiver,  chaude  en  été,  et 
qu'il  quitta  avec  honheur  pour  descendre...  au 
grenier,  ob  on  lui  fit  enfin  la  charité  de  rinstaller. 

An  sortir  du  collège,  il  fit  son  droit  ;  mais  la 
première  fois  qu'il  voulut  plaider,  il  fut  si  intimidé 
qu'il  oublia  le  discours  ^u'ilavait  préparé  et  appris 
par  cœur.  De  ce  jour,  il  dit  adieu  an  barreau  et 
se  consacra  à  la  poésie. 

Ce  fut  à  vingtnquatre  ans  que  Boileau  composa 
sa  première  satire,  dont  le  succès  lut  très  çrand. 

Il  se  lia  avec  Racine,  Molière,  La  Fontaine  ;  il 
eut  ainsi  l'avantage  de  vivre  dans  le  commerce 
intime  des  esprits  les  plus  distingués  et  les  plus 
délicats  de  son  temps.Il  eut  pour  Racine  une  amitié 
tendre,  dévouée,  sans  réserve. 

En  1669,  il  avait  publié  déjà  toutes  ses  satires, 
n  avait  alors  33ans.Présenté  à  Louis  XIV,  il  sortit 
de  cette  première  audience  avec  une  pension  con> 
sidérable.  Plus  tard,  le  roi  le  nomma  son  his- 
toriographe, avec  une  pension  de  2.000  livres, 
conjointement  avec  Racine,  qui  en  touchait  une 
de  4.000  livres. 

Plusieurs  paroles  et  divers  traits  de  la  vie  de 
Roileau  méritent  d'être  remis  en  lumière. 

D'abord  sa  réponse  à  Louis  XIV,  bien  connue, 
répétée  cent  fois,  et  qui  mérite  encore  de  l'être, 
moins  remarquable  peut-être  cependant  que  la 
réplique  de  Louis. 

—  Quel  est  le  plus  grand  écrivain  du  royaume? 
lui  demandait  le  roi. 

—  Sire,  c'est  Molière. 

—  Âh  !  je  ne  l'aurais  pas  cru,  dit  le  roi,  mais 
vous  vous  y  connaissez  mieux  que  moi. 

Un  autre  trait,  moins  connu,  mérite  d'être 
relevé. 

Dans  une  compagnie  où  se  trouvait  un  jour 
Roileau,  à  Auteuil,  —  l'anecdote  ne  désigne  la 
maison  que  par  l'initiale  V...,  —  une  jeune  per- 
sonne fut  priée  de  chanter,  de  jouer  du  clavecin, 
et  de  montrer  quelques  dessins  qu'elle  avait  faits. 

Rien  de  nouveau  sous  le  soleil.  Déjà  il  y  a  un 
siècle,  on  demandait  à  bébé  de  jouer  son  grand 
morceau. 

On  voulait  faire  briller  les  talents  de  la  jeune 
personne.  Malheureusement,  ses  talents  étaient 
fort  médiocres.  Chacun,  néanmoins,  s'empressa 
de  lui  faire  des  compliments  :  politesse  des  salons 
qui  n'a  rien  de  la  franchise  du  vieux  soldat. 

Boileau  ne  voulait  pas  mentir,  et  cependant  il 
ne  voulait  pas  manquer  de  politesse. 

Sans  parler  ni  du  chant  de  la  demoiselle,  ni 
de  son  exécution  musicale,  ni  de  ses  dessins,  il 
se  tira  d'affaire  en  disant,  de  la  meilleure  grâce 
du  monde:  «  On  vous  a  tout  appris, mademoiselle, 
hormis  à  plaire;  c'est  pourtant  ce  que  voussave^ 
le  mieux.  > 

J'en  reviens  aux  relations  de  Boileau  avecRacine. 


Il  n'avait  pour  lui  aucun  secret,  et  leur  confiance 
était  réciproque.  Leur  prose,leuts  \er8,  leurs  sen- 
timents, leurs  intérêts,  leur  vie,  ils  se  commu- 
niquaient tout.  Lorsque  Racine  mourut,  Boileau, 
inconsolable,  quitta  la  cour  et  se  confina  dans 
sa  maison  d' Auteuil,  que  nous  sommes  tous  heu- 
reux d'avoir  retrouvée. 

Dans  ses  relations  avec  Racine,  Boilean  avait 
souvent  mis  les  pouces,  comme  on  dit.  Le  croi- 
rait-on? c'était  lui  dont  le  caractère  était  le  plus 
souple,  et  le  doux  Racine  avait  des  vivacités. 
L'auteur  de  Phèdre  était  parfois  amer  dans 
ses  railleries  et,  dans  la  vie,  il  avait  l'esprit  plus 
mo(|ueur  que  l'auteur  du  Lutrin,  quoique  tem- 
père —  il  est  juste  de  le  reconnaître,  —  par  un 
grand  fonds  de  vertu  et  de  religion.  Mais,  enfin, 
ses  amis  ne  trouvaient  pas  toujours  grflce  devant 
lui.  Boileau  ayant  un  jour,  à  l'Académie,  avancé 
une  proposition  qui  n'était  pas  juste,  Racine  lui 
prouva  assez  vivement,  et  même  d'une  un  peu 
rude  façon,  qu'il  s'était  trompé.  Boileau  se  con- 
tenta de  lui  répliquer:  €  Je  conviens  que  j'ai 
tort,  mai  j'aime  mieux  avoir  tort  qu'orgueilleu- 
sement raison.  » 

Racine  mort,  Boileau  n'eut  plus  qu*une  passion  : 
le  jeu  de  quilles  !  «  11  faut  avouer,  disait-il  avec 
une  modeste  bonhomie,  que  j*ai  deux  grands  talents 
aussi  utiles  l'un  que  l'autre  à  la  société,  l'un  de 
bien  jouer  aux  quilles  et  l'autre  de  bien  faire  des 
vers.  » 

Boileau  ne  pouvait  voir  un  homme  de  lettres 
dans  la  peine,  et  il  venait  au  secours  de  tous  ceux 
dont  il  apprenait  les  embarras. 

Cx)lbert  mort,  la  pension  de  Corneille  fut  suppri- 
mée, il  demanda  qu'on  la  rétablit  en  supprimant 
la  sienne.  Toutes  les  deux  furent  maintenues. 

Le  célèbre  avocat  Patru,  sans  ressources,  ven- 
dait ses  livres  pour  une  somme  assez  modique. 
Boileau  l'apprend,  accourt,  surenchérit,  paie  et 
écrit  dans  le  marché  que  Patm  conservera  ses 
livres  jusqu'à  sa  mort. 

Boileau,  dont  la  plume  fut  si  mordante,  était, 
au  demeurant,  le  meilleur  des  hommes  et  eut 
l'estime  de  tous.  Ses  écrits  mêmes  la  comman- 
dent. €  Vos  satires,  lui  disait-on,  vous  feront  une 
foule  d'ennemis.  »  —  «  Non,  répliqua-t-il,  je 
vivrai  si  honnêtement  que  je  ne  laisserai  même 
pas  de  prétexte  à  la  calomnie,  r^ 

Il  mourut  en  1711,  à  l'âge  de  75  ans,  disant 
aux  amis  et  aux  parents  réunis,  éplorés,  autour 
de  lui  :  «  C'est  une  grande  consolation,  pour  un 

{loète  qui  va  mourir,  de  n'avoir  jamais  offensé 
es  mœura.  » 

Éhile  POTIR. 


LE  JARDINIER  DE  BOILEAU 

On  a  cru  longtemps  que  le  jardinier  de  Boileau 
se  nommait  Antoine  Riquié  ou  Riquet.  D'après 
les  minutieuses  recherches  de  Jal  (1),  qui  a  trouvé 


(i)  Voir  son  Dictionnaire  critique  de   biographie  ei 
d'histoire^  article  Riqué. 


ANNEXES 


473 


rois  8Îgnatare8  de  riDgéoieux  gouverneur  du 
jardin  d*AuteuU  et  une  de  son  tils,  apposées  au 
bas  d*actes  de  famille,  on  sait  aujourd'hui  que 
son  Trai  n^m  était  Riqoé  (sans  I). 

il  naquit  à  Paris  yers  1654  (i),  et  ce  fut  pro- 
bablement en  1684  qu'il  épousa  Marie  de 
Lamare  (!2)  qui  avait  le  même  Age  Que  lui.  11  en 
eut  quatre  enfants:  Jérâme,  né  à  Àuteuil  le  15 
avril  1687  ;  Marie- Jeanne,  tenue  sur  les  fonts 
de  baptême,  le  6  mars  1689,  par  Jean-Baptiste 
Racine,  fils  aîné  de  l'illustre  poète  ;  Marie- Louise, 
née  en  1691,  et  Perrette,  baptisée  le  20  mai 
1695,  ayant  pour  parrain  le  jeune  fils  de  Gilbert 
de  Voisins,  président  au  parlement  de  Paris.  An- 
toine avait  3â  ans  en  1685,  quand  Boileau  le 
trouva  établi  dans  la  maison  d'Aoteuil  et  le  garda 
à  son  service,  et  41  ans  quand  le  poète  lui  dédia 
sa  onzième  épltre,  qui  fit  passer  son  nom  à  la 
postérité: 

«  Laborieux  valet  du  plus  commode  maître 

Qui  pour  te  rendre  heureux  ici -bas  pouvait  naître, 

Antoine,  gouverneur  de  mon  jardin  d'Auteuil, 

Qui  diriges  chez  moi  l'if  et  le  chèvrefeuil. 

Et  sur  mes  espaliers,  ingénieux  génie. 

Sait  si  bien  exercer  lart  de  La  Quintinie...  > 

Marie  de  Lamare  mourut  le  9  mars  1722,  Agée 
de  68  ans.  L*acte  d'inhumation  nous  apprend  qu*à 
cette  date  Antoine  était  jardinier  du  docteur  Gen- 
dron,  médecin  du  régent  et  célèbre  oculiste.  Deux 
vers  satiriques  de  Voltaire  dans  son  Épitre  à 
BoUmu,  où  il  parle  de  sa  visite  à  Gendron,  con- 
firment l'assertion  de  Jal  : 

Je  vis  le  jardinier  de  la  maison  d'Aaleuil 
Qui  chez  toi,  poar  rimer,  planta  le  chèvrefeuil. 

Gendron,  en  1722,  était  donc  déjà  propriétaire 
de  Tancienne  maison  de  Boileau  ;  peut-être  An- 
toine n*avait-il  pas  quitté  la  maison  et,  après  avoir 
servi  M.  Le  verrier,  avait-il  été  conservé  par 
Mme  de  Calabre,  qui  aurait  fait  une  bonne  affaire  en 
gardant  ce  précieux  serviteur.  A  partir  de  son  veu- 
vige,  on  ne  trouvait  plus  son  nom  sur  les  registres 
d'Auteuil.  Déjà  vieux,  il  prit  sans  doute  sa  retraite, 
qu'il  avait  bien  gagnée,  et  peut-être  se  retira*t-il 
chez  sa  fille  Marie- Jeanne  (3)  qui  avait  épousé  un 
jardinier  d'Asnières,  avant  de  venir  à  Paris,  où  il 
mourut  sur  le  territoire  de  la  paroisse  de  la  Made- 
laine  de  la  Ville-rÉvéque,  le  3  octobre  1745, 
âgé  de  95  ans.  Le  lendemain,  on  Tinhuma  au 
grand  cimetière  de  cette  paroisse. 

L.  Mar. 


BOSSUET    CHEZ    BOILEAU 

Avoir  l'indication  authentique  que  Bossuet  est 
venu  à  Auteuil  chez  Boileau,  ou,  tout  au  moins, 
qu'il  en  a  fait  le  projet,  ce  n'est  pas  un  souvenir 

(1)  Voir  l'édition  des  œuvres  de  Boileau  publiée 
par  Viollet  le  Duc  en   i8ai. 

(2)  On  l'appelait  familièrement  Babel. 

(3)  Marie-Louise,  qui    avait  épousé   également 
un  jardinier,  était  morte  en  1716. 


banal,  sans  intérêt  pour  la  Société  historique  ! 
Hecueillons-en  précieusement  la  preuve. 

Nous  trouvons  dans  la  correspondance  de  Bos- 
suet le  billet  suivant,  adressé,  en  1695,  à  l'abbé 
Renaudot,  le  petit-fils  du  fondateur  de  la  Gazette 
de  France.  Ùkymne  céleste  dont  il  s'agit  est 
V Epitre  XII  de  Boileau  sur  rAmour  divin;  Tabbé 
Boileau,  dont  parle  Bossuet,  était  un  prédicateur 
et  un  théologien  qui  n'avait  aucune  parenté  avec 
Boileau -Oespréaux.  C'est  à  l'abbé  Renaudot  que 
Tépltre  est  dédiée. 

€  Si  je  me  fusse  trouvé  ici.  Monsieur,  quand 
vous  m'avez  honoré  de  votre  vibite,je  vous  aurais 

g  reposé  le  pèlerinage  d'Auteuil  avec  M.  l'abbé 
oileau,  pour  aller  entendre,  de  la  bouche  inspi- 
rée  de  M.  Despréaux,  l'hvmne  céleste  de  l'Amour 
divin.  C'est  pour  mercredi  :  je  vous  invite  avec 
loi  à  dîner  ;  après,  nous  irons  ;  je  vous  en  con- 
jure. » 

Le  dîner  où  Bossuet  invitait  les  deux  abbés  a-t- 
il  eu  lieu?  S'est-on  rendu  chez  Boileau  po^  cette 
lecture  !  Il  y  a  tout  lieu  de  le  croire  ;  mais  nous 
n'en  savons  pas  davantage  sur  ce  point.  Il  s'agit 
évidemment  de  l'êpttre,  avant  qu'elle  ne  fût  pu- 
bliée ;  car  elle  ne  parut  qu'en  1697,  et  nous  lisons 
dans  une  lettre  de  Racine  à  Boileau,  datée  d'octo- 
bre 1697  :  «  Je  sois  bien  aise  que  vous  ayez 
donné  votre  épltre  à  M.  de  Meaux...  »  —  Et  dans 
la  même  lettre,  après  lui  avoir  fait  un  récit  de 
ses  préoccupations  de  famille,  il  ajoute  :  «  Plai- 
gnez-moi un  peu,  dans  votre  profond  loisir  d'Au- 
teuil. » 
Tout  cela  est  à  noter  pour  nous. 

Eugène  Manuel. 


HUBERT    ROBERT    ET  SON   TEMPS 
ParC.  Gabillot  (1) 

Voici  un  ouvrage  qui  intéresse  doublement  la 
Société.  D*abord,  parce  qu'il  est  écrit  par  un  de  ses 
membres  les  plus  érudits  et  les  plus  sympathiques, 
et  ensuite  parce  qu'il  est  consacré  à  l'un  de  nos 
concitoyens  les  plus  illustres. 

Hubert  Robert,  né  à  Paris  le  22  mai  1733,  fut 
enterré  à  Auteuil,  où  il  habitait  Tété  depuis  qua- 
rante ans.  On  a  prétendu  que  sa  maison  était  celle 
que  Boileau  avait  occupée  ;  mais  la  liste  des  pro- 
priétaires successifs  de  cet  immeuble  historique 
montre  que  c'est  là  une  erreur.  La  propriété  de 
Robert,  qui  fut  vendue  25.000  francs  après  sa 
mort,  —  comme  le  prouve  un  passaj^  du  testa- 
ment de  la  veuve  du  peintre,  —  était  voisine,  du 
reste,  de  celle  de  Boileau,  et  les  recherches,  conti- 
nuées par  M.  Gabillot,  nous  font  espérer  que  nous 
en  connaîtrons  bientôt  l'emplacement  exact  et 
l'histoire. 

Le  nom  d'Hubert  Robert  rappelle  toute  une 
époque  de  l'art  français,  et  c'est  à  juste  titre  que 


(1)  Paris,  librairie  de  l'ArL  41,  rue  de  la   Vic- 
toire. 


474 


HISTOIRE   DU   XVI*   ARRONDISSEMENT 


son  biographe,  brisant  un  cadre  trop  étroit,  s*est 
attaché,  en  parlant  da  peintre  des  Ruines,  à  faire 
revivre  la  société  dans  laquelle  il  a  vécu  et  les 
jours  de  cette  période  heureuse  dont  on  a  pu  dire 
que  ceux  qui  ne  Tout  pas  connue  n*ont  pas  su  ce 
qu*est  la  douceur  de  vivre. 

Fils  d'un  des  serviteurs  familiers  du  marquis  de 
Stainville,  issu  d'une  de  ces  familles  de  braves  gens 
qui  faisaient,  à  bon  droit,  sonner  très  haut  leur 
titre  de  bourgeois  de  Paris,  Robert  dut,  comme 
tant  d'autres,  lutter  contre  la  volonté  paternelle 
pour  suivre  une  vocation  irrésistible.  La  famille  de 
Choiseul  Taida  à  ces  premières  heures  de  sa  car- 
rière, et  M.  de  Stainviile,  notre  ambassadeur  à 
Rome,  en  conduisant  avec  lui  Hubert  dans  la  ville 
éternelle,  rendit  facile  au  jeune  peintre  un  pèleri- 
nage vers  ces  pays  dont  on  commençait  à  tant 
parler,  vers  ces  chefs-d'œuvre  et  ces  monuments 
qui  attiraient  les  regards  de  tous  les  artistes. 

£tt  Italie,  Robert  passa  onze  ans  d'un  labeur 
acharné,  d'un  travail  quotidien ,  à  peine  inter- 
rompu par  des  aventures  qui  sont  devenues  célè- 
bres et  par  ce  voyage  merveilleux  ob  deux  peintres, 
Robert  et  Saint-Non,  ressentirent  les  plus  vixes 
jouissances  que  l'Art  et  l'Antiquité  puissent  faire 
éprouver. 

A  son  retour,  Robert  était  célèbre.  Reçu  à 
l'Académie  royale  de  peinture  et  de  sculpture, 
choyé  par  les  grands  seigneurs,  dont  il  ornait  les 
demeures  et  dessinait  les  jardins,  peintre  du  roi  et 
eardien  des  tableaux  de  son  Muséum,  mari  d'une 
femme  élégante  et  belle  autant  que  bonne,  le 
peintre  voyait  la  fortune  lui  sourire. 

C'est  à  ce  moment,  vers  1787,  qu'Hubert  Ro- 
bert vint  s'établir  à  Auteuil.  Dans  sa  maison  il 
plaça  les  tableaux  les  plus  rares  :  Ruysdael,  Té- 
niers,  Watteau,  (Ihardin,  Sébastien  Bourdon,  Bou- 
cher; des  marbres  de  Pajou  et  des  reproductions 
de  l'antique,  et,  au  milieu  de  ces  chefs-d'œuvre, 
il  se  plut  à  recevoir  ses  amis  avec  une  bonté  qui 
devint  proverbiale.  Robert  charmait  ses  convives 
par  son  esprit  et  ses  bons  mots,  tandis  que  ses 
notes  trouvaient  chez  lui  des  distractions  variées 
qui  leur  faisaient  aimer  la  maison  d' Auteuil. 

Cependant  un  grand  chagrin  avait  attristé  cet 
heureux  intérieur  ;  le  ménage  avait  perdu  succes- 
sivement ses  quatre  enfants.  Bientôt  aussi  la  Ré- 
volution allait  venir  et  avec  elle  l'emprisonnement 
et  les  menaces  de  mort. 

Boucher  nous  à  conservé  tous  les  détails  de  la 
captivité  d'Hubert  Robert  à  Sainte-Pélagie  et  à 
Saint-Lazare;  M.  Gabillot  a  fait  de  nombreux  em- 
prunts &  ce  dramatique  journal  d'une  existence 
qui  n'était  jamais  sûre  du  lendemain  ;  mais  le 
peintre,  plus  heureux  que  le  poète,  échappa  du 
moins  à  la  guillottine  et  put  reprendre,  après  le 
9  thermidor,  sa  place  au  foyer  domestique. 

Ces  dernières  années  de  Robert  —  il  devait 
vivre  encore  quatorze  ans  —  furent  occupées  par 
l'organisation  du  musée  du  Louvre,  par  un  second 
voyage  en  Italie  et  par  le  culte  de  relations  chaque 
iour  plus  nombreuses  et  plus  illustres. 

Deux  ans  avant  de  mourir,  le  peintre  quitta  les 
galeries  du  Louvre  €  où  s'étaient,  écoulées  ses 
belles  années  d'artiste»,  pour  aller  habiter  rue 
Neuve-du-Luxembourg.  C'est  là  qu'il  mourut,  à 
l'âge  de  soixante-quinze  ans,  le  15  avril  i8Q8,  <  Le 


bonheur  dont  fut  accompagnée  sa  vie,  dit  Mme  Vi- 
gée-Lebrun,  semble  avoir  présidé  aussi  à  sa  mort. 
Le  bon,  le  joyeux  artiste,  n'a  point  prévu  sa  Un, 
n'a  point  enduré  les  angoisses  de  l'agonie  ;  il  était 
fort  bien  portant  et  tout  hahillé  pour  aller  dtner 
en  ville.  Mme  Robert,  qui  venait  elle-même  de 
terminer  sa  toilette,  passa  dans  l'atelier  de  sou 
mari  pour  l'avertir  qu'elle  était  prête  et  le  trouva 
mort  frappé  d'un  coup  d'apoplexie  foudroyante.  > 

Comme  nonr  témoigner  par  là  de  l'affection 
qu'Hubert  Robert  avait  toujours  eue  pour  notre 
cher  Auteuil,  sa  femme  voulut  que  la  dépouille 
mortelle  du  peintre  y  fût  déposée,  et  elle-même, 
quand  elle  mourut,  en  4824,  demanda  à  être  en- 
terrée tout  pr^  de  ce  coin  de  terre  que  l'artiste 
avait  tant  aimé. 

L'histoire  de  la  peinture  devra  beaucoup  à 
M.  Gabillot  pour  avoir  fait  revivre  cette  figure, 
bien  peu  connue  jusqu'à  ce  jour,  et  dont  les  traits 
effacés  étaient  épars  dans  de  nombreux  ouvrages. 
Auteuil  et  sa  Société  historique  devront  aussi  lui 
avoir  une  particulière  reconnaissance. 

Antoine  Guillois. 


UN    AMI    D'ALFRED    DE    MUSSET 


Cette  nuit,  dans  le  bois,  une  calèche  errante. 
De  sa  double  lanterne  effrayant  l'écureuil. 
A  travers  les  rameaux  revenait,  scintillante, 
De  Boulogne  au  bassin  d'Auteuil. 

La  rêveuse,  aux  buissons  d'une  étroite  choussée. 
Laissait  nonchalamment  balayer  ses  panneaux. 
Dans  le  sable  sans  bruit  doucement  balancée 
Comme  une  barque  sur  les  eaux. 

Et  pour  charmer  encor  ce  nocturne  voyage, 
Dont  la  lune  des  bois  gardero  le  secret. 
Les  jeunes  baliveaux  ogitaient  leur  feuillage 
Où  la  serpe  d'argent  brillait. 

Do  projets  de  bonheur  la  calèche  était  pleine; 
Nul  ne  sait  quels  regards  venaient  s'y  caresser 
Ni  de  quelle  main  blanche  on  ôtait  la  mitaine 
Pour  cueillir  un  premier  baiser  ; 

Ni  quelles  voix  ont  fait  de  ces  aveux  qu'inspire 
I /ombrage  parfumé  des  arbres  défendus. 
Pourtant  bien  des  échos,  au  moins  pour  en  médire. 
Voudraient  les  avoir  entendus  ! 

Beoux  diseurs  de  secrets,  voua  perdiez  un  mystère 
Echappé  de  Paris  pour  ce  cher  entretien  : 
Les  paroles  allaient  tomber  sur  la  fougère, 
Et  le  salon  n'en  saura  rien. 

Car  aux  légers  panneaux  les  écussons  s'effacent 
A  l'heure  ou  dans  le  bois  va  dormir  l'écureuil. 
Et  vous  ne  suivez  pas  les  lanternes  qui  passent 
La  nuit  près  des  bassins  d'Auteuil. 

(Juillet,  1834.) 


L*auteur  de  cette  pièce  de  vers  intitulée  Minuit 
dans  le  bois,  —  je  ne  veux  pas  écrire  inédite, 
mais,  en  tout  cas,  assez  peu  connue,  —  a  été, 
comme  on  peut  s*en  douter,  un  habitant  d'Auteuil. 

Qui  est-il  ?  Quel  est  son  nom?... 

Laissez-moi  faire  durer  votre  curiosité  jusqu^à 
la  6n  de  ceUeoote, 


ANNEXES 


475 


l/anteur  était  né  en  180i.  11  mania  plus  le 
crayon  qoe  le  pinceau,  le  pinceau  plus  que  la 

Silume.  Sa  plume  nous  a  donné  quelques  pièces 
e  Yers  bien  tournées  ;  mais  c'est  à  son  crayon 
qu'il  doit  sa  gloire  impérissable,  que  noasdeTons, 
nous,  des  ehefs-dVuTre  de  haute  philosophie. 

Délicat,  raffiné-  parfois,  tant  qu  il  fut  nenreux 
et  joyeux,  il  eut  Thonneur  d'être  dessiné  à  son 
tour  par  la  plume  de  Théophile  Gautier,  dont  le 
nom  appartient  maintenant,  lui  aussi,  à  Auteuil. 
€  C  était  un  très  beau  jeune  homme,  dit 
Th.  Gantier,  orné  d*une  abondante  cheyelure 
blonde,  aux  boucles  irisées  et  touffues,  très  soigné 
de  sa  personne,  très  fashionable  dans  sa  mise... 
11  ne  traraillait  qu*en  jaquette  de  Telours  noir, 
pantalon  de  la  meilleure  coupe,  fine  chemise  de 
batiste  à  jabot,  souliers  vernis  à  talons  rouges. 
Il  avait  plutôt  l'air  d'un  dandy  s'occupant  d  art 
que  d*nn  artiste...  » 

Il  ne  fut  pas  toujours  ainsi.  Après  la  jeunesse 
et  la  coquetterie  vinrent  d'autres  années  et  d'au- 
tres goûts,  moins  compatibles  avec  l'élégance. 
Après  les  joies  —  les  siennes  et  celles  qu'il  cé- 
lébra avec  son  crayon  —  vinrent  les  tristesses, 
comme  si  le  miroir  des  ans  lui  renvoyait  le  reflet 
détourné  des  misères  qu'il  avait  décrites.  Les  der- 
nières années  de  notre  dessinateur  furent  remplies 
d'amertume  et  de  douleur.  Il  eut  le  malheur  de 
perdre  un  fils  qu'il  aimait  beaucoup.  Une  révolu- 
tion se  fit  subitement  dans  sa  pensée  et  dans  tout 
son  être. 

U  quitta  le  dessin  pour  la  lecture  des  livres  de 
mathématiques  et  il  passa  les  derniers  jours  de  sa 
vie  à  faire  des  mémoires  pour  l'Académie  des 
Sciences.  On  dit  que  ces  mémoires  ne  sont  pas 
sans  valeur. 

Son  talent  génial  l'avait  de  bonne  heure  enri- 
chi. U  avait  acquis  i  Auteuil  un  assez  vaste  jar- 
din ;  il  y  avait  construit  son  atelier.  Le  jardin 
était  plein  d'arbres  rares,  €  de  ces  arbres,  dit 
M.  Victor  Frond,  qui  exhalent  une  odeur  funèbre 
sans  attrister  profondément  la  pensée  ».  C'était, 
sans  doute,  l'impression  qu'en  emportaient  ceux 
qui  le  visitaient.  En  réalité,  cette  verdure  sombre, 
persistante,  ne  disait  pas  tout  le  deuil  de  la  pen- 
sée et  de  l'âme  du  père  inconsolable,  du  pand 
artiste  dont  les  yeux  et  le  cœur,  sans  cesser  d'ado- 
rer passionnément  les  merveilles  de  la  nature, 
devaient  jusqu'à  la  mort  silencieusement  pleurer. 
Il  avait  beaucoup  aimé  le  bois  de  Boulogne, 
déjà  embelli,  demeuré  sauvage  encore  près  de  la 
mare  d'Auteuil.  Mais,  dans  ses  dernières  années, 
il  ne  sortait  plus  de  son  précieux  jardin,  où  l'âme 
de  son  cher  défunt  semblait  revivre,  où  lui-même 
espérait  exhaler  la  sienne.  Bientôt  il  ne  bougea 
plus  de  sa    chambre  ;   ses  regards    toutefois 
allaient  toujours  chercher  ces  arbres,  ces  plantes, 
ces  fleurs  auxquels  s'attachait  son  dernier  amour. 
J'ai  la  bonne  fortune  d'avoir  entre  les  mains 
la  reproduction  d'une  fine  litographie  qui  le  re- 
présente debout  dans  son  jardin.  Je  la  joins  à 
ces  quelques  lignes.  Elle  était  datée  de  4867 
—  quelques  mois  après  la  mort  de  mon  héros  — 
et  devait  être  un  précieux  original. 

Un  peu  plus  que  de  trois  quarts,  presque  de 
face,  sa  bonne  physionomie  apparaît  sous  le  cha- 
peau de  paille  sans  prétention  de  l'homme  qui 


est  chez  lui.  Les  yeux  sont  encore  vifs  sous  les 
épais  sourcils  du  penseur  et  du  chercheur.  La 
barbe,  la  moustache,  les  cheveux  ont  grisonné. 
Une  ébauche  de  sourire  épanouit  ce  symphatique 
visage  :  on  sent  le  propriétaire  jardinier-ama- 
teur, content  d'être  «  croqué  »  sur  son  terrain 
de  prédilection.  La  main  droite  retire  de  la  bou- 
che ou  y  porte  la  cigarette  par  un  mouvement 
simple  et  familier.  La  main  gauche  s'enfonce 
légèrement  dans  la  poche  du  veston,  boutonné 
haut,  qui  est  à  la  fois  de  l'artiste  et  du  rentier. 
Le  pantalon  n'est  sans  doute  plus  à  pied  :  le  temps 
et  la  mode  avaient  marché.  On  dirait  que  ce  por- 
trait, qui  regarde  bien  droit,  va  parler,  et  la 
lèvre  infériirnre  semble  se  mouvoir.  On  surprend 
presc|ue  dans  le  geste  un  souhait  de  bienvenue  au 
voisin  et  à  nos  lecteurs  en  visite. 

Nous  lui  rendons  ce  bon  accueil  en  le  plaçant 
dans  notre  Bulletin. 

Mais  ce  n'est  qu'un  éclair.  Le  portrait  aimable, 
attachant,  disparaît.  Ce  qui  reste,  ou  plutôt  ce 
qui  revient,  c  est  le  souvenir  des  tout  derniers 
jours  de  l'artiste,  lor(^u'il  fallut  le  contraindre  à 
prendre  quelque  noumture  pour  soutenir  une  vie 
qu'il  lui  était  indifférent  de  voir  s'évanouir. 
U  mourut  d'anémie  le  23  novembre  1866. 
Le  Panthéon  des  Illustrations  françaises 
au  XIX*  siècle^  auquel  j'ai  déjà  emprunté,  ter- 
mine la  notice  qu'il  consacrait  à  celui  dont  je  vous 
.  entretiens,  par  cette  réflexion  : 

«  De  sa  retraite,  que  le  chemin  de  fer  d'Auteuil 
'  —  disons  :  de  Ceinture,  pour  être  exact  —  avait 
amoindrie...  »  <  il  sembla  alors  qu'on  lui  enle- 
vait Quelque  parcelle  de  lui-même  »  «...  mais 
dont  ta  vue  était  encore  belle  ;  plus  d'une  fois  t7 
jetait  un  regard,  pour  dernier  spectacle,  mais 
non  plus  pour  d'autres  études,  sur  la  foule 
bruyante,  active,  plus  folle,  mais  bienmoinsgaîe  et 
jeune  que  jadis,  qui  s'écoulait  les  après-midis 
dans  les  allées  de  son  bois  de  Boulogne.  Il  revoyait 
ses  personnages  avec  d'autres  modes,  d'autres 
costumes,  il  ne  retrouvait  plus  leur  esprit.  » 

Cet  homme-là  s'était  appelé  devant  l'état  civil 
€  GuiUaume-Sulpice  Cheinilier  ».  Jamais  il 
n'avait  voulu  donner  ses  œuvres  sous  son  nom . 
Enfin,  un  jour,  pour  plaire  à  ses  amis  connus  et 
inconnus,  et  sans  trop  se  trahir,  il  avait  choisi 
une  signature,  en  souvenir  de  la  fameuse  chute  et 
du  non  moins  célèbre  cirque  des  Pyrénées,  pour 
lesquels  son  admiration  était  sans  iJomes. 

Nous,  Messieurs,  qui  sommes  citoyens,d' Auteuil 
et  qui  formons,  vis-à-vis  des  hommes  disparus 
en  4866,  le  commencement  de  ce  qu'on  est  con- 
venu d'appeler  la  postérité,  nous  ne  connaissons, 
pour  le  saluer  d  un  souvenir  respectueusement 
ému,que  «  Gavarni  ». 

Mon  grand-père  maternel,  M.  B.  Picard,  avait 
parfaitement  connu  Gavarni  chez  M.  Polack,  avec 
lequel  Gavarni  aimait  beaucoup,  vers  4856,  à 
venir  jouer  au  billard. 

Mon  aïeul  —  soit  dit  en  passant  —  a  été  l'un 
des  premiers  propriétaires  du  hameau  Boileau,  où 
il  possédait  et  transmit  à  ma  mère  ses  deux  mai- 
sons, au  rond-point  du  fond,  attenant  à  la  pro- 
priété Givert. 

A  l'époque  où  il  connut  Gavarni,  celui-ci  habi- 
tait une  maisop  entourée  d'un  vaste  jardin,  située 


476 


HISTOIRE    DU   XVI®   ARRONDISSEMENT 


près  de  la  station  da  Point-da-Jour.  Ce  jardin 
poQTait  avoir  4  à  5.000  mètres  et  allait  jus- 
qii*à  la  Seine.  Gavarni  fat  exproprié  par  les 
travaux  du  chemin  de  fer  de  Ceinture  pour  la 
presque  totalité  de  sa  propriété,  et  toucha  une 
indemnité  d'environ  200.000  francs. 

Si  le  parc  était  grand  et  beau,  il  semble, 
d*après  certains  souvenirs  que  j'ai  recueillis,  que 
la  maison  était  fort  ordinaire.  Elle  n'avait  pour 
elle  que  ses  vastes  proportions.  Gavarni  j  recevait 
beaucoup  d'artistes  et  ae  littérateurs.  Il  était  sur- 
tout lié  avec  Alfred  de  Musset.  Musset  venait  sou- 
vent Tété  à  Autenil,  la  plupart  du  temps  chez  Ga- 
varni, qui  a  fait  du  poète  après  sa  mort  le  portrait 
aue  je  vous  ai  montré  (llliLstraiion^  i6  mai  4857). 
On  m'a  assuré  que  Musset  eut  un  petit  coin  de 
terre  près  de  Gavarni,  mais  que  cela  ne  dura 
qu'une  saison.  Ce  n'est  pas  sans  raison  qu'on  a 
tenu  à  donner  à  une  rue  d'Auteuil  le  nom  de 
l'illustre  poète. 

Il  nous  faudrait  maintenant  une  rue  Gavarni  ; 
on  pourrait  très  bien  nommer  ainsi  la  partie  de  la 
rue  du  Point-du-Jour  à  laquelle  Théophile  Gau- 
tier a  bien  voulu  laisser  sa  désignation  actuelle. 
Cette  rue  du  Point-du-Jour  a  déjà  assez  de  fois 
changé  de  nom  —  rue  Benoit,  rue  de  la  Munici  • 
palite  —  pour  qu'on  lui  applique  une  désigna- 
tion que  l'admiration  universelle  rendra  immuable 
et  définitive. 

Je  demande  à  notre  Société  de  bien  vouloir 
émettre  un  vœu  en  ce  sens.  11  existe  déjà  à  Passy, 
courte,  pas  jolie,   étroite,  une  rue  Gavarni  :  on' 

Sourrait  lui  aonner  un  nom  plus  modeste.  Usant, 
'ailleurs,  de  la  définition  de  l'avenue  qui  est  une 
rue  plantée  d'arbres,  nous  pouvons  réclamer  une 
aventie  Gavarni.  Elle  serait  à  sa  place  dans  un 

Îuartier  oti  l'on  relève,  après  les  rues  Jouvenet, 
.ancret.  Van  Loo,  Téniers,  la  rue  Daumier. 

ÉsiiLE  Potin. 

\  propos  de  cette  communication,  M.  Guillois^ 
dont  la  famille  est  liée  avec  celle  du  poète  depuis 
plus  de  cent  ans,  a  entretenu  la  Société  des  rela- 
tions qui  rattachent  Alfred  de  Musset  au  quartier 
d'Auteuil.  Il  a  rappelé  que  le  poète  habita  parmi 
nous,  dans  sa  jeunesse,  rue  Boileau,  presqu'à 
hauteur  de  la  rue  de  Musset  actuelle.  Ce  fut  là 
qu'il  fit,  à  seize  ans,  ses  premiers  vers,  une  élé- 
gie inspirée  d'André  Chenier  et  qui  n'a  pas  été 
publiée  : 

Il  vint  sous  les  flguiers  une  vierge  d'Athènes 
Douce  et  blanche,  puiser  l'eau  pure  des  fontaines, 
De  marbre  pour  les  bras,  d'ébene  pour  les  yeux. 
Son  père  est  Noémon  de  Crète,  aimé  des  Dieux. 
Elle,  faible  et  rêvant,  mit  l'amphore  sculptée 
Sous  les  lions  d'airain,  pères  de  l'eau  vantée 
Et  féconds  en  cristal  sonore  et  turbulent... 

C'était  à  Auteuil  qu'il  pensait  dans  une  de  ses 
Nuits  immortelles  : 

Quand  dans  les  bois  d'Auteuil  perdu   dans  mes 

[pensées... 

Ce  fut  à  Auteuil  encore  qu'il  fit  la  connaissance 
de  Mélesville,  chez  qui  il  jouait  la  comédie  et 
dont  il  pensa  sérieusement  à  épouser  la  fille. 

Dn  dernier  souvenir  rattache  Musset  à  notre 


Ïtartier.  Le  poète  laissa,  en  mourant,  un  chien, 
arzo,  confié  à  la  garde  du  concierge  de  la  rue 
du  Mont-Thabor.  A  la  mort  du  pauvre  animal, 
le  concieive,  pour  ne  pas  le  jeter  au  tombereau, 
l'emporta  du  c^té  des  fortifications.  IJ  s'arrêta  à 
un  endroit  oit  des  terrassiers  travaillaient  et  leur 
demanda  la  permission  de  déposer  le  corps  dans  le 
terrain  qu'ils  étaient  en  train  de  remuer.  Marzo 
fut  enseveli  sous  une  charretée  de  terre,  dans  une 
rue  nouvelle,  et  cette  rue  s'appelle  aujourd'hui 
rue  de  Musset  ! 


AUTEUIL   QUI    S'EN  VA 


Passy  se  construit  de  plus  en  plus.  Les  hantes 
maisons  sortent  chaqae  jour  de  terre  et  gagnent 
du  terrain  vers  Autenil.  Les  jardins,  les  jarainets 
tendent  à  disparaître.  Arbres,  arbustes  tombent, 
deviennent  bûches  ou  fagots.  A  la  place  des  verts 
gazons  s'ouvrent  des  trous  béants,  nientôt  garnis, 
revêtus  de  pierres  meulières.  Les  hôtels  et  les 
maisons  familiales  font  place  aux  constructions  de 
six  ou  sept  étages,  bientôt  peuplées  d'hôtes  de 
passage  qui  n'auront  pas  connu  notre  vieux  sol, 
et  qui,  sans  doute,  ne  lui  accorderont  qu'un  très 
mince  intérêt. 

Et  cependant  n'est-il  pas  bon,  n'est-il  pas  sain, 
moral,  utile,  de  savoir,  au  moins  dans  ses  j[éné- 
ralités,  l'histoire,  la  géographie  du  petit  coin  où 
l'on  doit  vivre,  ne  fût-ce  que  quelques-unes  des 
années  qui  nous  sont  départies  ?  Enfants,  nous 
apprenions  à  respecter  le  nom,  à  vénérer  la  mé- 
moire de  bisaïeux  que  nos  yeux  ne  virent  point, 
mais  qui  nous  tracèrent  le  sillon  de  notre  modeste 
vie.  Hommes,  ne  devons-nous  pas  reporter  notre 
affectueuse  et  respectueuse  sympathie  sur  les  rues, 
les  maisons,  les  sites  que  les  générations  précé- 
dentes nous  ont  préparés,  façonnés,  en  y  laissant 
comme  un  reflet  d'elles-mêmes  ? 

Si  le  progrès,  si  les  nécessités  croissantes  de 
l'extension  des  populations  vers  l'ouest  menacent 
les  vieux  coins,  les  arbres  ou  les  antiques  maisons 
que  nos  regards  aimaient  à  contempler,  hâtons- 
nous  d'en  conserver  l'image  pour  nous  et  pour 
les  autres. 

C'est  dans  cette  pensée,  sons  cette  impression 
que  nos  collègues  MM.  de  l'Église  ont  bien  voulu 
recueillir  les  trois  photographies  que  ces  quelques 
lignes  accompagnent. 

Voici  d'abord  la  maison,  29,  rue  Chardon- 
Lagache,  dans  laquelle  vint  mourir  Gavarni  (i),  non 
chargé  d'années,  mais  inconsolable  de  la  mort  de 
son  fils  et  de  T'expropriation  par  le  chemin  de  fer 
de  Ceinture  du  magnifique  parc  dont  il  était  si  fier, 
et  qu'il  avait  plante  des  essences  les  plus  rares. 
Cette  maison,  qui  a  appartenu  à  Mlle  de  Roland, 

(i;  Voir  Bulletin,  t.  III,  p.  173. 


477 


Q  dit.  Elle  est  con-       l'incieune  maisaa  de  retraite  desHessienn  de  Bon 
ci  elle  poarra  dire,  le  joar      Seconrs.  Les  démolisseurs  étaient  mêmes  déjà  ei 


Oli  la  pioche  s'abattra  sor  elle  :  n<>n  omnts  mû-  pleioe  lips(fneqaand  l'objectif  se  dressa.  Campât 

riar.  ubi  Troja  fuit...  L'immeuble,  ausnrplus, o'atait 

Dans  les  premiers  mais  de  l'aonée  1808,  nous  rien  de  remarquable.  MaisCarpeaui  y  avait lécn. 

élione  préTenos  qu'on  illait  démolir  la  maison  de  Kniîn,  irn-;  petite  rue  modeste,  trioquilte,  i 

l'illastre  statuaire  C^rpeaDi.  à  l'angle  du  boule-  peine  aftilée  même  dans  les  périodes  électorales,  est 

lard  Eielmans  el  de  la  rue  Boileau,  en  face  de  la  me  Désaagiers,  de  la  rue  d'AuteuU  A  la  me  du 


478  HiaTOIRE   DU   XVI*  ARRONDISSEMENT 

Bail.  Cfst  Dn  petit  coin  que  les  Alloliena  ne  cou- 

naissent  pas  toas,  oii  ils  ne  passent  gnère.  Celts 

D]inascnlerDeiDène(lenDsarchives(l]ijasqDO  cbez 

notre  collègue  M.  Lévèque.  directeur  de  l'école  i,es    DEMEURES   DE    6AVARNI 

Say.  Un  jour,  je  ae  sais  lequel,  on  redressera  la 

rue  d'Autenil,  l'école  Say  s'agrandira,  on  mettra 

la  rue  Chardon-Lsgache  à  rarignement,  et  la  rue  Le  médailloa  de  GiTarni,  eiécalé  par  H.  Char- 

du  Buis,  Qétrie,  sera  emporli^,  la  rue  Verderel      pentier  pour  la  Société,  est  presque  achevé  (1| 

sera  recouierte  par  les  maisons  nouTelles,  la  me      Ataot  de  délennioer  l'endroit   où  il  sera  placé. 


Désanpers  aura  disparn  comme  le  ^ai  chanson-  nous  avons  recherché  quelles  furent  les  de- 
nierdont  elle  porte  le  nom.  En  voici  l'image,  avant  meures  de  Gavarni.  Voici  une  note  très  complète 
qu'elle  ne  soit  plus  qu'un  souvenir.  de  H.  Mar. 

Gavarm  (IIij)polyl«-Guillaume-SulpiM  Che\'*i.> 
i.iEH.dil),  dessioatear,  aquarelliste  et  lilhognpbe, 
1804-1866.  St  ï  Paru,  rue  des  Vieilles-Han- 
driettes,  n"  .'i.  A  Bordeaux,  habita  impasse  des 
Minimes,  qaartiH  Saint-André,  de  la  iin  de  4834 


e  DiédailloD  n 
té»  ayant  lurg 


ANNEXES 


479 


à  la  fin  de  i825;  à  Tarbes,  chez  M.  Lelea,  ins- 
pecteur da  cadastre,  pais  aax  Pyrénées  de  la  fin 
de  i825  au  commencement  de  48^.  Revint  à 
Paris  en  mai  1828  et  demeura  rue  Saint-Lazare, 
n"*  S7,  jusau'en  juillet  4829.  A  Montmartre,  de 
juillet  i829  à  4835.  Enfermé  pour  dettes  à  la 
prison  de  la  rue  de  Clichy,  de  la  fin  de  mars  à 
décembre  4835.  Rue  Blanche,  »">  43,  en  4836- 
4837;  rue  Fontaine-Saint-^eorges,  n°  4,  de  no- 
vembre 4837  à 4846  environ;  au  Point-du-Jour, 
route  de  Versailles,  iV*  49,  ancieriy  depuis  4846 
environ,  A  Londres  de  la  fin  de  décembre  4847 
à  la  fin  de  4850.  Rentra  alors  à  sa  maison  du 
Point-du^Jour,  où  il  resta  jusqu^à  4865,  tant 
dans  cette  maison  même  que  dans  celle  à  côté. 
Avenue  de  l'Impératrice  (du  Bois-de-Boulogne)  en 
4865  et  4866.  Enfin  à  la  villa  de  la  Réunion, 
route  de  Versailles,  n«422,  et  y  mourut  à  la 
fin  de  novembre  4866.  Fut  inhumé  au  cimetière 
d*Auteuil. 

Sa  veuve  mourut  en  mai  4890,  âgée  de  66  ans, 
au  château  de  Tréchaussade  (Haute- Vienne). 

En  résumé,  c*est  dans  sa  maison  de  la  route  de 
Versailles  qu*il  resta  le  plus  longtemps  (une  ving- 
taine d'années).  A  défaut  de  l'emplacement  de 
cette  maison,  on  pourrait  peut-être  encore  mettre 
son  médaillon  sur  la  maison  on  il  mourut,  dans  la 
villadelaRéanion,routede  Versailles  n^"  422  (?)(4). 

M.  Mareuse  a  extrait,  du  Journal  de  Con- 
court, les  divers  passages  concernant  Gavarni  : 


ANNÉE  4852. 


Sur  la  route  de  Versailles,  au  Poinl-du-Jour, 
à  côté  d'un  cabaret  ayant  pour  enseigne  :  A  la 
Renaissance  du  Perroquet  savant,  un  mur  qui 
avance  avec  de  vieilles  grilles  rouillées  qu'on  ne 
dirait  jamais  s'ouvrir.  Le  mur  est  dépassé  par  un 
toit  de  maison  et  par  des  cimes  de  marronniers 
étëtés,  au  milieu  aes<{uels  s'élève  un  petit  bâti- 
ment carré,  une  glacière  surmontée  d'une  statue 
de  plâtre  tout  écaillée  :  La  Frileuse,  d'Hondon. 

Dans  ce  mur  fruste,  une  porte  à  la  sonnette  de 
tirage  cassée,  dont  le  tintement  grêle  éveille 
l'aboiement  de  deux  chiens  de  montagne.  On  est 
long  à  venir  ouvrir  ;  à  la  fin,  un  domestique  appa- 
raît et  nous  conduit  à  un  petit  atelier  dans  le  jar- 
din, éclairé  par  le  haut  et  tout  souriant.  C'est  là 
que  nous  faisons  notre  première  visite  à  Gavarni. 

Il  nous  promène  dans  sa  maison,  dont  il  nous 
raconte  l'histoire  :  un  ancien  atelier  de  faux-mon- 
nayeurs  sous  le  Directoire,  devenu  la  propriété 
du  fameux  Leroy,  le  modiste  de  Josépnine,  qui 
utilisa  la  chambre  de  fer  où  l'on  avait  fabriqué 
la  fausse  monnaie,  à  serrer  les  manteaux  de 
Napoléon,  brodés  d'abeilles  d'or.  Il  nous  fait  tra- 
verser les  ^andes  pièces  durez-de  chaussée,  déco- 
rées de  peintures  sur  les  murs  représentant  des 
vues  locales:  la  porte  d'Auteuil  en  4802. 


(i)  Le  laa  est  l'origiae  de  la  Villa  de  la  Réu- 
nioD;  mais  c'est  dans  une  maison  donnant  à  la 
fois  Villa  de  la  Réunion  et  99  rue  Chardon-La- 
gacbe  qu'est  mort  Gavarni.  (Voir  l'article  Auleuil 
qui  t'en  pa,  p.  477.) 


Nous  parcourons  avec  lui  toute  la  maison  et  les 
interminables  corridors  du  second  étage,  ob  d'an- 
ciens costumes  de  carnaval,  mal  emballés,  s'échap- 
pent et  ressortent  de  cartons  à  chapeaux  de  femme. 
^  Nous  redescendons  dans  sa  chambre  ob,  près 
d'un  petit  lit  étroit,  —  une  couche  d'ascète,  — 
il  y  a  sur  la  table  de  nuit  un  couteau  en  travers 
d'un  livre  ayant  pour  titre  :  Le  Cartésianisme. 


AVRIL  486i. 

Jeudi  28.  —  Un  long  moment,  nous  regardons, 
à  travers  la  clôture  de  planches,  la  démolition  de 
la  maison  Gavarni,  son  pauvre  atelier  èventré. . . 

Gavarni  s'est  campé  dans  la  petite  maison  àcêté, 
en  un  pauvre  intérieur,  dans  l'arrièn^-boutique 
d'un  épicier  de  banlieue,  ou  un  teinturier  occupe 
le  devant.  (/(i.,p.  492.) 


ANNÉE  4866. 

30  décembre.  —  Passé  aujourd'hui  devant  l'an- 
cienne maison  de  Gavarni,  avenue  de  l'Impératrice. 

Il  y  a  presque  du  cimetière  dans  cette  bâtisse 
lugubre  ;  avec  sa  grille  rouillée,  son  jardinet  à 
plates-bandes  de  buis,  ses  arbustes  verdâtres.  Le 
moisi  de  la  tombe  mange  les  marches  descellées 
des  portes-fenètres  du  rez-de-chaussée.  Nous 
regardons  cette  misérable  maison  ambitieuse  de 
bourgeois  de  l'Empire,  cette  maison  de  plâtre,  pla- 
quée de  fenêtres  d'occasion,  avec  son  fronton  de 
temple  grec,  grignoté  par  la  pluie.  Nous  regar- 
dons le  vide  à  travers  ces  fenêtres  sans  rideaux, 
battues  d'une  moitié  de  persienne,  et  nous  pensons 
à  tout  ce  que  cette  maison  a  eu  des  mauvaises 
chances  de  la  vie  du  (trand  artiste,  de  ses  tris- 
tesses, des  absorptions  de  sa  maladie. 

Et  malgré  tout,  nous  sommes  encore  heureux 
de  la  voir  debout,  cette  maison  :  elle  nous  le  rap- 
pelle. Les  maisons  de  ce  temps  durent  si  peu, 
gardent  si  peu  longtemps  la  mémoire  de  ceux  qui 
y  ont  vécu!  (lïl,  p.  94.) 


ANNÉE  4808. 


Nous  attendions  l'omnibus  au  Point-du-Jour, 
contre  le  terrain  de  Gavarni,  au-dessous  de  l'écri- 
teau  portant  :  Sept  mille  mètres  de  terrain  à 
vendre. 

La  porte  de  la  grille  était  entr'ouverte.  Nous 
entrons,  nous  nous  promenons  sous  le  quinconce 
de  marronniers,  sous  lequel  nous  nous  sommes 
promenés  si  souvent  ensemble  axec  l'ancien  pro- 
priétaire, quand  un  homme  vient  à  nous,  nous 
tendant  la  main,  un  revenant,  un  spectre,  lui,  Ga- 
varni !  Il  a  son  air,  son  costume  rustique,  sa 
barbe  inculte,  son  teint  sanguin,  ses  yeux  sail- 
lants. Il  a  un  chapeau  de  paille  comme  lui,  et  peut- 
être  le  sien  qu'il  aura  retrouvé  dans  le  jardin, 
qu'il  vend,  lopin  par  lopin,  pour  le  tils  de  Gavarni. 
(W.,  p.  237.) 


48o 


HISTOIRE   DU   XVI*   ARRONDISSEMENT 


ANNÉE  1869. 

16  février.  —  Nous  étions  accoudés  à  la  bar- 
rière, d'od  l*on  plonge  dans  le  jardin  en  contre- 
bas de  Gavaroi.  Une  main  sur  notre  épaule.  C'est 
le  bohème,  gardien  marron  des  sept  mille  mètres 
de  terrain  à  vendre.  Tout  le  jardin  abandonné, 
inculte,  ruineux,  le  lierre  s'étalant  sur  la  bosse 
des  anciens  mouvements  de  terrain,  et  le  pitto- 
resque des  ravages  de  la  nature  et  de  la  plante 
parasite. 

Nous  promenant  à  travers  ce  fouillis  de  la  na- 
ture, le  bohème  nous  mène,  tout  en  bas  du  jar- 
din, à  la  ligne  des  beaux  arbres  qui  le  finissaient 
dans  leur  grande  ombre...  Ici  sera  une  guinguette, 
un  bouchon  pour  les  dimanches  et  les  lundis  des 
parties  de  campagne,  et  où  la  canaille,  abhorrée 
de  Gayarni,  viendra,  sous  le  portique  toujoui's 
vert,  où  il  promenait  sa  haute  rêverie,  arroser  de 
bleu  des  tnpes  à  la  mode  de  Caen,  dans  des  ber- 
ceaux qu'arrondit  devant  nous  un  marchand  de 
y'm  basque. 

Curieux  invalide,  que  ce  bohème,  cet  ancien 
graveur  sur  bois,  goutteux  et  presque  aveugle, 
espèce  de  philosophe  agreste  et  crapuleux,  sorte 
de  Thomas  Vireloque,  laissé  en  sentinelle  là  par 
l'Œuvre  de  Gavarni,  faisant  sa  compagnie  de  deux 
terriers  féroces  et,  remisant,  le  jour,  dans  le  trou 
noir  de  la  Glacière  où  frissonne,  sous  le  plâtre 
tout  écaillé,  la  Frileuse  de  fioudon. 


LES    BOUFFLERS   A  AUTEUIL 

Grâce  précieuse,  frivolité  aimable,  audace  des 
doctrines,  culte  factice  de  la  Nature  et  royauté 
des  Philosophes,  amour  du  plaisir  et  mépris  du 
devoir,  règne  de  la  sensibilité  et  triomphe  de  la 
Philanthropie,  vices  légers  mêlés  aux  qualités  per- 
sistantes de  l'âme  française,  tout  cela  ne  s'est- 
il  pas  comme  incarné  dans  une  famille  illustre 
et  charmante  entre  toutes,  celle  des  Boufflers  ? 

Une  branche  importante  vint  se  fixer  parmi 
nous,  tandis  que  les  descendants  du  maréchal 
restaient  au  premier  rang  à  la  cour  de  Nancy, 
auprès  du  bon  roi  Stanislas  (1). 

C'était  l'heure  généreuse  et  riche  d'illusions  où 
Louis  XVI  montait  sur  le  trône,  dans  ces  années 
où,  comme  l'a  dit  le  prince  de  Talleyrand,  on 
sentait  si  bien  la  douceur  de  vivre. 

Il  y  avait  alors,  à  Aoteuil,  trois  grandes  pro- 

Priétés  :  tout  près  de  la  rivière  et  proche  de 
église,  MM.  de  Sain  te-Genevièye,  nosseigneurs; 


'{\)  La  descendance  directe  du  maréchol  s'étei- 
gnit bientiH;  mais  la  branctie  des  Remiencoiirt, 
celle  de  Nancy,  s'élanl  alliée  à  la  dernière  des- 
cendante dn  maréchal,  les  Remiencourt,  par  les 
femmes,  se  trouvèrent  n  un  moment  descendre 
du  maréchal.  Ainsi,  le  chevalier  était  sou  arrière- 
pelit-lils. 


puis,  le  château  du  Coq,  habitation  royale  dont 
Louis  XV  avait  fait  une  de  ses  petites  maisons  ; 
enfin,  les  Boufflers  venaient  d'acheter,  en  face 
du  Roi,  la  propriété  qui,  longtemps,  porta  leur 
nom. 


I 


L'entrée  était  à  peu  près  située  où  se  trouve 
aujourd'hui  la  porte  principale  de  la  villa  Mont- 
morency ;  mais  les  bâtiments  regardaient  du  cdté 
de  Paris,  et  leurs  fenêtres  donnaient  sur  la  place 
de  la  Eonlaine. 

Apres  être  passé  devant  le  pavillon  de  Louis 
Chouard,  portier  (1),  le  mur  se  dirigeait  obli- 
quement vers  la  Grande-Rue,  en  suivant  à  peu 
près  la  ligne  du  marché  actuel.  Un  peu  après 
avoir  tourné,  on  rencontrait  un  belvédère  que  les 
anciens  habitants  d'Auteuil  ont  connu.  C'est  là 
que  la  duchesse  de  Montmorency  venait,  sous  la 
Restauration,  attendre  le  passage  des  équipages 
de  Charles  X  qui  se  dirigeaient  à  fond  de  train 
vers  Saint-Cloud.  Le  roi  saluait  la  vieille  duchesse 
qui  ne  quittait  son  observatoire  que  lorsque  les 
voitures  avaient  disparu  à  l'horizon. 

A  partir  de  ce  bâtiment,  et  jusqu'à  la  porte  du 
bois,  la  Grande-Rue  du  village  longeait  le  mur  et 
le   parc  du  château.  Du  dehors,  on  apercevait 
une  longue  allée  formée  par  ces  beaux  arbres 
que  l'abbé  Morellet  voyait  de  sa  fenêtre,  quand  il 
logeait  chez  Mme  Helvétius.  Avant  d'atteindre  la 
maison  de  maître  Jacques  Lefranc,  garde  de  la 
porte  du  bois  de  Boulogne,  à  Auteuil  (2),  on  ren- 
contrait, adossé  au  mur,  un  banc  de  pierre 
qu'ombrageait   un  acacia  ;  an-dessus,  dans  une 
niche  toujours  fleurie,  la  statue  de  la  Vierge  te- 
nant   dans  ses    bras  le   Sauveur  du    monde. 
C'est  sur  ce  banc  qu'un  jour  Piron  s'était  assis. 
Absorbé  dans  sa  lecture,  il  n'avait  pas  vu  deux 
paysans  qui   s'étaient  approchés  sans  bruit  de 
l'ima|;e  respectée.  A  la  fin,  le  murmure  des  prières 
l'avait  tiré   de   sa  réflexion   et,    regardant,  il 
avait  vu  une  bonne  vieille  agenouillée  devant  lui 
et  un  homme  découvert  et  incliné.  Piron  ne  sait 
pas  pourquoi  on  lui  adresse  de  pareils  hommages, 
mais  il  ne  doute  pas  qu'ils  ne  soient  pour  lui  et 
il  salue,  d'un  air  gracieusement  étonné,  Philémon 
et  Baucis  qui  continuent  à  prier  dans  la  posture 
de  la  plus  profonde  vénération. 

Delà  porte  d'Auteuil,  le  mur  du  parc  remontait 
en  suivant  le  tracé  actuel  des  fortifications  (3)  ; 
il  longeait  la  sablière  du  bois  de  Boulogne  et  arri- 
vait à  un  pavillon  qui  servit  d'orangerie,  puis  fut 
loué  dans  la  suite  et  qui  s'élevait  à  peu  près  sur 
l'emplacement  du  bastion  61. 


(i)  Il  ne  mourut  que  le  la  septembre  i8io, 
âgé  de  75  ans.  —V.  les  registres  paroissiaux, r>  go. 

(2)  Août  1778.  Archives  nationales. 

(3)  29  mars  1766.  M.  de  Barillon  écrit  au  marquis 
de  Marigny,  frère  de  Mme  de  Pompadour,  con- 
seiller du  roi,  commandeur  de  ses  ordres,  direc- 
teur et  ordonnateur  général  des  bâtiments,  jardins, 
arts,  académies  et  manufactures  de  Sa  Majesté, 

f»our  lui  exposer  que  les  murs  du  bois  de  Bou- 
ogne  jusqu'au  Cabinet  de  son  enclos  tombent 
en  ruines  cl  demandent  |  une  réparation  avant 
l'hiver  prochain.  (Arch.  nationales  O*.  arch.  de 
la  Couronne,  ancien  régime,  n"  i585-i586.) 


ANNEXES 


48i 


De  cet  endroit,  le  mar  redescendait  par  le  chemin 
des  TÎgnes,  c'est-à-dire  par  les  roes  actuelles 
Raffet,  de  la  Source  et  Bosio,  pour  Tenir  rejoindre 
le  point  de  départ  de  notre  excursion. 

Le  parc  et  les  bâtiments  avaient  une  conte- 
nance totale  d'environ  dix  hectares  (i). 

Bien  des  auteurs  ont  dit  que  cette  propriété 
avait  été  détachée  du  bois  de  Boulogne  par 
Louis  XIV,  au  profit  du  maréchal  de  Boufflers. 
C'est  là  une  erreur  qu'il  convient  de  rectifier. 

D'après  l'abbé  Lebeuf,  la  terre  qui  nous  occupe 
appartenait,  en  i656,  à  Etienne  d'Aligre,  con- 
seiller du  roi  et  directeur  de  ses  finances  ;  il  la 
laissa  à  Marie  Orceau,  femme  Bouille,  son  héri- 
tière, et  celle-ci  à  son  fils,  Léon-Louis  Rouillé, 
chanoine  de  l'Église  de  Paris.  Celui-ci  la  légua  à 
sa  nièce,  Anne-Marie  Rouillé,  qui  avait  épousé 
Louis  de  Bema^e,  conseiller  d'Etat.  Mme  de 
Bemage  la  vendit,  le  47  mars  4738,  à  Jean- 
Hyacinthe  Davassede  Saint-Amsrand,  conseiller, 
secrétaire  du  roi,  maison,  couronne  de  France  et 
de  ses  finances,  receveur  général  des  finances  de 
la  i^néralité  d'Orléans  et  trésorier  général  des 
maison  et  finances  de  S.  M.  catholique  la  Reine 
seconde  douairière  d'Espagne.  Le  47  mai  4750, 
M.  de  Saint-Amarand  vendait  l'immeuble  à  Louis- 
Alexandre  du  Brocard  de  Barillon,  ancien  rece- 
veur de  rentes. 

Le  château  avait  une  chapelle  particulière  ou 


(i)  D'après  le  plan  manuscrit  du  terroir  d'Au  - 
ieuil,  dressé  par  Charles  Rozy,  arpenteur  juré, 
au  mois  d  août  i658,  pour  le  compte  de  MM.  de 
Sainte-Geneviève  du  Mont  de  Paris,  seigneurs 
dudit  Auteuil  (Arch.  nat.  Plans  N.  n*  la,  Seine, 
1"  classe),  l'enclos  de  M.  d'Aligre,  cour,  jardins 
et  maisons,  contenait  26  arpenU  1  quartier,  dont 
5arpentsenla  censive  de  Sainl-Germain-l'Auxer- 
rois.  Une  partie  de  la  propriété  d'Aligre  était  sur 
le  terroir  de  Boulogne;  de  grandes  bornes  où 
se  voyaient  les  armes  d'Auteuil  et  de  Boulogne 
indiquaient  la  limite  des  deux  terroirs,  ^uelque;»- 
unes  de  ces  bornes  ont  été  retrouvées  lors  des 
travaux  entrepris  pour  l'aménagement  actuel  de 
la  villa  Montmorencv.  En  dehors  de  l'enclos 
proprement  dit,  de  l'autre  côté  du  chemin  des 
vignes,  d'Aligre  Dossédait  3  arpents  de  vigne 
ressortissant  à  Saint-Germain-l  Auxerrois  pour 
droits  de  lods,  vente  et  censive.  Entre  le  plan 
de  Rozy  (i658)  et  celui  de  Roussel  (1765),  la  pro- 
priété, par  suite  d'une  emprise  sur  le  bois  de 
Boulogne  et  du  reculement  du  mur  de  clôture  de 
ce  bois,  fut  agrandie  d'environ  4  arpents,  soit 
13.676  mètres  carrés. 

>^  alpole,  dans  une  lettre  citée  plus  loin,  donne 
une  contenance  de  52  acres.  En  comptant  l'acre 
anglais,  comme  on  le  fait  généralement,  pour 
4o  a.  /|6  c,  les  5a  acres  feraient  ai  h.  o4a.  38  c, 
ce  qui  est  beaucoup  plus  que  la  contenance 
exacte.  Walpole  aura  vu  double. 

En  réalité,  et  pour  nous  résumer,  la  conte- 
nance était,  du  temps  de  M .  d'Aligre,  de  8  h. 
86  a.  &o  c.  ou,  en  cbinres  ronds,  9  hectares,  aux- 
quels il  convient  d'ajouter  :  1*  un  arpent  de  vigne 
situé  en  dehors  du  plan,  cet  arpent  dépen- 
dant de  Saint-Germain-l'Auxerrois  pour  droits  de 
lods,  vente  et  censive;  et  a*  deux  arpents  pris 
sur  le  bois  de  Boulogne  et  acquis  entre  i65N  et 
1765  ;  ces  trois  arpeuts  faisant  plus  d'un  hectare 
et  portant  la  totalité  de  la  propriété  Boufflers  à 
39  arpents  1  quartier,  soit  10  hectares  environ. 

Voir  encore  aux  Arch.  nat.  N'.  n*  i57,  Seine, 
année  1666.  Sur  ce  plan,  on  voit  le  bois  de  M.  d'Ali- 
ffre,  sur  les  hauteurs  oÙRontaujourd'hui  la  villa 
Montmorency,  la  rue  RafTet,  etc.  avec,  en  haut, 
un  «  pavillon  de  M.  d'Aligre  >.  et,  conduisant  à 
ce  pavillon,  un  sentier  (rue  RaÏTel  ou  avenue  des 
Tilleuls  actuelle). 


domestiaue,  comme  on  disait  alors,  dans  laquelle 
avait  été  célébrée,  en  septembre  4719,  Tunion 
du  comte  de  Guitaud,  marquis  d'Epoisses,  avec 
Mlle  de  Chamillard  et  0(1,  en  avril  4 752,  Chomel, 
ancien  évéque  d*Orange,  bénit  le  mariage  du  comte 
de  Saisseval  avec  Mlle  de  Barillon. 

Enfin,  le  6  mars  4773,  M.  de  Barillon  cédait 
à  son  tour  les  maisons,  le  parc  et  les  dépen- 
dances à  Marie-Charlotte-Hippolyte  de  Campet 
de  Saujon,  veuve  d'Edouard,  comte  de  Bouitlers- 
Bouverel. 


II 


LesBoufflers étaient  originaires  delà  Picardie  (1  ). 
Ils  s'étaient,  de  tous  temps,  distingués  dans  la 
carrière  des  armes. 

Un  Louis  de  Boufflers,  sous  les  règnes  de 
François  I***  et  d*Henri  II,  avait  été  remarquable 
par  sa  force  prodigieuse.  Un  autre,  François,  lieu- 
tenant-général de  la  province  d'Isle-de- France 
a,  lui  aussi,  signalé  son  nom  par  une  aventure 
bizarre,  qui  eut  des  suites  littéraires.  Le  43  fé- 
vrier 4672,  il  fut  tué  en  duel  à  Couches  et  on  le 
rapportait  à  Boufflers  lorsque  la  voiture  versa  en 
route  et  tua  le  prêtre  qui  raccompagnait.  La  Fon- 
taine a  tiré  de  cette  aventure  la  fable  qu'il  a 
intitulée  le  Curé  et  le  Mort. 

Un  partage  de  terres,  fait  entre  trois  frères  et 
daté  du  6  juillet  4585,  avait  divisé  la  famille  en 
trois  branches  :  Talnée,  qui  reçut  de  Louis  XIV, 
en  4695,  le  titre  ducal:  la  branche  des  Rouverel 
et,  enfin,  celle  des  Remiencourt  (2). 

Le  maréchal,  dont  Mme  de  Maintenon  disait: 
<  En  lui,  le  cœur  est  mort  le  dernier  »,  est  une  des 
gloires  les  plus  pures  de  Tancienne  France.  Pour 
sa  belle  défense  de  Lille  et  pour  avoir  sauvé  Tar- 
mée  après  Malplaquet,  il  mérite  Tadmiration  de> 
la  postérité. 

Son  fils,  Joseph-Marie,  duc  de  Boufflers,  ravi- 
tailla Gènes  assiégée  et  fut  inscrit,  ainsi  que  sa 
famille,  parmi  les  nobles  de  TÉtat;  il  fiérit,  le 
2  juillet  4747,  laissant  une  femme  qui  allait  deve- 
nir la  maréchale  de  Luxembourg,  et  un  fils, 
Charles- Joseph,  qui  mourut,  à  Paris,  de  la  p<^tile 
vérole,  en  4754 ,  le  jour  même  de  la  naissance  du 
duc  de  Bourgogne.  Charles-Joseph  o*avait  qu'une 
fille  de  deux  ans  qui  sera,  un  jour,  la  duchesse 
de  Biron  et  qui  mourra  surféchafaud  révolution- 
naire, le  3  juillet  4794.  «  Ost  avec  Charles- 
Joseph  que  s*éteigoit  cette  branche  dont  le  maré- 
chal avait  fait  Tillustration,  »  dit  le  duc  de  Croy- 
Sobre,  dans  ses  Mémoires,  dont  la  découverte 
toute  récente,  duc  au  savant  vicomte  de  Grouchy, 
a  été  un  véritable  événement. 

La  troisième  branche,  celle  des  Boufflers- 
Remiencourt,  s'était  fixée  en  Lorraine.  Le  maniuis 
de  Boufflers  était  maréchal  de  camp  et  capitaine 


1)  La  commune  qui  porte  aujourd'hui  ce  nom 
est  située  dans  le  canton  de  Crécy,  arrondissement 


(»: 


d'Àbbeville.  Elle  ne  compte  que  3o6  habitants. 

(2)  Dictionnaire  de  la  noblettse,  par  La  Chesnaye 
des  Bois,  2«  éd.,  Paris.  1771,  p.  718.  Les  armes 
des  Boufflers  étaient  u'erKcnt  h  9  croix  recroi- 
setlées  de  gueule,  3,3  et  3  et  3  molettes  de  feules 
et  1. 

3i 


482 


HISTOIRE    DU   XVI^   ARRONDlSStlMENt 


des  gardes  du  roi  de  Pologne,  Stanislais  Leczlnski. 
Il  avait  épousé,  en  1738,  Marie-Françoise-Cathe- 
rine de  Beauvau-Craon,  amie  du  vieux  roi  et  con- 
nue sous  le  nom  de  Dame  de  volupté.  Voltaire  lui 
envojrait  la  Henriade  en  écrivant  ces  vers  sur  la 
première  page  : 

Vos  veux  sont  beaux,  votre  âme  encore  plus 

[belle. 
Et  sans  prétendre   n  rien  vous  triomphez  de 

[tous  ; 
Si  vous  eussiez  vécu  du  temps  de  Gabrielle 
Je  ne  sais  pas  ce  qu'on  eiU  dit  de  vous, 
Maison  n'aurait  point  parlé  d'elle. 

La  marquise  de  Boufflers  avait  fait,  elle-même, 
son  épitaphe  : 


Ci -^11.  dans  une  paix  profonde, 
Celle  Dame  de  voluulc 
Qui,  pour  plus  grande  sOreté, 
Fit  son  paradis  de  ce  monde. 


De  cette  union  étaient  nés  une  fille,  qui  devint 
la  comtesse  de  Boisgelin  de  Cucé  (1),  et  un  fils,  le 
fameux  chevalier  de  Bouflicrs,  meilleur  que  sa 
renommée;  tour  à  tour  abbé,  chevalier  de  Malte, 
gouverneur  du  Sénégal,  académicien  et  député; 
sur  le  tard,  il  épousa  Mme  de  Sabran,  après 
avoir  échangé  avec  elle  une  correspondance  exauise 
Que  MM.  Prat,  de  Magnieu  et  de  uroze  ont  publiée 
aans  ces  dernières  années  (2). 


III 


Nous  arrivons  enfin,  Messieurs,  aux  Boufilers- 
Ronverel,  ceux-là  mêmes  qui  se  fixèrent,  en 
1773,  à  Anteuil,  et  nous  allons  abandonner  un 
peu  l'histoire  générale  pour  nous  retrouver  sur 
notre  terrain  de  prédilection,  dans  notre  petite 
patrie. 

Cette  branche  des  Ronverel,  rameau  détaché 
en  1585,  a  eu  des  destinées  bizarres.  Son  pre- 
mier chef  fut  un  voyageur  aventureux  qui  mourut 
le  l!2  janvier  4596.  Un  de  ses  petits-fils,  Oudart, 
marquis  de  Boulfiers-Rouverel,  avait  dû  s'exiler 
pour  échapper  aux  conséquences  d'un  duel  où  il 
avait  tué  son  adversaire,  et  c'est  ainsi  qu'Edouard, 
marquis  de  Boufîlers-Rouverel,  était  né  en  Espa- 
gne, en  172^2;  l'enfant  redevint  français  à  l'âge 
de  sept  ans,  puis  il  entra  au  service  comme  capi- 
taine de  cavalerie  au  régiment  de  Bel  fort,  passa 
colonel  du  régiment  de  Chartres-infanterie  et  se 

(1)  Elle  périt  sur  l'échafaud  le  3  juillet  1795. 

[-2)  C'est  à  celte  branche  des  Bourtlers-Hemien- 
court  qu'il  faut,  je  crois,  rattacher  sœur  Angé- 
lique de  Bourflcrs,  religieuse  converse  au  couvent 
de  la  rue  Neuve-Saint-Etienne,  qui  soigna  la  jolie 

Îtetile  Marie  Philippon  (plus  lard  Mme  Holand), 
orsque  celle-ci  entra,  le  7  mai  17C5,  au  couvent  où 
elle  allait  faire  sa  première  communion  (Mémoires 
de  Mme  Roland).  Sœur  Angélique,  devenue 
infirme,  vitmourir  son  ancienne  élève  ;  elle  demeu- 
rait tout  près  de  Sainte-Pélagie,  où  Mme  Roland 
était  incarcérée,  et  elle  ne  mourut  que  le  25  ger- 
minal an  V  (i4  avril  17^7),  A  56  ans.  Ce  côté  Port- 
Royal,  associé  au  nom  de  Roufders,  est  assez  pi- 
quant et  mérite  d'être  signalé. 


maria  an  château  de  Saint-Cload,  le  i5  février 
1746,  avec  Marie-Charlotte  Hippolyte  de  Campât 
de  Saujon  (i);  chef  du  nom  et  des  armes  en 
1750,  il  mourut  en  1764,  laissant  un  fils  dont 
nous  n'aurons  guère  à  parler  car,  désormais, 
ce  sont  les  femme»  seules  qui  soutiendront  l'illus- 
tration du  nom  de  Boufders. 

Fille  de  Charles- François,  comte  de  Campet  de 
Sauion  et  de  Marie- Louise- Angélique  de  Barberin 
de  Keiffuac,  Marie-Charlotte-Mippolyte  était  née  à 
Paris  le  4  septembre  17i5  (:2).  Son  père  était 
lieutenant  des  gardes  du  corps  du  roi  ;  sa  mère 
épousa  en  secondes  UKes  M.  de  Montmorency. 
Mariée  à  vingt  ans  et  demi,  la  comtesse  de  BoufQers 
donna  le  jour,  le  3  décembre  1746,  à  Louis- 
Edouard  de  Boufders.  Dame  de  la  duchesse  d'Or- 
léans, elle  demeurait  au  Palais-Royal  et  ne  tarda 
pas  à  devenir  l'amie  du  prince  de  Conti,  frère  de 
fa  duchesse.  C'est  alors  qu'elle  passa  à  la  cour 
du  Temple,  €  oh  elle  prit,  comme  l'a  dit  Sainte- 
Beuve,  ta  position  équivoque  et  brillante  qui  fit 
sa  i^loire,  si  ce  n'est  son  honneur,  et  qui  fit 
aussi  son  tourment.  » 

Nous  passftrons  rapidement  sur  ces  années  très 
connues  de  son  existence,  sur  sa  rupture  avec 
son  mari,  sur  sa  royauté  qui  lui  valut,  de  la  part 
de  Mme  du  Deffand,  Ce  surnom  d'Idole  qui  est 
resté  inséparable  de  son  souvenir. 

A  la  mort  de  son  beau-pàre,  ea  1750,  elle 
refusa  de  prendre  le  titre  de  marquise,  «  soit,  dit 
Sainte-Beuve,  pour  éviter  une  confusion  avec 
l'autre  marquise  du  même  nom,  soit  pour  ne  rien 
devoir  de  plus  à  son  mari.  » 

Enthousiaste  de  Rousseau  qu'elle  voyait,  on 
jour,  irrité  des  sottises  qu'on  débitait  autour  de 
lui  et  à  qui  elle  disait  :  <  Tais-toi,  Jean-Jacques, 
ils  ne  t'entendront  pas  »  ;  mêlé.},  sans  vouloir  y 
prendre  parti,  à  la  querelle  qui  s'éleva  entre  le 
philosophe  de  Genôve  et  Hume,  un  autre  de  ses 
amis,  comme  à  la  brouillerie  qui  sépara  Mme  du 
Deffand  et  Mlle  de  Lespinasse  ;  correspondante  de 
Gustave  III,  comme  l'était  aussi  la  comtesse  de 
la  Marck,  née  de  Noailles  (3),  sacrée  par  son  cou- 


(1)  Voir  sur  celle  famille  la  Bevae  de  Saintongeel 
d'Auniit,  imprimée  à  Saintes,  numéros  de  juillet  et 
septembre  189^.  Il  y  est  surtout  question  d'un  Denys 
de  Campet  de  Saujon  qui  vivait  au  xvi*  siècle.  ' 

(2)  Sainte-Aulaire  dit  en  1724  ;  Sainte-Beuve,  le 
5  ou  6  septembre  1735.  La  date  vraie  est  le  £  sep- 
tembre  ;  c'est  du  moins  celle  qui  est  indiquée 
dans  l'acte  de  décès  de  Mme  de  Bouftlers,  acte 
que  Sainte-Beuve,  comme  tous  les  historiens, 
avait  vainement  cherché  et  que  nous  avons  eu 
la  bonne  Torlune  de  retrouver.  Elle  fut  baptisée 
ù  Saint-Siilpice,  le  6  septembre  1725. 

(3)  M.  de  F'euardent,  dans  son //rVr/o/re  (Mu/eu//, 
a  donné  quelques  lettres  échangées,  en  1771  et 
1772,  entre  la  comtesse  de  Bonfflers  et  Gustave  III. 
Il  possédait,  dit-il,  toute  une  correspondance 
inédite  de  ces  deux  personnages.  Il  est  très  regret- 
table qu'il  ne  l'ait  pas  publiée.  Si  je  ne  craignais 
de  paraître  bien  sévère,  je  dirais  que  les  lettres 
de  Gustave  III,  données  par  M.  de  Feuardent 
dans  son  ouvrage,  constituent  la  seule  contri- 
bution intéressante  fournie  par  cet  auteur  à 
l'histoire  de  notre  quartier.  L,e  chapitre  qu'il 
consacre  à  la  propriété  des  BoufOers  n'est  qu'un 
ti'isu  d'erreurs  qui  viennent  surtout  de  ce  qu'il  a 
confondu  constamment  la  marquise  et  la  comtesse 
de  Boufflers. 


AMNEXES 


/»83 


sin  le  chevalier  du  titre  de  Uinerve  savante  (1  )  ; 
aussi  célèbre  par  les  agréments  de  sa  figure 
que  par  son  esprit  et  ses  connaissances  ;  belle 
et  choyée  par  tout  ce  que  le  \sm^  siècle  comp- 
tait de  charmant  et  d*illustre  ;  amie  d'un  prince 
du  sang,  il  semblerait  que  Mme  de  Boufflers, 
peu  gênée  par  ses  scrupules,  aurait  dû  aroir 
l'existence  la  plus  heureuse  et  la  plus  enyiée. 
Il  n'en  fut  rien.  Son  air  triomphant  cachait  plus 
d'un  mécompte  et  d'une  tristesse.  Elle  n'avait  ni 
un  nom,  ni  un  état  régulier,  et,  devenue  veuve, 
son  seul  rêve,  son  unique  ambition  aurait  été 
d  être  unie  religieusement  au  prince  de  Conti. 
Elle  ne  put  y  parvenir,  et  sa  considération  s'en 
ressentit  (!2).  Faut«i  ajouter  aussi  que,  quel- 
quefois, malgré  tout  son  esprit,  elle  se  mettaitd'elle- 
même  dans  une  fausse  situation,  et  c'est  ainsi 
qu^un  jour,  ayant  reproché  à  son  amie,  la  maré- 
chale de  Mirépoix,  de  voir  Mme  de  Pampadour, 
en  lui  disant  qu'au  bout  du  compte  ce  n'était  que 
la  première  tille  du  royaume,  elle  s'attira  cette  ré- 
plique :  «  Ne  me  forcez  pas  d'aller  jusqu'à  trois.  » 
La  seconde  aurait  été  Mlle  Marquise,  amie  du 
duc  d'Orléans,  et,  par  ordre  de  préséance,  Mme  de 
Boufflers  venait  la  troisième. 

Une  autre  fois,  dans  une  circonstance  presque 
semblable,  comme  on  lui  faisait  sentir  son  incon- 
séquence, elle  répondit  :  €  Je  veux  rendre  à  la 
vertu  par  mes  paroles,  ce  que  je  lui  ôte  par  mes 
actions.  » 

Désespérant  d'être  princesse,  elle  n'attendit  pas 
la  mort  de  Conti  pour  se  créer  un  intérieur  et 
pour  s'éloigner,  peu  à  peu  et  sans  éclat,  de  la 
cour  du  Temple.  C'est  alors  qu'elle  acheta  Auteuil. 

Walpole,  qui  l'avait  connue  en  Angleterre  (3), 

(i)  Mme  de  Boufflers  avait  demandé  au  chevalier 
les  Fabien  de  La  Fontaine.  Son  cousin  les  lui 
envoya  avec  ces  vers,  dont  on  ne  cile  ordinai- 
rement que  les  quatre  derniers: 

Voilà  le  bonhomme  qui  fit 

Cent  Prodiges  qui  nous  enchantent. 

Des  fables»  qui  jamais  ne  mentent 

Et  des  bêtes  pleines  d'esprit. 
La  morale  a  besoin,  pour  ôlre  bien  reçue, 
Du  masaue  de  la  fable  et  du  charme  des  vers  ; 
Et  c'est  la  seule  vierge,  en  ce  vaste  univers. 

Ou  'on  aime  à  voir  un  peu  velue. 

ai  Minerve  même,  ici-bas. 

Venait  enseigner  la  sagesse, 

Il  faudrait  bien  que  la  déesse 
A  son  profond  savoir  joignit  quelques  appas  : 
Legenre  humain  estsouroquand  on  ne  lui  platt  pas. 
Pour  nous  éclairer  tous,  sans  déplaire  à  personne; 
La  charmante  Minerve  a  pris  vos  traits  charmants  ; 

En  vous  voyant,  je  le  soupçonne. 

J'en  suis  sûr  quand  je  vous  entends. 

{Correspondance  littéraire  de  Grimm,  l.V,pp.  432 
et  433.) 

{2)  Mlle  de  Lespinasse  disait  d'elle  :  «  Elle  s'est 
fait  victime  de  la  considération  et,  à  force  de 
courir  après  elle,  elle  en  perd.  » 

(3)  Mme  de  Boufflers  y  alla  plusieurs  fois.  A  son 
premier  voyaji^e,  en  1763,  elle  fut  reçue  par  l'aris- 
tocratie anglaise  avec  enthousiasme,  un  aimait 
cette  noble  française  qui  allait  inaugurer  en  per- 
sonne ce  goût  de  l'Angleterre  qui  allait  bientôt  de- 
venir une  mode  et  une  manie.  Walpole,  le  17  mai 
1703,  écrit  à  son  ami  Montasu  :  «  Elle  est  déjà 
éreintée  à  force  de  courir  aune  curiosité  à  une 
autre.  Elle  se  lève  chaque  matin  si  excédée  des  fa- 
tigues de  la  veille  qu'elle  n'aurait  pas  la  force,  si 
elle  en  avait  le  goût,  d'observer  le  fort  et  le  faible 
de  tout  ce  qu'elle  voit.  Elle  est  venue  ici,  aujour- 
d'hui, à  un  grand  déjeuner  que  j 'avals  organisé 
pour  elle,  avec  les  yeux  renfoncés  d'un  pied  daus 


vint  lui  rendre  visite,  et  il  dépeint  à  son  ami  le 
Révérend  William  Maso»,  à  la  date  du  10  sep- 
tembre 1775  (1),  le  château  et  les  jardins  de 
Mme  de  Boufflers  :  ^c  Hier  je  suis  allé  à  Auteuil  voir 
le  jardin  anglais  de  la  comtesse  de  BouflQers.  C'est 
elle  qui  l'a  créé  d'après  un  jardinier  anglais,  il 
contient  52  acres  de  terre  qui  vont  en  montant 
depuis  la  maison  jusqu'à  une  hauteur  qui  s'avance 
dans  les  champs,  avec  des  lices,  des  arbres  et 
des  arbustes  détachés.  Le  gazon  est  supportable 
bien  que  grossier  et  d'un  vert  rarement  en  usage 
dans  le  jardin  d'un  gentleman  en  Angleterre.  Sur 
toute  l'étendue  du  sommet  règne  une  terrasse 
imposante,  entourée  par  le  bois  de  Boulogne,  oii 
conduit  une  grille  ouvrant  sur  une  avenue  qui  se 
termine  par  une  colline  en  pain  de  sucre.  De  la 
terrasse,  la  vue  s'étend  à  travers  la  plaine,  sur 
une  magiliâque  perspective  qui  commence  à  gauche 
par  un  des  châteaux  du  roi,  se  continue  par  un 
bois  hors  duquel  se  détache  Passy  (il  appar- 
tenait au  duc  de  Penthièvre),  qui  forme  déco- 
ration et  laisse  par  échappées  une  vue  admirable 
sur  des  coteaux  et  des  villas,  à  une  grande  dis- 
tance. Le  milieu  du  paysage  fait  encore  une  pointe 
en  avant  ;  sur  le  premier  plan  sont  des  villages 
et  des  maisons  de  campagne,  au-dessus  desquels 
s'étend  tout  Paris,  avec  son  horizon  découpé  par 
les  tours  et  les  dômes  de  Notre-Dame,  de  Saint- 
Sulpice,  des  Invalides  et  du  Val-de-Gràce.  L'ex- 
trémité de  l'hémicycle,  formé  de  coteaux  couverts 
de  clochers  et  d'habitations  de  toutes  sortes,  est 
close  par  Meudon  et  par  des  forêts  sur  des  col- 
lines plus  élevées.  Dans  ce  magnifique  point  de 
vue,  il  ne  manque  que  de  la  verdure  et  de  l'eau 
dont  on  ne  voit  pas  une  goutte.  En  somme,  on 
n'aura  jamais  ici  d'aussi  beaux  paysages  que  chez 
nous,  tant  que  le  cliihat  ne  sera  pas  aussi  mau- 
vais que  le  nôtre.  » 

Walpole  ne  voulait  pas  avouer  le  mélange  du 
genre  anglais  au  genre  français  ;  cependant,  les 
grandes  allées  régulières,  qui  faisaient  presque 
tout  le  tour  de  la  propriété,  appartenaient  à  l'art 
de  Le  Nôtre.  Le  chevalier  de  Boufflers,  pendant 
l'émigration,  dans  une  lettre  à  Mme  de  Sabran, 
semblait  se  rappeler  les  jardins  d' Auteuil  (2)  : 

la  tête  et  les  mains  pendantes,  à  peine  en  état  de 
porter  son  sac...  »  11  y  eut,  après  ce  déjeuner, 
promenade  dans  le  parc,  visite  à  l'imprimerie,  et 
la  presse  livra  un  madrigal  à  Mme  de  Boufflers» 
qui  fut  traduit  de  suite  par  le  duc  de  Nivernais  ; 

Boufflers  (qu'embellissent  les  Grâces 
Et  qui  plairait  sans  le  vouloir,  etc;.. 

(1)  Lettrées  d* Horace  Walpole,  publiées  par  là 
comte  de  Bâillon.  Librairie  académique,  1873. 

(î)  Lellres  du  chevalier  de  Boufflers  à  la  comtesse 
lie  Sabran,  publiées  par  Paul   "rat  ;    Pion,  1891, 

p.  129; 

~  Delille,  dans  son  poème  des  Jardins^  a  dit  : 

Les  Grâces,  en  riant,  dessinèrent  Montreuil, 
Maupcrtuis,  le  Désert^  Bincy,  Limours,  Auteuil... 

Il  adressa  aussi,  en  177^,  à  la  comtesse  uneépltr^ 
qui  commençait  ainsi: 

Boileau  eut  son  Auteuil**. 
Et  ailleurs,  dans  ses  œuvres,  je  lis  1 

J'ai  parcouru  ce  jardin  enchanté* 
Une  autre  fois  ; 

Jadis,  j'ai  chanté  le  jardin,  elct 


ANNEXES 


485 


<  C*6st  un  mélange  assez  bien  enteoda  de]*aneien 
genre  et  do  noaveaa  qui  fait  qu'après  s*élre  pro- 
mené sous  de  belles  allées  françaises,  on  peut 
ensuite  s^égarer  dans  des  sinuosités  anglaises. 
Cela  prouve  une  chose  déjà  bien  prourée,  que  les 
Yoies  des  Français  sont  droites  et  celles  des  An- 
glais tortueuses.  » 

Thiéry,  dans  son  Guide  des  voyageurs  à  Pa- 
ris (i),  9.  décrit  le  parc  de  BoufOers  avec  un 
luxe  de  détails  qui  ne  laisse  rien  à  désirer  et  qui 
est  aussi  précis  qu'un  inventaire  d'officier  de  judi- 
cature.  Je  vous  en  fais  grâce,  Messieurs,  me 
bornant  à  lui  emprunter  ce  que  nous  n'avons  pas 
trouvé  dans  la  description  de  Walpole  :  allées  de 
tilleuls  ayant  à  leurs  pieds  des  touffes  de  chèvre- 
feuille, pins,  charmilles  de  lilas,  essences  rares 
et  odoriiérantes.  €  Un  joli  petit  pavillon,  élevé  sur 
la  terrasse  et  adossé  à  une  itlacière,  jouit  des  plus 
charmants  points  de  vue.  Il  peut  contenir  deux 
tables  de  jeu  et  est  tapissé  d*un  papier  en  ara- 
besques de  bon  goût.  Sur  la  droite,  une  machine 
hvdraulique,  mue  par  deux  chevaux,  fournit  Teau 
d  un  réservoir  placé  près  du  potager...  Enfin, 
l'allée  est  terminée  par  un  pavillon  assez  grand, 
formant  un  petit  salon  tendu  en  papier  bleu  de 
ciel;  de  ce  salon,  on  domine  sur  le  château  de  la 
Muette.sar  Paris,  la  plaine  de  Grenelle,  Vaugirard, 
Issy  et  Meudon  ;  deux  petits  pièces,  sur  les  cotés, 
ont  des  croisées  sur  le  bois  de  Boulogne.  En  face 
de  ce  pavillon  est  un  escalier  qui  descend  au  pota- 
ger, au  bout  duquel  vous  entrerez  dans  une  allée 
très  agréable,  bordée  d'arbres,  d'arbustes  et  de 
fleurs.  En  suivant  les  sinuosités  de  cette  route, 
vous  arriverez  sur  la  gauche  à  une  charmante 
allée  couverte.  En  la  traversant,  vous  trouverez  un 
bosquet  de  forme  triangulaire,  garni  d'orangers, 
grenadiers,  lauriers-roses,  aloès,  etc.  A  près  avoir 
respiré  l'air  embaumé  de  ce  bosquet,  vous  revien- 
drez dans  l'allée  sinueuse  qui  vous  conduira  à  la 
serre  des  orangers,  pnis  à  un  petit  bâtiment  cou- 
ronné d'un  fronton  triangulaire  avec  médaillons, 
dont  la  porte,  ornée  de  vases  et  de  coquilles  en 
bas-reliefs,  peints  de  bronze,  vous  annoncera  que 
c'est  une  laiterie.  L'intérieur  n'a  d*autre  déco- 
ratioTi  que  d'être  peint  en  pierre  avec  des  traits 
d'appareil  ;  immédiatement  après  cette  laiterie, 
vous  vous  trouverez  à  la  fin  de  votre  promenade 
et  vous  quitterez  à  regret  ce  jardin  champêtre.  » 

Voilà,  Messieurs,  ce  qu'était  le  parc  d'une 
grande  dame,  il  y  a  un  peu  plus  de  cent  ans.  La 
maison  n'était  pas  aussi  luxueuse  que  sembleraient 
l'indiquer  les  jardins  ;  mais  elle  était  hospitalière, 
ouverte  aux  grands  seigneurs,  aux  nobles  étran- 
gers, aux  poètes  et  aux  philosophes. 

C'est  là  que  Roucher  était  venu  lire,  devant 
un  auditoire  choisi,  son  poème  des  Mois,  trop 
vanté  alors,  trop  critiqué  depuis,  —  depuis  sur- 
tout qu'on  ne  le  lit  plus  (2);  là,  que  Rivarol  batail- 
lait avec  Champcenetz;  là,  que  le  duc  de  Niver- 


(i)  Voici  le  litre  exact:  Guide  des  amateurs  el  des 
étrangers  voyageurs  à  Paris,  ou  description  raison- 
née  de  cette  ville,  de  sa  banlieue  et  de  tout  ce  quelles 
contiennent  de  remarquable,  par  M.  Ttiiéry.  Paris, 
a  vol.  in-12,  1787-  Description  du  Jardin  Boaf tiers, 
l.  I,  p.  30. 

(2)  Voir  le  Bulletin  de  notre  Société,  1'*  année, 
P-  69. 


nais  rivalisait  d'esprit,  de  gaieté  ou  de  hardiesse 
avec  l'abbé  Galiani,  les  deux  Ségiir,  Lauzun, 
Tressan,  Narbonne,  le  prince  de  Ligne,  le  che- 
valier de  BoufQers.  Les  dames  étaient  la  maré- 
chale de  Luxembourg,  cousine  de  la  maltresse 
de  céans,  et  qui  s  établissait  souvent  pendant 
plusieurs  mois  chez  la  délicieuse  comtesse  (4);  il 
y  avait  encore  ces  deux  femmes  exquises  que 
Franklin  avait  appelé  les  Etoiles^  Mmes  de  Mun 
et  d'Andlau,  qui  n'avaient  qu'à  traverser  la  rue 
pour  venir  de  chez  leur  mère,  la  respectable  veuve 
d'Helvétins  (2). 

Tout  ce  beau  monde  ne  se  réunit  guère  à 
Autenil  qu'après  la  mort  du  prince  de  Conti, 
arrivée  le  i  août  4776.  Dans  les  premiers 
moments,  Mme  de  BoufOers,  tout  entière  à  sa  don- 
leur,  n'aurait  voulu  voir  personne,  ni  prendre 
Kart  à  aucune  distraction.  Le  4  aotkt,  Mme  du 
^effand,  qui  pourtant  ne  l'aimait  pas  beaucoup, 
écrivait  :  €  V Idole  est  dans  lapins  grande  douleur. 
Elle  s'est  retirée  à  Autenil.  La  maréchale  de 
Luxembourg  l'y  a  suivie  ;  elle  vient  de  me  mander 
tout  àTheureque  j'y  serai  reçue;  c'est  une  très 
grande  faveur.  J'y  irai  cette  après-dln^e.  »  Et  le 
lendemain  de  cette  visite  :  €  J'ai  vu  ï Idole.  Elle 
observe  très  bien  le  costume.  Il  n'y  a  rien  à 
dire.  »  Le  9  :  «  L'afDiction  de  la  divine  comtesse 
est  toujours  extrême.  Je  loi  ai  rendu  deux  visites 
àAuteuil  oii  elle  est  établie  avec  sa  belle-fille  et 
Mmes  de  Luxembourg,  de  Lauzun,  de  Virville  et 
de  Barbentane.  J'irai  y  souper  lundi.  » 

L'hiver  se  passa  à  Arles  et,  au  printemps,  on 
revint  à  Auteuil  :  €  Je  ne  connais  rien  de  mieux, 
disait  le  prince  de  Ligne,  que  le  jardin  de  la 
comtesse  de  BoufQers.  On  y  voit  le  goût,  la  raison 
et  la  simplicité.  » 

Le  4  avril  \  780,  Mme  du  Deffand  écrivait  à 
Walpole  : 

€  Elle  a,  dit-on,  quatre- vingt  ou  cent  mille  li- 
vres de  rentes  ;  elle  en  fait  bon  usa^e.  L'année 
dernière,  elle  passa  trois  mois  à  Autenil  dans  une 
très  jolie  maison  qui  lui  appartient;  Mme  de 
Luxembourg  s'y  était  établie  avec  elle  et  parta- 

Î;eait  la  dépense  d'un  fort  bon  état  qu'elle  y  tenait, 
e  ne  sais  si  cette  année  elle  fera  de  même  ;  je  le 
voudrais.  J'y  allais  passer  la  soirée  pour  le  moins 
une  fois  la  semaine.  Elle  est  fort  aimable  chez  elle 
et  beaucoup  plus  que  partout  ailleurs.  Ses  ridi- 
cules ne  sont  point  contraires  à  la  société  ;  sa 
vanité,  quoique  extrême,  et  tolérante,  elle  ne 
choque  pas  celle  des  autres.  Enfin,  à  tout  prendre, 
elle  est  aimable.  Sa  petite  belle -fille  a  de  l'esprit, 
mais  elle  est  bizarre,  folle,  et  je  la  trouve  insup- 


(1)  Mme  du  DefTand  écrivait,  en  1775,  à  l'abbé 
Barthélémy  :  «  La  maréchale  est  mieux,  mais  pas 
assez  bien  pour  s'établir  à  Auteuil.  * 

(a)  Mme  de  Boufflers  était  fort  liée  avec  ses  voi- 
sines. Le  4  septembre  1778,  Mme  de  Sabran  écrit 
au  chevalier:  «  Votre  cousine  (c'était  l'Idole)  part 
le  ao  pour  Voré  (propriété  de  Mme  d'Andlau)  ; 
j'ai  bien  envie  de  suivre  votre  conseil  et  d'y  aller 
avec  elle.  »  —  Voir  aussi  dans  les  Lettres  du  che- 
valier de  Bou^ers  à  la  comtesse  de  Sabran,  publiées 
par  Paul  Prat,  Pion,  1891,  p.  74,  une  lettre  du 
30  octobre  1779  où  il  est  question  de  Mme  de 
Boufflers  et  des  chagrins  de  cœur  de  Mme  d'And- 
lau, quittée  par  M.  de  Salm  el  consolée  par 
Chamiort. 


m 


HISTOIRE  m;  XVI*  arrondissement 


fiortable.  Sa  belle-mère  est  son  esclave  et  paraft 
*aimer  avec  passion.  > 

IV 

Quelle  était  donc  cette  belle-fille  ?  C'était  la 
comtesse  Amélie  de  Boufflers,  une  des  plus  belles 
femmes  de  son  temps,  très  fêtée  pour  son  talent 
quand  elle  jouait  de  la  harpe. 

Mme  de  BoufiQers  avait  en,  en  1746,  un  (ils, 
I^uis-Edouard,  qu'elle  avait  fait  élever  à  l'uni- 
versité protestante  de  Leyde.  Colonel  du  régiment 
de  Conti,  il  avait  époasé,  en  1768,  Amélie  Cons- 
tance Puchot  des  Alleurs,  fille  de  notre  ambassa- 
deur à  Constantinople  ;  c'était  là  qu'elle  était 
née,  en  4751,  dans  ce  palais  qui  avait  vu,  sous 
ses  galeries  de  marbre,  la  belle  Mme  de  Chénier, 
mère  d'André  et  de  Marie- Jospeh  (1). 

Pour  la  distinguer  des  autres  on  n'appelait  la 
jeune  Mme  de  Boufflers  que  <  la  comtesse  Amélie»  ; 
c'était  une  enfant  gâtée,  adorée  de  sa  belle-mère. 
Un  jour  qu'elle  parlait  mal  de  son  mari  à  Mme  de 
Boufflers,  celle-ci  lui  dit:  <  Mais  vous  oubliez  qu'il 
est  mon  fils.  —  Ah  !  s'écria  Amélie  avec  une  vi- 
vacité charmante  et  en  se  jetant  à  son  cou,  excu- 
sez-moi. Je  crois  toujours  qu'il  n'est  que  votre 
gendre.  » 

On  avait  inventé,  à  cette  époque,  un  amusement 
de  société  qui  s'appelait  le  jeu  des  bateaux.  Il 
consistait  à  répondre  à  cette  question  :  «  Si  vous 
étiez  dans  un  bateau  avec  deux  personnes,  ^  et 
l'on  désignait  ces  personnes  parmi  les  intimes  de 
l'interrogé,  —  que  le  bateau  vint  à  couler  et  que 
vous  ne  puissiez  en  sauver  qu'une,  laquelle  sau- 
veriez-vous  ?»  Il  s'agissait  de  répondre  avec  esprit  ; 
c'est  ce  que  fit  Talleyrand  à  Mme  de  Staël  qui  lui 
disait  :  «  Vous  m'assurez  que  vous  me  trouvez  très 
aimable,  que  vous  m'aimez;  mais  vous  donnez 
sur  moi  la  préférence  à  Mme  de  Flabault.  Avouez 
que  si  vous,  elle  et  moi,  nous  étions  seuls  dans  un 
bateau  et  que  le  bateau  chavirât,  je  ne  serais  pas 
la  première  que  vous  songeriez  à  sauver.  » 
L'évéque,  un  peu  embarrassé  d'abord,  reste  muet, 
puis,  tout  d'un  coup,  d'un  ton  qui  se  devine  :  <  Mais, 
Madame,  vous  avezl'air  desavoir  mieux  nager  (2).  » 
La  comtesse  Amélie  n'y  mit  pas  moins  d'esprit. 
Elle  était  dans  le  bateau  avec  sa  mère  qui  ne 
l'avait  pas  élevée  et  sa  belle-mère  qu'elle  adorait  : 
«  Je  sauverais  ma  mère,  répondit-elle,  et  je  me 
noyerais  avec  ma  belle-mère.  »  (3) 

(i)  Roland  Puchot.  comte  des  Alleurs,  ambas- 
sadeur de  France  à  Conslantinopic,  était  le  pro- 
tecteur de  Louis  de  Chénier.  —  Au  comte  des 
Alleurs  succéda  M.  de  Tergennes,  qui  fut  bien 
loin  dentourer  de  la  mC-me  faveur  le  père  d'An- 
dré. Il  y  a  une  explication  curieuse  et  bien  peu 
connue  de  ce  fait  dans  un  article  consacré  aux 
Chénier  par  le  journal  VArlisle  (n"  de  novembre 
1890,  p.  3^0). 

(2)  Cette  anecdote  est  racontée  par  Roucherdans 
lea  Consolatinnft  de  ma  raplivilé  et  se  trouve  repro- 
duite dans  Pendant  la  Terreur  :  Le  poêle  liourher. 
Paris,  Calmann-Lévy,  1890. 

(3)  Mémoires  de  Mme  de  Genlis,  ÏX,  p.  128. —  \Val- 
pole,  lors  de  son  voyage  de  177.'),  écrivait  à  la 
comtesse  d'Ossary  :  «  Mon  Dieu,  comme  je  pour- 
rais être  fat,  si  je  voulais  î  Mme  de  Boufnersm'a 
dit,  hier  au  soir,  que  j'*»vais  fait  la  conquête  de 
sa  belle-fille,  la  comtesse  Amélie.  Je  vais,  ce  soir, 
prendre  le  thé  avec  elle  soux  un  hosquel  dejtlumes^ 
dans  le  jardin  anglais  de  sa  mère,  à  Auteuil.  > 


I 


Mme  dé  Genlis  aimait  beaucoup  Mme  de  Bouf- 
flers, <  qui  avait  l'esprit  d'à-propos,  détestait  les 
lieux  communs,  aimait  à  faire  valoir  les  antres 
avec  un  naturel  et  une  grâce  bien  rares  »  ;  mais 
elle  ne  trouvait  rien  de  remarquable  dans  la  com- 
tesse Amélie  et  elle  ajoutait  méchamment  :  «  Sa 
belle-mère  contait  d'elle  des  mots  charmants 
u'elle  seule  avait  entendus.  Mais,  depuis  la  mort 
e  la  comtesse  deBoufQers,  on  n'en  apln;  cité.  » 
Les  dames  d* Auteuil  étaient  an  mieux  avec  la 
nouvelle  cour,  celle  de  Marie-Antoinette  (i).  Un 
jour  que  la  reine  était  à  la  Muette,  la  duchesse  de 
Polignac  à  qui  Mme  de  BouflBers  avait  dit  souvent 
de  vouloir  bien  disposer,  le  cas  échéant  de  sa 
maison  d'Auteuil,  crut  pouvoir  profiter  de  l'offre. 
La  comtesse  Amélie  eut  un  caprice  et  il  fallut  se 
dédire.  La  lettre  d'excuses  se  terminait  par  les 
vers  suivants  : 

Tout  ce  que  vous  voyez  conspire  à  vos  désirs, 
Vos  jours  toujours  sereins  coulentdans  les  plaisirs. 
La  cour  en  est  pour  vous  l'inépuisable  source. 
Ou  si  quelque  cnagrin  en  interrompt  la  course, 
Tout  le  monde,  soigneux  de  les  entretenir. 
S'empresse  à  1  effacer  de  votre  souvenir. 
Mon  Amélie  est  seule.  A  l'ennui  qui  la  presse 
Elle  ne  voit  jamais  que  moi  qui  s'intéresse  ; 
Etna  pour  tout  plaisir  qu'Auteuil  et  quelques  fleurs 
Qui  lui  font  quelquefois  oublier  ses  malheurs. 

Grimm  (2)  nous  raconte  que  ces  vers,  lus  dans 
la  société  de  Mme  de  Polignac,  furent  généralement 
trouvés  détestables.  Des  jours  toujours,  des  qui, 
des  que,  quelque  chagrin.  Quelques  pleurs, 
quelquefois,  etc.  Ce  ne  fut  qu'à  la  réflexion  qu'on 
s'avisa  qu'ils  avaient  été  pris,  mot  pour  mot  pour 
ainsi  dire,  dans  la  troisième  scène  du  deuxième 
acte  de  Britannicus: 

Britannicus  est  seul.  Quelque  ennui  C|ui  le  presse 
Il  ne  voit  dans  son  sort  que  moi  qui  s'intéresse, 
Et  n'a  pour  tout  plaisir,  Seigneur,  que  quelques 

[pleurs 
Qui  lui  font  oublier  ses  malheurs. 

C'était  le  moment  où  André  Chénier  écrivait  : 

Le  critique  imprudent,  qui  se  croit  bien  habile. 
Donnera  sur  ma  joue  un  soufflet  à  Virgile... 

C'était  décidément  à  la  mode,  comme  le  jeu 
des  bateaux.  Mme  de  Ek)uiflers  pouvait  se  vanter 
d'avoir  bien  mystifié  son  monde. 

Mais  les  jours  douloureux  approchaient,  et 
Mmes  de  Boufflers  allaient,  comme  leurs  hôtes  et 
leurs  amis,  en  subir  la  cruelle  étreinte.  Au  moment 
delà  prise  de  la  Bastille,  elles  étaient  à  Spa;  elles 
passèrent  de  là  en  Angleterre  pour  y  rester 
jusqu'après  la  fuite  de  Varennes  et  encore  ne 
revinrent-elles  que  sous  la  menace  pressante  des 
confiscations. 

Les  archives  municipales  de  la  commune  d' Auteuil 
enregistrent  leur  retour  aux  dates  des  i  6  et  2 7  mai 
1792;  après  cela,  c'est  le  don  d'un  cheval  à  la 


(1)  On  raconte  l'histoire  d'un  peuplier  planté 
dans  le  parc  de  Boufflers  par  la  comtesse  le  jour 
du  mariage  de  Marie-AnXoinetle,  et  l'on  ajoute 
que,  sous  la  Restauration,  quand  la  propriété  fut 
passée  aux  Montmorency,  la  fille  de  Louis  XVI  ve- 
nait souvent  en  pèlerinage  revoir  cet  arbre,  qui 
lui  rappelait  les  heureuses  années  de  la  vie  de 
SCS  inTorlunés  parents. 

(2)  V.  p.  /|05,  Paris,  mars  1871. 


ANNEXES 


487 


nation  par  la  citoyenne  Boufilers  ;  puis,  en 
mai  ]  793,  an  sccoors  de  trois  cents  livres  pour 
l'expédition  de  Vendée.  Ces  pauvres  femmes  en 
étaient  arrivées  à  ne  pins  ouvrir  les  lettres  Qu'elles 
recevaient  de  l'étranger  ;  elles  les  remettaient  au 
comité  de  surveillance  d*Auteuil  qui,  à  son  tour, 
les  déposait  aux  bureaux  de  laCx>nvention. 

Malgré  ces  preuves  de  civisme,  malgré  des  dons 
fréquents  et  importants  (i),  Mmes  de  BoufDers 
furent  arrêtées  par  ordre  du  Comité  de  sûreté 
générale;  on  examina,  puis  on  saisit  leurs  papiers 
et,  le  23  janvier  1794,  à  l'aube,  elles  furent 
conduites  à  la  Conciergerie. 

Caillot,  un  de  leurs  anciens  fermiers  ou  régis- 
seurs, qui  commandait  la  garde  nationale  d'AuteuiJ, 
agit  en  leur  faveur  et,  dés  le  lendemain,  apporta, 
au  nom  du  O^mité  d*Auteuil,  un  certificat  qui 
affirmait  leur  civisme  et  leur  parfaite  soumission 
aux  lois  (2). 

Toutes  deux  échappèrent  à  la  guillotine  et 
elles  durent  ce  rare  bonheur  au  dévouement  de 
Tabbé  Le  Chevalier,  instituteur  du  jeune  Boof- 
flers(3).  Ce  brave  homme  vendit  sa  bibliothèque  et 
sa  petite  terre  de  Normandie  pour  faire  vivre  ces 
dames  dans  leur  prison.  Bien  mieux,  il  s'ingénia  à 
détourner  d'elles  le  coup  fatal  et  il  y  réussit.  Il 
avait  connu  Fouquier-Tinville  chez  un  procureur 
au  Parlement;  il  rentra  en  relations  avec  le 
sinistre  magistrat  et  obtint  que  les  papiers  des 
dames  de  BoufDers  resteraient  toujours  au  fond  du 
carton.  C'est  ainsi  qu'elles  atteignirent  la  fio  du 


(1)  3  octobre  1793.  Dépôt  des  lettres  arrivées  de 
l'étranger.  —  a  novembre  1703.  Don  de  100  livres 

Ïiour  repas  du     détachement  de   l'armée  révolii- 
ionnaire.  —  1^  novembre  1793.  Don  d'argenterie 
dépassant  90  I. 

(2)  Le  5  germinal  an  II  (a5  mars  1794).  le  Comité 
de  surveillance  d'Auteuil  envoyait  au  Directoire 
du  district  de  Franciade  (Saint-Denis)  des  ol)scr- 
valions  «  en  conriance  »  («ir)  : 

•  1*  Marie-Cliarlolle-Ilippolyte  Campet-Saujon, 
veuve  depuis  trente  ans  a  Edouard  Boufflers-Kou- 
verel,  domiciliée  à  Auteuil  avant  sa  délention. 
soixante-neuf  ans.  Elle  a  un  fils  de  quarante-sept 
ans,  émigré. 

«  2*  Détenue  à  la  Conciergerie  depuis  le  4  plu- 
viôse dernier  par  ordre  du  Comité  de  srtreté  gé- 
nérale portant  qu'elle  était  émigréc  1  entrée. 

•  3*  Vivant  de  son  revenu. 

•  V  Avant  et  en  1789,  son  revenu  était,  charges 
déduites,  de  4iaoo  livres  ;  aujourd'hui,  net.  28.0t>4 
livres. 

•  5*  Dans  les  premiers  jours  de  son  rctouren  An- 
gleterre (.27  avril  1792),  on  a  vu  venir  chez  elle 
ses  anciennes  connaissances,  ce  qui  a  duré  peu 
de  temps,  puis  elle  a  vécu  très  retirée  avec  sa 
bru,  son  petit-fils  Tigé  de  huit  ans  et  demi,  un 
instituteur  réputé  bon  citoyen  et  une  Anglaise 
qui  lui  est  attachée  depuis  trente  trois' ans, 
veuve  d'un  Florentin  (il  s'appelait  Lorenxi)  qui 
est  en  état  (l'Auj^laise)  d'arrestation  chez  elle,  avec 
un  garde,  depuis  la  loi  sur  les  étrangers.  Celle 
Anglaise  ne  reçoit  aucune  compagnie. 

6*  •  Bien  de  suspect.  A  la  fuite  du  tyran,  elle  était 
en  AngleteriHi.  A  Auteuil,  le  lô  aort.  Klle  a  tou- 
jours paru  désirer  la  victoire  des  patriotes. 

•  Soumission  d'elle  et  des  gens  ne  sa  maison.  • 
La  comtesse  Amélie,  dil    Sainte-Beuve,  avait 

aussi  son  dossier  favorable. 

(3)  Mémoires  de  Morellel,  t.  II,  p.  lag.  —  Elles  res- 
tèrent soixante-quinze  jours  dans  un  cachot  hu- 
mide, où  elles  ne  pouvaient  entrevoir  la  lumière 
que  par  un  Irou  carré  dans  la  porte  ;  elles  étaient 
tore  ces  de  se  coucher  avec  leurs  v«'lcmenls  pour 
ne  pas  se  réveiller  paralysées  parlhumidilé  des 
murs. 


règne  de  Robespierre.  Elles  ne  furent  remises  en 
liberté  que  le  5  octobre  i794. 

Ici,  tous  les  historiens  perdent  la  trace  de  la 
comtesse  de  Boufllers.  Je  ne  parle  pas  de  Feuar* 
dent,  qui  la  fait  mourir  pendant  la  Terreur;  mais 
Sainte-Beuve  lui-même  ne  pouvait  qu'invoquer 
une  vague  tradition,  diaprés  laquelle  elle  serait 
morte  en  1800. 

Déjà  la  Soriétéhistoriqve&JÙieuUhonnefoT' 
tune  de  signaler  (1)  un  acte  du  2i  pluviôse  an  VIH 
qui  prouvait  qu'à  cette  date,  €  la  divine  comtesse  » 
vivait  encore.  C'était  une  donation  de  la  propriété 
d'Auteuil,  déguisée  sous  forme  de  vente,  au  profit 
de  la  comtesse  Amélie,  devenue  veuve  et  demeurant 
alors  à  Ëlettes,  canton  de  Saint-Jean-du-Cardon- 
naj,  département  de  la  Seine-Inférieure. 

De  temps  à  autre,  Mme  de  BoufQers  était  reve- 
nue à  Auteuil,  car,  au  recensement  de  juillet  4798, 
nous  la  retrouvons  habitant  encore  le  n*^  2i  de  la 
Grande-Rue  ;  de  même,  dans  les  Petites  Affiches 
des  iS  brumaire  et  2  frimaire  an  VIII,  oii  elle 
apparaissait  comme  vendeuse  d'une  maison  faisant 
partie  de  Tenclos  du  Temple  (23.000  livres),  et 
aune  autre  maison  à  Paris,  rue  deChoiseul,  n®  i 
(19.200  livres),  on  la  dit  toujours  domiciliée  à 
Auteuil.  Cependant,  son  habitation  réelle  parais- 
sait être  à  Rouen,  rue  du  Faucon,  6.  C'est  là 
qu'elle  passa  l'acte  important  du  22  pluviôse 
an  VIII  et  là  qu'elle  mourut,  le  7  frimaire  an  IX 
(4  décembre  1800),  à  10  heures  du  matin,  âgée 
d'environ  soixante-seize  ans,  d'après  son  acte  de 
décès  que  j'ai  eu  la  bonne  fortune  de  retrouver  (2). 

Ces  dernières  ventes,  les  pelouses  ensemencées 
de  blé  pendant  le  Directoire  paries  soins  des  Eco- 
nomistes, la  location  de  la  maison  principale  à  Tal- 
leyrand  et  d'un  des  pavillons  du  parc  à  Van- 
nelet  (3),  tout  cela  montre  bien  que  la  comtesse 
de  Boufilers  vivait,  depuis  179i,  dans  un  état 
voisin  de  la  gène.  Ainsi  finissait,  dans  la  tristesse 
et  dans  le  besoin,  cette  femme  charmante  qui  avait 
été  choyée  comme  une  reine  au  Palais-Royal,  au 
Temple"  et  à  Auteuil  même,  pendant  près  de 
soixante-dix  années. 

La  comtesse  Amélie  revint,  après  la  mort  de  sa 
belle-mère,  se  fixer  à  Auteuil.  Elle  est  signalée, 
par  deux  rapports  de  police  (4),  comme  l'àme 
d'une  coterie  où  Ton  annonçait  publiquement  le 
retour  des  Bourbons,  coterie  qui  se  réunissait  aux 
Eaux  de  Passy  et  à  Auteuil.  «  qui  n'est  peuplé  que 
d'étrangers  de  haut  parage  ».  Elle  ne  devait  donc 


(i)  T.  I  du  Dnllelin,  p.  09. 

(2)  Acte  du  i3  frimaire  an  IX.  Témoins  :  Pierre 
Marc,  notaire,  et  Pierre-Nicolas  Roch-Delahaye, 
rentier  à  llénouville,  amis  de  la  défunte .  Sigiié  : 
Demadii»res,  adjoint.  —  Son  portrait  a  été  gravé 

Far  Colinet,  au  Lycée,  houlevard  de  la  Cuiiiédie- 
talienne  ;  il  porte  ces  mots  :  •  Dédié  à  la  com- 
tesse Amélie,  par  son  très  humble  et  très  obéis" 
sant  serviteur,  Julien  Fatou.  •  —  ^uant  à  la 
comtesse  Amélie,  son  portrait  fut  grave  en  Angle- 
terre  par  C.  Hcalh.  d'après  R.-R.  Faulkner,  dans 
Henth»  Gallery  of  hritinh  entfraringx,  i8'M,  t.  IIÏ. 
(.3)  Vannelet,  dont  l'existence  si  bizarre  a  été 
racontée,  avec  tant  de  talent,  par  M.  Léonce 
.Pingaud,  dans  le  livre  qu'il  a  consacré  à  Un  agent 
secret  sous  le  Directoire  :  le  comte  d'Antraiaues,  — 
recevait,  dans  sa  maisonnette  d'.Vuteuil,  les  Po- 
lonais réfugiés  Dombrowski  et  Koziusko. 

{\)  Des  19  fructidor  an  IX  et  :j8  germinal  an 
XllI. 


488 


HISTOIRE   DU   XVI*  ARRONDISSEMENT 


guère  avoir  de  relations  arec  ses  voisins  d*en 
face,  les  Cabanis,  qui,  cependant,  recevaient  fré- 
quemment, à  cette  époque,  son  cousin  le  chevalier 
de  Boufïlers,  qui  rentrait  d'émigration. 

Mais  la  ruine  la  guettait  à  son  tour  et,  en  1814, 
la  maison  d*Auteuii  étant  saisie  (1);  elle  dut  aller 
s'établir,  presque  en  face,  an  n°  44  de  la  Grande- 
Rue,  chez  Fauriez,  son  ancien  cuisinier.  De  sa  fenê- 
tre, elle  voyait  le  parc  et  le  château  ou  elle  avait 
vécu  et  qui  devinrent,  lei4  juilleti8i9,  la  propriété 
de  M .  de  Ravneval,  ancien  ministre  d'Etat,  et  bien- 
tôt après  celle  de  la  duchesse  de  Montmorency  (2). 

Réduite  à  une  pension  de  i  .500  francs,  absorbée 
d'avance  par  ses  créanciers,  elle  vit  accourir 
auprès  d'elle  deux  femmes  de  chambre  du  temps 
de  sa  prospérité,  Mmes  Morta  et  Martin,  c  Je  puis 
bien  mourir  toute  seule,  leur  dit-elle,  et  je  n'ai 
pas  de  gages  à  vous  donner.  >  Mais  ces  excellentes 
femmes  ne  voulurent  pas  la  quitter  ;  elles  mirent 
peu  à  peu  tout  leur  petit  avoir  au  Mont-de-Piété 
et  elles  arrivèrent  ainsi  à  assurer  ses  derniers 
jours,  attristés  encore  par  une  douloureuse  cécité. 

M.  Ludovic  Halévy,  dans  une  solennité  acadé- 


(i)  L'hdtel  de  Boufflers,  enclos  du  Temple,  n  ao, 
esl  vendu  par  jugement  du  tribunal  civil  de  la 
Seine  du  a3  mal  i8ia,  moyennant  lao.oSo  francs 
[Petite*  affiches  du  7  novembre).  —  Maison  d'Au- 
teuil,  mise  en  vente  le  ai  juillet  iSi^iPetites  affi- 
ches du  19  mai).  —  Le  3  mars  18I8,  elle  écrivait  à 
Chiappe,  ancien  député  de  la  Corse,  qu'elle  vou<> 
drait  vendre  par  son  intermédiaire  à  la  reine  de 
Suède,  Eugénie  Clary,  femme  de  Bernadotte,  de 
petits  tableaux  qui  lui  avaient  été  oflTerts  par  le 
roi  Gustave-Adolphe  IV. 

(u)i4  juillet  181Q,  M. de  Raynevalpourda.AgSfr.  3o 
et  la  duchesse  de  Montmorency  pour  le  surplus 
de  iii.aoo  francs  se  rendent  adjudicataires  sur 
poursuites  de  saisie  immobilière  dirigée  à   la  re- 

3uéte  des  syndics  et  mandataires  des  créanciers 
e  la  Société  ayant  existé  à  Paris  sous  la  raison 
sociale  Constantin  et  Cie  et  du   sieur  Caron,  li- 
auidateur  de  cette  Société  contre  Mme  Amélie- 
Constance  Puchot  des  Alleurs,  veuve  de  Louis- 
Edouard  de   Boufflers.  —  Le  8  janvier   1839,  la 
duchesse  de  Montmorency  acquiert  de  M.  de  Rav- 
neval. —  37  avril  1839,  inventaire   après  décès 
d'Anne-Françoise-Charlotle     de     Montmorency- 
Luxembourg,  veuve  d'Anne-Léon,  duc  de  Mont- 
morency. Les  héritiers  sont  le   duc  Charles,  le 
prince  Chrislian,  la  marquise  de  Mortemart,  née 
Anne-Eléonore-Pulchérie,  les  Rohan-Chabot,  la 
marquise  de  Gerbevillers,  les  comtesses  d'Estour- 
nel  et   de  Gontaut,  pelils-enfants.  —17   juillet 
i83o,  le  duc  Anne -C/iar/tf«- François  de  Montmo- 
rency devient  adjudicatre  du   tout,  le  mobilier 
étant  compté  pour  40.000  francs.  La  propriété, 
plus  4  pièces  de  terre  avoisinant  le  parc  au  lieu 
dit   le  Niblet,  d'une  contenance  de  5  ares  97,  le 
tout  pour  340.100  francs.  —  a5  mai  1846,  mort  du 
duc  Anne-C/tar/c*-Francois.  La    propriété  reste 
indivise  entre  ses  héritiers  :  le  duc  ae  Montmo- 
rency, son  fils,  la  princesse  de  BaufTremont  et  la 
duchesse  de  Valença]^,  ses  filles,  chacun  pour  un 
tiers.  —  La  Compagnie  du  chemin  de  fer  de  Saint- 
Germain  fMM.  Emile  Péreire  et  Rodrigues  llen- 
riquez)  acnète  les  io-i5  novembre  et  10  décembre 
i8ôa  moyennant  400.000  francs,  des  héritiers  de 
Montmorency.  Les  1-11  aoAt  i854,  la  Compagnie 
de  Saint-Germain  devient  Compagnie  de  l'Ouest. 
Celle-ci  morcela  déflnilivement  la  propriété  :  une 
partie  fut  occupée  par  les  emprises  de  la  voie, 
une  autre  devint  la  villa  Montmorency  actuelle, 
d'autres  parcelles  furent  vendues  et  partagées 
depuis.    (Renseignements    dus    à   des    titres  de 
propriété  communiqués  par  nos  excellents  con- 
frères,.MM.  Barthélémy  et  Ludovic  Raynaud).  — 
Vers  1860,  on  voyait  encore,  sur  l'emplacement 
actuel  du  marché,  les  ruines  de  quelques-uns  des 
bâtiments  occupés  autrefois  par  les  Boufflers. 


mique  récente  (1)  disait  de  ce  genre  de  domes- 
tiques :  €  L'aisance  était  entrée  dans  une  maison 
et  la  misère  y  est  entrée.  Le  maître  dit  à  la  ser- 
vante :  «  Je  n'ai  pins  rieil,  ma  pauvre  fille,  il 
faut  nous  séparer.  —  Nous  séparer.  Pourquoi  ?  — 
Puisque  je  n'ai  plus  rien.  —  Je  veux  rester.  — 
Sans  gages  ?  —  Sans  sages.  »  Et  ce  sams^gages 
comme  le  sans-dot  de  Molière,  ce  sans-^foges 
est  l'invariable  refrain  de  ces  touchants  récits. 
«  J'ai  mes  petites  économies,  dit  la  servante.  — 
Mais  elles  sont  à  toi.  —Non,  elles  sont  à  vous.  » 
£t  quand  il  ne  reste  plus  rien  de  ces  petites  écono* 
mies,  la  servante  très  souvent  s'en  va  travailler 
au  dehors  pour  faire  vivre  son  maître.  Car  elle 
dit  toujours  mon  maître  et  veut  toujours  rester 
la  servante.  C'est  à  se  demander  en  vérité  si, 
pour  avoir  de  parfaits  serviteurs,  il  ne  suffirait 
pas  de  n'être  plus  en  état  de  leur  donner  des  gages. 
Ce  serait  là  cependant.  Messieurs,  une  expérience 
qu'il  ne  faudrait  pas,  peut-être,  pousser  trop  loin. 

Messieurs,  à  la  Société  kUtorique  d^AuteuU, 
nous  nous  vantons  parfois  et  seulement  ouand  nous 
sommes  entre  nous,  d'être,  en  quelque  façon,  une 
petite  académie  locale;  aujourd'hui,  imitons  publi- 
quement ce  qui  se  fait  ch«z  notre  grande  sœur  et 
que  notre  souvenir  ému  salue,  en  les  rappelant, 
les  noms  de  Mmes  Morta  et  Martin,  qui  ont  voulu, 
sans  gages,  servir  leur  ancienne  maltresse  jusqu'à 
sa  mort. 

La  comtesse  Améliemourut,  en  effet,  dans  leurs 
bras,  le  4  mai  4825,  vers  5  heures  du  soir.  Fauriez 
fit  la  déclaration  du  décès  (2|  et,  de  cette  femme 
qui  avait  été  l'une  des  plus  belles  de  la  cour  de 
Marie-Antoinette,  qui  avait  eu,  à  un  moment, 
iOO.OOO  livres  de  rente,  il  reste  le  nom  d'une 
avenue  ;  dans  U  villa  Montmorency,  un  tilleul,  un 
orme,  quelques  acacias  et  quelques  peupliers  et, 
au  cimetière  d'Auteuil  (3),  une  pierre  fendue  par 
les  obus  et  que  la  mousse  envahit  si  jalousement 
qu'avant  quelques  années  le  nom  même  de  Bouf- 
flers ne  s'y  lira  plus  ! 

De  son  mariage,  la  comtesse  Amélie  avait  eu 
un  fils,  Amélie-Joseph-Emmanuel-Hippolyte  de 
Boufflers,  qui  était  né,  le  46  novembre  4785,  sur 
la  paroisse  Sainte-Marie- Madeleine  de  la  Ville- 
l'Evêque.  Il  avait  été  tenu  sur  les  fonds  baotis- 
maux  par  La  Fayette  et  par  Amélie  de  Boufuers, 
duchesse  de  Lauzun,  sa  cousine  paternelle. 

C'était,  à  six  ans  et  demi,  un  enfant  d'une  taille 
ordinaire  pour  son  âge,  aux  cheveux  et  aux  sour- 
cils ardents,  avec  des  yeux  bleus,  un  nez,  une 
bouche  et  un  menton  petits,  un  front  grand,  cou- 
vert de  cheveux  ;  le  visage  délicat  et  plein,  ajou- 
tait le  signalement  (4). 

Nous  savons  déjà  (]u'il  eut  pour  précepteur 
l'abbé  Le  Chevalier  ;  mais,  oublieux  des  excellentes 
leçons  d'un  tel  maître,  il  devint  bientôt,  par  ses 
mœurs  et  par  sa  paresse,  indigne  du  nom  qu'il  por- 
ta it. 

(1)  Rapport  sur  les  prix  de  vertu,  2a  novembre 

(a)  Actes  de  l'état  civil  de  la  commune  d'Au- 
teuil. —  Déclarant  Louis- Félix  Fauriez,  proprié- 
taire de  la  maison  où  le  décès  a  eu  lieu. 

(3)  Et  non  pas  au  Père-Lachaise,  comme  Mme  de 
Genlis  le  dit  par  erreur. 

(4)  Signalement  du  10  juillet  179a.  Actes  de 
unicipalité.  L'enfant  ne  sait  pas  siffi 


municipa 


pas  signer. 


ANNEXES 


489 


Il  eut  à  eomparaltre  devant  les  tribnnaax  dans 
des  conditions  tja'il  ne  contient  |Misderappeler(i), 
et,  cependant,  pour  donner  nne  idée  de  son  carac- 
tère, je  parlerai  d'un  de  wi  procès,  qui  serait 
amasant,  s*il  n*était  lamentable  (2). 

Le  i7  novembre  4845,  BonfOers  était  tradait 
devant  la  6*  chambre  correctionnelle  ponr  outrages 
au  garde  champêtre  d'Anteoil.  Voici,  dans  toute 
sa  »ntaisie,  le  procès-verbal  de  cet  agent  :  «  Pas- 
sant à  Autenil,  le  23  septembre,  sur  la  place  de 
la  Fontaine,  le  sieur  Genty,  garde  champêtre, 
était  revêtu  de  ses  insignes,  quand  il  a  entendu 
des  cris  et  des  blasphèmes  devant  la  maison  de 
santé  de  M.  le  doctrnr  Lemoine.  Ces  blasphèmes 
étaient  adressés  à  remployé  des  voitures  pour  Paris 
et,  en  les  entendant,  les  personnes  qui  étaient 
aux  croisées  les  ont  fermées.  Ayant  invité  l'indi- 
vidu qoi  proférait  ces  blasphèmes  à  cesser  ce  va- 
carme, à  ne  pas  faire  un  pareil  esclandre  etd'étre 
plus  conséquent  avec  les  personnes  qui  étaient  pré- 
sentes (sic)  à  cette  scène,  nous  avons  reconnu  que 
cet  individu  était  le  comte  de  BoufDcrs,  demeurant 
à  Auteuil.  M.  le  comte  de  BoufHers  m'a  dit  que 
je  n*étais  qu'on  valet  et  m'a  accablé  indûtingue- 
ment^  moi  et  toutes  les  personnes  présentes,  des 
propos  les  plus  outrageants.  »  BoufQers  fat  con- 
damné, par  défaut,  à  six  semaines  de  prison.  Le 
48  décembre,  sur  opposition,  la  peine  était  réduite 
à  50  francs  d'amende,  sans  emprisonnement. 
Jules  Favre  défendait  BoufQers.  L'avocat  du  roi, 
Mongis,  dit  :  «  A  votre  dernière  audience,  ce 
n'e&t  pas  seulement  l'absence  du  prévenu  qui 
vous  a  rendus  divisés,  c'est  aussi  le  nom  qu'il 
a  l'honneur  de  porter.  Un  tel  nom  oblige,  non  pas 
à  être  un  poète  élégant  et  gracieux,  mais  adonner 
des  gages  de  courtoisie  et  d'urbanité;  un  tel  nom 
oblige  à  accorder  aux  hiérarchies  sociales  un  res- 
pect d'autant  plus  facile  que,  soi-même,  on  adroit 
d'y  aspirer!  »  Ce  pauvre  BoufQers,  n'en  déplaise 
à  M.    Tavocat  du  roi,   n'avait  guère  le  droit 
d'aspirer  au  respect  !  M.  Mongis  terminait  en  di- 
sant qu'il  admettait  néanmoins  un  adoucissement 
de  la  première  sentence  et  il  laissait  deviner 
qu'il  croyait  à  la  folie  du  prévenu,  c  M.  le  comte 
de  Boufders  nous  a  entendu,  disait-il,  et  s'il  ne 
nous  a  pas  compris,  —  et  peut-être  le  langage 
du  prévenu  nous  autorise  à  le  craindre,   —  il  y 
aurait  donc  dans  cetie  circonstance  quelque  chose 
qui  ne  se  dit  pas,  qui  se  sent,  qui  s'apprécie  et 
qui,  de  la  commisération,  conduit  à  l'indulgence.  » 
Si  BoufQers  n'était  j^as  fou,  c'était,  du  moins, 
le  plus  bizarre  des  orif^naux.  Il  est  resté,  dans  la 
mémoire  de  tous  ceux  qui  l'ont  rencontré  (3),  comme 
«  un  petit  vieillard   de  tournure  assez  falotte 
et  qui  avait  plutôt  l'air  d'un  mettre  de  danse  re- 
tiré des  affaires  que  d'un  gentilhomme  de  bon  lieu  ». 
<  Je  le  vois  encore,  dit  Louis  Judicis,  avec  son 
castor  à  longs  poils,  son  habit  bleu  barbeau,  son 
grand  gilet  blanc,  son  pantalon  de  nankin  et  ses 
escarpins  à  boucles  d'argent,  trottinant  par  les 
rues  du  village,  le  nez  au  vent,  les  pieds  en  équerre. 


(1)  Gazelle  des  Tribunaux  des  28  novembre  i83i 
et  !•'  février  i83a. 

(a)  Gazelle  des  Tribunaux  des  a8  novembre  et  i9  dé- 
cembre 1S45. 

(3)  Nota  de  Louis  Judicis.  Intermédiaire  des  cher- 
cheurs, 18S3,  p.  411. 


et  les  mains  toujours  agitées  par  une  gesticulation 
extravagante.  Tout  en  marchant,  il  se  livrait  à 
des  monologues  interminables  qui  paraissaient 
l'amuser  prodigieusement,  car  il  les  accompagnait 
d'ordinaire  d'un  petit  rire  strident  qu'un  accès 
de  toux  ne  manquait  pas  d'interrompre.  »  Il  était 
suivi  d'enfants  qui  l'appelaient  Coco-Boufflers  ou 
Caco^lŒ'Tour  et  qui  le  torturaient  de  mille  ma- 
nières. 

Il  vivait  seul,  sans  amis  ni  relations,  avec  un 
vieux  domestique,  dans  une  maison  qui  existe  en- 
core et  qui  est  contiguë  à  l'ancienne  propriété  de 
Mme  llelvétius,  un  peu  avant  d'arriver  i  la  rue 
Erlanger. 

Unand  il  mourut,  le  5  avril  1858,  à  li  heures  du 
matin  (i),  son  valet  prévint  MM.  Charles  de 
Uémusat,  Georges  de  La  Fayette  et  Francis  de 
Gorcel.  Seuls,  ils  assistèrent,  avec  le  domestique, 
aux  obsèques  d'un  parent  qu'ils  n'avaient  jamais 
voulu  voir  pendant  sa  vie.  La  cérémonie  fut  faite 
à  Tcylise  et  l'inhumation  au  cimetière  d' Auteuil. 

Ainsi  disparaissait  de  la  scène  du  monde,  le 
petit-fils  d'une  femme  que  le  duc  de  Lévis  {^) 
trouvait  €  une  des  personnes  les  plus  distinguées 
de  son  temps  par  la  justesse  et  l'étendue  de  son 
esprit  >. 

Oublions,  Messieurs,  cette  triste  fin  d'une 
famille  gracieuse  et  illustre  pour  ne  nous  rappeler 
aue  les  heures  enivrantes  où  les  dames  de  BoufQers 
nrent,  il  y  a  plus  d'un  siècle,  la  gloire  de  cet  Au- 
teuil qu'elles  aimaient  tant  et  qui  leur  devait  bien, 
en  retour,  un  modeste  souvenir  et  une  sympa- 
thique pensée. 

Antoine  Guillois. 


ANCIENNE  SOCIÉTÉ  D*AUTEUIL 

La  comtesse  deBoufflersh  Roucher  (3). 

Auteuil,  ce  28  juin. 

Je  serai  charmée,  Monsieur,  d'entendre  l'ou- 
vrage dont  vous  me  faites  Thonneur  de  me  parler. 
Je  ne  doute  pas  qu'il  ne  soit  aussi  di^e  du  sujet 
qu'il  peut  l'être.  Je  vous  prie  de  choisir  votre  jour 
et  votre  heure.  Tous  les  jours  me  sont  égaux, 
excepté  vendredi,  et  l'heure  de  midi  est  celle  que 
je  préférerais,  si  vous  n'y  mettez  point  d'opposi- 
tion. 

J'ai  l'honneur,  etc. 

H.  DeS\UJON,  COMTESSe  DE  BOUFFLESS. 


(1)  Actes  de  l'état  civil  de  la  commune  d'Au- 
teuil,  aujourd'hui  détruits;  décès  constaté  par 
Pierre-Anloine-Louis  Jebenol.  officier  de  la  Lé- 
f^ion  d'honneur,  maire  d'Auteuil,  sur  la  déclara- 
tion de  Charles  Bourset,  4a  ans.  coiffeur  à  Paris, 
rue  Chariot,  18,  et  de  Thomas-Elie  Simon,  44  ans, 
nourrisseur  à  Auteuil. 

(a)  Dans  ses  Caraclères  et  Portraits. 

(3)  D'après  Torigioal-  Inédit.  Commuoication  de 
M.  Guilloii. 


ANNEXES  49^ 

et,  dtDS  Paru  néme,  rue  des  Troit-Bornes,  rue  coup  que  VeraiDeéiorii  reaail  de  doon»' lésinai 
Pien«-Le*èe,  au  Gros-Caillou,  rue  Pierre-Assise,  de  la  révolle  1  GergoTie,  où  de  toutes  parts  lui 
rue  des  Siinls-Pères  et  i  la  Tombe-Issoire.  arriTaient  des  secours.  Jastemeot  alarmé,  il  ac- 


Il 


■3   S. 


Au  commencement  del'anSSaTani  Jésus-Christ,  court,  el.  par  aoe  de  ces  maoïEnTrcs  inrraisem- 
César,  qui  croyait  la  Gaule  paciRée,  passait  le  blables  que  sareot  seuls  eiéculer  les  graudscapi- 
reste  de  l'hiver  i  Lacques,  quand  il  apprit  toat  i      taincs,  il  franchit  les  CéTeimes,  ccnTertei  de  sii 


494 


HISTOIRE    DU    XVI*   ARRONDISSEMENT 


pieds  de  neige,  stupéBe  ses  adversaires  par  sa 
promptitude,  iocendie  Orléans  et  Baurges,  et  pen- 
dant que,  remontant  la  rive  droite  de  rÀllier,  il 
marche  sur  Gergorie,  il  donne  Tordre  à  Labiénus, 
son  plus  habile  lieutenant,  d^aller  avec  quatre 
légious  et  la  moitié  de  sa  cavalerie  punir  les  Pari- 
siens de  Tappui  qu'ils  avaient  les  premiers  prêté 
à  Vcrcingétorix. 

Labiénus  laissa  ses  bagages  à  Sens,  suivit  la  rive 
gaucho  de  TYoune  et  de  U  Seine,  franchit  avec 
ses  \ingt  mille  hommes  quelques  rivières  de  peu 
d'importance,  le  Loing,  l'EcolIe,  TEssonne,  TOrge, 
et  vers  le  soir  du  troisième  jour  de  marche,  il  lut 
forcé  de  s'arrêter  et  de  camper  sur  les  bords  des 
marais  que  formait  alors  la  Bièvre  à  sa  jonction 
avec  la  Seine. 

Cependant,  au  bruit  de  son  approche,  les  ban- 
nis, les  outlaws,  €  les  scélérats  »,  comme  César 
les  appelle,  les  anciens  compagnons  dlndutiomare 
et  d'Ambiorix,  sortaient  des  bois  et  affluaient  à 
Lutèce.  Il  eu  vint  du  Mans,  de  Chartres,  de  Rouen, 
d*Evreax;  il»  furent  bientôt  près  de  cinquante 
mille  et  éliront  pour  chef  le  vieux  Camulogèue, 
chargé  de  gloire  et  d'années. 

Camologène  comprit  que  le  mont  Lucotitius 
était  le  vrai  rempart  de  Paris  du  côté  de  l'est.  Au 
matin,  Labiénus  rit  au  delà  du  marais  l'armée 
gauloise  rangée  sur  la  colline.  Pendant  une  longue 
journée,  il  chercha  à  se  frayer  un  passage  à  l'aide 
de  claies,  de  fascines,  de  manteiets.  Il  dut  s'avouer 
raincu,  et,  au  milieu  de  la  nuit,  dans  le  plus  grand 
silence,  il  fitrebousser  chemin  à  ses  troupes.  Uuand 
le  soleil  se  leva,  Camulogène  ne  vit  plus  aucun  en- 
nemi dans  la  plaine  d^Ivry  et  put  croire  un  mo- 
ment que  Lutèce  était  sauvée. 

C'était  bien  mal  connaître  Topiniâtreté  romaine. 

Labiénus  revint  rapidement  à  Melun,  passa  la 
Seine  sur  une  cinquantaine  de  bateaux  abandon- 
nés là  imprudemment  par  les  habitants,  et  reprit 
son  chemin  vers  Paris  en  descendant  la  Seine,  — 
sur  la  rive  droite  cette  fois,  —  les  bateaux  qu'il 
avait  saisis  le  suivant  au  til  de  l'eau.  U^elques 
fuyards  de  Melun  apportèrent  ces  mauvaises  nou- 
velles à  Camulogène,  qui,  n'ayant  plus  le  temps 
d'aller  défendre  le  passage  de  la  Marne  à  Cha- 
renton,  n'hésita  pas  à  incendier  Lutèce,  à  couper 
le  grand  pont  et  le  petit  pont,  et  se  tint  sur  la 
défensive,  campant  vers  le  Luxembourg,  sa  droite 
couverte  par  le  mont  Lucotitius  et  les  marais. 

Cependant  Labiénus  avait  passé  la  Marne  et 
était  venu  camper  en  face  des  ruines  de  F^utèce  fu- 
mante. I^  fleuve  séparait  les  deux  armées. 

Les  préoccupations  du  général  romain  étaient 
extrêmes.  On  racontait  que  les  Eduens  avaient 
fait  défection  ;  que  César,  obligé  de  lever  le  siège 
de  Gergovie,  errait  sans  vivres  entre  F  Allier  et 
la  Loire,  et  que  lui-même  était  menacé  sur  ses 
derrières  par  les  Bellovaques,  qui  venaient  au  se- 
cours des  Parisiens. 

Plein  de  perplexité,  il  ne  songea  plus  qu'à 
frapper  un  grand  coup  qui  le  dégageât,  et  à  ra- 
mener ensuite  son  armée  intacte  à  Sens. 

Il  convoqua  à  la  nuit  un  conseil  de  guerre,  dis- 
tribua les  cinquante  bateaux  qu'il  avait  amenés 
de  Melun  à  autant  de  chevaliers  romains,  leur  or- 
donna de  descendre  la  rivière  vers  9  heures  du 
soir,  de  s'avancer  dans  le  plus  grand  silence  jus- 


aa'à  une  distance  de  quatre  milles  et  de  l'y  atten- 
dre. Il  laisse  pour  (prder  son  camp,  —  situé  vers 
le  Chàtelet,  —  les  cmq  cohortes  les  moins  propres 
à  combattre,  et  commande  aux  cinq  autres  de  la 
même  légion  de  remonter  la  riTière  à  minuit  en 
faisant  beaucoup  de  fracas.  Il  envoie  des  nacelles 
dans  la  même  direction  à  grand  bruit  de  rames. 
Lui-même,  peu  d'instants  après,  part  en  silence 
avec  les  trois  légions  qui  lui  restent  et  se  rend 
au  lieu  oh  les  chevaliers  avaient  conduit  les  ba- 
teaux, c'est-à-dire  au  bas  d'Auteuil. 

Il  y  arriva  vers  2  heures  du  matin.  Profi- 
tant de  ces  orages  subits,  si  fréquents  au  mois  de 
mai,  il  fait  passer  la  Seine  à  son  infanterie  et  à 
sa  cavalerie  ;  les  éclaireurs  gaulois  placés  sur  la 
rive  opposée  sont  surpris  et  égorgés. 

Malgré  toutes  les  précautions  de  Labiénus,  ses 
opérations  en  aval  comme  en  amont,  furent  con- 
nues presque  aussitôt  dans  le  camp  de  Camulo- 
gène. Toute  la  nuit,  des  nouvelles  confuses  y  ar- 
rivèrent :  on  entendait  une  rumeur  extraordinaire 
dans  le  camp  romain  ;  une  troupe  considérable 
remontait  le  fleuve  ;  une  autre  le  descendait  et 
cherchait  à  forcer  le  passage.  Camulogène  se  per- 
suade qu'une  partie  des  Romains,  effrayée  de 
l'approche  des  Bello vaques,  se  prépare  à  la  fuite  ; 
que  les  autres  vont  passer  le  fleuve  en  trois  en- 
droits. Il  divise  aussi  ses  forces  en  trois  corps  (l) 
en  laisse  une  partie  à  la  garde  du  camp,  charge 
une  autre  de  surveiller  les  bateaux  qui  remon- 
taient vers  Corbeil  ;  quant  à  lui,  avec  le  gros  de 
ses  troupes,  il  marche  au-devant  de  Labiénus, 
dont  l'armée  s'était  déployée  dans  la  plaine  de 
Grenelle. 

La  pluie  avait  cessé.  La  bataille  s'engagea  au 
soleil  levant  dans  le  vaste  espace  qui  s'étend 
d'Issy  au  Luxembourg,  de  la  Seine  à  Montrouge. 
Les  trompettes  retentissent.  Les  Gaulois  répondent 
par  leur  cri  :  Terriben,  cassez  les  tètes  !  A  l'aile 
droite,  la  septième  légion  les  enfonce  dès  le  pre- 
mier choc  et  les  met  en  fuite  ;  à  l'aile  gauche, 
quoique  la  douzième  légion  eût  fait  tomber  sous 
ses  traits  les  premiers  rangs  de  Gaulois,  ceux  qui 
restent  se  défendent  avec  acharnement  ;  pas  un 
ne  pense  à  fuir.  Au  milieu  d'eux  Camulogène,  qui 
semble  avoir  recouvré  la  vigueur  de  sa  jeunesse, 
excite  leur  ardeur  ;  la  victoire  reste  incertaine. 
Mais  les  tribuns  de  la  septième  légion,  n'ayant 
plus  d'ennemis  devant  eux  et  apprenant  ce  qui  se 
passait  à  l'aile  gauche,  entraînent  leurs  soldats 
victorieux,  viennent  charger  les  Gaulois  par  der- 
rière et  en  font  un  grand  carnage.  En  ce  moment 
suprême,  pas  un  Parisien  ne  faillit,  pas  un  ne 
quitta  son  poste  ;  tous  furent  enveloppés  et  péri- 
rent à  leur  rang.  Camulogène  tomba  percé  de 
coups  au  plus  fort  de  la  mêlée. 

Les  Parisiens  surent  sa  défendre,  mais  ils  ne 
savaient  pas  écrire;  aussi  n'avons-nous  que  le 
seul  récit  de  César,  et  ce  récit  suggère  bien  des 
doutes. 

Un  fait  reste  certain,  la  mort  héroïque  de  Ca- 
mulogène ;  mais  les  résultats  de  la  prétendue  vic- 
toire des  Romains  paraissent  avoir  été  nuls. 


(i)  Combien  de  fois,  depuis  celle  époque,  nos 
géniraiix  nnl-ils  aussi,  helas  !  commis  celle  er* 
reur!  (N.  D.  L.  R.) 


ANNEXES 


495 


Les  Parisiens  perdirent  si  pea  de  inonde  qn*ils 
furent  en  état,  trois  mois  plus  tard,  d'euToyer  un 
contingent  assez  considérable,  huit  mille  hommes, 
an  secours  de  Vercingétorix  assiégé  dans  Alaise. 
Lutéce  se  releva  promptement  de  se.^  rnines,  puis- 
que nous  la  Toyons  florissante  et  l*une  des  soi- 
xante cités  de  la  Gaule  sous  Auguste  et  sous 
Tibère. 

Après  la  chute  de  Vercinsétorix,  les  Parisiens 
et  leurs  alliés  les  Sénonais  turent  les  derniers  à 
soutenir  une  lutte  déiormais  désespérée.  C'est  un 
Séoonaii,  Drappès,  <  un  brigand  »,  selon  César, 
oui  rassembla  jusqu'à  cinq  mille  vaillants,  reste 
de  la  grande  guerre,  et,  traversant  la  Gaule  de 
la  Loire  à  la  Dordogne,  se  jeta  avec  eux  dans 
Uxellodunum.  Il  fut  pris,  et,  plutôt  que  de  servir 
au  triomphe  du  vainqueur,  il  s'abstint  de  nourri- 
ture pendant  plusieurs  jours  et  se  laissa  mourir 
de  faim. 

Le  doux  César,  maître  de  la  ville,  sachant  bien 
que  sa  clémence  était  trop  connue  pour  qu*on 
pût  jamais  attribuer  un  acte  de  rigueur  à  la 
cruauté  de  son  caractère,  fit  grâce  de  la  vie  à  tous 
ceux  qui  avaient  pris  les  armes  contre  lui,...  mais 
il  leur  fit  couper  les  mains  pour  attester  le  châti- 
ment réservé  âde  pareils  pervers. 

J'aimerais  voir  la  statue  deCamulogène  dominer, 
du  haut  du  pont  Mirabeau,  le  champ  de  bataille 
où  il  est  mort  en  défendant  le  berceau  de  Paris,  et 
ou  toutes  les  nations  du  monde  viendront  demain 
contempler  les  splendeurs  de  1  Exposition  de  i900. 


CHARDON -LAGACHE 


Le  Conseil  municipal  de  Paris  a  décidé  en  1894 
sur  une  pétition  des  habitants  d'Auteuil,  que  la 
partie  de  la  rue  du  Point-du-Jour  comprise  entre 
régiise  et  la  rue  Jouvenet  prendra  le  nom  de  rue 
Ckardon-Lagache,  La  dénomination  nouvelleaura 
son  origine  sur  les  murs  mêmes  de  la  maison  de 
retraite  fondée  par  M.  Chardon,  figurera  sur  le 
mur  de  rétablissement  deSainte-Périne  et  s'arrê- 
tera à  chacune  des  maisons  qui  forment,  Tune, 
Tangle  de  la  villa  Molitor,  Taulre,  Tangle  de  la 
villa  de  la  Kéuuion. 

H  est  peu  de  personnes  qui  ne  connaissent  lu 
maison  de  retraite  Chardon-Lagache,  dont  la 
grille  d'entrée  se  profile  si  heureusement  en 
pan  coupé  sur  la  place  de  l'église.  Peut-être  en 
est-il  moins  qui,  tout  en  se  souvenant  du  fonda- 
teur, l'aient  bien  connu  ou  sachent  exactement 
le  rôle  qu'il  a  joué  dans  la  commune  d'Auteuil.  La 
génération  dont  nous  faisons  partie  est  mal  in- 
formée du  caractère  de  l'homme  et  de  son  œuvre; 
aosii  nous  a-t-il  semblé  utile  et  juste,  pour  l'his- 
toire de  notre  quartier  et  pour  la  mémoire  d'un 
homme  de  bien,  d'accueillir  les  renseignements 
qu'on  a  bien  voulu  nous  fournir  et  que  nous  som- 
mes allé  puiser  à  la  meilleure  source. 

€  M.  Chardoa-Lagachc  naquit,  le  6  avril  I80T, 


dans  la  maison  qui  porte  actuellement  le  n°4  de 
la  rue  d'Auteuil  (ancienne  rue  Molière). 

«  Son  père,  M.  Pierre  Chardon,  exerça  la  mé- 
decine à  Auteail  pendant  un  demi-siècle,  avec 
tant  de  désintéressement  qu'il  ne  laissa  aucune 
fortune.  On  l'avait  surnommé  le  médecin  des 
pauvres.  Sa  digne  femme  le  secondait  dans  ses 
inépuisables  charités.  Leurs  deux  fils  durent  se 
faire  leur  position  eux-mêmes.  L'alné  succéda  à 
son  père  commme  docteur  à  Anlenil  et  y  recueillit 
les  mêmes  sympathies. 

<  M.  Chardon-Lagache,  le  plus  jeune,  entra  de 
très  bonne  heure  dan i  le  commerce.  Après  un  tra- 
vail opiniâtre  de  plus  de  quarante-cinq  ans,  il  ac- 
quit une  grande  fortune.  11  passait  la  plus  {grande 
partie  de  l'année  dans  sa  belle  propriété,  sise  an 
n"*  16  de  la  rue  d'Auteuil  (autrefois  26,  rue  Mo- 
lière). Il  s'y  occupait  sans  relâche  du  bien  du 
pays.  Ses  conseils,  sa  bourse  étaient  constamment 
au  service  de  tous. 

«  En  souvenir  de  ses  parents  il  créa  à  Auteuil, 
en  1865,  de  concert  a7ec  sa  femme  et  son  fils,  la 
maison  de  retraite  qui  porte  son  nom,  destinée  à 
abriter  ceux  qui,  en  dépit  d'un  long  travail,  n'ont 
pu  réunir  les  ressources  suffisantes  pour  vivre  chez 
eux.  Elle  peut  recevoir  jusqu'à  cent  cinquante 
vieillards.  M.  Chardon-Lagache  lui  consacra  son 
zèle  et  son  dévouement  jusqu'à  sa  mort,  survenue 
en  quelques  heures  le  12  juillet  1879,  dans  sa 
maison,  16,  rue  d'Auteuil. 

€  Ce  ne  sont  passes  seuls  titres  à  la  reconnais- 
sance des  habitants  d'Auteuil.  Président  du  con- 
seil de  fabrique  de  la  paroisse,  il  contribua  puis- 
samment à  l'érection  de  la  nouvelle  église  en  se- 
condant Mgr  Lamazou  de  tous  ses  efforts  et  de  s^ 
nombreuses  démarches. 

«  Membre  du  Conseil  général  de  l'Assistance  pu- 
blique et  dts  beaucoup  d  autres  institutions  chari- 
tables, il  apportait  à  toutes  ces  œuvres  un  con- 
cours actif,  intelligent  et  dévoué. 

«  Son  fils,  M.  Alfred  Chardon,  après  la  mort  de 
sa  mère,  continua  de  s'occuper,  avec  le  m^me  dé- 
vouement, de  la  maison  de  retraite.  La  mort  l'en- 
leva à  l'aîection  de  tous  le  17  novembre  1893. 
Par  sa  bonté  inaltérable,  sa  modestie  et  sa  parfaite 
affabilité,  il  avait  su  conquérir  l'estime  et  la  re- 
connaissance générales.  » 

II  n'y  a  pas,  hélas!  que  les  hom^nes  qui  passent. 
Les  choses  mêmes  qu'ils  ont  animées,  réchauffées 
de  lejr  vie,  sojvenirs  vivants  de  leur  passage,  ten- 
dent à  disparaître,  et  l'oubli  des  générations  futures 
risquerait  de  monter  lentement,  si  M.  Chardon 
n'avait  laissé,  heureusement,  des  œuvres  impérissa- 
bles. Voici  qu'après  lui  c'est  le  parc  qu'il  aima  qui 
va  périr,  morcelé  par  le  prolongement  de  la  rue  de 
Rémnsatetde  la  rue  George-Sand.  De  giands  arbres 
ont  été  abattus,  notam;nent  sur  la  belle  terrasse 
en  bordure  de  la  rue  Théophile-Gautier  ;  le  lo- 
tissement est  préparé,  le  tracé  des  prolongements 
indiq  Je.  la  vieil  Auteuil  s'en  va.  Fixonsen  quel- 
ques derniers  traits. 

Le  vaste  parc  de  M.  Chardon-Lagache  s'étendait 
jusqu'à  la  rue  Théophile-Gautier  et  la  rue  George- 
Sand  ;  il  prenait  naissance  derrière  la  maison  si- 
tuée 16,  rue  d'Auteuil,  qui  domine  le  parc.  Celte 
maison,  nous  l'espérous,  sera  conservée  et  gardera 
au  moins  comme  jardin  la  partie  de  pelouse  qui 


496 


HISTOIRE    DU    XVI*   ARRONDISSEMENT 


encadre  une  charmante  pièce  d*eao.  A  It  pointe  de 
ce  petit  étang,  sur  une  antre  pelouse,  près  d'une 
ailée  sablée,  entre  trois  arbres  séculaires  dont  les 
troncs,  cachés  sous  le  lierre,  formaient  berceau, 
était  une  petite  statue  d'Orphée.  Nous  ne  parlerons 
pas  du  magnifique  potager,  des  serres,  dans  l'une 
desquelles  on  remarquait  une  cascade,  et  nous 
irons  tout  de  suite  aux  ruines  entrevues  dans  un 
massif,  près  de  la  rue  des  Perchamps.  Ce  sont 
les  restes  de  la  rieille  église  d'Auteuil. 

Des  pierres  provenant  de  réalise  ont  été  réunies 
avec  soin,  placées  sans  joints  les  unes  sur  les  au- 
tres et  disposées  en  hémicycle  ;  l'ensemble  s'a- 
baisse aux  deux  extrémités.  A  droite,  reposent  les 
anciens  fonts  baptismaux,  desquels  s'élance  une 
gerbe  de  fleurs.  A  gauche,  un  banc  de  l'ancien 
porche  ;  sur  ce  banc,  un  des  clochetons  des  contre- 
forts du  chevet.  Au  centre,  on  a  rétabli  en  maçon- 
nerie la  niche  en  façade  de  la  vieille  église,  dans 
laquelle  la  Vierge  apparaissait  aux  habitants. 
Cette  Vierge  y  flgurait  encore  la  veille  ;  elle  venait 
d'être  enlevée,  ainsi  qu'Orphée,  et  transportée 
rue  de  Berry,  i9,  dans  la  propriété  du  marquis 
de  Casa-Riéra,  acquéreur  du  parc  de  M.  Chardon. 
Au-des3us,  dominant  l'ensemble  des  ruines,  une 
petite  croix  de  fer,  provenant  de  l'ancien  caveau 
de  M.  Chardon-Lagache  père.  Sur  le  tout,  le 
lierre  avec  les  années  avait  jeté  son  manteau  de 
verdure. 

Ainsi  le  temps,  qui  adoucit  les  regrets  sans  les 
effacer,  avait  poétisé  sous  un  voile  naturel  les  rui- 
nes de  la  vieille  éf^Use  et  la  dernière  pensée  que  lui 
donna  un  de  ses  bienfaiteurs.  Le  tableau  évoM(|uait, 
inséparables  l'un  de  l'autre,  le  souvenir  du  Vieux 
sanctuaire  et  celui  de  son  premier  fabricien. 

Le  silence  s'est  étendu  sur  eux,  et  l'on  se  prend 
à  songer  qu'ils  auraient  dû  être  réunis  dans  la 
mort,  que  les  vieilles  pierres  de  la  maison  de 
Dieu  eussent  été  le  digne  tombeau  de  son  chari- 
table et  bienfaisant  serviteur.  C'est  avec  un  senti- 
ment de  respect  ému  que,  M.  F.  de  l'Eglise  etmoi, 
nous  avons  salué  ces  débris  muets,  et  pourtant  si 
parlants,  pendant  que  les  feuilles  frissonnaient  aux 
premières  brises  et  miroitaient  au  soleil  de  mars. 

Que  deviendront  ces  ruines,  le  jour  où  ce  coin 
de  terre  sera  vendu  ou  nivelé  ?...  —  On  souhaite- 
rait de  les  voir  reprises  pierre  par  pierre  et  re- 
constituées, avec  les  bons  soins  de  notre  collègue, 
M.  le  curé  Depontaillier,  dans  le  jardin  du  pres- 
bytère (i).  Ou  bien  notreancien  collègue,  M.  1  abbé 
Pourtié,  aumOnier  de  h  maison  Chardon-Lagache, 
ne  pourrait- il  pas  transporter  ces  ruines  daos  le 
jardin  de  l'établissement  ?. . . 

Nous  ouvrons  le  concours  entre  ces  messieurs  ; 
la  Société,  les  habitants  d'Auteuil  pourront  les  ai- 
der. Nous  faisons  appel  à  leur  émulation,  qui  ne 
saurait  s'employer  à  un  plus  digne  objet.  Qu'elles 
fussent  au  presbytère  on  à  la  maison  Chardon-La- 

Sache,  ces  vénérables  ruines  seraient  enfin  assurées 
e  la  stabilité  et  de  l'immortalité. 

E.  P. 


(i)  On  sait  que  ce  vœu  a  été  exauce  (V.  p.  ^6a). 


DÉMEMBREMENT 
DE   LA  PAROISSE  D'AUTHUEIL 

D'après  les  manuscrits  on  imprimés  consultés  à 
ce  sujet,  il  a  été  déjà  relevé  ou  Auteuil,  Boulogne 
et  Passy  ne  formaient,  autrefois,  qu'une  seule  et 
même  paroisse. 

Ce  n'est  qu'en  4299  que  certains  écrits,  et  no- 
tamment une  lettre  du  religieux  Pierre  Barrier  au 
seigneur  de  Poriis  (Mémoire  sur  cette  famille),  re- 
latent que  Philippe  IV,  dit  le  Bel,  eut  l'idée  de 
faire  construire  une  église  aux  Muns,  petit  village 
de  cinauante  feux,  situé  dans  la  forêt  de  Rouvret. 
Mais,  la  mort  survenant,  le  roi  ne  put  voir  son 
projet  exécuté. 

Quelques  années  après,  l'abbesse  de  Mont- 
martre, Jeanne  de  Repentie,  ayant  donné  cinq 
arpents  de  terre  nécessaires  à  la  construction  de 
ladite  église,  la  première  pierre  fut  posée  en  l'an- 
née 1349  par  Philippe  le  Long,  accompagné  de 
Charles,  son  frère,  et  de  son  cousin  Philippe  de 
Valois. 

La  séparation  juridi<}ue  de  la  paroisse  de  Bou- 
logne de  celle  d'Auteuil  fut  prononcée  après  la 
grand'messe  du  premier  dimanche  de  juillet  4330, 
par  Hugues  de  Besançon,  alors  évêque  de  Paris. 

Puis  vint  plus  tard  une  tentative  de  division  en 
faveur  de  Passy. 

Le  seigneur  Claude  Chahu,  qui  y  avait  sa  de- 
meure, trouvant  à  juste  titre,  que  les  habitants 
de  ce  village  avaient  à  souffrir,  pour  se  rendre 
aux  offices  religieux,  de  la  distance  et  de  la  diffi- 
culté des  lieux,  Ht  de  pressantes  démarches  auprès 
de  Mgr  Hardouin  de  Beaumontde  Péréfixe,  arche- 
vêque de  Paris,  membre  de  l'Académie  française, 
en  vue  d'obtenir  l'autorisation  de  taire  construire 
et  doter  une  chapelle  à  Passy,  qui  serait  dépen- 
dante de  celle  d'Auteuil. 

La  bénédiction  de  cette  fondation  eut  lieu  le 
26  mai  1667  par  M.  Loyseau,  aumônier  du  roi, 
curé  d'Auteuil. 

Ci-dessous  le  dispositif  du  décret  du  26  décem- 
bre 4  666  : 

«  Vu  et  étant  apparu,  par  le  rapport  de  notre 
Vicaire  général  (4),  que  beaucoup  des  habitants 
de  Passy  ne  peuvent  aller  sans  beaucoup  d'incom- 
modité en  leur  paroisse  et  assister  à  l'office  divin, 
à  cause  de  la  distance  et  de  la  difficulté  des  lieux, 
avons  érigé  et  érigeons  par  ces  présentes  une 
église  succursale  audit  Passy,  dépendante  et  aide 
de  la  paroisse  d'Auteuil,  et,  à  cet  effet,  nous  avons 
permis  et  permettons  d'achever  la  chapelle  en- 
commencée  de  bâtir,  et  sera  ladite  église  succur- 
sale sous  l'invocation  de  Notre-Dame-de-Gràoe, 
de  laquelle  la  principale  fête  se  fera  chaque  année, 
le  jour  de  l'Annonciation  de  la  Vierge,  à  la  charge 
que  le  vicaire  qui  desservira  ladite  ^ise  de  Passy 
sera  nommé  par  le  curé  d'Authiieil,  destituable  à 
volonté. 

«  Lequel  vicaire  résidera  actuellement  et  per- 
sonnellement audit  lieu  de  Passy,  sera  par  nous 
spécialement  approuvé  pour  faire  les  fonctions 
curiales  en  ladite  église,  savoir  :  pour  y  baptiser. 


(i)  M.  de  la  Brunelière. 


ANNEXES 


497 


marier  et  administrer  les  sacrements  de  péni- 
tence, d*eacharistieetd'eitréme-onction.  Que  pour 
cet  effet,  il  sera  constmit  des  fonts  baptismaux 
en  ladite  église  et  un  tabernacle  posé  sur  Tautel 
pour  y  faire  reposer  le  saint  Sacrement,  et  un 
cimetière  béni  pour  y  inhumer  les  cornsdes  défunts 
du  lien  ;  que  ledit  sieur  Ghahu  et  les  habitants 
dudit  Passy  seront  tenus  de  fournir  à  ladite  église 
succursale  toutes  choses  quelconques  nécessaires 
à  la  célébration  du  divin  service  et  administration 
des  sacrements  pour  cette  fois  seulement.  Que 
ledit  vicaire  aura  pour  sa  rétribution  cent  cin- 

Suante  livres  données  par  les  sieur  et  dame  Chahu 
'une  part  et  cent  cinquante  d'autre  part  données 
par  les  habitants  de  Passy:  faisant  en  tout  la 
somme  de  trois  cents  livres  par  an,  pour  Tentre- 
tien  dudit  vicaire,  comme  il  est  porté  et  spécifié 
par  lesdits  contrats  et  qu'il  sera  pourvu  de  loge- 
ment par  lesdits  habitants  avec  les  meubles  néces- 
saires à  un  ecclésiastique,  moyennant  quoi  il  sera 
obligé  de  dire  quatre  messes  par  semaine,  y  com- 
pris les  fêtes  et  dimanches,  pour  les  habitants 
dudit  Passy  ;  et  pour  les  trois  jours  restant  de 
chaque  semaine,  il  célébrera  à  sa  dévotion  ou 
quand  bon  lui  semblera  ;  mais  qu'il  dira  la  messe 
haute  les  fêtes  et  dimanches,  à  l'heure  du  diocèse, 
savoir  :  à  huit  heures  en  été  et  à  neuf  heures  en 
hiver. 

<  Qu'il  percevra  ses  assistances  des  services, 
baptêmes,  mariages  et  autres  fonctions,  suivant 
la  taxe  du  diocèse  et  sera  comptable  audit  curé 
desdits  mariages,  baptêmes,  services  d'enterre- 
ments, oblations,  cire,  pains  bénits,  ouverture 
des  fosses,  suivant  l'usage  d'Authiieil,  et  sera 
tenu  de  donner  avis  audit  curé  des  baptêmes, 
mariages,  etc. ,  qui  se  feront  à  ladite  église 
de  Passy,  excepté  en  cas  de  nécessité;  comme 
aussi  de  tenir  1  école  pour  les  garçons  audit  lieu 
et  de  faire  les  cathéchismes  suivant  les  ordon- 
nances de  notre  diocèse.  A  la  charge  aussi  que  les 
habitants  dndit  lieu  seraient  obligés  de  faire  leurs 
confessions  et  communions  pascnales  en  la  pa- 
roisse dudit  Authiieil  et  (^u'il  ne  se  fera  le  jour 
de  Pftques  ni  eau  bénite  m  pain  bénit,  et  que  l'on 
n'y  dira  point  de  messe  paroissiale  ni  de  vêpres, 
et  ne  s'y  fera  point  de  prédication  audit  |our, 
mais  seulement  se  dira  une  messe  basse  le  matin 
avant  la  grand'messe  dudit  Authiieil  pour  les  in- 
firmes et  les  vieillards  et  un  salut  au  soir,  que  les 
antres  cnriales  néanmoins  se  pourront  faire  suivant 
l'exigence  des  cas  :  que  Ton  ne  dira  pas  de  grand' 
messe  dans  ré|[lise  de  Passy  le  jour  de  l'Assomo- 
tion  de  la  sainte  Vierse,  patronne  principale 
d'Authueil,  ni  le  jour  de  la  fête  de  la  Dédicace  de 
celle-ci,   mais  seulement  une  messe  basse  — 

3 n'en  considération  des  bienfaits  et  fondations 
udit  seigneur  de  Chahu,  le  vicaire  de  l'église  de 
Passy  dira,  à  la  fin  de  chaque  messe,  un  Salue 
Regtna,  pour  lesdits  sieur  et  dame  Chahu,  et  un 
De  profundis^  à  perpétuité,  pour  le  repos  de  leurs 
Ames.  Et  en  reconnaissance  de  leur  pitié  et  bien- 
faits, nous  leur  avons  permis  de  faire  poser  un 
marbre  dans  ladite  éfflise  contenant  la  fondation 
faite  par  eux  au  profit  de  ladite  pour  servir  de 
perpétuelle  mémoire.  » 

La  dame  Christine  de  Heurles,  veuve  de  Claude 


Chahu,  n'avait  pas  entière  satisfaction  ;  elle  vou- 
lait l'érection  de  Passy  en  paroisse  complètement 
distincte  de  celle  d'Authetîil,  et,  pour  arriver  à 
ce  résultat,  elle  eut  à  lutter,  respectueusement, 
contre  le  chapitre  et  le  curé,  qui  voyait,  par  ce 
fait,  diminuer  les  ressources  de  sa  paroisse.  A  la 
suite  d'une  transaction  passée  devant  Grégoire, 
notaire  à  Paris,  le  13  avril  4673,  et  par  laquelle 
elle  dédommageait  la  cure  d'Authueil,  la  dame 
Chahu  obtint  enfin  la  séparation  tant  désirée,  qui 
fut  prononcée  par  Mgr  François  de  Harlay,  sei- 

foeur  de  Champvalon,  archevêque  de  Paris,  le 
8  mai  1672: 

«  Nous  avons  érigé  en  paroisse  régulière  l'église 
succursale  de  Passy.  » 

Henri  de  Forges  de  Montagnac. 


MICHELET  CHEZ  BÉRAN6ER  A  PASSY 

Bfichelet  a  rendu  deux  fois  visite  à  Béranser 
alors  (ju'il  demeurait  à  Passy  :  une  première  rois 
le  28  juillet  1843,  pour  lui  apporter  lui-même  le 
volume  qui  avait  pour  titre  les  Jésuites^  et  où  se 
trouvaient  réunies  les  leçons  qu'il  avait  faites  avec 
Quinet  au  Collège  de  France  ;  la  seconde  fois,  le 
24  décembre  de  la  même  année,  pour  lui  porter 
son  volume  de  V Histoire  de  France  sur  Louis  A7, 
et  pour  lui  présenter  son  fils  Charles  et  son  gendre 
Alfred  Dumesnil  (i).  Nous  savons  par  le  livre 
d'Eugène  Noël  sur  Michelet  et  ses  enfants  qu'à 
sa  première  visite,  il  avait  été  un  peu  inquiet  des 
dispositions  de  Béran^er  à  son  ^rd,  tant  il  le 
sentait  différent  de  lui-même.  Mais  l'accueil  avait 
été  parfait,  et  Michelet,  qui  n'avait  jamais  vu 
Déranger  jusqu'alors,  fut  ravi  de  sa  conversation, 
et  le  trouva  digne  —  ce  sont  ses  propres  paroles 
—  de  son  immense  popularité. 

La  seconde  visite  ne  pouvait  être  que  très 
agréable.  Nous  en  trouvons  la  relation  complète 
dans  le  livre  dont  je  viens  de  parler.  Elle  est  du 
gendre  même  de  Michelet,  Dumesnil,  qui  le  soir, 
en  rentrant,  en  consigna  tons  les  détails,  repro- 
duits par  Eugène  Noël.  Le  livre  est  rare  et  peu  lu 
aujourd'hui.  Je  ne  puis  donc  mieux  faire  que  de 
le  citer.  Je  ne  connais  pas  sur  Béranger  à  Passy 
de  pages  plus  vivantes  ni  plus  dignes  d'inté- 
rêt. 


€  Le  25  décembre  1843,  nous  allons,  M.  Mi- 
chelet, Charles  et  moi,  à  onze  heures,  en  petite 
citadine,  chez  Béranger.  Nous  quittons  la  voiture 
Barrière-Bleue  ^2),  à  Passy.  Béranger  demeure  rue 
Vineuse.  Mon  émotion  est  grande  dans  cette  rue 
avant  de  savoir  où  est  la  maison,  et,  dans  la 
maison,  plus  encore,  avant  d'entrer  chez  lui.  Une 
vieille  demoiselle,  les  cheveux  pomponnés  comme 
sous  la  Restauration,  nous  ouvre,  et  nous  montons 


(i)  Béranger  avait  63  ans  :  Michelet,  4ô  ««ns. 

(?.)  Nous  n'avons  nas  encore  réussi  à  idenlifler 
cette  barrière,  dont  le  nom  ici  rapporté  ne  figure 
sur  aucun  plan  et  doit  être  une  cle  ces  désigna- 
tions populaires  dont  les  géographes  ne  font  point 
toujours  état.  ^N.  d.  1.  R.) 

3'2 


HISTOIRE    DU   XVr  AtlBONDISSEMENT 


jusqu'à  la  miutsirde,  conduits  pu-  une  jeune  fille. 
D'une  fenêtre  de  l'escalier,  j'aper(,'oia  au  petit 
jardin  que  Béraager  cultive  lui-même,  arec  une 
allée  m  fond. 

«  Béranger  était  mielqne  part  d'oli  il  sort  pour 
nous  faire  entrer.  Celte  introduction  rapide  el 
vulgaire  me  mit  de  suite  dans  la  vraie  situation, 
surtout  quand  je  vis,  sans  tarder,  sa  figure  pa- 
raître brusquement  derrière  la  porte.  Nous  en- 
trâmes dans  une  petite  chambre  mansardée,  oti 
était  son  lit,  tendue  oarlout  en  raies  bleues  et 
blanches  et  tapissée  d  une  moquette  :  deui  Tan- 
teuils  longs,  des  livres  entassés  sur  un  pelitsecré- 
taire  eu  nover,  une  table  à  écrire,  quelques  mé- 
dailles et  dessins. 


Bé ranger  i 
par  Cbai 


H.  Hichelet  lui  offrit  son  livre  de  Louis  M  et 

me  présenta.  BéraDKer,  tout  en  rallumant  son  Teu, 
lui  dit  :  11  est  bien  jeune. 

H.  Micbelet  ajouta  :  C'est  un  sage. 

Et  comme,  1  propoi  du  feo  que  Bêranger  souF- 
flait  toujours,  H.  Hicbelet  disait  que  le  malin  î 
sii  heures,  je  fais  faire  mon  feu  : 

—  Ëb  bien  !  moi  qui  n'ai  pas  dedomestique,  je 
le  fais  moi-même. 

Bêranger  nous  dit  qu'il  nous  recevait  dans  sa 
chambre,  qu'il  avait  eu  toujours  besoin  d'avoir  un 
che;t  lui  ;  qu'il  vivait  aTec_  une  amie  Agée  de 
soixante-quatre  ans,  que  lui  en  avait  soinaote- 
Irois  ;  qu'il  était  sans  iniirmité,  bienqu'il  eat  été 
très  ^vemeut  malade,  pendant  trois  mois,  l'été 
dernier  ;  que  c'était  peu  rassurant  pour  deui 
vieillards  de  vivre  seuls  et  de  ne  pouvoir  être  en- 
tendus de  personne,  s'il  leur  arrivait  quelque 
chose  la  nuit  ;  qu'il  mangeait  en  bas,  au  premier, 
en  pension  chezsa  propnétaire,  femme  d'un  vieux 
militaire.  Puis,  la  conversation  s'engageant,  il 
demanda  où  était  H.  Uaiuet. 


—  Il  voyage  toujours. 

Bêranger  [ui  reproche  de  mêler  à  sa  prose  un 

peu  trop  de  poésie,  d'étreun  peu  vague,  sauf  dans 
le  livre  des  Jésuitet. 

—  Vous  avez  rendu  un  grand  service,  dit-il  l 
M.  Hichelet,  autant  que  peut  le  faire  un  livre 
aujourd'hui...  de  mon  temps,  c'était  beaucoup 
plus  aisé  desaisirte  public:  il  y  avait  deux  camps, 
on  avait  toutle  camp  pour  lequel  oo  écrivait  ;  au- 
jourd'hui on  a  toutle  monde  et  l'on  n'a  personne 
entièrement. 

Bêranger,  lidessus,  citait  l'exemple  de  La- 
martine, qui  «  dit  éloquemment  ce  que  tout  le 
monde  sent  >. 

—  Eh  bien,  reprenait-il,  Lamartine  a  pen  de 
gens  à  lui  ;  OQ  a  affaire  il  un  public  électrique. 

De  li,  une  plaisanterie  sur  Cousin,  auquel  il 
dit  un  jourqu'ilabasé  sa  philosophie  sur  rien. 

Puis,  il  en  viol  à  Louis  XI.  11  critique  H.  de 
Barante.  qu'il  aentendu  lui-même  attacher  très  peu 
d'importance  à  son  livre. 

il  est  familier  avec  Commines  et  très  au  cou- 
rant de  l'histoire  de  France. 

—  Quentin  Durward  fut  le  premier  roman  de 
Waller  Scott  qui  me  fil  soupçonner  la  science 
histuriqae.  Hais  combien  il  savait  peu  ! 

Une  lui  pardonne  pasd'avoir  fait  venir  LonisXI 
de  Plessis -les- Tours  t  Pêronne.  <  C'est  parce 
qn'il  avait  été  a  Péronne,  ajoutait  judiciensemenl 
Bêranger,  qu'il  s'enferma  i  Pleasis-les-Toors.  Le 
vieux  reuapl  nes'est  mis  anterrier  qu'aprèsavoir 
perdu  la  queue.* 

Puis,  on  parla  d'histoire  en  général.  Bêranger, 
critiqua  vivement  Augustin  Thierry  d'avoir  trans- 
formé en  opprimés  les  Saxons,  qui  étaient  des 
Normanda  et  des  oppresseurs. 

—  C'est  lauï,  c'est  faux,  c'est  faux  I  répéta-t- 
il,  et  je  l'ai  dit  i  Thierry,  quand  il  cotrigeail  ses 
épreuves.  Suivre  ainsi  ces  influences  de  races  dans 
la  fusion  des  générations,  c'est  comme  si  un 
homme,  dupent  de  la  Concorde,  l'amusait  à  dit- 
tiugaer  les  eaux  de  la  Marne  des  eatii  de  la 
Seine. 

De  même  pour  ses  Communes,  je  Ini  ai  dit  que 
nous  ne  procédions  pas  de  là,  el  que  c'était  un 
grand  bien,  car  nous  n'aurions  pas  notro  cenlrali- 
satioQ...  Ces  recherches  sont  comme  celles  des 
vieilles  armures,  quand  on  a  la  pondre  à  ca- 
non... 

Ea  parlant  de  notre  mauvais  gouvernement,  il 
voit,  dil-il,  avec  peine, la  désorganisation  de  l'ad- 
minislration...  «Mais  après  tout,  nous  sommes  un 
peuple  qui  pouvons  vivre  sans  loi.  C'est  la  Provi- 
dence qui  nous  gouverne.  Nous  tommes  desgrands 
seigneurs  qui  faisons  administrer  nos  affaires  par 
des  intendants,  et  lei  chassons  quand  ils  déplai- 
sent.La  France  est  le  pays  de  l'iDspiration.  ». 

Bêranger  a  été  très  sensiUe  au  bon  accueil  que 
lui  a  fait  l'autre  jour  H.  Miebelet  père  (il  s'agit 
du  père  de  l'historien),  et  promet  de  revenir  voir 
H.  nicbelel.  «  Pourvu,  dit-il,  que  je  sois  t  six 
heures  chez  moi.  » 

Il  a  les  yeux,  le  front  et  le  haut  du  nez  Infini- 
ment spirituels.  Il  est  très  bien  conservé,  gai, 
animé,  causeur,  il  trouve  queM.  Hichelet  s'en  va 
bientôt. 


ANNEXES 


499 


Mais  cet  iDtérieor  est  triste.  Cependant  tout 
cela  est  relatif,  et  il  est  bien  mieux  sar  cette  mon- 
tagpe  <]ae  dans  Paris. 

Je  dis,  en  sortant,  à  M.  Michelet  :  €  C*est  bien 
là  ridéal  de  Noël  (c^est  Eugène  Noél),  ce  qfâ  me 
frappe,  c'est  le  parfait  bon  sens.  Mais  il  dit  soa- 
Tent  :  «  Oii  allons-nous!  »  An  milieu  de  la  con- 
Tersation,  il  dit  à  Charles  et  à  moi  avec  bonho- 


—  €  Jeunes  gens,  approchez  donc  du  feu  !  ne 
comptez  pas  trop  sur  le  feu  de  la  jeunesse!  » 


* 


Ici  s*arréte  le  récit  même  de  la  visite  qne  j*ai 
cru  intér<»sant  de  vous  faire  connaître.  La  suite 
se  rapporte  aux  paroles  échangées  sur  le  poète 
entre  les  visiteurs,  qui  rentrèrent  à  [»ed  par  la 
place  de  la  Concorde. 

On  y  voit  que  Michelet  avait  pour  Béran^fer 
uneréelle  admiration  ;  mais  le  causeur  lui  parais- 
sait encore  supérieur  au  poète.  Ajoutons  aue  le 
soir  de  cette  visite,  Alfred  Dumesnil  fit  relire  à 
son  beau-père  trois  chansons  de  Béranger  :  les 
Quatre  âffes  historiques,  le  Juif-Errant  et 
Jeanne  la  rousse, 

€  Pour  faire  des  choses  si  exquises,  il  faut  des 
années  »,  dit  M.  Michelet. 


DU  DES  DISCOURS  PRONONCÉS  LE  27  OCTOBRE  1901  A 
L*INAUGDRATION  DELA  PLAQUE  COMMÉMORATIVE  DÉ- 
DIÉE PAR  LA  SOaÉTÉ  HISTORIQUE  d'AUTEUIL  ET  DE 
PASST  A  SON  ANCIEN  PRÉSIDENT,  EUGÈNE  MANUEL. 

DISCOURS  DE  M.  ADRIEN  DUPUY 

Inspecteur  général  de  Vlnslraction  publique, 
délégué  du  Ministre  de  V Instruction  publique  et  des 

Beaux-Arts. 

Madame  (1), 

Messieurs  lesmembresdelaSociété  historique, 

Mesdames,  Messieurs, 

Ce  n'est  pas  sans  intention  que  le  Ministre  de 
rinstruction  publique  a  déléj^é  un  universitaire 
pour  le  représenter  à  cette  cérémonie.  Il  a  touIu 
par  ce  dioix  attester  que  T  Université  considère 
comme  un  droit  et  plus  encore  un  devoir  de  faire 
entendre  sa  voix  partout  où  Ton  célèbre  une  mé* 
moire  qui  lui  est  et  lui  restera  chère.  Aussi  ma  pre- 
mière parole  sera-t^elle,  Messieurs  de  la  Société 
historique,  pour  vous  remercier,  au  nom  de  l'Uni- 
versité et  de  son  chef,  du  tribut  de  regrets  et  de 
haute  estime  qne  vous  offrez  aujourd'hui  à  votre 
ancien  président.  Nous  éprouvons  une  légitime  sa- 
tisfaction à  le  voir  honoré  de  Totre  suffrage  et 
placé  à  son  rang  parmi  les  illustrations  dont  vous 
vous  efforcez  de  faire  revivre  ou  de  prolonger  le 
souvenir. 

Depuis  neuf  ans  que  vous  poursuivez  vos  re- 
cherches, combien  de  noms  n'avez-Tous  pas  remis 
en  lumière  et  comme  en  circulation  !  Grftce  à  vos 

(t)  Mme  Manuel  assistait  à  la  cérémonie. 


travaux,  on  ne  fait  plus  un  pas  sur  le  territoire 
qui  constitue  votre  domaine  sans  être  arrêté  par 
quelque  précieux  vestige  du  passé.  Vous  avez  ins- 
crit sur  votre  livre  d'or  la  peinture  avec  Gérard, 
la  sculpture  avec  Carpeaux,  la  musique  avec  Ra- 
meau, Piccinni,  Spootini,  Ros^ni  et  Gounod,  les 
œuvres  de  bienfaisance  avec  les  Delessert,  l'his- 
toire avec  Commines  et  Henri  Martin,  l'économie 
politique  avec  Tnrgot  et  J.-B.  Say,  la  linguistique 
avec  Raypouard  et  Fanriel.  11  ne  tient  qu'à  vous 
d'y  inscrire  l'éloquence  sacrée,  puisque  Bossuetet 
Bourdaloue  ont  prêché  plus  d'une  fois  dans  l'hum- 
ble chapelle  où  vinrent  tour  à  tour  prier  et  pleu- 
rer deux  reines  détrônées,  Henriette  de  France  et 
Marie  deModène.  Vous  pouvez  au  nom  de  Franklin 
joindre  celui  de  Bailly  et  entourer  du  même  res- 
pect ces  deux  serviteurs  de  la  science  et  de  la 
liberté.  La  philosophie  vous  appartient  aussi  avec 
cette  vaillante  Société  d'Auteuil  qui  maintient  les 
droits  de  la  pensée  en  face  d'un  pouvoir  défiant  et 
jaloux.  Enfin,  et  c'est  votre  plus  belle  richesse, 
vous  avez  la  poésie.  Si  Anteuil  reste'fidèle  au  sou- 
venir classique  de  Boileau  et  de  Molière,  Passy 
s'honore  d'avoir  abrité  la  vieillesse  de  Lamartine 
et  de  Hugo.  C'est,  je  ne  dirai  pas  à  côté  de  ces 
ffrands  poètes,  mais  à  leur  suite,  pas  trop  loin 
d'eux  et  comme  dans  leur  ombre  protectrice,  que 
TOUS  assignez  sa  place  à  Manuel.  L'honneur  est 
mérité  et  vous  n'avez  pas  à.  craindre  d'avoir  trop 
accordé  à  l'affection  et  à  la  reconnaissance  le  jour 
où,  sur  la  proposition  de  votre  dévoué  secrétaire 
ffénéral,  vous  avez  voté  l'érection  du  modeste  mais 
durable  monument  que  nous  inaugurons  aujour- 
d'hui. 

Poète  d'inspiration,  poète  de  race.  Manuel 
n'était  pas  seulement  un  beau  talent  :  c'était  une 
conscience.  Ënvisageons-le  d'abord  sous  cet  as- 
pect. L'étude  de  sa  nature  morale  nous  fera  mieux 
comprendre  sa  carrière  et  son  œuvre. 

Il  nous  a  dit  lui-même  comment  il  s'était 
formé  : 

Trois  peuples  m'ont  donné  ce  qu'il  me  faut  pouf 

[vivrCi 
Les  Romains  et  les  Grecs  et  mon  vieux  peuple 

rhébreui 
Home  m'apprit  le  droit  dont  son  code  est  le  livre^ 
Athènes  la  beauté,  Jérusalem  son  Dieu. 

Certes,  je  ne  contesterai  pas  qu'il  ait  subi  cette 
triple  infiuenceni  qu'il  en  ait  profité.  Mais  j'aime 
encore  mieux  me  le  représenter  comme  un  de  ces 
stoïciens  attendris  dont  Marc-Aufèle  reste,  à  tra- 
vers les  âges,  le  chef  et  le  modèle  et  dont  l'àmé 
élargie  s'aide  du  sentiment  autant  que  de  la  vo- 
lonté pour  répondre  sans  hésitation,  sans  arrière- 
pensée,  à  tons  les  appels  du  devoir. 

Son  extérieur  disait  mal  ce  qu'il  était.  A  le  voif 
frêle  de  corps  et  presque  débile,  Tolontiers  replié 
sur  lui-même  dans  une  attitude  mélancolique, 
réservé  dans  son  abord  jusqu'à  la  froideur,  on 
était  excusable  de  ne  pas  deviner  de  suite  son 
énergie  persévérante,  sa  chaleur  de  cœur,  son 
besoin  de  dévouement.  Mais  il  suflBsait  d'un  peu 
d'attention  pour  lire  la  bonté  avec  l'intelligence 
sur  ce  visage  aux  traits  fins,  au  regard  limpide  « 
à  l'expression  séduisante  sitôt  qu'il  s'éclairait  d'un 
sourire.  Un  moment  de  conversation  vous  révélait 
rhomme  de  conviction,  l'homme  d'action,   plus 


5oo 


HISTOIRE    DU   XVr    ARRONDISSEMENT 


épris  encore  du  bien  que  da  beau  et  qui  dans  une 
méditation  chaque  jour  plus  approfondie  de  la  vie 
et  de  la  mort,  avait  sa  se  garder  du  doute  et  de 
la  désespérance.  On  peut  loi  appliquer,  presque 
mot  pour  mot,  le  jugement  qu^ii  a  porté  sur  son 
maître  préféré,  le  philosophe  Franck.  Il  était,  lui 
aussi,  «  de  la  famille  des  optimistes  sincères. 
Nature  sereine  et  douce,  aimante  et  consolante,  il 
se  refusait  à  admettre  que  le  mal  fût  la  loi  de 
Tunivers.  Frappé  de  Tenchalnement  des  choses, 
plus  sensible  à  Tordre  qu*au  désordre,  sagement 
résigné  à  ne  pas  tout  savoir,  à  ne  pas  tout  expli- 
quer, il  croyait  fermement  à  Dieu,  à  la  spiri- 
tualité et  à  la  permanence  de  Tàme,  à  la  liberté, 
au  progrès  continu  par  la  justice  et  par  la  vertu.  » 
Avec  ces  principes,  trois  sentiments  ont  dominé 
sa  vie.  Enfant,  homme,  vieillard,  il  a  eu  le  culte 
du  foyer  et  il  a  toujours  considéré  le  respect  et 
Tamour  de  la  famille  comme  la  première  et  la 
plus  importante  des  lois  sociales.  —  Serviteur 
dévoué  et  clairvoyant  de  la  démocratie,  il  a  eu 
constamment  présentes  à  Tesprit,  avec  le  désir 
d'en  trouver  le  remède,  les  misères,  les  inégalités, 
pour  ne  pas  dire  les  injustices,  la  démoralisation 
dont  nous  souffrons.  11  en  a  démêlé  les  vraies 
causes  :  en  haut,  Tégoïsme  ;  en  bas,  l'ignorance, 
et,  contre  ce  double  vice  public,  il  a  combattu  le 
bon  combat.  —  Enfin  il  a  passionnément  aimé 
son  pays.  Son  âme  de  citoyen  et  de  patriote  vou- 
lait une  France  indépendante,  libre,  unie,  armée 
de  toutes  les  forces  matérielles  et  morales  oui 
peuvent  la  maintenir  à  son  rang  dans  le  monde. 
Aussi  détestait-il  nos  discordes,  nos  luttes  de 

{partis  et  de  classes,  comme  le  pire  obstacle  à 
'accomplissement  des  destinées  glorieuses  qu'il 
rêvait  pour  la  patrie  et  auxquelles  il  n'a  jamais 
cessé  d'avoir  foi. 

Ce  qu'il  fut  comme  universitaire,  nous  n'avons 
pas  maintenant  de  peine  à  le  comprendre.  Profes- 
seur, il  admirait  les  anciens,  mais  sans  supersti- 
tion. Il  voulait,  il  savait  être  de  son  temps.  Moins 
préoccupé  de  former  de  beaux  esprits  que  des 
nommes,  il  éveillail  dans  ses  élèves  la  conscience 
de  leurs  devoirs  prochains  et  les  préparait  à  les 
bien  remplir.  Il  a  pu  s'écrier,  sans  être  taxé  d'or- 
gueil : 

Est-il  un  sentiment 

De  ceux  dont  notre  siècle  a  vu  l'enfantement, 

Est-il  un  cri  d'amour,  de  gloire  ou  de  colère, 

Est-il  un  saint  élan  de  vertu  populaire, 

Un  péril,  un  efTort,  un  espoir,  un  regret, 

Pour  la  cause  du  juste  est-il  un  intérêt, 

Un  éloge  à  Thonneur,  à  l'infamie  un  blâme 

Où  nous  n'ayons  pris  part  de  la  voix  et  de  Tàme? 

Son  activité  ne  se  limitait  pas  à  sa  chaire. 
Dans  son  quartier  natal  du  Marais,  il  se  multi- 
pliait en  lectures,  en  conférences,  en  leçons  de 
choses  ;  il  fondait  un  patronage  d'adultes,  si  bien 
qu'on  peut  le  compter  parmi  les  initiateurs  de  ces 
belles  œuvres  complémentaires  de  l'école  aux- 
quelles il  n'a  pas  fallu,  depuis  ces  premiers  es- 
sais, moins  de  trente  ans  pour  s'établir  et  s'épa- 
nouir. 

Inspecteur  général,  il  eut  le  discernement,  la 
justice  tempérée  par  la  bienveillance  et,  ce  qui  ne 
vaut  pas  moins,  l'art  d'encourager  le  talent  et  d'é- 
veiller les  bonnes  volontés. 


Au  Conseil  supérieur,  il  se  fit  remarquer  par 
ses  tendances  libérales,  par  ses  vues  à  la  fois  lar- 
ges et  sages  sur  l'éducation  publique.  Il  s'associa 
résolument  aax  réformes  successives  de  Jules 
Simon  et  de  Jules  Ferry  ;  il  contribua  à  organiser 
renseignement  moderne  et  l'enseignement  des 
jeunes  filles  ;  il  prit  en  main  les  intérêts  du  per- 
sonnel à  tous  les  degrés,  mais  peut-être  avec  une 
préférence  secrète  pour  ceux  dont  le  labeur  est  le 
plus  modeste,  mais  non  le  moins  utile. 

L'œuvre  du  poète  est  intimement  unie  à  celle 
de  l'éducateur,  qu'elle  complète  et  qu'elle  cou- 
ronne. Si,  dans  sa  modestie.  Manuel  s  est  défendu 
d'aborder  les  grands  sujets,  encore  qu'il  fût  capable 
de  s'élever  jusqu'à  eux,  et  qu'il  ait  trouvé  plus 
d'une  fois,  notamment  pour  glorifier  Hugo  et  Pas- 
teur, de  hautes  et  éloquentes  paroles,  il  a  su  être 
original  et  donner  sa  note  toujours  personnelle, 
sans  concession  aux  modes  passagères  de  la  litté- 
rature, sans  parti  pris  d'école.  11  le  dit,  et  on 
peut  l'en  croire  :  €  Rien  n'a  compté  pour  lui  au 
prix  de  la  sincérité  du  sentiment.  »  11  n'a  chanté 

3 ne  ce  qui  l'a  ému,  ce  qui  l'a  touché  d'amour  ou 
e  pitié.  J'ai  déjà  signalé  les  sources  principales 
de  son  inspiration.  11  a  d'abord  cherché  la  poésie 
au  foyer  et  il  en  a  dit  avec  une  tendresse  péné- 
trante et  communicative  les  simples  plaisirs,  les 
modestes  joies  et  surtout  les  tristesses  profondes 
qui  y  sont  la  rançon  nécessaire  de  la  joie  et  du 
plaisir.  Puis,  élargi>sant  son  domaine,  sa  muse 
pudique  s'est  aventurée  «  sur  les  places,  dans  les 
rues,  dans  les  ateliers,  dans  les  taudis,  dans  les 
hôpitaux  ».  Elle  est  entrée  en  contact  avec  l'indi- 
gence, le  vice,  l'ignorance,  les  consciences  en 
sommeil  et,  de  ce  pèlerinage  de  compassion  et  de 
consolation,  elle  est  revenue  éplorée,  mais  non 
découragée,  souriant  à  travers  ses  larmes  à  un 
avenir  meilleur. 

Il  ne  s'est  pas  contenté  d'être  le  poète  des 
malheureux  et  des  humbles  :  il  s'est  tait  inter- 
prète des  deuils  et  des  espérances  invincibles  de 
la  Patrie.  Une  de  ca*urs  ont  battu  à  l'unisson  du 
sien  en  entendant  :  Pour  les  Blessés,  les  Pigeons 
de  la  République,  le  Curé  de  Plouizy,  le  Der- 
nier Délais  le  Codicille  de  Maître  Moser.  Ces 
nobles  poèmes  ont  été  interdits  par  les  maîtres  de 
l'Alsace-Lorraine.  Rien  n'en  dit  mieux  la  valeur 
et  la  portée  :  ce  sont  de  vibrantes  leçons  de 
patriotisme. 
Je  ne  m'attarderai  pas  à  louer  en  Manuel  des 

Snalités  que  personne  ne  lui  conteste  :  le  bonheur 
e  l'invention,  l'ordonnance  harmonieuse  de  la 
composition,  la  pureté  d'un  style  sobre  et  ferme. 
J'aime  mieux  constater  (|ue,  de  tous  les  sujets 
qu'il  a  traités,  il  a  su,  bien  que  tons  ne  s'y  prê- 
tassent pas  également,  dégager  une  morale  tou- 
jours pure  et  qu'il  ne  lui  est  pas  échappé,  en 
parlant  des  choses  même  les  moins  relevées,  un 
seul  de  ces  mots  qui  ne  peuvent  être  entendus  de 
la  femme  et  de  l'enfant.  Nul  n'a  poussé  plus  loin 
le  respect  de  soi  et  des  autres.  Il  y  a  gagné  de 
devenir  le  vrai  poète  de  Técole. 

Que  dire  maintenant  de  l'homme,  sinon  qu'il  a 
mis  d'accord  ses  principes  et  sa  conduite  et  qu'il 
a  prêché  d*exemple  autant  que  par  la  parole  ou 
par  le  livre  ?  Son  amour  de  la  famille  a  été  récom- 
pensé par  quarante  ans  d'un  bonheur  intime,  d'un 


ANNEXES 


5oi 


bonhear  à  deux,  sur  ieqael  je  D*ose  insister  par 
respect  pour  nne  doaleor  qui  ne  vent  pas  être 
consolée.  Et  cependant,  comment  ne  pas  nommer 
ici  celle  qnî,  après  avoir  fait  Torgueil  de  sa  jea- 
nesse  et  la  joie  tranquille  de  son  âge  mûr,  Ta 
défendu  par  des  soins  maternels  contre  les  atteintes 
de  la  vieillesse  et  a  empêché  jnsqa^au  bout  les 
maax  da  corps  d*empiéter  sur  la  vigneur  de  son 
esprit?  Qa*elle  en  soit  remerciée  au  nom  des  amis 
de  celui  qu'elle  pleure  et  qu*elle  soit  de  moitié 
dans  ses  honneurs  comme  elle  a  été  de  moitié 
dans  sa  vie. 

Avec  les  douceurs  du  foyer.  Manuel  a  connu 
celles  de  Tamitié  et  il  en  était  bien  digne,  lui 
qui 

Sur  trois  chagrins  en  eut  deux  pour  les  autres. 

11  sut  se  concilier  de  hautes  et  puissantes  affec- 
tions. Mais  dans  Téclat  montant  de  ses  succès,  il 
n'oublia  pas  les  compagnons  de  ses  débuts,  il  ne 
se  reprit  pas  après  s  être  donné.  —  Il  fut  pour  la 
jeunesse  un  bon  conseiller  :  combien  à  leur  entrée 
dans  le  monde  lui  ont  dû  d*ètre  mis  et  maintenus 
dans  la  bonne  voie  !  —  Il  ne  lui  suflBt  pa.«  de  louer 


et  de  recommander  la  bienfaisance  :  il  fut  bienfai- 
sant. Nombreuses  sont  les  œuvres  auxquelles  il  a 
prodigué,  sans  compter,  son  temps,  son  argent, 
ses  sympathies  actires.  —  11  eut  ses  déceptions 
et  ses  peines,  ya*i\  supporta  en  homme.  Même 
quand  il  vit  lui  échapper  cet  honneur  auquel  il 
avait  le  droit  de  prétendre  comme  à  une  récom- 

Knse  méritée,  son  regret  ne  prit  pas  la  forme  de 
nvie  et  de  la  rancune.  Son  ardeur  an  travail 
n*en  fut  pas  ralentie  et  on  ne  le  vit  pas  s'arrêter 
un  instant  dans  Taccomplissement  des  multiples 
devoirs  auxquels  il  se  donnait,  sans  que  Tun  nuisit 
à  l'autre. 

Il  s'est  endormi,  il  y  a  cinq  mois,  dans  la  paix 
de  la  conscience  et  du  cœur,  riche  de  jours  et 
d'œuvres.  On  lui  a  fait  de  belles  funérailles  et 
voici  qu'on  grave  son  nom  aux  murs  de  la  cité. 
C'est  une  promesse  de  durée.  Ses  amis  en  accep- 
tent l'augure  et  ils  ont  plaisir  à  se  persuader  que 
le  poète  Manuel  ne  sera  pas  effacé  du  souvenir 
des  hommes  et  que,  de  génération  en  ffénération 
ses  vers  chanteront  dans  de  jeunes  mémoires  et 
formeront  de  jeunes  consciences  aux  sentiments 
généreux  et  aux  viriles  résolutions. 


INDEX    ALPHABETIQUE 


DES  RUES,  BOULEVARDS.  AVENUES,  MONUMENTS  ET  PRINOPAUX  ÉTABLISSEMENTS 
EXISTANTS  DANS  LE  XVI»  ARRONDISSEMENT  DE  PARIS  EN  i902 


N.-B,  —  I^s  noms  inscrits  entre  parenthèses  indiquent,  pour  chaque  voie,  ceux  qu'elle  a 

portés  antérieurement. 


Ifoms 


Rae  Adolphe-Yvon  {me  de  la  Toar) 

Place  d'Aguesseau  (voir  place  d*Auteoil)  .  . 

Villa  Aimée 

Rue  Alboni 

Avenue  de  VAlma  (VII1«  arrondiasement)  .  . 
Ancienoe  aveDue  de  VAlma^  à  Auteail  (voir 

rae  Chanez) 

Place  de  VAlma 

Vaai  deVAlma 

Rue  de  V Amiral- Courbet 

Rue  Andréine  (supprimée  par  Taveoue  du 

Bois-de-Boulogne) 

Rue  de  {Annonciation  (rue  du  Moulin,  des 

Tierrées,  de  la  Paroisse,  de  la  Raison,  de 

TEfflise) 

Rue  Anioine-Roucher  (me  François-Millet). 
Ancienne  rue  Appert  (voir  rue  du  Général- 

Appert) 

Arc  de  Triomphe  (voir  place  de  l'Etoile)  .  . 
Ancienne  rue  des  Arches  (voir  rue  Wilhem). 
Ancienne  place  d  Urm«<  (voir  place  de  Passy). 
Ancienne  rue  des  Artistes  {xoir  rueGavami). 
Ancienne  me  des  Arts  (voir  rae  Géricault).  . 
CdViyenidtV Assomption.  .  . 
Rue  de  YAssomptum  (chemin, 

Tombereaux) 

Rue  Auguste- Hoquet  (nouvelle  rue)  .  .  .  . 
Rue  Augusie-Vacquerxe  (rae  des  Bassins)  . 

Cimetière  d*Auteuil 

Eglise  d'Auteuil 

Anciennes  mairies  d^Auieuil 

A  reporter.  .  . 


Largeur 
légftle 


puis  rue  des 


i2m 

5 
45 

» 


20 
42 


8 
40 

» 
» 

40 

» 
42 

» 
» 


Longueur 


440»" 

» 

65 
203 

» 

» 

60 

453 

90 


345 
425 

» 

862 

50 

268 

» 

» 
2.334» 


Pages 


66,  388. 

446. 

36,  80,  465, 

429. 


429,  430. 
427,  428. 
464. 

404,424. 


34,  45,  345. 
222. 

» 

» 
» 

484,  204,  202. 

26,  55,204,202,344,346. 

224. 

409. 

202,  203,  386. 

476,  477,  238  à  242,  462. 

476,  486,  487. 


5o4 


HISTOIRE    DU   XV1«   AKRONDISSEMENT 


Hoxns 

Report  .... 

Marché  d'AtUeuU 

Fondation  et  démembrement  de  la  paroisse 
à*Auteuil 

Place  d'Auteuil  (place  d'Aguesseau) 

Pont-viadac  à'Auteuil,  ou  du  Point-dn- Jour. 

Quai  â'Auteuil,  autrefois  chemin  de  halage  . 

Rue  d'Auteuil  (partie  de  la  Grande-Rue,  de 
la  rue  Molière,  de  la  route  départementale 
n»  30) 


B 

Ancienne  me  du  Bac  (voir  rue  Van-Loo).  .  . 

Ancienne  rue  du  Banquet  (voir  rue  Galilée). 

Ancienne  congrégation  des  Bamabites  .  .  . 

Rue  de  Bassano  (ruelle  des  Jardins)  ;  la  lon- 
gueur indiquée  ci-contre  est  celle  comprise 
dans  le  XVl*^  arrondissement 

Ancienne  rue  Basse  (voir  rue  Raynouard)  .  . 

Ancienne  rue  Basse-Saint-Pierre(yoitTVLede 
la  Manutentioik 

Ancien  rond-point  des  Bassins  (voir  place 
Victor-Hugo) 

Ancienne  rue  des  Bassins  (yotr  rue  Auguste- 
Vacquerie  et  rue  Copernic) 

Rue  Bastien-Lepage  (villa  Michel-Ange).  .  . 

Ancienne  rue  des  Batailles  (voir  avenue  dléna) . 

Rue  des  Bauches  (sentier  des  Rauches)  .  .  . 

Boulevard  fi;au<^;(nir 

Villa  Beauséjour 

Rue  Beethoven  (rue  de  la  Montagne,  partie  de 
la  ronte  départementale  n°  2) 

Ancienne  rue  du  Bel- Air  (voir  rue  Lauriston). 

Cité  des  Belles- Feuilles 

Rue  des  Belles -Feuilles  (rue  des  Biches,  entre 
les  avenues  Victor- Hugo  et  Bugeaud)  .  .  . 

Ancienne  rue  de  Bellevue  (voir  rue  Chalgrin 
et  rue  de  Traktir 

Rue  BeUini  (rue  de  la  Planchette) 

Rue  de  Belloy .  .* 

Ancienne  rue  Benoit  (voir  rue  de  Musset).  . 

Rue  Benjamin-Godard  (chemin,  puis  rue  de 
la  Galiote) 

Rue  Bénouville  (rue  Chabrol) 

Hameau  Béranger 

Ancienne  place  Béranger  (voir  place  de  Passy ). 

Rue  Berlioz I  . 

Rue  Berton  (rue  de  Seine,  pour  la  partie 

aboutissant  an  quai  de  Passv) 

(et  rue  du  Roc  pour  la  partie  aboutissant  à 
la  rue  Raynouard  et  presque  parallèle  à 
cette  rue) 

Ancienne  rue  des  Biches  (voir  rue  des  Belles- 
Feuilles)   

Rue  de  Billancourt  (chemin  du  Point-du-Jour 
à  Billancourt 

Ancienne  place  de  BUche  (voir  place  des  Etats- 
Unis)  

A  reporter  .  . 


Largeur 
légale 


» 

30"^ 

43,15  et  20 


42 


» 
» 


43 


> 
42 

» 

8 
42 

» 

45 

» 

40 

» 

7 

42 

» 

30 
40 

> 

> 

40 

8 


6 

» 
40 

» 


Longueur 


2.334- 


490 
4.635 


732 


» 


290 

» 


» 
52 

200 
650 

» 

447 

640 

47 

» 
472 

272 

» 

40 
98 

» 

440 
445 


» 
330 


8.3^24 


m 


Pages 


248. 

6,496. 

474  à  476,  464 
247,  369.  385. 
498,  499. 


468  à  474,  387.  445,  446, 
464. 


» 
45. 


454. 


447. 

222 

43.  32.  439,  344. 

427. 

447  à  449. 

449,  387. 

7,  44,  36,  37,  344  à  343, 
448. 

443. 

98,  99. 

86. 
452. 


456,  206. 

427. 

482. 

464. 

50,  54 . 


494. 


INDEX   ALPHABÉTIQUE    DES   RUES,    BOULEVARDS,    AVENUES,    MONUMENTS,    ETC.    5o5 


noms 


Report 


Rue  Bizet  (ruelle  des  Toorni^oels  et  rue  des 
Blanchisseases  pour  la  partie  qui  est  com- 
prise entre  l'aYeniie  Marceau  et  la  rue  de 

Chaillot),  dont  la  largeur  est  de 

entre  la  nie  de  Chaillot  et  ravenoe  d'Iéna, 
la  largeur  est  de 

Ancienne  m^  Blanche  (voir  rue  Greuie).  .  . 

Ancienne  me  des  Blanchisseuses  (voir  rue 
Bizet) 

Rue  Bkmchon  (villas  Saint-AUais,  Bamboul, 
Exelmans) 

Hameau  Boileau  (ensemble  de  voies  privées, 
dont  chacune  fifpare  à  Tindex) 

Impasse  Boileau  (impasse  des  Pauvres) .  .  . 

WlhBoiUau 

Rue  Boileau  (chemin,  puis  rue  des  Garen- 
ne»)  

Quai  des  Bonshommes  (voir  quai  Debilly) .  . 

Ancien  couvent  des  Bonshommes 

Ancienne  rue  des  Bornes  (voir  rue  des  Sa- 
blons et  rue  Girtambert) 

Bois  de  Boulogne 

Avenue  du  Bois-de-Boulogne  (avenue  de  Tlm- 
pératrice,  avenue  Uhrich)  ;  la  largeur  est  de 
40  mètres  sur  90  mètres  à  partir  de  la 
place  de  TEtoile 

Fondation  de  la  parobse  de  Boulogne-sur- 
Seine,  en  4349 

Rue  du  Bois-de-Boulogne 

Square  du  Bois-^- Boulogne 

Rue  Bois-le-Vent  (rue  de  la  Paroisse  et,  pour 
une  partie,  rue  des  Vignes) 

Ancienne  rue  neuve  Bois-le-Vent  (voir  rue 
rue  Talma) 

Rue  Boissiêre  (rue  de  la  Groix-Boissière  pour 
la  partie  comprise  entre  la  place  dléna  et 

Favenue  Kléber) 

pour  le  surplus  de  la  rue  Boissiêre,  la  lar- 
geur est  de 

Ancien  couvent  des  Bonshommes  (Minimes) 

Ancien  quai  des  Bonshommes  (voir  quai 
Debilly) 

Ancienne  rue  Bonvin  (voir  rue  François- 
Bonvin) 

Rue  Bosio  (villa  Gaprice) 

Ancienne  rue  des  Bouchers  (voir  rue  Ciial- 
grin) 

Avenue  Boudon 

Avenue  Boufflers  hiïïtL  Montmorency).  .  .  . 

Château  des  Boufflers 

Ancienne  rue  de  Bouille  (voir  rue  Duban)  .  . 
Ancienne  avenue  de  Boulainvilliers  (voir  rue 

de  Boulainvilliers) 

Ancien  château  de  Bon  lainvilliers  (voir  château 

seigneurial  de  Passy) 


I/argeur 
légale 


Gté  de  Boulainvilliers 


A  reporter 


40 

12 

» 

» 
42 


m 


5«,50 

» 

8 

» 
» 


420 

» 

40 

8 

8 


46 
42 


42 

» 
9 

» 

» 

» 
8 


Longueur 


8.324» 


300 


244 

486 

> 

975 

». 

» 


4.300 

» 

60 
400 

270 


750 


» 
85 

425 

472 

» 


» 

250 
43.408°» 


Pages 


84,  82,  439. 


84. 

487. 

483. 
487: 
485. 

421,  483  à  487,  445,  473, 
476. 

7,44,45,258. 


5,  447  à  420,  227,  440  et  s. 


420  à  422,  443,  446. 

6,  496. 

464. 

464. 

48. 


73,  74,  88. 

7,  43,  44,   65.  258,  263, 
278, 448, 449. 


» 


» 
223. 


207. 
205. 

468,  493,  248,  446,  480  à 
489. 


46à  49,37,404.  402,409, 
445,  284  à  287. 
403,  404. 


5o6 


HISTOIRE  DU   XVr  ARRONDISSEMENT 


noms 


Report  .... 

Rue  de  Boulainvilliers  (avenue  de  BoolaioTiU 
liera  entre  le  quai  et  le  rond-poiot  ;  partie 
de  la  roate  départementale  n^  40) 

Ancienne  rue  de  BoulainidUiers  (voir  rue 

Nicole) 

Rue  dn  Baiiquet^^Longchamp 

Rae  de  Brignole 

ÀTenae  Bugeaud 

Rue  Bugeaud 


Ancien  chemin  dn  Calwnre{yù\r  medoRane- 
lagh) 

Ancienne  rilla  Caprice  (foir  me  Bosio) .  .  . 

Impasse  des  Carrières 

Ancienne  me  des  Carrièret  (foir  me  Nicolo 
et  rae  Vital) 

Ancienne  rae  Chabrol  (voir  rae  BénouTilte)  . 

Ancien  bouleyard  de  Chaillot  (Toir  tTenoe 
dléna) 

Ancien  quai  de  Chaillot  (voir  quai  DebiUy)  . 

Rue  de  Chaillot 

Ancien  village  de  Chaillot 

Ancienne  impasse  de  la  Chaise  (voir  impasse 
Mozart) 

Avenue  des  Chalets 

Rue  Chalgrin(rfxt  de  Bellevue,  rae  des  Bou- 
chers)  

Rue  Chamfort  (sente  de  la  Petite-Fontaine) . 

Avenue  des  Champs-Elysées 

Rue  Chanez  (avenue  de  TAlma) 

Rue  Chapu  (rae  Maxime) 

Rue  Chardin 

Maison  de  retraite  Chardon-Lagache .... 

Rue  Chardon-Lagache  (sente des Tas-deCail- 
loux,  rae  de  la  Municipalité,  rue  du  Point- 
du-Jour)  

Ancienne  avenue  Charles-X  (voir  avenue 
Victor-Hugo) 

Ancien  rond-pomt  Charles-X  (voir  place  Victor- 
Hugo) 

Ancienne  rae  du  Chàteau-des-Fleurs  (voir 
rue  de  Bassano) 

Chaussée  de  la  Muette 

Chaussée  du  pont  de  Grenelle  (voir  Gre- 
nelle)   

Chemins  de  fer  et  stations  de  la  Compagnie 
de  r Ouest 


Largeur 
légale 


42« 


» 

40 
42 
45 
42 


» 
> 
4 

» 
» 

» 

de  40  k  42 

» 

» 
6 

8 
42 

> 

42 
40 


Long:a6ur 


43.408~ 


20 


44»,50 


Ancienne  rae  du  Chemin-^de-la-Croix  (voir 
rae  Eugène-Delacroix) 

Ancienne  rue  du  Chemin-de-Versailles  (jo\t 
rae  Galilée) 

Ancien  chemin  de  la  Chenille  (voir  rae  du 
Ranelagh) 

A  reporter  .  . 


» 
» 


820 


448 
60 

542 
88 


» 
» 
32 

» 


950 


340 


P«g6S 


46,  49,  39,  48,  404  à  403, 
409,443,494. 

» 

86. 

459. 

88,  95,  96. 

464. 


» 
32. 

84. 

» 


» 
» 

» 
54. 

490 

29à32,  315,  448,  430. 

» 

6,  44,  26.  27,  233,  257. 

» 

» 

400 

465. 

273 

86,  87. 

27 

220  à  222. 

> 

74,  75. 

280 

206,  387. 

68 

224. 

440 

458. 

» 

246,346. 

80,  489,   214,   244  à  247. 
476.477.495. 


47.436« 


64.  315. 


27,  54,  58,  64,  62.  402, 
442,447  à  449,  426,434. 
43!l,  445,  446,  462, 463, 
466,  204,  205,  247,  248, 
226,  228,  449. 


INDEX  ALPHABÉTIQUE   DES  RUES,    BOULEVARDS,   AVENUES,    MONUMENTS,    ETC,    Boj 


If  Oins 

Report  ,  .  • 

Passage  Cheyssan 

Ancienne  roe  Christine  (voir  me  Léonard-de- 
Vind) 

Rue  Cimarosa  (rne  Saint-André) 

Cimetières  (voir  cimetière  d'Anteaiiet  cime- 
tières de  Passy) 

Ancienne  allée  da  Cimetière  (yoir  rae  Claude- 
Lorrain) 

Ancienne  nie  Circultnre  (voir  rae  de  Près- 
bourg)  

Rue  de  Civry 

ïine  Claude-Chahu 

Rue  Claude-Lorrain  (allée  du  cimetière,  puis 
rue  et  ayenue  des  Qos),  entre  la  rue  Char- 

don-Lagache  et  la  rue  Boileau 

pour  le  surplus  de  la  me 

Ancienne  rue  et  avenue  des  Clos  (voir  rue 
Claude-Lorrain) 

Ancien  faubourg  delà  Ctm/!ifr^ce(  voir  village 
de  ChaiUot) 

Rne  Copernic  (me  des  Bassins) 

Château  dnCoq 

Impasse  Corneille 

Rue  Corot 

Chapelle  de  la  rue  Cortambert 

Rue  Cortambert  (d*abord  me  des  Bornes, 
entre  Favenue  Henri-Martin  et  la  rae  Schef- 

fer),  avec  largeur  de 

me  Saint-Hippolyte  (entre  lame  Schefferet 

la  place  Possoz)  avec  largeur  de 

ensuite  rue  des  Sablons 

Temple  de  la  me  Cortambert 

Passade  Cothenet 

Rue  Cremux 

Ancienne  me  de  la  Croix  (voir  rae  Decamps). 

Ancienne  impasse  de  la  Croix-Boissière  (sup- 
primée par  Favenue  d*Iéna) 

Ancienne  rae  de  la  Croix-Boissière  (voir  rue 
Boissière) 

Ancien  carrefour  de  la  Croix-Vineuse  {lok 
carrefour  de  Passy) 

Ancienne  rae  Cuissard  (voir  me  Félicien- 
David)  

Rue  de  la  Cure 

Ruelle  de  la  Cure 


Rue  Dangeau  (sente  de  la  Petite-Fontaine) 
Rue  Daumier 


Ancienne  avenue  Dauphine  (voir  avenue  Bu- 
geand)  

Ancienne  rae  David  (voir  rae  Louis-David).  . 

Rue  Davioud  (raelle  Saint-Pol  ou  du  fief 
Saint-Pol,  puis  rue  des  Fortes-Terres, 
ensuite  me  de  la  Glacière,  enfin  rue  Pajou) 
entre  les  raes  Mozart  et  du  Ranelagh.  .  . 
pour  le  surplus  de  la  rae 

Ancienne   rae   du   Débarcadère  (voir 
Poussin) 

A  reporter 


rae 


Largeur 
légale 


5» 

» 
8  et  42°» 


» 
12 
iO 


8 
42 


» 
42 

» 

42 

» 


40 

42 

» 

> 

42 

» 

» 


» 
6 
4-.50 


42 
42 


42 

8 


Longueur 

47.436°» 
440 

440 


230 
95 


335 


390 

» 

62 
405 


540 


420 
420 

» 


448 
30 


90 
98 


270 


20.259» 


Pages 


223. 

88,96. 


244,242,346. 
166,344. 


202. 


44. 

88,  96,  97. 

468,  469,  445,  459,  484. 

483. 

249. 

407. 


406,  407,  424,  444. 

406. 

444,  426. 
464. 


440. 

> 

36. 

» 


495,  497, 
497,  224. 


224 
222 


» 


55 


5o8 


Hlf^TOIRE    DU   XVI*   ARRONDISSEMENT 


Noms 

Repari  .... 

Ancienne  rue  Debelleyme  (voir  me  Leroux)  . 

Passerelle  Debilly 

Quai  Ikbilly  (qaai  des  Bonshommes,  grande 
route  n<*  40  de  Paris  à  Bordeaux,  quai  de 
la  Savonnerie,  quai  de  Chaillot) 

Rue  Détrousse 

Rue  Decamps  (rue  de  la  Croix) 

Rue  Delaroche  (rue  Saint-Georges)  .... 

Boulevard  Delessert  (a  remplacé  la  rue  Benja- 
min-Delessert  et  une  parlie  de  la  rue 
Beethoven) 

• 

Ancienne  rue  de  la  Demi-Lune  (voir  rue 
Gudin) , 

Musée  Dennery 

Rue  Désaugiers 

Rue  DesbordeS'Valmore  (rue  Noire-Dame)  . 

Passage  Dietz^Monnin 

Rue  da  Docteur-Blanche  (sente,  puis  rue  des 

"*    Fontis) 

Rne  da  Dôme 

Couvent  des  Dominicaines  d*Anteuil  (Hôtel 
Ghoiseal-Preslin) 

Rne  DonizeUi  (me  de  Montmorency).  .  .  . 

Rue  Dosne 

Rue  Duban  (me  du  Marché,  puis  me  de 
BonUlé) 

Rne  Dufrénoy  (me  du  Puits- Artésien)  .  .  . 

Rue  Dul?Km^a(/^vt//e  (remplace  le  chemin  de 
mnde  de  TEtoile  et  une  partie  de  Tancien 
boulevard  de  Passy) 

Villa  Dupont  (cité  Dupont) 

Rue  Duret  (me  de  la  Pompe) 


Eaux  minérales  d*Anteuil 

Eaux  minérales  de  Passy  (voir  Pussy) .... 

Passage  des  Eaux  (melle  oies  Eaux,  puis  pas- 
sage des  Anciennes-Eaux) 

Ecoles  chrétiennes  (voir  Frères) 

Ecole  Jean-Baptiste-Say  (voir  Say) 

Ecole  normale  d'Auteuil 

Ecole  normale  israélite  orientale 

Rue  Edmond-About 

Eglises  dn  XVI«  arrondissement  (voir  Notre- 
Dame  d*Aoteuil,  Notre-Dame-de-GrAce  de 
Pannr,  Saint-Honoréni'Eylaa  et  Saint-Pierre 
de  Chaillot) 

Ancienne  me  de  V Eglise  (voir  me  de  1* Annon- 
ciation)   

Ancienne  me  de  YEgout  (voir  me  Téniers)  . 

Boulevard  Emile-Augier 

Passage  Emile-Meyer 

Ancienne  avenue  (fe  V Empereur  (voir  avenues 
dn  Trocadéro  et  Henri-Blartin) 

Raed*£r/an^^ 

Avenue  de  V  Ermitage 

Place  des  Etats-Unis  (me  de  Juigné,  place 
Galilée,  place  de  Bitche) 

A  reporter  •  .... 


Largeur 
légale 


27« 

10 
10 


30 


» 
» 
6 
iO 
5 

9«»,85 

» 
15 
8»,85 

10 
12 


12 

4 
12 


Longueur 


20.559» 

» 
120 


1.230 

84 

560 

42 


250 


2 

» 
12 


> 

7«»,85 
5 


12 
7 

55 


» 

31 
290 
100 

530 
105 

» 

95 
134 

153 
300 


368 
190 
310 


» 

210 

» 
» 

» 
80 


» 
.   .  .». 
640 
100 

» 

970 
140  . 

.  .    60 
27.351"» 


Pages 


52,  53. 


51à  53,371,419,431 

155. 

67  à  79,  315. 

124,  125. 


7,114,157,158,315.349, 
350. 


121. 

194,'  195,  478. 

115.  124,  125. 

223. 

220,  221 . 
96. 

219. 

205.  206,  218. 

101. 

115.  316. 
126,  127. 


143,  145,  325. 

122. 

57. 


195. 

» 

50,  315,  364  à  366. 

» 

172. 187. 188,  214. 

170.  460. 

163. 


45. 

123.  163. 
223. 


168,211.387. 
217. 


30,  152. 


INDEX   ALPHABÉTIQUE   DES   RUES,    BOULEVARDS,    AVENUES,    MONUMENTS,    ETC.    5og 


Noms 

Repart  .... 

Place  de  VKtoile  (Etoile  de  Chaillot,  puis  rond- 
point  de  Neuilly) 

Roe  Eugène-Delacroix  (rue  du  Chemin-de-la- 
Croix) 

Roe  Eugène-Lahiche 

Villa  Eugénie  (?oir  villa  du  Redan) 

BonleYara  Exelmans  (entre  la  rue  d*Âuteuil  et 

ravenne  de  Versailles) 

pour  le  surplus  du  boulevard 

Impasse  Exelmans 

Ancienne  villa  Exelmans  (voir  rue  Blan- 
chon)  

Avenue  d* £v2au  (avenue  du  Prince-Impérial), 
jnsqu*à  98  mètres  de  distflnce  de  la  place 

du  Trocadéro 

pour  le  surplus  de  Tavenue 

Ancienne  avenue  A'Eylau  (voir  avenue  Victor- 
Hugo)  

Villa  à'Eylau • 


Rue  de  la  Faisanderie  (rue  de  1* Ancienne-Fai- 
sanderie)   

Rue  FamUn-Hélie  (rue  Sainte-Qaire)  .  .  . 

^ne  Félicien-David  (chemin  et  rue  des  Pâtures, 
chemin  et  rue  de  la  Prairie,  ensuite  rue 
Cuissard,  puis  rue  Hérold) 

Gté  Félix 

Ancienne  roe  dn  Fie f- Saint- Pol(\oïrrw  Da- 
vioud) 

Boulevard  Flandrin  (boulevard  latéral  au 
chemin  de  fer  d'Autçuil) 

Ancien  boulevard  Flandrin  prolongé  (voir 
boulevard  Emile-Augier) 

Fleuriste  de  la  Muette 

Ancienne  rue  de  la  Fontaine,  à  Auteuil  (voir 
rue  La  Fontaine) 

Ancienne  rue  de  la  Fontaine,  à  Passy  (voir 
rue  Lekain) 

Ancienne  sente  de  la  Fontaine  (voir  rue 
Raffet) 

Ancienne  rue  des  Fontis  (voir  rue  du  Docteur- 
Blanche) 

Ancienne  me  des  Fortes-Terres  (soir  rue  Da- 
vioud) 

Fortifications  de  Paris 

Ancienne  sente  du  Four  (voir  rue  Raffet)  .  . 

Rue  Foucault 

Rue  Francisque- Sarcey  (voie  nouvelle)  .  .  . 

Rue  François-  Banvin  (voir  rue  François-Millet) 

Rue  François-Gérard  (rue  des  Planchettes), 
entre  la  rue  Chardon  -  Lagache  et  la  rue 

d'Auteuil 

pour  le  surplus  de  la  rue 

Rue  françois-Millet  (rue  Richard- WaUace, 
puis  rue  François-Bon  vin) 

Ancienne  rue  François^Mitlet  (voir  rue  An- 
toine-Roucher) 

A  reportdr  .  . 


Largeur 
légale 


rayon  de 
1Ï0",43 

S'- 
il 

» 

4i 

60 
10 


36 
i6 

» 
8 


42 
iO 


8 
3",75 


» 


12 

» 


12 

8 

12 


Longueur 
27.351» 


160 
115 

» 

1.205 
42 


300 


» 
65 


795 
121 


450 
22 


820 


280 


92 


31 .  883"» 


Pages 


74  à  78,   422.  330, 
405,  407,  413. 

67  à  69. 
163. 


80,  187,  217,  218. 
224. 


158. 

458. 
90. 


141,112. 
124,  125. 


199,  200. 
57. 

55. 

426. 

423. 

136,'  163,  389,  412. 


» 

»     •  • 

» 

221. 

65 

112,  413,  203,229,  2J0 

155.  156. 
166. 

» 

» 

200,  201 
22a,  224. 


I 


5io 


HISTOIRE   DU  XVI®  ARRONDISSEMENT 


noms 


Report 


Ancienne  me  des  Francs-Bourgeois  (Toir  rue 
Raynonard)  

Rae  Pranklin  (rue  Neuve-des -Minimes) .  .  . 

Rne  de  Franqueville /  *  *  * 

Pensionnat  des  Frères  des  écoles  chrétiennes  à 
Passy  (ancien  hôtel  de  Valentinois)  .... 

Rue  Fresnel 

Rue  de  Freycinet  (passage  de  laPompe-à-feu 
entre  l'ayenae  dnlrocadéro  et  la  rae  Pierre- 
Charron,  imnasse  des  RéserToirs  entre  la 
rae  Pierre-(3iarron  et  TaTenoe  d*Iéna)  .  . 

Avenne  de  la  Frillière 


Place  Galilée  (voir  place  des  États-Unis)  .  . 

Rue  Galilée  (rae  du  Qiemin-de -Versailles,  rae 
du  Banquet),  dans  le  XVI"  arrondissement. 

Ancienne  rae  ne  la  Galioie  (voir  rae  Benjamin- 
Godard)  

Musée  Galliéra 

Rue  Galliéra 

Ancienne  rae  des  Garennes  (voir  rae  Boi- 
leau) 

Rue  Gaston^^'Saint-Paul 

Rue  Gavami  (rae  des  Artistes) 

Rue  du  Général' Appert  (rae  Appert).  .  .  . 

Génovéfainn  d'Auteuil  Orovt  SainteGeneyiève) 

Rue  George-Sand  (précédemment  avenue  Bou- 
don,  entre  cette  aTenue  et  la  rae  La  Fon- 
taine, arenne  Heymés  entre  les  raes  i4i 
Fontaine  et  Mozart^ 

Rne  Géricault  (rae  des  Arts) 

Rue  Girodet 

Ancienne  rae  delà  Glacière{jo\rmB  Datioud). 

Avenue  de  la  Grande-Armée  (grande-roule 
n°  43  de  Paris  à  Gherbouiv,  avenue  de 
Neuilly,  avenue  de  la  Porte-Maillot).  .  .  . 

Rue  des  Grandes-Papeteries 

Ancienne  Grande-Rue  (voir  rae  d*Antenil  ou 
rae  de  Passy) 

Ghaussée  du  pont  de  Grenelle 

Pont  de  Grenelle 

Rue  Greuze  (rae  Blanche),  entro  la  rae  des 

Sablons  et  la  rae  Decamps 

pour  le  surplus  de  la  rue 

Rne  Gros  (faisait  autrefois  partie  de  la  rue  La 
Fontaine) 

Rue  Gudin  (rue  de  la  Demi-Lune) 

Roe  Gu^tom  (supprimée  par  Tavenue  Kléber) 

Villa  Guibert 

Rue  Guichard 

Rue  Guillou 

Musée  Guimet 

^w  Gustai^-Courbet 

Rue  Gtistaue-Nadaud  (avenue  de  la  Petite- 
Muette,  la  largeur  de  la  partie  ancienne  est 
de  8  mètres] 

Rue  Guy~de-Mavpassant 

A  reporter  .  . 


Largeur 
légale 


» 

H",70 
42 

» 
42 


43 

42 

» 
42 

9 
42 

» 


42 
42 
42 


Longueur 


34.883' 


240 
440 

295 


70 
9°»,75 

40 

42 
40 

42 
40 

» 

» 
40 

8"»,30 

» 
42 


40 
42 


320 
440 


680 

» 
436 

404 
400 
240 


342 
90 
55 


790 
49 

» 

54 
290 

384 

310 
450 

» 

400 
230 

470 


85 

90 


Pages 


37.344™ 


37. 

95i  43,  44. 

463. 

42,  409. 
457. 


450,  454,  345. 
223. 


404,  405. 


459  4  164. 
459. 

483. 
54. 

34,  407. 
446. 

» 


207. 
205. 
248. 

» 


80. 
224. 

32,  37. 

494. 

104,  494,  368. 

444. 

479,  482. 

203. 

443. 

67. 

34,  424. 

51. 

444,  442. 

464. 


58,  463,  444. 
463. 


INDEX  ALPHABÉTIQUE    DES   RUES,    BOULEVARDS,   AVENUES,    MONUMENTS,    ETC.     5 11 


Ifoms 


Beport  .... 

Rue  Hamelin 

Ancienne  rue  Haute  (Toir  rue  Raynouard) .  . 
Ancienne  rae  Hébert  (voir  rae  Keppler) .  .  . 

Rue  Henri-Heine 

Afenue  Henri-Martin  (avenue  de  l'Empereur, 

près  avenue  du  Trocadéro) 

Ancienne  rue  à^HérivauU  (voir  rue  deMagde- 

bourg) 

Ancienne  rue  Hérold  (voir  rue  Félicien-David). 

Rue  Herran 

Villa  Herran 

Ancienne  avenue  Heymès  (voir  rue  George- 

Sand) 

Ancienne  place  de  VHippodrome  (voir  place 

Victor-Hugo) 

Œuvre  de  ïHospitaliié  du  Travail 

Ancienne  rue  Houdon  (voir  rue  des  Vignes) . 


Avenue  d 'i^na  (rue  des  Batailles  et  boulevard 
de  Chaillot) 

Place  d7^na 

Pont  d'iéna  (s*est  appelé  pont  des  Invalides, 
del81ià4830) 

Ancienne  rue  à*léna  (voir  rue  de  Musset) .  . 

Ancienne  avenue  de  VImpératrice(yo\r  avenue 
du  Boîs-de-Boulogne) 

Avenue  Ingres  (boulevard  Rossinij 

Rue  Jsahey 


Lycée  Janson-de-Sailty 

Ancienne  impasse  des  Jardins  (voir  rue  de 
Bassano) 

Rue /<umm  (partie  de  la  sente  de  la  Glacière, 
puis  rue  de  la  Cure) 

Ecole  Jean-Baptiste-Say  (voir  Say) 

Knt  Jean-Botogne  (rue  Neuve-de-rEglise), 

partie  latérale  à  1  église 

pour  le  surplus  de  la  rue 

Avenue  Jean-ihllfus 

Ancienne  avenue  Joséphine  (voir  avenue  Mar- 
ceau)   

Impasse  Jouvenet  (impasse  de  la  Réunion)  . 

Rue  Jouvenet  (rue  de  la  Réunion) 

Ancienne  rue  de  Juigné  (supprimée  par  la 
création  de  la  place  des  Etats-Unis).  .  .  . 

Avenue  Jules-Janin 

Boulevard  Jules-Sandeau 


Rue  Keppler  (rue  Hébert,  rue  Sainte-Périne, 
rue  Sainte-Geneviève).  . 

Avenue  Kléber  (avenue  du  Roi-de-Rome),  rem- 
place le  boulevard  de  Longchamp  et  la  plus 
grande  partie  du  boulevaiâ  de  Passy  .  .  . 

A  reporter  .  . 


Largeur 
légale 


12" 

12 
40 

> 

12 
6 


36 
6 

14 

30 

12 


12 

» 

10 

8 

7 

» 
8 
8 

» 

7 

10 


10 


36 


Longueur 


37.344» 
315 

285 
1.313 


135 
100 


1.185 
100 

157 

» 

420 
54 


235 

» 

160 
14 

25 
368 

158 
342 


Page» 


108 


1.135 


43.953» 


151,  152. 
37, 

» 
223. 

129à  137, 144,318,387,426. 

» 

154. 
154. 

207. 
190. 


13,  129, 138  à  142. 
141. 

51,  52,  367,  370. 


146  à  150.  387.  389,  441 
218. 


58  à  61,  227,  380. 


195,  197. 

36,  47.  48. 
223. 

192. 
191,  192. 


165. 
163. 


85. 


73, 74, 129, 142  à  144.315. 
324. 


5l2 


HISTOIRE   DU   XVI^   ARRONDISSEMENT 


Homs 


Report 


Hameau  La  Fontaiyie 

Rue  La  tontaine  (partie  de  la  route  départe- 
mentale n<»  29  ;  —  rue  de  la  Fontaine  ;~ 
me  de  la  Tuilerie  entre  la  rue  Boulainvil- 

liers  et  la  rue  Gros) 

entre  la  rue  Boulainvilliers  et  la  rue  Gros  . 
entre  la  rue  Gros  et  la  rue  PierreGuériu  . 
entrela  rue  Pierre-Guérin  et  la  rue  d*Auteuil 

Rue  Lab 

Square  Lamartine 

KneLancret  (impasse  ou  passage  des  Miracles) 

Boule?ard  Latines  (rue  militaire) 

Rue  Lapérouie  (un  des  côtés  remplace  une 
partie  deTancien  bonlevanide  Passy).  .  . 

Rue  Largillière 

Rue  Laurent'Pichat  (partie  de  la  rue  Leroux) . 

Rue  Lauriston  (chemin,  puis  rue  du  Bel-Âir). 

Kue  Lecontede-Lisle 

Ancienne  rue  Lefuel  (Toir  rue  de  Sontay)  .  . 

Rue  Lekain  (me  de  la  Fontaine) 

Rue  Le  Marais  (chemin  du  vieux  pont  de 
Sèvres) 

Rue  Le  Nôtre 

Rue  Léo-Delibes 

Rue  L^narc{-d«-Ktnct  (rue  Christioe).  .  .  . 

Rue  Léonce-Reynaud 

Rue  Leroux  (me  Debelleymc) 

Rue  Lesueur  (me  Saint-Ange) 

Roulevard  extérieur  de  Longchamp  (remplacé 
par  l'avenue  Kléber) 

Abbaye  de  Longchamp 

Rond-point  de  Longchamp,  25"^  de  rayon .  . 

Rue  de  Longchamp 

Villa  de  Lon^c/iamp  (me  Rigaud) 

Rue  Louis-David  (rue  des  Toumelles,  rue  Da- 
vid)  

Rue  de  Lota 

Rue  de  Lubeck 

Lycées  (voir  Janson  et  Molière) 


Rue  de  Uaqdehourg  (ruelle  d*Héricourt  et 

chemin  Samte-Marie) 

Ancienne  me  de  Magenta  (voir  me  Pierrc- 

Guérin) 

Anciennes  Mairies  (voir  Auteuil  et  Passy) .  . 
Mairie  du  XV J*  arrondissement.  .  .  '.  .  . 
Ancienne  place  de  la  Mairie  (voir  place  de 

Passy) 

Avenue  de  Malakoff  (avenue  de  Saint-Denis, 

partie  de  la  route  départementale  n°  i9)  . 

Impasse  de  Malakoff 

Société  Malézietix 

Manutention  militaire 

Passerelle  de  la  Manutention  (voir  passerelle 

Debilly 

Rue  de  la  Manutention 

A  reporter  .  . 


Largeur 
légale 


» 

10 
20 
12 
40 
10 
variable 

12 
12 

10 
10 
U 

» 
8 

10 
15 
12 
10 
12 
12 
10 

» 
12 


,50 


9 
12 
13 

» 


12 

» 


23™,50 
5 


» 


Longueur 


43.933'» 


962 

228 

105 

62 

1.920 

408 
66 

140 
1.012 

192 
» 
95 

300 
100 
135 
276 
130 
220 
250 

» 
» 

1.540 
103 

195 

70 

490 


120 


> 
» 


1.493 
150 

.  » 

» 
54.717'» 


Pages 


182. 


179  à  182. 


166. 

100.  137,  437. 

192. 

112!  113,  420. 

143,  145.  146. 

154,  388. 

115 

88,  96,  1 44. 

216,  224. 

111,  315. 

202. 

7,  155.  314. 

164. 

115. 

164. 

114. 

88,  89. 

82. 

88,  89. 

82.  83,  88,  415. 

154. 

70,  71. 

165. 

84,  85,  314. 

» 


13,  84. 

58.  131,  187. 

35. 

94. 
145. 
67,  69. 
54. 

» 

83. 


INDEX   ALPHABÉTIQUE   DES   RUES,    BOULEVARDS,    AVENUES,    MONUMENTS,    ETC.     5l3 


Ifoms 

Report  .... 

Ancien  nom  de    rue  Marat  (Yoir  rue  de 

Pdssy) 

Rue  Marteau 

Avenue  Marceau  (avenue  Joséphine)  .... 
Ancienne  me  du  Marché  (voir  rue  Duban) .  . 
Marchés  du  XVI"  arrondissement  (voir  Au- 

teuil,  Passy  et  Saint-Didier) 

Rue  des  Marronniers 

Ancienne  rue  Maxime  (voir  rue  Chapu)  .  .  . 
Ancien  village  des  Menvls  (Boulogne -sur* 

Seine) 

Rue  Mérimée 

Ancienne  rue  Mérodée,  ou  Merderée,  ou  Mer- 

deret  (voir  rue  Verderet) 

Rue  Mesnil 

Chemin  de  fer  Métropolitain  de  Paris.  .  .  . 

Rue  Michel-Ange 

Villa  Michel-Ange  (voir  rue  Bastion- Lepage) . 

VWhMichon 

Rue  Mignard^rw  Spontini,  rue  Neuve-du- 
Puits-Artésien) 

^utMignet 

Ancienne  rue  Militaire  (voir  boulevards  Lan- 
nes,  Suchet  et  Murât) 

Ancienne  rue  ^euve-des-Minimes  (voir  rue 
Franklin) 

Pont  Mirabeau 

hviB  Mirabeau 

Ancienne  impasse  des  Miracles  (voir'  rue  Lan- 
cret) !  .  .  ,  . 

Rue  de  la  Mission-Marchand 

Ancien  chemin  des  Moines  (voir  rue  de  la 
Tour) 

Avenue  Molière 

Lycée  Molière 

Ancienne  rue  Molière  (voir  rue  d'Auteuil  et 
rue  Rémosat) 

Rue  et  porte  Molitor  ', 

Villa  Molitor 

Ancienne  rue  de  la  Montagne  :  à  Auteuil  (voir 

rue  Wilhem) 

à  Passy  (voir  rue  Beethoven) 

Ancien  carrefour  de  la  Montagne  (voir  carre- 
four de  Passy) 

Avenue  Moîitespan 

Avenue  de  Montmorency 

Boulevard  de  Montmorency 

Ancienne   rue  de  Montmarewy  (voir   rue 
Donizetti) 

Villa  If^m^mdreMCj/ (ensemble  de  voies  privées 
dont  chacune  figure  à  Tindex) 

Ancienne  me  Morny  (voir  rue  Pierre-Char- 
ron)       .... 

Ancienne  impasse  des  Moulins  (voir  rue  Pé- 
trarque)  

Ancienne   rue   du  Moulin,  ou  des  Moulins 
(voir  rue  de  l'Annonciation  ou  Schelfer).  . 

Ancienne  rue  du  MouUn-de- la-Tour  (voir  rue 
de  la  Tour) 

A  reparler  .  . 


Largeiir 
léffale 


» 
40 
40 

> 

» 
8 

» 

» 
8 

» 
40 

> 

20 

» 

42 

40 
42 


» 
20 
20 

» 
12 


«".es 

> 

» 

20 
8 

» 

7'",50 
40 
42 


Longueur 


54.717» 


208 
910 

244 

» 

100 

255 

» 

1.156 

» 
67 

186 
85 


Pages 


173 

470 

» 
55 

» 

110 

» 

650 
225 

» 

160 
290 
960 


32. 

123. 

31,  129,  139. 

» 

113. 

6,  7. 
165,  166. 

88,  105. 

27,  78  à  80,  92,  135, 143, 

159, 165. 226,  227 
211. 

164. 

100,  144,  145. 
216,  224. 


214,368,491,495. 
241,  214. 

» 
224. 

183. 
104,  202. 

168,  174. 

80,  211  à  214,  387, 

214. 

14,  36. 

36. 

127. 

205. 

205,  387,  490. 


204,  205,  480,  484. 


63. 


60.986'^ 


^33 


bi4 


HISTOIRE   DU   XVI^  ARRONDISSEMENT 


Noms 

Report  .  . 

Impasse  Mozart  (impasse  de  la  Chaise)  . 

Rue  Mozart 

Villa  Mozart 

Château  de  la  Muette 


Chaussée  de  la  Muette  (voir  Chaussée) .... 
Pelouses  de  la  Muette  (voir  Hanelagb).  .  .  . 
Villa  Mulhouse  (ensemble  de  voies  privées 

dont  chacune  figure  à  rindex| 

Ancienne  rue  de  la  Municipalité  (voir  rue 

Chardon-Lagache) 

Boulevard  Murât  (partie  de  la  voie  militaire). 

Passage  Mural 

Hue  de  Musset  (rue  d'féna,  puis  rue  Denoit). 

N 

Rue  ^arciise-Diax,  (partie  de  la  rue  Wilhem). 
Ancienne  avenue  de  Neuitly  (voir  avenue  de 

la  Grande- Armée) 

Ancien  rond-point  de  Neuittu  (voir  place  de 

rEtoile) 

Ancienne  rue  Neuve-Boileau  (voir  rue  Pierre- 

Guérin) 

Ancienne  me  Neuve-Bois-le-Vent  (voir  rue 

Talma) 

Ancienne  rue  Neuve-de-P Eglise  (voir  rue 

Jean-Bologne) 

Ancienne  rue  Nétwe-de-ta-Pelouse  (voir  rue 

dmiigado) 

Ancienne  rue  Neuve^du-Puits-Artésien  (voir 

rue  Mignard).  .  .  .' 

Hue  Newton . 

Rue  Nicoto  entre  la  rue  de  la  Pompe  et  la  rue 

Vital  (anciennement  rue  Saint-Pierre)  .  .  . 

entre  It  me  Vital  et  la  rue  de  Passy  (an- 
ciennement me  des  (arriéres) 

Village  de  Nigeon 

Ancienne  rue  Nilson  (voir  rue  Weher)  .  .  . 

Rue  mtot 

Ancienne  rue  Notre-Dame  (voir  me  Desbordes- 

Valmore) 

Eglise  Notre'Dame~d*Auieuit  (voir  église 

d'Auteuil) 

Eglise  Notre-Dame-de-Grâcef  à  Passy.  .  .  . 

Oiû^We  àe Notre- Dame-du'TrèS' Saint  Sacre- 
ment (voir  (^apellc  de  lame  Cortambert). 


Rue  d'Obligado  (rue  Neuve-de-la-Pclouse) . 
Hue  Octave-Feuillet 


Hue  Pajou  (impasse  Pajou) 

Ancienne  rue  de  la  Paroisse  (voir  rue  de 

TAnnonciation) 

Boulevard  extérieur  de  Passy  (supprimé  par  la 

À  reporter  .  . 


Largeur 
légale 


12 


variable. 
3m 

8 


6 


10 
8 

12 


10 
12 


Longueur 

60.986» 

28 

1.180 

58 

» 

» 
» 


1.940 

80 

220 


135 


80 
380 


70 


65.975™ 


Pages 


154. 

152  à  154.  228. 
154,  224. 

19  à  24,227,  295  à  298, 300 
à  310,313,418,  431,443. 

223. 


203,  204. 

204. 

187,  192,  193. 


179. 


» 

» 

» 

47. 

» 

» 

» 
96 

109, 140,  417,  420. 

540 

110,  124,  385. 

» 
192 

5,  7. 

155,  442  et  s. 

» 

» 

15, 45  à  47, 282,  283, 284, 
315. 

86. 
163. 


55. 
45. 


INDEX  ALPHABÉTIQUE    DES    RUÉS,    BOULEVARDS,    AVENUES,    MONUMENTS,    ETC.     5l5 


Nomi 


Report 


création  de  Tayenae  Klébcr  et  des  mes 
DnmoDt-d'Unrilie  et  Lapéroase) 

Carrefour  de  Passy 

Anciennes  barrières  de  Passy 

Anciennes  carrières  de  Passy 

Ancien  chiteau  seigoenrial  de  Passy  (voir 
château  de  Boulainvilliers) 

Cimetières  de  Passy 

Eaox  minérales  de  Passy 

Eglise  de  Passy  (yoir  Notre-Dame-de-Grâce)  . 

Anciennes  mairies  de  Passy 

Marché  de  Passy 

Fondation  de  la  paroisse  de  Passy 

Société  des  terrains  de  la  plaine  de  Passy 
(yoir  Société) 

Passerelle  de  Passy 

Place  de  Passy 

Puits  artésien  de  Passy 

Qnai  de  Passy  (grande  route  n°  iO  de  Paris 
à  Rayonne  par  Versailleâ  et  Bordeaux,  dite 
route  de  Versailles) 

Rue  de  Passy  (rue  qui  conduit  au  bois  de 
Boulogne,  puisGrande-Rue.pendantquelques 
mois  me  Marat,  et  ensuite  de  nouveau 
Grande-Rue 

Rue  des  Pâtures 

Ancienne  rue  des  Pâtures  (voir  me  Félicien- 
Darid) 

Rue  Pauquet,  entre  la  me  Lapérouse  et  TaTo- 

noeKléber 

pour  le  surplus  de  la  rue 

Ancienne  rue  Pauquet-iU-Vitlejust  (voir  rue 
de  VUlejust) .•.•••• 

Ancienne  impasse  des  Pauvres  (voir  impasse 
Boileau) 

Ancienne  me  de  la  Pelouse  (voir  me  d*Obli- 
gado  et  me  de  Saigon) 

Place  des  Perchamps 

Rue  des  Perchamps 

Rue  Pergoiése  (faisait  autrefois  P^ie  de  la 
me  Spontlni,entre  Tavenue  du  Bois-de-Bou- 
logne et  rarenue  Malakotf,  se  nommait  me 
Perier  entre  TaTenue  Malakoff  et  celle  de  la 
Grande-Armée) 

Ancienne  rue  Perier  (voir  me  Pergolèse)  .  . 

Avenue  Perriclumt 

Ancienne  sente  de  la  Petite-Fontaiiie  (voir 
rue  Dangeau  et  rue  Ghamfort) 

Ancienne  avenue  de  la  Petite  Muette  (voir 
me  Gnstave-Nadaud) 

Ancienne  rue  du  Petit-Parc  (voir  me  Spontini) 

Rue  Pétrarque  (impasse  des  Moulins).  .  .  . 

Avenue  des  Peupliers 

Dépôt  des  Phares 

Rue  Piccinni  (faisait  autrefois  partie  de  la 
me  de  VUlejust) 

Rue  Picot 

Rue  Pierre- Charron  (rue  de  TUnion,  rue 
Moray) 

A  reporter  .  . 


Largeur 
légale 


» 

» 

» 

» 
» 

» 

34- 

» 


iO 


10 
8 


26 
12 


» 

12 

8 


10 

> 
12 

» 

» 

» 

12 

10 

10 
10 

20 


Longueur 

65.975™ 


» 
» 

» 
» 
» 
» 
» 
» 
» 

160 
30 


700 
76 


490 

» 

» 

37 
240 


595 
140 


» 

83 
290 


215 
215 

400 


Pages 


990       54. 


70.636'» 


142,  14*,  146,  146,  151. 
36,  22. 

54,  324  à  332. 
26,26,34,135,143,  151. 


71  à  73,  318. 
15.  16,  50,  54. 

34,  35,  36,  44. 

36. 

15  et  d'autres  aux  annexes. 


158,  159,  165,  368. 

34,  35. 

137,139,403,  438  à  440 


32  à  34,  315,  334,  335, 

338,  444. 
119,  206. 


97,98,142,147,420. 


189. 
188,  189, 


88,  100,  101 

222. 


» 

71. 
205. 
132,  133. 

97. 
101. 

31,  115,  116. 


5i6 


HISTOIRE    DU   XVI«   ARRONDISSEMENT 


Noms 


Repari 


Rue  Pierre^Ducreux 

Hue  Pierre-Guérin  (sente,  pais  rue  des  Vignes, 
me  Nea?e-Boileaa,  lue  de  Magenta),  entre 
la  rae  d'Auteuiietla  place  des  Perchamps  . 
entre  la  place  des  Perchamps  et  la  rue  de  la 
Source 

Ancien  rond-point  de  la  Plaine  (voir  place 
Victor-Hugo) 

Anciennerue  de  la  Planchetle  {voir  rue  Bellini) 

Ancienne  rue  des  Plancheiles  (foir  rue  Fran- 
çois-Gérard)   

Ancienne  rue  du  Poinl-duJour(\ù\£  rueCbar- 
don-Lagache) 

Viaduc  du  Poinl-du-Jour  (?oir  Auteuil).  .  . 

Rue  de  Potnereu,  .  ." 

Rue  de  la  Pompe  (partie  de  la  route  dépar- 
tementale n<»  iO),  entre  les  arenues  Henri- 
Martin  et  Victor-Hugo 

pour  le  surplus  de  la  rue 

Pompe  à  feu  d'Auteuil 

Pompe  à  feu  de  Chaillot 

Ancien  passage  de  la  Pompe  à  feu  (voir  rue 

de  Freycinet) 

Rue  Pomard  (nouvellement  ouverte)  .... 
Pants  du  XVI*  arrondissement  (voir  Aima, 

Auteuil,  Grenelle,  léna,  Debilly  et  Passy) . 

Place  P08SOZ 

Rue  Poussin  (rue  du  Débarcadère) 

Ancienne  rue  de  la  Prairie  (voir  rue  Félicien- 

.  David) r  .  . 

Rue  de  Pres^our^  (rue  Circulaire) 

Presbytère  de  Passy 

Impasse  des  Prêtres 

Ancien  Prieuré  de  Saint-Martin-des-Champs  . 
Ancienne  avenue  du  Prince-Impérial  (voir 

avenue  d*Evlau) 

Avenue  Prudhon  (faisait  aul  refuis  partie  de 

la  chaussée  de  la  Muette) 

Puits  artésien  de  Passtf  (voir  Passy)  .... 
Ancienne  rue  du  Puits-Artésien  (voir  rue 

Dufrénoy) 


Impasse  Racine 

Rue  Raffet  (sente  de  la  Fontaine) 

Ancienne  rue  de  la  Raison  (voir  me  de  TAn- 
nonciatioo) 

Avenue  du  Ranelagh 

Bal  du  Ranelagh 

Ancien  boulevard  du  Ranelagh  (voir  avenue 
Raphaël) 

Pelouses  du  Ranelagh 

Rue  du  Ranelagh  (sentes  de  la  Chenille  et  du 
Calvaire),  entre  la  rae  Mozart  et  le  boule- 
vard Beauséjour  .  .  . 

pour  le  surplus  de  la  riie 

Avenue  Raphaël  (boulevard  du  Ranelagh).  . 

Rue  Raynouard  (Grande-Rue,  ou  ancienne 

A  reporter  .  . 


Largeur 
légale 


8 

» 
» 


12 


do 
12 


35 
15 

» 

4-.50 

» 


27»»,50 


4'",40 
12 

27™, 50 

» 

» 


12 

H«,70 
28 


Longueur 

70.636» 

« 

71 


390 


» 


300 


1.690 


» 

45 
390 


17? 


120 

» 


190 


45 
367 

190 


1.135 
523 


Pages 


76.267"» 


224. 


193,  194. 


» 
» 


166 


55  à  58,  315,  372  à  379. 

190,  398,  403. 
132.  150,  190,  396,  426  k 
430. 

150. 
58. 


125,  423. 
205,  387. 


78,  122,  139,  407 < 
47,  48,  283,  362. 
185. 
6. 


146  4  150,441. 


183. 
220. 

45. 

146  à  150. 

24,  25,310,311 


146,  227. 

51, 104. 

146  à  150,  441. 


INDEX   ALPHABÉTIQUE    DES    RUES,    BOULEVARDS,    AVENUES,    MONUMENTS,    ETC.    BlJ 


Xfoms 

A  reporter 

GrandeRoe,  Vieille-Rue,  me  Hante,  rue  qui 
conduit  à  la  Seigneurie,  rue  des  Francs- 
Bourgeois,  et  pendant  longtemps  rue  Basse). 

Villa  du  Bedan  (TÎlla  Eugénie) » 

Rue  de  Rémtuat  (faisait  partie  de  Tancienne 

Grande-Rue  d'Autenil,  pois  de  l'ancienne 

rue  Molière) 

Ancienne  impasse  des  Réservoirs  (voir  rue 

de  Bassano  et  rue  de  Frevcinet) 

Rèserroir  de  Passy  (grand) 

Rue  des  Réservoirs 

Ancienne  impasse  de  la  Réunion  (voir  impasse 

JouTenet) 

Ancienne  rue  de  la  Réunion  (voir  rue  Joure- 

net) 

Villa  de  la  Réunion 

Rue  Ribéra  (rue  de  la  Croix) 

Ancienne  rue  Richard-  Wallace  (yoir  rue  Fran- 

çob-Millet) 

Ancienne  rue  Ai(/atMi(ToirTillade  Longcbamp) 
Ancienne  rue  du  Roc  (voir  rue  Berton).  .  .  . 

Palais  do  Roi  de  Rome 

Ancienne    avenue    du   Roi-de-Rome   (voir 

avenue  Kléber) 

Ancienne  place  du  Roi--de-Rome  (voir  place 

du  Trocadéro) 

Ancien  boulevard  AoMmt  (voir avenue  Ingres). 

Fondation  Rossini 

Orphelinat  de  l'abbé  Roussel 

Routes  départementales 

Rue  Rude 

S 

Rue  des  Sablons  (rue  des  Bornes) 

Villa  5aîd 

Rue  de  «Sa^on  (nie  de  la  Pelouse) 

Ancienne  rue  Saint-André  (voir  rue  Cima- 
rosa) 

Ancienne  me'Saint-Ange  (voir  rue  Le  Sueur). 
Ancienne  avenue  de  Saint- Cloud  (voir  avenue 

Victor-Hugo) 

Ancien  rond-point  de  Saint-Ctoud  (voir  place 

Victor-Hugo) 

Ancienne  avenue  de  Saint-Denis  (voir  avenue 

Malakoff) 

Marché  Saint-Didier 

Rue  Saint  Didier,  entre  les  avenues  Malakoff 

et  Victor-Huco  (la  partie  comprise  entre 

les  avenues  Kléber  et  Malakoff  se  nommait 

autrefois  rue  du  Télégraphe) 

pour  le  surplus  de  la  rue 

Ancienne  rue  Sainte-Claire  (voir  me  Faustin- 

Hélie 

Abbaye  de  Sainte-Geneviève  et  ancienne  mai- 
son seigneuriale  des  abbés  de  Sainte-Gene- 
viève   


Report 


8« 
6™,30 


20 

» 
» 
8 


8 

» 


Longueur 

76,267» 

880 
437 

243 

> 
184 


» 
» 

» 

» 

10 


^0 
7"»,.')0 
10 


» 


» 


10 


9™.7r5 


230 
247 


» 
» 

70 


390 
200 
100 


615 


Pages 


15,  16,  37  à  43,  315,  343» 

351,  357,  360  à  362, 
123. 


172,  178,  179. 


151 

396,'  402. 
71. 


217. 
189. 


50. 

134,  430  et  s. 


217. 
182. 

107.  109. 
123. 


88,105,106,144,318. 

122. 

87. 


79.563™ 


100, 


99,  100,  144. 


6,  14,  26,  168, 178,  201, 
212,  244  à- 247, 257,280, 
448,  491. 


5i8 


HISTOIRE   DU  XVI*  ARRONDISSEMENT 


Noms 


Repart  .... 

Ancïennerue  Sainte-Geneviève  jkXntmi  (foir 

roe  Wilhem) 

Ancienne  rne  Sainte-Geneviève,  à  Cbûllot 

(voir  rue  Keppler) 

Ancien  rond-point  Sainte-Marie  (voir  place 

da  Trocadéro) 

Ancienne  rue  Sainte^Marie  (voir  rue  de  Mag- 

deboarg)   

Institution  do  Sainte-Périne 

Ancienne  rue  Sainte-Périne  (voir  rue  Kep- 

pler).  ....  

Ancienne  rue  Saint-Georges  (voir  rue  Dela- 

roche) 

Ancienne  me  SainUHippolyte  (voir  me  des 

Sablons  et  me  Cortambeft) 

Eglise  Saint'Honoré-d'Eylau 

Eglise  Saint' Pierre-de-Ckaillot 

Ancienne  me  Saint- Pierre  (Yoir  rue  Nicolo). 

Avenue  Saint-Philibert 

Ancienne   melle  Saint-Pot  (voir  me   Da- 

vioud) 

Salle  Hnmbert-de-Romans 

Rae  Francisque-5arc^  (nouvelle) 

Manufacture  de  la  Savonnerie  ....... 

Ancien  quai  de  la  Savonnerie  (voir  quai  De- 

billy) 

École  Jean-Baptiste-Sa^ 

Rue  Scheffer  (rue du  Moulin  ou  des  Moulins), 

entre  les  rues  Vineuse  et  Bellini 

pour  le  surplus  de  la  rue 

Villa  Scheffer 

Asile  Schiïizzi 

Ancienne  me  c  qui  conduit  à  la.  Seigneurie  » 

(voir  rue  Raynouard) 

Ancienne  me  de  Seine,  à  Auteuil  (voir  me 

Wilhem) 

Ancienne  rue  de  Seine  à  Passy  (voir  me  Ber- 

ton) 

Rue  de  Siam 

Rue  Singer 

Rne  de  S  fax  (rue  Vaudoyer) 

Société  des  maisons  ouvrières  de  Passy  et 

d*Auteuil 

Société  des  terrains  de  la  plaine  de  Passy  .  . 


Largeur 
léffftle 


Société  foncière  lyonnaise 
Société  Thome 


Rue  de  Sontay(rue  Lefuel) 

Villa  Souchier,  largeur  entre  les  clôtures  des 
jardinets 

Rue  de  la  Source  (sente  des  Vignes)  .... 

Rue  Sfontini  (rae  du  Petit-Parc) 

Villa  Spontini 

Boulevard  Suchet  (partie  de  la  rue  Mili- 
taire)   

Avenue  des  Sycomores 

A  reparler  .  . 


» 
» 
» 

» 


8 
iO 

» 

» 
9»,75 


» 

» 
» 

15   ^ 

8 

10 
8 

variable. 
10 


Longueur 


79.563» 


» 


110 

» 


505 


165 

525 

83 

» 

» 

153 

108 

330 

680 

50 

1.725 
350 


Pages 


84. 

85,   139,   169,   178,  246, 
217,257,450. 


93,  94. 

6,  29,  30,  334. 

113,  114. 

100. 
166. 
13,  51,  257. 


171,  172,187,  214,  273  à 
277.  462, 

69.  70. 

70. 
212. 


50. 

58,  165. 
42,  109. 
164. 

223. 

88,  89,   91,  92,  99,  100, 

106.  114. 
164. 
84,85,  116,130,139,140, 

150  à  152. 
165. 

69. 
195. 

88,  101. 
101,  164. 

112, 113,  203,  4i0, 
205. 


84.349« 


INDEX  ALPHABÉTIQUE   DES   RUES,   BOULEVARDS,    AVENUES,    MONUMENTS,    ETC.     BlÇ) 


Xfomt 


Hepori 


Rue  Talma  (me  Neove-Bois-ie-Vent) .... 

Ancien  chemin  da  Tas-de-Cailhux  (loir  rae 
Chardon-Lagtehe) 

Ancienne  rae  da  lélégraphe  (foir  rae  Saint- 
Didier) 

Temple  protestant  (voir  rae  Cortambert).  .  . 

Roe  Téniers  (sente,  pais  rae  de  l'Egoat)  .  . 

Théâtre  Rossini 

Rue  ThéophiU'Gautier  (partie  de  la  rae  du 
Point-du-Jonr) 

Roe  Tkéry 

Fondation  Thiers 

Ancienne  rae  des  Thierrées  (voir  rae  de  l'An- 
nonciation)  

Avenue  des  Tilleuls 

Ancienne  rae  des  lombereaux  (voir  rae  de 
l'Assomption) 

Rue  de  la  Tour  (chemin  des  Moines,  puis  rae 
dn  Moolin-de-la-Tour) 

Villa  de  la  Tour^  largear  entre  les  clôtures 
des  jardinets 

Ancienne  rae  des  Toumelles 

Ancienne  nielle  des  Tourniquets  (voir  rae  Rizet) 

Rue  de  Trakiir  (rae  de  Bellevue) 

Ancienne  impasse  7rt6au(e(  (voir  rue  Greuze). 

Avenue  da  Trocad^ro  (avenue  de  rEmpereur). 

Parc  du  Trocadéro 

Palais  du  Trocadéto 

Place  du  Trocadéro  (rond-point  de  Sainte-Ma- 
rie, ensuite  place  du  Roinde-Rome),  rayon  de 

Ancien  château  de  la  Tuilerie 

Ancienne  rae  de  la  Tuilerie  (voir  rae  La  Fon- 
taine)  


Ancienne  rae  de  V  Union  (voir  rae  Pierre- 
Charron)  

Union  d'assistance  du  XV1°  arrondissement. 

Ancienne  avenue  Uhrich  (voir  avenue  du  Bois- 
de-Boulogne) 


Rue  Van-Loo  (rue  du  Bac) 

Rue  de  Varize 

Ancienne  rae  Yaudoyer  (voir  rue  de  Sfax).  . 

Rue  Verderet  (rae  ifêrodée,  rae  Merderée,  rae 
Merderet) 

Rue  des  Vernis,  supprimée  par  la  création  de 
Tavenue  du  Bois-de-Boulogne 

Avenue  de  Versailles  (route  de  Versailles, 
partie  de  la  grande  route  de  Paris  à  Rayonne 
par  Versailles,  Tours  et  Bordeaux)  .... 

Avenue  Victor-Hi^o  (avenue  Charles-X,  ave- 
nue de  Saint- Cloud,  partie  de  la  route  dépar- 
tementale n^  64,  avenue  d*Eylau) 

Place  Victor- Hugo  (rond-point  Charles- X,  de 


Largeur 


8 


m 


» 

» 


20 
12 

10 


variable. 

4™ 

» 

8 

» 

40 

» 

8i 

» 


A  reporter 


8 
12 

» 

8 


25«,i0 


36 


Longueur 


84.349" 
93 


» 

120 

» 

550 
545 


280 

» 

1.245 

68 

» 
50 

910 


» 


130 
300 

» 

50 


2.185 


1.765 


Pages 


111 


106. 
197. 
66. 

172.  177,  219,  220. 

155. 

99. 


•♦  t 


■•>  < 


205. 


62  à  66,  315, 382, 385, 387. 

156,  157. 

» 

87. 

129  à  135,  435. 

134,  135,  315. 

134, 135,  315, 322,  323. 

134,  135,  433,  436. 
181,  201,  202. 

179  à  182. 


190. 


197. 

211,  212. 
164. 

189. 

121. 

16.  189,  190.  479. 

89  à  91.  144,407. 


92.640» 


520. 


HISTOIRE   DU   XVI*   ARRONDISSEMENT 


Noms 


Report  .... 

Saint-Cloud,  des  Bassins,  de  la  Plaine,  de 
mippodrome,  d*Eylau),  rayon  de 

Ancien  chemin  da  Vieux-Pont-de- Sèvres  (voir 
me  f^  Marais) 

Rue  des  Vignes  (chemin  des  Vignes  et,  de  1876 
à  1877,  nie  Iloudon) 

Ancienne  rue  des  Vignes  (voir  rae  Bois-le- 
Vent,  roe  Pierre-Gnérin  et  rae  de  la  Source) . 

Rue  ViUebots-Mareuil,  nouTelIement  dénom- 
mée  

Rue  de  Villejust  (rue  Pauquet-de-Villejast)  . 

Rue  Vineuse 

Rue  Virgile  s  supprimée  par  la  création  de 
Tavenue  Henn-Martin 

Monastère  royal  de  la  Visitation 


Rue  Ffto/  (la  partie  comprise  entre  la  rue 
Nicolo  et  la  rue  de  la  Tour  appartenait  au- 
trefois à  la  rue  des  Carrières) 

Impasse  Voltaire 

W 

Rue  Weber  (rue  Nilson) 

Rue  Wilhem  (sentier  des  Arches,  rue  Sainte- 
GenevièTe,  rue  de  la  Montagne,  pois  rue  de 
Seine),  entre  le  quai  d'Auteuil  et  TaTeniie 

de  Versailles 

entre  FaYenue  de  Versailles  et  la  rue  Char- 
don-Lagache 


Rue  de  V  Yvette  (sente  du  Four). 
Rue  Yvon-de-Villarceait  .  .  .  , 


IX>NGUEUR   TOTALE. 


Largeur 
légale 


50» 
10 


10 
9'»,60 


Longueur 


92.640" 


9 


10 


6 
12 


12 
12 


490 


> 

65 
470 
350 


345 
45 


200 


420 


194 
90 


95.309'« 


Pages 


91  à  94. 


48  à  50. 

48. 

132,  166. 
97,  144. 
14,  44,  45. 

132 

11  à  14,  26,250,258,259 
à273,  418,  431. 


110,  111. 
183. 


165. 


178. 


220. 
165. 


INDEX   ALPHABÉTIQUE 


DES  PERSONNES  DONT  LES  NOMS  SONT  CITÉS  DANS  L'OUVRAGE 


Abrantès  (Mme  d*),  290. 
Aboat  (Edmond),  463. 
Acollas  (René),  470. 
Adeline  (Mlle),  445. 
Adolphe  Y  von  (voir  Ytod). 
Affre(Mgr),20t.- 
Agaesseaa    (famille  d*),   448, 

474  à  476,  484,  485,  34S. 

<249.  390,  464,469  et  sui?. 
Aigoin  (Loais),  57. 
Alembert  (d*),  S88. 
Alboni,  465,  383. 
Aldroff,  architecte,  99. 
Alesso  (André  d*),  7. 
Alexandre  P"  (le  tsar),  52,  374. 
Aligre  (famiUe  d*),  242,  390, 

484. 
AUouard,  architecte,  449. 
Alphand,  87,  447,  449,  420, 

443,  203,  205,  240,  249, 

406.  408etsuiv.,446. 
Alphand  (Charles),  449. 
Alzon  (d*),  204. 
Amovet,  444. 
/Tmpère,  447. 

Anceaame,  adjoint  de  Passy,  35. 
Andiaa  (Mme  d*),  485. 
Andral  (le  docteur),  94 . 
Andrieax,  466. 
André  Chénier(Toîr  Chénier). 
Angennes  (Jalie  d'),  434. 
Angivilliers  (comte  d'),  346. 
An^oaléme  (dac  et  duchesse  d'), 

434. 
A nned* Autriche  (reine),  4  4 ,  254. 
Anne  de  Bretagne  (reine),  7. 
Antier  (MUe),  470,  446. 
Antin  (duc  d*),  43,  274, 275. 
Antoine  (le  jardinier  de  Boilean), 

484,  464,  474  à  473. 
Appert  (le  général),  146. 
Arçon  (le  général  d*),  484, 474. 


Argenson  (d*),  287. 
Argencourt  (Mlle  de  La  Motte  d') 

(voir  Motte  d*Argenconrt). 
Argentiére  (d*),  seigneur  de  Pas- 
sy, 249. 
Arlandes  (maronis  d*),  24,  309. 
Armengaud,  393. 
Armenonville  (Fleuriau  d'),  49, 

296,  301 . 
Arnaud,  directeur   de  Thippo- 

drome,  92. 
Arnaud,  statuaire,  429. 
A  moud,  architecte,  463. 
Arnould  (Sophie),  53,  374, 430. 
Arsène  Houssaye  (voir  Houssaye). 
Artois  (comte  d*),  puis  Charles  X, 

24,  90,  94,  416,  445,  482, 

330,447. 
Ary  Scheffer  (voir  Scheffer). 
Aubert  (Fabbé),  336. 
Auhert,  architecte,  406. 
Aubert,  membre  du  Cx>nseil  des 

Cinq-Cents,  328. 
Aubry  (Jacoues  d*),  426. 
AubussoQ  de  La  Feuillade  (d*) 

(voir  Feuillade). 
Aucoc   99 

Audebrand  (Philibert),  375. 
Audmot,  24,  314. 
Auersuedt  (dac  d'),  52. 
Auge  de  Fleury,  maire  de  Passy, 

35,  44,  250. 
Augier  (Emile),  57,  92,  423. 
Aumont  (duc  d*),  42,  45,  409, 

390. 
AuviUain,  maire  d*Autenil,  248. 
Ayen  (duchesse  d'),  465. 


Babinet,  ingénieur,  2,  94,  95, 

453.  458,  463,  249,  220. 
Bachaumont,  286. 
Baguenault,  50. 


Bailleux,.2l2. 

Bailly,  maire  de  Paris,  440,  327. 
Balzac,  42,  440,  360  à  362. 
Bamberaer  (Edmond),  66. 
BandevUle  (la  présidente  de),  34, 

334,  335. 
Barabant,  ingénieur,  249,  220. 
Barbantane  (Mme  de),  292,  485. 
Barbier  (Mme),  362. 
Bardoux,  ancien  minisire,  99. 
Barillet'Descbamps,  420,  409. 
Bamabites,  45,  283,  284. 
Barra  (Mme),  335. 
Barrail  (général  du),  407. 
Barras,  34,  32. 
Barraud,  478. 
Barre,  353. 

Barré,  curé  d'Auteuil,  394. 
Barrias,  92. 
Bartet,  ingénieur,  95,  453,  458, 

459,  495,  249,  369. 
Barthélémy,  archéologue,  203. 
Barthélemy-Saint-Hilaire ,    99, 

426,  424. 
Bartholdi  (baronne),  357. 
Barye,  sculpteur,  52. 
Bashkirtseff  (Mlle),  73. 
Basilewski  (comte),  443. 
Bassano  (duc  de),  454. 
Bassomplerre,  8  à  44,  250,  253 

256,  390. 
Baudry  (colonel),  449. 
Bastien-Lepaf^e,  peintre,  223. 
Bavière  (Louise-Marie,  princesse 

palatine  de),  264. 
Bazaine  (maréchal),  445. 
Beaudard  de  Saint-James,  tré- 
sorier, 394. 
Beaufort  (duc  de),  264. 
Beaumont  (Mgr  Christophe 'de), 

444. 
Beaupré  (Mlle),  445. 
Beaure,  437. 
Beauvallet,  69,  383. 


522 


HISTOIRE   DU  XVr   ARRONDISSEMENT 


Beauvau  (maréchal  de),  327. 

Beau  vais  (Mme  de),  S65. 

Béchet,  164. 

Bechmanu,  ingénieur,  2,  «S96. 

Beetboven,  37,  342. 

Bébague,  li2. 

Belgrand,  ingénieur,  396,  398, 

Bellanger,  372. 

Bellini,  86. 

Belloy  (cardinal  de),  152. 

Bénédictins  d'Auteuil,  195. 

Bénière,  coré  de  ChaiJIot,  334. 

Bénit,  36. 

Benoit,  maire  d'Auteuil,  174, 
176,  192.  203,  248,  456, 
461,  470. 

Bénoarille,  127. 

Béranger,  40,  45,  70,  376,  377, 
497. 

Berget,  156. 

Bérmghen  (de),  301,  302,  391. 

Berlioz,  161. 

Bemage  (Louis  de),  481. 

Bernard  de  Boulainvilliers  (mar- 
quis), 46,  18,  19,  101, 
102,  103,  249.  287,  391. 

Bernard  de  Bieux,  16,  103, 
249,250,391. 

Bernard,  ingénieur,  211,  369. 

Bernard  (Samuel),  16. 

Bemu,  15,  25. 

Berryer,  60,  380,  389. 

Berry  (duchesse  de),  fille  du  Ré- 
gent, 19, 296, 299, 300, 301 , 
381. 

Berry  (duchesse  de),  née  prin- 
cesse de  Naples,  24.  392. 

Berthelot  (André),  79. 

Bertin,  trésorier,  391. 

Bertinot,  58. 

Berton  (Henri  Montan),  50. 

Bertram,  évéque  du  Mans,  5. 

Beugnot  (le  comte),  371. 

Beurlier  (abbé),  curé  d'Auteuil, 
70. 176,  182,  183,  248. 

Bianchon,  217. 

BieuTeniie,  ingénieur,  79. 

Bige.  86,  88. 

Bigottini,  50,  383. 

Binet  de  la  Bretonnière,  445, 
465. 

Bizet.  82. 

Blanc,  166. 

Blanche,  conseiller  d*Etat.  435. 

Blanche  (docteurs).  51.  72. 221. 

Blanchard.  415. 

Bianchon  (docteur),  187. 

Blois  (Mlle  de).  269. 

Blondean,  338. 

Bloiiet.  architecte,  75,  404  et 
suiT. 

BlQcher  (maréchal),  370.  371. 

Boileau.  183  à  185. 464  et  suiv., 
471  à  473. 

Boileau  (Jardinier  de)  (voir  An- 
toine). 


Boigne  (Ch.  de),  24. 
Boitelle,  155. 
Bolingbroke.  259. 
Bologne  (Jean).  48. 
Bonaparte  (général)  (voir  Napo- 
léon I«'). 
Bonaparte  (prince  Pierre^,  170. 

Bonaparte  (prince  Roland),  140, 

394. 
Bonnat,151. 

Bonnemains  (baron  de),  251. 
Bonnemains  (vicomtesse  de),  393. 
Bonnet,  ingénieur,  92,  102. 
Boreax,  ingénieur,  2,  51,  91. 

163. 
Borgnis-Desbordes  (général),  70. 
Boscheron-Saint-Ange,  88. 
Bosio,  statuaire.  57,  222. 
Bossuet,   11,  266,  270,  271, 

473. 
Botrel,  architecte,  101,  166. 
Boucher,  peintre.  303.  474. 
Boucheron  (Fabbé).  47. 
Bouchot,  peintre,  139. 
Boudon,  194,  207. 
Bouifé,  103,  104,  182,  383. 
Boufflers  (famille  des),  203, 204, 

205,  445,  459,  461,  480  à 

490. 
Bouille  (le  général  de),  115. 
Boujeot  (Jacques),  465. 
Boulainvilliers  (marquis  de),  (voir 

Bernard  de  Boulainvilliers). 
Boulanger  (le  général),  145. 
Boulé,  ingénieur,  366. 
Boullée,  114. 
Boulton  (Mathew),  427. 
Bourbon  (abbé  de),  339. 
Bourbon  (duc  de).  45,  184. 
Bonrdais,  architecte,  134. 
Bourdaloue,  184,  243. 
Booré  (Mlles),  174,  215. 
Bourgogne  (duc  et  duchesse  de), 

19. 
Boumon   (Femand),   26,   174, 

395. 
Boossard,  architecte,  189. 
Bouvard,  87,  229,381.  407. 
Bouvenne  (Aglaus).  393,  395. 
Bonwenz  van  den  Goyen,  archi- 
tecte. 165. 
Brack,  88. 
Brancas  (colonel  Dioville,  comte 

de),  53. 
Brancas  (famille  de).  296. 
Bran  de  Saint-Pol-Lias,  119. 
Brazier,  42,  45. 
Bressant,  67.  383. 
Bret.  ingénieur,  2.  51,  91, 163. 
Briant,  42. 

Brienne  (comtesse  de),  181. 
Brienne  (Loménie  de),  324. 
Brière,  architecte,  83,  112. 
Briffe  (famille  d'Armand  de  la) 

seigneur  de  Passy,  249,  251. 
Briouve,  199. 
Brocard  de  Barillon  (du)  481. 


Broglie  (prince  de),  355. 
Brohan  (Augustine).  91,  201, 

383. 
Brossard  d*Inval  (Mme),  89. 
Brossette,  471. 
Brou  (Mlle  MeiUeret  de)  201 . 
Bugeand  (maréchal),  95. 
Buliion  (Mlle),  259    et  suiv.. 

267,  273. 
Barnouf,  424. 
Bussy  (de),  187. 


Cabal,  notaire,  19. 

Cabanis  (le  sénateur),  169, 170, 

203,  222,  392,  456,   457, 

459,461. 
Cacheux  (Emile),  223. 
Cadoudal  (Georges),  54. 
CaU.  101,  159,187,  194. 
CaUhava,  335. 
Caillot,  487. 
Gain,  conservateur,  466. 
Calabre  (Mme  de),  445,  465. 
Galonné,  11,  324. 
Calsabigi  (de),  357. 
Campan  (Mme),  304. 
Camulogéne,  279,  491. 
Capefigue,  16. 
Gaplain,  166. 
Capon  (Gaston),  32. 
r.apron,  88. 
Carignan  (prince886de),219,220, 

461. 
Carlos  (Don)  (voir  duc  de  Madrid). 
Carmouche  (Mme)  (voir  Vertpré). 
Camot  (général),  40,  181,  471. 
Carnot(Mme),  72,  404. 
Camot,  président  de  la  Repu* 

bliqoe,  61,  109,  202. 
Carochez.  opticien,  338. 
Carpeau.\.  187,  218,  477. 
Casa-Riéra  (le  marquis  de),  216, 

224,  496. 
Casimir-Perier  (voir  famille  Ca- 

simir-Perier). 
Gassard,  145. 
Castellane   (comte  et  comtesse 

Boni  de).  122. 
Castiglione  (comtesse  de).  110. 
Gastii!e(M.  etMme).252. 
Castries  (abbé  de),  300. 
Catelan,  295. 

Gaulaincourt,  duc  deVicence,!  85 
Cavalier .  161. 
Cerisi  (Jean  de),  7. 
Cerrito  (Fanny),  383. 
César  (Jules),  279,  493. 
Gessard.  123. 

Cessiat  (Mlle  de)  (voir  Lamar- 
tine). 
Chabert.  ingénieur,  220. 
Chabot,  454. 
Chabrol,  112,  127. 
Chahu  (Claude),  15,  45.  103, 

166,  249,  250,  280,  496. 


INDEX   ALPHABETIQUE    DES   PERSONNES   NOMMEES   DANS   L  OUVRAGE 


523 


Chaha    (Christine  de   Heurles, 

dame),  45,  46,45,  i03,  280 

4  283.362,497. 
Cbalgrin,  75,  87,  405. 
Chamboran  (baron  de),  137. 
Chambord  (le  comte  de),  330. 
Chamfort,  470,  485,  222,  424, 

446,  457. 
Cbamillard,  46. 
ChamUlard  (Mlle  de),  484. 
Champmeslé    (la),    257,    342, 

383,-463  et  suif.,  468  et  saÎT. 
Champvallon  (de  Harlay  de),  238, 

242,  497. 
Chanez  (le  général),  206. 
Chandebois,  24  et  difers. 
Chantai  (Mme),  264,262. 
Chanzy  (le  général),  89. 
Chapelle,  484. 
Chaptal,  346. 

Chapa,  statuaire,  464,  224. 
Chardin,  458. 
Chardon -Lagache,  470,  245, 

246,  445,  462,  495. 
Charlemagne  (femperear),  365. 
Charles  I*'',    roi  d*Angleterre, 

258.  272. 
Chartes  IX,  49,  304. 
Charles  X  (Toir  comte  d'Artois). 
Charmes  (Xavier),  444. 
Charron  (Pierre),  446. 
Chartres  (dac  de),  292  et  suiy., 

309. 
Charrean,  avoué,  202. 
Chassagne  (docteur),  449. 
Chateaubriand,  447,  448. 
ChAteauroux  (duchesse  de),  303. 
Chanvet  (l'abbé),  47. 
Chauvet,  architecte,  407. 
Chénier  (André),  48,  222,  362 

à364,424,  486. 
Chénier(Marie-Joseph),294 ,486. 
Chenu  (docteur),  365. 
Chéradame(Mme),29i. 
Chéri  (Rose)  (voir  Montigny). 
Oievalier  (chanoine),  394. 
Chevallier  (Michel),  424. 
Chevallier,  conducteur  des  ponts 

et  chaussées,  94,  453. 
CheviUé  (Ch.  de).  464. 
Cheysson,  223,  388. 
Chiévres  (de),  lOi. 
Chirac,  300. 
Chochod-Lavergne  (Mme),  449, 

484,483,420. 
Cboiseul-Praslin  (famille)   (voir 

Praslin). 
Chollet,  403,  383. 
Choquet,  ingénieur,  453. 
Chooard  (Louis),  480. 
Cimarosa,  96. 
Qaretie  (Léo),  33,  457,  463, 

203,  444. 
Claude  Chahn  (voir  Chahu). 
Claude  Lorrain,  202. 
Qaude  Vignon  (Mme),  66,  07, 

389. 


Claude  Bonneau,  72. 
Clermont-Tonnerre  (famille  de), 

24,86,305. 
OoUire  II,  5. 

Clovis  Hugues  (voir  Hu^es). 
Coade,  conseiller  municipal  de 

Passy,  35. 
Colardeau  (le  poète),  470,  242, 

445  et  soiv. 
Colbert,  43« 

Colbert  (!^uise-Antoinette),272. 
Collongettes,  70. 
Colle,  446. 

Cofflbalot  (l'abbé),  204. 
Oiminet,  88. 
Commines  (Philippe  de),  8,  250, 

253. 
0>ndamine  (la).  47. 
0)ndé  (les  princes  de),  42,  45, 

222. 
Condorcet,  470, 424 ,  452  et  suiv. 
Constant,  434 . 
Constantin,  88. 
ConUt  (Mlle),  41 . 
Conti  (princes  et  princesses  de), 

42,  484.  482,  483,  485. 
Copernic,  97. 
Coquelin,  422,  383. 
CorneiUe,342,  472. 
Corot,  peintre,  459,  249. 
Corot  (le  frère  du  peintre),  464. 
Cortambert(le8),  géographes,  72, 

406,444. 
Corvetto  (le  comte),  304. 
Cosnard,  88. 
Cothenet,  444. 
Cotte  (Robert  de),  43. 
(touche,  ingénieur,  396. 
Coulomb,  architecte,  407. 
Coulon,  vice-président  du  Con* 

seil  d'Etat,  490. 
Courant  (Maurice),  394. 
Courbée,  464. 
0)urbet  (amiral),  464. 
Courbet  (Gustave),  peintre,  464. 
Courtavet  de  Pezé  (marquis  de], 

304. 
Couteulx  de  Canteleu  (Le),  202, 

459,  464. 
Contelle  (le  colonel),  474,  474. 
Coûtons,  88. 
Créciat,  35. 

Crémieux  (Adolphe),  58. 
Oétet,    directeur    général   des 

ponts  et  chaussées  et  ministre 

de  l'Intérieur,  468,  464. 
Crevaux,  464. 
Croiset,  99. 
Croizette  (Sophie),  73. 
Cuissard,  499,  200. 
Curés  d'Auteuil  (liste  des),  2 47, 

248. 
Curés  de  Passy  (liste  des),  248, 

249. 
Curmer,  éditeur,  393. 
Cuvelier  (Mme),  224. 
CuvilUer-Fleury,  449. 


Dacier,  484. 
Dagobert  (le  roi),  365. 
DaUoz(Paul),  422,203. 
Dalou.  87,  446. 
Daly  (César),  449. 
Daucourt  (famille)  (voir  de  Fon- 
taine). 
Dangeau  (marquis  de),  224. 
Darcel,  ingénieur,  94, 424, 430, 

443,  447,  247. 
Darcy,  ingénieur,  396, 
Daru  (le  comte),  432, 
Danmas,  368. 
Danmier,  222. 
Daunou,  454. 

Dansset,  conseiller  municipal,  92. 
Dauvergne,  maire  de  Passy,  425, 

250,424. 
Dauvergne  (A.),  34. 
Dauvei^e  (H.),  422. 
David  (Félicien),   compositeur, 

200. 
David  (Louis),  peintre,  70. 
Davioud,   architecte,  55,  434, 

409. 
Davoost  (maréchal)   (voir  duc 

d'Auerstaëdt). 
Debilly  (général),  54. 
Debressenne,  architecte,  46. 
Debrie,  architecte,  57. 
Debroosse,  455. 
Debry,  membre  de  la  (inven- 
tion, 454. 
Debucourt,  peintre,  graveur,  42. 
Decamps,  peintre,  67,  68. 
Decou  (Renoist),  212. 
Deffand  (Mme  du),   482,  485. 
Delacroix  (Eugène),  peintre,  69. 
Dehaynin,  465. 
Delan>nUine,  sculpteur,  370. 
Delahoussaye  (Mme),  35. 
Delapalme,'  noUire,  437,  459, 

487,  248. 
Delaplanche,  abbé,  48. 
Delaroche,  peintre,  425. 
Delessert  (famille),  46,  34,  36, 

40,  74,  72,  457,  250,  343, 

à  356,  392. 
Delespine  (Jules),  404. 
Delestre-Poirson,  directeur   du 

Gymnase,  384. 
Delfaut,  244. 
Delibes  (Uo),  465. 
Delmas,  architecte,  83 . 
Demagnv»  73. 
Demidoff  (prince  Paul),  34,  220, 

344,  376. 
Dennery  (M.  et  Mme).  121 . 
Depontaillier,    curé    d'Auteuil, 

476,  248,  496. 
Desaix  (général),  40,  368. 
Désaugiers,  494,  495,  478. 
DesbordesValmore  (Mme),  425. 
Deshayes,  424,442. 
Desjardins  (Arthur),  404. 


524 


HISTOIRE   DU   XVI*  ARRONDISSEMENT 


Destntt  de  Tracy  (voir  Tracy). 

Deyanx,  368. 

Deyeuz,  107,  340. 

Diaz  (Narcisse),  179. 

Diderot,  170,  288. 

Didier,  88. 

DidoQ  (le  père),  100. 

Diébolt,  stataaire,  129. 

Dieti-Monnin,  sénateur,  223. 

Domard,  404. 

Doninl  (Auguste),  iogénieur.  3, 
324.370, 381 ,  395  à  40  i,  440. 

Dooizetti,  206. 

Dorimieux,  70. 

Dorveao,  94. 

Dosne  (famille),  88,  99,  101. 

Donay  (général),  45. 

Donvain  (Pabbé),  curé  de  Passy, 
47,  248. 

Duban,  architecte,  115. 

Dubois  (le  commandaDt),  182. 

Ducatel,  204. 

Dnehayla,  216. 

Duchesne  (Gaston),  5,  119. 

Ducis.  174,175,  243,  471. 

Duclos,  285,  288,  301. 

Docouz,  354. 

Ducreuzet,  115. 

Dnfrénoy,  127. 

Dumas  (Alexandre),  464. 

Dumersan,  Tandevilliste,  42. 

Dumesnil  (Mlle)  83,  383. 

Dumilâtre,  statuaire.  148. 

Dumont-dTrviUe,  145,146. 

Dumoulin,  architecte,  112. 

Dumonstier,  97,  109. 

Duperré  (amiral),  152. 

Dnperron,  conducteur  des  Ponts 
et  (haussées,  211. 

Dupin  (famille),  16. 

Dupont  (Pierre),  maître  à  la  Sa- 
Yonnerie,  13,  273. 

Dupont,  123. 

Duprez,  66,  383. 

Dupuit,  ingénieur,  396. 

Dupuy  (Aorien),  inspecteur  gé- 
néral, 145,  499. 

Dupuy  (Charles),  architecte,  381 . 

Dureau  (architecte),  83. 

Duret,  57. 

Dussault,  maire  de  Passy,  72. 

DuTal,  126. 


Eglise  (comte  Fernand  de  1*),  13, 

19,119,277,298,  300,414 

&  416, 431. 
Egmont-Pignatelli  (comtesse  d*), 

50. 
Elisabeth  (Mme),  sœur  de  Louis 

XVI,  168,  222,  375,  446. 
Emile  OUiYier  (Mme),  137. 
Empain  (Edouard),  79. 
Rntragues  (Mlle  de  Balzac  d'), 

254. 
Epinay  (Mme  d*),  139,  391 . 


Erard  (famille),  23,  298,  304. 

Erianger  (baron  d*),  142, 155, 
210,  2H. 

Errienx  (Mlle  d'),  373. 

Estaing  (amiral  d*),  34,  123, 
146,  391,  420. 

Este  (Marie  d*),  relue  d'Angle- 
terre. 11,12,  267,268. 

Estrades  (fabbé  d*),  47. 

Estrées  (Gabrielle  d*),  139. 

Eugène  Delacroix  (voir  Dela- 
croix). 

Evans  (docteur),  121. 

Evrard,  maire  d'Auteuil,  195, 
248. 

Exelmans  (maréchal  comte),  218. 


Faber,  398. 
Faron  (général),  44. 
Favart  (Mme).  34. 
FausUn-Hélie,  72.  109,  125. 
Faye  (Hervé),    astronome,  73, 

107,  380. 
Fédération,  440. 
Félicien  David,  (voir  David). 
Félix   Faure,     président  de   la 

République,  161. 
Ferrari  de  Galtiéra,  159,  161. 
Ferrero,  banquier,  100. 
Ferry  (Jules),  58. 
Feuardent,  464,  487 . 
Feuillade  (comtesse  d*Aubus$on 

de  la),  169,  450. 
Feuillet  (OcUve),  163,  164. 
Fiorentino,  389. 
Flachat,  ingénieur,  205. 
Flahault  (Mme  de),  486. 
Flammarion  ((Emilie), astronome. 

156. 
Flandrin,  peintre,  126. 
Fleuret  (fabbé),  47. 
Fleuriot  de  Langle  (amiral),  298. 
Fleury  (cardinal),  285. 
Flenry  (Joly  de),  459. 
Flobert  (Mme),  137. 
Florian,  43, 103. 
Floorens,  348. 
Fodor  (Mainvielle),  383. 
Fontaine  (abbé),  182. 
Fontaine,  architecte,  133,  406. 

431. 
Fontaine,  ingénieur,  121. 
Fontaine  (Mme  de),  16,    249, 

285,391. 
Fontange  (de),  ingénieur,  195, 

219. 
Fontanien  (de),  343. 
Fon vielle  (Ulrich  de),  170. 
Forge  (Anatole  de  la),  92. 
Forges  de  Montagnac  (Henri  de) 

(voir  Montagnac) . 
Formentin, conservateur  du  musée 

Galliéra,  161. 
Formigé,  architecte  de  la  ville  de 

Paris,  381. 


Foucault,  455,  156. 
Fonlqnier,  architecte,  224. 
Fouquet,  40. 
Fouquiau,  166. 
Foumier,  224. 
Fonrteau,  proviseur,  60. 
France  (Anatole),  122,  464. 
François  de  Paule  (saint).  7* 
François  P',  115, 182. 
Franklin,  16,  42,  43,  44,  109, 

170,  452. 
Franqueville(comtede),23, 163. 
Fresnel,  ingénieur,  157. 
Fréteau,  452,  454. 
Freycinel  (amiral  de  Saulces  de), 

151. 
Freycinet  (de),  ancien  président 

ciu  conseil  des  ministres,  366. 
Frochot,  préfet  de  la  Seine,  174. 
Fruchère,  368. 
Fulchiron,  35,  39. 
Fulton  (Robert),  53. 


Gabillot,  187,  473. 

Gabriel,  architecte,  265. 

Galilée,  105. 

Galitzine  (prince),  335. 

Galliéra  (duchesse de),  459. 161. 

GambetU  (Léon),  100,  393. 

Garât,  451. 

Gariel,  128. 

Garus,  300. 

Gary  (Fabbé),  46,  248. 

(iaston  de  Saint-Paul,  54. 

Gâteau,  164. 

Gauthier- Villars  (Mme),  382. 

Gautier  (Théophile),  249,  393, 

475. 
Gavami,  107,  190,  217,  394, 

419,  461,  474  à  476,  478  à 

480. 
Gay  (Ernest),  conseiller  munici- 
pal, 404,  416. 
Gay  (Sophie).  448. 
Gayot  (Edouard),  212. 
Geneviève  (abbés  et  chanoines  de 

Sainte).6,26,392,480,481. 
Gendron,  185,  244,  445,465. 
Genlis  (Mme  de),  17,  33,  103. 

286,  288  à  295,  334,  486. 
Gennot  (GénolouGuénoi),  363. 
Genoude  (Fabbé  de),  172. 
Genty,  140. 

Georges  (RUle),  104,383. 
Georges  Y.  roi  de  Hanovre,  122. 
Gérando  (de),  451. 
Gérard  (François, baron),  peintre, 

70,  169,   200,   201,    243, 

448  et  suiv. 
Gérard  (Henri),  450. 
Géricault,  peintre,  69,  205. 
Germain,  conducteur  des  ponts 

el  chaussées,  51. 
Gibbon,  285. 
Gil-Pérez,  72. 


INDEX  alphabétique:  des  personnes  nommées  dans  l'ouvrage  525 


Gioain,  arthitecte,  161. 

Girard,  ingénieur,  396. 

Girard  (Jales),  99. 

Girardin  (Emile  de),  98. 

Girodet,  peintre,  70,  218. 

Glachant  (famille),  43. 

Gluck,  97,  378. 

Gobé,  39. 

Goblet  (René),  ancien  président 
da  conseil  des  ministres,  1 41 . 

Godard,  164. 

Godard  (Benjamin),  206,  207. 

Godbeaf,  architecte,  187. 

Goncoort  (les  frères  de),  205, 
394,  479. 

Gonzagne  ^Marie-Louise  de),  255. 

Gontaut-Biron  (de)  (voirLanzan). 

Gossec,17,  33,  103. 

Got  (Edmond),  10&,  383. 

Gonnod,  461. 

GoupU,  203. 

GoQSt,  architecte,  75,  406. 

Gonthiére,  ciseleur,  204. 

Gouvion-Saint-Cyr,  203. 

Gouzay,  115. 

Grassal,  97,  109. 

Gréard,  99,171,  188. 

Greuze,  114. 

Grével  (Mme),  39. 

Grévy  (Jules),  président  de  la 
République,  140. 

Grienenger,  142. 

Grimm,  293,  483,  486. 

Gros  (le  baron),  70,  182. 

Groucby  (famiUe),  312,  451  et 
suiv.,  465. 

Gubbay,  165. 

Gudin  (le  comte).  203. 

Guépin  (Félix j,  57. 

Guérin  (docteur),  23. 

Guérin  (Pierre),  peintre,  69, 194. 

Guibert,  archevêque  de  Paris,  94. 

Guiberl,  conseiller  municipal  de 
Passy,  124,  125. 

Guichard,  35,  123  à  125. 

Guillaumot,  316,  321. 

Guillebard,  166. 

Guillois  (Mme),  née  Roucher, 
458. 

Guillois  (Antoine),  6,  13,  15, 
119,  169,  221,  222,  243, 
256,  257,  280,  313,  373  à 
380,  421 ,  430  à  433,  445  à 
448,  451 ,  452  à  462,  463  & 
4fc*8,  471,  474,  476,  480  à 
490. 

Guimard  (Hector),  architecte, 
100,  179,  187,  214,  216, 
217. 

Guimard  (Mlle),  danseuse,  383, 
415. 

Guimet,  14J,  142. 

Guiral  (Fabbé),  47,  248. 

Gustave  Nadaud  (voir  Nadaud) . 

Guizot,  ancien  président  du  con- 
seil des  ministres,  168,  169, 
392,  450. 


Hamelin  (amiral),  152. 
Hamilton,  259  et  suiv.,  267. 
Hanotaux  (Gabriel),  ancien  mi- 
nistre, 75. 
Harcourt  (prince  d'),  257,  415. 
Uardon,  122. 
Hardonin  de  Péréfixe  (voir  Pérc- 

fixe). 
Harlay  (président  de),  11. 
Hauréau,  99,  172,461. 
Haussmann  (baron),  117,  210, 

332,  406  et  suiv. 
Hébert  (le  trésorier),  212. 
Heine  (Henri),  223. 
Helvétius,  372.    « 
Helvétius    (Mme),    169,    170, 

203,  222,  431,   458,  459, 

461,  485. 
Héna,  395. 

Hénin  (princesse  d*),  461. 
Henri  I"',  roi  des  Anglais,  6. 
HenrilV,  8, 11,13,  139,  256, 

273,  277. 
Henriette  d*Angleterre,  264. 
Henriette  de  iPrance,  1 1 ,262,272. 
Henri  Martin  (voir  Martin). 
Henriot  (Jane),  73. 
Hermant,  404. 
Hérold,  200. 
Herny,  25. 
Herran,  114, 154. 
Hersent,  386. 
Heudebert,  architecte,  92. 
Heugel,  117, 154. 
HeurUut,  113. 
Heymès  (général),  207. 
Hittorf,  architecte,  120. 
Holbach  (d*),  170. 
Hottinguer,  165. 
Houssaye  (Arsène),  34, 127,128, 

341,  374,  378. 
Houssaye  (Mme  delà),  115. 
Houssaye  (Henri),  377. 
Huber,  404,  406. 
Hubert-Robert  (voir  Robert). 
Huet,  ingénieur,  87,  159,  369, 

416. 
Huet  (le  président),  341,374. 
Huet,  propriétaire,  224. 
Hugo  (Victor),  75  à  78,90,91, 

o93. 
Hugues  (Clovis),  137,  437. 
Hugues  de  Bezançon,  évéque  de 

Paris,  6. 
Humblot,  ingénieur,  396. 
Humboldt  (de),  449. 
Hume  (David),  285,  482. 
Huyot,  architecte,  75,  406. 


iDJalbert,  H69. 
Ingres,  149,  352. 
Isabelle,  sœur  de  Saint-Louis, 
119. 


Isabey,  peintre,  218,  2(9. 
lung  (général),  112,  394. 


Jacquemart,  graveur,  101. 

Jacques  II,  12,  40. 

Jsnin  (Jules),  57,  58,  60,  165, 

334,  341, 373  à  380,  393. 
Janin  (le  président),  11. 
Janson  de  Sailly,  60,  380. 
Jasmin,  197. 

Jauré|i[uiberry  (amiral),  113. 
Jean  Bologne  (voir  Bologne). 
Jean-Jacques    Rousseau     (voir 

Rousseau). 
Jehannot,  maire  d'Auteuil,  191, 

248,  489. 
Jomini  (général),  392. 
Joséphine  (Fimpératrice),   139, 

182,  216. 
Jouaust,  éditeur,  393. 
Jourdain    (Frantz),    architecte, 

148. 
Jouvenet,  peintre,  192. 
Jouvin,  critique,  393. 
Joyeuse  (duc  de),  257,  415. 
Joyeux,  86. 

Jubainville  (d*Arbois  de),  235. 
Jubault,  466. 

Juigné  (de),  archevêque,  152. 
Juillard,  135. 
Julien  (fempereur),  426. 
Jûssieu  (Uurent  de),  117,  338. 


Keller,  inspecteur  général  des 

mines,  316. 
Keppler,  astronome,  85,  86. 
Kéralio  (de),  338. 
Kjéber  (général),  40,  143. 
Kind,  ingénieur  saxon,  438. 
Kortz,  proviseur,  60. 
Krantz,  366. 


Labiche  (Eugène),  163. 

Ubiénus,  279,  491. 

Laborde  (comtesse  de),  354. 

La  Bruyère,  184. 

La  Chaise  (le  père),  117, 

I«acoma,  335. 

La  (}ondamine  (voir  Gondamine). 

La  Croisade,    maire  d*Auteuil, 

192,  248. 
Lacrolle(rabbé),  curé  d*Au(euil, 

203,  243,  248. 
La  Fayette  (famille de),  70, 152, 

178.  263. 
La  Fontaine,  148, 180. 
Lafourcade,  409. 
La  Galisserie.  ingénieur,  211. 
La  Cuéronniere   (vicomte    de)j 

137. 
U  Harp\  291. 


526 


HISTOIRE    DU   XVI*   ARRONDISSEMENT 


Laisné,  architecte,  59. 
UUy-Tollendal  (comte  de),  461. 
Lalo,  compositear,  166. 
Lalo,  conducteur  des  ponts  et 

chaussées,  121,  130. 
Lamandé,  ingénieur,  52,  367. 
Lamare  (Marie  de),  472. 473. 
Lamartine.  70.  137,  138,  389, 

392,  437. 
Lamazou  (l'abbé),  curé  d'Âuteuil, 

176,  243,  247,  462. 
Lambalie  (princesse  de).  43,  50, 

103,  293. 
Lambesc  (prince  de),  327. 
Lameire,  peintre,  82. 
Lamoipon,  184. 
Lamothe  (comtesse  de),  203. 
Lamothe-Langon  (le  baron  de), 

370. 
Lancret,  peintre,  192. 
Langlois  (Emile),  186. 
Lanier,  133,  380,  431  et  suiv. 
Lannes  (maréchal),  113. 
La  Pérouse,  146. 
La  Poupiinière  (de)  (yoir  Poupli- 

nière). 
Largillière,  peintre,  154. 
Laroche  (Fabbé),  ou  LefebvreLa- 

roche,243,248,457,459. 
La  Rochefoucauld  (de),  255. 
La  Rochefoucauld  (cardinal  de), 

30,  119. 
La  Roche  Jacquelein  (de),  352. 
Larroumet,  416. 
Las-Cases  (comte  et  marquis  de), 

35,  58,  72,  165.  392. 
La  Tour  (Quentin  de),  peintre, 

17,  169.  287,  288,  446. 
La  Tour  d*AuTergne,  40.  356  à 

360. 
La  Tour  duPin-Gouvernet,  181. 
Laubière,  222. 
Lauerre,  112. 

Lauraguais  (comte  de).  53,  372. 
Laurent,  97,  109. 
Lauriston  (maréchal  de),  96. 
Lauzun  (ducs  de),  39,  40,  50, 

83,  300,  343,  485. 
UVallière(Mllede),ll  ,266,267. 
Laveillard  ou  La  Veillard,  direc- 
teur des  Eaux  de  Passy,  16  et 

250. 
Laveissière,  212. 
LaYoisier  (Mme),  170. 
Lavoisier,  170. 
Lavy,  100. 
I^w,  96. 
Law  (MUe),  417. 
Lazard  (F.),  6,  233. 
Lazard  (Lucien),  2. 
Leblanc,  ingénieur,  49,  50. 
Lebœuf  (Fabbé),  6,  415. 
Le  Breton,  ancien  conseiller  mu- 
nicipal, 62,  381. 
Le  Brigant,  368. 
Lechevalier  (l'abbé),  488. 
Lceonte  de  Hsle,  224,  487,  488. 


Lecourbe  (général),  40,  368. 

Ledonx,  architecte,  26,  328. 

Le  Duc  (Mlle),  414. 

Lefeuve,  423,  431 . 

Lefèvre  (Th.),  110. 

Legendre,  géomètre,  203,  243, 
452,  461. 

Le  Gouidec  de  Kerdaniel  (Fabbé), 
curé  d*ÂuteuU,  203, 243, 248. 
461. 

Le  Ray  de  Chaumont.  42.  307. 

Lekain,  111. 

Le  Maine  (Mlle),  414. 

Lemattre  (Jules),  373. 

Le  Marois  (général  comte),  202. 

Lena,  119. 

Lenoir,  lieutenant  général  de  po- 
lice, 316. 

Le  NAtre,  155. 

Léonard  de  Vincy,  115. 

Léon,  conducteur  des  ponts  et 
chaussées,  91,  95. 

Lepage  (Bastien),  peintre,  223. 

Lepemtre  aîné,  103,  383. 

Lepeltier,  conducteur  des  Ponts 
et  Chaussées,  91,  95,158. 

Le  Ragois  (Pabbé),  15,  47.  54. 

Leroux,  114,  115. 

Leroy,  physicien,  304,  327. 

Lesar,  l2o. 

Lesseps  (Ferdinand  de),d94, 425. 

Le  Sueur,  compositeur  de  mu- 
sique, 89. 

Le  Sueur,  peintre,  89. 

Le  Vachlade  (l'abbé),  curé  d'Âu- 
teuil. 241,248. 

Levasseur,  chanteur,  111,  383. 

Lévèque,  directeur  de  l'école 
Jean-Baptiste-Say,  462. 

Lévêque  (1  abbé),  maître  de  pen- 
sion, 171,  188,  212. 

Le  Verrier,  185,  465,  471. 

Le  VoisYenel,  architecte,  95. 

I^ygues,  ancien  ministre,  172. 

Lheureux,  architecte,  154. 

Liancourt  (le  duc  de),  327. 

Lié ven  (princesse  de),  117,118. 

Lippmaon,  156. 

Listz,  378. 

Littré  (famille),  424. 

Locatelli  (l'abbé),  curé  de  Passy, 
47,  94,  248. 

Lochard  (docteur),  112. 

Lockroy,  ancien  ministre,  DO. 

Lomprez,  conducteur  des  Ponts 
et  Chaussées,  153, 158, 195. 
212,  219. 

Lorges  (famille  du  duc  de),  11, 
12,  40,  50,  261,  272. 

Lorrain  (voir  Claude  Lorrain). 

Loubet,  président  de  la  Répu- 
blique, 92. 

Louis  VI,  roi  des  Français,  6. 

Louis  XI,  5,7,  238,  498. 

Louis  XII,  253. 

Louis  Xm,  13,  19,  277  à  279, 
295. 


Louis  XIV,  11,13,15,40,117, 
184,  185,  266. 

Louis  XV,  19  à  21,  34,  74, 111, 
168,  174,  287,  296,  304, 
305,  336,  339,  445  et  suiv. 

Louis  XVI,  21  à  23,  30,  44,  74. 
142,  297,  304  à  308,  309. 
327   337 . 

Louis  XVin,"  23,  52,  112,  367. 
370.  371. 

Louis-Philippe  I*^',  roi  des  Fran- 
çais, 70,  103,  107. 

Louis  David,  peintre  (voir  David). 

Lourdet,  directeur  de  la  Savon- 
nerie, 275. 

Loyseau  (l'abbé),  curé  d'Auteuil, 
184,  242,  465,  496. 

Lowendal(maréchal  de)  ,285, 446. 

Lucipia,  ancien  président  du  Con- 
seil municipal,  416. 

Luneau,  ingénieur,  366. 

Luxembourg  (la  maréchale  de), 
485. 

Luynes  (famille  du  duc  de),  50. 


Mabille,  24. 

Machault  d'Ârnouville,  304. 

Macheco.  464. 

Mac-Mabon  (maréchal  de),  45. 

Madrid  (duc  de),  58, 165. 

Magniez,  299. 

Mahieu,  conducteur  des  ponts 
et  chaussées.  153. 

Mailly  (comtesse  de),  19,  296. 

Maine  (duc  et  duchesse  du),  54. 

Maintenon  (Mme  de),  54. 

Maire  (Eugène  Le).  211. 

Maires  d'Âuteuil  et  de  Passy. 
248,  251. 

Maïstre  (Henri),  13. 

Malakoff  (duc  de)  (voir  Pèlissier). 

Malesherbes,  310,  391. 

Malézieux,  106,  114. 

Manesson-Mallet,  236,  491. 

Mancini  (Marie),  11,  265. 

Manet,  peintre,  72.  393. 

Mansard.  architecte.  11. 

Maniglier,  176. 

Mannheim  (colonel),  58,  376. 

Manuel  (Eugène),  ancien  prési- 
dent de  la  Société  historiauo 
d'Auteuil  et  de  Passy.  45, 144, 
145.  166,  362,  364.  395. 
440.  473.  499. 

Mar(Léopold).  6.7, 13.15,17, 
19,  21.  23.  25.  26.  32,  34, 
37.  39,  40.  42,  45.  47,  51, 
110,  119,  149,  183,  185, 
236,  251,  252,  256,, 273, 
279,  284,  287,  288,  303, 
304,  309,  310,  315,  335, 
338.  341,  356,  360,  362, 
364,  365^372,  382  à  385, 
390  à  395,  417,  418,  419, 
423,  426  à  430,  436, 438  et 
suiv.,  448  à  450,  473,  491, 


INDEX   ALPHABÉTIQUE    DES   PERSONNES  NOMMEES    DANS   L*OUVRAGE 


527 


Marbeaa  (l'abbé),  04. 

Marbeau  (Paal),  architecte,  30, 
94. 

Marbeaa,  fondateur  des  crè- 
ches, 427. 

Marbeaa,  trésorier,  423. 

Marceaa  (eénéral),  139. 

Mareose,  472,  479. 

Margaerite,  ingénieur,  430. 

Marguerite  de  Valois  (reine),  49, 

Marie-Antoinette  (reine),  24, 24, 

30,  97,  297,  298,  303.  305, 

306,308,314,375. 
Marie-Loaise  (impératrice),  75, 

329,  434. 
Marie-Loaise  de  Gonzagae  (voir 

Gonzagae). 
Marie-Thérèse  (impératrice),  24, 

446. 
Marie-Thérèse,  reine  de  France, 

270,  282. 
Marigny  (chevalier  de),  242. 
Marigny  (marquis  de),  74,  336. 
Marin,  254. 

Marmontel,  47, 97,  403. 
Marmottan,  maire  du  XVI^  ar- 
rondissement, 90,  448,  254. 
Marquise  (MUe),  483. 
Marsollier,  392. 
MarUn  (Henri),  404,  444,  430, 

431,254. 
Marx,  459. 
Mary,  ingénieur,  396. 
Massillon,  274. 
Maupassant  (Goy  de),  464. 
Mazarin  (cardinal),  44 . 
Médicis  (reine  Catherine  de),  44 . 
Médicis  (reine  Marie  de),  44 ,  43, 

254,  275,  426. 
Massenet,  440. 
Maugras  (Gaston),  440. 
Maze  (de),  242. 
Meissonnier,  464. 
MeUinet  (général),  335. 
Ménier,  466. 
Ménorval  (de),  243,  256,  279, 

494. 
Mentschikoff,  427. 
Mercedes  i^reine),  204. 
Mercy  d*Argenteau,  24 . 
Méric  (Louis  de),  49. 
Mérimée,  466. 
Mesdames,  filles  de  Louis  XV, 

304. 305. 
Mesnil,  4U5. 
Messier,  444. 
Mesureur,  446. 
Meurice  (Paul),  92. 
Meuriot  (docteur),  224. 
Mézeray,  257. 
Mfiyer,  466. 
Meyer  (Emile),  223. 
Micbaud,  44,  72. 
Michel  (Gustave),  statuaire,  62, 

384. 
Michel-Ange,  214. 


Michelet,  45,453,  497. 

Michon,  464. 

Migeon  (comte),  184. 

Mignard,  444,  445. 

Mignet.  99.  224. 

Millet,  peintre,  223,  224. 

Milne  (voir  Myln). 

Milloué.  442. 

Minguet,  88. 

Mirabeau,  222,  394,  396,  430, 

457. 
Miré,  372. 

Mirepoix  (maréchale  de),  483. 
Modène  (princesse  de),  374. 
Molier,  427. 

Molière,  472  à  474,  242,  257. 
Mo1in,maired'Auteuil,  492,248. 
Molitor  (maréchal),  244. 
Moncey  (général),  359. 
Monchicourt  (Mme  de),  440. 
Montagnac  (Henri  de  Forges  de), 

7,  45,  42,  92,  470,  497. 
Montausier  (duc  de),  434. 
Montépin  (Xavier  de),  67. 
Montespan  (dachesse  de),    44, 

403,  427. 
Montfort  (général  vicomte  de), 

248. 
Montgolfier,  308. 
Mont|;olfier  (les  frères),  24. 
MontiRuy  (M.   et   Mme),   66, 

383. 
Montijo  (comtesse  de),  184. 
Montmorency  (duchesse  de), 20 4, 

488,  490. 
Monrose  (Mlle),  247. 
Monval,  463. 

Moreau  (général),  33,  40,  54. 
Morel  443 
Moreliet(râbbé),470, 392, 457, 


i80,  487. 


Moret,  85. 

Morin  (Alfred),  395. 

Morisan,  24,  344. 

Morlière  (général  de  la),  338. 

Moriot  (cardinal),  94. 

Morny  (dac  de),  332. 

Mortemart  (duc  de),  44. 

Mothe (comtesse  de  la),  4 03, 288. 

Motte-d'Argencourt  (Mlle delà), 

265. 
Motteville  (Mme  de),  41,  265, 

267. 
Mouchv  (Mme  de),  299,  465. 
Mouy  (comte  de),  394. 
Mozart,  37,  453. 
Mun  (Mme  de),  485. 
Murât  (Hoi),  203. 
Mnsard,  203,  248,  464. 
Musset  (Alfred  de),  487,  493, 

344,  474,476. 
Myln,  père  et  fils,  mécaniciens,  22. 

N 

Nadaillac  (comte  de),  3.^)4. 
Nadaud  (Gustave), 33,  463,  444. 


Nansot,  448. 

Napoléon  I*''  (général  Bona- 
parte), 43,  40,  52,  75,  89, 
433,  443,  470,  484,  482, 
329,  330,  331,  346,  347, 
367,  434 . 

Napoléon  UI.  52,  354. 

Napoléon  (prince  Jér6me),  393. 

Narcisse  Diaz  (voir  Diaz). 

Navez,  conducteur  des  ponts  et 
chaussées,  249,  220. 

Navier,  367. 

Necker,  327. 

Nemours  (ducs  et  dachesse  de), 
9,  40,  94,  264. 

Nénot,  architecte,  456. 

Nerval  (Gérard  de),  378. 

Nesles  (marquise  de),  296. 

Neufchàteau  (François  de),   54. 

Neuville  (Mme  Alphonse  de),  205. 

Nicolaî  (Président  de),  390. 

Nicolas  11  (le  tsar),  64.  62,  63. 
384. 

Nicole,  410. 

Nitot,  455,  442. 

Noë  (comtesse  de),  395. 

Noèl  (le  père),  physicien,  336. 

Noir  (Victor),  470. 

Nollet  (rabbé),  physicien,  34, 
336. 

Normand,  président  de  la  Société 
des  Amis  des  monuments  pari- 
siens, 229. 

Noves  (Laure  de),  74. 


Oberlin,  369. 

Odilon-Barrot,  325. 

Ohnet  (architecte),  425. 

Orfila,  34,  335. 

Orième,  architecte,  83. 

Orléans  (duc  d\  en  4393),  6. 

Orléans  (princes  d')  (voir  égale- 
ment: le  Régent  et  Louis- 
Philippe  l^'),  58,  70,  449, 
277  (note),  292,  293,  294, 
299,  300,309,331. 

Orsini,  355. 

Oudry,  peintre,  49,  297. 


Pajol,  330. 

Pajou,  sculpteur,  55.  4i8. 
Palikao  (général  comte  de),  203. 
Pasquier  (chancelier),  468. 
Pastoret  (le  marquis  de),  48,- 

363,  392. 
Palru  (Favocat),  472. 
Paule  (Saint  François  de)  (voir 

François). 
Paulian  (les  frères),  3r)4,  357, 

358. 
Pauquet  de  Villejust,  97. 
Pélissier  (le  maréchal),  duc  de 

Malakoff.  95. 


528 


HISTOIRE   DU    XVI"   ARRONDISSEMENT 


Penthièvre  (le  doc  de),  43, 103, 

391. 
Penthièvre   (Guy  de  Bretagne, 

duc  de),  7. 
Percier,  133,  404,  406. 
Péréfixe    (archevêque  Hardouin 

de),  45,  266,  496. 
Perpolèse,  100,  101. 
Pener   (famille    Casimir),  100, 

101,  112,  178,    190,  206, 

386,  443. 
Périer  (les  frères),  395,  426  et  s. 
Pérouse,  368. 
Perrens,  membre  de  rinstitur, 

279. 
Perret '(Michel),  141. 
Perrichont,  ancien  conseiller  ma- 

nicipal,  212,  222,  461,466. 
Perronet,  74. 
Pétrarque,  71. 
Peyre,  architecte,  25. 
Philippe  (Mme),  386. 
Philippe-Auguste,  280,  426. 
Philippe  le  Bel,  64,  382,  496. 
Philippe  le  Long,  6,  176. 
Philippe  de  Commines  (voir  Com- 

mines). 
Philips,  ingénieur,  146. 
Picara,  auteur  dramatique,  40. 
Picard  (B.),  475. 
Piccinni,  compositeur,  34,  71, 

97,  111. 
Piccinni  fils,  37. 
Pichat  (Laurent),  115. 
Pichegru  (général),  51. 
Picot,  88,  99,  101,  424. 
Picquet,  88. 
Pierre  Guérin,  peintre  (voir  Gué- 

rin). 
Piscatory  (M.  et  Mme),  363. 
Pierre  le  Grand  (le  tsar),  381. 
Pigalle,  sculpteur,  285. 
Pilâtre  de  Rozier,  21 ,  308,  309. 
Piron,  480. 
Pitt  (William),  139. 
Planteau  (Mme),  187. 
Poiloux  (rabbé).  212. 
Poirée,  insénieur,  366. 
Polignac  (famille  de),  54,  303, 

307. 
Pomereu  (de),  166. 
Pompadour  (marquise  de),  19, 

53,287,297,371,376,430. 
Ponchard,  chanteur,  111,  383. 
Ponchartrain  (  de  ) ,  184. 
Ponsard,  57,  59.  378. 
Ponsondu  Terrait,  211,  387. 
Pontalba  (baron  de),  95. 
Portalis  (comtes  de),  35,  66, 

106,  392. 
Possoz,   maire  de   Passy,    35, 

125,  250,  423. 
Potin  (Emile),  secrétaire  général 

de  la  Société  historique  d'Au- 

leuil  et  de  Passy,  17,19.24, 

42,  61,  120,220,280,  314, 

381 ,  385  à  390,  394,  396, 


404  à  412,  418,  419,  427, 
428,  442,  443,  444,  451, 
462,  467,  468.  472,  474, 
475,476,491,495,496. 

Poujoulat,  44. 

PoupUnière  (delà),  1 7, 103, 251 , 
252,  284  à  287,  291. 

Pourtié  (Fabbé),  496. 

Poussin,  peintre,  205. 

Pradier  (Mme),  374. 

Prahault  de  Richebourg,  465. 

Praslin  (comte  deChoiseul-) ,  1 74, 
219,  458,  461. 

Pravaz,  médecin,  23. 

Préault,  368. 

Préfet  de  la  Seine  (voir  Frochot, 
ou  de  Rambuteau,  ou  de  Selves) 

Prévost  (rabbé),  41. 

Prévost  de  Longpérier,  70. 

Proudhon,  33. 

Prudhon,  149. 

Puchot  des  AUeurs  (Roland), 
486,  490. 


Uuatremère  de  Quincy.  42. 

Ouentin-Bauchart.  conseiller  mu- 
nicipal, 160,  393. 

Quentin  de  La  Tour,  peintre  (voir 
La  Tour). 

Quillet,  34,  36,288,418,  419. 


Rabel,  ingénieur,  369. 
Rabut,  ingénieur,  102. 
Rachel,  tragédienne,  181,  201. 
Racine,  173,  184,  311  à  313, 

463  et  s.,  468  et  s.,  472. 
Racine  (Louis),  174,  466. 
Raffet,  22C. 
Raglan  (lord),  127. 
Ragotsky  (princesse  de),  268. 
Rambuteau  (de),    préfet  de  la 

Seine    199. 
Rameaul  17, 18. 103,  284,  285. 
Ranavalo  (la  reine),  98. 
Ranelagh  (lord),  24. 
Raphaël,  148,  149. 
Raspail,  34. 

Ratisbonne  (Louis).  379. 
Raymond,  architecte,  405. 
Raymond  (docteur  Paul),  5,  15, 

216. 
Raynal  (rabbé),  41. 
Raynard,  285. 
Ravnaud    (Barthélémy),    242, 

488. 
Raymond,  75. 
Rayneval  (de),  488. 
Raynouard,  38,  39,  72. 
Récamier(Mme),  117. 118, 172, 

461. 
Reculé,  193. 
Refuge  (Gourio  de),  394. 


Regnaud  de  Saint-Jean  d'Angély 

(comte),  139. 
Régent  (Le),  19,  269,  296,301. 
Rémusat,  178. 
Renaudot,  471. 
Renant,  47. 
Rénel(de),212. 
Repentie  (Jeanne   de),  abbesse 

de  Montmartre,  6,  496. 
Résal,  ingénieur,  369.  370. 
Retz  (cardinal  de),  263,  431. 
Réveillon,  308. 
Revoit,  architecte,  85. 
Reynaud  (Léonce),  164. 
Riancey  (comte  Henri  de),  42. 

44,  71,  393. 
Riario  Sforza  (duchesse de),  380, 

387,  389. 
Ribéra,  189. 
Richard  (cardinal),  212. 
Richelieu  (cardinal  de),  8  à  10, 

205,  255. 
Richelieu    (duc    de),    ministre, 

348. 
Richelieu  (maréchal  marquis  de), 

17,  20,  285  à  287. 
Rigaud,  peintre,  15i. 
Riou  (comte  de).  301. 
Riqué,  jardinier  de  Boileau  (voir 

Antoine). 
Rivarol,  293. 

Robert  de  C^tte  (voir  0)tte). 
Robert  (Hubert),  186, 187.  203, 

421,  473. 
Rochon  (Fabbé),  304, 336,  337. 
Rocque  (Jacques),  464. 
Roëhn,  39,  103, 104. 
Rohan-Gnéménée   (prince  de), 

297. 
Roi  de  Rome,  430  et  s. 
Roland  (Mme),  451,  482. 
Roll,  peintre,  87,  416. 
Romans  (MUe  de),  34,  339,340. 

374. 
Rosambo  (Le  Pelletier  de),  391. 
Rossini,   58,    117,  118.  148, 

149,  217,  335,  388,  392. 
Rossini  (Mme),  388. 
Roty,  conducteur  des  ponts  et 

chaussées,  153. 
Roucher  (Antoine),  poète,  170. 

222,421,451,474,485. 
Rousseau,  architecte,  94. 
Rousseau    (Ernest),    ingénieur, 

91,  153, 158. 
Rousseau  (Jean-Jacques,  17, 31, 

288,  310,  482. 
Roussel,    auteur    du    plan    de 

1731    3. 
RousselO'âbbé),  182. 
Roussel  (le  sénateur),  182. 
Rouvier  (Mme)  (voir  Claude  Vi- 

gnon). 
Rude  (François),  123. 
Rumford  (comte  de),  170,  203, 

4ri2. 


INDEX  ALPHABETIQUE    DES    PERSONxNES  NOMMÉES    DANS    l'oUVRAGE 


529 


S 


Sablé  (Mme  de),  434. 

Sacy  (famille  de),  339. 

Saîd  pacha,  422. 

Sailly  (Janson  de),  /?oir  Jansoo). 

Saint-Amarand,  484. 

Saint-Aroand    (maréchal    de) , 

427. 
Saint-Didier  (M.  de],  99. 
Saint-Georges  (le  cheTalier  de), 

260. 
Saint-  Hilaire  (Barthélémy)  (voir 

Barthélémy). 
Saint-Lanne  (Emile),  472,  483, 

488,  204. 
Sainte-GenevièTe   (abbés    de) , 

(yoir  Geneviève). 
Saint-Simon  (dnc  etdachesse  de), 

40,  50,  299,  300,  343. 
Saint-Simon  (M.  de),  412. 
Saissac  (marquise  de),  50. 
Salard,  architecte,  472. 
Sales  (Saint  François  de),  264. 
Salleron,  architecte  488. 
Samson,470,471,204.383. 
Sand  (George),  46,  207,  208, 

446  464. 
Sand  (Maorice),  303. 
Sandeau  (Joies),.  163. 
Sanson,  architecte,  422. 
Sarcey  (Francisque),  466. 
Sarret,  405. 
Sarrien,  383. 

Sanvan,  architecte,  404,  407. 
Savoie-Carignan  (Ch.-E.  de),  50. 
Saxe  (maréchal  de),  470,  287. 
Say  (Jean-Baptiste),  462. 
Say  (Léon),  ancien  ministre,  99, 

488,  490. 
Scellier  de  Gisors,  architecte  du 

Sénat,  384 . 
Scheffer  (Ary),  peintre,  69,  70. 
Schilizzi  (Démétrins),  82,  242. 
Scribe  (Eugène),  409. 
Scriwaneck  (Mlle),  246. 
Sedaine,  70. 
Séguier  (chancelier),  40. 
Seigneurs  de  Chaillot,  250. 
Seigneurs  de  Passy,  249,  250. 
Seilneimer,  conducteur  des  ponts 

et  chaussées,  94,  430,  443, 

447. 
Selves  (de).  Préfet  de  la  Seine, 

92,  472. 
Sénécal,  224. 
Severo,  405. 
Siegfried,  223. 
Sieyès,  222. 
Simon  (Jules),  ancien  ministre, 

472,  488,  500. 
Singer  (Da\id),  402,  109,  114. 
Sipière,  207. 
Sisson  (Mgr),  94. 
Société  du  parc  Guicbard  (voir 

Guichard). 
Société  des  terrains  de  la  plaine 


de  Passy    (voir  Tindex  des 

rues). 
Société  Roehn  (yoir  Roëhn). 
Société  Thome  (voir  Thome). 
Soleil,  opticien,  457. 
Soobise  (maréchal,  prince  de), 

49,24,302,303. 
Souchier,  69,  456. 
Spitzer  (Frédéric),  72. 
Spontini,  compositeur,  400, 298. 
Staël  (Mme  de),  292, 486,  496. 
Stainviile  (de),  474. 
Stem  (Mme)  (voir  Croizette). 
Strada,  94. 
Strass,  459. 
Suard,  285. 
Suchet  (maréchal),  443. 
Suleyman-el-Halébi,  443. 
Sully  (Maurice  de),  évéque  de 

Paris,  6,  247. 
SuUy-Prudihomffle,  448. 
Swieten  (baron  van),  447. 
Syracuse  (le  prince  de),  25. 


Tabariès  de  Grandsaignes,  5,  6, 

45,  449,  420,  236,  253. 
Talamon,  466,  344. 
Tallemant  des  Réaux,  279. 
Talleyrand,  23,  448,484,  423, 

434,  486. 
Talleyrand  (princesse  de),  448. 
Tallien,  84. 
Talma,  444,  471,383. 
Tamiset,  413. 
Tarbé  des  Sablons,  203. 
Tardé,  24. 

Tassu,  architecte,  224. 
Tavemier  (de),  ingénieur,  219. 
Téniers,  peintres,  497,  498. 
Temaux-Rousseau,   474,   488, 

203  242. 
Temaux  (Mme),  244,  462. 
Terrier,  architecte,  442. 
Thalberg,  378. 
Thérv,  426,  455. 
Thiébaut,  fondeur,  448,  369. 
Thiers,88,  401,426,484,393. 

425,  449,  474. 
Thiers  (Mme),  99. 
Thomas,  académicien,  243. 
Thomas,  statuaire,  464. 
Thome,  84,  85,  446,430,439, 

440,  450,  454,  452. 
Thuret,  459. 
Tillière  (le  comte),  44. 
Tour  (La),  peintre,  et  La  Tour 

d*Auvergne  (voir  La  Tour). 
Tracy  (Destutt  de),  470,  243, 

454,458,462. 
Tracy  (Victor  de),  474. 
Train,  architecte,  47,  94. 
Trant  (Mme),  260. 
Tréhouart  (amiral),  86. 
Treilhard(comte),  439, 455, 392. 
Trénitz,  24,  344. 


Tobiny  (de),  30. 

Turenne,  434 . 

Turgot,  470,  391,457,458. 


Uhrich  (général),  420. 
Urbain  II  (le  pape),  6. 
l'rville  (Dumont  d*),  voir  Dumont. 


Valeotinois  (famille  de),  42,  45, 

394,  445. 
Vallière  (Mlle  de  la),  voir  La  Val- 

lière. 
Valon  (vicomte  de),  354. 
Valton  (E.),  395. 
Van  der  Meulen,  peintre,  49. 
Van  Loo  (les),  peintres  hollan- 
dais,   496,  497,   498,  285, 

303,  336. 
Vannelet,  487. 
Varé,  420,  408. 
Varin  (Adolphe),  395. 
Vaacanson,  285. 
Vaudey  (Mme  de),  484. 
Vaudoyer,  architecte,  89. 
Vaodremer,  architecte,  82, 435, 

476,  242,  242,  462. 
Vaudrey,  ingénieur,  368. 
Vauguyon  (duc  de  la),  306. 
Vautrey  (Gustave),  446. 
Verdier,  architecte,  204. 
Vergennes  (de),  486. 
Verhoeven  (Paul),  244. 
Vernet  (Mme),  455. 
Vemiquet,  84,  86. 
Vcron  (le  docteur),  481. 
Verrières  (les  demoiselles  de), 

170,  446  et  suiv.,  460. 
Vcrthamon  (de),  242,  390. 
Vertpré(Jenny), 33, 34, 64 ,  444 , 

338,  383. 
Vicaire  (Georges),  394. 
Victor  Hugo  (voir  Hugo). 
Vigée-Lebiun  (Mme),  290. 
Vignon  (MmeClande)  (voirQaude 

Yignon). 
Villarceau  (Yvon  de),  astronome, 

465. 
Ville  (Georges),  466. 
Villebois-Mareuil    (colonel  de), 

466. 
Villejust(Pauquetde)  (voir  Pau- 

quet). 
Villemain,  ancien  ministre,  66. 
VUlemessant  (de),  424,203. 
Villers  (MM.  de),  43. 
Villette  (le  marquis  de),  372. 
Vincent  de  Paul  (saint),  444. 
VirvUle  (Mme  de),  485. 
Vital,  444,  423. 
Vitet,  433. 
Vitu  (Auguste),  92. 
Vivonne  (duc  de),  440. 
Voisins  (Gilbert  de),  473. 

34 


53o  HISTOIRE    DU   XVl'*   ARRONDISSEMENT 

Volney,  451 ,  456  et  suiv.  Weber,  165.  Ytod    (Adolphe),    peintre,   66, 

Voltaire,  il  1 ,  467.  Wickersheimer,  iogéoiear,  3^2.         203,  388,  46i. 

Widmer,  ingénieur,  i02.  Ytou  de  Viîiarceau  (voir  Villar- 
-y^                         Wilhem,  478.  ceau). . 

Wahl  (Edmond), 44, 47, 33, 44,  y  Z 

449,  295. 

Walpole,  446,  481,  483,  485.     Ysabelie  II.  reine   d'Espagne,  Zimmermann,  beau-firère de Gou- 
Washington,  444,  452.                    443.  nod,  203. 


TABLE    DES   ILLUSTRATIONS 


Pages. 

Eglise  et  couvent  des  Bonshommes  ....  7 

Portrait  de  Phifippe  de  Commines 8 

Vue  de  Chaillot 9 

Catherine  de  Médicis .  ;  .  .  ; iO 

Portrait  da  maréchal  de  Lorges i2 

Paris  et  enyirons,  plan  de  4717 44 

Ancien  chAtean  de  Boulainvilliers  (château 

seigneurial  de  Passy 47 

Rameau 48 

Le  château  de  la  Muette,  sous  Ix>uis  XV.  .  20 

Premier  Toyage  aérien 2^ 

Le  bal  du  Ranelagh 25 

Extrait  du  Plan  de  Paris,  par  Roussel 

(4734)  :  Auteuil,  Passy,  Chaillot  (hors 

texte) 28 

Barras 34 

Jenny  Veripré 33 

Raynouard 38 

L'abbé  Prévost 44 

Robert  de  Cotte 43 

La  princesse  de  Lamballe 49 

Rentrée  du  roi  Loais  XYl  à  Paris 56 

Ponsard 59 

Jules  Janin 60 

Embarcadère  de  Passy 62 

Pavillon  où  le  tsar  Nicolas  II  et  la  tsarine 

ont  débarqué  le  6  octobre  4896 63 

La  tour  de  la  rue  de  la  Tour 65 

Decamps 68 

L'exposition  du  corps  de  Victor  Hugo  sous 

Tare  de  triomphe  de  TEtoile 76 

Victor  Hugo,  par  Gustave  Michel 77 

Castel  construit  dans  la  plaine  de  Passy  et 

occupé   autrefois    par    Tambassade   de 

Chine,  place  Victor  Hugo 93 

Piccinni 98 

Gavami 408 

Plan  d'Auteuil,  de  Passy  et  de  Chaillot  en 

1859  (hors  texte) 416 

Alphand 448 

Faustin-Hélie 424 

Arsène  Houssaye 128 

Henri  Martin 434 

Le  chalet  de  Lamartine 136 

Alphonse  de  I^martine 438 

Portrait  d*Eugène  Manuel  (hors  texte) ...  444 


Pa^es. 

Le  monument  de  La  Fontaine,  au  Rane- 
lagh   447 

Rossini 448 

La  villa  Rossini,  à  Passy ...  450 

Le  Musée  Galliéra 460 

Hector  Berlioz 462 

Cabanis 469 

Condorcet 474 

Molière,  par  Coypel 473 

Jean-François  Ducis 475 

Ancienne  éfim  d'Auteuil,  vers  4840.  .  .  .  477 

Jean  de  La  Fontaine 480 

Boileau- Despréaux 484 

Hubert  Robert,  peintre 486 

Louis-Michel  et  Jean-Baptiste  Van  Loo.  .  .  496 

Carie  Van  Loo 498 

GeorseSand 208 

Façade  sur  le  jardin,  en  4800,  de  la  pro- 
priété, me  d'Auteuil,  46.  ......  .  213 


ANNEXES 

Vue  de  Tancienne  église  d'Auteuil 238 

Porte  d'entrée  de  Tancienne  église  d'Auteuil  239 
Clocher  de  Fancienne  église  aAuteuil .  .  .  239 
Vue  de  T abside  de  Tancienne  église  d'Au- 
teuil    240 

L'ancienne  église  d'Auteuil  au  xvii«  siècle.  244 
Armes  de  l'abbaye  royale  de  Sainte-Gene- 
viève    245 

Armes  du  marguis  de  Boulainvilliers  .  .  .  249 
Armes  de  Philippe  de  Commines  et  du  ma- 
réchal de  Bassompierre 250 

Portrait  de  Bassompierre 254 

Armes  du  maréchal  de  Lorges 264 

Henriette  de  France,  d'après  Van  IMck.  .  .  262 

Vue  du  couvent  des  Bonshommes,  vers  1 760  263 

La  Savonnerie  au  xvii«  siècle 273 

Dé  Pardaillan,  duc  d'Antin 274 

Armes  du  duc  d'Antin 275 

Atelier  de  la  Savonnerie 276 

Louis  XIIl  en  1623 277 

Christine  de  Heurles,  dame  Chahu 284 

l.e  Riche  de  la  Pouplinière 286 

Madame  de  Genlis  vers  la  tin  de  sa  vie  .  .  290 


534 


HISTOIRE    DU    XVr   ARRONDISSEMENT 


Pages. 

Rue  Copernic,  roe  de  Villejust  et  nie  Paa- 

quet 97 

Roe  des  Belles-Feuilles 98 

FpndatioD  Thiers  et  roe  Saint-Didier  ...  99 
Marché  Saint-Didier,  roe  Pergolèse,  rue  et 

villa  Spontini 100 

Rue  Dosne,  rue  Picot,  pont  de  Grenelle  et 

rue  de  Boulainvilliers iOi 

Chemin  de  fer  de  Courcelles  au  Champ-de- 

Mars 402 

Cité  de  BoulainTilliers i03 

Roe  du  Ranelagh  et  rue  Galilée i04 

Rue  Mesnil  et  rue  des  Sablons 105 

Rue  CorUmbert  ; 106 

Temple  et  chapelle  de  la  rue  Cortambert.  .  106 

Rue  Gavarni 107 

Rue  Singer,  rue  Newton  et  rue  Auguste- 

Vacqoerie 109 

Rue  Nicolo  et  rue  Vital 110 

Rue  Lekain  et  rue  Talma 111 

Bue  de  la  Faisanderie,  boulevards  Lan  nés 

et  Suchet 112 

Cité  des  Belles-Feuilles,  rue  des  Marronniers 

et  avenue  Saint-Philibert 113 

Passage  Cothenet ,  rue  Greuze  et  rue  Leroux .  114 
Rue  Duban,  rue  Léonard-de- Vinci  et  rue 

Pierre-Charron H5 

Villa  Aimée 116 

Plan  d'Auteuil,  Passy  et  Chailht  en  i859, 

c'est-à-dire    immédiatement    avant  Tan- 
nexion, 

3^  ROES   OUVERTES  DE    1851    A    1901,    DANS    LES 

QUARTIERS  DE  CHAILLOT,  DE  LA  MUETTE  ET  DE  LA 
PORTE-DADPHINE. 

Boulevard  Beauséjour 117 

Bois  deBoulo|pe 119 

Avenue  du  Bois-de-Boulogne 120 

Rue  de  Presbour^,  villa  Saïd  et  villa  Dupont.  1 22 
Rue  Marbean,  villa  du  Redan,  boulevard 

Emile- Augier  et  rue  Rude 123 

Rue  Guichard  et  Compagnie  du  parc  Gui- 

chard 124 

Rue  Faustin-llélie,  rue  Delaroche,  roe  Des- 
bordes-Valmore  et  place  Possoz 125 

Boulevard  Flandrin  et  rue  Dufrénoy.  ...  126 
Rue  des  Bauches,  avenue  Montespan  et  rue 

Bénouville 127 

PontdeTAlma 128 

Avenue  de  TAlma  et  partie  de  la  place  de 

TAlma ,  .  129 

Avenue  du  Trocadéro,  avenue  Henri-Martin .  1 30 

Dépôt  des  Phares  et  rue  Villebois-Mareuil.  132 

Palais  du  Trocadéro 133 

Place  du  Trocadéro 135 

Fleuriste  de  la  Ville  de  Paris 136 

Square  Lamartine 137 

Avenue  Marceau  et  rue  des  Batailles  ...  139 

Avenue  d'Iéna 140 

Place  dléna  et  musée  Guimet 141 

Avenue  Kléber 142 

Rue  Mignard 144 

Impasse  de  Malakoff,  rue  Dumont-d*Urville 

et  rue  Lapérouse 145 


Pajçes. 
Rue  Herran,  rue  du  Général-Appert,  pelouses 

do  Ranelagh 146 

Avenue  Raphaël 148 

Avenoes  Prodhon  et  Ingres 149 

Rue  de  Freycinet 150 

Roe  de  Bassano  et  roe  HameUn 151 

Rue  de  Belloy  et  place  des  Etats-Unis.  .  .    152 

Rue  Mozart 153 

Impasse  Mozart,  rue  Largilliére,  villa  Herran 

et  villa  de  Longchamp 15  i 

Rue  Nitot,  rue  Le  Nôtre,  rue  Théry,  roe 

Debrousse  et  roe  Foucault 155 

Villa  de  la  Tour 156 

Rue  Fresnel  et  boulevard  Delessert ....    157 
Avenue  d'Eylau,  impasse  des  Prêtres,  me 

Chardin  et  passerelle  de  Passy 158 

Rues  G  alliera  et  de  Brignole  et  musée  Gal- 

liéra 159 

Rue  Berlioz 161 

Rue  Gnstave-Nadaud,  boulevard  Jnles-San- 
dean,  rues  Guy-de-Haupassant,  Edimond- 

About  et  Octave-Feuillet 163 

Rues  Eugène-Labiche,  de  Franqueville,  Cre- 
vaux,  Gustave-Courbet,  de  rÂmiral-Cour- 
bet,  Bogeaud,    Léonce-Revnaud  et  de 

Sfax ." 164 

Villa  Spontini,  rue  et  square  du  Bois-de- 
Boulogne,  villa  Michon,  rue  Léo-Delibes 

et  rue  de  Sontay 165 

Rues  Weber,  Yvon-de-Villarceau,  de  Siam, 
de  Lota,  Alboni  ;  avenues  Jules-Janin  et 
des  Chalets,  rues  Mérimée  et  de  Pomereu.    165 
Roes  Lalo,  Claude-Chahu,  Ponsard  et  de 
Villebois-Mareuil 166 


lU.  —  HISTOIRE  DES  RUES,  BOULEVARDS 
ET  AVENUES  D'AUTEUIL 

i»  Rues  d'auteuil  qui  existaient  en  1800 

Rue  d'Auteuil 168 

Ecole  normale  israélite  orientale 170 

Ecole  Jean-Baptiste-Say 172 

Place  d'Auteml 174 

Eglise  Notre-Dame  d*Autenil 176 

Rue  Rémusat 177 

Rues  Wilhem 'et  Narcisse- Diaz 178 

Rue  La  Fontaine 179 

Château  de  la  Tuilerie 181 

Hameau  Ijbl  Fontaine,  Hameau  Béranger  et 

Orphelinat  de  Tabbé  Roussel  et  rue  Gros.  182 

Rue  et  Hameau  Boileau 183 

Villa  Boileau 185 

Impasse  Boileau,  rue  Blanchon  et  Ecole  nor- 
male d'Auteuil 187 

Rue  et  place  des  Perchamps 188 

Rues  Verderet,  du  Buis  et  Ribéra 189 

Avenue  de  Versailles 190 

2^  Histoire  des  rues  étarues  a  auteuil 
depuis  1880  jusque  l*annexion 

Rues  de  Billancourt  et  Jouvenet 191 

Impasse  Jouvenet,  rues  Lancret  et  de  Musset.  192 

Rue  Pierre-Guérin 193 


TABLE    DES   MATIERES 


535 


Pfl^es. 

Pont  de  Grenelle,  chaussée  da  pont  et  rue 

Désaugiers 194 

Rue  de  la  Source,  rue  de  ia  Cure  et  rue  Jas- 
min   195 

Rue  Van-Loo  et  rue  Téoiers 197 

Quai  d'Auteuil 198 

Rue  Félicien-David 199 

Rue  François-Gérard 200 

Rue  de  TAssomption 201 

Lycée  Molière,  rue  Le  Marois,  rue  Claude - 

Lorrain 292 

Cimetière  d*Auteuil,  rue  Gndin,  boulevards 

Murât  et  Suchet 203 

Passage  Murât  et  villa  Montmorency  .  .  .  -204 
Roulevard  de  Montmorency,  rues  Géricauit, 

Poussin  et  Donizetti 205 

Rue  Chanex,  rue  des  Pâtures  et  rue  Benjamin 

Godard 206 

Avenue  Boudon  et  rue  George-Saod  ....  207 

3^  Rues,  boulevards  et  avenues  classés  a  au- 
teuil  pemdafft  les  quatre  dernières  années  du 
xix*  siècle. 

Rue  d'Erlanger 210 

Rues  Michel-Ançe,  de  Varize  et  de  Civry  .    211 
Rue  et  villa  Mohtor,  rue  et  pont  Mirabeau.    214 

Rue  Chardon-Lagache 215 

Maison  de  retraite  Chardon-Lagache  et  ins- 
titution de  Sainte-Périne 216 

Fondation  Rossini,  avenues  de  la  Réunion  et 
de  TErmitage  (villa  de  la  Réunion),  bou- 
levard Exelmans 217 

Rues  Girodet  et  Isabey 218 

Rues  Corot  et  Théophile-Gautier 219 

Rues  de  l'Yvette  et  Raffet 220 

Rues  du  Docteur-Blanche,  Dangeau,  Cham- 

fort  et  ruelle  de  la  Cure 221 

Rues  Daumier,  Antoine-Roucher,  Bosio  et 

avenue  Perrichot 222 

RnesBastien-Lepage  et  Henri-Heine  ;  Société 
des  habitations  ouvrières  de  Passy-Anteuil; 
avenues  de  la  Frillière  et  Jean-Dollfas; 
passages  Dietz-Moonin,  Emile-Meyer   et 

Cheysson 223 

Rues  François-Millet,  Chapu,  Leconte-de- 
Lisle,  Mignet,  des  Grandes-Papeteries, 
Pierre-Ducreux,  Auguste-Maquet  et  de 
la  Mission-Marchand ...  « 224 

IV.  —  OBSERVATIONS  SUR  LA  SITUA- 
TION ET  L'AVENIR  Di]  SEIZIEME 
ARRONDISSEMENT 225 

V.  —ANNEXES 

Reproduisant  divers  articles  insérés  dans  le 
«  Bulletin  de  la  société  historique  d'Auteuil 
KT  dk  Passy  »,  ainsi  qoe  la  copie  d* actes  concer- 
nant LE  XVI^  arrondissement. 

Une  coutume  de  l'ancien  village  de  Chaillot  233 
Deux  cents  ans  de  querelles  sur  le  nom  d'An- 

teuil 233 

I^  vieille  église  d'Auteuil 237 


Pages. 

Les  abbés  de  Sainte-Geneviève,  seigneurs 

d'Auteuil 244 

Liste  des  abbés  de  Sainte-Geneviève.  .  .  .    245 
Liste  des  curés  qui  ont  administré  la  pa- 
roisse d'Auteuil 247 

Liste  des  maires  d'Auteuil  et  liste  des  curés 

qui  ont  administré  la  paroisse  de  Passy.  248 
Liste  des  seigneurs  de  Passy,  des  maires  de 

Passy 249 

Liste  des  seisneurs  de  CbaiUot 250 

Maires  du  XyI"  arrondissement 251 

Notes  complémentaires  sur  les  seigneurs  de 

Passyet  de  Chaillot 251 

Charte  primordiale  d'Auteuil 252 

Philippe  de  Commines  et  le  maréchal  de  Bas- 

sompierre 253 

Paris  depuis  ses  origines  jusqu'à  nos  jours  ,    256 
Souvenirs  anglais  sur  Chaillot  et  le  bois  de 

Boulogne 257 

Le  monastère  royal  de  la  Visitation  de  Chail* 

lot  (1651-1704) 260 

La  manufacture  de  tapis  de  la  Savonnerie  .    273 

Louis  XIII  au  XVI*  arrondissement 277 

Lycée  Janson-de-Sail1y  (distribution  des  prix 

du  28  juillet  1892) 279 

Fondation  de  la  paroisse  de  Passy 280 

Le  chAteau  seigneurial   de  Passy  sous  le 

règne  de  M.  de  la  Pooplinlère 284 

LaTouràPassy  et  àAuteuil 287 

Jean- Jacques  à  la  fête  de  Passy 288 

Madame  de  Genlis  (1746-1830) 2X8 

Le  château  de  la  Muette 295 

Mort  de  la  duchesse  deBerry  à  la  Muette  .    299 
Les  quatre  gouverneurs  du  château  royal  de 

la  Muette 300 

Chaussée  de  la  Muette,  à  Passy  (personnages 

qui  y  ont  résidé) 303 

La  biche  du  roi 304 

Projet  de  reconstruction  du  château  de  la 

Muette 304 

Cérémonie  de   révérences  de  deuil   à    la 

Muette  en  1774 304 

L'édit  de  la  Muette  et  les  différents  séjours  de 

la  cour  de  Louis  XVI  au  château  de  ce  nom  305 
\je  premier  voyage  aérien  (21  octobre  1783)  308 
Vente  des  biens  nationaux  de  notre  région 

sous  la  Révolution 309 

Jean-Jacques  Rousseau  à  Passy  et  au  bois  de 

Roulogne 310 

Le  bal  du  Ranelagh 310 

Documents  inédits  sur  Racine 311 

Racine  et  sa  famille  à  Auteuil 312 

Aspect  général,  en  1717,  de  la  boucle  de  la 
Seine  qui  renferme  Auteuil  et  Passy  .  .    3i3 

Audinot  au  Ranelagh 314 

Passy  et  Chaillot  souterrains 314 

Les  carrières  et  le  soos-sol  du  XVI*  arron- 
dissement           ...    316 

Nos  anciennes  barrières 324 

Extrait  d'une  brochure  intitulée  :  Extension 
des  limites  de  Paris,  communiquée  par 
M.  Ranche  â  la  Société  historique  d'Au- 
teuil et  de  Passer  (loi  du  16  juin  1859,or- 
donnant  l'annexion  des  communes  subur- 
baines) ;  limites  des  quatre  quartiers  du 
XVI*  arrondissement 332 


ACHEVÉ    D'IMPRIMER 


PAR 


MM.    E.    ARRAULT    ET   C" 


Imprimeurs   à  Tours 


Le   4  5   Novembre    1902. 


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